M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. J’ai une certaine expérience personnelle – une vingtaine d’années ! – en matière d’intercommunalité, comme un bon nombre d’entre nous, mes chers collègues. J’ai beaucoup poussé, dans mon département, au regroupement intercommunal, et il n’est pas trop mal réussi. Cependant, nous nous trouvons aujourd'hui avec de très grandes communautés, en nombre de communes : il faut parfois quatre-vingts communes pour rassembler 40 000 habitants.
Les conseils communautaires comptent plus de cent membres !
M. Bruno Retailleau. Ils sont pléthoriques !
M. Christophe Béchu. Exactement !
M. Gérard Miquel. S’il y a un leader fort sur ce territoire, la communauté fonctionne. Si tel n’est pas le cas, elle devient difficilement gérable ; c’est l’administration qui prend le pas sur les élus et le conseil communautaire devient une chambre d’enregistrement.
J’en viens aux seuils : 20 000 habitants, 15 000 habitants… La France est diverse et les situations sont très différentes. Le seuil de 20 000 habitants ne pose pas trop de difficulté à notre collègue Savary, puisque sa circonscription comprend une grande ville et des zones rurales. Dans certains départements, une densité de population de la moitié de la moyenne nous amènera à créer des communautés relativement grandes et l’on ne pourra pas aller au-dessous de 20 000 habitants. Toutefois, 20 000 habitants, dans mon département, c’est beaucoup. Dans d’autres départements, c’est peu !
Comment trouver une adaptation ? Il me semble que l’on devrait tenir compte de la densité de population d’un territoire départemental. Cependant, la notion de la moitié de la moyenne peut poser des problèmes. Je pense donc que ramener le seuil à 15 000 habitants serait sage.
M. Philippe Kaltenbach. Très bien !
M. Gérard Miquel. Certains départements rencontreront des difficultés. Je le dis d’autant plus facilement que, dans celui dont je suis l’élu, nous avons réalisé de grandes communautés ; ce n’est pas sans poser quelques problèmes, mais je crois que nous arriverons à les surmonter.
La situation est d’autant plus difficile que nous avons de très petites communes. Sur ce point, une réflexion doit être conduite. Je sais que, sur toutes les travées, on évoque la commune nouvelle, avec le regroupement de deux ou trois petites communes pour mutualiser un certain nombre de moyens. En effet, comment voulez-vous avoir les compétences pour faire fonctionner un secrétariat de mairie dans une commune de cinquante, voire de quatre-vingts habitants ? Cette situation suscite des dépenses qui devraient être mutualisées à une autre échelle.
Pour en revenir au seuil, j’aimerais que l’on trouve une solution médiane qui nous permette de maintenir quelques communautés en territoire rural à un niveau de population qui convienne à l’échelle d’un territoire, en s’adossant tout de même à une commune un peu importante. En effet, si quatre-vingts petites communes se rassemblent sans moyens,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut un bassin de vie !
M. Gérard Miquel. … il faut un bassin de vie, en effet.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Lorsque la réforme nous a été présentée, j’avais cru comprendre que le seuil de 20 000 habitants avait été défini en corrélation avec le projet de suppression des départements. (Mme la ministre le conteste.) Il s’agissait d’offrir aux communautés de communes un certain nombre de compétences qui étaient auparavant dévolues aux départements.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas faux !
M. Alain Joyandet. Puisque la suppression des départements ne semble plus de mise, il n’y a pas de raison de maintenir un tel seuil.
M. Alain Joyandet. Par ailleurs, madame la ministre, sans reprendre tout ce qui a été dit, nous peinons encore à digérer la fusion des communautés. Dans un certain nombre de territoires se posent des problèmes majeurs ; certaines communautés veulent même « défusionner ». Dans mon département, la Haute-Saône, trois communautés de communes se sont regroupées, rassemblant des personnes qui ne vivent pas du tout ensemble et qui ne partagent pas les mêmes projets. Nous nous retrouvons dans des situations financières très complexes. Nous ne nous en sortons pas !
Je salue néanmoins le fait que vous recherchiez une solution, madame la ministre. Vous avez donc constaté que cela ne fonctionnait pas. Hélas, je crois que la solution que vous nous proposez ne marchera pas non plus !
