compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue aux membres du gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, au nom du Sénat tout entier, je tiens de nouveau à vous féliciter pour votre nomination et vous souhaiter la bienvenue au sein de notre assemblée dans vos nouvelles fonctions.

Depuis le début de la législature, votre prédécesseure, Mme Élisabeth Borne, a témoigné, lors de nos séances de questions d’actualité, d’une présence constante à laquelle nous avons été particulièrement sensibles et que je tiens une nouvelle fois à saluer.

Je souhaite également la bienvenue aux membres du Gouvernement, avec une attention particulière pour la ministre chargée des relations avec le Parlement, Mme Marie Lebec.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, le Sénat est le reflet de nos territoires, dans leur diversité. Sur ses travées siègent des élus expérimentés, qui sont à l’écoute de nos concitoyens et de nos collectivités territoriales.

Je forme le vœu, monsieur le Premier ministre, que vous serez attentif au Sénat. Le bicamérisme est une chance pour la démocratie et l’équilibre de nos institutions.

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

remaniement du gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, vous tentez d’incarner un changement, mais la seule nouveauté, c’est que ce remaniement ancre la casse du service public dans votre nouveau monde, un monde fait pour les riches, un monde d’oppression pour les salariés, un monde qui exclut au lieu de rassembler.

Cette politique engendre une crise démocratique profonde. D’ailleurs, le Président de la République n’a toujours pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Cette question n’est ni politicienne ni secondaire : c’est le socle du fonctionnement de nos institutions.

Vous ne pouvez plus faire jouer l’autoritarisme, en abusant du 49.3 comme en 2023. Continuerez-vous d’user de cet article de la Constitution ou vous engagez-vous à laisser vivre le débat parlementaire ?

Monsieur le Premier ministre, selon l’article 20 de la Constitution, c’est le Gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation et non le Président de la République ! C’est fondamental, car si le Gouvernement se mue en un cabinet d’exécutants, sans vote de confiance du Parlement, c’est l’édifice institutionnel qui s’effondre.

Emmanuel Macron prend tout en main, des rencontres de Saint-Denis à sa conférence de politique générale hier, mais il n’est pas responsable devant le Parlement. Monsieur le Premier ministre, vous devez donc demander un vote de confiance à l’Assemblée nationale, comme le prévoit le premier alinéa de l’article 49 de la Constitution.

Au vu du rôle du Sénat face au blocage de l’Assemblée nationale, en particulier au regard de la place qu’il a prise ces derniers temps en commission mixte paritaire, vous devez aussi vous soumettre à son vote, en déclenchant le quatrième alinéa de ce même article 49.

Aujourd’hui, c’est la confusion, la gesticulation médiatique pour masquer l’accélération autoritaire de la politique libérale. Notre peuple doit reprendre la main : il a besoin de clarté et a soif de justice. Votre mandat doit être soumis au vote des représentants du peuple ; à défaut, vous ne serez qu’illusion.

Je vous repose donc la question, monsieur le Premier ministre : allez-vous demander la confiance du Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, c’est la première fois que j’ai l’occasion de m’exprimer devant le Sénat en tant que Premier ministre. Vous me permettrez donc de vous dire – j’ai d’ailleurs dit la même chose au président Larcher, lorsque je l’ai eu au téléphone le soir de ma nomination – que j’ai un très grand respect et même une très grande admiration pour le travail qui est mené ici, au Sénat. (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse. J’espère bien !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. J’ai pu en mesurer la qualité dans les différentes fonctions gouvernementales que j’ai occupées ces dernières années, que ce soit en tant que secrétaire d’État à la jeunesse, porte-parole du Gouvernement, ministre délégué chargé des comptes publics – nous avons passé de longues nuits ensemble, en particulier avec le rapporteur général, Jean-François Husson, (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) et le président de la commission des finances, Claude Raynal, à examiner les projets de lois de finances – ou encore en tant que ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse – j’ai beaucoup travaillé avec le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Laurent Lafon, et les nombreux sénateurs qui sont extrêmement mobilisés sur ces questions.

J’ai toujours été, je le crois, très à l’écoute de ce que vous défendez toutes et tous, notamment du fait de votre expérience et de votre représentativité – vous êtes les élus de territoires d’une très grande diversité – et de vos propositions, parfois détonantes, mais toujours constructives.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Voilà l’état d’esprit qui m’a animé et qui continuera de m’animer.

