M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Arlette Carlotti. Un jeune homme de 20 ans a été abattu de plusieurs balles par un commando au cœur de Marseille. Inconnu des services de police, il rêvait de devenir policier. Mais il était le frère d'Amine Kessaci, fondateur de l'association Conscience et militant anti-trafic.
Le procureur n'exclut pas l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement, d'un crime par substitution. Si ce n'est toi, c'est donc ton frère : pour atteindre Amine, on tue son frère, Mehdi.
Tous s'accordent à dire qu'un cap a été franchi. En réalité, cela fait très longtemps que le cap est franchi ! Des quartiers entiers sont placés sous la coupe réglée des narcotrafiquants, leurs habitants sont pris en otage, dans la peur d'une balle perdue, et c'est toute une jeunesse qui est sans perspective, désœuvrée, sans avenir.
Ce phénomène ne concerne pas seulement les quartiers populaires. Le narcotrafic empoisonne toutes les communes de France : huit sur dix sont touchées par la drogue. Tous les maires présents dans nos tribunes en cette semaine du congrès des maires pourraient témoigner de ce qui se passe sur leur propre territoire ! Tous ont besoin d'être épaulés par l'État pour ne pas se retrouver seuls face à la pègre qui les menace.
Certes, après chaque drame, l'État réagit, mais on passe ensuite à autre chose.
Monsieur le ministre, que sont devenues vos opérations « place nette XXL » ? Vous le savez, vous n'avez pas fait place nette… Le pire, c'est que les habitants le savaient !
Je sais que le combat est de longue haleine et que la loi que nous avons votée unanimement ici portera ses fruits.
Mais la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic est bancale. Il lui manque une suite, pour traiter de la prévention, de l'aide aux familles des victimes ou encore de la prise en charge des mineurs non accompagnés, comme le montre l'agression de cet enfant de 12 ans à Grenoble.
Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale contient une série de propositions. Pouvez-vous nous dire quelles mesures concrètes le Gouvernement peut prendre, en urgence et dans la durée, pour compléter cette loi sur le narcotrafic par un véritable dispositif d'accompagnement et de protection des victimes ?
Quelles garanties pouvez-vous apporter aux victimes, aux familles et aux élus qui, aujourd'hui, sont exposés à des actes de violence ou d'intimidation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, au-delà du drame que nous avons vécu, qui constitue un point de rupture en ce qu'il s'agit, comme vous l'avez dit, d'un meurtre d'intimidation – je reste prudent, car une enquête est en cours –, je ne peux pas vous laisser dire que nous ne réagissons que dans l'urgence sur les sujets du trafic de stupéfiants. (Exclamations sur des travées du groupe CRCE-K.) Vous le savez !
C'est à Marseille, en 2015, sous le quinquennat de François Hollande, qu'a été lancé le décloisonnement entre services. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous souvenez-vous du film BAC Nord ? L'intrigue se déroule en 2011-2012, lorsque les services se marchaient sur les pieds, qu'il n'y avait pas de coordination… C'est à cette époque qu'un nouveau fonctionnement a été inauguré. Puis chaque gouvernement n'a eu de cesse d'apporter sa pierre à l'édifice.
Concernant les opérations « place nette » dont vous parlez, souvenez-vous : à l'époque, le b.a.-ba était de démanteler un réseau en profondeur ; ensuite, nous occupions l'espace, avec une présence sur la voie publique pour éviter que le réseau ne se réimplante. C'est ce qui a été fait systématiquement, chaque année, méthodiquement, ville après ville, secteur après secteur, en particulier à Marseille.
Cette politique continue. La loi sur le narcotrafic n'est sans doute pas parfaite, mais elle apporte des outils indispensables aux forces de sécurité ainsi, évidemment, qu'à l'institution judiciaire, avec des techniques de renseignement, des moyens d'investigation, la possibilité de geler des avoirs… Ces outils sont extrêmement précieux pour les forces de l'ordre.
Je rappelle que nous avions même souhaité pouvoir accéder aux communications cryptées. (Bravo ! et applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Cette possibilité nous aurait sans doute été très utile. J'espère que la question se reposera un jour. Je parlerai avec le Premier ministre de ce sujet, qui me tient à cœur.