Vous avez cité des chiffres pour démontrer que ce seuil était pertinent. Dans mon département, sur vingt intercommunalités, seules trois regroupent plus de 20 000 habitants sans difficulté et fonctionnent relativement bien ; cinq pourront bénéficier de la mesure que vous proposez et douze en seront exclues. La raison est très simple : dans un département qui ne compte pas d’importante communauté urbaine, il n’existe quasiment pas d’écart de densité de population. Or il est difficile d’adapter le seuil pour les EPCI dont la densité de population est inférieure à la moitié de la densité moyenne en l’absence d’écart…
Cela signifie que votre « pas en avant », madame la ministre, ne s’appliquera quasiment pas dans mon département, sauf qu’il créera encore plus de confusion au sein des intercommunalités qui s’interrogent et ne vont pas bien, puisque cinq pourront adapter ce seuil et douze n’en auront pas le droit.
Vous ne pouvez pas dire que votre système fonctionne, madame la ministre, alors que tel ne sera pas le cas ! Si vous voulez vraiment instaurer des seuils en corrélation avec la densité de population, il faudrait partir d’une densité de population nationale et prévoir une flexibilité par rapport à la règle générale sur l’ensemble des départements qui se situent en dessous d’un certain seuil de densité.
La sagesse, à partir du moment où les départements sont maintenus, où rien ne vous oblige à créer des intercommunalités de 20 000 habitants et où nous peinons déjà à absorber les dernières fusions serait de laisser les élus locaux un peu tranquilles. Il n’y a aucune urgence à légiférer sur ce seuil !
Il faudrait d'ailleurs nous donner des arguments convaincants sur ce seuil de population, ou sur un autre. Je ne suis nullement convaincu du bien-fondé des 20 000 habitants. Je connais des intercommunalités de 8 000 habitants qui fonctionnent très bien, où la fiscalité n’est pas trop élevée et le nombre d’emplois publics mesuré ; laissons-les tranquilles !
Je suis effaré de constater que certaines intercommunalités de 15 000, 16 000 ou 17 000 habitants qui ont fusionné à partir de petites unités éditent cent cinquante bulletins de salaire par mois ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je puis vous assurer que, si celles-ci grossissent, il faudra plus de cadres et les salaires augmenteront encore, alors que nous sommes dans une démarche de baisse de la dépense publique.
Je vous remercie d’avoir engagé la réflexion avec nous. De ce point de vue, les dispositions de votre amendement constituent un pas en avant. Cependant, la solution que vous nous proposez n’étant, à mon avis, guère applicable, il est urgent d’attendre et, surtout, de faire confiance aux élus locaux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Notre collègue Ronan Dantec a une idée absolument géniale…
M. Ronan Dantec. C’est ce qui me semblait aussi ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. … pour régler le problème des communes : il suffit de les supprimer !
M. Ronan Dantec. Je n’ai pas dit cela !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce qu’il oublie et que notre collègue Joyandet rappelle indirectement, c’est que dans les petites collectivités se manifestent un volontariat et une mobilisation citoyenne – les écologistes les adorent par ailleurs –, qui ne se retrouvent pas dans les grandes communes, encore moins dans les intercommunalités, où ce sont des fonctionnaires qui accomplissent le travail. Il suffit de regarder les dépenses de fonctionnement des communes en fonction de leur taille : vous saurez tout de suite où l’on peut faire des économies.
Madame la ministre, vous posez une bonne question. Vous vous demandez pourquoi certains territoires ont l’impression d’être abandonnés. La réponse est simple : c’est parce qu’ils sont effectivement abandonnés ! Ils sont abandonnés par le service public. Je pourrais vous parler de La Poste, du personnel des sous-préfectures, de bien des choses… Ils doivent payer pour recevoir la télévision numérique terrestre quand ils ont fini de payer l’installation des relais de la télévision analogique. Il a fallu qu’ils payent les relais pour le téléphone, et je ne vous parle pas du haut débit ! Oui, ils sont abandonnés !
Vous vous préoccupez de la montée des inégalités. Certes, mais l’inégalité est organisée structurellement pour les petites collectivités. Comment se fait-il que, dans la dotation globale de fonctionnement, un habitant d’une commune de moins de 500 habitants rapporte deux fois moins qu’un habitant d’une commune de 200 000 habitants ?
