M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la présidente de la délégation, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, la Haute Assemblée est aujourd’hui saisie d’un projet de loi dont je me réjouis qu’il mette la politique des droits des femmes au cœur des priorités du Gouvernement.
Au cours du siècle dernier, de nombreuses étapes ont été franchies en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je veux ici rendre hommage à toutes ces femmes qui se sont battues durant des années, des siècles même, pour obtenir l’égalité, une égalité de droits, une reconnaissance d’un statut social égal ou encore une véritable liberté, par exemple celle de s’affranchir de l’autorité du mari ou de disposer de son corps.
Je pense en particulier à ces militantes courageuses et déterminées qui ont œuvré pour une véritable égalité sur le plan civique, certaines, comme Jeanne Valbot, allant jusqu’à s’enchaîner dans les tribunes de cet hémicycle. Elles ont obtenu finalement la reconnaissance du droit de vote pour les femmes, un suffrage véritablement universel à la Libération, étape évidemment essentielle.
Vinrent ensuite les droits économiques et sociaux des années soixante-dix et quatre-vingt. La légalisation de l’interruption volontaire de grossesse avec la loi Veil de 1975 fut l’une des réformes de société les plus importantes de notre République et la consécration de l’une des libertés les plus précieuses de la femme.
Trente années après la loi Roudy du 13 juillet 1983 concernant l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la pratique révèle que le chemin est encore long pour atteindre une situation satisfaisante en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans notre société.
De fait, si les inégalités les plus visibles semblent avoir aujourd’hui diminué, elles sont devenues plus insidieuses. La question se pose donc de savoir quelle réponse serait la plus adaptée pour lutter contre celles qui demeurent.
La loi n’est certes pas le seul instrument pour mettre en place ce que l’on peut considérer comme une troisième génération des droits des femmes. Il est avant tout nécessaire d’assurer l’effectivité des droits acquis en effectuant un véritable travail d’éducation et de changement des mentalités et des comportements pour agir de manière durable sur la racine des inégalités.
Cependant, force est de constater que certaines évolutions législatives demeurent indispensables.
La détermination du Président de la République et du Gouvernement et l’engagement personnel de Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour rendre enfin possible une égalité réelle et pérenne entre femmes et hommes sont concrétisés par le présent projet de loi. Annoncé par le Président de la République à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2013, il est le fruit d’un travail de concertation de longue haleine avec les partenaires sociaux et les représentants de la société civile, selon la méthode faisant l’honneur de ce gouvernement, qui privilégie le consensus social sur chaque texte important.
Il s’agit d’un texte audacieux et pragmatique visant à répondre de manière concrète aux problèmes qui maintiennent les femmes, à tous les niveaux de notre société, en situation d’inégalité.
Madame la ministre, je veux saluer les mérites de ce texte, son originalité, qui tient à une large concertation, à la volonté de traduire l’objectif de parité dans la vie réelle de nos concitoyens, à une approche globale, transversale, dans laquelle doivent s’impliquer toutes les autorités publiques, enfin à une préoccupation de formation des intervenants.
Ce texte, bâti autour de quatre titres, nous permet d’espérer que les inégalités, les clichés et les stéréotypes ne soient plus, un jour prochain, qu’une trop longue erreur appartenant à l’Histoire.
L’article 1er pose le principe d’une approche intégrée pour la mise en œuvre d’une politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, cela à tous les échelons de l’action publique, que ce soit au niveau de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics.
Ensuite, le titre Ier de ce projet de loi a l’ambition de favoriser la mise en œuvre de cette politique de l’égalité dans la vie professionnelle avec une mesure emblématique et incitative de réforme du congé parental visant à favoriser le partage du congé par les deux parents.
Cette réforme du complément de libre choix d’activité, renommé « prestation partagée d’accueil de l’enfant », sur l’initiative de la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, consistera, pour les familles avec un seul enfant, en six mois supplémentaires pour le second parent, qui s’ajouteront aux six mois actuels déjà prévus par le code de la sécurité sociale. Et pour les familles avec deux enfants et plus, qui choisissent une interruption d’activité de trois ans, six mois seront réservés au second parent.
