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Décès d'un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Aubry, qui fut sénateur des Hauts-de-Seine de 1968 à 1977, et qui siégeait au sein du groupe communiste.

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Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Discussion générale (fin)

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2026 (projet n° 122, rapport n° 131, avis n° 126).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen du budget de la sécurité sociale comporte cette année deux singularités.

La première, c'est que pour la première fois depuis trois ans, le Sénat est amené à examiner un texte que l'Assemblée nationale a pu largement étudier, sans qu'il soit fait usage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cet examen a mis en valeur la possibilité d'un travail parlementaire de fond, apaisé autant qu'il peut l'être et responsable, que beaucoup jugeaient impossible il y a encore quelques mois.

Conformément à son engagement, le Gouvernement a repris l'intégralité des amendements adoptés pour les intégrer au texte transmis au Sénat. C'est un signal de profond respect du débat parlementaire et des engagements pris par le Premier ministre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous nous direz que la copie n'est pas parfaite, et vous aurez raison. Mais c'est précisément parce que le Gouvernement n'a pas cherché à imposer son texte que celui qui vous est transmis est d'abord la copie de l'Assemblée nationale. Je ne doute pas que le Sénat, fidèle à sa tradition de travail exigeant et constructif, saura l'enrichir.

Depuis notre prise de fonctions, Jean-Pierre Farandou, Amélie de Montchalin, Charlotte Parmentier-Lecocq et moi-même avons engagé un dialogue étroit avec l'ensemble des groupes politiques, y compris au Sénat. Je tiens à saluer la qualité, la rigueur et l'esprit de responsabilité qui ont marqué nos échanges, en particulier ceux que nous avons eus avec les rapporteurs.

La deuxième singularité de cet exercice, c'est que nous célébrons cette année les 80 ans de la sécurité sociale. Peu de nations dans le monde peuvent se prévaloir d'un modèle de protection aussi structurant et durable. Cet anniversaire nous invite à mesurer la place unique qu'occupe la sécurité sociale dans notre pacte républicain et à décider, ensemble, que les débats des prochaines décennies porteront non plus sur la survie de notre système, mais sur son développement.

Les défis auxquels la sécurité sociale fait face sont nombreux. Ils sont bien connus du Sénat, dont le rôle de veille, de recul et de projection est essentiel.

Dans un monde où les modèles sociaux sont en compétition, où le risque de fragmentation sociale avance et où des transitions démographiques et économiques ont lieu, nous devons renforcer notre vigilance et nous répéter que les temps ont changé : 2025 n'est pas 1945.

En outre, rappelons-nous que la sécurité sociale n'est pas un simple enchaînement de prestations et de services ; elle est un projet de société et une opportunité d'avoir confiance en l'avenir. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) s'inscrit dans cette perspective.

L'examen budgétaire doit se dérouler dans une totale transparence au sujet de la trajectoire financière de la sécurité sociale. Les chiffres sont irréfutables : en deux ans, le déficit aura plus que doublé, pour atteindre 23 milliards d'euros en 2025. Sans action de notre part, il atteindra 29 milliards d'euros en 2026.

Ces données, qui n'ont rien de conjoncturel, ne sauraient être regardées avec indifférence et elles exigent de la lucidité. Je constate que votre commission partage ce point de vue.

Ce que prévoit le texte, c'est donc que l'effort soit partagé par les organismes complémentaires, par l'industrie pharmaceutique et celle du dispositif médical, par certains secteurs à la rentabilité excessive, mais aussi, de manière encadrée, par les assurés, avec les forfaits de responsabilité et les franchises.

Cet effort collectif est la condition pour préserver durablement notre solidarité. Pour y parvenir, l'intérêt général demande le dépassement des intérêts sectoriels.

Maîtriser, c'est non pas renoncer, mais permettre d'investir.

