M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains d’avoir programmé ce débat, tant il est vrai que la situation des transports express régionaux est pour le moins floue.
La SNCF avait pourtant lancé en 2016 un plan stratégique, Cap TER 2020, orienté vers la réduction des coûts et l’amélioration de la qualité des TER, tandis qu’une mission avait été confiée au préfet Philizot, au début de 2019, sur la question des petites lignes. La publication du rapport se fait toujours attendre, mais il semblerait qu’il n’apporte que des embryons de solutions.
Enfin, en octobre dernier, la Cour des comptes déplorait un état dégradé du réseau et un service insuffisant pour un transport coûteux.
Où en est-on des efforts de transformation du TER en ce début d’année 2020, qui marque l’ouverture à la concurrence ?
On le sait, deux chantiers sont prioritaires. Le premier est celui de la réorganisation des rôles respectifs des régions, du groupe public ferroviaire et de l’État dans le financement des infrastructures. Le second chantier de modernisation du TER est celui de son attractivité. Il doit être valorisé, car il constitue un mode de transport s’ancrant dans les territoires de nature à accompagner la transition énergétique.
Au passage, mes chers collègues, je vous fais remarquer que cette transition est malmenée depuis quelques semaines par la grève à la SNCF, qui met beaucoup de camions, de voitures et d’avions en circulation. L’environnement est en train de payer un lourd tribut, sans que personne en parle.
Il s’agit enfin de réorganiser la SNCF dans une logique de décentralisation en permettant un report modal des passagers de la route vers le rail.
Monsieur le secrétaire d’État, où en est-on de la clarification de la gouvernance du TER et de l’amélioration de son attractivité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le plan Cap TER 2020, qui porte déjà ses fruits, avec des premiers résultats positifs depuis 2019.
Ainsi, la régularité du TER s’est améliorée, passant de 91 % sur les cinq premiers mois de 2017 à 93 % sur les mêmes mois en 2019, ce qui est tout à fait encourageant. Le trafic TER a augmenté de près de 4 % sur la même période. Les charges d’exploitation, en hausse continue depuis 2012, ont diminué entre 2017 et 2018. Cette tendance est toujours à l’œuvre. La transformation de la gouvernance de la SNCF et, en son sein, de l’organisation de l’offre TER est en donc cours.
Par ailleurs, sur l’état dégradé du réseau, je vous renvoie aux discussions que nous avons eues préalablement et aux chiffres que j’ai évoqués. Il faut évidemment remettre le réseau en état, notamment les lignes très empruntées par les TER, ce qui permettra d’améliorer le service aux usagers dans son ensemble.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Monsieur le secrétaire d’État, en l’absence du rapport Philizot, permettez-moi de vous adresser une question régionale.
La ligne Lamballe-Dinan-Dol-de-Bretagne est une ligne secondaire structurante pour la liaison de l’est des Côtes-d’Armor avec le nord de l’Ille-et-Vilaine.
Ligne à voie unique, sa rénovation, réclamée depuis plus de trente ans par la société civile et les élus locaux, a débuté en 2013 par la réfection complète de la section entre Dinan et Pleudihen-sur-Rance.
Cette même société civile, au travers d’une association et des élus locaux, a obtenu de haute lutte la poursuite de la rénovation entre Pleudihen-sur-Rance et Dol-de-Bretagne. Celle-ci a commencé en décembre 2019 et devrait durer une année. Elle permettra d’améliorer l’offre de transport entre Dinan et Rennes et entre Dinan et Saint-Malo.
Ces travaux sont estimés à 62 millions d’euros et prévoient la rénovation de la section Dinan-Lamballe vers Saint-Brieuc. Inscrits au CPER 2015-2020, quelque 26 millions d’euros sur 62 millions concernent la première partie. Les 36 millions d’euros restants sont affectés à la rénovation de la section Dinan-Lamballe.
