Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Mes chers collègues, la montagne est en deuil depuis hier soir : j’ai une pensée pour les victimes de l’accident d’hélicoptère qui a eu lieu en Savoie.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État aux affaires européennes. Dans notre inconscient collectif, la montagne et l’hiver riment avec de bons moments passés en famille – c’est d’autant plus vrai à l’occasion des fêtes de Noël –, mais, dans la réalité, il faut bien avoir conscience que les massifs de montagnes sont également un secteur économique en tant que tel. Ils sont, en outre, un secteur atypique, puisque le chiffre d’affaires de l’année se fait sur quelques mois, dont 20 % à Noël.
L’annonce brutale de la fermeture des remontées mécaniques et l’absence de date de réouverture laissent tous les acteurs dans l’inquiétude. Nous sentons vraiment la colère monter.
On nous a expliqué la nécessité d’une coordination européenne. L’Autriche, la Suisse avec laquelle nous avons des domaines skiables communs, et peut-être d’autres pays laisseront leurs infrastructures ouvertes aux vacanciers, tout comme ils ouvriront leurs restaurants. Monsieur le Premier ministre, ce sera le cas, dès demain, à Genève.
On nous a, par ailleurs, rebattu les oreilles sur la nécessité de la différenciation. Nous avons compris : la tour Eiffel rouvrira dans une semaine, quand l’intégralité des remontées mécaniques du pays restera fermée pour une durée indéterminée. En matière de différenciation, on peut vraiment mieux faire et ce n’est pas à celle-ci à laquelle nous pensions !
Monsieur le secrétaire d’État, quelle coordination européenne souhaitez-vous poursuivre désormais ? Quelle vraie différenciation locale pouvez-vous proposer aux acteurs de la montagne ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je veux tout d’abord m’associer à l’hommage que vous rendez aux victimes de cet accident d’hélicoptère.
En ce qui concerne les mesures relatives à la montagne, si le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, doit prendre ces mesures de restriction, ce n’est évidemment pas de gaîté de cœur.
Ce n’est pas non plus, comme on l’entend parfois, parce que les activités de plein air seraient les plus dangereuses, mais parce que nous savons qu’il y a aussi des lieux de rassemblement, qui peuvent être dangereux alors que l’épidémie n’est pas totalement maîtrisée. Nous devons être d’une vigilance particulière.
J’aurai l’occasion de revenir sur les mesures d’accompagnement et de soutien à l’activité touristique, mais je veux dire que, si nous rouvrions trop tôt, nous prendrions non seulement un risque sanitaire, mais également un risque économique pour les acteurs concernés.
En effet, si l’épidémie continuait à se développer de manière générale et que nous devions refermer des activités, c’est le haut de la saison, notamment le mois de février, qui serait remis en cause.
En ce qui concerne la coordination européenne que vous évoquez, je veux signaler que nous l’avons engagée, ce qui est inédit, car jamais nous n’avions eu affaire à une telle situation. L’Europe n’ayant pas de compétence en la matière, nous l’avons donc construite, sous l’autorité du Président la République et du Premier ministre.
Je veux être précis sur ce point : grâce à l’initiative que nous avons prise pour éviter une forme de concurrence excessive ou déloyale et un risque sanitaire de réimportation du virus, l’Italie, l’Allemagne – notamment la Bavière – et, plus loin de nous, la Bulgarie et la Slovénie ont annoncé la fermeture de leurs stations pour la période des fêtes. Andorre a également changé de décision, à la suite de cet effort de coordination.
Je tiens à préciser que, en ce qui concerne l’Autriche, tout sera fermé : les hôtels, les bars et les restaurants. En outre, une quarantaine sera imposée. Il n’y aura, donc, de fait, pas de concurrence touristique.
En ce qui concerne la Catalogne, la plus proche de nos frontières des trois communautés espagnoles qui disposent de stations de ski, nous avons fait en sorte qu’il y ait une interdiction pour les non-résidents de ces régions d’accéder aux stations de ski. Les autorités espagnoles, catalanes en particulier, mettront en place des contrôles.