Nous allons évidemment continuer. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un état-major a été créé au plan national. Tous les services échangent de l'information. Nous n'avons de cesse de mener des batailles, de mener des guerres.
J'ai bien entendu votre message. Je tenais à rappeler le volet répressif de notre action, car c'est mon rôle, en tant que ministre de l'intérieur, mais ce volet s'est toujours accompagné d'une politique sociale, afin notamment de prévenir la délinquance.
J'ai trouvé dans mes cartons, en arrivant au ministère de l'intérieur, la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui va bientôt voir le jour et qui comporte des mesures répondant, me semble-t-il, à vos préoccupations. J'y souscris, et le Gouvernement les soutient totalement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation financière des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, allez-vous renoncer à l'effort de près de 8 milliards d'euros que vous demandez aux collectivités ?
Je pense notamment à la pérennisation et à l'extension du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), ce dispositif insensé qui permet à l'État de ponctionner les collectivités sans tenir compte des réalisations ou des services qu'elles doivent développer et sans même en garantir le remboursement.
Je songe aussi au fait que l'on utilise les dotations à l'investissement – la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), le fonds vert – comme des variables d'ajustement budgétaire, alors que les investissements des collectivités sont déterminants pour le tissu économique et pour la transition énergétique.
Ces choix menacent les services publics de proximité, l'existence même de nombreuses associations, les petites et moyennes entreprises et la vie quotidienne des habitants.
Vous qui ne tarissez pas d'éloges sur les élus locaux, entendez-vous leur donner une preuve tangible de l'estime que vous leur portez en allant chercher d'autres ressources que celles qui sont indispensables à nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Céline Brulin, nous nous connaissons bien, puisque nous avons eu l'occasion de travailler ensemble. Je suis certaine qu'il n'y a pas ici un seul sénateur qui ne se rallierait pas à votre défense des collectivités !
Permettez-moi d'affirmer l'attention que le Gouvernement et moi-même portons, nous aussi, aux collectivités. Je vois dans les tribunes de nombreux élus locaux ; je suis très heureuse de les saluer en cette semaine du congrès des maires.
Concernant les finances locales, vous allez avoir l'impression que je me répète, mais les faits sont tenaces. Je rappelle que le montant des transferts de l'État vers les collectivités s'élève, dans le budget 2026, à 154 milliards d'euros.
Je rappelle que les montants de dotation globale de fonctionnement ont été maintenus. Par ailleurs, nous allons augmenter le fonds de sauvegarde des départements de 300 millions à 600 millions d'euros, et que nous avons également rehaussé les crédits de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) – au total de 290 millions d'euros.
Mais, lorsque nous avons 3 400 milliards d'euros de dettes, le budget doit être responsable et en équilibre !
Madame la sénatrice, vous qui connaissez parfaitement la vie des collectivités, vous savez qu'en mars 2026 se tiendront les élections municipales. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Loïc Hervé. Ah bon ? (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre. Chacun le sait ici, et chacun sait aussi que, lorsqu'il y a un renouvellement municipal, les investissements sont moins importants.
Par conséquent, nous avons fait le choix, cette année, de préserver le fonctionnement et de diminuer quelque peu l'investissement.
M. Alexandre Basquin. Plus qu'un peu !
Mme Françoise Gatel, ministre. Enfin, je ne peux m'empêcher de revenir au Dilico, qui commence à devenir très familier à chacun. (Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Comme je l'ai déjà dit au Sénat, je veux rendre à César ce qui est à César. En l'occurrence, il y a deux Césars, puisque le Dilico est une réponse qui a été apportée et construite à la fois par le Gouvernement et le Sénat.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Françoise Gatel, ministre. Nous avons restitué le Dilico 1 à hauteur de 30 %. Je sais que le Dilico 2 fait l'objet de nombreuses discussions. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
M. Loïc Hervé. C'est un irritant !
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, je ne sais par quelle addition vous obtenez ce chiffre de 150 milliards d'euros, puisque, en 2024, les transferts de l'État vers les collectivités s'élevaient à 105 milliards d'euros, et qu'ils n'ont cessé de diminuer depuis.