En termes d'investissement, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale porte plusieurs chantiers majeurs : la revalorisation des professionnels de santé libéraux ; l'investissement dans la formation et l'attractivité des métiers à l'hôpital ; le renforcement du service public de la petite enfance ; la création du congé supplémentaire de naissance ; le développement de l'habitat intermédiaire ; la lutte contre les cancers ; l'investissement dans la santé mentale ou les soins palliatifs. Toutes ces priorités sont concrétisées dans ce PLFSS, que le Sénat examinera, comme il le fait toujours, avec un regard attentif.

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a porté une augmentation très significative de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) à hauteur d'1 milliard d'euros. Il atteindra donc 2 % en 2026, contre 1,6 % dans le texte initial. C'est une progression responsable et soutenable.

Cet effort traduit surtout le fait que nous refusons de laisser notre système de santé s'essouffler. Ce milliard d'euros supplémentaire, c'est un engagement concret visant à renforcer notre système de santé, à l'hôpital comme en ville. Ce milliard supplémentaire, c'est une réponse immédiate aux besoins exprimés par les soignants et les établissements.

Comme vous le savez, 850 millions d'euros sont directement destinés aux établissements de santé pour accompagner la reprise d'activité, moderniser les outils et réduire les déficits. Chaque euro investi vise à consolider la qualité des soins et à redonner du souffle à celles et ceux qui sont au cœur du service public de santé.

Toutefois, ce milliard d'euros ne se limite pas à l'hôpital : il vise aussi à soutenir les soins de ville, les équipes pluridisciplinaires et la mise en œuvre de France Santé, point auquel il me semble utile de consacrer un peu de temps.

Annoncé par le Premier ministre, le dispositif France Santé porte une ambition claire : améliorer l'accès aux soins dans tous nos territoires. Mesdames, messieurs les sénateurs, je connais votre engagement constant sur le sujet, et je souhaite aujourd'hui vous dire combien votre rôle sera déterminant dans la réussite de cette politique.

France Santé sera porté conjointement avec les départements. Mais le dispositif doit aussi se construire avec vous, représentants des territoires, et plus largement avec l'ensemble des élus locaux, dont nous connaissons la détermination pour améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens. Dès demain, au salon des maires, je serai d'ailleurs heureuse de rencontrer les élus pour leur présenter le dispositif et recueillir leurs attentes. Dans la Sarthe, la semaine dernière, j'ai déjà pu mesurer personnellement leurs attentes, ainsi que celles des soignants.

L'ambition de France Santé est simple : permettre un accès aux soins simple, rapide et proche, avec deux objectifs lisibles pour tous : offrir à chacun une solution de santé à moins de trente minutes de chez soi ; proposer un rendez-vous médical sous quarante-huit heures lorsque cela est nécessaire.

À cette fin, nous rassemblons sous une même bannière des initiatives portées localement, pour que les Français sachent vers qui se tourner et que les soignants soient pleinement soutenus. France Santé n'est pas un label de plus : c'est un cadre lisible, opérationnel, doté de financements nouveaux et construit avec les territoires.

Aujourd'hui, il est urgent d'agir, mais il est tout aussi essentiel d'agir ensemble. C'est tout le sens de France Santé : un dispositif qui, au-delà du couple préfet-agence régionale de santé (ARS), reposera sur une concertation étroite et permanente avec les élus locaux, parce que personne ne connaît mieux les réalités d'un territoire que ceux qui le font vivre au quotidien.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en 1945, des forces politiques profondément différentes ont su s'unir pour bâtir la sécurité sociale. Ce qui les rassemblait, c'était la conviction que la solidarité pouvait être une puissance nationale.

Aujourd'hui, c'est à nous, ensemble, de prolonger cet héritage non pas en répétant les choix d'hier, mais en portant l'ambition de notre temps : une sécurité sociale fidèle à ses principes, mais capable de s'adapter aux réalités d'un monde qui change. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ouvrons aujourd'hui au Sénat une nouvelle étape du processus budgétaire : c'est désormais à la chambre haute d'entamer en séance publique l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

La copie qui vous parvient est celle qui a été amendée par l'Assemblée nationale. Le budget de la sécurité sociale a été discuté par les députés, qui ont exprimé des désaccords, mais aussi des convergences. Ils ont notamment adopté la première partie du PLFSS, relative aux recettes, ce qui a permis de poursuivre les débats sur la partie consacrée aux dépenses.

