M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, avant d'aborder les questions financières à proprement parler en tant que rapporteur, je veux dire, avec gravité, ce que j'ai sur le cœur s'agissant de la situation contradictoire de la branche famille.
Cette branche est ponctionnée, peut-être plus que jamais, alors que la natalité est en berne : 1,6 enfant par femme, quand le désir d'enfant, il faut le noter, est de 2,2 enfants. Cet écart considérable nous interroge et constitue en quelque sorte un paradoxe.
Je tiens à vous alerter, mes chers collègues : un taux de fécondité de 1,6 enfant par femme représente, en deux générations, une perte de 20 % de la population. Dans certains pays en Europe, le chiffre est de 1,2 enfant par femme, soit, en deux générations, 40 % de perte de population. C'est donc un enjeu existentiel, culturel et civilisationnel. Je tenais à le signaler dans cette introduction.
Je profite aussi de cette prise de parole pour revenir sur l'histoire de la politique familiale. Le 2 juin 1936, le président du Sénat saluait en séance publique, dans cet hémicycle même, la mémoire du sénateur Henry Chéron. Ce défenseur acharné de l'équilibre budgétaire aspirait aussi, avec détermination, à la mise en place d'une politique familiale, perçue comme un ciment de la République. Ce personnage peu connu, qui était surnommé en son temps le « Gambetta du Calvados », a laissé une œuvre considérable, qui devrait nous inspirer.
Les défis semblaient alors immenses et les déficits budgétaires importants, du fait, entre autres, de la course à l'armement à l'approche d'une nouvelle guerre.
Pourtant, les attentes grandissantes de la population française en matière d'acquisition de nouveaux droits sociaux ne laissaient que peu de place à l'équilibre budgétaire. La famille était en ce temps déchirée, notamment entre les laïcs et les catholiques, mais Henry Chéron a vu dans la politique familiale l'occasion de faire à la fois grandir le pays et la République. Il a grandement contribué à l'adoption de la loi Strauss relative au congé de maternité.
De nos jours, nous avons également besoin d'ambition en matière de politique familiale. Celle-ci est essentielle : la valeur famille renvoie à un sentiment de protection, aux souvenirs de notre enfance, que nous partageons parfois de manière régressive, et au bonheur d'en fonder une à notre tour.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale contient une mesure importante pour les familles : le congé supplémentaire de naissance. D'une durée de deux mois, financé par les caisses d'allocations familiales – les aides afférentes sont versées par les caisses primaires d'assurance maladie, auxquelles je tiens à rendre hommage au regard de la difficulté technique de la mise en œuvre d'une telle mesure –, ce dispositif vise à indemniser les jeunes parents à hauteur de 70 % du salaire le premier mois, puis de 60 % le second mois.
Ce congé supplémentaire de naissance est l'occasion pour les pères de profiter d'un moment privilégié avec leur enfant ; c'est aussi un enjeu civilisationnel. Il répond en partie aux carences des mesures existantes, et il faut s'en féliciter.
Toutefois, il est difficile de s'en satisfaire pleinement. En effet, malgré l'excédent de la branche, estimé à 0,7 milliard d'euros en 2026, ouvrant la possibilité de déployer une politique familiale plus ambitieuse, le dispositif reste un peu maigre : seulement deux mois pour chaque parent, alors que nous savons toute l'importance de profiter autant que faire se peut de nos enfants lors de leurs mille premiers jours.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale contient également une mesure sur l'amélioration du recouvrement des pensions alimentaires. J'ai souligné l'importance d'Henry Chéron pour notre politique familiale ; au-delà de cette question, il savait à quel point, en tant que rapporteur général, il était indispensable d'aider les plus fragiles à bénéficier de ce qui leur était dû et souvent injustement enlevé.
Le texte qui nous est soumis tend, en son article 41, à aider les mères en situation de monoparentalité à bénéficier en temps et en heure de leur pension alimentaire. C'est une initiative juste et humaine pour répondre à des situations trop souvent douloureuses.
Mes chers collègues, la branche famille, depuis quelques années, continue de transférer des montants financiers d'ampleur aux autres branches de la sécurité sociale et à l'État, afin de redresser les comptes. Ainsi, 4,8 milliards d'euros sont versés à l'État au titre de la réforme des allégements généraux et 1,4 milliard d'euros à la branche maladie en raison du déficit de cette dernière, dont nous avons tous conscience.
