COM (2001) 546 final
du 02/10/2001
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 30/10/2001Examen : 09/07/2002 (délégation pour l'Union européenne)
Document retiré par la Commission le 17 mars 2006
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif
Protection des consommateurs
Communication de M. Jean-Paul Émin sur la
promotion
des ventes dans le marché intérieur
Texte
E 1842
(Réunion du 9 juillet 2002)
Le recours à des pratiques promotionnelles est fréquent en matière commerciale pour attirer ou conserver la clientèle, qu'elles prennent la forme de rabais, primes, cadeaux, concours ou autres jeux... Ces pratiques sont, pour l'instant, régies par des législations nationales très différentes et ne font pas l'objet d'une politique d'harmonisation. Or, selon la Commission, une telle disparité menace la sécurité juridique des échanges transfrontaliers.
Les promotions des ventes s'appliquent aux biens et aux services marchands dans tous les secteurs. Selon une enquête menée dans neuf États membres, la conception et la réalisation de ces opérations de promotions auraient concerné un million d'emplois en 2000, pour un volume de dépenses total de l'ordre de 40 milliards d'euros.
À ce jour, la Commission fait valoir que la disparité et la complexité des réglementations nationales pénalisent de nombreuses entreprises (agences de publicité, sociétés de conception des promotions des ventes), médias (radio et presse), et services (ventes d'espaces publicitaires, marketing direct, distribution...) dans leurs activités transnationales.
En 1998, dans sa communication de suivi du Livre vert de 1996, la Commission a de ce fait identifié les promotions des ventes comme une priorité de sa politique en matière de pratiques commerciales. Sur la base des résultats d'une étude, menée par un groupe d'experts durant deux ans et demi, elle présente ici une communication assortie d'une proposition de règlement afin de faciliter l'activité transfrontalière et la communication des promotions des ventes.
Le dépôt de ces textes coïncide avec la présentation d'un Livre vert consacré plus largement à la protection des consommateurs, dont l'étude est en cours mais non achevée. Selon la Commission, la présente proposition permettrait de compléter, sur la question des promotions commerciales, les conclusions qui seront tirées ultérieurement de l'examen dudit Livre vert.
*
S'agissant des pratiques promotionnelles de vente, il est donc ici proposé de démanteler certains obstacles posés par les législations nationales. Trois voies d'action sont envisagées simultanément :
a) D'abord, l'harmonisation des règles d'utilisation et de communication des pratiques commerciales
· Le texte impose la transparence de l'information sur les rabais, les primes et leurs conditions d'obtention, ainsi que sur les règles applicables aux jeux promotionnels et aux concours ;
· Il autorise les ventes à perte et prévoit une obligation d'information, tant à l'égard des fournisseurs vis-à-vis de leurs revendeurs, qu'à l'intention du consommateur final ;
· Enfin, il organise la protection des enfants et des mineurs, d'abord par l'exigence du consentement des parents pour participer à certaines opérations promotionnelles, ensuite et pour des motifs de santé publique, en interdisant d'offrir des boissons alcoolisées aux mineurs et de distribuer des échantillons aux enfants laissés sans surveillance.
b) Ensuite, l'allègement de certaines restrictions jugées excessives
Dans un deuxième temps, le texte propose d'abolir une série d'interdictions introduites dans les droits nationaux et qualifiées de « disproportionnées ».
· Ainsi, il supprime l'interdiction des ventes avec prime, des ventes à perte, l'obligation de gratuité pour participer aux jeux promotionnels, l'interdiction de communication des promotions à l'extérieur des points de vente...
· De même, il s'oppose à la limitation de la valeur des promotions, par exemple en n'encadrant plus le montant des rabais, en ne limitant plus la valeur des cadeaux, des primes ou des prix mis en concours ;
· Il autorise désormais les rabais pendant la période précédant les soldes saisonnières et ne soumet plus les opérations de promotion à autorisation préalable.
c) Enfin, l'organisation d'un système de reconnaissance mutuelle des pratiques nationales
Ce dispositif aurait pour but de simplifier le régime applicable sur l'ensemble du territoire de l'Union pour toutes les autres promotions commerciales et communications non visées par les dispositions précédentes.
Que doit-on penser de ce dispositif complexe qui s'apparente d'ailleurs à un catalogue ? Il faut avouer que sa lecture plonge dans une grande perplexité car son contenu est une sorte de « fourre-tout », juxtaposant, dans un désordre certain, des considérations de santé publique, de protection des mineurs, de politique de la concurrence et de protection des consommateurs.
Sur ce dernier volet, il se situe sur bien des points aux antipodes de la législation française, qui constitue pourtant, de l'avis général, un modèle très élaboré de protection de l'acheteur. Signalons, par exemple :
- l'autorisation de rabais avant les périodes de soldes, ce qui n'est pas permis en France ;
- le régime proposé pour les ventes à perte, qui contrarie la réglementation sur le dumping commercial et ne concerne pas directement la protection des consommateurs, mais plutôt les relations commerciales entre professionnels ;
- ou bien encore la participation aux jeux promotionnels, qui, selon le droit français actuel, ne doit pas être subordonnée à un acte d'achat afin de protéger le libre-arbitre du consommateur.