M. Jean-François Husson. C’est logique !
M. Pierre-Yves Collombat. Certes, ils auraient des charges de centralité.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous, nous avons des charges de ruralité !
Comment se fait-il que, pour la répartition du fonds de péréquation intercommunale, on ait inventé de magnifiques coefficients logarithmiques, parfaitement inégalitaires pour les petites collectivités ? C’est par une mobilisation de l’État que l’on pourra répondre à cette déshérence progressive de nos intercommunalités.
Vous avez une méthode qui ne coûte pas cher, madame la ministre, c’est de les regrouper, parce que le problème de fond, c’est qu’il faut donner l’impression de faire des réformes, mais sans que cela coûte quoi que ce soit… Est-ce que 20 000 habitants répartis sur 400 kilomètres carrés géreront mieux, seront plus riches, plus efficaces, mieux organisés que 5 000 habitants sur 100 kilomètres carrés ? Permettez-moi d’en douter !
Vous nous avez expliqué qu’il existait une taille critique pour les régions, et vous nous dites qu’il en va de même pour qu’une intercommunalité puisse vivre. (Mme la ministre proteste.) Toutefois, une intercommunalité vit sur un territoire ; elle vit avec des communautés !
Des seuils de 20 000 habitants, de 15 000 habitants ou de 5 000 habitants, ce sont bien des tailles critiques ; ce sont des tailles à partir desquelles il devient intéressant de fonctionner. Donc, le pari, c’est que plus c’est gros, plus c’est efficace. Eh bien, c’est absolument faux.
Quant à miser sur l’intuition préfectorale, qui saura juger, dans chaque cas, s’il y a bien une péninsule ou une altitude moyenne qui correspond à ce que dit le texte… Vous me permettrez de penser, pour avoir vécu l’épisode précédent, que ce n’est pas ainsi que cela se passe !
Un certain nombre de préfets – pas tous ! – veulent créer des intercommunalités les plus larges possible, car ils pensent qu’ainsi ils récolteront des bons points… Plus ces intercommunalités seront larges, moins elles seront nombreuses, et plus ils seront bien vus.
M. Pierre-Yves Collombat. Peut-être, madame la ministre, mais c'est comme cela que c’est ressenti ! De grâce, laissez les communes agir en fonction des besoins, et certaines intercommunalités deviendront forcément plus importantes. On le voit bien, le mouvement, lancé dans les années 2000, s’accélère. Ce n’est pas avec les mesures que vous proposez que l’on ira plus vite ; il faut laisser le mouvement se déployer.
Les communes existent depuis 1789 ; donnez-leur le temps de se moderniser pour s’adapter complètement à notre époque.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je soutiens sans réserve la position de la commission des lois, qui a supprimé tout seuil. Je me permets d'ailleurs de rappeler que la seule fois où la référence à un seuil est apparue, c'est dans la loi de 2010, avec une limite de 5 000 habitants. Même la loi Chevènement, contrairement à tout ce qui a pu être dit, ne fixait pas de seuil à 3 500 habitants. Aujourd'hui, il faut absolument renoncer à toute idée de seuil, contrairement à ce que prévoit le projet de loi du Gouvernement.
Au préalable, je tiens à dire combien je suis consterné de lire sur certains visages un sentiment de commisération quand on parle d’intercommunalités dans le monde rural.
Historiquement, après le vote de la loi de 1992, c’est dans le monde rural que la coopération s’est développée sous toutes ses formes, notamment dans le domaine économique et, partant, agricole. (Mme Catherine Troendlé approuve.) Je pense à l’ouest et à l’est de la France. Il aura fallu attendre 2010 pour contraindre les communes des grandes agglomérations, notamment en Île-de-France, à se regrouper en intercommunalités. Le monde rural n’a donc aucune leçon à recevoir !
Ensuite, je ne voudrais pas être désagréable, madame la ministre, mais le tableau imprimé sur une feuille recto verso en partie manuscrite qui circule depuis tout à l'heure et que l’on pourrait appeler « étude d’impact » me laisse quelque peu songeur. Sur ce sujet essentiel, dont nous débattons depuis des mois, il eût été convenable de fournir à la représentation nationale un document étayé, qui aurait exposé les attendus de votre projet.
