M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 734, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, dans le cadre du plan d'économies présenté par l'ancien Premier ministre en juillet 2025, une mesure spécifique prévoit la baisse de la prise en charge des cures thermales. Un projet de décret vise à mettre fin au remboursement intégral de ces cures pour les patients atteints d'une affection de longue durée (ALD).
Ce décret, s'il était publié, limiterait la prise en charge du coût de la cure à hauteur de 65 %, et ce à compter du 1er février 2026. Une telle mesure aurait des conséquences catastrophiques pour le secteur thermal en imposant un reste à charge d'environ 200 euros par cure aux patients les plus vulnérables, déjà confrontés à des pathologies chroniques. Il s'agit d'une atteinte grave à une médecine préventive reconnue.
Cette décision est d'autant plus incompréhensible que les cures thermales ne représentent que 0,1 % du budget de l'assurance maladie – leur coût annuel est de 350 millions d'euros –, alors que leur bénéfice pour la santé est incontestable.
Le thermalisme représente près de 25 000 emplois et génère 4,5 milliards d'euros de retombées économiques chaque année. Ce projet est donc une menace pour l'équilibre économique des stations thermales et de territoires entiers sur lesquels elles rayonnent, la plupart du temps situés en ruralité, souvent en zone fragile.
À Cransac-les-Thermes, en Aveyron, l'établissement thermal accueille en moyenne 4 000 curistes par an, principalement pour des pathologies chroniques. Il emploie trente-six salariés permanents, auxquels s'ajoutent plus de quinze saisonniers. Le projet de réduction du remboursement dont il est question risquerait de mettre en péril cette activité essentielle pour l'économie locale et l'emploi dans la région.
Madame la ministre, pouvez-vous préciser quelle position le Gouvernement compte adopter sur ce projet de décret ? Afin de préserver l'accès aux soins et la vitalité des stations thermales, envisagez-vous de maintenir le remboursement intégral des cures thermales pour les patients en affection de longue durée (ALD) ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le projet de décret tendant à revenir sur le remboursement intégral des cures thermales pour les patients en affection de longue durée.
Pour rappel, la France est l'un des derniers pays de l'OCDE à rembourser ces cures thermales. Compte tenu des contraintes qui pèsent sur la sécurité sociale et du dérapage des dépenses que l'on observe cette année, le Gouvernement s'interroge sur la pertinence de maintenir pleinement ce financement public.
Je tiens également à souligner que la Cour des comptes a préconisé un déremboursement des cures thermales, en insistant sur l'absence d'évaluation scientifique démontrant leur efficacité.
Néanmoins, ce que nous prévoyons n'est pas un déremboursement. Nous proposons deux mesures : un alignement du niveau de prise en charge des cures pour les patients en ALD, aujourd'hui de 100 %, sur celui des autres patients, c'est-à-dire 65 % ; une réduction du taux de prise en charge par l'assurance maladie des forfaits thermaux pour l'ensemble des patients en l'abaissant de 65 % à 15 %. Ces deux dispositions permettraient une économie de 200 millions d'euros pour nos comptes sociaux.
Je tiens à le répéter : il s'agit non pas d'un déremboursement, mais bien d'une révision du niveau de prise en charge. Le reste des dépenses pourront être prises en charge par les complémentaires santé, comme c'est aujourd'hui le cas pour les patients hors ALD.
Enfin, à l'occasion de cette réflexion, s'ouvre également le débat sur la vitalité économique des territoires thermaux : ils doivent pouvoir être accompagnés par la force publique pour continuer de faire du thermalisme un relais économique des territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.
M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, votre réponse n'est pas totalement satisfaisante. J'invite le Gouvernement à évaluer les conséquences budgétaires de cette économie de court terme pour l'assurance maladie. Je vous invite également à revenir en Aveyron pour comprendre la situation et en discuter avec les acteurs de Cransac-les-Thermes.
risque de désertification pharmaceutique lié à la réforme des remises génériques
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 757, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
M. Christophe Chaillou. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le dispositif de réduction des remises commerciales accordées aux pharmaciens sur les médicaments génériques.
