SEC(1998)1132
du 30/06/1998
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 26/03/1999
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 05/08/1998Examen : 24/06/1998 (délégation pour l'Union européenne)
Communication et proposition de conclusions de M. Denis Badré sur la proposition d'acte communautaire E 1073 relative au budget rectificatif et supplémentaire pour 1998
Communication
Cette proposition d'acte communautaire est relative à l'avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire pour 1998.
Je vous rappelle que, selon l'article 15 du règlement financier, de tels avant-projets peuvent être présentés par la Commission « en cas de circonstances inévitables, exceptionnelles ou imprévues ». L'une des raisons qui m'ont conduit à attirer votre attention sur ce texte est que la démarche retenue par la Commission diffère quelque peu de celle qu'elle avait jusqu'à présent adoptée lors de la présentation des avant-projets de budget rectificatif et supplémentaire.
Un avant-projet de budget rectificatif a pour objet d'apporter de simples modifications financières ou techniques au budget de l'année en cours, mais il ne peut ni entraîner d'augmentation du montant global des crédits ni prévoir d'actions nouvelles. En d'autres termes, le montant d'un budget rectificatif est inchangé, voire en diminution, par rapport au budget initial.
En revanche, un budget supplémentaire peut augmenter le montant global des crédits ou financer une ou plusieurs actions nouvelles.
L'avant-projet dont nous discutons aujourd'hui est, comme l'indique son intitulé, à la fois rectificatif et supplémentaire. Il contient en effet quatre séries de propositions qui relèvent de l'une ou de l'autre catégorie.
En premier lieu, il prévoit d'inscrire au budget 1998 le solde budgétaire de l'exercice 1997, soit 962 millions d'écus. Ce point n'appelle pas d'observation particulière. Il correspond en effet à une obligation posée par l'article 32 du règlement financier, selon lequel « après la remise des comptes de chaque exercice, la différence par rapport aux estimations est inscrite dans le budget de l'exercice suivant par la voie d'un budget rectificatif ou supplémentaire ».
Le deuxième objet de l'avant-projet consiste à réviser les montants inscrits au titre de la correction des déséquilibres budgétaires -correction dont, je vous le rappelle, seul le Royaume-Uni bénéficie actuellement. Cette révision conduit à revoir à la hausse le montant à verser au Royaume-Uni de 1,16 milliard d'écus. Cette somme résulte :
- d'une part, d'une révision à la baisse de 89 millions d'écus de la correction accordée en 1997, liée notamment à l'augmentation de la part du Royaume-Uni dans les dépenses de l'Union ;
- d'autre part, et surtout, d'une révision à la hausse de 1,2 milliard d'écus de la correction pour 1994. On sait aujourd'hui que le montant exact de cette correction est de l'ordre de 2,2 milliards d'écus. Or seul 1 milliard avait été budgétisé en 1995.
En troisième lieu, l'avant-projet propose d'ajuster en cours d'exercice les prévisions de recettes calculées sur les droits de douane, la TVA et le PNB. Dans la mesure où les prévisions qui avaient servi à l'élaboration du budget pour 1998 étaient fondées sur des hypothèses trop pessimistes, il y aurait lieu de réviser à la hausse d'environ 928 millions d'écus le montant de ces ressources.
Mais, au-delà de cette bonne nouvelle, je souhaiterais m'attarder sur le principe même de cette révision en cours d'exercice, qui constitue une innovation par rapport à la démarche suivie jusqu'à présent par la Commission. En effet, auparavant, pour un exercice n, elle élaborait les prévisions au cours de l'année n-1 (plutôt en début d'année) et procédait aux ajustements lors de l'année n+1 (plutôt en fin d'année), soit a posteriori. Cette démarche avait été critiquée car des écarts importants entre assiette prévisionnelle et assiette réelle sont souvent constatés. Dans son dernier rapport d'activité, la Cour des comptes européenne donne une fourchette allant, selon les Etats, de - 5 % à + 9 % pour la ressource TVA et de - 6 % à + 3 % pour la ressource PNB. A ces différences, qui résultent des prévisions macro-économiques, s'ajoutent les variations de change intervenant entre l'écu et les monnaies nationales puisque, lorsqu'elle élabore le budget, la Commission se fonde sur des taux qui ne sont qu'une approximation par rapport aux taux réels, à savoir ceux en vigueur au 1er janvier de l'année n.
