M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant d’en venir au projet de loi de finances pour 2013 lui-même, permettez-moi de déplorer que les multiples projets de loi de finances que nous avons examinés récemment aient été autant d’occasions manquées de nous retrouver.
Je le rappelle en effet, le projet de loi de finances rectificative que nous avons examiné en juillet 2012 peut être qualifié de « texte de déconstruction » des mesures votées sous la précédente législature : suppression des exonérations de charges sociales et fiscales ; suppression de la « TVA compétitivité », et le tout avec 3 milliards d’euros d’impôts supplémentaires pour les entreprises !
Le projet de loi de programmation des finances publiques, que le Sénat a récemment rejeté, confirmait ces fortes augmentations de prélèvements sur les entreprises.
Quant au projet de loi de finances pour 2013 que nous allons examiner, il va dans le même sens, puisqu’il prévoit une augmentation des recettes de 20 milliards d’euros, dont 10 milliards d’euros prélevés sur les entreprises.
Cela étant, après l’adoption du présent projet de loi de finances en conseil des ministres, le Gouvernement, à la suite de la publication du rapport Gallois, a découvert la nécessité de la compétitivité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est son chemin de Damas !
M. Albéric de Montgolfier. Nous venons d’apprendre qu’il allait déposer des amendements dans le cadre du collectif budgétaire de fin d’année afin d’y intégrer dès maintenant le crédit d’impôt au profit des entreprises.
Cette politique d’aller-retour, de volte-face budgétaire et fiscale, est très difficilement compréhensible.
S’il était en effet urgent d’agir en faveur de la compétitivité, comme nous le pensons, il aurait été plus efficace de ne pas revenir sur les mesures adoptées sous la précédente législature. Plus exactement, il aurait été plus lisible de les intégrer dans le projet de loi de finances pour 2013. Tel n’est pas le cas.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’utilité d’examiner ce projet de loi de finances au moment même où l’Assemblée nationale se prépare à le contredire en adoptant dans le collectif les mesures nouvelles sur la compétitivité. Comprenne qui pourra…
Le premier projet de loi de finances du quinquennat de François Hollande est donc une nouvelle occasion manquée de nous retrouver, au-delà de nos divergences politiques, sur l’essentiel, au nom de l’intérêt général.
L’essentiel tient à deux choses : l’objectif que l’on s’assigne, mais aussi la trajectoire qui permettra de l’atteindre. L’objectif, nous le partageons, car c’est bien le retour à l’équilibre de nos comptes publics et à 3 % de déficit public en 2013. La trajectoire, elle, se définit comme la répartition de l’effort entre économies de dépenses et nouvelles recettes, dans un contexte de croissance donné, afin de dégager les moyens financiers nécessaires pour parvenir à la réduction du déficit escomptée.
Le choix des recettes fiscales proposées et des réductions de dépenses envisagées aurait sans doute appelé de notre part des critiques, mais nous aurions pu nous retrouver sur l’équilibre proposé. Malheureusement, tel n’est pas non plus le cas.
Vous avez décidé de ne suivre ni la Cour des comptes, ni l’Inspection générale des finances ni la Commission européenne, qui, dans leurs rapports, vous recommandaient de réduire avant tout la dépense publique.
Les 10 milliards d’euros d’économies de dépenses que vous proposez ne représentent qu’un tiers seulement de l’effort global, alors que les rapports précités préconisaient un effort de 50 % au minimum.
Nos concitoyens sont bien plus lucides que le Gouvernement : dans le sondage du 28 septembre dernier réalisé par l’IFOP pour Acteurs publics, 78 % des Français jugent en effet que, pour ramener les comptes de l’État à l’équilibre, l’effort doit porter avant tout sur la réduction des dépenses publiques.
Certes, vous prévoyez dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques que nous avons rejeté un effort plus important à compter de 2014. Le Président de la République évoque maintenant – enfin ! – plus de 60 milliards d’euros d’économies sur cinq ans.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cinquante–cinquante !
M. Albéric de Montgolfier. Mais, monsieur le rapporteur général, pourquoi attendre ?
À cette question lancinante la réponse semble malheureusement claire : pour arriver au pouvoir, vous avez dû faire des promesses que vous saviez inadéquates, mais sans doute fructueuses en termes électoraux. Puis, pour échapper à la critique, vous avez fait le choix de tenir vos promesses. Sur la forme, il est louable de tenir ses promesses, mais, sur le fond, en la circonstance, cela pose problème.