Le calendrier n’étant pas encore bien établi, la société civile et les élus locaux craignent une rupture entre les travaux qui sont en cours et ceux de la partie occidentale de la ligne. Ils sont inquiets pour la pérennité des financements qui ont été actés en 2015 et qui se terminent à la fin de cette année avec le contrat de plan.
La continuité des travaux entre les deux parties de la ligne est indispensable. Les retards et tergiversations ont assez duré !
SNCF Réseau, seul maître d’œuvre de ces rénovations, demande aux collectivités et à l’État de provisionner des montants considérables, aussi bien pour les études que pour les travaux, avec, monsieur le secrétaire d’État, un manque total de transparence sur les fonds publics versés par les collectivités à SNCF Réseau.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’assurer de la continuité des travaux et du maintien du fléchage des 62 millions d’euros, pour, enfin, finir la rénovation du barreau nord Côtes-d’Armor-Ille-et-Vilaine, tant attendu par les élus et nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les travaux qui sont en cours et pour lesquels l’État prend sa part.
Le Premier ministre avait rappelé, en signant le pacte d’accessibilité et de mobilité pour la Bretagne, le 8 février 2019, l’engagement de l’État sur les 5,6 millions d’euros qui ont été contractualisés pour garantir la convention de financement des travaux sur la section Dol-de-Bretagne-Pleudihen, que vous avez citée, et, au même titre que les partenaires du CPER, pour apporter les crédits nécessaires à la réalisation des travaux de la section Dinan-Lamballe, que vous avez également citée et dont les études se poursuivent jusqu’à la fin de 2020.
Dans l’attente de ces prochains travaux, SNCF Réseau consacre depuis 2018 une somme de 350 000 euros par an à la maintenance renforcée pour garantir la circulation des trains et le déplacement des voyageurs.
Je vous confirme que l’objectif est bien d’assurer la continuité de ces opérations entre les CPER, qui courent jusqu’en 2022, éventuellement à l’aide d’avenants, et la nouvelle génération des contrats, l’idée étant évidemment d’assurer la continuité du service public ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis de ce débat, que l’on doit au groupe Les Républicains et qui porte sur un sujet du quotidien pour nos concitoyens, en particulier ceux qui vivent en périphérie des grandes métropoles ou des grandes agglomérations.
Je regrette toutefois que ce débat soit limité à la seule question des TER. Il me semble en effet que, pour améliorer la mobilité de nos concitoyens, il faut penser intermodalité et non pas mode par mode.
J’en viens à ma question. En octobre 2018, le P-DG de SNCF Réseau souhaitait sous-traiter certaines petites lignes au privé. Laisser le privé gérer la maintenance ou l’exploitation de certaines lignes était vu comme une solution pour augmenter leur rentabilité ; dans le cas contraire, la dette de SNCF Réseau allait se creuser.
Des critiques avaient été émises sur les risques pour la sécurité du réseau ou sur les réelles économies à attendre de cette solution.
La loi réformant le statut de la SNCF est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. La majeure partie de la dette de SNCF Réseau a été reprise par l’État. L’argument unique des économies paraît moins prégnant que celui d’une desserte fine du territoire ou d’un service de qualité aux usagers.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle sera la position du Gouvernement, actionnaire des nouvelles entités de la SNCF, sur la sous-traitance privée de la maintenance ou de l’exploitation de certaines lignes de TER ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Il s’agit d’un sujet intéressant.
Le taux d’externalisation au sein de SNCF Réseau est passé de 9 % à 25 % pour la maintenance et l’entretien depuis l’accident de Brétigny-sur-Orge, en 2012. Ce taux est bien supérieur – 80 % environ – pour les travaux, en raison de la vétusté du réseau structurel et des efforts consentis après Brétigny-sur-Orge. À l’époque, le montant des travaux de régénération était d’environ 1 milliard d’euros ; il s’élève aujourd’hui à plus de 3 milliards d’euros par an.
