ARTICLE 3
BIS (DEVENU ARTICLE 5 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
AMÉNAGEMENTS DE LA RÉFORME DE LA TAXATION DES PLUS-VALUES
IMMOBILIÈRES
I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE PREMIÈRE LECTURE (PREMIÈRE SÉANCE DU JEUDI 20 OCTOBRE 2011)
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120020.asp#P77_5015
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 46 rectifié présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances, M. Michel Bouvard et M. Jean-François Lamour
APRÈS L'ARTICLE 3, insérer l'article suivant :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 150 U est complété par un V ainsi rédigé :
« V. - Les dispositions du I ne sont pas applicables pour la première cession d'un logement autre que la résidence principale lorsque le cédant n'est pas propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, et que la cession est réalisée au moins cinq ans après l'acquisition du logement.
« Toutefois, cette exonération n'est pas applicable lorsque la cession intervient dans les deux ans de celle de la résidence principale.
« Les délais de cinq ans et deux ans ne sont pas exigés lorsque la cession est motivée par l'un des évènements dont la liste est fixée par un décret en Conseil d'État et concernant la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable. » ;
2° Après le premier alinéa du II de l'article 726, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S'agissant des titres visés au 2° du I, l'assiette du droit d'enregistrement comprend, à concurrence de la fraction des titres cédés, la valeur réelle des biens et droits immobiliers, détenus directement ou indirectement au travers d'autres personnes morales à prépondérance immobilière, après déduction du seul passif afférent à l'acquisition desdits biens et droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d'actifs bruts. »
II. - Les dispositions du 1° du I s'appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1 er février 2012.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il s'agit, à travers cet amendement, de rétablir une disposition concernant les exonérations de plus-values immobilières qui a été en vigueur entre 1979 et 2004.
Il s'agissait de créer une égalité entre ceux qui étaient propriétaires de leur résidence principale et bénéficiaient, lorsqu'ils la vendaient, d'une exonération de plus-value, et ceux qui vendaient un bien immobilier tout en n'étant pas propriétaires de leur résidence principale.
Cela recouvre deux types de situations. Il y a, d'une part, les jeunes ménages qui habitent dans des zones très tendues. Au début de leur parcours résidentiel, ils n'ont pas la possibilité d'acquérir leur logement parce que c'est beaucoup trop coûteux, comme ici, en région parisienne. Dans le cadre de leur parcours résidentiel, souhaitant un jour pouvoir devenir propriétaires de leur résidence principale, ils mettent de côté une partie de leur épargne sous forme immobilière à travers un bien qui sera soit une résidence secondaire, soit un investissement locatif. Le moment venu, quand ils ont suffisamment d'apport personnel pour acheter leur résidence principale, ils vendent ce bien. Ce cas est très fréquent et, malheureusement, du fait du renchérissement très rapide de l'immobilier ces dernières années, il est appelé à le devenir plus encore.
D'autre part, un autre cas de figure expliquait ce dispositif quand il avait été créé en 1979 : celui de la mobilité professionnelle.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Par exemple, vous êtes propriétaire de votre résidence principale à Nantes, où vous travaillez. Après avoir été muté en région parisienne, vous louez votre ancienne résidence principale de Nantes. Au bout de quelques années, vous voyez que vous resterez probablement en région parisienne et vous décidez, alors que vous y étiez locataire, d'acheter définitivement. Il faut alors que vous vendiez votre bien situé à Nantes. Dans ce cas, comme vous n'étiez pas propriétaire de votre résidence principale, vous bénéficiez d'une exonération.
Si j'expose en détail le dispositif, c'est parce qu'en 2004 on a diminué la durée permettant de bénéficier pleinement de l'exonération. Alors qu'elle avait varié entre vingt-deux et trente-deux ans - la durée avait bougé entre 1979 et 2004, mais cela restait très long -, on l'avait limitée à quinze ans.
Dès lors, le problème ne se posait plus du tout dans les mêmes termes. Or au mois de septembre, dans le cadre du collectif et de la réforme de la plus-value immobilière, qui en était d'ailleurs l'élément principal, nous avons repoussé les délais, revenant ainsi, en quelque sorte, à ce qui existait avant 2004, avec un délai d'exonération de trente ans.