Nous ferons des contrôles pour la Suisse, dernier pays qui se trouve encore dans cette situation, si nous n’arrivons pas à mettre en place une coordination diplomatique dans les prochains jours.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il s’agit de décisions cantonales en Suisse. Nous poursuivons nos efforts et nous accompagnerons les professionnels. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Pour ce qui concerne la Suisse, il faudra nous expliquer sur quel fondement juridique, européen ou français, pourront être effectués les contrôles à la frontière, à l’aller ou au retour des vacances…
Dans notre pays, les bars, les discothèques et les restaurants sont fermés. Ce n’est pas sur un tire-fesses ou sur un télésiège que l’on attrape la covid ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Le Premier ministre l’a rappelé : les stations de ski sont ouvertes ! Les protocoles ont été préparés : il faut donner de l’espoir à cette profession et à la montagne. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
ouverture des stations de ski
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël. Monsieur le Premier ministre, quinze jours après les annonces décriées du Président de la République, le monde de la montagne reste encore dans l’incompréhension face aux remontées mécaniques fermées, alors que la tour Eiffel ou le téléphérique de la Bastille, à Grenoble, rouvriront prochainement leurs portes. De qui se moque-t-on ?
Le décret paru ce week-end permettant l’accès aux remontées mécaniques à certains usagers, tels que les licenciés d’une association de la fédération française de ski, a suscité beaucoup d’interrogations : comment mettre en œuvre concrètement une mesure si discriminatoire, qui créera une grande frustration pour les vacanciers privés de ski, pendant qu’ils verront les membres des clubs locaux s’entraîner ?
Au-delà, on peut douter de la viabilité financière d’une telle opération, lorsque l’on sait que le coût du fonctionnement journalier d’une station peut frôler les 45 000 euros. À quinze jours des vacances de Noël, nous avons besoin de retrouver de la confiance et de la visibilité, à trois points de vue.
Nous avons besoin, tout d’abord, d’une visibilité temporelle : les remontées mécaniques demeurent le seul secteur qui ne bénéficie d’aucune perspective quant à la date de réouverture. Quels sont les critères et les seuils qui détermineront cette date ?
Nous avons besoin, ensuite, d’une visibilité organisationnelle. Vous enjoignez aux maires de sécuriser leur domaine skiable pour permettre la pratique d’autres activités.
Or de grandes incertitudes demeurent sur les activités en question, notamment celle des jardins d’enfants situés en front de neige. Il est indispensable de délimiter la responsabilité des maires et de permettre un maximum d’activités dans les meilleures conditions de sécurité possible.
Nous avons besoin, enfin, d’une visibilité financière. Là encore, de grandes incertitudes pèsent sur les modalités de compensation des pertes d’activité saisonnière pour des entités qui réalisent leur chiffre d’affaires annuel sur quatre mois seulement.
Monsieur le Premier ministre, la saison d’hiver est très courte. Pour bon nombre de stations qui fermeront leurs portes dès le mois de mars, le temps presse. Donnez-nous des réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice Sylviane Noël, pour rebondir sur votre question, qui s’inscrit dans le prolongement de la précédente, je veux dire que nous avons bien conscience que les activités dangereuses ne sont pas directement des activités de plein air, mais des rassemblements qui, de fait, peuvent avoir lieu chez les particuliers.
M. Loïc Hervé. Ils auront lieu tout de même !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Le travail de coordination européenne nous a enseigné que c’est en Autriche que se sont créés des clusters l’an dernier. C’est donc un sujet sensible.
Sur l’accompagnement, nous avons bien conscience de la difficulté qui est créée. D’ailleurs, le Premier ministre recevra de nouveau, le 11 décembre prochain, l’ensemble des acteurs de la filière et de la profession, pour évaluer un certain nombre de mesures.
Je puis d’ores et déjà vous dire que des mesures d’accompagnement particulières renforcées sont prévues, avec un dispositif de soutien ad hoc.
Je pense tout d’abord à un dispositif de compensation des charges fixes pour les remontées mécaniques. Cette compensation sera particulièrement importante : elle ira au-delà du fonds de solidarité.
Nous sommes également ouverts à examiner l’extension du fonds de solidarité, au-delà des fameuses listes S1 et S1 bis, à des zones territoriales entières, pour couvrir l’ensemble de l’activité commerciale, y compris les agences de location saisonnière, auxquelles l’accès au fonds pourrait être pleinement ouvert.
Un fonds de garantie des pertes fiscales des collectivités concernées est également à l’étude. Comme l’a annoncé la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, les saisonniers qui ont d’ores et déjà été recrutés pour la saison d’hiver seront éligibles au dispositif d’activité partielle sans reste à charge.