Je conclurai par quelques mots sur la majoration pour âge des allocations familiales, qui passerait de 14 ans à 18 ans. Notre excédent, comme nous venons de le voir, permet, d'une part, de financer le congé supplémentaire de naissance, d'autre part, de poursuivre la bonification de ces allocations familiales dès 14 ans. Pour la commission, c'est essentiel. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Martin Lévrier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Pascal Gruny, en remplacement de Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Mme Pascale Gruny, en remplacement de Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la commission regrette la dégradation aussi subite que préoccupante de la situation financière de la branche AT-MP, qui subit en 2025 son premier exercice déficitaire, hors covid, depuis 2012. Le déséquilibre empirera dans les années à venir, et la branche devrait connaître le pire solde de son histoire en 2027.
Ne vous y trompez pas, mes chers collègues : il faut chercher l'origine première de la dégradation de la situation financière de la branche non pas dans une hausse de la sinistralité, mais dans une suite d'arbitrages politiques hasardeux du Gouvernement. Depuis 2023, ce sont près de 2 milliards d'euros qui ont été transférés, de manière pérenne, aux branches maladie et vieillesse, dont la santé financière est plus chancelante encore.
C'est oublier que la sécurité sociale est non pas un pot commun dans lequel on peut puiser à sa convenance, mais un ensemble de caisses aux missions distinctes dont l'équilibre repose sur le respect de leurs financements propres, tout particulièrement pour la branche AT-MISE EN PLACE, qui n'est abondée que par les employeurs.
Sans cette hausse des transferts, le tableau que je vous dépeindrais serait tout autre : le déficit d'1 milliard d'euros en 2026 se métamorphoserait, presque par enchantement, en un excédent de 900 millions d'euros…
Cela étant, par sa nature assurantielle, la branche AT-MP a vocation, plus que toute autre, à l'équilibre financier. Des mesures de redressement sont donc nécessaires. Au-delà des indispensables ajustements sur les transferts, le retour à l'équilibre ne pourra procéder que d'un choc de prévention : portons à 7 % les dépenses de la branche en ce sens, comme l'a proposé la commission.
Les partenaires sociaux ont beau l'avoir demandé dans l'accord national interprofessionnel (ANI), les parlementaires ont beau le réclamer année après année, le Gouvernement n'entend pas le message : la prévention est encore la grande absente de ce PLFSS.
À la place, nous est annoncée, au détour d'une annexe, une mesure d'amélioration des recettes de 0,4 milliard d'euros. Nul n'est dupe de cet euphémisme dont le Gouvernement a le secret : il s'agit bien là d'une hausse des cotisations pour les employeurs. Parce qu'il serait inacceptable que des employeurs vertueux, engagés dans la prévention, paient le prix des décisions politiques qui ont miné la branche, la commission s'opposera sans ambages à toute tentative d'alourdir uniformément leurs cotisations.
Elle soutiendra, en revanche, les trois mesures nouvelles de ce PLFSS.
L'article 39 vise à réformer les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles, dont les limites sont désormais manifestes. La voie principale sera modernisée : pour l'instant inscrites sur les tableaux de maladies professionnelles, les modalités de diagnostic, parfois obsolètes, voire dangereuses, seront désormais définies de manière dynamique par référence aux données acquises de la science. Afin de garantir l'adhésion des partenaires sociaux à la réforme, la commission propose de solliciter leur avis et de mieux encadrer cette définition.
S'agissant de la procédure complémentaire, les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), obérés par la démographie défavorable, ne sont plus en mesure de faire face à l'afflux de dossiers qui leur sont adressés. Les leviers réglementaires pour dégager des marges de manœuvre ayant tous été mobilisés, le législateur est tenu d'agir pour éviter une dégradation de la qualité des décisions ou un rehaussement des délais, déjà dissuasifs.
L'article 39 a donc pour objet de déléguer à un binôme de médecins-conseils l'instruction des dossiers de maladie professionnelle ne répondant pas à toutes les conditions des tableaux dits de l'alinéa 6.
Face à l'inquiétude des partenaires sociaux, la commission présente une approche pragmatique et proportionnée au risque. Elle propose de maintenir la compétence des CRRMP sur ces dossiers, sauf ceux qui ont trait au délai de prise en charge, déjà souvent traités à la chaîne parce qu'ils requièrent une expertise médicale moindre.