J’ai eu l’occasion de le dire, je ferai ma déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale le 30 janvier prochain, parce que je souhaite, d’ici là, rencontrer des représentants de l’ensemble des groupes parlementaires, des forces vives de la Nation, des organisations syndicales ou encore des associations d’élus locaux.

Je souhaite aussi me rendre sur le terrain pour échanger de manière très directe avec les Français avant cette déclaration de politique générale.

Vous m’interrogez, madame la présidente, sur des questions qui relèvent de l’Assemblée nationale, mais je vais bien évidemment vous répondre.

Y a-t-il une majorité absolue à l’Assemblée nationale ? Non, nous le savons. Y a-t-il besoin d’un vote pour le démontrer ? Non, je ne le crois pas. Des Français se lèvent-ils le matin, en se demandant s’il y aura ou pas un vote sur la déclaration de politique générale du Premier ministre ? Non, je ne le crois pas non plus. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Je pense que les Français se lèvent en attendant de savoir ce que nous allons faire pour valoriser le travail des classes moyennes, qui sont toujours au rendez-vous de leurs responsabilités et qui attendent que l’on agisse pour elles, pour réarmer nos services publics, notamment l’école et la santé (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.), pour assurer la sécurité en tout lieu sur le territoire et pour agir en faveur de la transition écologique. Voilà les préoccupations des Français !

Je peux d’ores et déjà vous révéler que ces sujets seront au cœur de la déclaration de politique générale que je ferai à l’Assemblée nationale.

Selon l’usage, cette déclaration sera lue simultanément au Sénat, mais j’ai proposé au président Larcher – c’est peut-être moins l’usage – de prononcer devant vous, dans la foulée de cette déclaration de politique générale, une intervention propre à la Haute Assemblée sur les enjeux que je viens d’évoquer, qui concernent tous les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Rossignol applaudissement également.)

M. Roger Karoutchi. C’est l’usage !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je crois que la situation que connaît notre pays et les défis que traverse le monde commandent que nous ayons un débat au Sénat. Voilà mon état d’esprit et l’engagement que je prends devant vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

maîtrise des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Hervé Maurey. Monsieur le Premier ministre, hier, le Président de la République a évoqué, lors de sa conférence de presse, un grand nombre de sujets, allant entre autres de l’école à la santé, du pouvoir d’achat à la sécurité. Il n’a en revanche pas ou peu évoqué un sujet qui nous paraît pourtant important : la situation de nos finances publiques.

Nous atteignons un record de dette, qui nous place sur le podium européen des pays les plus endettés, notre charge de la dette va bondir de 50 % d’ici à 2027 et notre déficit sera le deuxième plus important de la zone euro.

Plusieurs annonces du Président vont même encore aggraver cette situation : généralisation du service national universel (SNU), qui pourrait coûter plus de 3 milliards d’euros par an, et baisse de 2 milliards d’euros des impôts.

Mes questions sont donc très simples. À combien chiffrez-vous les annonces du Président de la République ? Comment comptez-vous les financer ? Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement en termes de maîtrise des finances publiques, sujet souvent évoqué, mais jamais réalisé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations sarcastiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je profite de cet accueil chaleureux (Sourires.) pour vous adresser à mon tour mes meilleurs vœux.

Monsieur Maurey, nous nous connaissons bien – nous avons été élus du même territoire pendant une quinzaine d’années – et vous savez que j’ai l’habitude de faire les choses en temps et en heure. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

À partir de 2017, avec les gouvernements précédents, nous avons rétabli nos finances publiques. J’avais dit que nous reviendrions sous les 3 % de déficit et que nous sortirions de la procédure pour déficit public excessif : j’ai tenu parole.

Nous avons ensuite eu à faire face à deux crises successives majeures : le covid-19 et la crise inflationniste. Vous avez toutes et tous appelé à ce que nos capacités de production, nos salariés, nos PME et TPE soient protégés : nous l’avons fait. Vous avez appelé à une protection des plus modestes face à la crise inflationniste et à la flambée des prix du gaz et de l’électricité : nous l’avons fait.

Désormais, nous revenons à la normale et sortons d’une situation exceptionnelle. Je partage totalement votre ambition et je tiendrai parole : nous devons rétablir nos finances publiques, accélérer le désendettement du pays et réduire nos déficits, en tenant la première marche de 2024 – 4,4 % de déficit – et en accélérant ensuite.

