M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, la lecture de votre plan d’action est engageante. J’y retrouve par moments la vision dynamique d’une ruralité française revivifiée par la transition écologique, sociale et démocratique qui est au cœur de mon engagement politique.
Lutter contre l’artificialisation des sols, promouvoir l’agroécologie, faire des forêts le poumon de notre pays, revitaliser les petites villes, soutenir le commerce de proximité, lutter contre les déserts médicaux, faciliter l’accès aux services publics, développer l’ingénierie publique : à part le développement à l’aveuglette de la 5G, vous feriez presque carton plein !
Je parle au conditionnel, parce que, malheureusement, comme d’habitude, ce travail relève de l’opération de communication. Concrètement, vous ne mettez pas un euro sur la table. En outre, vos propositions vont souvent à l’encontre de la politique de votre gouvernement.
Ainsi, vous voulez développer l’agroécologie tout en supprimant les aides au bio, préserver nos forêts tout en démantelant l’ONF, l’Office national des forêts, soutenir le commerce de proximité tout en permettant aux grandes surfaces de consigner le plastique, lutter contre les déserts médicaux sans contraindre, même a minima, les médecins, accompagner les élus, développer les petites villes et les tiers lieux, tout en supprimant la taxe d’habitation, et tenter de renforcer l’ingénierie publique sans lui offrir de nouveaux moyens, mais simplement par des opérations de plomberie administrative ! C’est encore et toujours le même double discours !
Dès lors, je m’inquiète pour les promesses que vous ne faites pas, notamment dans le domaine de la mobilité, enjeu prioritaire pour nos concitoyens.
Les territoires ruraux n’ont pas besoin de lignes aériennes subventionnées qui les mettraient à une heure de Paris ; ils ont besoin de dessertes ferroviaires fines, dont le sort est à nouveau renvoyé au rapport Philizot, que l’on attend comme on attend Godot ; ils ont besoin de transports publics structurants qui permettent la mise en place de solutions adaptées à chaque contexte – covoiturage, vélo électrique, autopartage –, de manière à limiter l’usage de la voiture individuelle ; ils ont besoin que l’on parle, enfin, de « démobilité » et d’un aménagement du territoire équilibré, qui reviendrait sur l’hypermétropolisation, car celle-ci à la fois concentre et éloigne tout.
Madame la ministre, après la promulgation de la loi d’orientation des mobilités, toujours en manque de financement, quelles sont les ambitions concrètes du Gouvernement en faveur de la mobilité en zone rurale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Gontard, je vais prendre mon temps pour vous répondre : je ne dispose que de deux minutes, mais, comme je sais que je ne vous convaincrai pas, ce n’est pas la peine de se presser.
Je vous rappellerai tout d’abord que ce plan a été élaboré à partir des propositions faites par les élus auteurs du rapport qui en est à l’origine. Ce n’est pas moi qui ai inventé ces 200 propositions ! Parmi elles, 173 ont été retenues ; nous en avons encore ajouté quelques autres, pour un total actuel de 183 propositions retenues.
Certes, on peut faire de l’esprit, on peut faire de l’humour sur la politique que mène le Gouvernement – c’est tout à fait autorisé. Toutefois, prenons l’exemple de la santé. M. Genest, tout à l’heure, a présenté une partie du plan qui a été mis en place par ma collègue Buzyn. Il y a une mesure à laquelle je tiens particulièrement et que M. Genest n’a pas citée : la création de contrats d’engagement de service public.
Il s’agit d’offrir la possibilité de recevoir, au cours des études, une sorte de bourse en échange d’un engagement à servir une fois le diplôme reçu. Un système comparable existait jadis pour les enseignants au sein des instituts de préparation aux enseignements de second degré : j’ai pu en bénéficier moi-même pendant ma jeunesse.