Le problème que j'exposais se pose donc à nouveau. Il s'agit par cet amendement de faire en sorte que, dès lors que l'on n'a pas été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre dernières années - cette condition vise à éviter des manipulations - et que l'on vend un bien pour acquérir une résidence principale, on bénéficie de l'exonération au titre du bien que l'on a vendu. Pour la vente de ce bien, nous proposons un délai de deux ans. En effet, il peut arriver que l'on achète un bien en état futur d'achèvement, ce qui prend du temps. On peut aussi vouloir acheter sa résidence principale mais ne pas réussir finalement à avoir le prêt. Tout cela est assez long, ce qui explique le délai de deux ans.
Cette exonération fonctionne de façon très simple : elle se fait au prorata du bien qui est vendu. Je m'explique. Si, par exemple, vous avez un bien qui vaut cent et que vous achetez une résidence principale qui ne vaut que quatre-vingt - cela peut arriver -, vous bénéficierez évidemment de l'exonération à hauteur de quatre-vingt.
M. Michel Bouvard. Logique !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Mais un autre cas doit être envisagé : si un divorce intervient, il faut aussi prévoir un prorata. D'où cette idée, dans l'amendement, d'un prorata en fonction de la part de détention effective que l'on a dans le bien vendu pour acheter une résidence principale.
Je crois que nous avons là, madame la ministre, un système bien calibré. Nous y avons d'ailleurs beaucoup travaillé. Je reconnais qu'il est un peu coûteux, puisque l'on évalue son montant à environ 150 millions. Mais nous avons tenu à le gager, voire à dépasser ce gage. En effet, en contrepartie, nous traitons un problème qui relevait purement et simplement de l'optimisation fiscale. Je veux parler des biens en société civile immobilière, dans lesquels, comme vous le savez, il existe des parts. Beaucoup d'initiés ont utilisé la pratique consistant, au moment où ils s'apprêtent à vendre le bien immobilier sous forme de SCI, à augmenter leur apport personnel en compte courant de la société, de façon à majorer le passif. Par exemple, si le bien détenu par la SCI vaut cent et qu'ils apportent soixante en compte courant, le bien n'est plus évalué qu'à quarante pour le calcul des droits d'enregistrement. C'est tout à fait anormal. Nous corrigeons cette anomalie, ce qui devrait rapporter - je le dis pour vous rassurer, madame la ministre - largement plus que les 150 millions découlant du premier paragraphe de l'amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 46 rectifié et présenter le sous-amendement n° 418, deuxième rectification.
SOUS-AMENDEMENT N° I - 418 (3ème rect.)
présenté par
le Gouvernement
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à l'amendement n° 46 (rect.) de la commission des finances
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APRÈS L'ARTICLE 3
Substituer aux alinéas 2 à 5 les quatre alinéas suivants :
« 1° Après le 1° du II de l'article 150 U, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Au titre de la première cession d'un logement, y compris ses dépendances immédiates et nécessaires au sens du 3° si leur cession est simultanée à celle dudit logement, autre que la résidence principale, lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession.
« L'exonération est applicable à la fraction du prix de cession défini à l'article 150 VA que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de manquement à l'une de ces conditions, l'exonération est remise en cause au titre de l'année du manquement. ».
« 1° bis Au dernier alinéa du 1 de l'article 170, après la référence : « 163 quinquies C bis » sont insérés les mots : « , le montant des plus-values exonérées en application du 1° bis du II de l'article 150 U ».
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis très favorable à cet amendement,...
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ...très emblématique de la qualité de la collaboration du Gouvernement avec les parlementaires. Nous travaillons dans un esprit de coresponsabilité : à chaque fois que le rapporteur général et la commission des finances nous proposent un amendement qui conduit à une minoration de recettes,...
M. François de Rugy. Quel aveu !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ...ils proposent également un gage pertinent, qui relève du même champ que l'amendement, de sorte que l'objectif de réduction des déficits, qui est notre grande cause,...
M. François de Rugy. La preuve que non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ...est respecté.
Par ailleurs, l'amélioration du régime de fiscalisation des plus-values immobilières liées à la vente d'une résidence secondaire proposée par le rapporteur général et la commission des finances est également extrêmement pertinente. En effet, dans notre pays, beaucoup de ménages ou de particuliers sont propriétaires de leur résidence secondaire ou d'un bien immobilier mais locataires de leur résidence principale. Nous connaissons bien cette situation, nous, élus de l'Île-de-France, où les prix de l'immobilier ont explosé et ne permettent pas à tous les Franciliens de devenir propriétaires. Dès lors, la fiscalisation des plus-values immobilières sur les résidences secondaires était injuste pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale, qu'il s'agisse d'habitants de zones en tension ou de particuliers qui, pour des raisons de mobilité professionnelle, doivent quitter leur résidence principale, qu'ils souhaitent ensuite vendre. Je ne pas citerai l'ensemble des cas de figure, mais sachez que cet amendement est tout à fait conforme à l'esprit d'équité qui nous anime.