D'ailleurs, je veux faire observer que 105 milliards d'euros, c'est précisément la moitié de ce que l'État verse en fonds publics aux entreprises, comme l'a révélé la commission d'enquête créée sur l'initiative de notre groupe… Cependant, aucun contrôle n'est effectué sur l'utilisation de ces fonds, quand nos communes doivent répondre à des appels à projets, se conformer à des programmes nationaux et justifier l'utilisation du moindre euro !
De même, pas une exonération de cotisation n'est remise en cause pour les employeurs privés, malgré des effets tout à fait discutables sur l'emploi et mortifères sur les budgets de la sécurité sociale et de l'État. Mais les collectivités, elles, comme, du reste, les hôpitaux ou les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), subissent une augmentation de 3 points par an du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), et ce jusqu'en 2028 !
Non, votre budget n'est ni responsable ni frugal. Il reflète des choix politiques que nous contestons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
chute des recettes de tva
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Monsieur le ministre, alors que l'on enregistre une baisse de 10 milliards d'euros sur la première recette de l'État, la TVA, on nous explique, une nouvelle fois, que les prévisions déraillent et que les ordinateurs de Bercy s'affolent, comme si personne à bord n'avait vu le changement de cap. Une nouvelle fois, tout le monde fait semblant de tomber de sa chaise, comme si la dérive n'était pas annoncée depuis longtemps.
Moins 10 milliards, dont 5 milliards pour l'État, ce n'est pas l'épaisseur du trait ! Au reste, le produit de la TVA évolue comme si la France était en récession, alors que la consommation progresse. C'est bien la boussole fiscale qui s'affole, pas l'économie réelle.
Et quelle est votre réponse ? Une mission flash, menée par ceux qui ont la tête dans le guidon, et quelques explications périphériques : ce serait la faute aux petits colis, à la sous-déclaration, à la fraude, à la facturation électronique à venir… Vous nous jetez de la poudre aux yeux ! Aucune de ces causes ne justifie une perte de recettes structurelle de plusieurs milliards d'euros.
Pourquoi nous détourner du vrai sujet ? Le problème est clairement à l'intérieur de l'État !
Après la taxe d'aménagement non appelée, après les prévisionnistes qui ne savent plus prévoir, le comportement de Bercy fait penser à un scénario digne du Titanic : on a déjà heurté l'iceberg et la coque commence à se fissurer, mais l'orchestre continue de jouer pendant que personne n'ose toucher au gouvernail. Et c'est l'équipage – collectivités, entreprises, contribuables – que l'on invite à écoper. Des efforts, encore des efforts…
Je me pose cette question simple : comment l'État peut-il être aussi exigeant avec tout le monde, sauf avec lui-même ?
Qui porte la responsabilité ? Monsieur le ministre, 10 milliards par-ci, 10 milliards par-là, ce n'est pas un bug : c'est une alerte avant impact.
Dès lors, à quand un réel chantier structurel à Bercy ? À quand une réforme de l'État à la hauteur des enjeux, cette réforme sans laquelle le pays, qui prend l'eau de toutes parts, ne pourra ni éviter la collision ni redresser la barre ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur Fargeot, je veux tout de même commencer par rappeler que, en ce qui concerne l'exécution budgétaire pour 2025, les objectifs sont tenus.
En effet, l'objectif qui avait été fixé par le Parlement lors de la commission mixte paritaire (CMP) – la cible de déficit de 5,4 % – est en passe d'être atteint.
Cela s'explique par le fait que le Gouvernement a maîtrisé les dépenses, et que l'écart, en matière de prévision de recettes, n'est pas celui que vous indiquez ; il est d'environ 0,7 milliard d'euros. Cette situation nous permet d'atteindre exactement la cible de déficit prévue dans la loi de finances initiale et souhaitée par le Parlement.
C'est évidemment extrêmement important aux plans de la responsabilité démocratique comme de la responsabilité budgétaire.
Par ailleurs, la transparence est totale. Bien évidemment, certaines recettes ont été soit supérieures, soit inférieures à ce qui avait été estimé – vous avez cité la TVA.
Pour tenir compte de ce qui s'était passé les dernières années, un « comité d'alerte » et de suivi des finances publiques a été mis en place entre le Gouvernement et les parlementaires. Lors de sa réunion de juin dernier, la question de la TVA y a été abordée, à la suite de premières alertes sur la possibilité que le produit de cette taxe soit inférieur aux estimations. Cette situation a été prise en compte dans le projet de loi de finances et sera évidemment actée dans le projet de loi de fin de gestion.