Nous étions rémunérés pendant nos études, mais nous devions ensuite donner une partie de notre temps professionnel au service public : on nous envoyait dans les régions où il y avait particulièrement besoin d’enseignants. Notre idée est de créer un tel système, aujourd’hui, pour les médecins. Ce serait une mesure très importante.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l’absence de mesures contraignantes. Il se trouve qu’il n’y a pas de majorité, au Parlement, pour adopter de telles mesures. Nombre de gens y ont déjà réfléchi, mais j’estime en tout cas que toutes les mesures que nous avons prises, y compris l’envoi de médecins salariés – 400 à l’origine, 600 grâce à l’agenda rural – dans les zones où ils sont nécessaires, sont importantes.
Je signalerai par ailleurs que certains départements et régions s’engagent sur la même voie, afin de compléter l’agenda rural. C’est notamment le cas – pardonnez-moi de toujours citer ma région ! – de la région Centre-Val de Loire.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, je souscris complètement à la plupart des propositions de ce rapport. Comme vous venez de le rappeler, elles sont issues des élus. Je l’ai d’ailleurs bien souligné dès le début de ma question.
Je souhaitais plutôt connaître la manière dont vous comptiez mettre en place ces mesures concrètement. Car c’est ce qui manque : des moyens, mais aussi de l’ingénierie directe. L’ANCT n’est qu’un bidouillage de ce qui existe déjà sur les territoires, sans financement complémentaire. Quant à la question des mobilités, sur lesquelles je vous interrogeai, vous ne m’avez pas répondu, alors qu’elle est très importante et demande des moyens supplémentaires sur les territoires.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Guillaume Gontard. Sans mobilité, il n’y a pas d’emploi, mais il n’y a pas non plus de santé !
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa création en 1989, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac) a su s’imposer comme un formidable levier de développement de l’attractivité et du dynamisme économique des territoires, en contribuant au maintien du tissu économique local.
Ce fonds joue un rôle essentiel pour la revitalisation du commerce et de l’artisanat sur l’ensemble du territoire. Il constitue donc un instrument de développement local très important, puisqu’il a financé jusqu’à 1 000 projets annuels de soutien, de revitalisation, ou de reprise d’entreprises commerciales et artisanales de proximité.
Malgré son efficacité, le Fisac a vu sa dotation passer de 78 millions d’euros en 2010 à seulement 16 millions en 2018. Depuis 2019, ce fonds est placé en gestion extinctive, ce qui soulève l’inquiétude de nombreux territoires ruraux quant à sa disparition, qui aurait des conséquences très préjudiciables.
Certes, le programme Action cœur de ville doit prendre le relais du Fisac. Néanmoins, d’une part, ce programme ne concerne que 222 villes, essentiellement des agglomérations de taille moyenne et non des bourgs en zones rurales, et, d’autre part, il ne cible pas tout à fait les mêmes actions.
Force est de constater que ce dispositif est moins souple et moins adaptable aux spécificités locales. Dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances pour 2020, notre collègue Serge Babary a déposé un amendement tendant à augmenter les crédits, afin de doter le Fisac de 30 millions d’euros. Cette initiative, largement soutenue par le Sénat, a été supprimée par l’Assemblée nationale.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quelle solution vous comptez promouvoir dans votre plan d’action, afin de poursuivre l’accompagnement et le maintien de nos entreprises de proximité, notamment en milieu rural ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous le savez, et je vais le dire très simplement : le Fisac a disparu. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Noël Cardoux. Et alors ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je savais que cela aller faire hurler certains d’entre vous, mais ce n’est pas grave, car c’est la réalité ! Quand nous sommes arrivés au gouvernement, l’engagement pour le Fisac s’étalait sur plusieurs années. Il a donc fallu trouver un système de remplacement.
Pour répondre aux questions successives qui se posent, je rappelle que le montant du Fisac était de 15 millions d’euros dans le dernier budget. Or, pour le plan Action cœur de ville, le Gouvernement a prévu une enveloppe de 5 milliards d’euros.
En remplacement de ce fonds, nous venons de créer, dans le cadre de l’agenda rural, une nouvelle mesure de soutien en faveur des petits commerces dans les territoires ruraux, dont j’ai déjà rapidement parlé.
