Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Monsieur le ministre, dans votre réponse à Jérôme Durain, vous tentez d’opposer les élus vertueux, qui seraient favorables aux politiques de sécurité, et les autres, qui ne feraient pas ce choix et s’en désintéresseraient.
Sur la question des moyens, soyons réalistes. On en a souvent parlé ici, en particulier à l’occasion de l’examen des projets de loi de finances : les marges de manœuvre des collectivités sont particulièrement restreintes aujourd’hui, et le dernier avatar qu’est la suppression de la taxe d’habitation ne va pas nous aider, particulièrement dans ce domaine. Surtout, nous n’avons pas la même conception de l’exercice de la sécurité à l’échelle locale.
M. Didier Marie. Pour notre part, nous considérons que la police nationale et la gendarmerie doivent exercer des missions de police judiciaire, et que les polices municipales doivent se consacrer à des missions de police de tranquillité. Cela n’empêche pas bon nombre de communes, y compris parmi celles que nous dirigeons, de consacrer de gros moyens à cette police de proximité, de la tranquillité et de la médiation. Nous pensons en effet qu’elle est utile dans nos quartiers et dans nos villes.
En tout état de cause, nous voulons que l’État soit présent et consacre les moyens nécessaires au maintien de la sécurité, une mission qui lui revient, et que la police judiciaire relève de sa compétence. Il ne faut pas opposer les élus qui seraient prétendument favorables aux politiques de sécurité et ceux qui ne le seraient pas. Cela est faux et relève d’un manque de subtilité !
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.
M. Philippe Tabarot. J’ai vraiment du mal à comprendre la position de M. le ministre, de même que la vôtre, monsieur le rapporteur.
Au moment où les délinquants sont de plus en plus violents et dangereux, où les actes de terrorisme se multiplient, vous refusez que ceux qui sont souvent en première ligne, c’est-à-dire les policiers municipaux, dans le cadre d’une expérimentation et avec l’accord de l’officier de police judiciaire – je le rappelle ! –, aient la possibilité de simplement vérifier l’identité des individus dangereux qu’ils ont face à eux.
Les policiers municipaux ne sont pas des sous-acteurs de la sécurité. En refusant de faire évoluer cet article, on les met en danger, et je le regrette.
Je retire cependant mon amendement.
Mme le président. L’amendement n° 96 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je vais faire une réponse à la réponse du ministre de l’intérieur… Je suis admiratif de ce monde idéal qu’il a évoqué et dans lequel les collectivités seraient toutes dotées de moyens suffisants et n’auraient plus qu’à arbitrer entre des politiques, c’est-à-dire entre le rond-point, le gymnase, la distribution de livres aux enfants, ou la sécurité et la police municipale… La réalité, elle, est quelque peu différente !
Il s’agit effectivement de choix politiques. Mais l’État fait aussi un choix politique lorsqu’il décide de ne plus accomplir certaines missions et demande aux territoires de les assumer. Or ce choix politique a des conséquences qui vont au-delà du rond-point, du gymnase ou du stade flambant neuf. On parle tout de même de sécurité publique, soit d’une mission régalienne !
Que se passera-t-il pour les citoyens d’une commune dont le maire ne voudra pas ou ne pourra pas assumer cette compétence ? La sécurité ne sera-t-elle pas garantie ?
Les membres de mon groupe et moi-même ne nous satisfaisons pas de cette situation dans laquelle un certain nombre de compétences régaliennes, comme la sécurité publique qui doit être garantie à chaque citoyen de ce pays, sont laissées au petit bonheur la chance aux territoires, certains ayant les moyens de les exercer et pas d’autres.
Par ailleurs, monsieur le ministre, au terme de cette expérimentation que vous nous promettez, une fois la sécurité publique transférée au bloc local, que fera la police nationale ? De la police judiciaire, du renseignement, du maintien de l’ordre ? Que restera-t-il du lien entre la police et la population ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Caricature !