L'arrêté du 4 août 2025 avait prévu une diminution progressive du plafond de ces remises, passant de 40 % à 30 % dès le 1er septembre 2025, puis à 25 % en 2026 et à 20 % en 2027.
Cette mesure, vivement contestée par la profession, menaçait directement l'équilibre économique de nombreuses officines, en particulier dans les territoires ruraux et périurbains. Je peux en témoigner, étant élu du département du Loiret et, à ce titre, sollicité – comme tous les parlementaires du département – par de nombreux maires et élus locaux.
Selon les syndicats professionnels, les ristournes consenties par les laboratoires représentent jusqu'à 30 % de l'excédent brut d'exploitation des pharmacies, et leur réduction brutale aurait pu entraîner la fermeture de 3 000 à 4 000 officines sur le territoire national.
Face à la très large mobilisation, le Gouvernement a publié, le 7 octobre dernier, un nouvel arrêté suspendant pour trois mois la baisse des remises commerciales, rétablissant ainsi à titre provisoire le plafond de 40 %. Si cette décision constitue un premier pas bienvenu, elle ne saurait suffire : une reprise de la diminution à compter du 1er janvier 2026, même différée, fragiliserait de nouveau les structures et compromettrait l'accès aux soins de proximité pour de nombreux habitants.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement entend-il transformer cette suspension temporaire en mesure pérenne afin de garantir la stabilité économique des officines, de préserver la présence pharmaceutique dans les territoires et de maintenir la dynamique de promotion des médicaments génériques, essentielle à la soutenabilité de notre système de santé ?
M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Chaillou, vous interrogez Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, sur la suspension de l'arrêté du 4 août 2025 relatif à la baisse du plafond de remise sur les génériques et, plus globalement, sur la préservation de notre réseau de pharmacies, car c'est bien le cœur du sujet.
Fin septembre, le Premier ministre s'est engagé à suspendre pour une durée minimale de trois mois l'application de l'arrêté – j'insiste bien sur le fait qu'il s'agit d'une durée minimale de trois mois.
En parallèle, le chef du Gouvernement s'est engagé auprès des pharmaciens à poursuivre le déploiement des nouvelles missions de santé publique qui leur sont confiées ; il leur a également annoncé le lancement d'une mission d'inspection sur les flux financiers de la chaîne de distribution du médicament, sur lesquels il faut plus de transparence.
Les conclusions de la mission, qui a démarré ses travaux, permettront d'alimenter le dialogue avec la profession sur l'évolution des compétences des pharmaciens et de leur modèle économique.
Si la mission venait à être prolongée, un nouvel arrêté serait pris : la ministre de la santé s'y engage.
Nous proposons également d'autres mesures de soutien à la profession dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 en défendant le développement des médicaments biosimilaires et en permettant la création d'une officine dans les communes de moins de 2 500 habitants où la dernière pharmacie a récemment fermé.
Vous pouvez enfin compter sur la détermination de la ministre de la santé pour mettre en œuvre la réforme du troisième cycle des études de pharmacie et renforcer l'attractivité de la profession.
Le Gouvernement maintiendra un dialogue constructif et soutenu avec les pharmaciens.
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.
M. Christophe Chaillou. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.
Nous demeurerons extrêmement vigilants sur les différents points que vous venez d'évoquer, même si subsistent plusieurs interrogations concernant, d'une part, les nouvelles missions d'inspection et, d'autre part, certaines propositions ou solutions qui paraissent parfois peu adaptées à la réalité des territoires.
Ce que chacun constate, c'est la nécessité de maintenir des pharmacies de proximité. Nos concitoyens en dépendent fortement et, dans le contexte actuel, cet ancrage territorial constitue un facteur essentiel de cohésion nationale.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Christophe Chaillou. Je ne doute pas que Mme la ministre Rist portera une attention toute particulière à ces différents aspects.
pénurie de médicament repatha et traitement de l'hypercholestérolémie
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 704, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences pour les patients de la pénurie actuelle des médicaments Repatha et Praluent, prescrits dans la prise en charge de l'hypercholestérolémie et de certaines pathologies cardiovasculaires sévères.