Une réflexion doit être menée sur le taux d’externalisation souhaitable. C’est d’ailleurs l’une des seules discussions fécondes et intéressantes que j’ai pu avoir avec la CGT Cheminots…
Il faut, au sein de la SNCF, poser le curseur au bon endroit, pour que les compétences demeurent au sein de l’entreprise, singulièrement au sein de SNCF Réseau, tout en assumant la densité de travaux qu’il faudra conduire dans la décennie à venir.
Comme je l’ai déjà souligné, l’article 172 de la LOM prévoit un certain nombre de modalités de délégation de gestion : soit SNCF Réseau, monopole public, est en mesure de déléguer un certain nombre de travaux sous sa responsabilité, soit le gestionnaire d’infrastructure délégué ou conventionné est titulaire de l’ensemble des autorisations de sécurité ferroviaire, à l’instar de ce qui existe déjà pour le fret.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, le transport régional est une toile d’araignée. Alors que, oubliant la proximité, nous étions dans le tout TGV, il semblerait que l’on soit aujourd’hui tenté d’arrêter les investissements sur ce réseau pour ne plus se consacrer qu’aux TER. Or ces maillages à grande vitesse et cette toile d’araignée plus fine qui dessert les territoires sont tous deux nécessaires pour répondre aux besoins de la population.
Je voudrais rendre hommage au travail mené par notre collègue Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez cité à plusieurs reprises les régions qui se sont engagées, au nombre desquelles la région Grand Est : sur un budget annuel de 3,3 milliards d’euros, celle-ci consacrera 880 millions d’euros à la mobilité en 2020.
La cour régionale des comptes évalue à 1,5 milliard d’euros le coût des travaux de remise en état des lignes TER du Grand Est. Dans les Vosges, la totalité des lignes TER sont des lignes « 7 à 9 », c’est-à-dire qui nécessitent des travaux très importants pour maintenir la circulation des trains. La situation est telle que, sur certaines lignes, un vélo électrique va parfois plus vite qu’un train, quand ce n’est pas un train très performant qui va moins vite qu’un train à vapeur ! Il y a là une vraie question.
Par ailleurs, le Président de la République s’était engagé sur la remise en état de la ligne Épinal-Saint-Dié, pour laquelle 26 millions d’euros de travaux sont nécessaires, financés à plus de 50 % par la région. Sur quelle dynamique financière les régions pourront-elles s’appuyer pour supporter l’abandon de l’État ?
M. Jean-François Husson. Excellent, monsieur Gremillet !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage le constat de la concentration des investissements sur les lignes à grande vitesse.
Durant la décennie précédente, quelque 40 % des investissements ont été consacrés au système TGV, au détriment des lignes de desserte du territoire. Les lignes TER, parce qu’elles étaient vétustes, ne fournissaient plus le service requis aux usagers. Elles entraient alors dans un cercle vicieux, les conduisant à avoir de moins en moins d’usagers, donc à souffrir d’un désengagement.
Le Gouvernement a choisi de concentrer les efforts sur les transports du quotidien, donc sur les lignes TER. Cet engagement, inscrit dans la loi, s’est traduit par des efforts budgétaires. C’est un engagement que le Gouvernement s’honore de prendre, avec les chiffres que j’ai rappelés.
Comme vous l’avez souligné, le coût de la remise en état de la ligne Épinal-Saint-Dié s’élève à 26 millions d’euros, dont 8,4 millions sont pris en charge par l’État.
M. Daniel Gremillet. Et plus de 50 % par la région !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Oui, c’est exact, monsieur le sénateur. Les additions tombent juste !
Vous avez rappelé ce qui pourra être mis en œuvre au travers des travaux de la mission Philizot. La région est tout à fait allante sur la ligne Nancy-Vittel pour mettre en œuvre l’article 172 de la loi et ainsi trouver les voies de la pérennisation de cette ligne.
C’est par ces efforts concertés, par l’activation de l’ensemble de ces dispositifs au bénéfice des petites lignes que nous arriverons à faire vivre ce système quelque peu dual, typiquement français, dans lequel coexistent un réseau TGV, qui assure bien souvent la desserte du territoire, notamment en bout de ligne, et un réseau « TER-petites lignes », à rénover à la hauteur des aspirations des régions.