M. Jérôme Durain. Qu’est-ce que la police de la République, une fois que l’essentiel des compétences qui font la vie de tous les jours, comme vous dites, sont transférées au bloc local ?
Tout cela est porteur d’évolutions qui ne sont pas anodines. Et dire « si on veut, on peut », je trouve cela tout de même un peu court ! C’est méconnaître la situation financière des collectivités territoriales et l’importance de ce sujet de la sécurité dans notre pacte républicain. C’est aussi ouvrir des voies de déviance, des biais. On sait en effet que, localement, certains élus auront tendance à faire plus dans des champs de compétence parfois dangereux pour le vivre ensemble.
Faites attention à ne pas banaliser la sécurité publique !
Mme le président. L’amendement n° 171 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol et Requier et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cet arrêté détermine également la mise en œuvre de l’expérimentation au regard de la capacité des agents de police municipale à intervenir dans un délai raisonnable sur l’ensemble du périmètre intercommunal concerné.
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. En l’état actuel, l’article 1er du présent texte prévoit une expérimentation qui renforcera le pouvoir des agents de police municipale des communes, mais également dans le cadre des intercommunalités lorsqu’une mise en commun a été décidée.
Si nous pouvons admettre le principe d’une telle expérience, y compris au niveau intercommunal, il nous paraît essentiel que les intercommunalités susceptibles d’y participer proposent un service de police efficace. Or nous constatons que, dans certaines intercommunalités, le périmètre géographique qu’elle recouvre ne permet pas d’atteindre cette efficacité.
Aussi cet amendement vise-t-il à rappeler que la taille de certains EPCI peut être un frein à une intervention équitable des forces de sécurité sur l’ensemble du périmètre retenu. Il s’agit de faire valoir la nécessité de prendre en compte dans l’organisation retenue non seulement les moyens mis en œuvre, mais aussi leur répartition et leur capacité d’intervention mobile sur tout le périmètre concerné, et ce dans la plupart des circonstances climatiques.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je comprends la motivation de M. Roux, mais pas du tout l’outil qu’il veut mettre en place. Si j’ai bien compris, il propose que l’arrêté ministériel qui fixe la liste des communes et EPCI participant à l’expérimentation détermine également la mise en œuvre de cette dernière au regard de la capacité des agents de police municipale à intervenir dans un délai raisonnable sur le périmètre concerné.
La mise en œuvre effective de l’expérimentation, je l’ai expliqué précédemment, est définie localement, au cas par cas. C’est bien le maire ou l’EPCI qui est la force motrice dans les conventions de coordination.
On ne va pas recentraliser par un arrêté ce que l’on doit faire sur le terrain ! C’est au maire, sur place, avec les autorités de la police nationale et de la gendarmerie, de prévoir dans une convention de coordination les modalités ainsi que les moyens au regard du périmètre concerné. Je suis surpris par cette proposition de recentralisation.
L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 250, présenté par Mmes Taillé-Polian et Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois après la publication de l’arrêté prévu à l’alinéa précédent, le conseil municipal de chaque commune retenue au titre de l’expérimentation objet du présent article est tenu de désigner un déontologue. Ce dernier, dans des conditions précisées par décret, est tenu de contrôler le respect de l’indépendance et de la loyauté des procédures conduites par les agents de police municipale pour les compétences qu’ils exercent au titre du même article. Il veille également au respect des règles éthiques et de déontologie des agents de la police municipale dans l’exercice de leurs fonctions. À défaut d’une telle désignation dans ce délai, la commune concernée perd immédiatement son éligibilité à la présente expérimentation.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à demander aux conseils municipaux des communes qui « bénéficieraient » de l’expérimentation de se doter d’un déontologue, agent de neutralité chargé de veiller à ce que le déploiement des nouveaux pouvoirs de police municipale se fasse dans les meilleures conditions possible.
On le sait, les polices municipales sont placées sous l’autorité du maire. Certes, le maire est un agent de l’État, mais il est aussi un politique, qui peut parfois agir ou faire agir ses agents selon des logiques électorales ou des enjeux de nature politique. Des problématiques de respect de la déontologie et de rapport aux citoyens peuvent également se poser, et ce quelles que soient les forces de l’ordre concernées.