La commission soutiendra également la limitation de la durée de versement des indemnités journalières AT-MP, à l'article 28, sous réserve de l'adoption de son amendement visant à garantir des conditions d'indemnisation plus favorables en AT-MP qu'en maladie. Cette mesure permettra que chaque assuré relève en fait de la prestation qui lui est destinée en droit.
Rappelons que, en s'en tenant aux principes, l'indemnité journalière AT-MP ne saurait couvrir que les assurés dont l'incapacité de travail est temporaire, à l'exclusion de ceux qui présentent une incapacité permanente. Aucune rupture de droit n'est donc à craindre. L'incapacité permanente, en effet, ouvre droit à des prestations spécialement dédiées, mieux adaptées à la situation : l'indemnité en capital et la rente.
Ces prestations seront prochainement revalorisées grâce à la réforme de la dualité de la rente, que nous avions soutenue l'an dernier. C'est non pas par choix, mais par nécessité que la commission proposera de reporter de cinq mois l'entrée en vigueur de cette réforme attendue, l'adoption tardive de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 ayant rendu inopérant le calendrier initialement prévu.
Enfin, l'article 40 permet de faire œuvre utile. Il vise à faire ouvrir un capital-décès de près de 4 000 euros aux ayants droit des non-salariés agricoles actifs victimes d'un sinistre professionnel, ce capital étant à l'heure actuelle réservé aux décès relevant de la vie privée.
Je pense, monsieur le ministre, que nous pouvons envisager conjointement d'ouvrir également ce droit aux titulaires inactifs d'une rente AT-MP. Il s'agirait là d'une mesure d'harmonisation bienvenue, afin de rendre justice à ceux qui, pour nous nourrir, ont payé de leur personne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mmes Véronique Guillotin et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, cette année, la branche autonomie n'est pas épargnée par le contexte budgétaire. La progression de l'objectif de dépenses est deux fois moins soutenue qu'en 2024 et en 2025, mais s'établit tout de même à 3,5 %, ce qui représente une hausse de 1,5 milliard d'euros.
Ces moyens supplémentaires sont majoritairement compris dans l'objectif global de dépenses des établissements et services médico-sociaux fixé à l'article 49. Ils sont fléchés vers les plans de renforcement de l'offre médico-sociale lancés ces dernières années.
La contrainte budgétaire n'est pas sans incidence sur la mise en œuvre de ces plans, puisque le rythme des recrutements et des créations de places ralentit : 4 500 recrutements en Ehpad annoncés contre 6 000 l'année dernière, diminution du nombre de créations de places en services de soins infirmiers à domicile et baisse de 20 millions d'euros du budget alloué au déploiement des 50 000 solutions dans le champ du handicap. Le Gouvernement nous a assuré que les objectifs à l'horizon de 2030 étaient maintenus. Nous y serons attentifs.
J'en viens aux trois mesures que compte ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le périmètre de la branche autonomie.
L'article 36 vise à introduire une réforme structurelle du financement des établissements et services médico-sociaux qui accompagnent des enfants et jeunes adultes handicapés. Ne pouvant m'attarder sur les contours de cette mesure, j'insisterai seulement sur le fait qu'elle est soutenue de façon unanime par le secteur : tous les acteurs concernés ont été associés à son élaboration et nous demandent de maintenir cet article.
Je vous inviterai donc à donner votre assentiment à cette réforme, mes chers collègues, même si nous devrons être attentifs aux ultimes travaux qui seront conduits en 2026 pour déterminer, avant son entrée en vigueur en 2027, l'équation tarifaire.
L'article 37 traduit le compromis trouvé entre le Gouvernement et les départements en avril dernier sur le financement des revalorisations salariales dans le secteur médico-social privé à but non lucratif.
Le surcoût de ces revalorisations, évalué – et certainement sous-estimé ! – à 170 millions d'euros pour les départements, sera couvert pour moitié par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Ce dispositif de compensation est important et même indispensable pour les départements, mais nous sommes tous conscients, dans cette assemblée, qu'il restera insuffisant face à la hausse continue des dépenses sociales.
La dernière mesure qui concerne l'autonomie figure à l'article 38. Elle vise à permettre aux départements de déduire les indemnisations versées par les assurances et les fonds d'indemnisation de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap.
Il est bien sûr légitime que le Gouvernement recherche des pistes pour améliorer l'efficience de la dépense, mais ce dispositif, en plus de brouiller la distinction qu'il convient de faire entre, d'une part, le droit à indemnisation, et, d'autre part, le droit à compensation, présente de sérieuses limites sur le plan opérationnel. La commission vous proposera sa suppression.