En effet, la première étape consista, d’une part, à détricoter l’ensemble des mesures emblématiques du précédent quinquennat, quand bien même elles eussent pu être vertueuses, et, d’autre part, à augmenter des dépenses pour répondre à vos électeurs : augmentation du nombre de fonctionnaires, remise en cause partielle de la réforme des retraites, revalorisation du SMIC et de l’allocation de rentrée scolaire, baisse de la TVA sur le livre et le spectacle vivant.
M. François Rebsamen. Ce sont des mesures de justice !
M. Albéric de Montgolfier. Ce choix perdure dans le projet de budget pour 2013 : augmentation d’effectifs dans certains corps de la fonction publique, exemption de l’outre-mer de l’effort global de réduction des niches fiscales, stigmatisation des Français les plus fortunés et des grandes entreprises.
Pour autant, vous restez prisonniers à la fois d’une majorité et de promesses électorales qui ne résistent pas à l’épreuve de la réalité économique, et elle pèse sur la prise de décision.
La réalité budgétaire est que le choc, pour ne pas dire le matraquage fiscal, imposé aux plus fortunés et aux grandes entreprises ne suffira pas à rééquilibrer nos comptes. C’est pourquoi la hausse de la fiscalité, et vous le savez, impacte également les classes moyennes et les PME-TPE.
La réalité économique est que la compétitivité est aussi une affaire de coût du travail. Diminuer ce coût passe, là encore, par la TVA. Sur ce sujet également, on assiste à un revirement du Gouvernement qui est tout à fait éclairant. Quelques mois seulement après avoir supprimé la « TVA compétitivité », il propose l’augmentation prochaine de la TVA, augmentation que François Hollande avait pourtant qualifiée d’« injuste » durant sa campagne électorale. Je rappelle également que, le 26 septembre dernier, le Premier ministre affirmait lui aussi qu’il ne toucherait pas à la TVA.
Le Gouvernement a-t-il donc besoin d’un rapport pour avoir une vision claire des réformes à mener, des choix économiques nécessaires et des décisions à prendre pour améliorer notre compétitivité ? Il n’était pourtant nul besoin d’attendre les conclusions du rapport Gallois pour connaître les réponses à apporter pour relever le défi de la compétitivité !
Le Gouvernement nous explique, comme cela est indiqué dans le rapport Gallois, que la compétitivité n’est pas seulement une affaire de baisse des charges. C’est un point sur lequel nous sommes d’accord : nous n’avons jamais dit autre chose.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Que ne l’avez-vous fait !
M. Albéric de Montgolfier. Les autres facteurs de compétitivité sont bien l’innovation et la recherche. Là encore, comme pour la « TVA compétitivité », nous avions agi ! À cet égard, je rappelle, puisque M. le rapporteur général m’interpelle, le renforcement du crédit d’impôt recherche, l’ISF-PME, que vous avez finalement heureusement décidé de conserver, les pôles de compétitivité, les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir financés par le Grand emprunt, l’effort consenti en faveur des budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’autonomie des universités. Toutes ces mesures sont à mettre au crédit de l’ancien gouvernement.
Nous sommes au début d’un quinquennat, ce qui devrait être l’occasion de mettre en œuvre des réformes structurelles. Or vous avez fait l’inverse : vous avez reporté, voire remis en cause des réformes de structure, puis vous avez décidé d’augmenter les dépenses et d’accroître la pression fiscale, ce qui sera contre-productif.
Je le rappelle, il y a très exactement un an, l’ensemble de la gauche parlementaire avait poussé des cris d’orfraie, quand il s’était agi de réduire les dotations aux collectivités territoriales de seulement 200 millions d’euros, dans le cadre du plan Fillon de réduction des dépenses. Aujourd’hui, le Gouvernement annonce un effort de réduction de ces mêmes dotations de plus de 2 milliards d’euros, d’ici à 2015 !
Il est vrai que, à l’époque, nous étions à la veille du congrès des maires de France. Nous sommes, cet après-midi, au lendemain du même congrès, si j’en crois les tribunes vides !
Si l’objectif du présent projet de loi de finances – réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013 – semble clair sur le papier, les possibilités qu’il trouve une concrétisation sont beaucoup plus floues.
Il semble inatteignable, en effet, en raison des faibles économies sur les dépenses que le Gouvernement propose, et cela se traduit par un véritable choc fiscal au détriment du pouvoir d’achat de nos concitoyens, donc de la consommation, mais aussi au détriment des entreprises, ce qui va freiner leurs investissements, donc les embauches.