La démarche aujourd'hui adoptée par la Commission démontre qu'elle n'a pas été insensible à ces critiques. En opérant des ajustements en cours d'exercice, elle manifeste son souci de « lisser » les écarts entre prévision et régulation : d'une part, le taux de change réel est pris en compte dès l'année n ; d'autre part, toujours en cours d'exercice, des ajustements peuvent être effectués en fonction de la conjoncture économique.
J'en viens maintenant au quatrième objet de l'avant-projet. Alors que les trois premiers relèvent plutôt du budget rectificatif, nous entrons, avec ce dernier point, dans le cadre du budget supplémentaire. En effet, la Commission propose d'affecter une partie des marges de manoeuvre dégagées par le report du solde de 1997 à de nouvelles dépenses. 580 millions d'écus sur les 962 reportés seraient ainsi consacrés :
- à accroître les crédits pour paiements du Fonds social européen (FSE) de 450 millions d'écus ;
- à financer, à hauteur de 100 millions d'écus, des actions relevant de l'aide humanitaire d'urgence (aide aux pays touchés par le phénomène « El Niño », aides à destination de l'Afrique, du Kosovo et de l'Afghanistan) ;
- à abonder de 30 millions d'écus les crédits pour paiements du programme PHARE.
Ces dépenses nouvelles me laissent quelque peu perplexe.
On peut tout d'abord se demander si elles correspondent toutes à ces « circonstances inévitables, exceptionnelles ou imprévues » auxquelles doit correspondre, aux termes du règlement financier, un avant-projet supplémentaire ou rectificatif.
Mais surtout, il convient de souligner que, compte tenu de ces dépenses nouvelles, l'augmentation des dépenses de 1998 par rapport à 1997 serait non plus de 1,4 % mais de 2,1 %, soit une différence de 50 %. En d'autres termes, par les budgets supplémentaires, nous pouvons sensiblement augmenter les dépenses communautaires et contourner ainsi la rigueur apparente du budget initial.
C'est un premier point sur lequel je souhaitais attirer votre attention car nous avons déjà eu l'occasion -je pense notamment à la résolution que nous avions proposée en 1996 sur une proposition de révision des perspectives financières- d'affirmer que la rigueur budgétaire que s'imposent actuellement les Etats membres devrait conduire la Commission à adopter le même comportement pour le budget des Communautés européennes.
En l'espèce, une augmentation des crédits me paraît d'autant moins opportune qu'elle porte sur des domaines pour lesquels aucune dépense nouvelle n'est nécessaire dans l'immédiat : pourquoi abonder les crédits des fonds structurels alors qu'ils donnent déjà lieu, comme nous venons de le voir, à une sous-exécution chronique ? Pourquoi accroître les crédits de PHARE alors que, eux aussi, donnent lieu à une sous-exécution, au point que 2,9 milliards d'écus restaient à liquider fin 1996 ? Pourquoi demander une « rallonge » pour l'aide humanitaire d'urgence alors que, selon l'aveu même de la Commission, seuls 145 millions d'écus sur les 325 octroyés pour l'exercice 1998 ont été utilisés ?
J'ajoute que, tout récemment, nous avons rappelé notre attachement à l'existence d'une base légale pour l'engagement d'une dépense communautaire. Il me paraît en conséquence difficile d'accepter de donner un « feu vert » à la Commission en entérinant des propositions de dépenses qui ne reposeraient sur aucun fondement législatif -je pense notamment aux aides d'urgence.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'adopter des conclusions rappelant certaines règles auxquelles nous tenons -maîtrise des dépenses, principe de subsidiarité et nécessité d'une base légale- et invitant le Gouvernement à s'opposer à la proposition E 1073, tout au moins en ce qu'elle prévoit l'inscription de nouvelles dépenses.
Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication
M. Jacques Genton :
Le sujet sur lequel vous avez attiré notre attention est important et la proposition E 1073 aurait même mérité de faire l'objet d'une proposition de résolution. Malheureusement, une proposition de résolution n'aurait pu être examinée d'ici la fin de la session. Il est donc préférable de se limiter à l'adoption de conclusions par la délégation que nous ferons parvenir immédiatement au Gouvernement afin de lui faire connaître notre sentiment sur ce texte.
Sur le fond, vos observations se situent dans la droite ligne de nos prises de position antérieures, en particulier en ce qui concerne la nécessaire maîtrise des dépenses communautaires. J'ai noté avec satisfaction que le Parlement européen avait souhaité que le budget 1999 soit le « budget des contribuables ». Il y a quelques années, j'avais précisément rencontré, à la demande du ministre chargé des Affaires européennes, M. Alain Lamassoure, le président de la Commission des budgets du Parlement européen pour lui faire part de nos inquiétudes sur l'augmentation des dépenses communautaires.