Je crois avoir dit les choses très clairement il y a quelques semaines : en matière de finances publiques, le plus dur est devant nous !

M. Jérôme Durain. Pour les Français !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous allons devoir prendre des décisions fortes et courageuses pour rétablir nos finances publiques.

Je sais que vous avez très bien écouté le Président de la République hier ; vous aurez donc noté qu’il a déjà annoncé au moins deux de ces décisions.

Premièrement, il a confirmé que nous allions sortir du bouclier énergétique sur le gaz comme sur l’électricité. Comme je l’ai dit hier devant le Sénat, une situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles, mais dès lors que nous sortons de la situation exceptionnelle, il faut revenir à la normale, ce qui consiste ici à mettre fin au bouclier énergétique sur le gaz et sur l’électricité.

Deuxièmement, le Président de la République a annoncé la décision de faire passer la franchise sur les médicaments de 50 centimes à 1 euro. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

J’aurai l’occasion, sur la base de la revue des dépenses publiques, de proposer au Premier ministre et au Président de la République des décisions fortes et courageuses. Je n’ai aucun doute, monsieur le sénateur, que vous les soutiendrez. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, vous n’avez pas tout à fait répondu à mes questions, mais je ne m’attendais pas à autre chose.

Je voudrais simplement dire qu’il me paraît difficile, en matière de finances publiques, de pratiquer le « en même temps ». On ne peut parler d’indépendance financière, comme l’a fait le Président de la République, et continuer de dépenser et de s’endetter chaque jour davantage.

Vous avez dit récemment qu’il faudrait faire 12 milliards d’euros d’économies. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les mesures évoquées par le Président de la République ou celles que le Premier ministre a annoncées, soit 32 milliards d’euros supplémentaires pour la santé, ne vont pas dans le bon sens.

De toute évidence, la valse des milliards continue et la loi de programmation des finances publiques, à peine votée, semble déjà caduque…

Je voudrais juste rappeler que le Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, a proposé 7 milliards d’euros d’économies et 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Le Gouvernement n’en a pas tenu compte.

M. Hervé Maurey. Comme l’a fait le président du Sénat hier, je ne peux qu’inciter le Gouvernement à écouter davantage les propositions de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

situation à gaza

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, ce remaniement gouvernemental acte la continuité d’une ligne politique de droite. Nous aurons le temps d’en débattre une fois la feuille de route du nouveau gouvernement présentée.

La situation à Gaza, elle, ne peut plus attendre. En cent jours, 1 % des Gazaouis ont été tués, soit un taux de mortalité quotidien supérieur à celui de n’importe quel conflit armé du XXIe siècle, sans compter les personnes ensevelies et blessées, et 85 % ont été déplacés.

Mme Valérie Boyer. Et les otages ?

Mme Raymonde Poncet Monge. À la suite de la saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) par l’Afrique du Sud contre Israël, une des avocates a déclaré lors de l’audience : « C’est le premier génocide de l’histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction en direct dans l’espoir, pour le moment vain, que le monde fasse quelque chose. »

Nous savons ! Vous savez !

La France a la responsabilité et l’obligation, en tant qu’État partie aux conventions internationales, de protéger et d’agir pour mettre un terme aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité, voire au génocide en cours à Gaza comme partout dans le monde, et sans double standard ! En Ukraine comme en Palestine se jouent la défense des principes fondamentaux du droit international et l’avenir de l’Europe.

Le massacre de civils doit cesser. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire respecter le droit international et ses résolutions ? Vous engagez-vous à appuyer et à faire appliquer les mesures conservatoires demandées à la CIJ ?

Vous engagez-vous à saisir la Cour pénale internationale, comme les écologistes vous y invitent – nous avons déposé une proposition de résolution en ce sens –, pour qualifier les faits, tous les faits, et poursuivre les auteurs de crimes ?

Comptez-vous décider un embargo sur les ventes d’armes à Israël ?

Enfin, monsieur le ministre, quand comptez-vous reconnaître l’État palestinien, comme cela a été voté par notre Parlement, et soutenir l’Espagne dans cette demande auprès de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, je veux d’abord rappeler la solidarité de la France avec Israël à la suite de l’attaque terroriste de lundi. Cette attaque a fait au moins un mort et dix-sept blessés, parmi lesquels deux de nos compatriotes. Rien ne saurait justifier le terrorisme, rien !

