Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

1. Ouverture de la session ordinaire de 2025-2026

2. Décès d’anciens sénateurs

3. Remplacement de sénateurs

4. Nomination de membres de commissions

5. Politique générale. – Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. Laurent Nunez, ministre de l’intérieur

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Ouverture de la session ordinaire de 2025-2026

M. le président. En application de l’article 28 de la Constitution, la session ordinaire de 2025-2026 a commencé le premier jour ouvrable d’octobre, soit le mercredi 1er octobre 2025, à zéro heure.

Le Sénat n’a pas siégé depuis cette date. Je prends donc acte aujourd’hui de l’ouverture de la session ordinaire.

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Décès d’anciens sénateurs

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Serge Boucheny, qui fut sénateur de Paris de 1969 à 1986, Ambroise Dupont, qui fut sénateur du Calvados de 1989 à 2014, Joël Bourdin, qui fut sénateur de l’Eure de 1989 à 2014, et Gisèle Printz, qui fut sénatrice de la Moselle de 1996 à 2014.

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Remplacement de sénateurs

M. le président. Par lettre en date du 12 septembre 2025, le ministère de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. André Reichardt, démissionnaire, a été remplacé à compter du 1er octobre 2024 à zéro heure par M. Marc Séné. (M. Marc Séné se lève. – Applaudissements.)

J’en profite pour remercier notre ancien collègue de tout ce qu’il a apporté à notre assemblée.

Par lettre en date du 3 octobre 2025, le ministère de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. Joël Guerriau, démissionnaire, a été remplacé à compter du 6 octobre 2025 à zéro heure par Mme Marie-Pierre Bessin-Guérin. (Mme Marie-Pierre Bessin-Guérin se lève. – Applaudissements.)

Par lettre en date du 12 septembre 2025, le ministère de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. Jérôme Durain, élu président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, a été remplacé le 7 octobre 2025 à zéro heure par Mme Paulette Matray. (Mme Paulette Matray se lève. – Applaudissements.)

En votre nom à tous, je souhaite la plus cordiale bienvenue à nos nouveaux collègues.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de Mme Sophie Primas a repris le vendredi 10 octobre 2025 à zéro heure.

En conséquence, le mandat sénatorial de M. Éric Dumoulin a cessé le jeudi 9 octobre 2025 à minuit. Je veux le remercier de son action au sein de notre Haute Assemblée.

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Nomination de membres de commissions

M. le président. J’informe le Sénat que, conformément à l’article 8 de notre règlement, le 4 octobre dernier, Mme Annick Girardin est devenue membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et M. Marc Séné est devenu membre de la commission des lois.

En outre, le 10 octobre dernier, M. Patrick Kanner est devenu membre de la commission des lois, Mme Paulette Matray et M. François Patriat sont devenus membres de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, Mme Marie-Pierre Bessin-Guérin est devenue membre de la commission des affaires économiques, M. Pierre Médevielle est devenu membre de la commission des affaires étrangères et M. Martin Lévrier est devenu membre de la commission des affaires sociales.

Enfin, le 12 octobre dernier, M. Bruno Belin est devenu membre de la commission des affaires européennes.

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Politique générale

Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.

Je donne la parole à M. Laurent Nunez, ministre de l’intérieur, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. Laurent Nunez, ministre de lintérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme M. le président du Sénat vient de l’indiquer, je vais lire devant vous la déclaration de politique générale, prononcée en ce moment même par M. Sébastien Lecornu, Premier ministre, à l’Assemblée nationale.

« Mesdames, messieurs les parlementaires, il faut savoir tirer les bienfaits d’une crise. J’ai accepté la mission que m’a confiée le Président de la République, parce que la France doit avoir un budget, parce qu’il y a des mesures d’urgence à prendre, sans attendre. C’est un devoir. Je l’accomplirai, sous certaines conditions, qui découlent, d’évidence, de la composition de cette assemblée.

« Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n’aura pas lieu, grâce aux institutions de la Ve République et à ses soutiens. Mais cette crise a des racines. D’autres crises sont palpables, profondes, entremêlées : crises sociale, économique, financière, écologique, climatique, culturelle, internationale…

« Aux crises habituelles se greffent les crises imprévisibles, comme celles de la covid ou de l’énergie, sans oublier les guerres. En s’ajoutant à certaines dépenses qui augmentent de manière automatique, elles expliquent pour l’essentiel la situation financière dans laquelle nous sommes. Là non plus, il ne faut rien oublier.

« En vérité, plus que d’une crise, je crois qu’il s’agit d’un changement de monde, qui crée des fractures tout aussi locales que mondiales et des bouleversements géopolitiques majeurs.

« Une révolution de même ampleur que la révolution industrielle remet tout en cause. Cette révolution digitale, sociétale, bouleverse notre façon de vivre : elle choque, elle effraie. Il y a le monde d’avant, il y a ce monde de demain. L’irruption de ce nouveau monde provoque mille conflits, mille raidissements.

« Nous vivons et nous vivrons dans une époque de crises. Soit on les subit, soit on les utilise. Soit on change, soit on sera changé. Le dégagisme, c’est cela.

« Ceux qui ne changent pas, ceux qui s’agrippent aux vieux réflexes et aux postures disparaîtront – en politique comme en tout, en France comme ailleurs. Le basculement du monde ne s’arrêtera pas.

« Au fond, c’est la place de la France et des Français dans ce nouvel environnement qui est en jeu. La France restera-t-elle parmi les pays dont la voix compte ? Restera-t-elle indépendante ? Le déclin n’est pas certain, le progrès non plus. Tout dépend de notre capacité à innover, en matière politique comme en matière sociale, économique ou scientifique.

« Innover, c’est vrai pour le Gouvernement. J’ai pris acte de cet impératif. Innover, c’est assumer des ruptures.

« Le monde n’attend pas. Dans la vraie vie – je ne parle pas des statistiques –, nos concitoyens travaillent, s’inquiètent, attendent des solutions. J’ai proposé un gouvernement de mission, d’objectifs. Il n’agira qu’avec l’Assemblée nationale et le Sénat. À nous, au-delà des divergences, des écoles de pensée, des confrontations, de valoriser ce qu’il est possible de faire ensemble.

« La défiance de nos concitoyens n’épargne personne. Ou bien la politique sert à quelque chose, et les politiques trouvent des terrains d’entente ; ou bien ils ne les trouvent pas, et la déception se répand autant que l’impuissance. Je vous propose d’avancer.

« L’Assemblée nationale, dans sa diversité et ses divisions, ressemble aux Français. Elle est le fruit du choix des Français. Elle traduit les doutes, les peurs et les espérances de millions de nos compatriotes. En un mot, cette assemblée n’a jamais été aussi représentative des Français.

« Il faut en tirer toutes les conséquences. Jusqu’ici, on en a tiré essentiellement des conséquences négatives. On peut aussi en tirer des conséquences positives. Il serait temps !

« Pour avancer, la première condition, élémentaire, est de pouvoir compter sur le soutien des députés qui peuvent satisfaire le besoin de stabilité. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont annoncé leur soutien.

« J’ai proposé au Président de la République un gouvernement, afin de donner un budget sérieux et fiable pour la France, utile et bon pour les Français, dans les trois mois.

« Ce gouvernement incarne le renouvellement, avec l’entrée d’experts parmi les plus compétents de notre pays. Chacun d’entre eux apporte une expérience incontestable. Je les en remercie : ils quittent des fonctions stables pour se frotter à une vie politique qui n’a pas toujours montré sa meilleure face ces derniers jours. Ils serviront le pays avec une nouvelle génération de parlementaires qui partagent l’envie d’avancer. Toutes et tous ont une feuille de route. Toutes et tous ont conscience des difficultés.

« Pour réussir à faire avancer notre pays, avec une Assemblée nationale divisée, la deuxième condition – je reconnais que je l’avais sans doute insuffisamment mesurée – est de tenir le Gouvernement le plus éloigné possible des divergences légitimes qui s’expriment au travers des partis politiques. Il est logique que chacun affirme ses convictions. Chacun pose ses lignes rouges, avec d’autant plus de force que des élections se profilent ; c’est naturel.