Néanmoins, le Gouvernement vous propose un sous-amendement afin de lutter contre les effets d'aubaine que pourrait susciter cette mesure. Il s'agit en effet d'éviter qu'une personne propriétaire de sa résidence principale vende celle-ci la même année que sa résidence secondaire et bénéficie ainsi de deux défiscalisations. À cette fin, nous proposons, premièrement, que la défiscalisation ne puisse s'appliquer à la résidence secondaire ou au bien immobilier que si la résidence principale a été vendue au moins quatre ans auparavant et, deuxièmement, que le produit de la vente de la résidence secondaire soit affecté, en tout ou partie, à l'achat d'une résidence principale. Il s'agit de couvrir le cas du couple divorcé qui se partagerait une résidence secondaire, chacun rachetant une résidence principale ; celui d'une personne qui, devant déménager pour des raisons professionnelles, revend son ancienne résidence ou sa résidence secondaire pour s'acheter une résidence principale ; ou encore celui d'un jeune retraité qui vendrait sa résidence secondaire pour acheter l'appartement dans lequel il va prendre sa retraite.
Cette mesure pertinente permet d'éviter les effets d'aubaine et de limiter strictement le coût de la disposition au gage proposé par la commission des finances. Il s'agit, là aussi, d'un très bon gage, car les sociétés civiles immobilières, lorsqu'on minorait leur résultat pour limiter l'imposition sur les plus-values, facilitaient l'évasion fiscale. Or il n'est évidemment pas possible que des contribuables puissent, par ce biais, échapper à la taxation sur les plus-values immobilières alors que les particuliers y sont soumis.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 418, deuxième rectification ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis favorable. Néanmoins, je propose, afin de simplifier la rédaction, de supprimer, dans la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « hauteur de ».
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis tout à fait favorable à cette rectification, qui démontre, une fois de plus, la qualité de la collaboration entre la commission et le Gouvernement. Nous améliorons sans cesse le dispositif. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. François de Rugy. Quel symbole !
Mme la présidente. Il s'agit donc du sous-amendement n° 418 3 e rectification.
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. J'interviens contre l'amendement. Depuis le début de la discussion budgétaire, on nous explique, sans convaincre, que la politique du Gouvernement, sa stratégie, consiste à trouver de nouvelles recettes et à réduire les dépenses. Or, on nous propose, ici, d'amoindrir les recettes et de créer une nouvelle dépense, que M. Carrez, qui a attendu la fin de son intervention pour nous l'annoncer, a évalué à 150 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
M. Michel Bouvard. Elle est entièrement compensée !
M. François de Rugy. Hier, vous nous avez indiqué que vous alliez prélever sur les hauts revenus entre 300 et 400 millions : la moitié est déjà mangée par ce nouvel avantage fiscal.
M. Michel Vergnier. Eh oui !
M. François de Rugy. En outre, sur le fond, il s'agit d'un détournement du statut de résidence principale. Monsieur le rapporteur général, croyez-vous vraiment que la personne locataire puisse se payer une résidence secondaire ? Il faut tout de même avoir les moyens !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cela existe !
M. François de Rugy. De surcroît, cette résidence secondaire produit, lors de sa revente, une plus-value. On ne parle donc pas d'une fermette dans la Creuse ou d'une masure en montagne ; il s'agit plutôt d'un appartement ou d'une villa sur la Côte d'Azur ou à La Baule. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dit, madame la ministre, que cela représentait un coût pour ces personnes. Non ! Ils font une plus-value : c'est une recette. Il est normal que celle-ci soit taxée.
Enfin, vous l'avez dit vous-même, cette mesure est emblématique de votre politique : votre priorité est de satisfaire une toute petite clientèle électorale. Monsieur Carrez, pouvez-vous nous indiquer combien de personnes sont concernées et quelle est leur situation financière globale ? Il serait intéressant que nous le sachions.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Je souhaiterais tout d'abord remercier le Gouvernement d'avoir pris en compte cette question, que nous avions soulevée lors de la discussion d'un collectif budgétaire, il y a quelques mois. Plusieurs d'entre nous, notamment Louis Giscard d'Estaing, avaient alors déposé des amendements afin de traiter ce qui, contrairement à ce qu'affirme M. de Rugy, est un véritable problème, pour deux raisons.