Vous avez évoqué certains des motifs qui ont présidé à la baisse de la TVA. Pour ma part, je ne les écarterai pas d'un revers de main.
La question des petits colis, notamment, est réelle : la consommation des ménages connaît une évolution majeure, qui peut expliquer non seulement les difficultés de prévision, mais aussi les corrections que nous devons apporter dans le cadre du projet de loi de finances, via cette mesure de fiscalité que nous vous proposons.
Se pose aussi évidemment la question de la fraude, dont le Parlement débat en ce moment même – le projet de loi de lutte contre ce phénomène a été examiné la semaine dernière par votre assemblée.
Mais, je le redis, les objectifs sont tenus, et la transparence est totale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-François Husson. Merveilleux !
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour la réplique.
M. Daniel Fargeot. Merci, monsieur le ministre, mais, clairement, tant que vous n'irez pas en cale pour regarder ce qui se passe, tant que ce chantier ne sera pas ouvert, nous n'arriverons pas à bon port. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
place de la france dans l'industrie spatiale européenne
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. En écoutant, la semaine dernière, le Président de la République présenter sa stratégie spatiale pour 2040, j'ai eu l'impression d'entendre Alain Delon et, surtout, Dalida : « paroles et paroles », « encore des mots », « des mots magiques, des mots tactiques qui sonnent faux »… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
En effet, les « caramels, bonbons et chocolats » (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) offerts à la filière spatiale française ne font pas illusion face à la réalité financière que révélera le tour de table qui doit être organisé la semaine prochaine, lors de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne, l'ESA, laquelle a prévu un budget en forte augmentation.
La France, leader historique en Europe depuis le général de Gaulle, s'apprête à être déclassée – ou surclassée – par l'Allemagne et l'Italie, qui investiront respectivement 5 milliards et 4 milliards d'euros. Aux dernières nouvelles, il semblerait que la France ne puisse pas suivre ces pays, aux finances publiques mieux gérées : elle n'investirait ou n'interviendrait qu'à hauteur d'un peu plus de 3 milliards d'euros.
Or, vous le savez, si la France investit moins de 4,5 milliards d'euros, l'industrie spatiale française pourrait durablement souffrir de moindres retours géographiques, au détriment de ses industriels et de ses territoires.
Monsieur le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace, quel sera le montant exact de la contribution française au budget de l'ESA ? La France restera-t-elle leader mondial ou sera-t-elle reléguée en deuxième division ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace.
M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace. Madame la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, le spatial est effectivement un élément essentiel de notre autonomie stratégique. C'est un pilier de notre défense. Il est essentiel aussi pour la science, pour l'observation de la Terre, pour la compréhension des évolutions du climat.
Dans ce contexte, la stratégie spatiale nationale dévoilée la semaine dernière par le Président de la République réaffirme l'ambition française de rester dans la course des puissances spatiales qui comptent aujourd'hui dans le monde.
Nous disposons de capacités concrètes : une capacité d'accès à l'espace, au travers d'Ariane 6 ; un Centre national d'études spatiales (Cnes), agence duale travaillant à la fois pour le civil et pour les armées. Nous disposons de satellitiers, d'équipementiers, mais aussi de start-up, constituées ces dernières années, qui sont des éléments vivants de notre autonomie stratégique spatiale.
Aujourd'hui, l'Europe doit évidemment se penser comme une puissance spatiale. Le modèle européen doit être ambitieux. Il faut affirmer une préférence européenne pour construire notre industrie et pour soutenir nos industriels sur nos marchés.
Concernant la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne, il est un peu tôt pour répondre à votre question. Les discussions ont lieu aujourd'hui, et les chiffres que vous avez mentionnés, en particulier sur le niveau d'investissement de nos partenaires allemands et italiens, ne sont absolument pas stabilisés – personne n'a encore annoncé de tels montants de contribution. Je suis personnellement et quotidiennement investi dans les discussions sur cette question.
