M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous, nous n’avons pu que constater la violence inédite des incendies meurtriers qui dévastent l’Australie, sa faune et sa flore.
Si la préservation du patrimoine forestier mondial prend, à l’aune du changement climatique, une importance particulière, l’inquiétude quant à l’état des forêts françaises est ancienne. En effet, notre forêt tempérée associe des organismes vivants, végétaux et animaux, de toutes sortes et de toutes tailles, à des milieux très diversifiés par les sols, les climats, l’eau et les matières minérales. Comme tout être vivant, notre forêt est soumise à des influences susceptibles de perturber un équilibre fragile.
Mitage forestier, phénomène de « cabanisation », pollution : les menaces sur la forêt française, si elles ont changé de visage, demeurent d’actualité.
L’action indispensable du garde forestier ne suffit plus. La préservation de la forêt requiert l’intervention du législateur.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été déposée par le député Jean-Noël Barrot, vise à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. Pour rappel, le mitage n’est autre que la vente de parcelles de petite taille à des particuliers, souvent à des prix très élevés, en vue de donner au bien ainsi acquis un usage non conforme à sa vocation naturelle ou à son classement dans les documents d’urbanisme locaux.
L’île de France est, malgré son caractère urbain remarquable, aussi verte que bien d’autres régions françaises : ses 261 000 hectares de forêts aux caractéristiques bien spécifiques justifient la mise en œuvre d’outils spécifiques concourant à la préservation de cette forêt. En effet, le poumon vert de la région la plus densément peuplée du pays est soumis à une pression foncière sans comparaison avec le reste du territoire ; cette forêt connaît de multiples usages et un morcellement excessif.
Autre point non négligeable, sa répartition spatiale est très hétérogène : on relève quelques très gros massifs forestiers, comme ceux de Fontainebleau, de la vallée de la Seine et de Rambouillet, bien évidemment, mais aussi une forêt d’une plus faible densité dispersée sur le territoire rural de la grande couronne. Vous comprendrez que ce sujet tienne particulièrement à cœur à Mme le rapporteur et moi-même en tant qu’Yvelinois.
La forêt francilienne apparaît donc, dans ce contexte, particulièrement exposée au mitage forestier.
L’objectif de cette proposition de loi est simple : il s’agit de pérenniser un dispositif expérimental. En effet, la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a donné un nouveau pouvoir à la Safer d’Île-de-France, en l’autorisant à préempter, pour une durée de trois ans, en cas d’aliénation à titre onéreux, des parcelles en nature réelle de bois ou qui sont classées en nature de bois et forêt au cadastre, d’une superficie totale inférieure à trois hectares, lorsque l’exercice de ce droit de préemption a pour objet la protection et la mise en valeur de la forêt desdites parcelles.
L’expérimentation n’est pas encore arrivée à son terme. Néanmoins, le bilan de sa mise en œuvre du 28 février 2017 au 31 octobre 2019, tel qu’il résulte des données transmises par la Safer, apparaît suffisamment probant ; tous les acteurs de terrain le plébiscitent.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis février 2017, la Safer d’Île-de-France a engagé de la sorte 198 préemptions. Ces actions ont été fréquemment motivées par plusieurs objectifs légaux, mais, dans 107 cas, le principal objectif invoqué était la protection et la mise en valeur de la forêt.
En d’autres termes, si nous n’avions pas légiféré sur le sujet et mis en place cette expérimentation il y a trois ans, dans 107 cas, soit 20 % des situations de préemption, les collectivités et la Safer se seraient trouvées impuissantes face à une vente contribuant à accroître le mitage…
L’efficacité de ce dispositif sur le territoire repose sur son caractère préventif. C’est bien logique, puisque, une fois la parcelle vendue, illégalement défrichée et artificialisée, il est particulièrement difficile pour les communes d’intervenir.
Je le redis : des collectivités territoriales à la Safer, des propriétaires privés aux préfectures, en passant par les associations environnementales, tous les acteurs sont d’accord quant à la qualité de ce dispositif, qui a fait la preuve de sa pertinence opérationnelle.