Pour l’Orne, un département que je connais bien puisque je le représente depuis longtemps, hier à l'Assemblée nationale, aujourd’hui au Sénat, je conteste vos chiffres. Actuellement, nous avons 29 intercommunalités. Les trois principales représentent pratiquement la moitié de la population du département, qui compte un peu moins de 300 000 habitants. En appliquant le seuil de 20 000 habitants, il y aurait sept intercommunalités supplémentaires, ce qui porterait leur nombre total à 10, au lieu de 29.
J’aimerais vous rappeler, mes chers collègues, un souvenir récent. Il y a trois ans – j’étais alors jeune, ou plutôt nouveau, sénateur (Sourires.) –, nous avons eu un débat qui fut meurtrier pour nos rangs. La loi ne prévoyait pourtant l’organisation de nouvelles intercommunalités qu’à partir d’un seuil de 5 000 habitants. Les dégâts ont été considérables. Avez-vous oublié les propos que vous avez tenus non seulement dans cet hémicycle, mais aussi lors des campagnes électorales auxquelles vous avez participé et au sein des commissions départementales de coopération intercommunale ? Vous aviez dénoncé les dispositions de la loi de 2010 ; aujourd’hui, vous faites bien pire, en faisant fi de tout bon sens !
En effet, le bon sens commande de ne pas fixer de seuil. Il faut faire confiance à l’intelligence des territoires. Nous, les élus, connaissons la taille de nos bassins de vie ; nous savons sur quels territoires nous pouvons travailler de façon efficace. Nous n’avons pas besoin de loi qui nous dicte notre façon de nous organiser.
Il y aura des différences, parce que la France est diverse. Respectons cette diversité ! Va-t-on aujourd'hui définir le périmètre des zones qui auront le droit de produire des fromages, pour faire référence à un illustre propos du général de Gaulle sur la spécificité française ? Non ! Faites confiance aux territoires et changez le regard que vous portez sur eux.
Je conclurai avec Honoré de Balzac, à qui j’ai fait référence au début de mon propos : « Un sentiment de commisération se peignit sur sa figure, et il jeta un regard de bienveillance sur les deux filles ».
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, il serait bon que cette disposition d’esprit inspire votre action, pour le bonheur de nos territoires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. La question des intercommunalités soulève beaucoup de passions, probablement à juste titre.
Madame la ministre, les alinéas 2, 3 et 4 du I de votre amendement me conviennent parfaitement, puisqu’ils reprennent exactement la loi de 2010 ; seul le premier alinéa pose problème. C’est en effet cette loi qui a, pour la première fois, introduit un seuil de 5 000 habitants. Avant, il n’y en avait aucun. Un premier pas a été fait. Faut-il maintenant passer de 5 000 à 20 000 habitants ? La marche est haute !
Dans le département qui m’a élu, j’ai participé à de nombreuses réformes, qui m’ont fait perdre – c'est tout à fait normal ! – beaucoup de voix.
M. Bruno Sido. Vous avez été toujours réélu !
M. Michel Mercier. J’ai bien vu que mes concurrents voulaient eux aussi traiter de ces sujets. J’ai pensé qu’il valait mieux que je m’en occupe moi-même, pour obtenir de meilleurs résultats !
J’ai appliqué la loi de 2010 à peu près partout dans le Rhône. Sur le territoire où j’habite, nous avons fait une communauté de commune de 53 000 habitants, en milieu rural, qui couvre 579 kilomètres carrés, soit une superficie plus vaste que la métropole de Lyon !
Nous ne savions pas si cela allait marcher. Puisqu’il n’y avait pas de seuil, rien ne nous obligeait de faire une communauté de communes aussi large. Il importe peu de fixer un seuil, qu’il soit de 5 000, de 10 000 ou de 12 000 habitants. Ce qui compte, c'est que nous avons nous-mêmes pris la décision.
Madame la ministre, votre amendement est sensationnel : il ne s’appliquerait à aucun EPCI du département du Rhône, puisqu’ils sont tous situés en zone de montagne. Je pourrais donc le voter sans problème, puisqu’il serait sans conséquence pour mon département.
