COM (2015) 627 final
du 09/12/2015
Le texte COM 627 vise à permettre à un consommateur européen qui a souscrit à un service de contenu en ligne de pouvoir accéder à ces contenus, alors même qu'il n'est pas dans son pays de résidence. Le fournisseur de contenu devra permettre cette portabilité pour l'abonné qui est présent temporairement dans un autre État membre.
Cette proposition de règlement concerne tous types de contenu en ligne (vidéo, musique, jeux) protégés par les droits d'auteur et droits voisins. Les abonnements reposent principalement sur des licences territoriales, donc nationales. Sans porter atteinte au droit d'auteur dans le pays de destination temporaire, il y sera désormais possible de profiter des contenus auxquels on a accès dans son pays de résidence et où l'abonnement doit avoir été souscrit.
Ce texte court - il ne comporte que huit articles - est une proposition a minima. Il créé un droit nouveau pour des consommateurs qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent accéder à des contenus en ligne, par nature transfrontières, lorsqu'ils vont dans un autre pays européen. Toutefois, il ne remet pas en cause le principe de territorialité du droit d'auteur, qui permet de soutenir la création dans les différents États membres.
Ce texte ne présente pas, dans ces conditions, de difficulté au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 17/12/2015Examen : 06/10/2016 (commission des affaires européennes)
Économie, finances et fiscalité
Stratégie
numérique
Communication de M. André Gattolin et
Mme Colette Mélot
COM (2015) 627 final, COM (2015) 634
final
et COM (2015) 635 final - Textes E 10799, E 10800 et E 10801
Mme Colette Mélot, secrétaire. - Le second point à notre ordre du jour est la communication qu'André Gattolin et moi-même allons vous présenter sur la stratégie numérique.
Vous vous en souvenez certainement, en février dernier, nous vous avions soumis pour adoption un avis motivé au titre du contrôle de subsidiarité concernant deux textes relevant de la stratégie numérique de la Commission européenne : l'un sur la fourniture de contenus numériques, l'autre sur l'achat en ligne de biens matériels. Depuis, l'avis motivé est devenu une résolution du Sénat, et le président du Sénat a correspondu sur cette question avec la Commission européenne.
Ces deux textes ont pour objectif d'harmoniser le droit des contrats dans l'Union européenne afin de favoriser le commerce transfrontalier en ligne, qui se heurte à la fragmentation juridique telle qu'elle existe, soit vingt-huit législations nationales. Dans notre avis motivé, nous nous opposions à ce que l'harmonisation maximale prônée par la Commission n'aboutisse à une diminution du niveau de protection que la France offre à ses consommateurs, niveau qui, je le rappelle, figure parmi les plus élevés de l'Union.
Il faut l'avouer, nous n'avons guère été suivis. Si huit chambres parlementaires ont souhaité saisir la Commission européenne, elles l'ont fait par le biais du dialogue politique et non du contrôle de subsidiarité.
Dans la réponse qu'elle a adressée au président du Sénat le 15 juin dernier, la Commission estime que son approche n'est pas contraire au principe de subsidiarité dans la mesure où elle est seule capable d'atteindre l'objectif fixé de lever les obstacles au commerce électronique. C'est l'argument traditionnel censé justifier toute action de la Commission. Toutefois, il est une nuance qui a son importance : la Commission estime que, si l'harmonisation qu'elle envisage est complète, elle est aussi ciblée sur « les aspects du commerce électronique qui se sont avérés être les principaux obstacles pour les consommateurs et les entreprises ».
Il en résulte que l'harmonisation complète ne s'appliquerait pas à l'ensemble des aspects contractuels, mais seulement à certaines clauses. C'est important, car, en l'espèce, le Gouvernement est en phase avec notre position. C'est pourquoi, lors des réunions des groupes de travail du Conseil sur ces textes, il a demandé que, en ce qui concerne les aspects qui sont moins favorables aux consommateurs, les règles de droit interne soient maintenues. Sans entrer trop dans le détail, on peut évoquer notamment la garantie légale des vices cachés de la chose vendue, les clauses abusives ou encore le régime de conformité.
La France n'est pas seule. Le gouvernement allemand a, pour sa part, demandé que le niveau d'harmonisation soit déterminé à la fin des discussions sur l'élaboration des textes. Il a été soutenu par la Pologne et par la France. Ces trois pays représentent tout de même un nombre important de consommateurs européens, un peu plus de 187 millions pour être précis.