M. François Rebsamen. Ce n’est pas ce que l’on a vu ce trimestre !
M. Albéric de Montgolfier. Très concrètement, depuis septembre, alors que 9 millions de Français ont été touchés par la fiscalisation des heures supplémentaires, que 12 millions ont été concernés par la suppression de l’avantage du forfait social, les nouvelles mesures vont affecter très directement le pouvoir d’achat des Français, les plus fortunés comme les autres, et pas seulement celles qui sont contenues dans le présent projet de loi de finances : n’oublions pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les 7 millions de retraités dont le prélèvement social va doubler.
En définitive, le projet de budget pour 2013 risque donc de se traduire par une moindre consommation des ménages, déjà très lourdement taxés, et par un ralentissement du développement et des investissements des entreprises. Alors qu’elles demeurent un moteur essentiel de la croissance, nos entreprises seront trop fortement imposées et gravement impactées par l’alourdissement de leur fiscalité.
Or vous n’êtes pas sans savoir que le coût du travail en France est déjà l’un des plus élevés. Tous les rapports le disent, y compris les plus récents.
Mais le Gouvernement fait les choses à l’envers : au lieu de maintenir la « TVA compétitivité », qui aurait rapporté 13 milliards d’euros et permis de taxer les importations, il a fait le choix de taxer les entreprises à hauteur du même montant ! En effet, après les 3 milliards d’euros votés dans le cadre du collectif budgétaire de juillet, ce sont 10 milliards d’euros supplémentaires que le présent projet de loi de finances prévoit.
On peut, enfin, s’interroger sur la sincérité d’un budget dont les hypothèses macroéconomiques sont caduques et qui n’intègre pas, le président de la commission des finances l’a évoqué, la créance des entreprises au titre du crédit d’impôt, que vous reportez sur les années suivantes.
Je rappelle que le présent projet de loi de finances repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 %, alors même que la Commission européenne table d’ores et déjà sur une prévision de croissance de 0,4 % seulement. Le Gouvernement, nous le savons, ne pourra pas tenir l’objectif de 3 % de déficit en 2013 sans un nouveau plan de rigueur, enclenchant alors un cercle vicieux.
En résumé, le Gouvernement commet ici une très grave erreur, car il résultera de ce projet de budget pour 2013 un véritable choc fiscal du fait d’un trop faible effort sur les dépenses, auquel il faut ajouter, plus largement, le report des réformes structurelles en faveur de la compétitivité et de la flexibilité du marché du travail, notamment.
Une grave erreur en effet, là où l’on attendait une réponse appropriée face à la dégradation de la note souveraine de la France par l’agence Moody’s, intervenue il y a trois jours, pour les raisons que je viens d’évoquer.
Puisqu’il est aujourd’hui beaucoup question de l’Allemagne, je rappellerai que, le 31 octobre dernier, l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, social-démocrate, n’a pas caché sa consternation quand il a affirmé : « Les promesses de campagne du président français finiront par se fracasser sur le mur des réalités économiques ». Et d’ajouter : « Deux ou trois mauvais signaux et nos amis Français seront rattrapés par les réalités ».
Monsieur le ministre, les réalités nous rattrapent déjà. Il est temps de se ressaisir et d’accepter la modification du présent projet de budget, sans attendre, donc, de futurs et douloureux collectifs budgétaires. Le groupe UMP défendra des amendements en ce sens.
Nous vous y avions invités il y a quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, nous vous le répétons aujourd’hui : il faut revoir votre copie. À défaut, le groupe UMP s’opposera fermement au projet de loi de finances, tel qu’il nous arrive de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. le président de la commission des finances et M. Jean Arthuis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ah ! le ton va changer et l’optimisme revenir !
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’orateur précédent nous a confirmé ce que nous avions bien compris depuis le 28 septembre dernier : le présent projet de loi de finances ne lui plaît pas assez, car il augmente trop les impôts et ne diminue pas assez les dépenses publiques.
M. Albéric de Montgolfier. Vous avez bien entendu !
M. Roland du Luart. Exactement !
M. François Rebsamen. D’autres concluront à peu près de même, mais avec des arguments opposés : le présent projet de loi de finances ne leur plaît pas, car il n’augmente pas assez les recettes et baisse trop les dépenses.
Ce projet de loi de finances, finalement, ne plaît pas du tout aux uns, c’est une certitude, et pas assez aux autres, à ce qu’il semble ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Ça, c’est sûr !
M. François Rebsamen. Mais, monsieur le ministre, ce texte nous convient parfaitement, à nous, socialistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Ah ! sur les travées de l’UMP.) Mieux, nous le revendiquons !