Au reste, la politique spatiale ne se réduit pas à l'ESA. J'ai notamment mentionné l'Union européenne, qui investira des dizaines de milliards d'euros sur la période 2028-2034, mais nos ambitions sont également portées par notre politique nationale, aussi bien en matière de défense qu'au travers des coopérations bilatérales que nous menons directement avec de grandes puissances spatiales, comme l'Inde, le Japon ou les Émirats arabes unis, par exemple.
Je vous renvoie donc au discours du Président de la République, qui a annoncé non seulement une ambition, mais aussi un chiffre de 16 milliards d'euros d'ici à 2030…
M. le président. Il faut conclure.
M. Philippe Baptiste, ministre. … pour le spatial civil, en plus des dépenses militaires. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je regrette que l'arbitrage ne soit toujours pas rendu.
Vous savez très bien qu'il y a aujourd'hui urgence pour toute l'industrie spatiale française. Il est donc important que l'on connaisse précisément ce que la France pourra investir !
Nous savons d'ores et déjà que ce sera moins que l'Allemagne ou que l'Italie, ce qui est dommage : nous ne préparons pas l'avenir et nous ne faisons pas en sorte que la France soit maître de son destin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
déserts médicaux
M. le président. La parole est à Mme Paulette Matray, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, pour sa première question d'actualité au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Paulette Matray. Madame la ministre, l'Insee a publié des chiffres alarmants concernant la Bourgogne-Franche-Comté : la mortalité y est supérieure de 2,8 % à la moyenne nationale, et l'on y compte plus de 31 000 décès chaque année, dont plus de 9 000 avant l'âge de 75 ans.
En Saône-et-Loire, la pénurie médicale s'aggrave. En dix ans, la densité des généralistes est passée de 8 à 6 pour 10 000 habitants, et des spécialités disparaissent. Comme plus d'un habitant sur deux, je n'ai moi-même pas de médecin traitant.
Mais cette détresse dépasse nos limites régionales. Des Pyrénées à l'Alsace, les territoires ruraux voient les urgences fermer, les délais s'allonger, les jeunes médecins fuir et les élus épuiser leurs dernières solutions sans parvenir à combler la perte de soutien de l'État.
En tant qu'ancienne maire rurale, je connais, pour l'avoir vécu chaque jour pendant plus de vingt ans, la solitude et l'épuisement de nos petites communes devant les déserts médicaux. Même si les lois visant à les combattre et à garantir la territorialisation des formations étaient appliquées dans leur version la plus ambitieuse, il faudrait attendre 2030 pour obtenir des résultats. Ce sont cinq années de plus où nous verrions les inégalités s'aggraver et nos campagnes s'asphyxier !
Pendant ce temps, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 prive notre modèle social de moyens. Réduction de la fraction de TVA ou gel des ressources, qu'importe ! Cette politique ressemble plus à une corde autour du cou de nos campagnes qu'à une bouée de sauvetage.
Madame la ministre, comment justifier l'absence d'un plan d'urgence massif et immédiat pour l'accès aux soins en ruralité ? Je vous le demande très simplement : comment garantir que la République n'abandonnera pas ses territoires les plus fragiles d'ici à 2030 ?
La France rurale ne peut plus se permettre d'attendre cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Madame la sénatrice Matray, je vous remercie de votre question. Nous allons commencer à travailler ensemble sur le budget de la sécurité sociale dans les heures qui viennent et nous proposerons, à l'article 21 bis de ce PLFSS, une réponse à cette difficulté d'accès aux soins.
Je souhaite rappeler que les chiffres que vous avez évoqués cachent des situations de détresse et d'angoisse qui mettent en cause notre cohésion sociale. C'est pourquoi figure, à l'article 21 du texte, une mesure, présentée par le Premier ministre, visant à labelliser 5 000 maisons France Santé d'ici à 2027.
En quoi la labellisation des maisons France Santé consiste-t-elle ? Elle repose sur trois éléments.
Premièrement, il s'agit de rendre visibles les organisations qui ont été mises en place par les professionnels – très souvent accompagnés par les collectivités – sur les territoires, afin que nos concitoyens sachent où trouver une réponse à leur demande de soins.