Pour que cette expérimentation n’ajoute pas davantage d’interrogations au sujet des liens de confiance, lesquels n’existent, hélas, pas suffisamment, entre les forces de l’ordre et les citoyennes et les citoyens, il nous semble important que des tiers de confiance puissent veiller au respect de la déontologie, voire procéder à des formes de médiation.
Sur ce terrain local du respect de la déontologie et de l’action des forces de police, y compris municipales, nous avons besoin, je crois, de ce type de garanties.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je suis doublement opposé à cet amendement.
Premièrement, il existe un principe de libre administration des collectivités locales. On ne va pas ajouter des déontologues, voire, comme le prévoit un autre amendement, des coordinateurs de CLSPD… Le maire décide de ce qu’il veut faire ! S’il a pour s’occuper de ces questions un adjoint, un chef de service ou un agent, c’est très bien. Quoi qu’il en soit, le principe de libre administration des collectivités locales s’applique.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Deuxièmement, je m’inscris en faux contre vos propos, madame Taillé-Polian. Un arrêt de la Cour de cassation interdit aux maires d’intervenir dans l’exercice des prérogatives de police judiciaire dès lors que l’agent de police municipale est sous l’autorité fonctionnelle du procureur. Un maire qui viendrait orienter l’action de tels policiers dans tels quartiers, de manière subjective et non éthique, pour reprendre votre préoccupation, serait en contradiction flagrante avec cette jurisprudence et, donc, condamné.
Selon moi, il n’y a donc pas lieu de prévoir des déontologues.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je comprends la nécessité d’être exigeant et précautionneux, mais ne pourrait-on pas ici, dans la chambre des territoires, faire confiance aux élus, qui décident librement avec leur conseil municipal de l’organisation des choses ? Ne pourrait-on pas les laisser s’administrer librement, au lieu de décider pour eux et d’imposer, encore une fois, des contraintes normatives qui ne produiront pas forcément davantage d’effets positifs ?
Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous assistons à une dérive sécuritaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour par part, j’ai envie de dire : pourquoi ne ferions-nous pas confiance aux citoyens et aux citoyennes ? Oui, il faut prévoir un encadrement pour que tout le monde ait des garanties sur la façon dont le système fonctionne ! Si cette expérimentation est mise en place, il faut un certain nombre de garde-fous.
Dans notre pays, les rapports entre les forces qui disposent de pouvoirs de police et nos concitoyens peuvent poser problème, et il ne faut pas le nier. Le respect de la déontologie en est un exemple. Soit nous faisons comme si cela n’existait pas, et nous faisons confiance à tout le monde et nous ne mettons en place aucun encadrement, soit nous faisons face au problème.
J’estime d’ailleurs que le Gouvernement aurait dû faire figurer dans cette loi des dispositions sur les instances qui contrôlent les forces de police nationale, puisqu’il avait annoncé une réforme de l’IGPN. Or il n’y a rien ! Si le Gouvernement était vraiment sérieux, il aurait mis sur la table des propositions pour rendre l’IGPN indépendante et donner davantage de garanties aux citoyens. Ce serait un moyen d’améliorer la confiance entre les citoyens et les forces de police, qui nous permettrait d’éviter l’escalade à laquelle on assiste. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je ne comptais pas intervenir, mais après avoir entendu votre intervention, madame Taillé-Polian, je me demande si nous vivons dans le même monde ! J’ai l’impression que certains de nos collègues vivent dans des espaces clos, hermétiques, ce qui les empêche de voir la réalité du terrain.
Pour moi, « sécurité » n’est pas un gros mot.
M. Jérôme Durain. Pour nous non plus !
M. Laurent Burgoa. En tant qu’élu, que l’on soit maire, conseiller départemental ou régional, ou parlementaire, nous sommes sans cesse interpellés sur des problèmes de sécurité et d’emploi.