Cette mesure a été adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2020 et elle est effective depuis le 1er janvier. Elle consiste en la possibilité d’ouvrir, pour les collectivités qui le souhaitent, des zones de revitalisation commerciale qui permettent de bénéficier d’exonérations fiscales sur la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et le foncier bâti.
Pour les petits commerces de moins de onze salariés situés dans des communes de moins de 3 500 habitants, l’État compense pour la première fois cette exonération à hauteur de 33 % : c’est totalement inédit. Nous souhaitons vivement que les territoires puissent se saisir de cette nouvelle opportunité en faveur du soutien aux petits commerces dans nos campagnes.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, selon les termes du Premier ministre, le plan d’action en faveur des territoires ruraux, sur lequel porte ce débat, correspond à « la mise en place d’une politique spécifique à l’égard des campagnes, à l’image de celles qui existent dans les domaines de la politique de la ville et du soutien aux quartiers en difficulté ».
À mon sens, le point premier de toute politique à destination des territoires ruraux doit traiter du sujet vital, essentiel et primordial qu’est la santé. En effet, qui viendrait vivre dans une région, fût-elle la plus belle, la plus attractive, la plus charmante, offrant des possibilités d’accès à l’enseignement supérieur, au sport ou à la culture, s’il ne peut accéder aux soins ?
Dans le chapitre du plan relatif à la santé, je lis en particulier qu’est prévue l’obligation pour les internes en médecine de réaliser un stage en zone sous-dense. Je me souviens même avoir voté au printemps dernier l’obligation pour les étudiants en fin de cycle de formation d’effectuer quelques mois d’exercice en zone déficitaire.
À ce jour, cette mesure, qui serait pourtant une réelle avancée, attend son décret d’application. Idem pour les mesures de délégation d’actes et de pratique avancée qui figurent dans le plan.
De nombreux décrets d’application restent en attente : la liste des pathologies pour lesquelles les infirmiers pourront adapter la posologie de certains traitements, les modalités selon lesquelles les pharmaciens seront habilités à délivrer des médicaments pour certaines pathologies, les autorisations de vaccination des femmes et des enfants par les sages-femmes, la prescription par les pharmaciens de certains vaccins, la mise en œuvre et les conditions de prise en charge des activités de télésoins, etc.
Madame la ministre, face à des enjeux cruciaux d’accès aux soins en milieu rural, sera-t-il possible de passer outre les pressions des différents professionnels et de mettre en application dans les meilleurs délais les mesures votées par le Parlement au mois de juillet dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vingt-huit décrets sont déjà sortis en application de la loi Santé ; d’autres sont à venir. Les stages accueillant les internes dont vous avez parlé sont prévus pour la rentrée 2020. Ce décret sera pris dans les prochaines semaines.
Toutefois, le Gouvernement a souhaité anticiper ces échéances. L’un des facteurs limitants est le nombre de maîtres de stage accueillant des internes, malgré une hausse de 15 % en un an. Il faut donc aussi travailler sur ce sujet.
J’en viens aux nouvelles compétences des professionnels de santé. Dans le cadre des campagnes de vaccination hivernale, les pharmaciens peuvent désormais vacciner contre la grippe et les infirmières peuvent faire la primo-vaccination contre la grippe, ce qui leur était impossible auparavant. Ils peuvent également pratiquer les tests de l’angine pour vérifier s’il s’agit d’une angine bactérienne, qui nécessite un traitement antibiotique. Depuis le 1er janvier dernier, ils peuvent aussi dispenser sans ordonnance quelques médicaments.
Toutes ces évolutions, au-delà des textes, doivent évidemment se traduire dans le quotidien des Français. C’est donc aux professionnels de santé de s’en saisir.
C’est tout l’enjeu de la mise en application de la loi Santé, votée récemment.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. En ce qui concerne les maîtres de stage, un décret d’application est également en attente concernant les modalités de validation de leur habilitation. C’est également dans les tuyaux.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je vous remercie des bonnes nouvelles que vous m’apportez.