Néanmoins, permettez-moi de vous dire que le seuil de 20 000 habitants est devenu un chiffon rouge. Il faut trouver d’autres critères que la simple fixation d’un nombre d’habitants. Notre assemblée n’acceptera pas de relever le seuil de 5 000 à 20 000 habitants. C'est certain, une loi sera votée, peut-être pas ici, mais à l'Assemblée nationale. Toutefois, il faut aussi que les choses se passent bien sur le terrain. On ne peut pas en permanence changer les règles, mettre à feu et à sang les élus locaux, qui ne voudront jamais appliquer ce seuil de 20 000 habitants – certains voudront faire plus, d’autres moins.
Madame la ministre, vous avez commencé à faire de sages propositions. On ne trouvera probablement pas de solution ce soir, mais il faut continuer à travailler à cette question. Je le redis, le seuil de 20 000 habitants est devenu le symbole d’une gestion technocratique.
M. Michel Mercier. Je ne vous dis pas que c'est exact, mais que c'est ressenti ainsi !
M. Michel Mercier. Certes, puisque ma communauté de communes compte 53 000 habitants. Laissez donc les collectivités s’organiser, et vous verrez qu’elles feront plus.
M. Jean-Claude Lenoir. Voilà !
M. Michel Mercier. Toutefois, ne les obligez pas à appliquer un seuil.
Dans mon département, nous avons fait notre communauté de communes parce que nous l’avons voulu, et c’est la seule qui fonctionne. Nous ne sommes ni en avance ni en retard, nous nous sommes simplement mis d’accord.
Je pense très honnêtement qu’il n’est pas possible de faire des réformes territoriales en fixant des seuils. Si les intercommunalités récupéraient une nouvelle délégation de compétence, même de moindre importance, on pourrait peut-être dire qu’il est nécessaire d’atteindre le seuil de 20 000 habitants pour l’exercer. Néanmoins, nous n’avons rien de plus, à part les aires d’accueil des gens du voyage, qui ne suffisent pas à justifier un nouveau seuil. À un moment donné, quand on a écouté tout le monde et que l’on voit que le seuil de 20 000 habitants ne passe pas, il faut chercher une autre solution !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. On ne fait pas de la coopération intercommunale pour le plaisir ! Les élus locaux font des intercommunalités, car ils se rendent compte qu’ils doivent se regrouper pour faire ce qu’ils ne peuvent réaliser seuls. C’est aussi simple que cela. Dans un premier temps, on se regroupe à trois ou quatre communes. Dans mon territoire, nous avions besoin d’une crèche, ce que ne pouvait faire une commune de 1 500 ou 2 000 habitants à elle seule. Nous avons donc créé une intercommunalité de 7 000 habitants pour pouvoir la construire.
Pour que nos communes se développent, elles doivent répondre aux besoins de nos concitoyens, qui ont des attentes. Qu’avons-nous à leur offrir quand ils viennent s’installer dans nos communes ? Nous avions une école, un collège à proximité, une crèche. Ils voulaient une piscine, ce qui n’est pas rien. Pour la créer, nous avons dû fusionner trois communautés de communes, ce qui n’est pas allé sans poser certaines difficultés, car elles n’avaient pas toutes les mêmes compétences. Cette nouvelle communauté représente un bassin de vie.
Madame la ministre, l’amendement défendu par notre collègue Kaltenbach ne vise pas à remettre en cause fondamentalement la notion de taille critique, indispensable pour mener à bien un certain nombre de réalisations. Cet amendement, dont les dispositions reposent sur une base de 15 000 habitants, est de bon sens.
M. Bruno Sido. Ça ne change rien !
M. Alain Néri. Nous avons également proposé, ce qui devrait satisfaire nos collègues qui ne veulent aucun seuil, que ce nombre puisse être abaissé par le préfet, sur demande motivée de la commission départementale de coopération intercommunale, c’est-à-dire sur proposition des élus. On redonnerait ainsi de la force de proposition aux élus, ce qui renforcerait la démocratie.
L’amendement a également pour objet de prévoir que les conditions climatiques et géographiques et la dispersion de l’habitat soient prises en compte. Nous pourrions, me semble-t-il, trouver un consensus sur les propositions qui figurent dans cet amendement.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de faire un geste, d’écouter ce que les uns et les autres ont dit tout au long de ce débat, avec des nuances : réalisons ensemble, dans l’intérêt de nos populations, ce que nous ne pouvons pas faire seuls.