Ma chère collègue, il faut arrêter avec les stéréotypes ! Vous êtes hors sol, comme le sont malheureusement certains parlementaires qui ne sont pas présents. Je veux rendre hommage à Mme Gatel, qui préside la délégation aux collectivités territoriales, avec à ses côtés notre collègue Rémy Pointereau : comme nous, ils ont les mains dans le cambouis et savent comment les choses fonctionnent. Contrairement à vous qui êtes, je le redis, hors sol ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Monique Lubin. On n’est pas plus hors sol que vous !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous aussi, nous sommes des élus locaux !
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Taillé-Polian, je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos sur la police nationale et l’inspection générale de la police nationale.
Premièrement, vous évoquez le divorce entre la population et la police, mais je rappelle que plus de 70 % des Français aiment la police. Tout le monde l’aime d’ailleurs, puisque tout le monde réclame des policiers supplémentaires… Heureusement que les policiers sont là pour nous protéger ! Ce réquisitoire lancinant ne sert pas ce que nous souhaitons tous : la paix publique.
On ne peut pas, me semble-t-il, parler de divorce entre la police et la population, car l’une fait partie de l’autre. Les policiers sont père et mère de famille ; ils sont citoyens avant d’être policiers et le seront après. Par ailleurs, cette profession est l’une de celles dans lesquelles s’engagent le plus les enfants des classes populaires.
Deuxièmement, l’inspection générale de la police nationale n’a jamais été réformée par un ministre de l’intérieur, y compris socialiste : ni par M. Cazeneuve, ni par M. Valls, ni par M. Fekl, ni par M. Le Roux, sans remonter à des temps plus lointains. Sans doute considéraient-ils que l’IGPN fonctionnait bien, parce qu’elle était soumise à l’autorité judiciaire. Si ce service était inféodé au ministre de l’intérieur, si je donnais des ordres et si nous organisions des réunions secrètes pour nous couvrir, pensez-vous que les procureurs de la République accepteraient de confier, toujours et en tout lieu, à l’IGGN ou à l’IGPN les problèmes relevant du judiciaire ?
L’IGPN enquête sous l’autorité des procureurs de la République, qui constituent des dossiers jugés par des magistrats du siège. Il ne s’agit pas d’une inspection interne. Des inspections administratives peuvent par ailleurs être menées : les décisions prises sont susceptibles de faire l’objet de recours lorsqu’elles ne plaisent pas aux personnes concernées.
Le problème de l’IGPN est plutôt que ses recommandations ne sont pas assez suivies et qu’elles ne sont pas rendues publiques – j’ai d’ailleurs été le premier ministre de l’intérieur à les faire publier. Lorsque l’IGPN remet ses conclusions, le ministre n’est pas tenu de les suivre : j’ai souhaité, dans le cadre du Beauvau de la sécurité, que le ministre soit tenu de suivre a minima les propositions de l’IGPN et qu’un délai soit fixé à cette dernière – trois semaines ou un mois – pour la remise des conclusions, afin que les dossiers ne traînent pas. J’insiste, le problème de l’IGPN, c’est qu’elle n’est pas assez suivie, et non pas qu’elle est trop molle !
Madame la sénatrice, l’autorité judiciaire ne confierait jamais à l’inspection générale de la police nationale la moindre enquête relative à des policiers si elle ne la considérait pas comme une grande inspection, à l’instar de l’IGGN. À la place des caricatures – à la limite de contrevérités – auxquelles nous avons eu droit, il serait préférable que vous vous rendiez compte de ce qui se passe dans la police nationale, un corps qui est défendu par la population, qui est méritoire et qui nous protège. Pendant que nous parlons, ils risquent leur vie pour assurer notre protection ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je m’étonne que ceux qui s’opposent à nous dans ce débat le fassent de manière si schématique. Certaines réponses aux propos de Mme Assassi, de Mme Taillé-Polian et de M. Durain m’ont surpris : elles laissent à penser qu’une partie des sénateurs et des élus ne défendrait ni la République, ni la police, ni la gendarmerie, ni la sécurité. Je suis étonné qu’on puisse développer ce genre d’argument, car, en ce qui me concerne, je ne me permettrais pas de procéder de la sorte vis-à-vis de n’importe lequel de mes collègues sénateurs.