Vous voyez bien que cette question d'une harmonisation « par le bas » inquiète au-delà de nos frontières. J'ai donc tendance à penser que nous avions raison de soulever le problème. Au-delà de la question de la subsidiarité, il importe que les avancées du marché unique numérique pour le commerce ne se fassent pas au détriment des consommateurs.
D'après les informations que j'ai recueillies, c'est d'ailleurs un sujet qui a fait consensus au Conseil Justice et affaires intérieures du 9 juin dernier, où les achats en ligne ont été évoqués. De nombreuses délégations étaient d'accord pour soutenir l'approche d'une harmonisation complète et ciblée, adossée à une protection des consommateurs de haut niveau.
Pour conclure, je rappellerai que ces textes demeurent très importants pour le fonctionnement du marché unique européen dans l'ère numérique. Ils font l'objet d'un travail fouillé et très technique. L'approche retenue a consisté à travailler en premier lieu sur le texte visant la fourniture de contenus numériques, car la question des ventes de biens en ligne a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre de la fameuse procédure REFIT sur le droit de la consommation. Les premiers résultats commencent à sortir et le travail technique sur le second texte va donc pouvoir démarrer.
Pour souligner l'ampleur de la tâche, je précise que ces textes vont devoir être en cohérence avec le règlement sur la protection des données personnelles qui vient d'entrer en vigueur et avec le droit qui régit les contrats de vente hors ligne.
À ce stade, je ne vois pas de raison de prendre une position affirmée, mais vous pouvez compter sur ma vigilance concernant la négociation de ces textes dans les semaines et les mois qui viennent. La protection des consommateurs est notre objectif. Les choses ont avancé, et nous avons bien fait de nous pencher sur le sujet.
M. André Gattolin. - Ces textes témoignent de la pratique grandissante de la Commission européenne : imposer une harmonisation maximale. Les directives laissent habituellement une place importante à la subsidiarité et au caractère mieux-disant des États membres. L'idée est de fixer au niveau européen des normes minimales et de laisser aux États la possibilité, notamment en matière de défense des consommateurs, d'aller plus loin.
On le constate sur les directives relatives au marché unique, les textes s'apparentent davantage à des règlements, qui sont d'application uniforme. Il faut le dire, pour certains pays dans lesquels la législation sur les transactions et les services rendus est imprécise, cela constitue un progrès. Pour d'autres, comme la France et l'Allemagne, qui ont un niveau élevé de protection, ce serait plutôt une régression. Nous avons fait des auditions hier sur les nouveaux services de médias audiovisuels, sur l'adaptation de la directive Télévision sans frontières. Dans de nombreux domaines, comme la protection du droit d'auteur, nous risquons de devoir abaisser notre niveau d'exigence. Mme Mélot et moi-même prêtons la plus grande attention à ces sujets, mais notre commission dans son ensemble doit être également vigilante. Il faut préserver certains acquis, sans que cela affecte l'idée qu'il puisse y avoir des politiques européennes communes.
Mme Colette Mélot, secrétaire. - Je vous propose, mon cher collègue, de passer à votre communication sur la portabilité des contenus numériques.
M. André Gattolin. - Toujours dans le cadre de la stratégie numérique, je veux vous présenter nos conclusions sur la proposition de règlement visant à assurer la portabilité transfrontière des services de contenus en ligne.
Quel est l'objet de ce texte ? Il s'agit de permettre à un consommateur européen abonné à un service de contenus en ligne dans l'État membre où il a sa résidence habituelle de continuer à accéder à ce service lorsqu'il se rend temporairement dans un autre État membre. Or, comme vous le savez, les licences sont attribuées au niveau national. Il s'agit donc d'un assouplissement apporté au principe de territorialité du droit d'auteur, un assouplissement acceptable s'il ne remet pas en cause le principe.
Au Parlement européen, c'est notre compatriote Jean-Marie Cavada qui a été nommé rapporteur. Avec Colette Mélot, nous avons pu le rencontrer le 20 juillet dernier pour recueillir son avis. Nous sommes en complète synergie avec lui.
Trois questions clés se posent.
Qu'est-ce qu'un service de contenus en ligne ? Il faut le définir juridiquement. On voit bien que l'Union européenne avance dans l'encadrement normatif du numérique et ce sera un apport important - si ce n'est le seul véritable - de ce projet de règlement.