Mes chers collègues, en définitive, ce PLFSS contient peu de mesures nouvelles dans le champ de l'autonomie. S'il n'est pas étonnant que le contexte budgétaire freine les ambitions, cette situation rend d'autant plus impératif le débat sur les ressources, d'autant que la situation financière de la cinquième branche se détériore : déjà déficitaire de 300 millions d'euros cette année, la CNSA devrait accuser un solde négatif de 1,7 milliard d'euros dès 2026.
Chaque année, nous le répétons : sans ressources nouvelles, nous ne ferons que subir les effets du vieillissement de la population et nous ne répondrons pas aux aspirations des Français. Réussir le virage domiciliaire, renforcer l'attractivité des métiers, augmenter le nombre de places en structure, développer massivement l'habitat intermédiaire... Tout cela exige des moyens considérables dont la CNSA ne dispose pas à ce jour, et dont disposent encore moins les départements.
J'ajoute qu'un grand nombre d'Ehpad et de plus en plus de structures pour personnes handicapées sont au bord de la rupture financière. Aucun fonds n'est prévu dans ce PLFSS pour leur venir en aide. Je le déplore vraiment, tant les besoins sont immenses.
Les pistes de financement et d'efficience existent pour relever ces défis. L'une d'entre elles, encore peu explorée, concerne la politique de prévention. Dans le champ du grand âge, nous savons que la marge de progrès est importante, qu'il s'agisse de la prévention des chutes, de la dénutrition ou de l'isolement social. Avec des dispositifs de prévention efficaces, nous pourrions considérablement réduire les coûts de prise en charge, en particulier ceux qui sont relatifs aux hospitalisations inutiles.
Finalement, l'examen d'une grande loi Autonomie, que nous avons maintes et maintes fois demandé, s'impose chaque année avec plus de vigueur. Sans cela, nous en resterons aux incantations et les besoins d'accompagnement de millions de nos concitoyens demeureront insatisfaits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la commission des finances a choisi de rendre un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, dans sa version qui nous a été transmise par l'Assemblée nationale.
En effet, après une diminution en 2022 et en 2023, le déficit de la sécurité sociale s'est aggravé de nouveau et atteindrait 23 milliards d'euros en 2025, alors qu'aucune crise sanitaire ou financière ne vient le justifier. Un tel déficit pèsera sur les générations à venir, contrevenant à l'impératif de solidarité intergénérationnelle au cœur de notre système de sécurité sociale.
L'augmentation forte du déficit depuis 2024 s'explique par le décalage entre l'évolution des recettes et des dépenses. Alors que l'augmentation des dépenses avait toujours été inférieure à celle des recettes, sauf en 2020, cette tendance s'est inversée en 2024 et en 2025, en raison de la conjoncture économique défavorable, de la démographie et de la revalorisation des prestations sociales en fonction de l'inflation.
Par ailleurs, ce déficit de la sécurité sociale s'explique largement par des hausses de dépenses non financées, alors qu'il ne faut jamais procéder de la sorte. Je pense notamment à celles qui sont liées au Ségur de la santé, qui représente un surcoût à supporter de plus de 13 milliards d'euros par an.
À force d'accumuler des déficits, on nourrit la dette. Celle-ci grossit et sa gestion à venir constitue une véritable source d'inquiétude. En effet, depuis fin 2024, il n'est plus possible de transférer les déficits de la sécurité sociale à la Cades. C'est donc l'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) qui supporte l'intégralité des déficits de la sécurité sociale. Son plafond a été fixé à 89 milliards d'euros pour 2026, alors que cet organisme ne peut que s'endetter à court terme, avec un horizon maximum de deux ans, ce qui est très risqué. Pour autant, un nouveau transfert de dette à la Cades n'est pas envisageable en l'absence d'un plan sérieux de reprise en main de la trajectoire des comptes sociaux.
S'agissant de 2026, le Gouvernement anticipait, dans la copie initiale du PLFSS, un déficit de 17,5 milliards d'euros. L'atteinte de cet objectif est hautement improbable. Tout d'abord, celui-ci se fondait sur des hypothèses jugées optimistes par le Haut Conseil des finances publiques pour ce qui concerne l'évolution de l'Ondam : +1,6 %. Je ne sais pas très bien, d'ailleurs, où en est le plafond de cet objectif national ; je dois avouer que les modifications successives m'ont un peu perdu… Le Haut Conseil considérait également comme optimiste l'hypothèse de croissance de la masse salariale en 2026, le Gouvernement ayant décidé de retenir une hausse de 2,3 %, ce qui est beaucoup.