En réalité, ce que nous essayons de dire, c’est que, si nous souhaitons évidemment assurer la sécurité dans notre pays et défendre la République, tout en étant proches de la police et de la gendarmerie comme 60 %, 70 % ou 80 % des Français, nous avons une conception différente de la manière d’y parvenir. Nous le disons depuis le commencement du débat, les propositions qui nous sont faites ne permettront pas de résoudre les problèmes de sécurité des citoyens et de bien-être des gendarmes et des policiers.
Nous vous proposons un certain nombre de solutions, et nous nous étonnons que les propositions du Gouvernement au travers de ce texte aillent dans un sens qui ne nous paraît garantir ni la sécurité des citoyens ni le bien-être des policiers et des gendarmes en France. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Laurence Harribey et Monique Lubin applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Un pouvoir accru nécessite un contrôle accru. Regardons les missions qui pourront être transférées aux polices municipales : les rodéos motorisés, l’occupation illicite de halls d’immeuble, la vente à la sauvette, le port ou le transport sans motif légitime d’armes, de munitions ou d’éléments d’armes de la catégorie D. Quand nos policiers municipaux essayeront d’empêcher un rodéo motorisé, cela pourra mal tourner ! Nous risquons d’être confrontés à des incidents, et il faudra alors déterminer ce qui s’est passé.
De même qu’il existe une instance de contrôle pour la police nationale et une autre pour la gendarmerie nationale, il faut une instance de contrôle pour les polices municipales. Car elles seront exposées, en raison des pouvoirs, de l’armement et des missions qui leur seront confiés, à ce type de risque ! Ce n’est pas nous qui avons évoqué les violences policières ; ce n’est pas nous qui avons estimé – il me semble qu’il s’agit de Christophe Castaner – que la déontologie posait question. Le rapport de Jean-Michel Fauvergue sur la déontologie interroge l’organisation de l’IGPN.
La question de l’impartialité des instances de contrôle de la police et de la gendarmerie est dans le débat public. Prétendre que notre collègue Sophie Taillé-Polian dit des contrevérités est justement une contrevérité ! La question du contrôle de ceux qui exercent l’autorité est dans le débat public.
Nous aimons nos policiers et nos gendarmes, mais nous voulons qu’ils soient contrôlés, tout comme nous aimons nos enfants lorsque nous leur donnons une taloche parce qu’ils ont fait une ânerie. Nous devons être fermes avec ceux qui exercent des responsabilités particulières. L’affection que nous leur portons et le droit à exercer l’autorité que nous leur reconnaissons doivent s’accompagner d’une vigilance particulière. Un déontologue peut être utile. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Monsieur Darmanin, vous êtes certes le ministre de la police,…
Mme Esther Benbassa. … mais ne pensez-vous pas que vous devriez être également le ministre de celles et de ceux qui sont blessés, mutilés, éborgnés, tabassés par la police et la gendarmerie ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Comment régler le problème ? Nous allons en débattre à l’article 24 : sans vidéos et sans images, l’IGPN aurait refermé les dossiers et aucune enquête n’aurait été menée, comme c’est l’habitude.
Vous ne pouvez pas prendre en considération la sécurité et la protection des policiers et des gendarmes sans prendre en compte celle de la population. Si l’IGPN continue à fonctionner de la même façon, il y aura de moins en moins d’enquêtes. J’espère que, sans porter atteinte à l’intégrité physique et psychique des policiers, il sera encore possible de diffuser des vidéos pour stopper ces dérives que nous constatons dans la police et, un peu moins, dans la gendarmerie…
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je veux répondre à notre collègue écologiste.
Dans un grand nombre de démocraties du monde, le dialogue – je ne parle pas de consensus – existe sur ces sujets, et les échanges sont assez apaisés. On ne s’y jette pas des invectives à la figure, parce que les citoyens attendent que l’on fasse preuve de responsabilité.