Mes chers collègues, les objectifs fixés dans le cadre de l’expérimentation – amélioration de la structure des propriétés forestières et préservation des forêts franciliennes du mitage, de la pression foncière et de l’étalement urbain – ayant été atteints, il apparaît donc totalement justifié de pérenniser ce dispositif sans attendre l’expiration du délai de trois ans.
Bien évidemment, le groupe La République En Marche votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, votée le 28 novembre dernier par l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers franciliens a été adoptée, suivant la procédure de législation en commission, par la commission des affaires économiques.
Notre groupe votera ce texte,… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes LaREM et SOCR.)
M. Martin Lévrier. Bravo !
M. Fabien Gay. … dans une belle unanimité, un texte dont la portée géographique réduite, puisqu’elle est circonscrite à l’Île-de-France. En effet, nous pensons qu’il faut aborder cette proposition de loi dans le contexte plus global de l’urgence écologique et de l’impérative nécessité de protéger notre patrimoine forestier.
Comme le souligne l’accord de Paris sur le climat, les forêts et les arbres jouent un rôle essentiel, agissant comme des puits de carbone et absorbant l’équivalent de 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone chaque année.
Or la forêt française est la troisième forêt d’Europe : elle occupe 30 % du territoire national et capte chaque année près de 70 millions de tonnes de CO2. Avec près de 140 variétés d’arbres différentes, elle compte parmi les plus diversifiées d’Europe.
Nous pensons d’ailleurs qu’il nous faut réfléchir à un texte visant à protéger plus largement notre forêt, notamment notre forêt amazonienne. Nous attendons avec impatience la réforme du code minier, qu’on attend depuis près d’un siècle.
En Île-de-France, puisque tel est le champ géographique de la proposition de loi, la forêt est présente sur environ 261 000 hectares, soit un taux de boisement de 21 %, pour une moyenne nationale de près de 30 %.
Or l’une des caractéristiques de cette surface forestière et boisée est son extrême morcellement, trois fois supérieur à l’échelle nationale, mais également son manque d’entretien. Comme cela a été souligné lors des travaux de la commission, cette situation accélère sa dégradation et favorise la spéculation.
Le mitage forestier, la « cabanisation », l’artificialisation des sols, la pollution via la dépose illégale de déchets, accélèrent la vente de parcelles de petite taille à des particuliers, à des entreprises ou à des fonds d’investissement, souvent à des prix très élevés.
C’est pourquoi la proposition d’inscrire de manière pérenne dans la loi un droit de préemption à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de l’Île-de-France pour les ventes de parcelles forestières de moins de trois hectares, lorsque l’opération vise à protéger et à mettre en valeur la forêt, est plus que nécessaire, d’autant que les collectivités se trouvent démunies pour freiner ce phénomène de mitage et de détournement de la fonction première de ces parcelles.
En effet, depuis 2017, la Safer de l’Île-de-France a motivé, notamment par l’objectif de protection et de mise en valeur de la forêt, 198 préemptions. Ces actions ont été fréquemment justifiées par plusieurs objectifs légaux, mais, dans 107 cas, le principal objectif invoqué était la protection et la mise en valeur de la forêt.
Ainsi, en l’absence de cette disposition, dans ces 107 cas, soit environ 20 % des préemptions de la Safer, celle-ci n’aurait pas pu empêcher la vente des parcelles et l’accroissement du mitage forestier qui en aurait résulté.
Les 198 ventes sur lesquelles la Safer est intervenue représentent une surface totale d’environ 105 hectares de foncier forestier.
Enfin, nous tenons à rappeler que, depuis de nombreuses années, notre groupe porte des amendements visant à élargir le droit de préférence des riverains, mais aussi à étendre, sur l’ensemble du territoire, le droit de préemption des Safer, ainsi que des communes forestières, aux parcelles boisées de moins de 4 hectares, ou encore à modifier le mode de représentation des Safer, en augmentant le nombre d’élus locaux et de la société civile.
La forêt est devenue une valeur refuge, qui suscite beaucoup d’appétit de la part des investisseurs privés, lesquels n’ont que peu de considération pour l’écosystème forestier, pourtant si fragile. Et c’est encore plus prégnant en Île-de-France.