Ensuite, de nombreuses mesures du texte transmis ont été largement remaniées par l'Assemblée nationale et influent globalement de façon négative sur « l'équilibre » des comptes.
Les mesures en recettes, minorées par une baisse des transferts de l'État vers la sécurité sociale, représentaient un gain de 2,5 milliards d'euros dans la rédaction initiale. En particulier, l'application des cotisations sociales aux compléments de salaire générait 1,2 milliard d'euros de recettes supplémentaires. Cette proposition a pourtant été largement vidée de sa substance par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a proposé également une taxe sur les cotisations perçues par les organismes complémentaires de mutuelles. Elle devait rapporter 1,2 milliard d'euros, mais elle a été supprimée par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les dépenses, l'objectif inscrit dans le texte initial était de réaliser des économies à hauteur de 9,1 milliards d'euros. En particulier, le gel de la revalorisation des prestations sociales, supprimé, là encore, par l'Assemblée nationale, devait rapporter 2,7 milliards d'euros. Il est très regrettable de ne pas pouvoir compter sur cette somme.
La suspension de la réforme des retraites entraîne un surcoût estimé dans l'étude d'impact à 100 millions d'euros en 2026 et, surtout, à 800 millions d'euros en 2027.
M. Patrick Kanner. Ce n'est pas cher !
M. Vincent Delahaye. Les mesures d'économies proposées sur l'Ondam dans la rédaction initiale, pour un montant de 6 milliards d'euros, ont été largement supprimées par l'Assemblée nationale. En particulier, la hausse des plafonds et des montants sur les franchises médicales et les participations médicales, à hauteur de 2,3 milliards, a été très critiquée.
J'estime donc que le déficit de la sécurité sociale pour 2026, évalué par le Gouvernement entre 24 milliards et 25 milliards d'euros à la suite de la transmission du texte adopté par l'Assemblée, se rapprochera de celui qui était annoncé en l'absence de mesures nouvelles, soit 28,7 milliards d'euros. Un tel déficit est totalement insoutenable et appelle une réforme structurelle et urgente de tout le système social français.
J'espère que les débats dans notre hémicycle nous permettront d'aboutir à une version plus satisfaisante et plus économe du budget de la sécurité sociale pour 2026, notamment grâce aux apports de nos collègues de la commission des affaires sociales.
Puisqu'il me reste un peu de temps, j'ajoute que j'apprécierais une modification de la présentation des comptes des branches de telle sorte que celle-ci fasse apparaître les montants avant refinancement, c'est-à-dire avant transferts entre administrations et subventions. La présentation actuelle montre les soldes par branche après refinancement, ce qui n'a pas de sens.
Mes chers collègues, la commission des finances est donc défavorable à ce texte, mais elle pourrait changer d'avis si celui-ci évolue largement à la suite de notre examen. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission, en remplacement du président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Évelyne Perrot et Anne-Sophie Romagny applaudissent également.)
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, comme nos concitoyens, nous ressentons que la désintégration de notre système de santé, qui a pour cause des maux structurants et plusieurs décennies de renoncements.
Madame la ministre, vous voilà la onzième ministre de la santé en sept années ! (Mme la ministre de la santé acquiesce.) Ce chiffre impressionnant explique en partie l'absence de réformes structurelles.
Une fois encore, ce PLFSS est stérile, car il est tendu vers le respect du dogme de la gratuité de tout pour tous et vers le respect d'un Ondam complètement déconnecté des besoins de santé. De fait, le vieillissement de la population et les progrès de la médecine entraînent une hausse des coûts de l'ordre de 4 % alors que la croissance de l'Ondam est de 2 %. L'ajustement se fait donc par une diminution de la qualité des soins, par le rationnement et par la bureaucratisation.
Il n'est pas inutile de rappeler les grands principes sur lesquels est fondé notre système de santé : l'universalité, l'égalité et l'accessibilité.
Le premier principe est l'universalité. Je songe à cette loi de programmation en santé demandée depuis plusieurs années, qui donnerait une visibilité de long terme à l'ensemble des acteurs du secteur.
Je veux mettre l'accent plus particulièrement sur l'industrie pharmaceutique. Notre pays et l'Europe courent un risque majeur de déclassement dans la bataille mondiale pour la santé.