Il n’y a pas de dualité dans la politique du Gouvernement. Nous avons simplement l’ambition d’opérer un rattrapage au profit des petites lignes ferroviaires, trop longtemps délaissées.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le secrétaire d’État, merci de cette partie de réponse.
Que les choses soient très claires entre nous : nous sommes entrés dans une nouvelle ère de compétitivité, pour apporter une réponse aux besoins de la population et rendre le transport accessible.
Toutefois, je n’imagine pas que l’État prenne ce prétexte pour se désengager du financement des solidarités. Je me permets d’insister, car ce piège peut être tendu… La solidarité passe aussi par le financement des lignes TER. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la région Hauts-de-France constate aujourd’hui un refus de SNCF Voyageurs de fournir des informations précédemment demandées pour préparer la mise en concurrence de son service public de transport ferroviaire.
Le 10 mai dernier, la région a publié un avis de pré-information sur les services qu’elle entend réattribuer à compter du mois de mai 2020. Elle ne dispose plus que de six mois pour préparer les appels d’offres, et SNCF Voyageurs profite de sa situation de monopole en ne transmettant pas les informations nécessaires.
Pourtant, la région a veillé à signaler son besoin avec un maximum d’anticipation. En effet, le 12 mars 2018, une première demande a été formulée par courrier. Au lendemain de la promulgation de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la demande a été réitérée. Il convient de préciser que les dispositions concernant les informations dues aux autorités organisatrices par les opérateurs ferroviaires étaient pleinement applicables.
Le 13 novembre 2018, la région Hauts-de-France a renouvelé et complété sa demande, après avoir rempli l’obligation préalable d’adopter un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires, tel qu’en dispose la réglementation idoine, que l’État a mis plus d’un an à préciser dans un décret du 20 août 2019.
Enfin, le 15 octobre dernier, dans un contexte d’information asymétrique dénoncé par la Cour des comptes et par la chambre régionale des comptes, la région a adopté un nouveau contrat de service public, sans pour autant avoir pu obtenir contractuellement les informations recherchées.
Face à l’absence de transmission des informations de la part de l’opérateur historique, la région, dans l’incapacité d’exercer pleinement ses prérogatives, a saisi l’Autorité de régulation des transports (ART) dès le 19 avril 2019. À cette occasion, elle a pu préciser ses demandes d’information dans de nombreux courriers et au cours de cette procédure contentieuse.
À ce jour, le règlement de différend n’a pas encore abouti, et l’acte de régulation sur lequel le collège de l’Autorité aura à se prononcer est, quel qu’en soit son contenu, susceptible d’un recours de SNCF Voyageurs, ce qui retarderait davantage la mise en œuvre effective de la réforme voulue par le législateur. Il apparaît donc urgent que l’État, en tant qu’actionnaire unique de SNCF Voyageurs, rappelle l’entreprise à ses obligations.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir m’indiquer quelles sont vos intentions sur ce sujet. (Mme Valérie Létard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler le décret du mois d’août dernier. Comme vous l’avez souligné, les régions ont la faculté de saisir l’Autorité de régulation des transports. L’État en fait d’ailleurs de même en ce qui concerne les TET.
Nous serons très vigilants pour que l’ART délibère rapidement, de manière à rester dans le calendrier politique des régions.
J’en profite pour rebondir sur les propos de M. Gremillet, qui évoquait un désengagement de l’État. En termes de volumes, 70 % des investissements sont bien portés par les régions et 30 % par l’État. Mais, si l’on cumule investissements et maintenance, le ratio s’inverse : ce sont alors l’État et SNCF Réseau qui prennent en charge 70 % des dépenses globales.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 4 décembre dernier, l’État et les collectivités locales ont annoncé, lors d’un comité interrégional, le financement de la rénovation de la ligne ferroviaire Grenoble-Veynes, à hauteur de 34 millions d’euros.