Il s’agit là d’accroître le niveau de retour à l’emploi des femmes, en favorisant un meilleur partage des responsabilités parentales. Toutefois, cette réforme ne prendra tout son sens qu’avec le progrès réel et rapide de l’égalité salariale et le renforcement de l’offre d’accueil de la petite enfance, annoncé par le Premier ministre le 3 juin dernier, avec 275 000 nouvelles solutions d’accueil sur cinq ans.
Une autre mesure forte vise à interdire aux personnes ayant été condamnées pour des motifs liés à la discrimination et au non-respect des dispositions prévues par le code du travail en matière d’égalité professionnelle de soumissionner les marchés publics.
Le régime de protection du contrat de collaboration libérale est lui aussi amélioré en préservant la continuité du contrat pendant les congés de maternité et de paternité.
Sur la proposition de notre collègue René Teulade, le groupe socialiste défendra deux amendements fortement symboliques, mais aussi très concrets, pour favoriser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces amendements tendent à reprendre les dispositions principales de la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, adoptée le 16 février 2012 par le Sénat, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Le premier amendement vise à ce que les entreprises qui, au 1er janvier 2015, ne seraient pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ne puissent bénéficier de réductions de cotisations sociales ni de réductions d’impôt.
Le second amendement tend à imposer la transmission par l’employeur à l’inspecteur du travail, du rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes ainsi que de l’avis du comité d’entreprise, sous peine de pénalité financière.
Il ne s’agit ni plus ni moins que de permettre l’application de la loi, pour laquelle, malheureusement, trop d’entreprises tardent encore. Je sais, madame la ministre, que nous reviendrons sur ce sujet qui a été au cœur de la concertation avec les partenaires sociaux.
Le titre II traite de la lutte contre la précarité, qui malheureusement touche de plus en plus de femmes. Il vise à créer progressivement une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires, en fixant un montant de pension alimentaire minimal et en renforçant les dispositifs de recouvrement sur les débiteurs défaillants.
M. Jean Besson. C’est important !
Mme Catherine Tasca. Le titre III vise à renforcer la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité, un sujet sur lequel le Sénat s’est depuis longtemps investi, notamment sur l’initiative de notre collègue Roland Courteau.
Le texte renforce le dispositif de l’ordonnance de protection, afin que celle-ci puisse être délivrée dans les meilleurs délais. Il fait prévaloir le maintien de la victime dans le logement du couple et porte de quatre à six mois la durée maximale de cette ordonnance.
Sur l’initiative de notre rapporteur, dont je tiens à souligner l’excellence du travail, notre commission a apporté des améliorations à ce dispositif, accordant une protection particulière aux enfants, victimes collatérales des violences faites aux femmes, et en donnant au ministère public la capacité de prendre toutes dispositions de protection appropriées à leur égard.
J’ai par ailleurs défendu en commission, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à ce que le juge aux affaires familiales recueille l’avis de la victime quant à l’opportunité d’organiser des auditions séparées des parties, et à ce que ces auditions se tiennent à huis clos.
Notre rapporteur a également permis de renforcer la protection qui entoure le mécanisme de médiation pénale, en posant le principe de l’impossibilité, sauf circonstances particulières, de recourir à une seconde médiation pénale en cas de faits de violences renouvelés. Elle a également créé une obligation générale de formation des professionnels impliqués dans la prévention, la détection et la répression des violences.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel étant désormais chargé de veiller à une juste représentation des femmes et à une meilleure image de celles-ci dans les programmes audiovisuels, je présenterai, au nom du groupe socialiste, un amendement afin que le CSA porte une attention particulière, de ce point de vue, aux programmes destinés à l’enfance et à la jeunesse.
La commission des lois a adopté deux amendements, l’un tendant à pénaliser le fait d’enregistrer et de diffuser des images relatives à des faits de harcèlement sexuel, et l’autre visant à permettre le signalement d’images relatives à des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne diffusées sur Internet.