Cela fait maintenant plusieurs semaines que je participe aux travaux du Parlement. J'ai pu mesurer la capacité des parlementaires à approuver, mais aussi à refuser, à modifier, à proposer et à voter ce qui constituera la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année prochaine. Je suis convaincu que nous poursuivrons dans cette voie au Sénat.

Avant d'entrer dans le détail de la copie qui vous est proposée, je souhaite commencer en favorisant la prise de conscience d'un élément simple : dans la version du texte transmise au Sénat, il manque des économies.

Les chiffres sont connus : le déficit de la sécurité sociale a atteint 23 milliards d'euros en 2025. Le Gouvernement visait, dans sa copie initiale, un déficit réduit à 17,5 milliards d'euros pour l'année prochaine – c'était encore beaucoup, mais la trajectoire allait dans le bon sens. En l'état, selon une approche globale, le déficit est évalué à 24 milliards d'euros, donc en augmentation par rapport à celui de cette année. Si rien n'est fait, en l'absence de budget par exemple, l'évolution au fil de l'eau pourrait même nous conduire à un déficit de 29 milliards d'euros.

Avec un tel niveau de déficit, c'est toute la pérennité du système social qui serait remise en question de façon critique, ainsi que l'a évoqué ma collègue Stéphanie Rist. Aux côtés des membres du Gouvernement, ma mission en tant que ministre du travail et des solidarités est de veiller à la trajectoire de redressement des comptes de la sécurité sociale ; vous comprendrez donc que j'exprime ma préoccupation en cet instant.

Venons-en maintenant au contenu du texte. Pour ce qui est des recettes, le Gouvernement proposait de revenir sur certaines niches sociales et sur certaines exemptions de cotisations d'éléments de rémunération qui, de fait, se substituent à du salaire. L'Assemblée nationale a voté contre ces propositions, mais a soutenu l'augmentation de la contribution patronale pour les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.

Ce point n'était pas prévu dans la version initiale du Gouvernement, mais les députés ont adopté un amendement visant à rehausser de 1,4 point la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital et du patrimoine. Si l'on ne tient pas compte des mesures de transfert, il s'agit de la seule disposition de la copie remaniée par l'Assemblée qui améliore le solde de la sécurité sociale.

L'Assemblée nationale a aussi rejeté la proposition du Gouvernement de mettre fin à l'exonération des cotisations sociales sur la rémunération des apprentis. Si l'objectif commun doit être de préserver l'apprentissage, qui est un succès, pour autant, maintenant que nous sommes sortis de la phase de propulsion de cette politique publique, il n'est pas anormal d'être rigoureux quant au respect de l'équilibre budgétaire. Comme le débat sur l'apprentissage se poursuivra dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF), je ne m'attarde pas davantage sur le sujet.

Le texte contient également un certain nombre de mesures sur les retraites.

Il s'agit, en premier lieu, de mesures positives, votées à l'unanimité par les députés, qui visent à l'amélioration de la retraite des femmes. L'article 45 du PLFSS dispose en effet que sont pris en compte les trimestres de bonification et de majoration de durée d'assurance dans les carrières longues, ce qui permettra à davantage de mères de partir en retraite anticipée.

De la même manière – la mesure est d'ordre réglementaire, mais elle a été évoquée à l'occasion des débats sur ce point –, il sera possible de calculer la retraite des femmes sur leurs vingt-trois ou vingt-quatre meilleures années de cotisation, en fonction du nombre de leurs enfants. Plus de la moitié des femmes verront ainsi le montant de leur pension revalorisé.

Je me réjouis que ces propositions soient issues du dialogue social entre les partenaires sociaux, auquel – vous le savez – je suis attaché. Cela montre que ceux-ci sont capables de s'emparer des sujets difficiles comme celui des retraites et d'aboutir à des convergences.

Toujours dans le sens d'un renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi entre les femmes qui travaillent dans le secteur public et celles qui travaillent dans le secteur privé, l'Assemblée nationale a voté en faveur d'un amendement du Gouvernement qui vise à améliorer, en miroir, la retraite des femmes fonctionnaires.