Premièrement, la mobilité professionnelle empêche parfois d'investir à chaque déménagement dans l'acquisition d'une propriété.
M. François de Rugy. Il y a le dispositif Scellier, pour cela !
M. Michel Bouvard. Sont concernées, non pas quelques richissimes propriétaires de villas sur la Côte d'Azur ou de chalets dans les stations alpines - ceux-là sont également propriétaires de leur résidence principale -, mais les classes moyennes,...
M. François de Rugy. Non !
M. Michel Bouvard. ...confrontées aux mobilités professionnelles, les fonctionnaires,...
M. Michel Vergnier. Les préfets, les inspecteurs d'académie !
M. Michel Bouvard. ...ou les cadres d'entreprise. Ceux-là doivent en effet prendre en compte un fait nouveau depuis quelques années : l'orientation divergente du coût de l'habitat dans les zones sous tension et les zones hors tension.
M. François de Rugy. Ce problème relève de la politique du logement !
M. Michel Bouvard. Autrefois, le prix de l'habitat évoluait de manière à peu près uniforme sur l'ensemble du territoire. Actuellement, dans certains endroits, les prix ont plus que doublé en dix ans, alors que, dans d'autres, ils ont stagné. Dès lors, si l'on veut acquérir une résidence principale, il faut pouvoir réaliser un bien afin de réinvestir sans être taxé.
Notre collègue de Rugy devrait regarder ce qui se passe en Loire-Atlantique.
M. François de Rugy. Les personnes qui viennent me voir à ma permanence ne me parlent pas de ce problème !
M. Michel Bouvard. Il s'apercevrait que beaucoup de nos concitoyens qui appartiennent à la classe moyenne sont confrontés à ce problème.
M. François de Rugy. L'accès au logement est un problème, oui !
M. Michel Bouvard. C'est une grave erreur de le nier. Il en va de l'équité.
M. François de Rugy. Non !
M. Michel Bouvard. Il n'y a aucune raison que celui qui vend sa résidence principale en région parisienne pour prendre sa retraite dans une région où l'immobilier est moins cher ne soit pas taxé, alors que celui qui vend sa résidence secondaire pour s'installer en région parisienne ou dans une zone sous tension le soit. Encore une fois, il s'agit d'équité.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Nous avons eu ce débat lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative il y a quelques mois. Nos collègues étaient d'accord pour trouver une solution. Ce n'était pas simple, mais nous y sommes parvenus.
M. François de Rugy. 150 millions !
M. Charles de Courson. Monsieur de Rugy, la mesure est équilibrée, puisque, pour la financer, nous mettons fin à une rupture d'égalité entre ceux qui mettaient leur bien en SCI et ceux qui l'avaient en propriété directe. C'est tout à fait raisonnable.
M. Michel Bouvard. Cela rapporte plus que cela ne coûte !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.
M. Jean-François Lamour. En tant que cosignataire de cet amendement, je tiens à dire à M. de Rugy que, dans son acharnement contre ceux qu'il appelle les riches, il oublie la réalité des zones urbaines denses.
M. François de Rugy. Je suis l'élu d'une de ces zones !
M. Jean-François Lamour. Eh bien, il semble que vous ayez du mal à sortir de chez vous et à regarder la réalité.
Actuellement, il n'est plus possible d'être primo-accédant à Paris et en région parisienne, car les prix sont trop élevés. Par exemple, dans un quartier banal du 15 e arrondissement, le prix d'un logement neuf est de l'ordre de 15 000 euros le mètre carré. Que font les Franciliens ? Ils n'ont d'autre choix que de louer leur appartement et acquittent pour cela des loyers qui dépassent 21 ou 22 euros le mètre carré.
On peut comprendre qu'ils cherchent à préserver leur mobilité au cas où ils devront changer de région pour des raisons professionnelles et à se constituer un patrimoine en s'achetant une résidence secondaire afin, éventuellement, de la revendre ensuite pour accéder à la propriété là où ils souhaitent exercer leur activité. Le dispositif que nous proposons, encadré par le sous-amendement du Gouvernement - dont je reconnais qu'il relève du bon sens et qu'il est de nature à éviter les abus - me paraît convenir parfaitement à cette catégorie de la population qui, je le répète, n'a plus accès à la propriété dans les zones urbaines denses.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Nous avons eu un long débat...