« Le Gouvernement de la République assure la continuité de l’action de l’État et porte ses propres convictions dans le respect de la diversité de ses membres, mais il doit incarner l’ouverture au débat et aux compromis. Qui recherche les points d’accord, d’action, plutôt que cultiver les différences ?

« De fait, dans la situation du monde, marquée par une instabilité financière, militaire, économique, commerciale, migratoire, climatique, mieux vaut montrer une France unie qu’une France divisée. C’est une évidence, qui est tellement évidente qu’elle disparaît, tant on se complaît dans les querelles intérieures. Ce que je vous propose, c’est de trouver un chemin commun, malgré les divergences.

« Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Là encore, c’est une rupture.

« La troisième condition, pour réussir cette mission, est de redonner du sens à la politique, non par des mots, mais par des actes, par une nouvelle pratique du pouvoir, qui doit amener plus de progrès pour nos concitoyens.

« Mesdames, messieurs les parlementaires, partager le pouvoir avec le Parlement : voilà, incontestablement, une rupture.

« Dans une Assemblée nationale divisée, un gouvernement, même en s’appuyant sur la majorité la plus relative, ne peut agir dans la durée sans tenir compte des oppositions. Ce n’est pas possible, ce n’est plus possible et, surtout, ce n’est pas souhaitable.

« J’ai renoncé à utiliser l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. C’est la garantie, pour l’Assemblée nationale, que le débat – notamment budgétaire, mais pas seulement –, dans tous les domaines, vivra et ira jusqu’au bout, jusqu’au vote.

« Cette décision est forte de changements radicaux. “La légitimité démocratique […], c’est une démocratie où le Parlement a un rôle politique”, expliquait Michel Debré, le Parlement et le gouvernement ayant “chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté.” Et la rançon de la liberté, pour reprendre cette formule, c’est la responsabilité.

« Le Gouvernement présente le budget qu’il estime souhaitable. Le Parlement l’examine, le discute, le modifie. C’est sa liberté. Et sans 49.3, sans majorité absolue, le Parlement aura le dernier mot. C’est sa responsabilité et nous devons lui faire confiance.

« Cela paraît de bon sens ; c’est pourtant presque une révolution. À vous de saisir ce pouvoir, qui est une chance et un bel exercice de responsabilité pour montrer à toutes celles et à tous ceux qui en doutent que la démocratie représentative n’est pas morte et que l’Assemblée nationale et le Sénat restent l’endroit du pouvoir de décision, du pouvoir d’agir.

« Quel parlementaire dira à ses concitoyens qu’il ne veut pas discuter le budget de l’État, le budget social de la Nation ? N’est-ce pas le cœur même de la fonction parlementaire ? En renonçant au 49.3, il n’y a plus de prétexte pour une censure préalable. »

M. Laurent Nunez, ministre. « N’est-ce pas, d’ailleurs, ce que réclamait une grande partie de cette assemblée ? »

M. Laurent Nunez, ministre. « Je ne reprendrai pas ici les déclarations des uns et des autres. Vous le demandiez : c’est fait. J’avais promis une rupture : c’en est une.

« Dans les débats sur la fiscalité, sur le niveau des dépenses publiques, sur le déficit public, chaque parlementaire se prononcera.

« Des débats sur les moyens à allouer à l’écologie, la sécurité, l’éducation, le logement, les collectivités locales, la culture, l’agriculture, nos services publics, chaque parlementaire se saisira. Cette fois, son vote dictera la copie finale. On verra la position de chacun sur la dette et les impôts, sur les dépenses et les économies. Chaque vote sera un acte.

« Le budget sera au cœur du débat. Que contient ce budget initial ? Il porte une maîtrise des comptes publics qui réduira le déficit : dans la copie proposée par le Gouvernement, celui-ci est réduit à 4,7 % du PIB, contre 4,6 % à la suite du retrait de la suppression des deux jours fériés.