Comment déterminer l'État de résidence habituelle et qui doit le faire ?
Qu'est-ce qu'un séjour temporaire ? Faut-il l'encadrer dans le temps, le limiter à un nombre de jours ?
Jean-Marie Cavada propose d'instaurer un principe simple : un seul État de résidence habituelle pour un abonné. C'est le fournisseur de services qui sera tenu de vérifier cette information sur la base de critères sérieux que le règlement fixera. Concernant la durée temporaire, notre collègue est plutôt favorable à ne pas donner une définition trop précise afin de prendre en compte le maximum de situations.
Soyons concrets : un étudiant qui bénéficie du programme Erasmus et qui va suivre un semestre ou une année d'étude dans un autre pays européen que le sien ne pourra pas prétendre à la portabilité. Il devra prendre un abonnement dans son pays d'accueil. Le salarié qui effectue une mission d'une semaine pourra, en revanche, demander la portabilité à son fournisseur.
Parallèlement, le Gouvernement est favorable à un renforcement de l'obligation de vérification et à un encadrement plus précis de la présence temporaire pour renforcer le droit effectif à la portabilité. Il y aura une négociation et nous aboutirons certainement à une solution.
Mon sentiment est que ce texte de la Commission va concerner un nombre très restreint de personnes et qu'il ne constitue pas un enjeu très important. D'après une étude d'Eurobaromètre, 29 millions d'Européens seulement sur 510 millions sont susceptibles de profiter de ce système. Sachant que les études d'Eurobaromètre donnent toujours des évaluations bien supérieures à la réalité, le nombre de personnes concernées doit plutôt avoisiner les 19 ou 20 millions.
Comme nous le rappelait Jean-Marie Cavada, l'enjeu, c'est la réforme du droit d'auteur. Celle-ci a été annoncée par la Commission il y a quelques semaines, mais la proposition formelle ne nous a pas encore été transmise. Quand ce sera fait, il faudra que notre commission et le Sénat se mobilisent.
M. Richard Yung. - La France est très sensible à cette question. Nous sommes l'État le plus actif, et parfois le plus hostile, à toute réforme du droit d'auteur par Bruxelles. Nous avons une bonne raison : notre pays a les industries culturelles et de création les plus importantes. Nous attendons la proposition de la Commission, qui aurait déjà dû la publier, mais qui en a retardé la sortie, certainement parce que les négociations sont difficiles.
M. André Gattolin. - Je précise que le texte a été transmis hier au titre du contrôle de la subsidiarité ! Nous pourrons donc l'examiner prochainement.
Mme Colette Mélot, secrétaire. - Nous allons maintenant examiner la communication de M. Gattolin sur la bande 700 Mégahertz (MHz).
M. André Gattolin. - Mes chers collègues, j'évoquerai maintenant la question de l'attribution de la bande de fréquences entre 470 et 790 MHz. Une proposition de décision nous a été transmise par le président Bizet dans le cadre de la procédure écrite.
Cette proposition vise à harmoniser les attributions de fréquences entre les États membres avec l'objectif d'un haut niveau de couverture. Cela concerne notamment la bande des 700 MHz, qui devrait être libérée pour les services de communications à haut débit sans fil. Concrètement, il s'agit de préparer partout dans l'Union une même bande de fréquences pour la 5G, la prochaine génération de téléphonie et d'internet mobiles de très haut débit. La Commission européenne estime que celle-ci est essentielle pour la compétitivité de l'Union dans les années à venir, ce qui est vrai. Il s'agit, par ailleurs, de maintenir la bande de fréquences entre 470 et 694 MHz - je ne sais pas ce qu'il se passe entre 695 MHz et 699 MHz -...
M. Daniel Raoul. - Ce sont des fréquences affectées pour des raisons de sécurité !
M. André Gattolin. - ... à la disposition des opérateurs de télévision numérique terrestre, dont nous bénéficions tous des services chaque jour.
Cette répartition des fréquences est issue des orientations arrêtées lors de la conférence mondiale des radiocommunications de novembre 2015. Elle reprend aussi les préconisations d'un rapport préparé par Pascal Lamy pour la Commission européenne.