M. Michel Vergnier. Surréaliste !
M. Pierre-Alain Muet. ...sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, il y a quelques mois.
Avant la réforme de 2004 que mentionnait le rapporteur général, les plus-values immobilières étaient soumises au barème de l'impôt sur le revenu. Ce dispositif était juste, puisqu'il s'agit d'un revenu. Il était également intelligent, puisque l'imposition était étalée dans le temps, afin d'éviter que la taxation ne soit trop brutale. En 2004, vous avez substitué à ce dispositif un prélèvement forfaitaire, qui a introduit une formidable injustice puisque ce prélèvement était identique, que l'ont ait de gros ou de petits revenus.
La justice exigerait donc que les plus-values, en tant que revenu, soient soumises au barème de l'impôt sur le revenu. Ainsi la question dont nous débattons ne se poserait pas. Au reste, ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, la première version du texte du Gouvernement, qui supprimait toute exonération des plus-values, était juste et simple. Pour qu'il soit également cohérent, il aurait suffi de revenir sur la mesure que vous avez prise en 2004. Dès lors que l'on s'écarte de cette règle simple, on va au-devant de grandes complications, comme nous le voyons aujourd'hui.
De plus, à la différence des intérêts et dividendes, l'argument du risque de fuite vers d'autres pays ne tient absolument pas dans le cas des plus-values sur les biens immobiliers. Nous pourrions donc vraiment introduire de la justice fiscale dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. J'ai écouté M. Lamour avec intérêt. Si je suis, bien sûr, pour l'équité, si je souhaite que chacun puisse accéder au logement, je suis surprise que l'on se soucie beaucoup plus de l'équité pour les accédants à la propriété que pour les locataires. Si un réel problème se pose pour ceux qui sont soumis à la mobilité professionnelle, il s'en pose également un pour ceux qui ont besoin de se loger sans vouloir être propriétaires. Or je n'ai pas entendu beaucoup de propositions les concernant.
Nous sommes tout à fait d'accord avec ce que propose le rapporteur général dans la seconde partie, concernant la compensation. Il parle d'un surplus de recettes fiscales d'au moins 150 millions. Toutefois, j'ai cru comprendre que nous avions quelques difficultés à trouver des recettes dans le budget 2012 et que, en raison de la crise, nous en aurons peut-être d'avantage encore dans les mois à venir. Dans ces conditions, n'est-il pas surprenant de renoncer à ces 150 millions en faisant jouer, pour une toute petite catégorie de contribuables, un mécanisme qui permettra d'échapper à un impôt juste par l'utilisation de la loi sur les sociétés immobilières, et de ne pas mettre cette recette à profit pour combler tel ou tel déficit ?
Certes, il peut y avoir des cas exceptionnels, mais votre dispositif me paraît malgré tout assez peu encadré. Cela me rappelle du reste quelques souvenirs de dirigeants politiques de la droite parisienne qui étaient logés dans le locatif de la ville, alors qu'ils étaient déjà propriétaires d'un logement.
M. Michel Vergnier. De qui parlez-vous ?
Mme Martine Billard. Ces pratiques sont aujourd'hui révolues, mais... (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Lamour. C'est scandaleux. Vous allez avoir ma réponse !
Mme la présidente. Monsieur Lamour, veuillez laisser Mme Billard terminer.
Madame Billard, je vous invite à conclure.
Mme Martine Billard. J'essaie, madame la présidente.
M. Jean-François Lamour. C'est scandaleux !
M. François de Rugy. Ne vous sentez pas visé, monsieur Lamour !
Mme Martine Billard. Si M. Lamour avait écouté ma phrase jusqu'au bout, il ne se serait pas mis dans cet état !
J'ai bien dit que ça avait existé, mais que ça n'existe plus dans ce cas précis. Toutefois, on pourrait rencontrer la situation de personnes logées dans du locatif social et possédant une résidence qu'elles souhaiteraient vendre. Votre dispositif est tellement peu encadré que nous risquerions d'être confrontés à des cas imprévus.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix le sous-amendement et l'amendement.
M. Jean-François Lamour. Madame la présidente, je veux répondre à Mme Billard !
Mme la présidente. Sauf erreur de ma part, vous n'avez pas été mis en cause. De toute façon, nous en sommes déjà au vote.
(Le sous-amendement n° 418, troisième rectification, est adopté.)
(L'amendement n° 46 rectifié, sous-amendé, est adopté.)