En revanche, l’étape suivante est la réflexion sur la prise en charge des urgences vitales et chirurgicales. En effet, dans ce plan, on parle beaucoup de la médecine dite « de ville », mais pas de l’organisation des plateaux techniques chirurgicaux, publics ou privés. Dans le département de la Nièvre, dont je suis élue, il serait question d’un maillage terriblement large : rien entre Nevers et Montargis ou entre Bourges et Auxerre pour les urgences chirurgicales de nuit !
Si l’État souhaite réellement agir en faveur des territoires ruraux, vous comprendrez que cette situation n’est pas acceptable. Les déclarations et les actes sont par trop discordants. C’est pourquoi, madame la ministre, il faudrait traiter ces sujets, essentiels pour nous, sans quoi ce plan pourrait rester au fond d’un tiroir.
M. le président. Madame Sollogoub, si vous posez une nouvelle question dans votre réplique, Mme la ministre ne peut y répondre, alors qu’elle est très tentée de le faire ! (Sourires.)
La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Madame la ministre, mon propos fera ici écho au débat sur l’avenir des transports express régionaux que nous venons d’avoir avec votre collègue Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État aux transports.
La voiture est aujourd’hui le moyen indispensable pour se déplacer dans les territoires ruraux ; je ne puis donc que saluer les mesures visant à permettre un accès plus rapide au permis de conduire, notamment grâce au développement des simulateurs de conduite et au permis à un euro par jour. Cela faisait suite à la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui contenait également des dispositions permettant, entre autres, à La Poste d’accueillir des élèves.
Toutefois, il est important que nos concitoyens qui ont choisi de vivre ou de s’installer dans les territoires ruraux puissent eux aussi avoir accès à une offre de mobilité pertinente et adaptée à la situation locale.
Le Sénat a œuvré pour faire de la loi d’orientation des mobilités un véritable texte de lutte contre les zones blanches de mobilité. Ainsi, les intercommunalités pourront, si elles le souhaitent, organiser leurs propres solutions de mobilité dans leur territoire, afin de permettre à nos concitoyens d’avoir accès à cette intermodalité.
Néanmoins, la question centrale reste ici celle du financement, en particulier la nécessité de donner aux intercommunalités les moyens de prendre la compétence mobilité, cela a déjà été évoqué. Sans ces moyens financiers, ces évolutions législatives n’auront pas de portée suffisante.
Madame la ministre, que comptez-vous proposer pour répondre aux attentes légitimes sur ce sujet, dans l’intérêt de nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je suis de la campagne : je sais ce qu’est le besoin de voiture quand on vit en milieu rural. On ne le dit pas assez : cessons de penser que l’on va supprimer les voitures dans le monde dans lequel nous vivons. Je le dis aussi simplement que cela.
Par ailleurs, dans la ruralité, le covoiturage se développe beaucoup, et de nombreux ruraux prennent de plus en plus de telles habitudes. C’est une bonne chose.
M. Michel Savin. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Enfin, vous posez une question sur le financement de la compétence mobilité dans la ruralité.
Plusieurs solutions sont envisageables. Évidemment, il a été discuté – je mets à ce terme tous les guillemets qui s’imposent – de créer le versement transport dans les territoires ruraux et d’abaisser le seuil du nombre de salariés dans les entreprises pour élargir cette prime. Néanmoins, nous avons pensé que ce n’était pas une bonne idée, car cela constituait une charge nouvelle pour les PMI, les PME et les très petites entreprises.
Pour l’instant, sur la question du financement, nous n’avons pas tranché, même si je ne sais pas ce que vous a dit mon collègue chargé des transports.
Hier, par exemple, lors d’une réunion à Arras, cette question a été évoquée. Des propositions quelque peu disruptives ont surgi, notamment pour que le versement transport soit mutualisé sur l’ensemble d’un département.