M. Albéric de Montgolfier. Votez conforme, alors !
M. François Rebsamen. « Gouverner, ce n’est pas plaire », disait l’un de nos illustres prédécesseurs sur ces travées, François Mitterrand.
M. Francis Delattre. Non, gouverner, c’est prévoir !
M. François Rebsamen. Certes, l’adhésion à nos projets nous importe. Mais nous faisons aujourd’hui ce que nous avions annoncé, et c’est en connaissance de cause que les Français nous ont accordé leur confiance. Forts de ce soutien, nous ne cherchons ni à séduire ni à nous livrer à de la surenchère permanente. Bien plutôt, nous pensons que gouverner – et cela va vous faire plaisir ! –, c’est choisir.
C’est ce que nous faisons, et nous assumons nos choix !
M. François Rebsamen. Notre choix, en matière économique, budgétaire et fiscale, ce choix que nous avons défendu ensemble au Sénat depuis plus d’un an, que François Hollande a porté tout au long de la campagne présidentielle et que le Gouvernement met aujourd’hui en œuvre, c’est celui de la justice et de l’équilibre.
Cet équilibre ne doit pas seulement être budgétaire, même si l’engagement du Gouvernement et de la majorité parlementaire est clair sur ce point. Contrairement à ce que j’ai parfois entendu, d’ailleurs, sachez que le déficit budgétaire aurait dérapé encore une fois si nous n’étions pas arrivés au pouvoir. Notre politique, mes chers collègues, fait le choix d’un effort fiscal et budgétaire justement réparti, selon les moyens et les besoins de chacun, ménages, entreprises et administrations, afin d’assurer à la fois l’équilibre social et l’équilibre économique.
Pour assurer d’abord l’équilibre social et mettre un terme aux distorsions que dix ans de gouvernement de droite ont introduites dans la progressivité de l’impôt sur le revenu, nous devons refaire de l’imposition au barème le principe pour les revenus du capital, rendre à l’ISF sa force et sa progressivité – sur ce point, des efforts restent à faire –, et concentrer l’effort fiscal sur les ménages les plus aisés, que la précédente majorité n’a eu de cesse d’exonérer ! (M. Francis Delattre s’exclame.)
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. François Rebsamen. C’est pour cela que nous soutenons le Gouvernement lorsqu’il intègre les revenus du capital pour les soumettre au barème de l’impôt sur le revenu. En quoi les dividendes et les intérêts, perçus régulièrement comme la contrepartie d’un capital mis à disposition, sont-ils fondamentalement différents d’un salaire, perçu régulièrement comme la contrepartie d’un travail mis à disposition ?
M. Roland du Luart. Le capital est déjà imposé !
M. Gérard Longuet. Parce que le capital a déjà été taxé !
M. Francis Delattre. C’est la double peine !
M. Gérard Longuet. Faites donc un peu d’économie, de temps en temps !
M. François Rebsamen. Lorsqu’on cède une entreprise, la plus-value réalisée n’est-elle pas la rétribution d’un travail et d’un capital mis en œuvre pour développer l’entreprise ? Les actions gratuites, comme l’épargne salariale, ne sont-elles pas des alternatives au salaire ?
Il était donc juste et légitime de les soumettre au barème de l’impôt sur le revenu, au même titre que les salaires. Il est également juste et légitime de prendre en compte la durée de détention des titres, afin de récompenser l’investissement patient et productif, qui laisse aux entreprises le temps et les fonds nécessaires à leur développement. (M. Gérard Longuet proteste.)
Le présent projet de loi de finances fait aussi le choix d’un équilibre économique s’articulant autour de deux axes principaux. Il tend, en effet, à inciter à l’investissement plutôt qu’à la distribution des dividendes, et à rapprocher l’imposition effective des grandes entreprises de celle des PME.
Certains pourraient considérer que, en nous abstenant de demander plus à l’ensemble des entreprises et des entrepreneurs, nous faisons des concessions excessives et injustifiées. Pourtant, si nous agissons ainsi, c’est parce que de telles distinctions nous semblent nécessaires au développement de notre économie, de l’investissement, de l’innovation et de l’emploi, à un développement réel donc, et non pas simplement financier, fondé, lui, sur la maximisation du profit.
Voilà pourquoi les dispositions proposées par le Gouvernement prévoient des régimes dérogatoires : ce ne sont, en aucun cas, je l’affirme avec force, des concessions fiscales, c’est plutôt un soutien assumé et nécessaire aux PME, aux entrepreneurs qui innovent et à ceux qui les soutiennent sur la durée.
