III. COMMISSION MIXTE PARITAIRE : DÉSACCORD
IV. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 4071 (XIIIÈME LÉGISLATURE) NOUVELLE LECTURE
Adopté à l'initiative du Sénat contre l'avis du Gouvernement, le présent article vise :
- d'une part, à instaurer une contribution égale à 40 % de l'IS à la charge des entreprises de transformation de pétrole brut ou de distribution de carburants dont le bénéfice augmente de plus de 10 %,
- d'autre part, à permettre à ces entreprises de déduire de cette contribution, dans la limite de 20 % de son montant, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier, les sommes correspondantes devant être employées, dans les deux ans, à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.
Le rapporteur général propose de supprimer cet article.
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La Commission adopte l'amendement CF 66 du rapporteur général supprimant cet article.
En conséquence, l'article 5 bis A est supprimé .
V. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE DU MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2011
Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5 bis A.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq. Le présent article vise, d'une part à instaurer une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés à la charge des entreprises de transformation de pétrole brut ou de distribution de carburants dont le bénéfice augmente de plus de 10 %, d'autre part à permettre à ces entreprises de déduire de cette contribution, dans la limite de 20 % de son montant, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.
Les sommes correspondantes doivent être employées dans les deux ans à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.
La proposition formulée par le rapporteur général visant à supprimer cet article est incompréhensible. Nous savons tous, en effet, combien la flambée de l'or noir alimente les juteux bénéfices des compagnies pétrolières. La production n'a progressé que de 4 % en 2010, tandis que les bénéfices de Total bondissaient de 30 %, dotant son budget d'exploration mais nullement la recherche dans les énergies renouvelables.
Ces bénéfices ne se traduisent pas en avantages quelconques pour les consommateurs finaux, dont les compagnies pétrolières continuent de faire allégrement les poches.
La mesure proposée par le Sénat relève donc du bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. Le baril de pétrole a atteint 123 dollars en avril, 116 en juillet. À ce rythme, nous allons retrouver les tarifs les plus élevés atteints juste avant la crise en 2008, soit 133 dollars.
Mme Lagarde avait promis de réviser vos formules d'indexation, ce qui n'a pas été fait. Elles ont été gelées avant d'être dégelées. L'augmentation de ces prix entraîne l'augmentation des factures de gaz et d'électricité. Ces dernières années, le prix du gaz a flambé, si je puis dire.
Le PDG de Total, M. de Margerie, déclarait, au mois d'avril dernier, que : « Le super à 2 euros, cela ne fait aucun doute, la vraie question c'est de savoir quand ». Et le 9 juillet, il ajoutait : « Les prix vont devenir élevés, il va falloir s'y habituer. »
Parallèlement, sur les neuf premiers mois de l'année, l'entreprise a enregistré un bénéfice de 10 milliards d'euros. On s'achemine donc, encore une fois, vers un bénéfice atteignant une quinzaine de milliards sur un an, alors que tout à l'heure on s'est battu pour éviter la réduction des indemnités journalières maladies, cette mesure permettant à l'État d'économiser une centaine de millions d'euros.
Ce dispositif, comme l'a exposé notre collègue du groupe GDR, a le mérite d'être équilibré puisque, s'il prévoit pour les sociétés concernées une surtaxation, il leur permet aussi de déduire une partie de leur contribution si elles investissent dans les énergies renouvelables. Il s'agit donc d'un article de bon sens.
Vous nous rappelez régulièrement avoir adopté une mini-contribution, il y a quelques mois, destinée à financer la revalorisation des barèmes kilométriques. Mais cette mesure ne profite qu'à ceux qui paient l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire à la moitié des contribuables, les autres étant les plus fragiles.
Cet article doit donc être maintenu.
Mme la présidente. L'amendement n° 126 présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il s'agit de supprimer cette majoration d'impôt concernant les sociétés pétrolières.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. L'argumentation me paraît un peu courte, mes chers collègues. Tout le monde sait bien - et le rappeler n'est pas trahir le secret fiscal - que Total ne paie aucun impôt sur les sociétés en France - aucun -, alors qu'elle réalise 10 milliards d'euros de bénéfices !
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Justement : 40 % de zéro font zéro !
M. Christian Eckert. Monsieur le rapporteur général, il s'agira un jour peut-être de mettre les pieds dans le plat ! Comment allez-vous défendre votre position après de nos concitoyens qui prennent tous les jours leur voiture, qui paient le gaz et l'électricité indexés sur le prix du pétrole, prix fabriqué artificiellement par cette grande compagnie puisqu'elle procède à l'exploration, à l'exploitation des gisements, au transport, au raffinage, à la distribution et puisque, par conséquent, elle réalise ses bénéfices où elle veut. Maîtrisant tous les maillons de la chaîne, elle localise ses marges où elle veut.
On répondra qu'il s'agit de la plus grande entreprise française, fleuron de notre industrie etc. Je veux bien, mais, derrière, les cochons de payeurs (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) sont les plus contraints de subir cette situation monopolistique.
M. Guy Malherbe. Vous êtes ridicule !
M. Éric Raoult. Vous parlez comme un homme de droite, monsieur Eckert !
M. Michel Bouvard. Quel est le résultat que Total réalise en France ? Voilà la vraie question !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Ma première question est de savoir si cet article est bien conforme à la Constitution. De quel droit va-t-on taxer par un taux différent une entreprise - puisque, en fait, une seule est visée ; mais deux seraient concernées que cela reviendrait au même - par rapport aux autres ? Parce qu'elle réalise beaucoup de bénéfices ? Est-ce bien raisonnable ? Je ne le pense pas.
Ensuite, pourquoi réaliser une provision pour les énergies nouvelles uniquement pour les pétroliers ? Pourquoi EDF, par exemple, ne pourrait-elle constituer une telle provision ? Il s'agit d'une discrimination.
Dernier élément, le rapporteur général l'a rappelé aimablement : cet article ne sert à rien.
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Exactement !
M. Charles de Courson. La compagnie Total ne réalise pas de bénéfices en France.
M. Michel Bouvard. Et voilà !
M. Charles de Courson. La compagnie accumule même les déficits dans l'industrie du raffinage, notre collègue l'évoquait tout à l'heure, et l'on ferme peu à peu les raffineries.
M. Jean-Paul Lecoq. Ils organisent leurs déficits !
M. Charles de Courson. Il faut peut-être en rappeler les causes...
Il me semble que nous devons appuyer le rapporteur général puisque ce dispositif est anticonstitutionnel, dérogatoire et inefficace, ce qui fait beaucoup.
M. Christian Eckert. Eh bien, s'il ne sert à rien, votez-le !
(L'amendement n° 126 est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 bis A est supprimé.