Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques.
L’amendement n° I-536 rectifié est présenté par MM. de Montgolfier, P. Dominati, Retailleau, Babary, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Cornu, Courtial, Cuypers et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, MM. del Picchia et Dériot, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton et Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, Frassa, Ginesta, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal, Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lopez, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pierre, Mouiller, Nougein, Paccaud, Paul, Pemezec et Dallier, Mme Thomas, MM. Buffet, Perrin, Piednoir et Pillet, Mme Primas, M. Priou, Mme Raimond-Pavero, MM. Segouin, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mme Troendlé et M. Vaspart.
L’amendement n° I-600 est présenté par M. Éblé, Mme Taillé-Polian, MM. Raynal, Kanner, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° I-635 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° I-816 est présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled.
L’amendement n° I-875 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° I-1001 est présenté par MM. Collin, Corbisez, Gabouty et Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 119 bis du code général des impôts, il est inséré un article 119 … ainsi rédigé :
« Art. 119 … – I. – 1° Est soumis à une retenue à la source dont le taux est fixé par le dernier alinéa du 1° du 1 de l’article 187 pour les personnes morales et au 2° du même 1 pour les personnes physiques tout versement effectué, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, par une personne qui est établie ou a sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, d’une personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« a. Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;
« b. Le versement est lié, directement ou indirectement :
« – à une cession temporaire desdites parts ou actions d’une durée inférieure à une durée fixée par décret réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;
« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;
« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions.
« 2° La retenue à la source est appliquée par l’établissement payeur lors de la mise en paiement des versements mentionnés au 1° du présent I.
« 3° Le bénéficiaire des versements mentionnés au même 1° peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que ceux-ci ne constituent pas indirectement des produits d’actions et de parts sociales ou des produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis et qu’ils correspondent à des opérations qui ont principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« Lorsque les versements mentionnés au 1° du présent I constituent indirectement des produits d’actions et de parts sociales ou des produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, le bénéficiaire de ces versements peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que ceux-ci correspondent à des opérations qui ont principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal. Le remboursement est minoré du montant qui résulte de l’application à ces versements de la retenue à la source dans les conditions prévues par le 2 de l’article 119 bis ou, le cas échéant, par les dispositions de la convention d’élimination des doubles impositions signée entre la France et l’État ou territoire où il est établi ou a sa résidence.
« 4° L’établissement payeur des versements mentionnés au 1° du présent I adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements.
« II. – 1° Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés visés aux articles 108 à 117 bis sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, l’établissement payeur des produits applique, lors de la mise en paiement, le taux de retenue à la source prévu au 1 de l’article 187.
« Le présent 1° n’est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale dans les conditions prévues à l’article 119 ter.
« 2° Le bénéficiaire des produits mentionnés au 1° du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces produits dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« 3° L’établissement payeur des produits mentionnés au même 1° adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l’amendement n° I-536 rectifié.
M. Albéric de Montgolfier. Nous changeons totalement de sujet ; nous passons des déchets à un amendement directement issu des travaux de la commission des finances et, à titre accessoire, de notre groupe de travail sur la lutte contre la fraude.
Un article du journal Le Monde a fait des révélations concernant une fraude aux dividendes. Nous avons entendu un certain nombre d’acteurs, notamment la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Ces différentes auditions ont mis en évidence un phénomène relativement massif de fraude, qui pouvait représenter, selon les diverses estimations, un montant très important, allant d’un à trois milliards d’euros. La fraude consiste à profiter de failles dans certaines dispositions, soit internes soit liées à des conventions internationales, permettant d’éviter l’impôt, notamment au moment où le dividende d’une action doit être touché.
Ce phénomène est massif et ce dispositif peut être mis en œuvre au travers de non-résidents. Pour cela, il faut s’appuyer sur un certain nombre de conventions fiscales ; des pays prévoient, en vertu de ces conventions – elles sont citées précisément dans l’amendement –, un taux d’imposition nul. En ayant recours à ces non-résidents, on peut éventuellement bénéficier, en prêtant une action de manière peut-être un peu abusive, d’une absence d’imposition.
Comment cette fraude a-t-elle été chiffrée ? À partir des volumes extrêmement importants de transactions ; lors de son audition, l’AMF a indiqué que l’on pouvait constater des volumes pouvant aller jusqu’à huit fois le volume normal, lorsque le titre donnait lieu au versement d’un dividende. Sur le fondement d’un rendement moyen des actions de 4 % et d’un taux normal d’imposition de 15 %, on peut aboutir au chiffrage que je citais à l’instant.