Il reste beaucoup à faire pour réduire les écarts de salaires et de pensions entre les hommes et les femmes, mais ces propositions vont globalement dans le bon sens. J'espère que le Sénat y sera également favorable.

En second lieu, le texte prévoit – le point est plus délicat, et il sera sûrement débattu – la suspension jusqu'au 1er janvier 2028 de la réforme des retraites de 2023, que l'Assemblée nationale a adoptée.

Je connais la position largement majoritaire du Sénat sur le sujet. Le Gouvernement estime qu'il s'agit, dans le contexte actuel, d'une mesure de stabilité pour le pays.

Mme Pascale Gruny. Quel courage !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cette stabilité est voulue par les Françaises et les Français, mais aussi par les entreprises.

Nous sommes nombreux à souhaiter que l'avenir du système de retraite soit éclairci. La suspension de la réforme de 2023 présente également l'avantage de fournir un temps utile pour le dialogue social. J'ai d'ailleurs relancé une conférence sur le travail et les retraites avec tous les partenaires sociaux ; elle doit nous permettre d'accoster sur des sujets presque mûrs et, peut-être, de faire converger les points de vue. Ce temps est aussi celui du débat démocratique : certains partis politiques s'emparent du sujet et commencent à formuler des propositions sur les retraites.

En troisième lieu, une majorité des députés nationale s'est également prononcée contre le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, et contre le gel du barème de la CSG calculée sur les revenus de remplacement, qui détermine l'assujettissement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) et à la cotisation d'assurance maladie pour les retraites complémentaires.

Le problème, c'est que cette proposition représentait une économie substantielle de 3,6 milliards d'euros. Les discussions doivent donc reprendre, et j'espère que des solutions intermédiaires pourront apparaître au cours du débat – j'ai d'ailleurs remarqué que plusieurs amendements sénatoriaux permettraient d'avancer sur ce sujet.

L'Assemblée nationale n'a pas eu le temps d'examiner l'article 39, qui porte sur la reconnaissance des maladies professionnelles. J'espère que le Sénat pourra étudier cet article important de simplification et de modernisation – je n'en dis pas davantage pour ne pas être trop long, mais le Gouvernement partage l'intention de la rapporteure Marie-Pierre Richer visant à recentrer cette réforme sur les seuls dossiers pour lesquels les délais de prise en charge sont dépassés.

Venant du monde de l'entreprise, je suis bien sûr très attentif au sujet de la santé au travail. Si nous pouvons progresser sur ces questions au Sénat, ce sera une bonne chose pour tous les salariés de nos entreprises françaises. Là encore, les débats pourront s'engager et se poursuivre.

Je connais la solidité et l'ancrage territorial qui caractérisent les travaux du Sénat, ainsi que l'importance que vous accordez, mesdames, messieurs les sénateurs, au maintien de nos comptes publics. Nous partageons la même ambition de transmettre aux générations futures un système de protection sociale efficace et soutenable. Pour cela, nous devons doter la sécurité sociale d'un budget pour 2026 qui contribue à une trajectoire de redressement. Je crois que tout le monde a compris l'importance de l'enjeu.

Dans l'intérêt des Françaises et des Français, il faudra donc que les deux chambres du Parlement fassent à un moment un pas l'une vers l'autre pour doter la sécurité sociale d'un budget solide, travaillé par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comptez sur moi pour être un partenaire respectueux du travail parlementaire, en particulier au Sénat. Nous serons à l'écoute et nous partagerons la volonté de rigueur que vous exprimerez sur la gestion des comptes publics. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plusieurs mois, notre pays traverse une période d'incertitude. Nous en mesurons chaque jour les conséquences sur la confiance de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos investisseurs, mais aussi sur la solidité de notre économie et, plus profondément, sur l'unité de la Nation.