Je veux également avoir une pensée pour tous les otages et pour nos quarante et un compatriotes assassinés le 7 octobre – nous leur rendrons hommage le 7 février prochain, comme l’a annoncé hier le Président de la République.

La situation à Gaza s’aggrave de façon dramatique. Dans cette guerre, l’action de la France se fonde sur trois volets, qui ont été fixés par le Président de la République.

Le volet sécuritaire, tout d’abord. La lutte contre le terrorisme passe notamment par l’adoption prochaine d’un régime de sanctions européennes contre le Hamas ; ce devrait être fait lundi prochain à l’occasion de la réunion du Conseil des affaires étrangères.

Le volet humanitaire, ensuite : respect du droit international et cessez-le-feu durable – il est nécessaire pour permettre l’acheminement de l’aide. La France a d’ores et déjà déployé 1 000 tonnes de nourriture et d’équipements et 100 millions d’euros pour les populations palestiniennes.

Le volet politique, enfin, pour retrouver la perspective de deux États. Ce sujet sera au cœur de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies que je présiderai le mardi 23 janvier à New York.

Enfin, il nous faut éviter l’escalade régionale. La France œuvre en ce sens au Liban, en mer Rouge et, bien sûr, en Cisjordanie.

Vous le voyez, nous apportons des réponses sécuritaires, humanitaires et politiques, à l’échelon tant national qu’européen et international. Ce qui se joue au Proche-Orient est trop important pour être ignoré par notre pays. Il faut éviter le pire ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

projet de réforme de l’aide médicale de l’état

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

À l’occasion des discussions sur le projet de loi Immigration, une partie du débat s’est nouée autour de l’aide médicale de l’État (AME). (Ah ! sur les travées du groupe SER.) Durant l’examen de ce texte, le Gouvernement a demandé un rapport – qui a été rendu – à MM. Évin et Stefanini.

Ensuite, sous la plume de votre prédécesseure, engagement a été pris par le Gouvernement, le 18 décembre dernier, de déposer un projet de loi en ce début d’année 2024 pour aborder cette thématique.

Hier, devant l’Assemblée nationale, vous avez confirmé, monsieur le Premier ministre, que cette démarche serait bien accomplie.

Mes questions sont très simples : allez-vous déposer ce projet de loi uniquement sur la base du rapport réalisé par MM. Évin et Stefanini ou allez-vous ouvrir préalablement une discussion avec le Parlement, singulièrement avec le Sénat ? Comment allez-vous procéder pour que nous continuions d’avancer sereinement – j’y insiste – sur ce sujet et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Buffet, lors des discussions sur le projet de loi Immigration, je n’étais pas dans les fonctions que j’occupe aujourd’hui, mais j’étais membre du Gouvernement et j’ai bien évidemment observé ces débats. J’ai bien vu que l’aide médicale de l’État avait fait l’objet de questions et de discussions, ce qui était légitime. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sexclame.)

Il n’est pas illégitime de nous interroger sur nos politiques publiques et sur notre modèle social. C’est aussi pour cela que nous sommes élus. Nous devons réinterroger en permanence notre modèle.

D’ailleurs, l’aide médicale de l’État a fait l’objet de questionnements et d’interrogations tant sous des majorités de gauche que de droite, ainsi que sous la majorité qui nous rassemble autour du Président de la République. (Sourires.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Une majorité de droite ! (Nouveaux sourires.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Ces interrogations ont abouti à des évolutions.

J’ai ainsi souvenir qu’en 2014 Marisol Touraine, alors ministre des affaires sociales et de la santé, s’était interrogée sur les filières qui abusaient de ce dispositif et avait fait évoluer ce dernier au cours de débats parlementaires.

De même, lors du précédent quinquennat, nous avons fait évoluer le panier de soins. Les débats étaient alors, je dois le dire, assez dépassionnés.

Voilà la logique qui doit nous animer : regarder les dispositifs tels qu’ils sont et évaluer comment nous pouvons les améliorer. C’est dans cet esprit qu’a été confiée une mission à Claude Évin et Patrick Stefanini.

Ce rapport, qui a été rendu public, souligne d’abord – il me semble important de le rappeler – que l’aide médicale de l’État est un dispositif utile, globalement maîtrisé et qui ne constitue pas en tant que tel et à lui seul – je fais attention aux mots que j’utilise – une incitation à l’immigration.