De nombreux malades se trouvent aujourd'hui dans l'impossibilité de poursuivre leur traitement en raison de l'absence de ce produit dans les pharmacies françaises. Cette situation crée une grande inquiétude et met en péril la continuité des soins, comme en témoignent les appels à l'aide de patients directement concernés.
Face à ces difficultés, plusieurs questions se posent.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en place pour garantir un approvisionnement rapide et sécurisé en Repatha et en médicaments essentiels en cas de pénurie ?
Existe-t-il des alternatives thérapeutiques disponibles et reconnues, pouvant être proposées en substitution ?
Les patients sont-ils contraints, en dernier recours, comme c'est le cas dans le département du Doubs, de se rendre en Suisse ou à l'étranger pour se procurer ce traitement vital, et si oui, dans quelles conditions peuvent-ils bénéficier d'un remboursement ?
Enfin, quelles actions sont envisagées pour prévenir durablement la réapparition de telles pénuries de médicaments en France ?
Je vous remercie de bien vouloir préciser les dispositifs mis en œuvre pour répondre à l'urgence et sécuriser l'accès des patients à leur traitement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Longeot, Stéphanie Rist, ministre de la santé, m'a chargée de vous transmettre la réponse suivante.
Votre question porte sur un sujet qui nous concerne depuis plusieurs mois : la pénurie de certains médicaments de la classe des anti-PCSK9. Ces médicaments sont utilisés pour traiter certaines formes d'hypercholestérolémie et des maladies cardiovasculaires graves.
La tension d'approvisionnement touche deux médicaments : le Repatha et le Praluent.
La situation s'est toutefois améliorée depuis le printemps dernier. Cette amélioration résulte d'actions menées par le Gouvernement et par les autorités sanitaires. Nous avons échangé avec tous les acteurs concernés pour trouver des solutions. Dans plus de 80 % des cas, il existe une alternative efficace, disponible et remboursée.
Pour les 20 % de patients restants, l'État suit la situation de très près. Une négociation avec les industriels a ainsi eu lieu cet été. Elle a permis d'obtenir environ 20 % de produits supplémentaires d'ici à la fin de l'année.
Deux raisons principales expliquent la pénurie : la production mondiale est insuffisante pour couvrir les besoins de tous les patients ; les industriels ont réduit les volumes destinés à la France, malgré un accord passé auparavant. Ce choix économique n'est pas acceptable. D'autres pays sont concernés par des décisions similaires.
Nous travaillons donc à un nouvel accord pour sécuriser les approvisionnements. Nous espérons aussi disposer prochainement d'alternatives thérapeutiques pour traiter l'ensemble des patients.
Enfin, la prise en charge par l'assurance maladie est possible pour les patients qui se procurent ces traitements à l'étranger, mais elle se fait selon les règles françaises : mêmes conditions de prescription et de remboursement au tarif français, ce qui peut occasionner un reste à charge.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, votre réponse va dans le bon sens, mais plusieurs interrogations demeurent.
Pour le Praluent, des ruptures d'approvisionnement sont survenues, et l'on a alors eu recours au Repatha, pour lequel on rencontre désormais les mêmes difficultés.
Si les informations qui me sont rapportées se confirment, les pays voisins du département du Doubs, notamment la Suisse, semblent mieux approvisionnés que la France. La raison en serait simple : le prix de ce médicament atteindrait 770 francs en Suisse, contre 250 euros en France. Les laboratoires, qui se moquent quelque peu du monde, privilégieraient donc le marché suisse, au détriment des soins que nous devons apporter à nos concitoyens.
prise en charge des consultations bucco-dentaires des personnes en situation de handicap et mise en œuvre de la convention nationale des chirurgiens-dentistes 2023-2028
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 676, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de mise en œuvre des dispositions de la convention nationale des chirurgiens-dentistes libéraux 2023-2028, notamment en ce qui concerne les soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap sévère.
Cette convention a été signée le 21 juillet 2023 par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam) et les deux syndicats représentatifs des chirurgiens-dentistes libéraux.