Face à cette situation, je crois sincèrement qu'il existe au Parlement, et particulièrement au Sénat, une majorité de responsabilité (Mme Silvana Silvani proteste.), déterminée à rechercher un compromis sur les textes financiers pour mettre fin à cette instabilité. Cela avait déjà été le cas – je dois le dire – en février dernier, quand le Sénat a joué un rôle décisif pour que nous sortions de la crise qui pointait en raison de l'absence de budget au début de l'année 2025.

Nous cherchons un compromis non pas pour le Gouvernement lui-même, mais dans l'intérêt des Français, de leur système de santé et de l'ensemble des acquis sociaux qui les protègent depuis 1945. En effet, il existe bien dans le pays une majorité déterminée à ce que nous préservions cette République sociale dont nous sommes collectivement les garants, près de quatre-vingts ans après celle qui a été forgée par le programme du Conseil national de la Résistance (CNR).

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous vous présentons aujourd'hui est un texte profondément parlementaire. Les circonstances sont particulières, puisque le projet de loi transmis au Sénat résulte, pour la deuxième année consécutive, de la procédure prévue à l'article 47-1 de notre Constitution. Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a adopté la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, relative aux recettes, mais l'examen de la troisième partie, relative aux dépenses, n'a pu être mené à son terme dans les délais impartis.

Le texte qui vous parvient est le fruit de soixante-sept heures de débats à l'Assemblée nationale, soit près du double de l'an dernier. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en soumettant au départ un texte exigeant, visant à engager une trajectoire de redressement de nos comptes sociaux. Monsieur le président du Sénat, le Gouvernement s'est d'ailleurs largement inspiré des propositions que vous aviez formulées cet été au Premier ministre de l'époque, en compagnie des rapporteurs généraux et des présidents des groupes.

Le Gouvernement a donc choisi de faire confiance à la responsabilité du Parlement, dans toutes ses composantes, pour que ce texte puisse être amendé, potentiellement rééquilibré, et surtout in fine voté.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Évidemment ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. C'est donc pour donner sa pleine mesure au débat parlementaire que le Gouvernement n'a procédé à aucun tri parmi les plus de 300 amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Le texte transmis au Sénat correspond donc rigoureusement à la petite loi qui a quitté l'Assemblée nationale, sans aucune sélection ni réécriture, dans un esprit de transparence et de respect du travail parlementaire.

Ce choix impliquait qu'un certain nombre de dispositions organiques soient effectivement absentes du texte reçu par le Sénat. Il explique également que plusieurs dispositions ne correspondent pas aux intentions du Gouvernement. Je songe notamment aux mesures qui créent de nouveaux régimes d'exonération, alors que le Gouvernement cherche plutôt, comme vous le savez, à réduire les niches fiscales et sociales qui, parfois trop nombreuses, illisibles et ciblées de manière contestable, ne fonctionnent plus.

Mme Silvana Silvani. On l'a vu ! (Mêmes mouvements.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est donc la possibilité d'un compromis que vous avez entre les mains aujourd'hui. Nous cherchons un compromis sur tous les textes que nous examinons ensemble, bien sûr, mais peut-être même plus encore sur le PLFSS, car il engage notre capacité à préserver notre modèle social.

Ce compromis ne vise pas à transformer complètement le système. Nous sommes à dix-huit mois d'une élection présidentielle, pendant laquelle il est normal et attendu que des projets très différents puissent s'affronter. Évidemment, aucun texte ne peut préempter ce débat. Avant de trancher par le vote, les Français attendent de nous que l'année 2026 ne devienne pas pour eux un saut dans l'inconnu pour ce qu'ils ont de plus précieux : leur santé, leur protection, leur retraite.

Le PLFSS pour 2026 ne renverse donc pas le système ; il porte des choix clairs pour que nous puissions préserver celui-ci. Il prépare le terrain pour que les forces politiques puissent débattre sereinement devant les Français en 2027, leur proposant des évolutions structurelles que chacun pourra décider d'accompagner ou non.