« Comme je l’ai déjà annoncé, dans tous les cas de figure, à la fin de la discussion budgétaire, ce déficit devra être inférieur à 5 % du PIB, car cet impératif de souveraineté s’impose à tous. Nous ne pouvons placer notre pays en dépendance durable de prêteurs étrangers et je ne serai pas le Premier ministre d’un dérapage des comptes publics. Aussi, dès 2025, nous aurons respecté l’objectif d’un déficit à 5,4 %.

« Le Gouvernement proposera un projet, qui, par essence, est perfectible.

« Il est urgent de continuer à dépenser moins. L’État a engagé une revue de ses dépenses. Des économies seront réalisées et il faudra désormais qu’elles s’inscrivent dans un cadre pluriannuel, en s’appuyant sur une véritable réforme de l’État. J’y reviendrai dès demain devant le Sénat et devant vous dans les jours qui viennent.

« Sur les dépenses de l’État, on peut faire beaucoup, à la condition de repenser son action en profondeur, de réussir sa transformation numérique, de moderniser ses interventions et d’alléger considérablement certaines procédures qui ne sont plus explicables. Tout le monde prône la simplification, nombre d’acteurs dans le pays la réclament : une majorité dans les deux chambres est possible sur ce sujet.

« D’autres économies seront engagées en luttant plus rigoureusement contre les fraudes, qu’elles soient sociales ou fiscales. Là encore, c’est une question de justice. Trop d’argent public est gaspillé parce que l’on ne contrôle pas assez à quoi il sert. Un projet de loi contre les fraudes a été déposé ce matin, en même temps que le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. C’est la première fois.

« Par ailleurs, il y aura des baisses d’impôts pour les petites et moyennes entreprises et il y aura des hausses d’impôts ciblées et exceptionnelles pour certaines très grandes entreprises. Ces baisses et ces hausses d’impôts permettront de mieux répartir les efforts au sein des contribuables et de garder une maîtrise de nos prélèvements obligatoires, qui sont déjà très élevés, pour financer notre modèle de redistribution au profit des plus modestes.

« La fiscalité des très grandes fortunes de certains de nos compatriotes a pu interpeller un certain nombre d’entre vous. Là aussi, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des anomalies.

« Nous croyons que réussir par son travail est une bonne chose : nous voulons une société où il est bon de travailler, de réussir et d’innover. Nous voulons aussi être vigilants sur le consentement à l’impôt.

« L’encadrement de l’optimisation fiscale, en particulier de celle qui passe par les holdings, constitue une première réponse. Nous demanderons à pouvoir créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes, que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense.

« Là encore, le débat parlementaire aura lieu. Il permettra à chacun de faire valoir ses arguments, en ne perdant jamais de vue que, derrière la fiscalité, se pose la question du consentement à l’impôt, de la confiance et de la justice.

« Le débat fiscal doit être aussi un débat sur l’emploi et la croissance, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce que le patrimoine professionnel soit touché.

« Je ne détaillerai pas les mesures fiscales maintenant. J’ai ouvert le débat, sans tabous. Je vous exposerai moi-même, avec les ministres, les propositions que j’ai faites, les modifications que je soutiendrai et celles que je combattrai.

« Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

« Sans utilisation du 49.3, le Gouvernement devra changer de méthode : il faudra des discussions préalables, des compromis, le souci du détail, et ne jamais refuser la technicité et l’âpreté du débat. La loi se fera ici, pas à Bercy. Je montrerai moi-même l’exemple en portant la discussion générale du budget de l’État et du budget de la sécurité sociale ici même.

« Une fois de plus, le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

« Mesdames, messieurs les parlementaires, je veux maintenant vous parler d’un sujet majeur qui a traversé notre pays, qui l’a parfois fracturé : le mérite, la dignité et le courage des travailleurs ; la légitimité d’une bonne retraite.

« Être travailleur, c’est être fier de nos entreprises, qui sont l’affaire non pas seulement des patrons, mais aussi de tous les salariés. C’est être fier de notre industrie, de toutes nos industries et de leurs filières : électronique, automobile, nucléaire, chimie, métallurgie, aéronautique, militaire… Cette fierté, c’est celle du goût de l’effort partout et pour tous. L’effort mérite reconnaissance et récompense.