C’est pourquoi, je le répète, nous voterons avec plaisir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et LaREM. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France revêt un caractère tout particulier, alors que plus de 10 millions d’hectares ont été détruits en Australie par de violents incendies depuis septembre dernier, laissant des paysages lunaires et des forêts dévastées.
Les forêts constituent l’un de nos atouts majeurs dans la lutte contre le dérèglement climatique. Elles absorbent en effet chaque année 2 milliards de tonnes de CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre.
La France a la chance d’avoir 30 % de son territoire couvert par la forêt, ce qui lui permet d’absorber 70 millions de tonnes de CO2 chaque année.
Les espaces forestiers sont également indispensables à la préservation de la biodiversité des espèces animales et végétales. Ils présentent des qualités environnementales évidentes, mais aussi des qualités sociales, comme point de contact entre l’homme moderne et la nature, et des qualités économiques, au travers de la sylviculture.
Les forêts subissent cependant de nombreuses atteintes, et leur surface a continué, au cours des trente dernières années, à se réduire à l’échelon mondial.
Parmi ces atteintes, les activités humaines jouent un rôle majeur, que ce soit pour la création d’espaces agricoles ou pour l’exploitation industrielle. Les feux de forêt, comme les incendies spectaculaires en Australie ou dans la forêt amazonienne, rendent la déforestation bien visible. Celle-ci révolte à juste titre les citoyens soucieux de l’environnement.
Il existe cependant des menaces plus silencieuses et moins visibles. Le mitage en fait partie. Cette pratique, qui consiste en la vente de petites parcelles forestières à des particuliers, pour des usages qui ne correspondent pas à la destination de ces lieux, met en péril la croissance de nos forêts.
La région de l’Île-de-France concentre un cinquième de la population française sur moins de 3 % de la superficie nationale. Malgré cette forte densité, la région parisienne comprend d’importantes surfaces boisées, représentant 20 % de son territoire.
Élue de la Seine-et-Marne – le plus vaste département de l’Île-de-France –, où la forêt représente 25 % de la surface, vous comprendrez que je suis sensibilisée à ce sujet, d’autant que mon département reste le premier de la région pour la production de bois. Je ne puis non plus passer sous silence le massif de Fontainebleau, seconde forêt domaniale de France, qui s’étend sur 25 000 hectares.
Pour tenter de protéger ces espaces contre le mitage, une expérimentation a été introduite par la loi de 2007 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Il s’agissait de conférer à la Safer Île-de-France un droit expérimental de préemption portant sur les parcelles forestières de moins de trois hectares.
Le droit de préemption permet une intervention en amont, avant que la parcelle ne perde ses qualités forestières. Un tel dispositif permet d’entraver au minimum la liberté des propriétaires, qui demeurent maîtres de la décision de vendre leur parcelle et d’en fixer le prix.
Cette expérimentation s’est révélée utile. Le bilan fait état de près de 200 préemptions, pour une surface moyenne de 5 000 mètres carrés par vente.
Les différents acteurs de ces ventes ne se sont pas montrés hostiles au dispositif. Les collectivités locales sont à l’origine de la majorité des préemptions et, même si elles sont moins nombreuses, certaines préemptions ont eu lieu sur l’initiative de propriétaires privés.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à rendre permanent le droit de préemption de la Safer Île-de-France. Ce texte peut sembler modeste, technique, mais nous pensons qu’il contribue utilement à la préservation de la forêt francilienne.
Une question pourrait se poser quant à l’opportunité d’étendre ce dispositif à tout le territoire national, ou encore de le limiter aux zones soumises à une pression démographique ou à un étalement urbain important.
Les résultats de l’expérimentation ont démontré l’efficacité et la pertinence du dispositif sur le territoire francilien, mais ces résultats ne valent que pour ce territoire, si particulier, avec ses 1 014 habitants au kilomètre carré.
Le groupe Les Indépendants estime que toute atteinte à la liberté doit être strictement limitée et proportionnée au regard de l’objectif visé. L’éventuelle extension du mécanisme devra donc être soumise à un examen précis des spécificités de chaque territoire.
Concernant la région d’Île-de-France, à l’heure où les enjeux climatiques et environnementaux sont devenus primordiaux, et dans un contexte régional où 98,8 % du territoire correspond à une aire urbaine, chaque hectare compte.
Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui, au vu de l’expérimentation, constitue une réponse adaptée au mitage des forêts franciliennes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la forêt française constitue un des atouts naturels majeurs de la France, singulièrement dans le contexte actuel de transition énergétique et écologique, de lutte contre les gaz à effets de serre.
Filière économique de tout premier plan, elle représente plus de 440 000 emplois répartis sur l’ensemble du territoire. Son potentiel de développement est considérable et nous ne sommes qu’aux prémices de ce que ce matériau renouvelable de substitution peut nous offrir.
Cette forêt est aujourd’hui menacée, comme la plupart des espaces naturels. Victime de multiples fléaux, dont l’accélération du changement climatique n’est pas le moindre, elle pâtit aussi de l’étalement urbain.
Ainsi en Île-de-France, elle est victime d’une urbanisation « sauvage » et d’une pression foncière toujours grandissante. Le mitage et la « cabanisation », tels qu’ils vous ont été expliqués, conduisent au « grignotage » et à la disparition de forêts périurbaines, pourtant plus que jamais essentielles à l’équilibre des régions densifiées.
Ces constructions illégales font fi de l’autorité des maires et de leurs projets d’aménagements. Elles causent des nuisances aux riverains, entraînent des coûts supplémentaires à la charge directe et indirecte des collectivités, conduisent parfois à des extensions inopportunes de réseaux et rendent plus difficile la prévention des risques d’inondation, d’incendie et d’écoulement de boue.
La principale mesure de ce texte consiste donc à pérenniser le dispositif de lutte contre le mitage forestier en Île-de-France, expérimenté depuis 2017.
Il devenait urgent d’agir en mobilisant les outils existants, mais surtout en renouvelant l’action publique en la matière. En trois ans, le droit de préemption de la Safer Île-de-France a été utilisé 190 fois environ, souvent à la demande des collectivités locales.
Cette proposition de loi est plébiscitée, tant par les élus locaux que par les forestiers. Le groupe centriste la soutiendra donc, tout en demandant que l’évaluation de ce droit de préemption, prévue dans la loi de 2017 à l’issue de l’expérimentation, puisse bien faire, monsieur le ministre, l’objet d’un débat, de manière à définir s’il est ou non pertinent de le dupliquer à d’autres espaces naturels périurbains. En effet, si la pression foncière et démographique est particulièrement forte en Île-de-France, elle s’accroît également aux abords d’autres métropoles.
Face aux enjeux de climat, de neutralité carbone et de pollution, dans le cadre des PCAET, la place et les services rendus par les espaces forestiers sont devenus des sujets incontournables, qu’il convient de maîtriser, notamment tant que la fiscalité sur le foncier restera défavorable aux espaces naturels.
Tant qu’il sera fiscalement plus intéressant d’urbaniser une parcelle que de préserver des espaces naturels, la tentation sera grande, et la disparition des espaces naturels risque de se poursuivre.
Ce dispositif, utile pour lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France, s’accompagne fort heureusement sur ces territoires périurbains, et depuis la mise en place des plans régionaux forêt-bois, de politiques de préservation et de développement forestier.
Je tiens toutefois à ce qu’il n’y ait aucune confusion : à mon sens, cette mesure n’a pas vocation à se déployer au-delà des massifs périurbains.
Mme Anne-Catherine Loisier. Elle ne répond aucunement à la question du morcellement de la propriété forestière.
L’enjeu est tout autre, puisqu’il s’agit non pas d’éviter la « cabanisation », objet de ce texte, mais bien, pour lutter contre le morcellement, de permettre des regroupements de parcelles propices à créer des unités de gestion sylvicole durable. En ce sens, le droit de préférence accordé aux riverains demeure l’outil le plus approprié ; il doit être favorisé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pédagogie étant affaire de répétition, je rappelle pour la énième fois que la proposition de loi n° 159, adoptée par l’Assemblée nationale et visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France, a pour objectif de pérenniser une expérimentation lancée il y a bientôt trois ans.
Ce dispositif expérimental a démontré son utilité sur le terrain, mais il arrive bientôt à son terme et risque de s’éteindre si nous n’intervenons pas pour le pérenniser.
