Mardi 5 mai 2009
- Présidence de M. Philippe Marini, président.-Echange de vues
La commission spéciale a procédé à un échange de vues sur l'organisation et le contenu de ses travaux.
Elle a tout d'abord avalisé le calendrier prévisionnel de ses réunions (auditions au cours du mois de mai et examen du rapport au début du mois de juin, afin d'être en mesure d'inscrire le projet de loi à l'ordre du jour du Sénat à la mi-juin) ainsi que le programme de ses auditions. A cet égard, Mme Isabelle Debré a souligné la difficulté de concilier les travaux de la commission spéciale avec ceux de la commission des affaires sociales, examinant actuellement le texte sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Puis, sans préjuger des orientations finales du rapport, un large débat s'est ouvert sur les principaux thèmes de réflexion de la commission spéciale, M. Philippe Marini, président, soulignant, en les présentant, que certains d'entre eux avaient été abordés dans le cadre des propositions de loi sénatoriales associées à l'examen du projet de loi.
M. Philippe Dominati, rapporteur, a notamment relevé le consensus de ces propositions de loi pour moraliser la publicité de l'offre de crédit, et plus particulièrement celle du crédit renouvelable, et indiqué que les dispositions du projet de loi en la matière lui semblaient répondre aux préoccupations des auteurs de ces propositions. Il s'est toutefois interrogé sur l'opportunité d'entendre l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sur l'efficacité à attendre de ces dispositions et sur les mesures qu'il conviendrait éventuellement d'y ajouter pour la renforcer.
Puis M. Philippe Marini, président, a abordé les conditions de la formation du contrat de crédit, et plus particulièrement l'examen de la solvabilité de l'emprunteur, le fonctionnement du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), la pertinence de la création d'un fichier positif, ainsi que les dispositions relatives aux services financiers contractés à distance (Internet et téléphonie).
M. Philippe Dominati, rapporteur, a constaté que, bien que n'étant pas évoqué par le projet de loi, le fichier positif constituerait un élément majeur de la réflexion des commissaires puisque sa création est demandée par les propositions de loi de M. Claude Biwer, de M. Charles Revet, de Mme Nicole Bricq et de M. Michel Mercier, et leurs co-signataires respectifs. Dans ce contexte, les auditions, notamment celles de la Banque de France et du Médiateur de la République ainsi que celles organisées à Bruxelles au sujet du fichier positif belge, permettront d'enrichir la réflexion de la commission spéciale sur ce sujet.
Après avoir estimé un tel fichier indispensable à la prévention du surendettement, M. Charles Revet s'est interrogé sur la distinction entre fichiers publics et fichiers privés. M. Philippe Dominati, rapporteur, lui a indiqué que ces derniers pouvaient être éventuellement utilisés en tant qu'outils de prospection.
Exprimant ses doutes quant à l'utilisation du FICP comme moyen effectif de vérifier la solvabilité de l'emprunteur, Mme Nicole Bricq a estimé que les aménagements de son fonctionnement proposés par le projet de loi et les engagements pris de garantir la mise à jour de ses données en temps réel d'ici à mai 2010 étaient intéressants mais encore insuffisants. Aussi, rappelant la disposition de sa proposition de loi imposant au prêteur de connaître l'endettement de l'emprunteur au moment de la conclusion du contrat, elle a souhaité que le projet de loi soit amélioré sur ce point afin que la responsabilité puisse effectivement peser sur le prêteur. Enfin, évoquant les arguments invoqués, en particulier par la Banque de France, à l'encontre de la création d'un fichier positif (coûts de gestion, mise à jour, taille, inviolabilité...), elle a souligné l'intérêt d'auditionner la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), souhaité que des amendements fassent évoluer le texte en la matière et plaidé pour un consensus en ce domaine, estimant que le sujet n'était pas de nature partisane.
M. Charles Revet a indiqué que, lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, le président de la CNIL avait estimé que la création d'un fichier positif relevait de la responsabilité du législateur.
M. Alain Anziani s'étant inquiété de l'exclusion des catégories les plus modestes de l'accès au crédit, M. Philippe Marini, président, a relevé que la création d'un fichier positif faisait débat au sein de chaque catégorie d'acteurs, établissements spécialisés, représentants des consommateurs et intervenants publics.
Puis Mme Isabelle Debré a mis en lumière le problème de la coresponsabilité des crédits à la consommation. Elle a tout d'abord constaté les pratiques discriminatoires de certaines grandes surfaces à l'encontre de la femme mariée qui, lors d'une demande d'un tel crédit, doit justifier de l'accord de son époux, obligation qui ne semble pas exister dans la situation inverse. Puis elle a déploré la nature solidaire de la dette d'un crédit à la consommation pesant sur le conjoint non informé de l'existence du contrat.
M. Alain Anziani a fait observer que la coresponsabilité de telles dettes posait la question de l'insuffisance de l'information donnée aux futurs époux sur les obligations résultant de leur régime matrimonial. En outre, il a insisté sur la fragilisation de la situation financière de l'époux qui, bien que tiers au contrat, a la charge du crédit pendant toute la durée de l'instance de divorce, avant la liquidation du régime qui détermine l'attribution des actifs et passifs du régime à chacun des époux. Il s'est enfin interrogé sur le contenu de la fiche de dialogue qui devra être signée par l'emprunteur, observant qu'il pourrait permettre de répondre aux observations soulevées par sa collègue.