Outre son ambition préventive, elle comporte un axe dédié à l'amélioration de l'accès aux soins pour les publics les plus fragiles, parmi lesquels les personnes en situation de handicap. À ce titre, elle prévoit notamment la création d'un nouvel acte remboursé de « séance d'habituation », destiné à permettre aux patients porteurs d'un handicap ou anxieux d'être progressivement familiarisés à l'environnement du cabinet dentaire, en amont des soins.
Elle prévoit également la valorisation de bilans bucco-dentaires spécifiques à l'entrée en établissement médico-social, ainsi que des actes hors les murs pour les praticiens se déplaçant dans ces structures.
Ces dispositions font écho aux préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS), qui recommande un suivi régulier pour les personnes dont l'état de santé ou le handicap rend difficile l'expression de la douleur ou la coopération aux soins. Or, dans les faits, certaines structures spécialisées limitent actuellement les consultations à une périodicité de deux ans, même lorsque le besoin d'un suivi renforcé est identifié. Les familles concernées doivent alors solliciter une prescription médicale intermédiaire pour pouvoir accéder à une consultation pourtant recommandée.
Où en est-on de la mise en œuvre des dispositions de la convention nationale des chirurgiens-dentistes libéraux relatives aux séances d'habituation et aux soins spécifiques aux personnes en situation de handicap ? Quelles consignes et modalités de suivi ont été données aux structures et aux caisses d'assurance maladie pour garantir leur effectivité sur l'ensemble du territoire, notamment dans les centres dentaires spécialisés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre engagement sur cet enjeu majeur de l'accès aux soins des personnes en situation de handicap, qui est encore parfois très difficile, comme vous le soulignez. Effectivement, de trop nombreux patients finissent par renoncer à des soins bucco-dentaires, pourtant essentiels à leur santé.
Vous l'avez rappelé, en 2023, les représentants des chirurgiens-dentistes et l'assurance maladie ont signé une convention pour cinq ans.
Parmi les objectifs prioritaires de cette convention figure l'amélioration de la prise en charge des personnes en situation de handicap, à travers notamment la valorisation des actes effectués par les chirurgiens-dentistes « hors les murs » et la création d'une séance dite d'« habituation », qui facilite la réalisation de soins ultérieurs.
Depuis sa signature, les caisses primaires d'assurance maladie accompagnent la mise en œuvre de cette convention, dans le cadre d'un dialogue continu avec les représentants de la profession. Les campagnes de communication, les webinaires et les visites individuelles des chirurgiens-dentistes par les délégués de l'assurance maladie ont permis de faire connaître ces nouveaux dispositifs.
En mai dernier, j'ai lancé avec Yannick Neuder, ancien ministre de la santé, une mission sur la santé des personnes en situation de handicap. Celle-ci nous rendra ses conclusions dans les prochains mois, voire dans les prochaines semaines, ce qui nous permettra de repérer comment améliorer l'accessibilité de notre système de santé et de mieux garantir un accès aux soins sans rupture.
Une multitude d'expériences menées sur le territoire national en matière d'accès à la santé bucco-dentaire sont également efficaces. Elles méritent d'être soulignées et d'essaimer.
La ministre de la santé, Stéphanie Rist, et moi-même serons attentives aux conclusions de cette mission et poursuivrons notre action pour lever les barrières qui empêchent l'accès aux soins.
Le prochain comité interministériel du handicap portera d'ailleurs sur la question de l'accès à la santé des personnes en situation de handicap.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. J'attends avec impatience les conclusions de cette mission, car nous ne sommes pas au rendez-vous des besoins bucco-dentaires pour les personnes handicapées.
instabilité de la politique publique française de rénovation énergétique et ses effets sur l'industrie nationale de l'isolation
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 722, transmise à M. le ministre de la ville et du logement.
M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à nous interroger sur la cohérence et la stabilité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, notamment concernant le rôle de l'isolation.