M. Michel Savin. C’est une solution !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cette suggestion émane d’un élu du Pas-de-Calais, non du Gouvernement, mais il faut trouver le moyen de financer mieux la mobilité dans la ruralité, même si je n’ai pas aujourd’hui de réponse plus précise à vous donner.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Madame la ministre, nous avions évoqué une solution simple à mettre en œuvre : verser une fraction de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) directement aux intercommunalités qui prendraient la compétence. En effet, pour les intercommunalités qui ne le feraient pas, ce sera la région qui le fera.
Notre interrogation porte sur les inégalités que cela entraînera : certaines régions iront très loin sur les questions de mobilité en direction de leurs intercommunalités ou de leurs concitoyens, d’autres un peu moins loin, ce qui n’est pas le système équitable que nous souhaitons pour chacun de nos concitoyens.
En outre, la solution d’un financement départemental n’est pas tenable au regard de ce qui figure dans la loi d’orientation des mobilités, sur le plan juridique et financier.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, il est flatteur de voir la majeure partie des recommandations de la mission « Ruralités » reprises dans votre plan d’action en faveur des territoires ruraux. On peut néanmoins déplorer un grand manque de précisions, tant sur la question du financement que sur celle du calendrier des actions proposées.
De nombreux sujets sont évoqués, et je pourrais m’attarder sur les propositions concernant la revitalisation des petites villes, qui pèchent par leur imprécision et leur incohérence. S’il est louable de souhaiter revitaliser les centres-bourgs, pourquoi alors avoir supprimé le Fisac il y a un an ?
Je m’attacherai à évoquer seulement deux points, qui préoccupent particulièrement nos territoires.
Sur le déploiement de la 5G, votre plan d’action s’occupe des détails avant de se concentrer sur l’essentiel. « Résorber les zones blanches pour renforcer l’attractivité des territoires » et équiper tous les pylônes existants en 4G d’ici à la fin 2020 ne répond absolument pas à la problématique des zones dites « grises », ces zones couvertes par un seul opérateur, ni à celle des zones où les réseaux sont défaillants et où les pannes d’internet et la baisse des débits sont fréquentes. Cela concerne de nombreux territoires ruraux et montagnards, où les habitants ressentent une forme d’insécurité, mais avant tout un sentiment d’abandon et de fracture numérique.
De même, sur le maillage territorial des services publics, vous promettez une maison France services par canton d’ici à deux ans, mais les agents d’accueil seront rémunérés par les collectivités et le fonctionnement sera compensé par une dotation de l’État jusqu’à une date indéterminée. C’est particulièrement flou et inquiétant pour les collectivités, qui voient leurs charges et leurs missions s’alourdir.
Cette proposition suit exactement la même problématique que celle de la modernisation des services des trésoreries, où l’État prévoit d’augmenter les accueils de proximité, qui seront en réalité de simples permanences de conseil, sans possibilité de transactions, et où très peu de services seront proposés. Le tout-numérique ne peut pas être la seule solution aux besoins de proximité de nos territoires ruraux.
Votre plan, qui se veut une réponse aux légitimes inquiétudes des élus locaux et des habitants, est flou, ce qui ne tend pas à les rassurer. Madame la ministre, êtes-vous en mesure de présenter des actions plus concrètes et mûries ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. En ce qui concerne les petites centralités, madame la sénatrice, nous sommes en train de construire cette politique. De manière générale, toutes les mesures que nous avons annoncées dans le plan Ruralité sont financées. On ne fait pas de politique sans apporter les moyens !
D’ailleurs, le Gouvernement n’est pas toujours seul : souvent, les collectivités territoriales, les régions, les départements, les intercommunalités, les communes participent à un certain nombre de financements. La réponse aux politiques publiques dans les territoires ne peut se faire que par des accords entre l’État et les collectivités territoriales, j’en suis intimement convaincue.
Vous parlez des maisons France services : un financement est prévu, incluant le fonds inter-opérateurs, l’État et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNAT), qui finance chaque maison France services à hauteur de 30 000 euros. Les agents d’accueil seront formés – nous avons passé une convention avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Vous avez parlé du haut débit. Là aussi, il existe une enveloppe de l’État, d’un montant de 3,3 milliards d’euros, à laquelle s’ajoutent des participations des collectivités territoriales. Dans certaines régions, ce sont les régions qui sont à l’initiative de cette politique ; dans d’autres, ce sont des syndicats, qui existent dans les départements ou sur deux départements.