Nous avons donc cherché, comme l’ont fait d’autres pays – l’Allemagne, les États-Unis –, à éviter ce phénomène de fraude aux dividendes. C’est la raison de l’amendement n° I-536 rectifié, qui a été très largement cosigné par des collègues. Il a été proposé à la signature des autres membres du groupe de travail, et je remarque que cinq amendements lui sont identiques.
Vu l’heure tardive, il serait un peu fastidieux de vous détailler de manière très précise, mes chers collègues, le dispositif, qui comporte tant un montage interne qu’un volet externe. Je vous signale simplement que le mécanisme interne est assez directement issu de ce qu’ont fait les États-Unis, qui ont également eu affaire à ce phénomène, et qui ont pu lutter, grâce à un dispositif de ce type, contre la fraude aux dividendes. Donc cela fonctionne aux États-Unis, et ce dispositif ne devrait pas empêcher la vie normale des affaires. En effet, un prêt de titre peut être tout à fait légitime et se faire pour des raisons autres que l’évitement de l’impôt – on peut par exemple avoir besoin de trésorerie –, et il est tout à fait possible d’échapper au prélèvement à la source créé par le dispositif en apportant la preuve que l’on ne poursuit pas un but fiscal.
Comment le dispositif fonctionne-t-il ? En instaurant, tout simplement, un prélèvement forfaitaire libératoire de 30 %, perçu par l’établissement financier. On peut échapper à ce prélèvement, je le répète, en apportant la preuve que le but du mouvement n’est pas fiscal.
C’est un dispositif assez complet, qui devrait permettre d’éviter ces fraudes à l’avenir. C’est un amendement important, grâce auquel on devrait récupérer une somme importante, puisque, je le répète, cette fraude a été évaluée entre un et trois milliards d’euros au minimum, d’après les auditions de l’AMF.
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’ailleurs très nombreux sur toutes les travées, de voter ces amendements identiques. Peut-être le Gouvernement – je le reconnais volontiers, s’agissant d’un sujet très technique – proposera-t-il des améliorations, voire un autre dispositif ; nous y sommes ouverts. Ce que, très majoritairement – en tout cas, ceux qui ont participé à ces travaux –, nous ne souhaitons pas, c’est de laisser les choses en l’état.
Pour être tout à fait complet, et j’en aurai terminé, l’Assemblée nationale a proposé la constitution d’un groupe de travail ; cela ne nous paraît pas être à la hauteur des enjeux ; nous préférons un dispositif qui soit opérationnel dès le 1er janvier 2019.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Éblé, pour présenter l’amendement n° I-600.
M. Vincent Éblé. Je ne reviendrai pas sur les différents éléments que le rapporteur général vient de présenter.
Je veux simplement attirer l’attention des membres de notre assemblée sur le caractère assez exceptionnel du processus ayant conduit à l’élaboration de ces différents amendements convergents.
S’il ne s’agit pas d’un amendement de la commission à proprement parler, il s’agit, à tout le moins, d’un travail de la commission et de son groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale auquel est associée la totalité des groupes de la Haute Assemblée.
C’est donc à partir d’une analyse technique conjointe que nous convergeons politiquement vers une solution qui doit permettre de faire recouvrer au budget de notre pays des sommes importantes.
Il ne s’agit pas d’une imposition nouvelle, mais simplement de faire en sorte que des impositions déjà existantes dans notre droit fiscal produisent les recettes que la France est en droit d’attendre. Grâce à ce dispositif, les détenteurs de capitaux qui perçoivent des dividendes et qui trouvent à échapper à la loi fiscale française par des dispositifs éminemment critiquables relevant – cela reste à diagnostiquer – soit de la fraude, soit d’une optimisation hyperactive, avec le concours – nous le savons et cela pose une vraie question – d’établissements financiers et bancaires français, vont devoir s’acquitter de leur impôt.
Comme l’a souligné Albéric de Montgolfier, les sommes dont nous parlons sont tout à fait importantes. Le travail que nous avons mené nous permet aujourd’hui, de la droite à la gauche de cet hémicycle, de nous accorder sur un même dispositif.