Enfin, le titre IV du projet de loi cible la mise en œuvre de l’objectif constitutionnel de parité. Il renforce la réduction du montant attribué pour le remboursement des frais de campagne pour les partis ne respectant pas la parité aux élections, notre commission ayant accru les sanctions.
Plusieurs dispositions ont pour vocation, grâce à un amendement du groupe socialiste que notre commission a adopté, de favoriser l’émergence de la parité dans les instances de gouvernance des fédérations sportives, des établissements publics industriels et commerciaux, des chambres de commerce et d’industrie et des chambres d’agriculture, mais aussi dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est donc un texte très riche de mesures diverses, un texte fort et cohérent au service de l’égalité réelle, concrète, entre les femmes et les hommes. Il prend en compte les mutations profondes de notre société – les femmes au travail, l’instabilité des couples, les familles monoparentales, la montée des violences –, mutations confrontées aux résistances culturelles de notre société.
C’est un texte de progrès manifeste qui, j’en suis convaincue, va répondre aux attentes légitimes des femmes, mais aussi à celles de tous ceux qui aspirent à une société plus harmonieuse et à un partage équitable des responsabilités, ce qui est au cœur de notre politique.
Le groupe socialiste accordera donc tout son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, on aurait pu penser que, en 2013, nous n’aurions plus à nous saisir d’un texte sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
On aurait pu penser que, en 2013, l’égalité salariale serait acquise, que les femmes en situation de vulnérabilité n’auraient plus à souffrir de précarité, que les stéréotypes sexistes seraient de l’histoire ancienne et que les violences faites aux femmes, notamment dans leur vie privée, ne seraient que mauvais souvenirs. Mais voilà, bien que nous ayons fait avancer les droits des femmes et lutté contre les violences à leur encontre au cours de ces dernières années, la réalité est tout autre. En droit, l’égalité paraît acquise ; dans les faits, elle reste à conquérir.
Je n’insiste pas sur cette réalité, qui a été largement détaillée par les précédents intervenants. Ce combat pour l’égalité s’impose à tous, parce que les inégalités se retrouvent partout où l’ignorance subsiste, partout où la loi ne s’applique pas, partout où les stéréotypes persistent, perdurent et s’amplifient.
Pourquoi une femme devrait-elle sacrifier sa vie professionnelle ? Pourquoi prendrait-elle en charge 75 % des tâches domestiques ? Pourquoi les femmes devraient-elles continuer à occuper 80 % des temps partiels et accepter des salaires inférieurs à ceux des hommes ? Comment donc ne pas se réjouir que les droits des femmes soient redevenus une priorité politique, grâce à vous, madame la ministre ?
Vous avez mille fois raison d’affirmer que, en dépit d’indéniables progrès et malgré les textes internationaux ou encore les modifications de notre législation, l’égalité reste encore, de nos jours, « un champ de conquête ».
Vous avez raison de souligner que cette conquête ne pourra se faire que si elle implique la société française dans son ensemble, et aussi bien les hommes que les femmes.
Dès lors, comment ne pas apprécier que ce projet de loi soit le premier à aborder l’égalité, dans toutes ses dimensions, qu’il soit entièrement tourné vers l’effectivité des droits et s’inscrive pleinement en complément de nombreux textes qui, sous votre impulsion et celle du Gouvernement, vont faire progresser l’égalité.
Je reprendrai volontiers des propos tenus par ailleurs et selon lesquels « ni la reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes comme principe républicain » ni « l’adoption de lois spécifiques pour lutter contre les inégalités et discriminations sexistes [n’ont pu suffire] à rendre effective l’égalité », « faute d’une approche globale et systémique des inégalités et discriminations sexistes, de diagnostics de ces dernières, faute d’évaluation de leur impact différencié sur les femmes et les hommes, faute d’implication de l’ensemble de la société, et en raison de la persistance des stéréotypes sexistes tant dans les comportements que dans les discours ».
Je salue donc ce texte, madame la ministre.
