M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 281.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si cet amendement est identique à celui de M. Dallier, il n’obéit évidemment pas aux mêmes motivations ! (Sourires.)
Nous souhaitons en effet supprimer cette disposition du présent texte, mais c’est pour l’intégrer dans le texte que ma collègue Marylise Lebranchu présentera au début de 2014 et qui concernera tout ce qui relève du développement économique, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation.
L’inscription transversale des problématiques relatives à l’économie sociale et solidaire dans ce futur texte vise à ce que cette question pollinise, ici encore, tout le travail législatif conduit sur l’initiative du Gouvernement, afin qu’elle ne soit pas cantonnée au projet de loi aujourd’hui en discussion.
Je voudrais toutefois ajouter que, au niveau régional, une politique spécifique en direction de l’ESS est nécessaire. Elle peut ne pas s’adresser à tous les secteurs de l’économie sociale et solidaire, mais on voit bien que, dès lors que l’on parle d'économie circulaire, d’économie verte ou des services à la personne – et les départements, qui jouent un rôle très important dans ce domaine, ont évidemment toute légitimité pour apporter leur contribution –, une vraie stratégie est nécessaire, parce que ces secteurs doivent être défrichés, structurés, organisés. Les acteurs de l’ESS y sont souvent pionniers, quand ils n’en sont pas les opérateurs principaux.
De surcroît, il faut être très attentif, comme les régions peuvent l’être, à apporter un concours au développement à moyen et long terme de ces acteurs dans l’économie circulaire. Leur modèle économique est aujourd’hui fragilisé, non par la concurrence en elle-même, mais par des formes de distorsion de concurrence découlant de leur statut.
Je m’explique : Emmaüs et ses chiffonniers, dont parlait tout à l'heure Mme Marie-Noëlle Lienemann, paient la taxe sur les salaires et ne bénéficient pas du crédit d’impôt, mais entrent en concurrence avec, par exemple, Veolia, qui en bénéficie.
Voilà un exemple de ces situations dans lesquelles le privé non lucratif est l’objet d’une forme de distorsion de concurrence. Ces situations requièrent un soin particulier afin que le développement de ces structures fasse l’objet de véritables stratégies. À mes yeux, dès lors que l’on parle d’économie circulaire, celles-ci doivent être régionales. Dans ce domaine-là, cette mesure est donc justifiée.
Je souhaite évoquer un autre exemple très frappant : le leader mondial dans le domaine des thérapies géniques est le laboratoire français Généthon Bioprod, qui dépend de l’association AFM Téléthon. Il s’agit d’une structure privée non lucrative, une association loi 1901, qui ne paie évidemment pas d’impôt sur les sociétés et qui ne bénéficie donc ni du crédit d’impôt recherche ni du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce CICE est décidément une mauvaise mesure ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce modèle économique est évidemment intéressant pour l’association AFM Téléthon, comme pour les familles des enfants concernés ou les victimes de maladies rares ou orphelines. Elle souhaite conserver ce caractère privé non lucratif, elle ne veut pas basculer vers un statut de société commerciale.
Lorsque le laboratoire a dessiné les premières cartes du génome humain, il les a mises à disposition de la communauté scientifique afin d’accélérer la découverte et le séquençage de l’ensemble du génome. Cette démarche était fondée sur l’intérêt général et visait non à optimiser le profit associé à la commercialisation des thérapies géniques issues de ces découvertes, mais à faire en sorte qu’elles soient accessibles au plus grand nombre, à travers une politique dite du « prix juste et raisonné ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Voilà ! Bravo !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce comportement était normal pour AFM Téléthon dans la mesure où cette association bénéficie de la générosité de la population et se refuse à utiliser l’argent ainsi récolté pour fonder un laboratoire pharmaceutique réservant la commercialisation des thérapies géniques à quelques-uns. Je rappelle qu’il s’agit de médicaments rares, qui se vendent à plusieurs centaines de milliers d’euros !
De véritables stratégies de soutien et de développement de ces structures sont donc nécessaires. Les régions, parce qu’elles font du développement économique, sont les instances les mieux à même de piloter ces schémas régionaux de développement économique de l’ESS, en mettant en place des stratégies spécifiques adaptées. Je m’empresse toutefois de dire, au risque de déplaire aux régions, que les départements, du fait de la responsabilité qu’ils exercent dans le financement de l’insertion par l’activité économique, doivent également, à mon sens, avoir voix au chapitre, dès lors qu’ils connaissent cette économie des territoires, cette économie de proximité, et qu’ils la financent à bien des égards.
Je ne sais pas si je vous ai convaincu, monsieur Dallier ! (Sourires.) Je suis donc d’accord pour que l’on supprime cet article, mais c’est en vue de l’inscrire dans l’acte III de la décentralisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. La présentation du ministre m’épargne de répondre à M. Dallier, tant elle a épuisé, de manière exhaustive et remarquable, le fond du sujet.
Cela étant, nous persistons à vouloir que cet article figure bien dans le présent projet de loi.
D’une part, nos collègues Martial Bourquin, François Patriat et d’autres nous ont alertés sur l’importance de l’implication des régions et d’autres collectivités dans le développement de l’ESS. Il serait regrettable de voter aujourd’hui un texte n’intégrant pas cette dimension.
D’autre part, monsieur le ministre, je me permets de vous faire observer que le raisonnement que vous tenez sur cet article, vous ne l’avez manifestement pas appliqué lorsque vous avez mis au point l’article 6, qui prévoit exactement ce que nous proposons au niveau du Grand Paris. Nous demandons simplement que, s’agissant de l’intégration de l’ESS dans le schéma de développement, ce qui vaut pour le Grand Paris vaille aussi sur tout le reste du territoire. Il y va du parallélisme des formes, mais aussi du fond !
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.
MM. Roland Courteau et Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Le hasard veut, monsieur le ministre, que nous proposions ensemble de supprimer cet article. En entendant vos motivations, toutefois, j’ai eu le sentiment que vous apportiez de l’eau à mon moulin.
En effet, en matière d’aide à domicile, coexistent des associations, des entreprises de l’économie sociale et solidaire et des entreprises tout court. Dans ce domaine, pourquoi favoriser les unes plutôt que les autres ?
S’il y a des distorsions de concurrence, comme dans l’exemple que vous avez cité, il faut effectivement essayer d’y mettre un terme. Ce n’est cependant pas le rôle des régions, mais le vôtre, en tant que ministre, au travers d’une loi de finances. Il vous est loisible de faire adopter des dispositions qui corrigeraient le tir et qui permettraient, en effet, de remettre sur un pied d’égalité ces entreprises de nature différente opérant dans le même secteur.
Nous allons peut-être supprimer cet article…
M. Marc Daunis, rapporteur. Non !
M. Philippe Dallier. … mais vous avez bien l’intention de demander aux régions et aux collectivités locales d’assurer la promotion de cette économie. Je reste sceptique, dans la mesure où il faudra alors faire le tri dans tout cela ; on ne sait pas très bien comment !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 rectifié bis et 281.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 7 novembre 2013 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (n° 805, 2012-2013) ;
Rapport de M. Marc Daunis, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 84, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 85, 2013-2014) ;
Avis de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 69, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean Germain, fait au nom de la commission des finances (n° 70, 2013-2014) ;
Avis de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 106, 2013-2014).
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques sur la montagne : aménagement du territoire, problématiques foncières, développement économique.
À seize heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 novembre 2013, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART