Mardi 25 mars 2008
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président.Traités et conventions - Transports aériens - Examen du rapport
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 207 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis d'Amérique, d'autre part.
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a replacé l'accord de transport aérien, conclu le 30 avril 2007 entre la Communauté européenne, ses Etats membres et les Etats-Unis, dans le contexte des profondes évolutions intervenues ces dernières années sous le double effet de l'intégration européenne et de la libéralisation du marché des transports aériens. Il a rappelé qu'en novembre 2002, la Cour de justice des Communautés européennes avait remis en cause la validité d'accords bilatéraux de transport aérien conclus entre huit pays européens et les Etats-Unis. Elle avait considéré, d'une part, que certaines stipulations de ces accords bilatéraux n'étaient plus de compétence nationale mais de compétence communautaire, et d'autre part, que ces accords étaient en contradiction avec le principe d'égalité de traitement, puisqu'ils ne garantissaient les droits de trafic vers les Etats-Unis qu'aux compagnies possédant la nationalité de l'Etat signataire. C'est à la suite de ce jugement qu'a été négocié un accord de transport aérien unique entre l'Union européenne et les Etats-Unis, destiné à se substituer aux accords bilatéraux qui régissent les relations aériennes entre les Etats-Unis et 22 Etats européens.
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a précisé que l'Union européenne s'était fixé l'objectif ambitieux d'établir un espace aérien sans frontières avec les Etats-Unis, aboutissant à un marché unique des services aériens, sans aucune restriction. L'accord signé en avril 2007 constitue une première étape sur cette voie, certaines restrictions étant maintenues et devant être traitées dans le cadre d'un accord de « seconde étape », dont le calendrier de négociation et les domaines d'application sont définis dans le premier accord.
L'une des principales stipulations de l'accord du 30 avril 2007 concerne la levée des restrictions sur les liaisons internationales entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Désormais, les compagnies européennes, quelle que soit leur nationalité, pourront desservir n'importe quelle ville des Etats-Unis à partir de n'importe quelle ville d'Europe. A l'inverse, n'importe quelle compagnie aérienne américaine sera autorisée à opérer vers n'importe quelle destination européenne.
En revanche, l'accord n'ouvre pas le droit de trafic de cabotage, c'est-à-dire le droit d'exploiter des liaisons exclusivement intérieures, ce point étant renvoyé à l'accord de seconde étape. Les compagnies européennes ne sont donc pas pour l'instant autorisées à enchaîner une liaison intérieure américaine à la suite d'un vol transatlantique. Les compagnies américaines peuvent, quant à elles, desservir une seconde destination européenne après un vol transatlantique, à condition qu'elle ne se situe pas dans le même pays que celui de la première destination.
Par ailleurs, si l'accord du 30 avril 2007 élargit les possibilités d'ouverture du capital des compagnies américaines, il ne remet pas en cause le principe selon lequel leur contrôle effectif doit continuer à relever d'une entité américaine. Par parallélisme, l'accord prévoit une restriction analogue, jusqu'à présent inexistante, pour les investissements américains en Europe.
Enfin, l'accord comporte plusieurs stipulations relatives à la coopération, dans le cadre d'un comité mixte, entre l'Union européenne et les Etats-Unis en matière de sécurité, de sûreté aérienne, de protection de l'environnement et de protection du consommateur.
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a précisé que l'accord entrerait en vigueur, à titre provisoire, le 30 mars 2008 et aurait rapidement des incidences concrètes. Ce sera particulièrement le cas pour l'aéroport de Londres-Heathrow qui concentre à lui seul près de 40 % du trafic transatlantique, mais dont la desserte est jusqu'à présent réservée à deux compagnies britanniques (British Airways ; Virgin Atlantic) et deux compagnies américaines (American Airlines ; United Airlines), en application d'un accord américano-britannique de 1977. A compter du mois prochain, Heathrow sera ouvert à toutes les compagnies américaines et à toutes les compagnies européennes, ce qui permettra par exemple à Air France de mettre en service un vol quotidien Londres - Los Angeles. Sur l'ensemble de l'Union européenne, les possibilités de dessertes, depuis ou vers les Etats-Unis, seront élargies. Les principales compagnies européennes se sont préparées à tirer profit de ce nouveau contexte, comme en témoigne la création entre Air France et Delta Airlines d'une joint venture destinée à renforcer leur présence sur le marché transatlantique.
Le rapporteur a indiqué qu'en vertu de l'article 21 de l'accord, de nouvelles négociations devaient s'engager avant le 30 mai prochain. Elles concerneront notamment la poursuite de la libéralisation des droits de trafic, y compris le cabotage, et l'élargissement des possibilités d'investissements étrangers. A défaut de conclusion positive avant la fin 2010, chaque partie pourra faire jouer une clause de suspension, qui aboutirait à revenir sur les droits obtenus dans le cadre du premier accord.
Estimant que l'accord offrait de nouvelles opportunités pour les transporteurs aériens européens, notamment les transporteurs français, M. Philippe Nogrix, rapporteur, a proposé à la commission d'adopter le projet de loi.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Rouvière a regretté que l'accord n'ait pu, dès la première étape, ouvrir le trafic de cabotage aux compagnies aériennes européennes, et qu'il maintienne de ce fait un déséquilibre au profit des compagnies américaines. Il s'est demandé si les perspectives d'augmentation du trafic ouvertes par la libéralisation règlementaire ne se heurteraient pas aux limites physiques liées à l'encombrement de certains aéroports.
M. Robert Bret a estimé que l'accord euro-américain renforcerait inévitablement la concentration dans le secteur du transport aérien, ce qui influera négativement sur les tarifs et pourrait, à terme, menacer l'activité et l'emploi en Europe dans ce secteur. Il a jugé cet accord trop déséquilibré, du fait des restrictions maintenues à l'encontre des compagnies européennes en matière de cabotage et d'investissement aux Etats-Unis.
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a indiqué que sur un plan global, les perspectives d'accroissement du trafic transatlantique ne semblaient pas devoir être contrariées par l'état actuel des capacités aéroportuaires, la question pouvant toutefois se poser à terme sur certaines destinations. Il a rappelé que la question du cabotage devait être traitée dans le cadre de négociations qui, en application de l'accord, seront ouvertes à la fin du mois de mai et devront aboutir d'ici à la fin de l'année 2010. Il a estimé qu'en dépit de cette restriction, l'accord ouvrait aux compagnies européennes d'importantes potentialités de développement sur le marché transatlantique. Il a également rappelé que par réciprocité, l'accord imposait aux compagnies américaines les mêmes restrictions en matière d'investissement en Europe que celles imposées aux compagnies européennes aux Etats-Unis.
M. Josselin de Rohan, président, a souligné l'évolution considérable dont témoignait cet accord euro-américain, dans un secteur du transport aérien très longtemps régi par des accords bilatéraux extrêmement protectionnistes.
La commission a ensuite adopté le projet de loi.
Nomination de rapporteurs
La commission a nommé rapporteurs :
- Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 220 (2007-2008) autorisant l'approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants ;
- M. André Trillard sur le projet loi n° 227 (2007-2008) autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.
Gendarmerie - Audition de M Hervé Morin, ministre de la défense
Puis la commission a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la gendarmerie.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la gendarmerie faisait actuellement l'objet de plusieurs réformes, avec, en particulier, l'annonce par le Président de la République du prochain rattachement plein et entier de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, l'élaboration d'un projet de loi relatif à la gendarmerie, mais aussi les travaux préparatoires au nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la préparation de la future loi d'orientation et de programme pour la performance de la sécurité intérieure, ainsi que la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Il a rappelé que la commission des affaires étrangères et de la défense avait constitué, en novembre dernier, un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, présidé par M. Jean Faure, qui devrait remettre prochainement ses conclusions sous la forme d'un rapport d'information.
M. Josselin de Rohan, président, a souhaité savoir quelles seront les incidences du rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur sur les attributions du ministre de la défense et sur le statut militaire de la gendarmerie, ses effets sur les missions militaires de la gendarmerie, notamment en matière d'opérations extérieures et ses conséquences éventuelles sur les personnels de la gendarmerie et des armées.
M. Josselin de Rohan, président, a également interrogé M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur les effectifs supplémentaires de l'armée française qui devraient être envoyés en renfort en Afghanistan et sur le coût prévisionnel de cette opération pour le budget des opérations extérieures, qui atteint déjà près d'1 milliard d'euros.
M. Hervé Morin, ministre de la défense, a rappelé que le Président de la République avait annoncé, le 29 novembre 2007, le transfert de l'autorité organique et budgétaire de la gendarmerie du ministre de la défense au ministre de l'intérieur, à compter du 1er janvier 2009, ce rattachement ne remettant pas en cause le statut militaire, auquel le Président de la République avait rappelé son attachement.
La coexistence de deux forces de sécurité intérieure, l'une à statut civil, la police nationale, l'autre à statut militaire, la gendarmerie nationale, n'est donc pas remise en cause, a précisé M. Hervé Morin. L'existence d'une force de sécurité à statut militaire contribue, en effet, à garantir la continuité de l'Etat, en tout temps, en toutes circonstances, en métropole, en outre-mer et à l'étranger sur les théâtres d'opérations extérieures.
Afin de définir les modalités concrètes de ce rattachement, plusieurs groupes de travail réunissant les services du ministère de la défense, de la direction générale de la gendarmerie nationale, de l'état-major des armées, en collaboration étroite avec le ministère de l'intérieur, ont été mis en place. Les conclusions de ces groupes de travail, qui devront faire l'objet d'un accord entre les deux ministères, seront soumises à l'approbation du Président de la République avant la fin du premier semestre 2008.
Dans le cadre de cette réforme, le socle culturel et opérationnel militaire des gendarmes sera préservé, la gendarmerie continuant à faire partie de la communauté militaire, a indiqué M. Hervé Morin.
En ce qui concerne les attributions du ministre de la défense, certaines d'entre elles seront transférées au ministre de l'intérieur, d'autres seront partagées, d'autres enfin demeureront de son ressort exclusif.
Parmi les compétences qui devraient être transférées au ministère de l'intérieur figurent certaines attributions en matière de personnels, comme les décisions relatives au recrutement et au déroulement de carrière des militaires d'active, la notation de tous les militaires et le déroulement de carrière des militaires sous contrat.
Les compétences conjointes devraient porter sur le processus d'avancement de grade, l'attribution des congés de reconversion et les décisions en matière de gestion des réserves.
Enfin, devraient rester du ressort exclusif du ministre de la défense, l'exercice du pouvoir disciplinaire, qui s'exercera toutefois sur proposition du ministre de l'intérieur, et surtout l'emploi des gendarmes pour l'exécution des missions militaires, notamment pour l'envoi en opérations extérieures.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur soulève aussi la question de la préservation du lien avec les autres armées et les services du ministère de la défense, a indiqué M. Hervé Morin, ministre de la défense.
Celle-ci sera assurée par la poursuite d'une formation militaire des personnels de la gendarmerie et le maintien du recrutement d'officiers à la sortie des grandes écoles des trois armées. En effet, la formation initiale, continue ou supérieure, constitue et entretient le socle culturel et opérationnel du caractère militaire de la gendarmerie, a-t-il rappelé.
Elle sera également assurée par une collaboration active en matière de soutien logistique avec les services du ministère de la défense, ainsi que par un engagement opérationnel avec ou aux côtés des autres armées sur les théâtres d'opérations extérieures. La proximité culturelle et opérationnelle de la gendarmerie et des armées se concrétise, en effet, de façon quotidienne dans de nombreux engagements communs, tant sur le territoire national et en Outre-mer, comme en Guyane par exemple, que sur les théâtres d'opérations extérieures, comme au Kosovo. Enfin, les gendarmes continueront, en qualité de militaires, à bénéficier de l'ensemble des actions sociales du ministère.
Le transfert de l'autorité organique et budgétaire au ministre de l'intérieur a aussi des implications dans les fonctions du soutien logistique et des ressources humaines, a indiqué M. Hervé Morin, ministre de la défense. Ainsi, le ministère de la défense continuera à assurer une grande partie de la fonction de soutien au bénéfice de la gendarmerie, à travers des protocoles dont la rédaction est en voie d'achèvement. La direction générale de l'armement restera l'interlocuteur privilégié de la gendarmerie pour les grands programmes (aéronefs, blindés). La gendarmerie continuera également à acquérir des matériels auprès des armées pour ses besoins militaires propres ou par voie de délégation de gestion pour continuer à bénéficier du savoir-faire déjà acquis dans certains domaines, comme celui de la gestion de l'immobilier par exemple.
Dans le domaine des ressources humaines, M. Hervé Morin, ministre de la défense, a indiqué qu'il veillera à ce que le transfert de la gendarmerie s'accompagne du maintien pour l'ensemble des personnels, militaires et civils, des avantages statutaires, matériels et moraux qui sont liés à leur condition militaire.
Les modalités du transfert des personnels contractuels ou des ouvriers d'Etat font actuellement l'objet d'études entre la direction des ressources humaines du ministère de la défense et les services du ministère de l'intérieur. Il est envisagé de laisser aux personnels civils le choix de leur maintien au ministère de la défense ou de leur rattachement statutaire au sein des personnels civils du ministère de l'intérieur.
Enfin, le Président de la République avait souhaité que les gendarmes et les policiers bénéficient d'une parité globale de traitement et que les écarts éventuels puissent être identifiés et gommés après un état des lieux exhaustif dans les domaines statutaires, indemnitaires et annexes, a rappelé M. Hervé Morin, ministre de la défense.
Les groupes de travail chargés d'établir cette comparaison exhaustive des régimes dont bénéficient les policiers et les gendarmes viennent de rendre leurs conclusions et l'analyse permet d'ores et déjà de constater l'existence d'un équilibre général dans le traitement des fonctionnaires et des militaires des deux forces qu'il conviendra de préserver, a indiqué M. Hervé Morin. Cette étude sera rapidement soumise à une commission présidée par une haute personnalité qualifiée extérieure. Après arbitrage des recommandations de cette commission, le chiffrage des mesures s'inscrira dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, a-t-il indiqué. Un rapport d'étape sur l'ensemble de ces travaux sera réalisé à la fin du mois de mars avant une saisine du Conseil d'Etat.
En conclusion, M. Hervé Morin, ministre de la défense, a indiqué que, militaire dans ses statuts, son organisation et son sens du devoir, la gendarmerie sera rattachée sur le plan organique et budgétaire, au ministre de l'intérieur, ce qui sera source de clarification, mais qu'il sera de sa responsabilité, en tant que ministre de la défense, de veiller à ce qu'elle conserve et entretienne son identité militaire et qu'elle bénéficie, dans l'exercice de ses missions militaires, des soutiens du ministère de la défense.
A l'issue de l'exposé du ministre, un débat s'est ouvert au sein de la commission.
M. Jean Faure, président du groupe de travail sur la gendarmerie, s'est interrogé sur les modalités de préservation du statut militaire de la gendarmerie après son intégration au sein du ministère de l'intérieur. Il a exprimé la crainte que ce rattachement n'isole fortement les gendarmes des autres armées, et a souligné que cette crainte avait été exprimée à de nombreuses reprises lors des auditions effectuées par le groupe de travail sur la gendarmerie. Il s'est également inquiété de l'éventuelle application à la gendarmerie de la recommandation élaborée dans le cadre de la RGPP visant au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce qui priverait ce corps d'environ 3 500 postes pour la période allant de 2009 à 2011. Il a souhaité obtenir des précisions sur une éventuelle réforme des mécanismes de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie, réforme qui substituerait à l'actuel tirage au sort des représentants une élection par leurs pairs. Il a enfin évoqué la charge considérable que représentaient les tâches d'extraction et de transfert des détenus vers les tribunaux, soulignant que c'est près d'1,9 million d'heures de travail, soit l'équivalent de 1 500 postes, qui sont consacrées à des tâches qui pourraient être accomplies par des personnels de moindre qualification que les gendarmes. Il a souhaité une implication financière du ministère de la justice dans la réalisation de ces tâches, conformément à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :
- les rapports entre la gendarmerie et les armées ont été caractérisés par une complexité croissante exprimée par la revendication d'une grille indiciaire spécifique à la gendarmerie. Au sein des armées, cette évolution a été perçue par la disparition du sentiment d'un destin commun. Le ministre a par ailleurs rappelé que les crédits de fonctionnement de la gendarmerie ont crû de 30 millions d'euros dans le budget 2008, alors que ceux des armées diminuaient de 160 millions d'euros la même année ;
- la gendarmerie a été préservée en matière d'effectif en 2008 ; son rattachement au ministère de l'intérieur à compter du 1er janvier 2009 transférera à ce dernier la responsabilité d'établir un équilibre entre les personnels relevant de la police et de la gendarmerie ;
- une instance de concertation spécifique, propre à la gendarmerie et coprésidée par les ministres de l'intérieur et de la défense, sera prochainement créée ; des réflexions sont, par ailleurs, en cours sur les évolutions à apporter aux instances de concertation propres aux armées ;
- les charges représentées par les extractions de détenus sont régulièrement dénoncées depuis plus de vingt ans ; ce point nécessitera une concertation entre les ministères de l'intérieur et de la justice.
M. André Rouvière, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a regretté que les propos du ministre aient changé ses appréhensions initiales en certitude : en effet, les transferts de compétences du ministère de la défense vers le ministère de l'intérieur constitueront une source de complications inextricables, de nature à altérer les capacités de gestion de la gendarmerie par le ministère de l'intérieur. Il s'est également interrogé sur les montants des fonds que le ministère de l'intérieur sera en mesure de consacrer à la rénovation des casernements, au financement de la grille indiciaire spécifique, ainsi qu'aux OPEX. Il s'est également inquiété de l'autorité qui aura compétence pour nommer le directeur général de la gendarmerie, souhaitant que ce directeur reste, à l'avenir, un militaire.
En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :
- le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé par le Président de la République en Conseil des ministres ; son choix est discrétionnaire ;
- l'ensemble des crédits immobiliers affectés au casernement relèvera de la compétence du ministère de l'intérieur, auquel les moyens correspondants seront affectés dans le PLF pour 2009 ; il s'agit de tirer l'ensemble des conséquences de la décision prise en 2003, et rattachant la gendarmerie pour emploi au ministère de l'intérieur. Le financement des missions extérieures relèvera également du budget de ce ministère ;
M. Hubert Haenel, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a rappelé que notre pays disposait, de longue date, de ces deux forces de police et a estimé que ce dualisme était favorable aux libertés publiques. Il a donc jugé que l'entier rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne saurait être légitimé par les seules conséquences néfastes entraînées par les manifestations de 2001, dont la nature et l'ampleur n'ont jamais été précisées par les pouvoirs publics. Il a regretté que l'exposé du ministre donne le sentiment que la réforme de la gendarmerie semblait déjà achevée, avant même que le Parlement n'en soit saisi. Sur ce point, il a souhaité avoir des indications précises sur le calendrier du futur projet de loi sur la gendarmerie, et s'est enquis du rôle que remplirait le ministre de la défense au côté de ses collègues de l'intérieur et de la justice, lors du débat parlementaire. Il a dit craindre que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne se traduise, à terme, par une fusion pure et simple avec la police nationale. Puis, évoquant le principe, d'ordre constitutionnel, disposant que la force armée ne peut être utilisée par le pouvoir civil que sur réquisition écrite, à la différence de la police qui obéit à des ordres oraux donnés par les préfets, il s'est inquiété que l'avant-projet de loi sur la gendarmerie renvoie, sur ce point, ces dispositions à un décret en Conseil d'Etat, alors qu'elles relèvent manifestement du niveau législatif. M. Hubert Haenel a également souhaité savoir si ce projet de loi avait été précédé d'une étude d'impact, et a estimé qu'il devrait prévoir une clause de rendez-vous, à trois ou quatre ans pour en établir le bilan.
En réponse, le ministre a précisé que :
- l'impact négatif, au sein de la communauté militaire, des manifestations de 2001 est un constat qu'on ne peut contester ;
- la gendarmerie a été rattachée pour emploi, dès 2003, au ministère de l'intérieur, et le futur projet de loi, que le Gouvernement soutiendra devant le Parlement, est destiné à conforter le statut militaire de la gendarmerie, très clairement affirmé dans l'article 1er du projet ;
- les réquisitions nécessaires relèveront désormais de la compétence du ministre de l'intérieur ;
- l'impact de la future réforme a fait l'objet de nombreux travaux, dont le contenu sera communiqué aux parlementaires qui le souhaiteront.
Mme Michelle Demessine, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a souligné que les auditions réalisées par ce groupe de travail avaient mis en évidence une grande inquiétude, toujours exprimée en termes très mesurés. Elle a déploré que la réforme de 2003 ait probablement conduit à déstabiliser cette institution fondatrice de la République, dont l'expression est étouffée par la faiblesse de ses instances de concertation. Elle a regretté que la réforme, telle qu'elle venait d'être exposée par le ministre, ne conduise à une confusion des statuts respectifs de la police et de la gendarmerie, ce qui ne pourra manquer d'aboutir, dans les faits, à une fusion de ces deux corps. En effet, a-t-elle estimé, le statut militaire de la gendarmerie ne pourra résister, en dépit du futur projet de loi destiné à le conforter, aux réalités auxquelles les gendarmes seront confrontés au sein du ministère de l'intérieur. Elle a souligné la grande disponibilité des gendarmes, qui découle de leur statut militaire, et qui risque d'être altérée par l'évolution prévisible de cette force. Elle a estimé qu'au total, ce sera la sécurité des Français qui sortira amoindrie de cette réforme.