Il s’agit donc de protéger la forêt francilienne. Ce « poumon vert » de la région la plus densément peuplée de l’Hexagone est en effet particulièrement exposé au phénomène de « mitage forestier ».
Concrètement, des parcelles de petite taille sont vendues à des particuliers pour un prix élevé et font ensuite l’objet d’un usage non conforme à leur vocation naturelle ou à leur classement dans les documents d’urbanisme. Il en résulte un processus de « cabanisation ».
Le mécanisme retenu pour contrecarrer cette évolution a été de créer un droit de préemption des petites parcelles forestières, au profit de la seule société d’aménagement foncier et d’établissement rural d’Île-de-France.
Le succès de l’expérimentation est le critère fondamental pour permettre au législateur d’évaluer le bien-fondé d’une pérennisation. C’est également une condition de validité essentielle selon le juge constitutionnel : celui-ci vérifie en effet que la pérennisation ou la généralisation d’un dispositif dérogatoire repose bien sur une évaluation de sa mise en œuvre solide et convaincante.
Or le bilan de la mise en œuvre du nouveau droit de préemption du 28 février 2017 au 31 octobre 2019, transmis par la Safer Île-de-France, montre bien la nécessité de pérenniser le dispositif. En effet, sur presque 200 cas de mise en œuvre du droit de préemption de parcelles forestières, la moitié n’aurait pas été possible sans actionner le dispositif expérimental.
Plus en détail, quantitativement, depuis février 2017, l’objectif de protection et de mise en valeur de la forêt a figuré parmi les motifs invoqués par la Safer dans 198 procédures de préemption, soit 39 % des 510 préemptions exercées au total. Cet outil juridique est donc pleinement opérationnel.
En outre, qualitativement, la mise en œuvre de ce droit permet de contrecarrer la tendance au morcellement extrême de la forêt francilienne.
Les 198 ventes sur lesquelles la Safer est intervenue représentent une surface totale d’environ 105 hectares de foncier forestier. Il en ressort une surface moyenne de 5 289 mètres carrés par opération, soit environ le sixième du plafond de trois hectares prévu par la loi.
L’efficacité du dispositif comporte donc un volet préventif et dissuasif particulièrement utile, et c’est une excellente chose puisque, lorsqu’une parcelle est vendue, illégalement défrichée et artificialisée, il est excessivement difficile pour les communes et les maires d’intervenir, car notre droit prévoit un certain nombre de souplesses permettant de s’installer à titre provisoire dans certains habitats démontables ou mobiles.
S’agissant de la conformité juridique de ce texte, qui ne s’applique que sur une portion du territoire hexagonal, on peut citer des précédents, comme la décision du Conseil constitutionnel qui a validé la création d’une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France.
Pour justifier la nécessité d’un dispositif spécifique à la forêt francilienne, il convient de rappeler que celle-ci est trois fois plus morcelée que dans l’ensemble de l’Hexagone, avec des parcelles d’une superficie moyenne d’un hectare, ce qui affaiblit son potentiel de gestion et de protection.
Les forêts franciliennes doivent donc rester en mesure de bénéficier de ce que les scientifiques appellent l’effet fertilisant du CO2, qui permet aux arbres de se développer en capturant du carbone tout en diffusant de l’oxygène dans l’atmosphère francilienne.
De plus, ces peuplements forestiers sont les garants d’une certaine fraîcheur climatique pour les Franciliens, puisqu’un arbre d’assez grande taille puise environ 100 litres d’eau par jour dans le sol et en vaporise une grande proportion dans l’air.
Je précise également ici que, comme l’ont souligné fort justement en commission nos collègues Daniel Gremillet Jackie Pierre, Franciliens d’adoption (Sourires.), il s’agit non pas de mettre la forêt « sous cloche », mais de pouvoir l’exploiter comme elle doit l’être.
Le 8 janvier dernier, la commission des affaires économiques, sous la présidence de notre collègue Sophie Primas, a examiné le rapport et adopté sans modification, selon la procédure de législation en commission, cette proposition de loi.
L’unanimité étant rare de nos jours, c’est donc avec plaisir et sans réserve que le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et LaREM. – M. le ministre applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)