L’État sera au rendez-vous. La réunion du 11 décembre prochain permettra d’examiner d’autres mesures de soutien. D’autres activités seront ouvertes, puisque, comme vous l’avez souligné, il n’y a pas que le ski alpin qui est concerné. Vous le savez, les jardins d’enfants feront aussi l’objet de mesures d’ouverture.
Je le dis, l’objectif est de parvenir à une ouverture progressive, pour que nous n’ayons pas à décider ensuite de fermetures. Si nous rouvrions trop tôt, c’est aussi la santé économique des stations que nous mettrions en danger !
Par ailleurs, Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Michel Blanquer et Sarah El Haïry travaillent pour favoriser la reprise des classes de neige à partir du mois de février prochain, qui est le principal mois de l’activité touristique et économique.
Enfin, le Gouvernement lancera, avec Atout France, sous la responsabilité de mon collègue Jean-Baptiste Lemoyne,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. … une campagne de communication et de promotion pour l’hiver.
politique sociale du gouvernement et mesures d’accompagnement face à la crise
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe SER. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, des travailleurs pauvres, des retraités, des étudiants sans petit boulot viennent allonger désespérément les files d’attente devant les associations d’aide alimentaire, complètement débordées. La crise sociale est là, partout, sous nos yeux.
Nous attendions beaucoup du projet de loi de finances, mais le Gouvernement a obstinément choisi de poursuivre sa politique budgétaire et économique.
Vous préférez préserver les intérêts des plus fortunés et des grandes entreprises. Vous refusez de faire contribuer fiscalement les plus aisés, dont l’épargne s’est pourtant considérablement accrue. Vous restez sourds et n’acceptez rien – désespérément rien. Vous refusez d’améliorer la prise en charge du chômage partiel comme d’augmenter le SMIC.
Prenez-vous la mesure des choses ? Vous privez les Français non seulement de liberté, mais également de fraternité. Même au sortir de la guerre, le Conseil national de la Résistance avait compris qu’il fallait de grandes réformes sociales.
Quand allez-vous comprendre qu’il faut une vraie politique sociale, autre que ces mesures d’urgence décidées au coup par coup et insuffisantes ?
Quand allez-vous vous inspirer des départements, qui veulent mettre en place un revenu minimum de base ?
Quand allez-vous étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, vous avez raison : la crise de la covid-19 a déclaré la guerre aux classes populaires, qui sont plus exposées à la maladie, mais aussi à la récession, donc au chômage.
Nous avons un devoir de solidarité à l’égard de nos concitoyens. Cependant, le Gouvernement en a ressenti l’urgence non pas depuis cette crise sanitaire, mais dès 2017, sur les questions à la fois d’accès à la santé, d’accès à l’emploi et de solidarité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d’entre vous nous reprochent de ne pas avoir augmenté les minima sociaux.
Permettez-moi de vous rappeler que, dès 2017, nous avons augmenté un certain nombre d’allocations en faveur des plus fragiles. Je pense à l’allocation aux adultes handicapés, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, à la revalorisation de la prime d’activité, dont vous avez dû lire, dans le dernier rapport de l’Insee, qu’elle avait permis de diminuer le taux de pauvreté dans notre pays.
Je vous rappelle aussi que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté consacre 8,5 milliards d’euros en faveur des personnes les plus précaires dans notre pays.
Nous assurons aussi l’accès à la santé pour tous, sans barrière financière : dès le 1er janvier 2021, sera effectif le dispositif « 100 % santé », avec un remboursement des frais d’optique, dentaires et auditifs. Le Ségur de la santé consacre 100 millions d’euros chaque année à la lutte contre les inégalités en santé, qui est une autre forme d’inégalité puissante dans notre pays.
Nous avons instauré la prise en charge à 100 % de tous les frais de santé liés à la covid-19, à laquelle, je le répète, les populations les plus précaires sont le plus exposées.
Enfin, nous protégeons les plus fragiles. Ainsi, nous avons reconduit, pendant la crise, l’ensemble des droits aux minima sociaux et nous avons mobilisé, au total, 3,5 milliards d’euros pour les aides directes, qui ont bénéficié à près de 8 millions de nos concitoyens.
Nous avons dégagé des dizaines de millions d’euros pour assurer la mise à l’abri, l’accès à l’alimentation et la mise à disposition de masques. Je me permets, à cet égard, de saluer le travail réalisé par les associations en ce sens.