« Le Gouvernement sera du côté des travailleurs et de celles et ceux qui veulent travailler. Le travail est la condition indispensable à la croissance et au financement de notre modèle social.

« Il nous faut nous attaquer à deux problèmes majeurs.

« Le premier est que les Français, s’ils sont certes productifs quand ils travaillent, accèdent trop tard au travail et en sortent trop tôt.

« Le second problème est qualitatif. Nous avons, en proportion, trop d’emplois de services moins rémunérés et pas assez d’emplois industriels qualifiés. C’est la raison pour laquelle il est urgent d’accélérer la réindustrialisation de notre pays, par l’investissement et l’innovation, mais aussi par notre politique énergétique.

« Nous croyons à la promotion interne, à l’ascenseur social. Je demanderai au ministre du travail et des solidarités d’engager dès cet automne des négociations par branche pour développer des parcours permettant aux salariés en bas de l’échelle de devenir agents de maîtrise et cadres. Le travail, le mérite, la volonté de progresser doivent être encouragés et récompensés. On ne peut pas rester au Smic pendant des années sans perspective de progression.

« De nouveaux ministres sont arrivés avec de nouvelles idées. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont là. »

M. Roger Karoutchi. Eh bien, tant mieux…

M. Laurent Nunez, ministre. « Le Gouvernement présente un budget pour l’emploi, pour produire, pour que le travail paye. Nous soutiendrons la rémunération, le logement, la santé des travailleurs.

« Ce sera aussi un budget pour préserver l’outil de production, avec la reprise de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), impôt qui pèse sur la production de nos petites et moyennes entreprises.

« Des propositions ont émergé de plusieurs groupes parlementaires pour le pouvoir d’achat des travailleurs. Là aussi, toutes seront examinées. Toutes seront débattues. Elles font actuellement l’objet d’un travail technique par les ministres qui en sont chargés.

« Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. »

M. Jean-François Husson. Ça, on connaît…

M. Laurent Nunez, ministre. « Être du côté des travailleurs, c’est aussi être auprès de celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie et qui sont à la retraite. (Ah ! sur les travées du groupe CRCE-K.)

« Nous respectons les travailleurs, donc nous respectons les retraités.

« Mesdames, messieurs les parlementaires, je vis avec quelques convictions simples : celle qu’il faut garantir l’équilibre de notre système ; celle qu’il faut le financer pour les générations futures (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ; celle qu’il faut pour chacun une retraite digne et pérenne.

« Il y a moins de cotisants qu’avant et plus de retraités. Cela s’impose à nous, comme à plusieurs pays européens. Plus personne ne peut le nier. »

M. Bruno Sido. Voilà !

M. Laurent Nunez, ministre. « Mais je ressens aussi ce que la dernière réforme, pourtant nécessaire, a provoqué : des tensions, des inquiétudes, de la lassitude, parfois un sentiment d’injustice ou d’incompréhension, y compris, à tort ou à raison, dans sa dimension démocratique. »

M. Bruno Sido. Pas du tout, c’est fini !

M. Laurent Nunez, ministre. « Alors, est-ce que le Gouvernement est prêt à un nouveau débat sur l’avenir de notre système de retraite ? La réponse est oui.

« Une réforme sociale, aussi nécessaire soit-elle, ne peut tenir que si elle est comprise et équitable. »

Mme Cécile Cukierman. Nous ne sommes pas d’accord, mais nous l’avons comprise !

M. Laurent Nunez. « Cet enjeu reste un enjeu d’avenir. J’ai toujours indiqué que l’avenir de nos retraites serait au cœur de la prochaine campagne présidentielle. Mais nous devons entendre que ce débat est demandé dès maintenant par des forces politiques et syndicales légitimes.