L’absence d’investissements durant plusieurs décennies rend ce financement nécessaire pour sauver l’étoile de Veynes et maintenir une « petite ligne », essentielle à la vie d’un territoire rural et de montagne.
Lors de ce dernier comité de pilotage, SNCF Réseau a annoncé qu’une communication positive serait faite début 2020 pour valoriser l’engagement de l’ensemble des partenaires pour le maintien durable du service. Or, en ce début d’année, force est de constater que les faits ne correspondent absolument pas aux déclarations de bonne intention.
Actuellement, deux trains, l’un au départ de Grenoble, à dix-huit heures neuf, et l’autre au départ de Gap, à sept heures, sont remplacés par des cars sur la section Clelles-Veynes – une solution de rechange devenue de plus en plus fréquente hors période de travaux ; je ne dresserai pas ici la liste des exemples qui se multiplient, notamment dans mon département des Hautes-Alpes.
Or le recours au transport par la route doit rester occasionnel, qui plus est sur les lignes régionales, où la tentation est grande de fermer les guichets, puis les gares et, demain, les lignes.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, les élus, tant de l’Isère que des Hautes-Alpes, et les usagers ne peuvent se satisfaire des réponses techniques apportées aujourd’hui par SNCF Réseau et demandent à l’État de ne pas relâcher sa vigilance pour obtenir de l’exploitant le maintien des trajets intégralement en train, sauf en cas de force majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, votre constat est juste. Cette situation est due aux travaux préparatoires mis en œuvre sur la ligne Grenoble-Gap avant 2022. L’adaptation de l’offre se fait en lien avec les services de la région responsables de cette organisation.
Après les semaines de discussion que nous avons connues, le comité de pilotage du 4 décembre 2019 a établi un programme des travaux sur la ligne Livron-Veynes en 2020 et 2021, ainsi que des travaux plus lourds dès la fin de l’année 2021 entre Vif et Aspres. Une enveloppe de 28,3 millions d’euros sera débloquée à cet effet, dont 11 millions d’euros apportés par l’État, ainsi que 3 millions par SNCF Réseau, au titre de la maintenance renforcée, pour assurer le maintien de la circulation des TER sur la ligne des Alpes jusqu’à Clelles, pendant les travaux de la ligne Livron-Veynes.
Voilà précisément quelle est la situation. Vous avez raison de souligner que l’offre est actuellement adaptée au regard des travaux préparatoires avant 2022.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit d’un débat passionnant. Nous sommes très souvent sollicités sur ce sujet essentiel pour nos concitoyens.
La Normandie a été pionnière en la matière. C’est en effet la première région à avoir obtenu le transfert de l’État des lignes Intercités. La Normandie met tout en œuvre pour améliorer au plus vite les problèmes récurrents d’allongement du temps de trajet sur ses lignes TER et Intercités.
Avec le vieillissement des trains et des rails dont souffrent aussi d’autres territoires, le temps de trajet entre Le Havre et Paris ne cesse de se rallonger depuis vingt ans. Les trains sont parfois vétustes, à l’image de celui, très vintage, que j’ai pris ce matin. (Sourires.)
En contrepartie de la prise en charge par l’État du renouvellement complet du matériel ferroviaire, la région s’est investie dans l’amélioration des transports du quotidien par sa gouvernante. Grâce à ses choix, les usagers des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre embarqueront bientôt dans des trains neufs particulièrement attendus.
Nous sommes au milieu du gué. Le problème de modernisation du rail demeure en Normandie, en raison d’un vieillissement certain des voies et des gares, qui contribue également à l’allongement du temps de trajet.
Comme certains orateurs l’ont déjà souligné, la Cour des comptes préconise dans son rapport de transférer aux régions la propriété des infrastructures régionales. Pensez-vous transmettre à la région Normandie les infrastructures concernées, notamment pour permettre la mise en œuvre d’un meilleur service dans les petites gares, qui sont parfois vides de personnel ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, l’État consacre 860 millions d’euros au renouvellement du matériel roulant. Le premier train est entré en circulation hier, et la livraison des autres s’étalera sur les vingt-quatre prochains mois.