Enfin, vous le savez, nous mobilisons 6,7 milliards d’euros pour le plan « 1 jeune, 1 solution ». (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse et de votre attention.
Néanmoins, je persiste à penser que cette crise aurait pu être l’occasion pour vous d’opérer un changement complet de logiciel, de mettre en place une véritable politique de l’emploi et de traiter véritablement la question sociale. Vous en avez décidé autrement.
Décidément, votre gouvernement reste celui des élites ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
procédure judiciaire liée à l’attentat de nice
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Voilà une semaine, deux individus placés en détention provisoire pour leur participation présumée à l’attentat de Nice de 2016 ont, contre toute attente, été libérés pour vice de procédure, en l’absence d’une nouvelle ordonnance de maintien en détention provisoire.
Surpris par cette décision, l’un d’entre eux aurait même demandé que sa détention puisse être prolongée d’une nuit supplémentaire, afin de préparer sa sortie… (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Comme à l’hôtel !
Mme Dominique Estrosi Sassone. C’est grave !
M. Stéphane Le Rudulier. Fort heureusement, ces deux Albanais, parce qu’ils étaient en situation irrégulière, ont été interpellés les jours suivants par nos services de police et assignés à résidence.
Cette séquence surréaliste n’est malheureusement pas un fait isolé, et les autres cas ne sont pas circonscrits aux affaires de terrorisme. En 2019, a été libéré un homme suspecté de crimes contre l’humanité. La même année, a été libéré un jeune homme accusé d’avoir porté des coups mortels à sa mère. Plus récemment, a été libéré, à Marseille, un membre présumé du narcobanditisme.
Toutes ces remises en liberté contraintes sont liées à de malencontreuses erreurs de procédure.
Dans une démocratie comme la nôtre, la justice est indépendante, ce qui confère aux magistrats de nombreux pouvoirs. Le corollaire indispensable est qu’ils doivent avoir un régime de responsabilité renforcée. C’est la seule réponse à la défiance dont souffre aujourd’hui la magistrature, discréditée par ces négligences, certes minoritaires, mais insuffisamment sanctionnées.
Ma question est la suivante : quelles dispositions le garde des sceaux compte-t-il prendre pour faire cesser ces errements administratifs, qui ont conduit à la libération de deux individus soupçonnés de complicité dans l’attentat de Nice de 2016 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Le Rudulier, à titre liminaire, je tiens à vous adresser les vœux sincères et chaleureux du Gouvernement, puisque, en ce 9 décembre, nous célébrons non seulement l’anniversaire de la loi de 1905, mais aussi le vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le sujet que vous abordez est grave. Je tiens à excuser l’absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui, retenu à l’Assemblée nationale, m’a demandé de vous répondre.
Vous avez évoqué le grave dysfonctionnement qui a été mis au jour. Celui-ci a conduit à la libération de deux personnes suspectées d’être en lien avec l’attentat terroriste. J’ai évidemment, en cet instant, une pensée pour les victimes, pour leurs proches et pour tous les Niçois, qui ont été endeuillés une nouvelle fois cette année.
Premièrement, je veux vous annoncer que le garde des sceaux a immédiatement diligenté une enquête auprès de l’inspection générale de la justice pour faire toute la lumière sur cette affaire. Je vous le dis de manière extrêmement claire : s’il est établi que des fautes ont été commises, nous tirerons évidemment toutes les conséquences de chacune d’entre elles. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Il faut des sanctions !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. C’est ce que je voulais dire, monsieur le sénateur !
Deuxièmement, le garde des sceaux a demandé que cette enquête permette également de faire des propositions pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise pas. Il est très important que nous puissions répondre aux difficultés administratives qui peuvent exister et que vous avez évoquées.
Troisièmement, nous avons engagé une augmentation budgétaire majeure, historique, pour notre justice. Le « corollaire » de cette hausse, pour reprendre le terme que vous avez utilisé, sera évidemment une plus grande efficacité du système judicaire, de telle manière que cette situation ne puisse se reproduire.
Enfin, comme vous l’avez rappelé, immédiatement après ce dysfonctionnement, les deux personnes concernées ont été placées sous la surveillance du ministère de l’intérieur, en lien avec le ministère de la justice. Elles sont aujourd’hui assignées à domicile et sous contrôle judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le ministre des outre-mer, mes chers collègues, je relaie la question de mon collègue et ami Gérard Poadja.
