COM (2003) 703 final  du 18/11/2003
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 26/10/2005

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 10/12/2003
Examen : 26/11/2004 (délégation pour l'Union européenne)


Économie, finances et fiscalité

Fusions transfrontalières des sociétés de capitaux

Texte E 2464 - COM (2003) 703 final

(Procédure écrite du 26 novembre 2004)

Ce texte propose de créer un cadre juridique permettant et facilitant les fusions transfrontalières de sociétés commerciales établies dans différents États membres. En l'état actuel du droit, la fusion de sociétés établies dans des États membres différents n'est pas toujours possible, car certaines législations nationales n'ouvrent pas cette possibilité. En pratique, lorsque des opérations de fusion sont réalisées, elles le sont souvent en recourant à des montages complexes, coûteux et ne présentant pas toutes les garanties juridiques. Elles passent souvent par la liquidation des sociétés concernées et la création d'une nouvelle entité.

La proposition ne cherche pas à harmoniser les droits nationaux en la matière, puisque la procédure de fusion transfrontalière demeure soumise, sauf exception, aux dispositions qui régissent, dans chaque État membre, les fusions entre sociétés relevant exclusivement de la législation de cet État membre. Elle prévoit uniquement des dispositions spécifiques et uniformes pour les aspects purement transnationaux de la fusion.

I - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

Une première proposition avait été présentée par la Commission européenne le 14 décembre 1984, mais elle n'a jamais été adoptée, en raison des difficultés soulevées à propos de la participation et de la représentation des travailleurs dans les organes de direction des entreprises fusionnées. En 2001, la Commission a retiré cette première proposition, au moment où un accord intervenait sur les statuts de la « société européenne », qui incluent justement des règles relatives à l'implication des travailleurs. La Commission a alors publié le 21 mai 2003 une communication sur la modernisation du droit des sociétés, qui a précédé la présentation, le 18 novembre 2003, de la proposition de directive qui nous est aujourd'hui soumise.

Le champ d'application de la proposition couvre l'ensemble des sociétés de capitaux, c'est-à-dire les sociétés qui jouissent de la personnalité juridique et qui ont un patrimoine séparé répondant à lui seul aux dettes de la société. Il s'agit par exemple des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés à responsabilité limitée.

La question de la participation des travailleurs a constitué la principale raison du blocage de la proposition de 1984, et, plus généralement, de toute évolution européenne du droit des sociétés. En effet, certains États membres redoutent que les possibilités offertes par les fusions transfrontalières ne permettent de contourner leurs règles nationales en ce domaine. Toutefois, les solutions retenues dans la directive de 2001 relative à la société européenne peuvent désormais être reprises dans leurs grandes lignes pour répondre à ce problème, même si le contexte juridique et communautaire de la société européenne n'est pas tout à fait le même que celui d'une fusion transfrontalière, cette dernière opération demeurant soumise au droit des États membres. La solution adoptée dans la proposition de directive consiste donc à imposer la participation des travailleurs, si une des sociétés participant à la fusion transfrontalière connaît, de manière obligatoire ou volontaire, la participation des travailleurs. Dans tous les autres cas, la législation nationale applicable à la société issue de la fusion déterminera seule les règles concernant la participation des travailleurs. De plus, toutes les obligations, en particulier celles relatives aux contrats de travail, sont transférées à la nouvelle entité et les droits acquis par les travailleurs dans le cadre de la convention collective sont également préservés.

La proposition de directive prévoit que chaque organe de direction des sociétés qui fusionnent établit un projet commun de fusion transfrontalière, qui doit comporter un certain nombre d'informations, dont la liste est fixée par la directive. Elle prévoit également qu'un certain nombre de ces informations doivent être fournies aux assemblées générales des sociétés concernées, au moins un mois avant leur tenue : la forme, la dénomination, le siège statutaire des sociétés qui fusionnent et ceux envisagés pour la société issue de la fusion... Enfin, la Commission propose qu'un rapport d'experts destiné aux associés soit disponible au moins un mois avant la tenue de l'assemblée générale et qu'il concerne l'ensemble des sociétés qui participent à l'opération de fusion.

II - L'ÉTAT DES NÉGOCIATIONS

Le Conseil des ministres européens a entamé de fastidieuses négociations sur ce texte ; deux sujets principaux en limitent les avancées.

Le champ d'application particulièrement vaste de la proposition de directive constitue une première difficulté. Certains États militent en effet pour sa restriction : l'Allemagne demande par exemple que la directive ne couvre dans un premier temps que les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée. La Commission a répondu que la législation interne des États membres continuera à s'appliquer et que, dès lors, il sera possible aux États membres d'interdire à certaines formes de sociétés de recourir aux opérations de fusion. La France de son côté soutient une définition assez large du champ d'application, afin que le texte ait une efficacité maximale pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes.

Comme dans la précédente proposition, la question de la participation des travailleurs constitue le domaine de négociation le plus difficile. La plupart des États membres souhaitent en effet préserver leurs propres systèmes et leurs spécificités. Les États qui ne disposent pas d'un tel système (Royaume-Uni, Italie, Espagne) craignent d'introduire, du fait de cette directive, des pratiques de participation des travailleurs qu'ils ne connaissent pas. A contrario, l'Allemagne, dont le système d'implication des travailleurs dans l'entreprise est historiquement important, négocie âprement sur ce point : elle propose par exemple de généraliser les négociations relatives à la participation des travailleurs pour l'ensemble des cas de fusion, y compris lorsqu'elles sont réalisées entre des États membres qui ne connaissent pas la participation des travailleurs. La France soutient une telle généralisation de la procédure de négociation dès lors qu'une société connaissant un régime de participation est partie prenante à la fusion, mais elle souhaite que cette procédure soit en service dans une durée limitée.

La France soutient globalement l'objectif de la proposition de directive et propose des amendements principalement techniques au texte. En revanche, certains États proposent des modifications importantes, qui rendraient l'application de la directive peu aisée en pratique.

En conclusion, alors que les négociations sont principalement techniques et ne posent pas de problème structurel à la France, contrairement à l'Allemagne ou à la Suède, il n'a pas semblé nécessaire à la délégation d'intervenir sur ce texte.