« Paradoxalement, cette période de quelques mois d’ici à l’élection présidentielle peut être une opportunité pour avancer, y compris sur ce sujet difficile des retraites. »

M. Jean-François Husson. On est sur cette question depuis juillet 2022…

M. Laurent Nunez, ministre. « J’ajoute que la plus grande richesse, pour notre pays, c’est la stabilité et la capacité à recréer la confiance entre les acteurs, notamment les partenaires sociaux. »

M. Laurent Nunez, ministre. « La maîtrise des comptes publics, la croissance, l’emploi, le renforcement de notre défense, la perspective de réformes utiles votées d’ici à 2027 reposent sur notre capacité à créer la stabilité politique. La plus grande richesse du pays, c’est sa capacité collective à aller de l’avant.

« C’est pourquoi je proposerai, dès cet automne, que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

« Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT.

« En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028. (MM. Patrick Kanner et Rachid Temal applaudissent.)

« Mais je le dis très directement : suspendre pour suspendre n’a aucun sens. La suspension en préalable de rien serait irresponsable. Cette suspension doit installer la confiance nécessaire pour bâtir de nouvelles solutions. La suspension pour faire mieux est la solution, si chaque acteur sait en tirer quelque chose. »

Mme Cécile Cukierman. Alors, on n’applaudit plus ?

M. Laurent Nunez, ministre. « Mesdames, messieurs les parlementaires, résumons.

« L’Assemblée nationale voulait que je n’utilise pas le 49.3 : je m’y suis engagé. L’Assemblée voulait débattre à nouveau des retraites : elle en débattra et chaque parlementaire défendra ses opinions. L’Assemblée voulait que le Gouvernement suspende la réforme en attendant un débat, une solution, un vote. Je le fais, ce qui permettra d’éclairer le débat lors de la future élection présidentielle.

« Mais je veux être très clair : je n’endosserai pas n’importe quoi. Le coût de la suspension pour notre système de retraite est de 400 millions d’euros en 2026 et de 1,8 milliard d’euros en 2027. Cette suspension bénéficiera, à terme, à 3,5 millions de Français. Elle devra être compensée financièrement, y compris par des économies. »

M. Roger Karoutchi. On n’entend pas un mot sur les économies…

M. Laurent Nunez, ministre. « Elle ne pourra pas se faire au prix d’un déficit accru. »

Mme Cécile Cukierman. Chers collègues du groupe socialiste, vous allez accepter cela ?

M. Laurent Nunez, ministre. « J’ai pris des engagements, ceux que les oppositions demandaient.

« Je prends un engagement supplémentaire, qui doit être entendu par chacun, y compris par nos prêteurs et par les marchés financiers : je n’endosserai pas un résultat qui mettrait en danger la crédibilité de notre pays et encore moins notre système de retraite tout entier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

« Je fais des pas en avant. À chacun d’en faire aussi !

« Mesdames, messieurs les parlementaires, suspendre doit être une opportunité. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman sesclaffe.)

M. Max Brisson. N’importe quoi !

M. Laurent Nunez, ministre. « Débattre de la question des retraites n’est pas seulement une équation financière. Ce sujet est partie intégrante de notre contrat social. Et ce dernier a besoin, lui aussi, d’une refondation, d’innovations et de ruptures.

« Ce gouvernement est prêt à renforcer le paritarisme, à faire confiance à la démocratie sociale. Une fois encore, suspendre la réforme n’a de sens que si c’est pour aller plus loin. Je propose, dans les prochaines semaines, d’organiser une conférence sur les retraites et le travail, en accord avec les partenaires sociaux. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Un conclave non conclusif…

M. Laurent Nunez, ministre. « Grâce à la suspension, cette conférence aura le temps de se prononcer avant l’élection présidentielle.

« Elle s’interrogera sur l’ensemble de la gestion de notre système de retraite. Certains veulent un système par points, d’autres un système par capitalisation, d’autres encore veulent abandonner toute référence d’âge. »

M. Laurent Nunez, ministre. « Mais ces propositions ne valent que si l’on sait qui est responsable. Aux partenaires sociaux de s’emparer, ou non, de la responsabilité de gérer le régime. Ce serait revenir aux sources historiques de notre modèle de retraite – c’est d’ailleurs ce que font toujours nos voisins européens.