Or, il convient de préciser que, s'agissant ici d'une proposition de règlement communautaire, ces dispositions seront d'application directe et intégrale en droit national dès son entrée en vigueur et abrogeront immédiatement des pans entiers de notre dispositif législatif. Du strict point de vue de l'application du principe de subsidiarité, on peut légitimement s'interroger sur l'opportunité de procéder en la matière par voie de règlement.
De surcroît, il semble peu cohérent, au niveau de la simple logique, de présenter ce texte spécifique alors que les conclusions du Livre vert « protection des consommateurs », déposé en octobre 2001, n'ont pas encore été tirées. Nos concitoyens s'élèvent souvent contre le manque de vision d'ensemble et de transparence des dispositifs européens : cette façon de procéder ne peut que conforter la critique. D'une manière plus générale, il apparaît d'ailleurs que ce texte a davantage pour objet de libérer les échanges que de promouvoir la politique commune de protection des consommateurs d'un niveau élevé qu'ambitionne ce Livre vert.
Enfin, ce texte a déjà fait l'objet de plusieurs débats, notamment au sein des groupes de travail « Consommation » et lors du Conseil « Marché intérieur » du 21 mai dernier et il y a rencontré l'opposition de la majeure partie des États membres, pour des motifs d'ailleurs opposés, en fonction de leur conception nationale des pratiques commerciales.
Pour tous ces motifs, on peut légitimement estimer que ce texte n'est pas suffisamment abouti pour faire l'objet d'un accord que, dans sa rédaction actuelle, il justifie le dépôt d'une proposition de résolution.
Compte rendu sommaire du débat
M. Hubert Haenel :
Votre exposé et votre argumentation m'ont convaincu de l'utilité de déposer, au sujet de ce texte, une proposition de résolution. En ce moment même, la Convention pour l'avenir de l'Union réfléchit et travaille sur la question de la délimitation des frontières de compétences et l'application du principe de subsidiarité. Nous trouvons là un bon exemple d'intervention excessive de l'Europe - ce que nos concitoyens acceptent mal et ne comprennent pas -, qui plus est par la voie d'un règlement d'application directe en droit interne qui modifiera aussitôt notre droit national.
Mme Michelle Demessine :
Je suis également très perplexe devant ce texte. Qui, à votre sens, a inspiré la Commission pour qu'elle prenne l'initiative d'agir en ce sens ?
M. Jean-Paul Émin :
Plusieurs « lobbies » ont pu vouloir influencer la prise de décision, sans doute celui des hypermarchés ou celui des publicitaires.
Mme Michelle Demessine :
Effectivement, je n'imagine pas que le commerce de détail puisse vouloir l'entrée en vigueur d'un dispositif aussi complexe.
M. Yann Gaillard :
Je trouve très contestable que cette proposition prenne la forme d'un règlement et non celle d'une directive. La Commission a-t-elle toujours la liberté d'opérer librement le choix entre ces deux manières de faire ?
M. Hubert Haenel :
Comme vous le savez, si une directive nécessite d'être transposée en droit interne, un règlement s'applique intégralement et immédiatement sans qu'il soit nécessaire d'adopter des mesures de transposition. Pour le rapprochement des législations nécessaire à la réalisation et au fonctionnement du marché intérieur, l'Acte Unique a prévu l'adoption de « mesures », sans autres précisions, ce qui permet à la Commission de recourir, selon son choix, à la directive ou au règlement. C'est là une différence par rapport au traité de Rome qui ne prévoyait, en pareil cas, que l'adoption de directives. Toutefois, la Commission avait précisé, dans une déclaration annexée à l'Acte unique, qu'elle privilégierait le recours à l'instrument de la directive dès lors que l'harmonisation entraînerait, dans un ou plusieurs États membres, une modification de dispositions législatives. Nous sommes à l'évidence dans ce cas et il est regrettable que la Commission ait cru bon d'utiliser ici la voie du règlement.
M. Aymeri de Montesquiou :
L'application du principe de subsidiarité me paraît, en l'espèce, incontestable et je suis très favorable à ce qu'il figure expressément dans le texte de la proposition de résolution qui nous est soumis.
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A l'issue de ce débat, la délégation a conclu, à l'unanimité, au dépôt de la proposition de résolution suivante :
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le texte E 1842 portant communication et proposition de règlement relatifs aux promotions des ventes dans le marché intérieur,
Vu le Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne, en date du 2 octobre 2001,
Demande au Gouvernement :
- de s'opposer à l'adoption de ce texte qui, en l'état, marque un recul par rapport au régime national de protection des consommateurs,
- d'obtenir le report de la décision après l'examen du Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne, afin d'assurer la cohérence du dispositif d'ensemble en la matière,
- de faire valoir à la Commission qu'il serait plus conforme au principe de subsidiarité d'intervenir par la voie d'une directive-cadre permettant l'adaptation des législations nationales plutôt que sous la forme d'un règlement d'application directe et immédiate en droit interne.