Je m’adresse à vous, monsieur Benarroche : comment permettre un dialogue responsable quand certains maires de votre famille politique, à l’occasion de la Journée de la femme, défilent devant une pancarte « Police nationale, scandale » et quand, dans le même cortège, certains établissent un lien entre police nationale et viol, sans qu’aucun chez vous dénonce ces agissements ? Voilà pourquoi il existe un fossé entre nous et que nous ne pouvons avoir un dialogue apaisé ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Benbassa, je passe rapidement sur vos caricatures et vos attaques contre la police nationale et la gendarmerie, que je ne cautionne évidemment pas et que je trouve franchement scandaleuses.
La police nationale représente 5 % des effectifs de toute la fonction publique de l’État et 55 % des sanctions prises contre les fonctionnaires. Les policiers sont les fonctionnaires les plus contrôlés, les plus poursuivis et les plus sanctionnés.
Mme Esther Benbassa. Bizarre…
M. Gérald Darmanin, ministre. Faites donc le même exercice avec tous les corps de la fonction publique de l’État !
M. Jérôme Durain. Ce n’est pas notre travail !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela révèle votre obsession contre les policiers. (Mme Esther Benbassa proteste.)
Je ne connais pas beaucoup d’administrations autres que celle que j’ai l’honneur de diriger qui dénombrent chaque année entre dix et vingt morts en service et des milliers – oui, des milliers ! – de blessés. En outre, je le redis, 55 % des sanctions – du simple avertissement à des jours de suspension, en passant par le blâme – de toute la fonction publique de l’État concernent les policiers, alors qu’ils ne représentent que 5 % des effectifs.
Je le dis au Parlement : intéressons-nous à l’ensemble de la fonction publique de l’État pour voir si un corps est aussi accompagné et contrôlé que celui de la police nationale ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Marc applaudit également.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 151 rectifié est présenté par M. Dossus, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 212 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 321 rectifié est présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
1° Remplacer le mot :
décret
par les mots :
arrêté du ministre de l’intérieur
2° Supprimer les mots :
pendant la première année de mise en œuvre de l’expérimentation
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié.
M. Thomas Dossus. J’espère qu’en demandant davantage de formation pour les agents je ne vais pas jeter la suspicion sur eux…
L’article 1er prévoit une formation complémentaire des policiers municipaux des collectivités concernées par l’expérimentation, afin qu’ils puissent assurer correctement leurs nouvelles compétences. Le texte initial fixe une durée de formation d’un an, alors que l’expérimentation durera cinq ans. Cette durée nous semble trop courte.
À l’heure actuelle, la formation des agents municipaux est d’ores et déjà un sujet d’inquiétude pour les acteurs de terrain. Lors des auditions que nous avons menées, plusieurs magistrats et avocats nous ont alertés sur la méconnaissance de certaines procédures, qui fragilise parfois l’enquête tout entière.
Nous le savons, la première constatation sur le terrain est souvent le point de départ de la procédure. Si celle-ci présente des vices de forme, c’est tout l’édifice qui peut s’écrouler. Si de telles difficultés existent déjà aujourd’hui, qu’en sera-t-il demain quand les compétences prévues à l’article 1er seront bel et bien transférées au niveau municipal ?
La formation doit être exercée tout au long de l’expérimentation : tel est le sens de cet amendement. Par ailleurs, nous souhaiterions qu’elle soit à la charge de l’État et non des collectivités. En effet, les budgets des politiques de tranquillité publique sont souvent extrêmement serrés et ne permettent pas la prise en charge de formations nouvelles, a fortiori si celles-ci, en cas d’adoption de notre amendement, devaient durer cinq ans.
L’article 40 de la Constitution ne nous a pas permis de mettre à la charge de l’État ce budget supplémentaire. Nous souhaiterions que le Gouvernement s’engage ici à ce que l’État finance ces formations, puisque les compétences nouvelles relèvent de son niveau de responsabilité.