Je n’imagine pas un instant que nous refusions de recouvrer ces sommes. Il est tout à fait possible de le faire : des partenaires importants de notre pays – les États-Unis d’Amérique et la République fédérale d’Allemagne, par exemple – ont trouvé des solutions pour faire en sorte que les contribuables concernés payent ce qu’ils doivent à ces États. Je ne vois pas quel argument on pourrait avancer pour refuser que la France s’engage dans le même effort pour recouvrer ces sommes. (MM. Jérôme Bascher et Guillaume Arnell applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I-635.
Mme Nathalie Goulet. Je veux tout d’abord remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général d’avoir bien voulu, après de multiples tentatives, créer ce groupe de travail sur la fraude fiscale qui donne aujourd’hui un premier résultat tout à fait formidable, comme vient de le souligner M. Éblé.
Sur toutes les travées, nous avons travaillé à un amendement commun, repris à la virgule près, sur ce sujet de la fraude aux dividendes.
Au-delà de ce processus exceptionnel qui nous permet aujourd’hui de proposer une sanction, il faut également saluer le processus exceptionnel qui a permis de mettre au jour cette fraude. Je veux bien évidemment parler du consortium de journalistes qui travaille depuis des mois et des années sur ces questions. Après les « Panama papers » et d’autres scandales, ces journalistes continuent de rendre publics ces procédés devenus totalement intolérables dans nos sociétés connaissant des difficultés budgétaires. Cette fraude massive est insupportable.
Nous proposons un dispositif immédiatement efficace. On se plaint souvent des délais. On l’a répété cent fois : une fraude, un projet, une promesse… Cette fois, nous avons une fraude et une réplique immédiate. Je pense qu’il est également important de le souligner et de le mettre au crédit de notre commission des finances et de l’ensemble du Sénat.
Au regard de la liste des pays cités dans nos amendements comme contribuant à cette fraude, je crois que nous devrions examiner, dans le cadre de notre groupe de travail, le dispositif du BEPS aujourd’hui applicable en matière de révision de conventions fiscales internationales. Les pays complices de ce type de procédés ne doivent pas bénéficier de dispositifs fiscaux en leur faveur sur le territoire national.
Je souhaite bien évidemment que le Sénat adopte ces amendements communs à l’ensemble des groupes.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° I-816.
M. Emmanuel Capus. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a participé au groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et s’associe à ses conclusions et aux objectifs poursuivis par la commission des finances en déposant cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-875.
M. Éric Bocquet. Je me félicite que le groupe de suivi ait produit ce résultat. Grâce au travail de tous, nous disposons d’un bel outil, immédiatement opérationnel.
Le 18 octobre dernier, lors de la parution de ces révélations – les « CumEx files – par Le Monde, M. Darmanin avait déclaré que la France serait intraitable et qu’elle mènerait une lutte sans merci contre toute forme de fraude. Intraitable, c’est aujourd’hui qu’il faut l’être, et c’est pourquoi nous avons choisi de déposer ensemble cet amendement. Il s’agit de réagir le plus vite possible.
L’Assemblée nationale a fait le choix, ce que je ne juge pas, de mettre en place une mission d’information. Nous connaissons les limites juridiques de ce type de structure. Il en va de même des commissions d’enquête, qui ont parfois commis quelques écarts, ces dernières années, ici même. Il était donc tout à fait judicieux de présenter cet amendement dans le cadre du projet de loi de finances.
Je sais qu’il est un peu tard, mais peut-être M. Darmanin exprimera-t-il son avis favorable par un nouveau tweet, sait-on jamais ? (Sourires.)
J’espère que nous finirons cette belle soirée en adoptant ce bel amendement. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I-1001.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, strictement identique, est soutenu par Yvon Collin, qui a fait partie de ce groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, dont je salue les résultats. C’est un beau travail d’équipe. Le fait que chaque groupe présente un amendement élargit encore la portée politique de la mesure.
Lors de la discussion budgétaire, on parle beaucoup de dépenses et du coût des amendements que nous déposons. Là, le dispositif proposé devrait rapporter 1 milliard d’euros. Dans le contexte actuel, ce n’est pas rien. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La secrétaire d’État nous répondra certainement qu’évaluer la fraude est toujours une opération délicate. J’en conviens et c’est la raison pour laquelle nous avons eu des échanges extrêmement précis aussi bien avec la DGFiP qu’avec l’AMF ou l’ACPR. Nous leur avons ensuite adressé des questionnaires écrits.