« Le Gouvernement y est prêt. J’ai confiance dans la démocratie sociale et dans la démocratie parlementaire.

« Si la conférence conclut, le Gouvernement transposera l’accord dans la loi. Sinon, il appartiendra aux candidats à l’élection présidentielle de faire leurs propositions et aux Français de les trancher. Elle pourra rendre ses premières conclusions au printemps prochain.

« Mais il y a aussi des urgences : comme s’y était engagé mon prédécesseur, j’ai inscrit dans le budget de la sécurité sociale une amélioration concernant les retraites des femmes. Sur ce point, il est inutile d’attendre.

« La conférence devra aborder d’autres sujets cruciaux, comme l’attractivité de certains métiers indispensables, le travail pénible, l’usure au travail et les carrières longues. Voilà une discussion qui était bloquée depuis vingt-trois ans !

« Paradoxalement, la rupture, c’est de conclure. Là encore, le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

« Je le dis sans détour : suspendre, ce n’est pas renoncer ni reculer (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.), à condition que nous sachions utiliser ce temps avec intelligence et volonté d’avancer. La cohésion sociale, l’unité du pays et donc sa stabilité sont une force. La division, elle, a un coût.

« Mesdames, messieurs les parlementaires, il faut un partage du pouvoir entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, un partage du pouvoir entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, un partage du pouvoir, aussi, avec les collectivités locales, non pas pour faire plaisir aux élus locaux – j’en suis un –, mais pour être efficaces, au service des Français – on le dit souvent, on le fait rarement.

« Il y a déjà une urgence : la réforme institutionnelle en Nouvelle-Calédonie.

« La fin des accords de Nouméa a laissé un vide institutionnel qu’il faut combler pour favoriser la paix sur le Caillou. L’accord de Bougival permet une réconciliation. Il doit être transcrit dans la Constitution. Le Gouvernement proposera la discussion de ce texte avant la fin de l’année, afin que les Calédoniens puissent être consultés au printemps 2026. C’est une urgence.

« Mais ce serait une erreur de croire que la Nouvelle-Calédonie est un cas à part. La question des outre-mer se pose aussi avec la même urgence. (M. Mickaël Vallet applaudit.) Un projet de loi concernant la vie chère est prêt. Il ne faut pas attendre. Certains territoires – Antilles, Guyane… – réfléchissent à leur avenir institutionnel : nous devons les accompagner.

« Un projet de loi constitutionnelle concernant la Corse, fruit de deux années de discussions, est également prêt. Rien ne serait pire, pour l’État, que de renier sa parole. Là aussi, l’Assemblée nationale et le Sénat débattront et trancheront.

« Nos concitoyens veulent que le pouvoir soit proche d’eux et adapté aux réalités de terrain. Je proposerai donc en décembre prochain un projet de loi pour renforcer le pouvoir local : ce sera un nouvel acte de la décentralisation. Lui seul permettra de réformer l’État de manière globale et d’améliorer le fonctionnement de tous nos services publics.

« Qu’attend-on de l’État ? C’est la question centrale.

« Police, justice, sécurité, défense, relations internationales : dans ces domaines, les budgets ont augmenté depuis 2017 et continueront de croître. L’État s’est renforcé, parce que ce sont des missions que lui seul peut exercer.

« Pour le reste, quel doit être le niveau de décision local ? Qui est responsable de quoi ? Je proposerai un principe simple, celui de l’identification d’un seul responsable par politique publique. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu.

« Il ne faut pas décentraliser des compétences. Il faut décentraliser des responsabilités, avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives. C’est aussi une formidable occasion de repenser notre planification écologique et énergétique. Nous ferons des propositions précises.

« Le Gouvernement peut-il engager cette réforme dans les trois mois ? Vous vous dites que cela prendra du temps, mais c’est précisément parce que tel sera le cas qu’il faut engager cette réforme tout de suite. Sinon, elle sera reportée une fois de plus, et à quelle échéance ? Au plus tôt d’ici à deux ans, après l’élection présidentielle ! Nous n’attendrons pas. Des majorités sur ce texte sont possibles dans les deux chambres.

« Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

« Mesdames, messieurs les députés, nous ne pouvons pas attendre. Il y a urgence. Urgence à tenir le calendrier d’adoption du budget et à voter le meilleur budget. Urgence à renforcer le dialogue social. Urgence, avant les élections municipales, à mieux répartir les compétences et à réformer l’État.

« Si les débats de cette assemblée commencent cette semaine, les discussions budgétaires permettront de répondre aux urgences pour la santé et l’accès aux soins avec France Santé, la défense de l’environnement, la sécurité et la loi de programmation militaire.

« Il y a des urgences, il y a des projets de loi qui sont prêts : ils permettront des avancées pour les polices municipales, la sécurité du quotidien ou encore le statut de l’élu. Des discussions, sensibles, doivent se poursuivre, notamment sur la fin de vie. Il faut continuer à mener des combats, sans cesse, contre le racisme, l’homophobie et l’antisémitisme, pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

« La soif absolue de sécurité, de justice et de respect de la loi de nos compatriotes doit être entendue sur chaque banc de cette assemblée. Les enjeux migratoires à venir, liés tant à la démographie qu’au réchauffement climatique ou encore au terrorisme posent un défi imminent, qui ne peut être nié. J’y reviendrai – les ministres y reviendront, à condition d’oser discuter, agir, avancer.

« Tout cela, nous pouvons le faire ensemble dans les mois qui viennent, si nous mettons fin à cette crise. Désormais, cela dépend de vous.

« Je le sais, je n’ai pas obéi à l’exercice de style habituel d’une déclaration de politique générale, qui consiste à recenser chaque domaine d’intervention de l’État et à citer chacune des préoccupations de nos concitoyens, dans leur travail, leur famille, leur village ou leur ville.

« Que personne ne se sente oublié, néanmoins. Je pense, sinon à tout – je n’en ai pas la prétention –, du moins à toutes et à tous. C’est facile : il me suffit de me sentir utile à mon pays. Et je vous le dis avec toute ma conviction et avec tout ce que j’ai appris au ministère des armées : les seuls qui se réjouiraient d’une crise, d’une panne budgétaire en France, ne sont pas les amis de la France.

« Qui, parmi les Français, se sentira mieux si la France se divise plus encore, si elle est plus faible, si elle repousse les questions de fond et les questions d’urgence à plus tard ? »

M. Emmanuel Capus. Mélenchon !

M. Laurent Nunez, ministre. « Je ne vous ai pas fait un discours de politique générale convenu. Je reviendrai ici pour expliquer la politique que le Gouvernement entend mener sur les sujets fondamentaux.

« Je me suis engagé à revenir pour expliquer le budget, parce qu’il traduit une politique pour la France, mais je reviendrai aussi sur les questions de sécurité, d’immigration, d’énergie, de transition écologique, d’éducation, de numérique : sur tout cela, nous ferons des propositions, nous débattrons et, à la fin, vous voterez.

« Je ne vous ai pas présenté un programme à long terme. »

M. Mickaël Vallet. C’est sage !

M. Laurent Nunez, ministre. « C’est un gouvernement de mission. L’urgence est de redonner son sens à la politique, de redonner confiance en la politique et de respecter les engagements de chacun, y compris ceux des oppositions.

« La vraie démocratie permet à celles et ceux qui ne sont pas d’accord de travailler ensemble, sans rien renier de leurs convictions. C’est ce qui se passe dans toutes les démocraties du monde et même dans la majorité des conseils municipaux de France. Osons ! Il suffit de faire un pas. C’est comme cela que l’on avance, pour la France et pour les Français. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être donné lecture au Sénat.

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 15 octobre 2025 :

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

Proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en œuvre de l’accord du 12 juillet 2025, présentée par MM. Mathieu Darnaud, Patrick Kanner, Hervé Marseille, Claude Malhuret, François Patriat et Mme Maryse Carrère (procédure accélérée ; texte n° 21, 2025-2026) ;

Questions orales.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à quinze heures trente-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

JEAN-CYRIL MASSERON