Pour ce faire, la méthode que je souhaite employer avec vous est celle que le Premier ministre appelle souvent de ses vœux : plus que jamais, le Gouvernement se place au service du Parlement. Je peux vous assurer que c'est dans cet esprit que mes collègues Stéphanie Rist, Jean-Pierre Farandou et Charlotte Parmentier-Lecocq et moi-même avons travaillé à l'Assemblée nationale, et qu'il n'y a aucune raison pour que cela change. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a renoncé à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour que les débats puissent aller à leur terme et que le Parlement ait le dernier mot.

Ce PLFSS ouvre une nouvelle séquence, celle d'un débat loyal, du travail partagé, de la recherche d'un compromis. Cette méthode s'applique naturellement au Sénat, dont chacun connaît l'exigence, la précision juridique et la capacité à améliorer les textes financiers.

Je salue donc de nouveau très sincèrement la qualité des travaux menés par la commission des affaires sociales, par sa présidence, sa rapporteure générale et l'ensemble des sénatrices et sénateurs qui – je le sais et je vous en remercie – ont examiné ce texte dans des délais qui, chacun en convient, étaient exceptionnellement contraints.

Notre méthode est donc bien le dialogue, la recherche d'un accord, en se fondant sur la réalité. La responsabilité collective ne peut être engagée si nous feignons d'ignorer la contrainte de plus en plus forte qui pèse sur nos finances sociales.

Je vous remercie, madame la rapporteure générale, de l'important rapport que vous et Mme Poncet Monge avez remis le 23 septembre, et qui est très clair sur la réalité financière. Nous ne pouvons pas nous bercer d'illusions : la soutenabilité de notre modèle social dépend de notre capacité à regarder la situation en face et à construire un compromis qui puisse être durable, réaliste et sincère.

Sans vous présenter de nouveau l'ensemble des chiffres du financement de la sécurité sociale, rappelons-nous que le déficit de la sécurité sociale, prévu à 23 milliards d'euros en 2025, était de 15 milliards en 2024 et de 11 milliards en 2023.

Moins de deux ans après la dernière reprise des déficits par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), nous avons reconstitué une dette sociale. L'encours de l'Urssaf Caisse nationale (anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale, Acoss) atteindra en effet 65 milliards d'euros à la fin de 2025, et nous projetons déjà 83 milliards d'euros en 2026, avant, évidemment, toute dégradation du déficit.

Ces chiffres ne doivent pas nous rendre fatalistes. Ils ne sont pas là pour contraindre le débat, mais ils servent à illustrer l'exigence du moment. En effet, le redressement est possible.

L'année 2025 le montre – je remercie d'ailleurs les sénateurs qui ont examiné ce matin le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) en commission des finances –, pour une fois depuis la fin des différentes crises, nous avons tenu l'objectif de déficit.

Évidemment, nous ne pouvons pas nous glorifier d'atteindre un déficit de 5,4 % du PIB, mais il est sain et utile que le compromis parlementaire du mois de février 2025 ait été tenu. Le Gouvernement a suivi, exécuté, respecté les choix parlementaires. Il en va de même pour la sécurité sociale, puisque, pour la première fois depuis la crise sanitaire également, l'Ondam est lui aussi respecté. Il y a là, à tout le moins, un début de reprise en main qu'il nous faut saluer.

Toutefois, sans action nouvelle, vous le savez, le déficit de la sécurité sociale atteindrait 29 milliards d'euros l'année prochaine et 34 milliards d'euros en 2029. Nous ne pouvons plus accepter que nos dépenses sociales progressent plus vite que la richesse nationale.

Alors que l'Ondam représentait 8,2 % du PIB en 2019, il atteint près de 9 % en 2025. Avec cette dynamique, il s'élèverait à 20 % du PIB dans quinze ans. Ce n'est donc ni réaliste ni possible.

Notre objectif, vous le savez, est de maintenir l'Ondam à 8,8 % du PIB pour les prochaines années, comme en 2024, soit à un niveau très substantiellement supérieur à son montant d'avant le covid. Le stabiliser à cette hauteur nous semble donc responsable et tout à fait atteignable.

Pour ce faire, il faut aussi nous dire la vérité : augmenter les recettes de manière perpétuelle est une impasse ; laisser filer les dépenses le serait tout autant. Dans les deux cas, qui paierait la facture ? Nos enfants, nos petits-enfants et les générations à venir.