En dépit de l`enjeu pour l'Union européenne, la difficulté réside dans le fait que l'attribution du spectre est une compétence nationale. La proposition de la Commission se borne donc à fixer un calendrier avec un cadre d'action commun pour une meilleure cohérence. La Commission effectue bien ici un travail d'optimisation qui ne déborde pas sur les prérogatives nationales.
Cependant, il ne faut pas négliger l'importance d'un calendrier pour des investissements lourds. Il faut soutenir l'approche volontariste de la Commission concernant l'attribution des fréquences à la téléphonie mobile avant le 30 juin 2020. Ce n'est pas une difficulté pour la France et l'Allemagne, qui ont déjà procédé au transfert. En revanche, cela en sera une pour l'Italie, qui est très en retard sur ces questions.
Pour ce qui est du reste de la bande des fréquences, le rapport Lamy prônait une stabilité réglementaire jusqu'en 2030, dans le but de sécuriser les investissements dans les infrastructures de radiodiffusion. Dans sa proposition initiale, la Commission envisageait plutôt un horizon 2025, rompant ainsi l'équilibre trouvé entre les différents acteurs.
Nous avons été alertés sur ce sujet par le secrétaire général de Télédiffusion de France, Arnaud Lucaussy, que nous avons rencontré en juillet dernier.
Des informations que nous avons, au Conseil, il semble y avoir un consensus pour revenir à la date de 2030, position fortement soutenue par notre gouvernement, et que nous appuyons également. De même, au Parlement européen, le projet de rapport de l'italienne Patrizia Toia, qui devrait être présenté en commission le mois prochain, retient la date de 2030, avec une évaluation à partir de 2025.
Il me semble donc qu'il n'est pas nécessaire d'interpeller le Gouvernement ou la Commission sur ce sujet, même si Colette Mélot et moi-même resterons vigilants quant à l'évolution de ce dossier.
Pour conclure, je vous signale simplement que la Commission européenne a annoncé la réforme du cadre européen des télécommunications, point extrêmement important pour notre continent et nos collectivités locales. Nous devrons être prêts à prendre position sur ce dossier quand il nous sera soumis.
M. Daniel Raoul. - Sur ce sujet, dans son discours sur l'état de l'Union, M. Juncker a souhaité que la technique 5G soit déployée et que des moyens financiers y soient consacrés, notamment pour les zones blanches. Je ne parviens pas à gagner le match contre Bercy et les opérateurs : pour résoudre le problème des zones blanches ou grises, on continue d'installer de la 2G ou de la 3G, alors que la 4G nous permettrait d'avoir, à la fois, du haut débit et la couverture de ces territoires. Il suffirait d'utiliser la bande des 700 MHZ, qui a une couverture bien plus large géographiquement parlant que la gamme actuelle. La France devrait avancer plus vite sur la question du haut débit, en particulier dans les zones blanches et grises. La technique est là !
M. Michel Raison. - Nous avons reçu un courrier de Bouygues, qui se félicitait d'avoir installé la 2G !
Mme Colette Mélot, secrétaire. - Monsieur Raoul, votre proposition est pertinente. Il faut faire passer ce message.
M. Daniel Raoul. - Cela fait deux ans que j'essaye ! Je sais bien que des intérêts financiers sont en jeu, notamment avec la vente des licences par Bercy. Il faudrait renégocier ces contrats.
M. André Gattolin. - La vente des licences 3G et 4G a nécessité des investissements très lourds de la part des opérateurs. Le passage à la 5G constitue une étape supplémentaire. On peut critiquer la Commission, mais le travail qu'elle a réalisé sur les précédents paquets télécoms est très positif, puisqu'il a conduit à une réduction du coût des communications en Europe. Il suffit de les comparer avec ceux qui sont appliqués aux États-Unis ou au Canada. C'est donc un avantage tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Les États font payer très cher le passage de la 3G à la 4G ou de la 4G à la 5G, ce qui place parfois les opérateurs dans des situations délicates. D'autant qu'en France nous avons quatre opérateurs, alors que la taille du marché en nécessiterait peut-être moins.
Mme Colette Mélot, secrétaire. - Les collectivités qui sont en zone blanche ou grise ont le souci de faire avancer les choses. Nombre d'entre elles se plaignent de ne rien voir venir.
Nous avons examiné aujourd'hui des sujets qui
peuvent paraître ardus
- biotechnologies et
numérique -, mais qui sont importants tant pour notre avenir que
pour notre quotidien.