Mme Marie-Claude Beaudeau :
L'élément le plus important de l'avant-projet de budget est sans aucun doute sa sensible augmentation, qui devrait conduire à une nouvelle augmentation de la contribution française de l'ordre de 5 à 6 milliards de francs. Cette évolution est en contradiction avec les contraintes imposées aux Etats membres de l'Union européenne en matière budgétaire.
Par ailleurs, j'observe, comme vous l'avez fait, que l'avant-projet de budget pour 1999 poursuit un certain nombre d'impératifs. Le premier est la réduction programmée des dépenses de soutien aux productions agricoles, réduction liée au nouveau cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Le second est l'augmentation des crédits des fonds structurels. Or, on ne peut oublier que les fonds communautaires ont vocation, pour être mobilisés, à être associés avec des dépenses budgétaires dans le pays bénéficiaire, en vertu du fameux principe d'additionnalité.
On notera aussi que l'une des caractéristiques des programmes aidés par l'Union est de normaliser, si l'on peut dire, les politiques nationales sur les objectifs de la politique structurelle. Ainsi la réalisation des dépenses structurelles de l'objectif 2 est bien souvent liée à la mise en oeuvre de processus de défiscalisation des investissements des entreprises privées. De même, les politiques menées en matière d'insertion des jeunes s'accompagnent souvent d'exonérations de cotisations sociales ou de fixation de niveaux de rémunération inférieurs à la norme retenue pour les autres salariés. Vous comprendrez bien que je ne peux qu'être en désaccord avec ces actions.
Mais l'un des aspects les plus critiquables du dispositif est la grande opacité des circuits d'instruction et de financement, opacité que vient compléter dans les faits une qualité pour le moins aléatoire du contrôle d'exécution. C'est cette exigence de transparence que nous devons porter, indépendamment de la justification profonde de telle ou telle politique structurelle.
La délégation a alors adopté les conclusions proposées par le rapporteur dans le texte suivant :
Conclusions
La délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
Vu la proposition d'acte communautaire E 1073 ;
Considérant que, par ce texte, la Commission européenne soumet à l'autorité budgétaire un avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire ayant pour objet non seulement d'inscrire au budget relatif à l'exercice 1998 le solde de l'exercice 1997, de procéder à une révision des montants inscrits au titre de la correction des déséquilibres budgétaires et d'ajuster la prévision de certaines recettes, mais également de prévoir de nouvelles dépenses à hauteur de 580 millions d'écus en crédits de paiement ;
Considérant que ces dépenses nouvelles, qui seraient consacrées à accroître les crédits des fonds structurels, à financer des actions relevant de l'aide humanitaire d'urgence et à abonder les crédits du programme PHARE, auraient pour effet de porter de 1,4 % à 2,1 % le taux de progression des dépenses communautaires en 1998 par rapport à 1997 ;
Considérant qu'une telle augmentation serait contradictoire avec le souci de rigueur manifesté par l'autorité budgétaire, et ce, alors même que la perspective de l'entrée dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire exige la poursuite des efforts de réduction des déficits publics des Etats membres ;
Considérant, au surplus, que les crédits des fonds structurels et du programme PHARE ne sont que partiellement utilisés chaque année et que les 325 millions d'écus inscrits au budget 1998 au titre de la réserve pour aides d'urgence sont, à ce jour, loin d'avoir été utilisés dans leur intégralité ;
Considérant, enfin, que les avant-projets de budget supplémentaires ou rectificatifs doivent concerner, aux termes même du règlement financier, des « circonstances inévitables, exceptionnelles ou imprévues » ;
- Souligne la nécessité de maîtriser la progression des dépenses communautaires ;
- Rappelle que ces dépenses ont pour objet de financer des actions que les Etats ne sauraient isolément conduire avec la même efficacité que l'Union européenne dans son ensemble ;
- Rappelle par ailleurs que, au-delà de son inscription au budget, une dépense communautaire ne peut être engagée sans qu'un acte communautaire lui ait donné de base légale ;
Invite le Gouvernement :
- à s'opposer à l'adoption de la proposition d'acte communautaire E 1073 en ce qu'elle prévoit d'inscrire de nouvelles dépenses au budget des Communautés pour l'exercice 1998.