Nous nous rendons bien compte qu’il faut une taille critique. Toutefois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, puisque le seuil de 20 000 habitants semble cristalliser les oppositions, pour des raisons diverses et variées – pas toujours pour des motifs de fond, du reste –, faites un geste ! Soutenez l’amendement présenté par M. Kaltenbach, qui vise à accorder un rôle important à la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, et à prendre en compte les réalités du terrain, notamment les conditions climatiques et géographiques.
Je suis sûr que vous permettriez ainsi à cet amendement, qui va dans l’intérêt des communes, d’être adopté. (M. le secrétaire d'État manifeste son scepticisme.)
M. François Marc. Sûrement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Monsieur le secrétaire d'État, essayons avant de nous avouer vaincus ! Dès lors, je vous demande, ce soir, de faire ce geste en direction de la représentation nationale et d’écouter la voix du Sénat, qui est celle des communes de France. (Bravo ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Alain Houpert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’interviens à un moment où tout ou presque a déjà été dit. De l’exposé de Mme la ministre, il ressort beaucoup d’habileté et, d'ailleurs, beaucoup de conviction.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
M. Bruno Sido. Cependant, je voudrais lui adresser quelques remarques que personne ne lui a encore faites. Ce sera ma valeur ajoutée… (Sourires.)
Je me méfie des dérogations et des adaptations. J’en veux pour preuve celles qui étaient prévues pour la création des nouveaux cantons : vous vous souvenez des zones de montagne, des zones peu denses, des obstacles géographiques, du « plus ou moins 20 % »… Finalement, il se trouve que, dans mon département, et il n’est pas le seul à être dans ce cas, le plus petit canton est urbain et le plus grand rural.
M. René-Paul Savary. Chez moi aussi !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ainsi que chez moi !
M. Bruno Sido. J’ai déposé un recours devant le Conseil d'État, qui m’a donné tort. Depuis lors, je me méfie beaucoup de la parole ministérielle prononcée dans l’hémicycle, ce qui est grave.
En effet, il nous avait été dit, assuré, répété que la population pouvait être inférieure de 20 % à la moyenne nationale dans les cantons ruraux, et supérieure de 20 % à cette moyenne dans les cantons urbains. (Philippe Kaltenbach s’exclame.) Monsieur Kaltenbach, vous ne pouvez pas le nier ! Or il se trouve que, dans mon département, c’est le contraire. Du reste, tout dépend du degré d’appréciation de la CDCI, du préfet et du Conseil d’État…
On nous cite les zones de montagne, mais celles-ci sont définies par la loi et ne posent donc pas de problème ! En revanche, les zones intermédiaires ne sont pas définies par la loi, et les zones hyper-rurales ne le sont pas davantage.
Comme M. Joyandet, j’ai examiné le tableau de Mme la ministre, qui est très intéressant et très instructif.
Dans les départements hyper-ruraux, la densité de population inférieure à la moitié de la densité moyenne du département ne constitue pas un critère pertinent. En Haute-Marne, une seule communauté de communes remplirait ce critère ! Et, sur nos seize communautés de communes, qui regroupent toutes plus de 5 000 habitants, puisqu’elles ne sont ni en zone de montagne, ni en zone intermédiaire, ni en zone hyper-rurale, celles-ci n’étant pas définies, dix devront fusionner pour atteindre le seuil de 20 000 habitants et neuf, soit une de moins, pour arriver à 15 000 habitants ! Autant dire que l’adoption de l’amendement présenté par M. Kaltenbach ne changerait rien.
L’amendement du Gouvernement tendrait à répondre à un certain nombre de problèmes si son dispositif était appliqué avec beaucoup de souplesse, avec beaucoup de flexibilité et sur la base d’instructions aux préfets adéquates. Je ne doute pas que cela sera le cas, mais nous savons désormais que le Conseil d'État est extrêmement rigoureux en la matière – je le dis sans porter de jugement de valeur.