L’AMF a ainsi pu nous donner des indications extrêmement intéressantes sur les volumes concernés.
Bien évidemment, le prêt-emprunt de titres est une opération tout à fait normale pour la vie des affaires. Toutefois, au cours de la période de détachement du dividende, le montant de ces opérations a été de 183 milliards d’euros en 2018. En comparaison, le cumul des opérations de prêt-emprunt de titres sur les valeurs du CAC 40 est de 23 milliards d’euros sur l’année. Concrètement, le volume a donc été multiplié par huit au cours de cette période.
Les Allemands ont bâti leur dispositif autour de cette idée : l’opération est soumise à fiscalité si elle a lieu dans les quarante-cinq jours précédant le détachement du titre.
L’AMF a estimé la perte fiscale à environ 1 milliard d’euros pour les seules opérations de prêt-emprunt de titres. Nous avons également des chiffrages pour d’autres opérations plus complexes. Quel que soit le volume concerné, il est manifestement important.
D’autres moyens en droit permettent de lutter contre ces procédés. Je pense, par exemple, à la clause anti-abus de l’OCDE qui permet d’écarter de la convention fiscale le bénéficiaire non-résident. La notion d’abus de droit peut aussi être utilisée par l’administration fiscale pour redresser une opération.
Dans le cas du recours à la notion d’abus de droit, la difficulté réside dans le renversement de la charge de la preuve : c’est à l’administration fiscale de prouver que l’opération a une finalité fiscale. Il s’agit donc d’un contrôle fiscal très lourd.
La commission est très favorable à ces amendements, qui visent à mettre en place un système de prélèvement à la source, recueilli par l’établissement bancaire, ce qui inverse la charge de la preuve : au contribuable de prouver qu’il ne poursuivait aucun but d’évasion fiscale. Ce dispositif est effectif et fonctionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Nous partageons et poursuivons le même but.
Il existe également des cas de fraude à partir de schémas « CumCum » internes ou externes. La rédaction de ces amendements soulève des questions : par exemple, l’abus réalisé dans le cadre d’un schéma « CumCum » interne n’est pas défini. Le dispositif peut donc paraître quelque peu imprécis et trop large.
Cela étant dit, nous n’avons pas de meilleure proposition à ce stade du débat. Nous vous suggérons de travailler ensemble à l’amélioration du dispositif. En attendant de parvenir à un mécanisme plus facilement applicable, le Gouvernement émet un avis de sagesse sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Sur toutes les travées de cet hémicycle, hormis celles d’un groupe, pour l’instant, nous avons choisi de lutter contre la fraude.
Il est tout de même dommage que la grande loi que nous avons votée en juillet dernier, celle qui devait tout révolutionner, ait oublié ce phénomène et que ce soit au Sénat de proposer un dispositif. De même, c’est notre rapporteur général qui avait soulevé le problème de la taxation des produits du net.
Cela commence à suffire de prétendre lutter contre la fraude et de ne pas prendre les mesures nécessaires. Souvenez-vous, madame la secrétaire d’État, du temps où vous faisiez la tournée de l’inspection des finances : une fois la fraude détectée, on n’attend pas un rapport, on prend des mesures. C’est cela que nous demandons.
Nous pouvons comprendre qu’il faille retravailler notre proposition et que certaines imprécisions demeurent ici ou là. Mais on ne pourra pas attendre un an de plus ni la publication de nouveaux rapports. Ce ne serait pas admissible et les Français ne le comprendraient pas, surtout au regard du contexte actuel.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Je regrette l’intervention de M. Bascher, qui laisse entendre qu’un groupe ne soutiendrait pas la lutte contre la fraude.
Si vous aviez suivi ce qui s’est passé en commission, monsieur Bascher, vous sauriez que j’ai voté la proposition du rapporteur général. (M. le rapporteur général marque son approbation.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas faute de vous croire, madame la secrétaire d’État, mais nous préférons maintenir notre amendement et adopter les amendements identiques plutôt que d’attendre une version retravaillée de ce dispositif…
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est bien la raison pour laquelle j’ai émis un avis de sagesse, monsieur le sénateur…
M. Pascal Savoldelli. Espérons que vous ferez preuve de la même sagesse sur beaucoup d’autres sujets.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-536 rectifié, I-600, I-635, I-816, I-875 et I-1001.
(Les amendements sont adoptés.) - (Applaudissements.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, nous avons examiné 206 amendements au cours de la journée ; il en reste 621.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.