Cela éteint-il toutes les questions ? Non. Le rapport, vous l’avez dit, contient plusieurs recommandations et propositions qui me semblent assez intéressantes et légitimes.

À partir de là, comment avancer ? Vous le savez, Élisabeth Borne a adressé un courrier au président du Sénat s’engageant à donner une suite à ce rapport par des mesures réglementaires ou législatives. J’ajoute que le président du Sénat m’a interrogé de son côté sur les suites que j’entendais donner à cet engagement d’Élisabeth Borne.

Hier, la même question m’a été posée à l’Assemblée nationale. Les députés voulaient surtout savoir si je me considérais comme engagé par la lettre de ma prédécesseure. J’ai répondu que je respecterai bien évidemment l’engagement qui a été pris par la Première ministre.

Comment allons-nous procéder ? Sur ce sujet, je vous demande de patienter quelques jours ou semaines. Nous sommes en train d’installer le nouveau gouvernement et je dois échanger avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer et avec la ministre du travail, de la santé et des solidarités. En outre, je l’ai dit voilà quelques instants, je présenterai ma déclaration de politique générale le 30 janvier et je viendrai au Sénat, à cette occasion, pour débattre avec vous.

Pour conclure, je veux vous redire que l’engagement sera tenu et que nous donnerons suite à ce rapport. Pour ce qui concerne les modalités et le calendrier, je reviendrai vers vous très prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Merci, monsieur le Premier ministre, de cette réponse.

Vous avez dit, voilà quelques jours, que vous étiez un adepte des discours de vérité. C’est au moins un point que nous avons en commun. Dans ces conditions, le Sénat, en tout cas la majorité sénatoriale et le groupe Les Républicains, est prêt à un travail approfondi sur ce sujet.

Je veux toutefois rappeler deux choses. La première, c’est que le principe du soin pour les personnes susceptibles de bénéficier de l’aide médicale de l’État n’est pas remis en cause. La seconde, c’est que nous voulons maîtriser le dispositif et le contrôler efficacement pour qu’il ne soit pas dévoyé de son objectif initial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)

situation en mer rouge face aux agressions des houthis

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, la tension est montée en mer Rouge ces dernières semaines avec des attaques des Houthis visant le trafic maritime, en solidarité avec la bande de Gaza. Cette voie stratégique, qui relie la Méditerranée à l’océan Indien, est cruciale pour le commerce mondial, quelque 20 000 navires la traversant chaque année.

Depuis mi-octobre, cette route commerciale est menacée par les Houthis, des rebelles yéménites membres d’une organisation soutenue par l’Iran voulant interdire le passage aux navires des pays qu’ils estiment être proches d’Israël.

Cette milice yéménite a rejoint la coalition informelle appelée Axe de la résistance, qui réunit notamment l’Iran, le Hamas et le Hezbollah contre l’État d’Israël. Cette coalition fait planer le spectre d’un conflit généralisé.

La France fait partie de la coalition internationale assurant la sécurité en mer Rouge. En décembre dernier, la frégate Languedoc, en mission en mer Rouge, patrouillant dans la zone, a abattu en légitime défense des drones se dirigeant vers elle.

Ces attaques houthies dissuadent les navires commerciaux d’emprunter la mer Rouge. Ils se détournent du canal de Suez, optant pour le cap de Bonne-Espérance. Cette route alternative allonge considérablement leur trajet, ce qui entraîne une hausse du tarif des transports.

Ces attaques menacent la libre circulation du commerce et violent le droit international. La liberté de navigation en mer Rouge est d’une importance cruciale pour les intérêts de la France, ne serait-ce que pour assurer les liaisons maritimes avec ses territoires de l’océan Indien, Mayotte et La Réunion. Cette situation aggrave l’inflation sur les produits importés dans ces territoires.

La crise en mer Rouge ne constitue pas seulement un danger sur le plan sécuritaire, c’est aussi un danger commercial avec des répercussions qui entraînent une pression inflationniste sur la France et l’Europe et qui pénalisent l’économie mondiale.

Monsieur le ministre, face à cette double menace sécuritaire et commerciale en mer Rouge, quelles mesures envisagez-vous pour protéger les intérêts commerciaux et économiques de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)