En réponse, le ministre a précisé que la réforme a pour objet de tirer toutes les conséquences de la décision de 2003 et vise donc à établir une cohérence d'ensemble des forces de sécurité. Le ministère de l'intérieur disposera ainsi d'une capacité d'évaluation et d'intervention globales, qui seront facteurs de clarté et, donc, de meilleure efficacité en matière de sécurité publique.
M. Yves Pozzo di Borgo, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a confirmé la forte inquiétude existant au sein de la gendarmerie sur le sort et la position qui lui seront réservés au terme de son rattachement au ministère de l'intérieur. Il a souhaité, par ailleurs, connaître le calendrier prévisionnel de discussion du futur projet de loi.
En réponse, le ministre a précisé que le projet de loi serait présenté au Parlement durant la présente session, et a reconnu la réalité de l'inquiétude prévalant au sein de la gendarmerie.
M. Xavier Pintat a souligné le rôle irremplaçable joué par la gendarmerie dans la sécurité du pays, et particulièrement dans le monde rural. Il a rappelé que la réforme créant les communautés de brigade avait porté des résultats positifs en dépit des craintes initiales des élus locaux. Constatant que la région Aquitaine connaissait 55 000 crimes et délits par an, dont un nombre important est commis durant la période estivale, marquée par l'afflux de touristes, il a relevé le rôle majeur joué, pour la sécurisation de ces populations, par les personnels de gendarmerie augmentés de renforts saisonniers. Il a exprimé la crainte que ceux-ci ne soient moins nombreux qu'à l'habitude durant l'été 2008, notamment du fait de la difficulté à prendre en charge les coûts de leurs déplacements.
En réponse, le ministre a constaté que ces dispositions relevaient désormais du ministère de l'intérieur ; il a souligné, à cette occasion, le rôle décisif des réserves lors de telles périodes de tension. Le ministre a indiqué que la gestion des réserves demeurera de la compétence du ministère de la défense.
M. Jean Faure, président du groupe de travail sur la gendarmerie, s'est dit favorable à ce que soient maintenues, au sein du ministère de l'intérieur, deux directions distinctes consacrées respectivement à la police et à la gendarmerie et que cette dernière reçoive la garantie que son directeur resterait un militaire.
En réponse, le ministre a souligné qu'il était prévu de maintenir deux directions, mais que la nomination des directeurs d'administration centrale relevait de la décision discrétionnaire du Président de la République.
Puis, le ministre a apporté, en réponse à la question du Président Josselin de Rohan sur un éventuel renfort des troupes françaises présentes en Afghanistan, les éléments suivants :
- le Président de la République avait récemment écrit à chacun des chefs d'Etat ou de gouvernement participant à la Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (FIAS) pour souligner la nécessité d'une approche globale de la situation en Afghanistan ; dans cette perspective, il a conditionné tout renforcement de la présence militaire française dans ce pays au maintien des troupes de la FIAS qui y combattent à l'heure actuelle. Le Président de la République a également souligné que la réponse ne pouvait être exclusivement militaire et qu'il fallait également poser les problèmes de la cogouvernance, du développement économique, de la coordination des moyens et de l'accélération de « l'afghanisation » des institutions ;
- ce n'est qu'au cas où les pays partenaires apporteraient une réponse satisfaisante à cette lettre que serait envisagé un renforcement de la présence militaire française dans ce pays, puisque les effectifs globaux en opérations extérieures sont aujourd'hui de 11 000 hommes, alors qu'ils étaient de 13 000 en 2005 ;
- ni la nature de ces forces, ni leur zone de déploiement éventuelle ne sont pour l'instant arrêtées ; une série d'hypothèses ont été présentées au Président de la République pour éclairer sa décision.
M. Josselin de Rohan, président, a remercié le ministre de ces précisions, soulignant que, contrairement à des éléments exposés dans différents moyens d'information, aucune décision formelle n'avait été prise à ce jour.