La publication du décret du 8 septembre dernier concernant MaPrimeRénov' prévoit la suppression de l'aide relative au geste d'isolation des murs – par l'intérieur et l'extérieur – dans le parcours par geste, suppression effective au 1er janvier 2026.
Pourtant, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) évalue les déperditions thermiques par les murs à 25 %. Cette décision est intervenue contre l'avis du Conseil national de l'habitat (CNH), qui a estimé la mesure contraire au principe d'efficacité énergétique durable. L'isolation des murs représentait près de 20 % des dossiers MaPrimeRénov' au premier semestre 2025.
Le message économique est préoccupant. Le stop and go des aides publiques, avec notamment une reprise timide du parcours prévu pour les rénovations d'ampleur jusqu'à la fin de l'année, met en péril de nombreux artisans et entreprises, et menace l'emploi industriel en France.
Le message politique est, lui, dangereux. En décrédibilisant l'isolation au profit d'une stratégie d'électrification massive, vous ne réduisez pas les fractures et les factures énergétiques des ménages et vous pérennisez des logements insalubres.
Pour le particulier comme pour les professionnels, cette exclusion s'ajoute au manque de lisibilité et de stabilité à long terme des dispositifs d'aide.
Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier votre vision de la rénovation énergétique en France ? Quelles mesures immédiates seront-elles prises pour revenir sur le décret du 8 septembre 2025 et réintégrer l'isolation des murs dans le dispositif MaPrimeRénov' ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Cambier, je comprends le besoin de stabilité et de visibilité éprouvé par l'ensemble des acteurs économiques de la rénovation énergétique. Le stop and go que nous avons subi cette année a de lourdes conséquences et ne doit en aucun cas se reproduire. Il faudra donc clarifier la méthode.
Vous évoquez la question de l'électrification. Pour vous répondre à ce sujet, je serai – et je vous prie de m'en excuser – un peu technique : la modification du coefficient de conversion de l'énergie finale en énergie primaire pour l'électricité dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) était nécessaire. Autrement dit, il eût été incohérent, alors que nous avons la chance de disposer d'une production électrique décarbonée, de ne pas renforcer le vecteur électrique dans le calcul du DPE. En bref, l'utilisation de radiateurs électriques en France n'a pas la même portée sur le climat et sur les enjeux liés au carbone que dans d'autres pays ; il fallait donc revaloriser ce coefficient.
La réouverture du guichet pour les rénovations d'ampleur au début du mois d'octobre 2025 s'accompagne de nouvelles modalités d'accès visant à mieux cibler les aides sur les logements présentant les besoins les plus importants. Cette réouverture a d'ailleurs connu un réel succès, puisque 6 000 dossiers ont été déposés dès les tout premiers jours. Nous constatons donc une attente forte de la part de nos concitoyens et des ménages français.
Notre action s'est concentrée d'abord sur les logements les plus énergivores – les passoires thermiques – et sur les gestes les plus efficaces pour décarboner tout en réalisant des économies d'énergie. Enfin, les plafonds pour les travaux ont été ajustés au plus près des besoins de la profession.
L'isolation des murs, de fait, n'est pas totalement exclue, puisqu'elle doit simplement être prise en compte dans le cadre d'une rénovation d'ampleur, c'est-à-dire d'un projet global concernant le logement. Mais il est vrai qu'elle ne figure plus dans le parcours par geste comme par le passé, du moins pour le moment, c'est-à-dire durant cette période de deux mois qui a été rouverte.
La discussion sera remise au goût du jour pour l'année 2026. Je ne peux pas vous faire d'annonce aujourd'hui, mais nous menons des discussions avec les représentants de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) – je les ai d'ailleurs rencontrés hier matin. Tout cela répond à un impératif à la fois d'efficacité des politiques publiques et d'efficience en termes d'accompagnement des ménages.
Enfin, le Gouvernement confirme son engagement en faveur de la rénovation énergétique des logements.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Nous maintiendrons bien évidemment les moyens consacrés à l'Anah à un niveau élevé. Ainsi, en 2026, nous ferons le maximum pour atteindre nos objectifs et soutenir l'industrie.
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.