Ainsi, la réforme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes proposée prend-elle en compte la nécessaire modification des comportements en incitant les pères à recourir à cette possibilité et en permettant ainsi un partage plus équilibré des responsabilités parentales, ce qui permettra d’accroître le niveau d’emploi des femmes.
Je ferai une suggestion : il faudrait mieux rémunérer le congé, faute de quoi ce sera celui qui gagne le moins qui prendra le congé, c’est-à-dire la femme dans la plupart des cas. Néanmoins, il conviendrait aussi d’allonger encore le congé de paternité.
J’apprécie aussi, concernant le recouvrement des pensions alimentaires, que vous lanciez cette expérimentation sur le renforcement des mécanismes des garanties de l’existant. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir répondu aux besoins de ces femmes. Sachant que le non-paiement de la pension alimentaire est presque un sport national, c’est là un signe fort de justice sociale. Bravo !
Je ne reprendrai pas l’ensemble des mesures proposées par ce texte majeur, faute de temps.
Concernant la lutte contre les stéréotypes sexistes, je ne peux que regretter que certaines dispositions que nous avions fait adopter ici-même, dans le cadre de la loi du 9 juillet 2010, soient trop longtemps restées inappliquées. Je pense précisément à l’article 23 de cette loi, qui dispose : « Une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes […] est dispensée à tous les stades de la scolarité ».
Je souhaite, madame la ministre, que l’application effective de ces dispositions soit pour vous une priorité, car, si nous voulons avancer réellement dans ce champ de conquête qu’est l’égalité, il nous faut déconstruire vite ces stéréotypes sociaux, dans lesquels sont enfermés garçons et filles, dès le plus jeune âge.
Toutefois, ce n’est pas le seul domaine où les engagements passés n’ont pas été tenus, monsieur Reichardt. Par exemple, toujours concernant la loi de 2010, aucun des rapports prévus par la loi n’a été remis au Parlement dans les temps, c’est-à-dire en 2011, ni celui sur les ressortissants algériens, ni celui qui est relatif à la formation des intervenants en matière de violences faites aux femmes.
Mme Muguette Dini. Exact !
M. Roland Courteau. Par ailleurs, force, aussi, a été de constater que très peu de conventions prévues aux articles 19 et 20 de la loi de 2010 ont été signées en 2011 et 2012 concernant les logements à destination des victimes de violence.
Je ferai la même remarque concernant la loi du 4 avril 2006 sur les violences, un texte qui m’est cher, vous vous en doutez, mes chers collègues, et qui fait obligation au Gouvernement de présenter devant le Sénat et à l’Assemblée nationale un rapport tous les deux ans, sur le bilan et les besoins en structures d’hébergement ou de soins. Un seul rapport, à ma connaissance, a été présenté au Parlement… en sept ans.
Me voilà donc, une fois de plus, sur le terrain des violences faites aux femmes. Oui, madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler que la violence se nourrit de toutes les inégalités.
J’en viens à l’ordonnance de protection. Celle-ci doit répondre à des situations de danger immédiat, donc doit être rendue en urgence. Or, dans les faits, le délai de délivrance – plus de vingt et un jours en moyenne – est très supérieur à l’objectif qui était visé en 2010 par les députés et sénateurs.
Il est, par ailleurs, surprenant de constater que le dispositif est encore mal connu en certains lieux, des avocats hésitant à utiliser cette nouvelle procédure, tandis qu’aucune formation n’a été effectuée auprès des juges aux affaires familiales, les JAF, qui peuvent avoir tendance à la sous-estimer.
Le délai de délivrance de l’ordonnance de protection sera véritablement réduit et la durée de l’ordonnance portée à six mois, afin de permettre la stabilisation de la victime. Je m’en réjouis ! Je proposerai par ailleurs un amendement visant à permettre au juge aux affaires familiales de démontrer plus rapidement la réalité des violences.