Madame la ministre, la conclusion de votre propos était, de mon point de vue, très pertinente : il existe des zones riches, qui connaissent une dynamique, et des zones pauvres, qui sont en déshérence et qui n’arrivent pas à se ressaisir. Au fond, vous le savez bien, la dynamisation des zones pauvres est une question de moyens. Allons les chercher là où ils sont, quitte à les prendre à assiette constante, là où il y a une vraie dynamique, là où ils sont trop importants.
Madame la ministre, je partage votre point de vue. Si vous promettez une incitation financière aux intercommunalités situées dans des zones en déshérence, croyez bien qu’elles se regrouperont !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote. (M. François Marc s’exclame.)
M. Jean-Pierre Grand. Les dispositions de cet amendement nous permettent au moins de nous expliquer longuement. On le constate, sujet après sujet, ce projet de loi pose plus de problèmes qu’il n’en résout.
Madame la ministre, je veux vous communiquer une information qui date de ce matin. J’ai participé à une réunion des maires de la métropole de Montpellier, consacrée à l’élaboration de notre budget pour 2015. Il est apparu qu’une petite commune comme la mienne, qui compte 18 000 habitants, ne pourra plus investir que 900 000 euros dans la voirie, contre 2,7 millions d’euros par an jusqu’à présent – et uniquement dans le traitement de surface. Naturellement, cela aura des conséquences dramatiques sur l’emploi et les entreprises ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Vous le savez, j’ai été favorable à la transformation de Montpellier en métropole. J’ai été un ardent défenseur de la belle connexion entre les futures grandes régions et la métropole, notamment sur le plan économique ; M. le président de la commission s’en souvient.
Toutefois, aujourd'hui, nous sommes confrontés à la réalité de textes flous, peu connus des élus et peut-être même du Gouvernement, mais parfaitement maîtrisés par l’administration centrale, qui en est, en fait, l’auteur. Je l’ai très clairement dit au président de la métropole de Montpellier, qui est mon ami et que je soutiens : nous allons porter un fardeau qui n’est pas le nôtre.
J’en reviens à l’amendement du Gouvernement, qui vise à fixer un seuil minimal de 20 000 habitants pour la création des EPCI. Il se trouve que ma commune – toujours elle ! – fait partie d’une intercommunalité depuis cinquante ans. Un demi-siècle, ce n’est pas rien ! Nous avons donc de l’expérience. Pour présider cet EPCI depuis trente-deux ans, je sais ce qu’est l’intercommunalité.
Comme vous le savez, j’ai été élu sénateur en septembre dernier. Lors de ma campagne, quelque chose m’a interpellé : les maires ruraux, avec qui je n’avais jamais abordé le fond du sujet, ne cessaient de me parler de ce seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités, ce qui m’a rendu curieux.
Mon département de l’Hérault compte vingt-deux intercommunalités, dont dix regroupent moins de 20 000 habitants. J’ai compris, en étudiant le territoire, en parcourant ses différentes parties, ses vallons et ses monts, que l’addition nécessaire pour parvenir à 20 000 habitants impliquerait des choix d’une incohérence absolue.
Il est bien beau, lorsque l’on passe à la télévision, de présenter les élus municipaux comme des personnes formidables, avec des trémolos dans la voix ! Ce qu’il faut, c’est véritablement respecter les élus municipaux et traduire cette considération dans les textes. Pour ma part, je garde à l’esprit le discours qu’a prononcé le Président de la République, l’an dernier, devant les maires de France. Sauf que ses propos n’ont pas été suivis d’effet… Madame la ministre, comme d’aucuns l’ont dit avant moi, vous devez aujourd'hui faire confiance aux maires de France.
Certains problèmes nous viennent à l’esprit. Notre collègue de la Marne a ainsi expliqué que l’intégration, dans une agglomération ou une métropole, d’une commune située à la limite de celle-ci, parce que le préfet l’appelle de ses vœux, pourrait faire s’effondrer le château de cartes. J’ai eu l’occasion d’observer cette même difficulté dans mon propre département.
Très franchement, madame la ministre, ne consacrons pas ce seuil de 20 000 habitants ! Cela ne bouleversera ni votre politique ni la France – ce seuil pourrait faire plaisir à la Cour des comptes, mais ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe en priorité… (M. François Marc s’exclame.)
Laissons aux communes la liberté de s’organiser, conformément à la loi municipale de 1884, que nous pouvons, ce soir, faire respecter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)