M. Guislain Cambier. J'ai bien relevé que les mesures envisagées ne revêtent qu'un caractère temporaire, avant une nouvelle discussion sur le processus que vous pourriez engager afin d'aboutir à une rénovation aussi cohérente que possible.
La meilleure énergie demeure bien entendu celle que l'on ne consomme pas. Mieux vaut donc isoler que produire, qu'il s'agisse d'une énergie carbonée ou non – mais il est tout de même préférable qu'elle ne le soit pas…
Je prends donc bonne note de votre réponse et reste à votre disposition pour évoquer la suite, étant également administrateur de l'Anah.
nécessité de l'entretien du viaduc de morlaix
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 737, adressée à M. le ministre des transports.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'état du viaduc ferroviaire de Morlaix, ouvrage emblématique du Finistère, inscrit à l'inventaire des monuments historiques depuis 1975 et propriété de SNCF Réseau. Ce monument, véritable symbole de la « cité du viaduc », souffre aujourd'hui d'un encrassement manifeste – pollution, mousses, salissures – qui altère fortement l'image du centre-ville et dégrade la valeur patrimoniale de ce site majeur de Bretagne.
Si la responsabilité de SNCF Réseau en matière de sécurité et de maintenance structurelle ne fait aucun doute, l'entreprise estime ne pas être tenue d'assurer l'entretien esthétique de l'ouvrage, dont le dernier nettoyage remonte à 1989. La ville de Morlaix s'est pourtant dite prête à assumer la maîtrise d'ouvrage déléguée pour un nettoyage, mais les discussions restent dans l'impasse.
Monsieur le ministre, ma question est simple : au regard de l'article L. 621-29-1 du code du patrimoine, quelles sont les obligations exactes de SNCF Réseau en tant que propriétaire d'un monument historique inscrit ? Peut-on lui imposer légalement un nettoyage ou un ravalement lorsque l'apparence du monument est manifestement dégradée et porte atteinte à sa valeur patrimoniale, ainsi qu'à la perception du public ?
Au regard des dégradations constatées très inquiétantes – salissures, effritements de pierre de taille –, l'État compte-t-il demander à SNCF Réseau de nettoyer et de vérifier l'entièreté du système de l'ouvrage dont il est le propriétaire, ainsi que la sécurité de l'édifice, y compris pour les passants du centre-ville de Morlaix ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Fichet, je vous prie tout d'abord d'excuser mon collègue Philippe Tabarot, qui ne pouvait être présent aujourd'hui et qui m'a demandé de vous apporter quelques éléments de réponse.
Le viaduc ferroviaire de Morlaix est un ouvrage d'art ferroviaire en maçonnerie construit au milieu du XIXe siècle. Il supporte les voies de la ligne de Paris-Montparnasse à Brest, franchit la rivière de Morlaix et donne accès à la gare nationale de Morlaix. Comme vous l'avez indiqué, il est inscrit au titre des monuments historiques depuis 1975.
À la demande de la mairie de Morlaix, SNCF Réseau a mené, sur ses fonds propres, des études pour chiffrer un nettoyage de l'ouvrage, dont le montant a été évalué à environ 600 000 euros.
SNCF Réseau ne dispose pas d'enveloppes financières spécifiques pour traiter l'aspect esthétique de l'ensemble de son patrimoine architectural ou historique.
Ainsi, il est à noter que l'inscription d'un ouvrage ou d'un bâtiment au titre des monuments historiques n'impose en aucune manière à son propriétaire des travaux de traitement esthétique à l'opposé des travaux de sécurisation pour éviter des chutes de parties de l'ouvrage, par exemple. Il n'y a donc pas d'obligation légale pour SNCF Réseau de financer des travaux de nettoyage d'un ouvrage classé aux monuments historiques.
Cependant, les services de l'État comme ceux de SNCF Réseau pourront faciliter la réalisation de ces travaux de nettoyage, notamment pour boucler le financement de l'opération, en confiant, par exemple, la maîtrise d'ouvrage des travaux à la mairie de Morlaix dans le respect des conditions de sécurité des accès et d'intervention dans les emprises ferroviaires.