Concernant les personnes étrangères, et je cite le rapport d’information Bousquet et Geoffroy, il avait été signalé des divergences d’application dans la loi de 2010 entre préfectures dans l’articulation entre la délivrance d’une ordonnance de protection et celle d’un titre de séjour. Je voudrais être certain que de telles pratiques n’existent plus depuis l’instruction du 9 septembre 2011, mais j’ai quelques doutes. Je reviendrai sur ce point lors de la présentation d’un amendement.
Comment, enfin, ne pas saluer l’article 15, qui met l’accent sur le suivi des auteurs de violences afin de contribuer à la prévention de la récidive. J’y vois un grand pas dans la bonne direction et j’y reviendrai dans la discussion.
Je salue les dispositions prévues à l’article 15 bis, qui instaure une formation initiale et continue pour l’ensemble des intervenants, dans le domaine des violences à l’encontre des femmes.
Cette formation est cruciale dans le domaine de la prévention et de la détection des violences, mais aussi de l’accueil, de la prise en charge et de l’accompagnement des victimes. C’est pour moi une vieille histoire : mes premières demandes sur ce sujet remontent à la loi de 2006 dont j’avais été l’instigateur. Elles étaient restées sans suites jusqu’à ce jour. Je salue donc cette importance initiative.
Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir reprendre mon amendement, frappé par l’article 40 de la Constitution, qui vise à élargir l’attribution du téléphone « grande alerte », dans certains cas précis, aux personnes victimes de viol.
Pour conclure, je vous félicite, madame la ministre, de l’ensemble de vos actions et des impulsions que vous donnez, visant à en finir avec les situations qui placent les femmes en retrait dans la vie publique et économique, tandis que trop de femmes sont encore, et malgré les deux précédentes lois, victimes de violences.
La marche, la longue marche vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes fut bien trop lente. Et c’est un homme qui vous le dit.
Je me permets d’espérer que, grâce à toutes les actions engagées et à la mobilisation de tous, c’est-à-dire des femmes mais aussi des hommes, très vite, les inégalités entre les femmes et les hommes ne seront plus qu’un mauvais souvenir – un souvenir affligeant d’un autre âge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du groupe UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Je voudrais tout d’abord vous remercier, madame la ministre, de nous proposer un texte qui prend en compte tous les aspects complémentaires de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les termes de ce projet de loi me laissent tout à la fois optimiste, réservée et critique.
Je suis tout d’abord optimiste, madame la ministre, concernant les dispositions de ce projet de loi en matière de protection des femmes victimes des violences conjugales.
La loi du 9 juillet 2010 présentait de réelles avancées. Votre texte de loi nous permet de faire un nouveau bond en avant dans cette lutte.
Je tiens aussi à saluer l’expertise de notre collègue Virginie Klès. Madame la rapporteur, je soutiens totalement vos propositions concernant notamment l’ordonnance de protection, la médiation pénale et l’obligation impérative de formation des professionnels impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Néanmoins, je persiste à croire que notre arsenal législatif doit évoluer en ce qui concerne la prescription de l’action publique des crimes et agressions sexuels. Je le défendrai une fois de plus devant vous au cours de ce débat.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Muguette Dini. Je n’ai pas de remarques particulières à formuler sur les dispositions en matière d’égalité femmes-hommes dans le cadre des responsabilités professionnelles. Elles seront, je l’espère, efficaces.
Réservée, je le suis quant à l’application de sanctions financières à l’égard des partis politiques ne respectant pas l’obligation de parité dans la présentation de candidats aux élections législatives. En 2006 déjà, je me suis exprimée sur cette question lors de l’examen de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Mes termes avaient été très durs. Je ne les reprendrai pas aujourd’hui. Je jugeais alors cette solution inefficace, et je reste persuadée que le renforcement des pénalités financières ne changera rien.
Madame la ministre, peut-être auriez-vous pu reprendre le mode d’élection applicable aux conseillers départementaux. Pourquoi ce qui est bon pour ces derniers ne le serait-il pas pour les députés ? Mme Michèle André ne me contredira pas : lorsqu’elle présidait la délégation sénatoriale aux droits des femmes, elle avait elle-même défendu cette position !