À la droite de l’hémicycle, on nous accuse d’être des idéologues, au motif que tout impôt serait une pression indue sur les entreprises et qu’il ne devrait, en aucun cas, sanctionner des comportements afin d’inciter à de meilleures pratiques. Pour la droite, chers collègues, le seul comportement légitime face à l’impôt serait l’optimisation fiscale,…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. François Rebsamen. … et le Gouvernement aurait le devoir d’y inciter, en donnant à certaines entreprises tous les moyens pour la pratiquer.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. François Rebsamen. Or c’est l’optimisation qui a conduit aux inégalités criantes que nous constatons aujourd’hui entre les PME et les grandes entreprises, à la multiplication des niches – elles ont coûté bien cher aux finances publiques –,…
M. Éric Doligé. Les niches DOM ?
M. François Rebsamen. … ainsi qu’à la circulation obscure et improductive des capitaux.
Les mesures proposées par le Gouvernement s’inscrivent dans la lignée de celles qui ont été adoptées en juillet dernier. À travers elles, nous défendons non seulement une vision de l’impôt, mais aussi une vision de l’économie : les entreprises se renforceront en investissant, et en se dotant de capitaux propres.
Lorsque des entreprises ou des particuliers se lancent dans le développement d’un projet économique, il est tout à fait juste de prendre en compte le temps du développement de ce projet.
Cet équilibre social et cet équilibre économique, nous les assumons. Nous les pensons opportuns et nous les savons nécessaires au redressement des comptes publics, à la justice sociale et au dynamisme de notre économie.
Nous entendons les critiques. Je n’irai pas jusqu’à dire que les critiques des uns annulent celles des autres (L’orateur désigne tour à tour la droite et la gauche de l’hémicycle.), ni que la vérité se trouve à équidistance. En revanche, je le revendique avec force avec le groupe socialiste, ce budget est un budget de gauche, comme rarement budget l’a été. De même, les amendements que nous défendrons ces prochains jours seront des amendements de gauche.
M. Francis Delattre. Ah !
M. François Rebsamen. Je le dis clairement, laisser croître l’ensemble de la dépense publique n’est pas la seule façon de mener une politique de gauche : préparer l’avenir, ce n’est pas nécessairement maintenir le statu quo, qui pourrait à terme priver l’État de tout moyen d’action, voire de son indépendance. Ce n’est certes pas ce qui a été dit par certains orateurs, mais je tire le fil des propos que j’ai entendus.
Préparer l’avenir, au contraire, c’est s’assurer des marges de manœuvre de long terme pour garantir la souveraineté budgétaire de notre pays et éviter d’être sanctionné non seulement par les agences de notation, mais aussi et surtout par le déclin. Comme l’a dit le Président de la République, « le déclin n’est pas notre destin ».
M. Serge Dassault. C’est vrai !
M. François Rebsamen. Tout ne peut pas passer par l’impôt : l’effort que nous demandons aux Français est certes important, mais il est équitablement réparti et il répare dix ans d’injustice.
M. François Rebsamen. Nous nous refusons à prendre un quelconque risque social et économique aujourd’hui.
Chers collègues de la précédente majorité, il est un peu facile de se poser en défenseur tout à la fois des classes populaires, des classes moyennes et des classes aisées, en promoteur des PME et des grandes entreprises.
M. Albéric de Montgolfier. Et des pigeons !
M. François Rebsamen. Il faut choisir ! On ne peut prétendre défendre l’intérêt de tous et s’opposer à chacune de nos propositions.
La droite prétend que son bilan est bon, et que la fiscalité qu’elle a établie ne doit en rien être modifiée. Or, pendant dix ans, sa politique, dont nous prenons l’exact contre-pied, consistait à favoriser ceux qui avaient beaucoup au détriment de ceux qui avaient peu, de ceux qui avaient moins.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Francis Delattre. C’est un peu binaire !
M. François Rebsamen. Cette méthode a fait la preuve de son inefficacité économique et, surtout, de son injustice. C’est bien pour cela que les Français vous ont retiré leur confiance, et ils ont eu raison.
La situation de la France, le chômage, la dette, les déficits que vous nous laissez en sont malheureusement la preuve.
Mes chers collègues, nous ne cherchons aucune revanche, nous voulons l’équilibre et la justice, nous traçons une autre voie.
C’est parce qu’il pense que ce budget est juste, qu’il est de gauche et qu’il répond aux exigences de la situation de notre pays que le groupe socialiste le votera, et j’appelle solennellement l’ensemble de la majorité sénatoriale à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Éric Doligé. De quelle majorité parlez-vous ?...