Convenant des difficultés financières que peut engendrer un crédit à la consommation en cas de rupture du couple, M. Philippe Marini, président, a néanmoins relevé que certains invoquaient l'attribution immédiate d'un crédit comme participant de l'exercice de la liberté individuelle.
Puis, abordant la question des services financiers à distance, il a mis en avant la nécessité de respecter le principe de la neutralité de la technique utilisée afin que la qualité du contrôle de la solvabilité de l'emprunteur soit identique pour tous les contrats, qu'ils soient conclus en présence physique du consommateur, par Internet ou après un démarchage téléphonique. Mme Nicole Bricq a alors souligné que les préconisations de la proposition de loi de M. Philippe Marini en ce domaine étaient plus ambitieuses que celles du projet de loi. Observant que la proportion du crédit à la consommation distribuée par le biais d'Internet ne constituait que 7 % du total des encours, M. Philippe Dominati, rapporteur, a jugé qu'Internet constituait plus un outil de prospection que de réalisation eu égard au grand taux de rejet des demandes de crédit formulées en ligne.
Abordant ensuite la question de l'éventuelle interdiction de réaliser une opération de crédit renouvelable sur le lieu de vente, M. Philippe Marini, président, a fait référence aux préconisations de dissociation des fonctions commerciales et financières des personnels des grandes surfaces. S'agissant de la réforme de l'utilisation des cartes de fidélité, il a souhaité que soient vérifiés concrètement tous les aspects de leur usage et de leur commercialisation. Mme Nicole Bricq s'étant déclarée préoccupée par la confusion générée par l'offre de cartes de fidélité associant avantages commerciaux et crédit, certains consommateurs ignorant parfois qu'ils utilisent leur réserve d'argent lors de leurs achats, M. Philippe Dominati, rapporteur, a observé que le projet de loi mettrait fin à ce problème en posant le principe de l'achat au comptant et de l'activation expresse de la fonction crédit.
Bien qu'absente du texte du projet de loi, la question du taux d'usure a été jugée essentielle par l'ensemble des commissaires. Mme Nicole Bricq a qualifié de prudente la position du Gouverneur de la Banque de France exprimée en la matière le matin même au cours d'une rencontre avec des membres du bureau de la commission spéciale. M. Philippe Dominati, rapporteur, a pour sa part estimé qu'il ressortait de l'entretien que les modalités d'une réforme de l'usure sont à ce jour connues, qu'elles relèvent de la loi ou du règlement. En revanche, l'opportunité de la réforme nécessite une analyse supplémentaire de toutes les conséquences en découlant, notamment le risque de restriction de l'accès au crédit que pourrait susciter une diminution du taux de l'usure applicable au crédit renouvelable. Du reste, un grand nombre de pays industrialisés, tels que l'Allemagne ou le Royaume-Uni, ne déterminent pas de taux légal de l'usure, laissant le soin aux juridictions de définir et de sanctionner la fixation de taux excessifs.
A M. Charles Revet qui s'inquiétait de la « fuite en avant » que constitue l'utilisation d'un crédit renouvelable ainsi que du recours au taux de l'usure dans la prévention du surendettement, M. Philippe Marini, président, a rappelé le mécanisme actuel de fixation des taux de l'usure. Des compartiments par nature d'opérations de crédits sont définis et un coefficient multiplicateur de 1,33 est appliqué au taux moyen pratiqué pour chacun d'entre eux. Soulignant le caractère obsolète et inflationniste de ce régime, il a exposé les trois possibilités de réformes consistant soit à modifier la définition des catégories des opérations de crédit, soit à corriger l'élément différentiel entre la moyenne des taux pratiqués et le taux de l'usure, soit à fixer une autre référence que cette moyenne. Puis, relayant les propos de M. Philippe Dominati, rapporteur, Mme Nicole Bricq et M. Charles Revet quant à l'intérêt d'une telle réforme pour mettre fin au détournement de certains crédits vers le crédit renouvelable non amortissable et plus coûteux, M. Philippe Marini, président, a souligné la nécessité pour le législateur d'en fixer à tout le moins les principes.
S'agissant ensuite des sanctions aux nouvelles obligations prévues par le projet de loi, il a constaté le renforcement réel du droit existant et s'est félicité que le texte intègre nombre des propositions du rapport de M. Serge Guinchard en matière de surendettement.
Enfin, il a souhaité que le thème du microcrédit social, également absent du projet de loi, soit examiné afin d'identifier les obstacles à son développement. A cet égard, Mme Nicole Bricq a mentionné la disposition de sa proposition de loi tendant à créer une offre de crédit social, alternative au crédit renouvelable, et plaidé pour que les établissements bancaires et financiers soient conduits à présenter une gamme de crédit la plus large possible. Mme Isabelle Debré s'est demandé si la mise en place de garanties et d'informations supplémentaires permettant de renforcer l'accès au crédit n'était pas préférable à une nouvelle offre de crédit. En conclusion, M. Philippe Marini, président, a estimé nécessaire de vérifier si l'action du Fonds de cohésion sociale était suffisante pour développer l'attribution du microcrédit social.