Ce sont des politiques que nous contractualisons avec les collectivités territoriales, et c’est concret ! Il faut donc cesser de dire qu’il n’y a rien, qu’il n’y a pas d’argent.
J’en profite pour répondre à la question de Mme Sollogoub, ce qui intéressera également le sénateur de la Nièvre, qui se trouve dans mon champ de vision. Sur les hôpitaux, je suis d’accord, mais un avion sanitaire a été créé à Nevers – un blanc, comme on dit –, pour rapprocher les habitants de la Nièvre des urgences ; c’était absolument nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Janssens. Madame la ministre, au cours du grand débat national qui s’est tenu l’année dernière, la question de la santé et de l’accès aux soins médicaux est arrivée en tête des préoccupations. En effet, 4 millions de Français vivent dans des territoires en situation alarmante en matière d’accès à des professionnels de santé.
Cette situation très grave est particulièrement difficile à vivre pour nos concitoyens habitant dans des territoires ruraux, déjà fortement touchés par la fracture territoriale. Le plan d’action en faveur des territoires ruraux comprend un volet consacré à la question des déserts médicaux.
Face à cette urgence, le plan propose notamment le recrutement de 600 médecins salariés dans les zones à faible densité, le déploiement de médecins supplémentaires et d’internes dans ces zones. Ce sont des mesures nécessaires, mais largement insuffisantes.
L’un des objectifs de votre plan d’action est de soutenir les initiatives locales dans les campagnes. Précisément, en matière de santé et d’accès aux soins, des initiatives locales efficaces existent et méritent d’être mieux mises en valeur. Je pense en particulier au dispositif PAIS, plateforme alternative d’innovation en santé, qui est développé dans le département de Loir-et-Cher et que vous connaissez bien, madame la ministre.
Le dispositif PAIS revitalise l’offre de médecine de proximité en favorisant les synergies entre médecins, au sein d’un même bassin de vie. Cela passe, par exemple, par la mutualisation du secrétariat ou par l’organisation à tour de rôle de la prise en charge des soins sans rendez-vous. Depuis plusieurs années, PAIS fait ses preuves ! Cette forme d’organisation plus souple semble bien adaptée aux nouvelles pratiques des médecins généralistes de proximité.
Le Gouvernement est-il disposé, avec l’appui des médecins qui le souhaitent, à faire entrer ce dispositif dans les mesures de soutien à la ruralité et, ainsi, à le généraliser à l’échelle nationale ? Et si oui, à quelle échéance ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je connais bien le dispositif PAIS, plateforme alternative d’innovation en santé, qui est un formidable outil développé par les professionnels de santé de Loir-et-Cher, leur permettant, à l’échelle d’un territoire, d’accueillir des patients en consultation sans rendez- vous. Je tiens d’ailleurs à citer le docteur Isaac Gbadamassi, qui est à l’origine de ce système.
C’est pourquoi l’Agence régionale de santé soutient ce dispositif depuis plusieurs années, notamment financièrement. Cette dynamique est d’ailleurs au cœur de la stratégie Ma santé 2022. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont nées après des rencontres que j’ai moi-même organisées avec le docteur Gbadamassi, et elles s’inspirent du système PAIS.
Bien sûr, cela n’existe pas qu’en Loir-et-Cher : plusieurs autres départements fonctionnent sur ce modèle. Naturellement, toutes les agences régionales de santé soutiennent ce système, qui ne demande qu’à être connu. Les CPTS sont financées par l’assurance maladie pour assurer ces fonctions d’accès aux soins sur les territoires – jusqu’à 360 000 euros par an et par CPTS. Le dispositif PAIS en fait partie.
Notre travail à tous, c’est de faire connaître le système PAIS, pour qu’il se développe le plus largement possible. Toutefois, nous allons non pas l’imposer, mais le proposer.