« J’ai mal à mon pays », indique l’intéressé, depuis qu’est évoquée la reprise de l’usine du Sud, qui enflamme la Nouvelle-Calédonie.
C’est la première fois depuis trente ans que les Calédoniens s’affrontent de manière aussi violente sur le terrain, avec des barrages sur lesquels certains participants sont armés.
Hier, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a indiqué qu’il poursuivrait « inlassablement le dialogue […] jusqu’à parvenir, avec l’ensemble des acteurs, à une solution négociée. »
Monsieur le ministre, les consensus ont été la règle dans le secteur du nickel ces trente dernières années : en 1988, lors des accords de Matignon, permettant aux Kanaks d’accéder à l’économie du nickel ; en 1998, avec l’accord de Nouméa, en décidant de la construction de l’usine du Nord et en organisant l’entrée des intérêts calédoniens au capital de la société Le Nickel et d’Eramet ; enfin, en 2008, lorsque l’usine du Sud a été acceptée par les populations locales.
Notre histoire nous a appris que le consensus ne se décrète pas : il se construit. Dès lors, limiter l’espace du dialogue à la seule offre soutenue par l’État, ce n’est pas construire un consensus.
Le risque est de répéter les événements des années 1980. Le risque est également la fermeture pure et simple de l’usine du Sud, qui mènerait au chômage près de 3 000 familles. Enfin, le risque est la rupture du dialogue politique entre indépendantistes et non-indépendantistes avant un troisième référendum, avec des conséquences difficiles à prévoir sur la paix civile.
Ma question est simple, monsieur le ministre : face à ces risques majeurs, le Gouvernement est-il prêt à ouvrir le champ du dialogue au-delà de l’offre actuelle, afin de construire un projet consensuel de reprise de l’usine du Sud ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Gérard Larcher applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Jean-François Longeot, bien évidemment, le Gouvernement est prêt à ce dialogue depuis de nombreuses années.
Je veux évidemment commencer par condamner les violences. Je tiens à saluer le courage des forces de l’ordre – policiers, gendarmes, gendarmes mobiles… –, qui, depuis maintenant plusieurs jours, interviennent dans des conditions particulièrement difficiles, mais aussi l’autorité judiciaire, qui a commencé à apporter un certain nombre de réponses ces dernières heures.
Il convient de ne pas rendre la violence banale ou inéluctable. Sur ce dossier, certains commentateurs ont parfois trop tendance à la banaliser, comme si, en Nouvelle-Calédonie, la violence était un principe. Si les événements douloureux que nous avons connus dans les années 1980 sont évidemment marqués à jamais dans nos esprits, la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou l’est tout autant. Le dialogue est l’affaire de chacun. C’est un dialogue à trois, dans lequel nous devons tous avancer.
Permettez-moi de rendre compte au Sénat des discussions nocturnes que j’ai pu avoir avec les différents protagonistes de ce dossier, notamment sur la reprise de l’usine dite « du Sud », l’usine Vale.
Vous le savez, les gouvernements successifs ont soutenu massivement le nickel de manière globale en Nouvelle-Calédonie, et singulièrement l’usine du Sud.
Pour nous, la sauvegarde des 3 000 emplois n’est pas négociable. Je le dis, parce que ce point n’est pas consensuel. Dans la discussion, certains aujourd’hui voudraient mettre l’usine sous cocon. C’est 3 000 familles qui perdraient leur emploi ! Aucune raison politique ne le justifie. Je ne vois pas comment le dialogue et le calme pourraient revenir si 3 000 familles calédoniennes perdent leur emploi !
Nous devons continuer à travailler. En réalité, il n’y a plus qu’une seule offre sur la table. Nous devons continuer à la documenter. Des accords sont en cours entre les différents protagonistes privés, mais se pose également la question de l’actionnariat calédonien, qui mérite elle aussi d’être abordée dans le cadre de cette discussion politique.
Il est impossible de répondre à la question de la Nouvelle-Calédonie en deux minutes. Je me tiens donc à la disposition de votre assemblée, monsieur le président du Sénat, pour approfondir les différents points qui l’intéressent sur ce dossier si difficile, mais si important pour la République. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement, qui seront aussi les dernières de l’année 2020, auront lieu le mercredi 16 décembre, à quinze heures.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.