J'ai bien conscience, évidemment, que la trajectoire financière initiale a suscité des réserves à l'Assemblée nationale, tout comme certaines dispositions du texte au Sénat. Beaucoup de mesures d'économies ont été écartées lors de l'examen en première lecture – Jean-Pierre Farandou et Stéphanie Rist les ont rappelées. Il est toutefois essentiel de rappeler ce que contenait le texte initial, car les débats ont parfois pu nous faire perdre la lisibilité des propositions du Gouvernement.

Dans notre projet initial, les dépenses sociales devaient progresser de 1,6 % en 2026. Autrement dit, cela représente 11 milliards d'euros de plus pour notre politique sociale ; 5 milliards de plus pour la branche maladie ; 500 millions de plus pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ; 4 milliards de plus pour la branche vieillesse ; et 1,5 milliard de plus pour la branche autonomie. Cela ne correspond pas à l'austérité que certains voudraient décrire.

Or, il faut le souligner, l'Assemblée nationale a porté cette hausse à un niveau bien supérieur, puisque, dans le texte qui vous est parvenu, elle est passée de 1,6 % à 2,3 %, du fait de l'accroissement de l'Ondam, de la suspension de la réforme des retraites et de la suppression de l'année blanche.

La hausse de l'Ondam, que nous avions initialement fixée à 1,6 %, a été rehaussée à 2 %, mais, en neutralisant les mesures de transfert vers les complémentaires ou les assurés, l'augmentation est en réalité de 3,3 %. C'est un chiffre à avoir en tête, car il faut considérer non pas uniquement les dépenses de l'assurance maladie mais l'ensemble des recettes du système de santé. Or cette progression de 3,3 % correspond au double de l'inflation prévue en 2026. Il faut en être conscients : c'est insoutenable.

Les recettes, quant à elles, devaient augmenter d'un peu plus de 16 milliards d'euros, mais, là aussi, le texte a été profondément remanié par l'Assemblée nationale, qui a rehaussé la CSG sur les revenus du capital mais a abandonné la taxation des organismes complémentaires. D'où un écart par rapport à ce que le Gouvernement proposait initialement.

Le Gouvernement avait fait des choix : préserver les dépenses qui améliorent l'accès aux soins, réguler les dépenses les moins efficaces, encadrer les dépassements d'honoraires excessifs, renforcer la lutte contre la fraude, responsabiliser davantage les acteurs. Nous avions fait le choix d'un effort partagé, proportionné aux capacités de chacun. Ces choix reposaient sur trois principes : le travail, car le financement de nos droits repose sur la cotisation ; l'équité, pour que la protection sociale profite à ceux qui en ont le plus besoin et que les fraudeurs soient découragés et sanctionnés, en lien avec le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, que vous avez adopté hier ; et la prévention, en matière tant de santé que d'autonomie.

Vous êtes maintenant amenés à proposer votre propre vision du redressement de la sécurité sociale. Or, tout en étant au banc du Gouvernement à l'Assemblée nationale pour suivre les débats sur le budget de l'État, qui ne sont toujours pas terminés, j'ai pu constater certaines convergences entre nos points de vue – je pense par exemple au rétablissement de la taxe sur les organismes complémentaires –, mais aussi quelques divergences.

Nous aurons l'occasion d'en débattre, afin d'enrichir nos compromis, tout en suivant quelques lignes de conduite : d'abord, nous devons absolument nous dire que le déficit de la sécurité sociale ne doit pas dépasser 20 milliards d'euros avant transferts ; ensuite, nous devons avoir une vigilance particulière sur les transferts, car il ne serait pas responsable de diminuer le déficit de la sécurité sociale si cela augmente parallèlement de façon massive celui de l'État – nous devons être en ligne sur cette question, madame la rapporteure générale – ; enfin, nous devons garder en tête que l'objectif n'est pas seulement 2026, c'est surtout le retour à l'équilibre d'ici à 2029.

Rappelez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en 2019, juste avant la pandémie de covid, la sécurité sociale était à l'équilibre !