Deuxièmement, l'objectif est d'accompagner les structures existantes, qui peuvent être des centres de santé, des maisons de santé, des maisons pluriprofessionnelles ou des bus de santé. Nous voulons consolider tout ce qui a été organisé. Pour ce faire, le PLFSS prévoit 150 millions d'euros pour 2026.
Troisièmement, et cela répondra en partie à vos questions, l'idée est de soutenir la structure – souvent une pharmacie – qui subsiste dans les zones les plus reculées, les plus en difficulté, avec des moyens financiers pérennes, de l'ordre en moyenne de 50 000 euros par an. Ces moyens permettront d'ajouter une cabine de téléconsultation, une infirmière, une secrétaire, et ce début de noyau de coopération professionnelle contribuera à améliorer l'accès aux soins.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est un véritable choc d'offre de soins que nous vous proposons avec la labellisation des maisons France Santé dans le PLFSS. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
plfss pour 2026 et fermeture de services dans les hôpitaux
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Madame la ministre, après ma collègue du Calvados, qui l'a fait la semaine dernière, je reviens sur l'épisode malheureux de la fermeture des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen au début du mois de novembre. Cette fermeture a augmenté l'inquiétude des Bas-Normands sur l'offre de soins dans nos territoires.
Hélas, cet accident n'est pas isolé. Il révèle un système à bout de souffle, incapable de garantir un fonctionnement continu des urgences dans nos territoires. Aujourd'hui, nous voyons des services entiers qui reposent sur des internes, faute de médecins titulaires ; nous voyons des hôpitaux qui ne parviennent plus à recruter, qui ne tiennent que grâce à l'intérim médical ou qui fonctionnent en flux tendu mois après mois. Or, lorsqu'un maillon cède, ce sont des patients qui se retrouvent sans solution, parfois à des dizaines de kilomètres à la ronde.
Madame la ministre, vous connaissez la réalité. Sans médecins référents aux urgences, sans équipes stabilisées, sans attractivité retrouvée, nous continuerons à colmater des failles, tant bien que mal, pour soigner.
Je souhaite vous poser deux questions.
Quelles mesures structurelles comptez-vous mettre en place pour garantir la présence des médecins dans les services d'urgence et éviter de nouvelles fermetures comme celle qui a eu lieu à Caen ?
Où en est le décret d'application de la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, dite Valletoux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bleunven et Mme Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Béatrice Gosselin, je vous remercie de votre question.
On compte 612 services d'urgence dans notre pays. Effectivement, certains sont en difficulté. Vous connaissez comme moi la situation de la démographie médicale, qui est souvent la première source de difficultés pour nos services hospitaliers.
Nous apportons plusieurs réponses. Pour ce qui concerne l'hôpital de Caen, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer, c'est l'encadrement des internes qui a fait défaut, empêchant le service de recevoir un agrément pendant six mois. Nous avons renforcé les équipes avec les professionnels qui ont bien voulu s'organiser pour laisser ces urgences ouvertes.
Nous prévoyons aussi l'hiver. J'ai, ce matin, lancé des réunions avec l'ensemble des acteurs pour nous préparer aux épidémies hivernales. Je rappelle d'ailleurs qu'il est toujours temps de se faire vacciner contre la grippe, notamment quand on a plus de 65 ans et que l'on est fragilisé par des pathologies. Cela aussi permettra d'améliorer l'état de nos urgences dans les semaines qui viennent.
Enfin, nous avons prévu des financements dans le budget de la sécurité sociale.
Le financement des établissements de santé représente 112 milliards d'euros par an, soit 5 milliards de plus pour cette année. Conformément à ce que le Premier ministre avait annoncé la semaine dernière, j'ai défendu un amendement gouvernemental au PLFSS visant à un abondement de 1 milliard d'euros supplémentaire, dont 850 millions d'euros pour les établissements de santé, ce qui nous permettra de travailler sur les tarifs hospitaliers. C'est d'ailleurs la première année que les établissements de santé disposeront des tarifs hospitaliers dès le mois de janvier, ce qui leur donnera de la visibilité. Cette évolution est très importante.
En outre, je pourrai annoncer, dès la fin 2025, les investissements pour les dix prochaines années. Cela aussi est important, parce que nous avons besoin d'équipes qui puissent se projeter. C'était attendu par nos hôpitaux ; nous le ferons cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)