Nous avons eu l’occasion d’aborder en profondeur la question de la régénération des voies. La région Normandie a évidemment fait valoir ses besoins. Elle participera de la même façon aux accords bilatéraux que nous envisageons de signer de façon tripartite avec SNCF Réseau, de manière à faire plein usage de l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités et de permettre, le cas échéant, la mise en place de solutions de substitution.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons beaucoup parlé des plus petites lignes, les lignes « 7 à 9 », selon la classification internationale.
Or nous aurions pu évoquer bien d’autres sujets, comme la qualité du service ou l’impact écologique des trains. Nous avons préféré nous focaliser sur les petites lignes, qui représentent 45 % des 20 000 kilomètres du réseau TER, soit 9 000 kilomètres, pour seulement 2 % des voyageurs par kilomètre.
Si nous nous sentons tellement concernés par ces lignes, c’est qu’elles sont au plus près de nos territoires, ou plutôt de vos territoires, mes chers collègues, la région Île-de-France étant très largement supérieure à la moyenne européenne, avec 160 trains par jour, contre 13 en moyenne sur ces petites lignes.
Cette situation illustre bien une des difficultés de notre « métier » : la dette de la France ayant dépassé 100 % du PIB, nous devrions être soucieux de diminuer la dépense publique, mais nous voulons aussi assurer l’unicité de notre territoire et participer à son aménagement. Or ces plus petites lignes sont au cœur de cette question, en ce qu’elles permettent à chacun de circuler librement sans être dépendant d’une voiture.
Quand ils circulent sur des lignes électrifiées, les trains et les TER sont un outil au service de la transition écologique et énergétique. C’est beaucoup moins vrai quand ils fonctionnent au fioul, ce qui est malheureusement encore le cas sur les plus petites lignes…
Lors de la dernière session, la délégation à la prospective du Sénat a travaillé sur les nouvelles mobilités et publié un rapport signé par nos collègues Françoise Cartron, Alain Fouché, Olivier Jacquin et Michèle Vullien. Quels nouveaux outils utiliser aujourd’hui, pour faire évoluer la mobilité et s’assurer que celle-ci réponde aux enjeux à la fois de soutenabilité financière et d’aménagement du territoire ?
Le numérique apporte un certain nombre de solutions. L’État a lancé des appels à projets, afin de promouvoir de nouvelles mobilités, adaptées à chaque situation locale. Il serait intéressant que ces appels fassent l’objet d’une communication, afin de voir quelles solutions pourraient être généralisées à l’échelle nationale.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes largement félicité de la bouffée d’oxygène qu’a constitué, pour SNCF Réseau, la reprise de sa dette par l’État. Cette réponse était nécessaire pour la régénération du réseau, mais sera-t-elle suffisante ?
Oui, si SNCF Réseau se montre capable de poursuivre des gains de productivité. Si cette reprise de dette permet à l’entreprise d’économiser environ 1 milliard d’euros par an en frais financiers, SNCF Réseau doit encore améliorer sa productivité de 400 millions d’euros par an d’ici à 2026, pour mener à son terme l’ensemble des opérations de régénération sans reconstituer la dette. Il s’agit d’un effort significatif, mais nous avons envie de croire, avec vous, que cet opérateur en est capable.
Vous avez également évoqué la décentralisation des transports et le rôle dévolu aujourd’hui aux régions, amenées à devenir de véritables autorités organisatrices, à même de décider des lignes à maintenir ou non. Espérons que cet élan se propage à d’autres domaines lors de l’examen du projet de loi dit « 3D » : les collectivités, notamment celles qui se situent au plus près des citoyens, sont souvent les plus en capacité d’apporter des réponses adaptées.
Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés et, puisque l’occasion m’en est donnée, à vous souhaiter à tous une bonne année, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)