La Chine est désormais à l'origine de 30 % des innovations thérapeutiques. La santé ayant été déclarée hautement stratégique par l'État chinois depuis 2019, ce sont près de 300 milliards de dollars qui ont été investis dans la santé digitale.
Aux États-Unis, principal marché au monde, la clause de la nation la plus favorisée (MFN, Most Favoured Nation) et les barrières tarifaires ont provoqué un retour massif des promesses d'investissement des groupes pharmaceutiques : près de 500 milliards de dollars.
À l'inverse, les annonces d'investissement lors du dernier sommet Choose France ont été divisées par quatre par rapport à l'année précédente et, dans le même temps, plusieurs entreprises pharmaceutiques ont annoncé l'arrêt de leurs investissements au Royaume-Uni. Pour toutes ces raisons, ce PLFSS, madame la ministre, sera analysé à l'international comme un mouvement tactique de la France.
Le deuxième principe est l'égalité. Celle-ci passe par une vraie politique territoriale de la santé, avec tous les acteurs concernés à l'échelle d'un bassin de vie, et une reconfiguration du parcours de soins structuré. Cette politique est mise en place depuis plusieurs années. Laissons les professionnels travailler, ne communiquons pas sur ce qui existe et ne surfinançons pas ce qui est déjà financé.
Mes chers collègues, en matière de lutte contre la financiarisation galopante de notre organisation de santé, je vous invite à lire et à mettre en œuvre les propositions du rapport sénatorial de nos collègues Corinne Imbert et Bernard Jomier.
Le troisième principe est l'accessibilité. Le personnel des hôpitaux a bénéficié à juste titre de revalorisations salariales, mais les établissements n'ont pas vu leurs effectifs médicaux augmenter. Circonstance aggravante, les crédits accordés n'ont pas totalement couvert ces hausses. Dès lors, le message étant de ne pas toucher à l'emploi, la variable d'ajustement consiste à réduire les investissements, à différer les recrutements, à geler les emplois et à fermer des lits.
À quand une politique réellement volontariste, comparable à celle menée en 1958 lors de la réorganisation du système hospitalier, qui permettrait, par exemple, de transformer les hôpitaux, y compris les CHU, en fondations dotées d'un véritable conseil d'administration favorisant la concertation entre l'ensemble des acteurs de l'hôpital et ceux qui l'environnent ?
Je souhaite également appeler l'attention de notre assemblée sur la psychiatrie, trop souvent considérée comme le parent pauvre des politiques publiques et du financement hospitalier. Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent pleinement de cet enjeu majeur, qui concerne une grande partie de la population, et en particulier, désormais, la jeunesse ; nous devons tous y rester vigilants.
M. Laurent Somon. Très bien !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Le quatrième principe est la qualité.
Or la qualité se dégrade, au prix de défauts et de retards de prise en charge. L'accès aux soins est devenu difficile en raison des déserts médicaux, et certaines spécialités sont tout simplement sinistrées. Les soignants fuient l'hôpital, tandis que les médecins de ville, qui assurent 95 % des soins, sont paupérisés et accablés de charges administratives, au point qu'ils se désengagent.
Le maintien de la bonne santé de nos concitoyens passe par la qualité de la prévention et du dépistage : je pense par exemple au dépistage précoce des cancers ou à la prévention en santé visuelle et dentaire chez l'enfant, qui suppose une collaboration étroite du monde médical avec le monde éducatif.
Préserver la santé de nos concitoyens passe également par une politique de soutien à l'innovation. L'intelligence artificielle, en particulier, est souvent décriée, mais elle permettrait des avancées considérables pour ce qui est de la détection très en amont d'un certain nombre de pathologies.
Enfin, en matière de retraite, il est important de se souvenir que, en 1983, l'âge légal de départ à la retraite était fixé à 60 ans, alors qu'il y avait 4 actifs pour 1 retraité et que l'espérance de vie était de 73 ans ; en 2025, il y a 1,7 actif pour 1 retraité, et l'espérance de vie est de 83 ans. Ne soyons pas les fossoyeurs du régime de retraite par répartition !
Au cours de nos débats, nous aurons l'occasion de revenir sur ces différents sujets. L'essentiel, mesdames, monsieur les ministres, est de mettre en place les réformes territoriales et les réformes de décentralisation nécessaires, de faire confiance aux professionnels de santé et de revoir notre système de financement de la santé. Est-il normal, en effet, que 30 % de nos concitoyens financent par leurs cotisations la santé de 100 % de la population ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)