Pour résumer, en la matière, ce n’est pas le programme « pétrole contre nourriture », c’est « femmes contre argent » ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Corinne Bouchoux. Mais il n’y a plus d’hommes dans cet hémicycle !
Mme Muguette Dini. Si, chère collègue, j’en aperçois quelques-uns là-bas ! (Sourires.)
Mme Esther Benbassa. En tout et pour tout, il n’en reste que sept !
Mme Muguette Dini. Enfin, madame la ministre, je suis inquiète au sujet de la prestation partagée d’accueil de l’enfant.
Impliquer davantage le père dans l’éducation de son enfant et la vie matérielle de la famille est une très bonne idée. Toutefois, la proposition que vous formulez me semble présenter plus d’inconvénients que d’avantages.
On sait que, dans la majeure partie des cas, c’est la mère qui prend et qui continuera à prendre le congé parental. On en connaît les raisons, que les précédents orateurs ont tous exposées : la mère gagne souvent un salaire inférieur à celui du père ; elle occupe parfois un emploi précaire ou à temps partiel, comprenant les samedis voire les dimanches, et le coût des modes de garde peut se révéler très dissuasif.
Toutes ces réalités, qui nous ramènent d’ailleurs à l’autre volet du présent texte, relatif à l’égalité salariale, ne pourront pas changer d’un coup de baguette magique – en l’occurrence à l’aide d’un texte portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
De plus, cette disposition relative à la prestation partagée d’accueil de l’enfant, induit à mon sens beaucoup de risques. On peut simplement considérer que, si le père ne prend pas ce congé parental, la mère retournera travailler lorsque l’enfant atteindra l’âge de deux ans et demi. Il n’y a, a priori, rien de dramatique à cela. Sauf que l’on se demande comment cet enfant pourra être pris en charge via un mode de garde en attendant son entrée à l’école maternelle. Cette période pourra quelquefois durer un an, selon la date de naissance de l’enfant !
On le sait, ce laps de temps entre les trois ans de l’enfant et la rentrée scolaire pose déjà problème, et plus encore aux parents de jumeaux, de triplés, etc. Vous nous dites que vous mettrez en place des solutions pour résoudre cette grave question. Toutefois, vous le savez, madame la ministre, vous n’aurez pas les moyens financiers de votre politique.
De surcroît – vous le savez aussi, naturellement –, ce sont les collectivités territoriales qui créent les crèches, les haltes-garderies, les jardins d’éveil et les jardins passerelles. En ces temps de restriction de la dotation globale de fonctionnement, peu d’entre elles seront prêtes à accomplir un effort supplémentaire !
J’en profite pour rappeler tout l’intérêt que représentent les maisons d’assistantes maternelles, qui sont seules à proposer des plages d’accueil en phase avec les horaires atypiques, en particulier tôt le matin et tard le soir. Il serait urgent de favoriser ces regroupements plutôt que de les freiner par une réglementation totalement inadaptée.
Cette parenthèse étant close, je conclurai en affirmant que nous risquons de fragiliser dangereusement les familles les plus modestes. Ce texte risque d’accroître l’angoisse des parents, et plus spécifiquement celle des mères, face aux difficultés qu’elles rencontreront pour trouver un mode de garde pendant ces quelques mois au cours desquels elles reprendront leur travail.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je crains que, quand le père ne pourra économiquement pas prendre son congé parental, ce dispositif ne fragilise les familles les plus modestes.
Madame la ministre, je ne vous accuse pas d’avoir voulu faire des économies sur le dos des familles. Je sais que telle n’est pas votre intention. Cela étant, vos collègues des affaires sociales et des finances doivent se réjouir, car c’est effectivement ce qui va se passer ! J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point très important. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, pour ma part, je nous trouve bien sages. Je nous trouve même que, sur ce dossier, nous exprimons notre indignation d’une manière excessivement mesurée et polie.
Je suis certes très heureuse de voir quelques sénateurs sur ces travées, et je les remercie de leur présence. Mais je n’en suis pas moins profondément indignée que la plupart de nos collègues masculins soient absents à la séance d’aujourd’hui !