Mercredi 2 décembre 2009
- Présidence de M. Claude Birraux, député, président -Performance énergétique des bâtiments : comment moduler la règle pour mieux atteindre les objectifs - Examen du rapport
L'Office a procédé à l'examen du rapport sur la performance énergétique des bâtiments.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), a rappelé que l'étude résultait de l'article 4 de la loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, qui a fixé une norme pour la performance énergétique des bâtiments à 50 kWh par mètre carré et par an en énergie primaire. A la suite d'un amendement initialement proposé par M. Bruno Sido, sénateur, rapporteur de la commission de l'économie au Sénat, et complété par MM. Marcel Deneux et Daniel Raoul, sénateurs, tous trois membres de l'OPECST, ce même article a confié à l'OPECST la mission d'étudier les conditions de modulation de cette norme, afin notamment d'encourager la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a expliqué que M. Christian Bataille et lui-même, désignés pour cette mission, ont suivi les méthodes de travail de l'OPECST, qui permettent de prendre un certain recul par rapport à des questions faisant débat. Ils ont engagé une large réflexion sur les conditions de la construction des bâtiments à basse consommation (BBC), qui les a conduits en divers points de France, mais aussi en Suisse, en Allemagne et en Angleterre. Au total, en quatre mois de travail intense, ils ont conduit une quarantaine d'auditions.
Les recommandations finales sont dominées par deux préoccupations : d'une part, la nécessité de profiter de l'obligation d'une forte baisse de la consommation d'énergie dans les bâtiments pour faire progresser l'offre technologique ; d'autre part, la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a souligné que les progrès de l'offre technologique avaient pour principal enjeu d'ouvrir des marchés à l'exportation. Cela justifiait de ne pas modifier le coefficient de conversion de l'électricité en énergie primaire. En effet, ce coefficient de 2,58 est certes un handicap pour les équipements électriques classiques, mais aussi un stimulant fort pour le développement technique et industriel des pompes à chaleur. Il a indiqué qu'il fallait faire attention aux mesures transitoires en faveur des technologies obsolètes, qui risquaient de ne déboucher en fait que sur d'autres mesures transitoires, et pour finir, par donner le temps à des industriels étrangers de venir conquérir le marché français avec des technologies avancées.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a expliqué aussi que deux autres types de modulation devaient être refusés : premièrement, la réduction temporaire du nombre d'usages pris en compte parmi les cinq déjà couverts par la réglementation actuelle : chauffage, eau chaude, ventilation, climatisation, éclairage ; deuxièmement, la possibilité de compter en déduction l'énergie produite par le bâtiment, s'agissant en particulier de l'électricité photovoltaïque reversée au réseau.
M. Christian Bataille, député, rapporteur, a indiqué que la priorité absolue de réduction des émissions de gaz à effet de serre a conduit les rapporteurs à proposer de compléter la contrainte de 50 kWh par mètre carré et par an en énergie primaire par une contrainte de 5 kg par mètre carré et par an en émission de CO2, cette double contrainte étant équivalente à une obligation de recours aux énergies renouvelables. La fixation d'un plafond d'émission de CO2 est une mesure permise par l'article 3 de la directive 2002/91/CE.
Il a par ailleurs confirmé la pertinence des modulations en fonction de la zone climatique ou de l'altitude déjà proposées par l'association « Effinergie », qui joue un rôle précurseur dans la construction à basse consommation. Par mesure de précaution contre les canicules, dont le risque devient plus grand avec le changement climatique, il a mentionné l'intérêt d'établir l'obligation d'un système de climatisation active dans les bâtiments destinés à être occupés en été.
Il a évoqué les contraintes particulières subies, en matière de chauffage et de ventilation, par les petits logements pour justifier une équation de modulation en fonction de la surface du bâtiment, qui impose aux grandes surfaces des restrictions plus fortes afin d'assouplir la contrainte sur les petites surfaces, tout en préservant le respect de la norme en moyenne, ainsi que le prévoit la loi.
S'agissant des bâtiments tertiaires (magasins, hangars, bureaux, hôpitaux), M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a expliqué que la future réglementation devrait s'appliquer à eux en performance réelle mesurée, et non pas seulement par simple conformité à un « calcul réglementaire », lequel conserverait néanmoins son intérêt en tant que calcul préalable de dimensionnement. Un processus d'échange des « bonnes pratiques » entre les gestionnaires de l'énergie des bâtiments de catégories similaires devra permettre de converger vers la performance cible, si celle-ci, comme ce sera probable dans nombre de cas, est véritablement hors de portée au stade de la construction. La performance réelle mesurée doit prendre en compte l'apport d'une gestion optimisée des appels d'énergie, dite gestion active de l'énergie, dont le projet d'envergure européenne Homes, piloté par Schneider, a montré qu'il pouvait permettre un gain complémentaire du même ordre de grandeur que celui obtenu par l'isolation du bâti.
Soucieux de la bonne mise en oeuvre de la nouvelle réglementation, les deux rapporteurs ont appelé à une vérification systématique de l'étanchéité à l'air des espaces fermés à la livraison d'une construction, et à une double certification, des entreprises et des personnes, pour les professionnels du bâtiment. Ils ont suggéré divers mécanismes renforçant la position des particuliers maîtres d'ouvrage vis-à-vis de leur maître d'oeuvre, afin qu'ils puissent obtenir effectivement de celui-ci une bonne finition des travaux garantissant la performance prévue par la nouvelle réglementation.
Ils ont signalé enfin la nécessité pour l'administration de l'équipement de se mobiliser fortement sur le terrain pour accompagner le déploiement de la construction à basse consommation, qui va devenir désormais la norme.
M. Claude Gatignol, député, a dit son étonnement et sa satisfaction devant la capacité des rapporteurs à s'extraire d'une question étroite pour en saisir plus largement les enjeux. Il a confirmé la pertinence d'une modulation en fonction des situations climatiques, soulignant que les villes de Cherbourg, dans la Manche, et d'Aurillac, dans le Cantal, sont souvent les points les plus froids de France. Il a observé qu'une isolation très poussée des constructions rendait nécessaire de porter un soin particulier à la ventilation et à l'étude de la qualité de l'air intérieur. Il s'est interrogé sur le risque que les contraintes de géométrie qui s'attachent à la recherche d'une minimisation des déperditions de chaleur conduisent à multiplier des bâtiments d'aspect massif, peu esthétique. Il a demandé si les rapporteurs avaient examiné les conditions de l'équilibre économique du développement des réseaux de chaleur. Il s'est félicité enfin que le rapport confirme que l'électricité fait partie des énergies peu carbonées.
A propos de la modulation climatique, M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a observé que le point le plus froid de France est la ville de Mouthe dans le Haut-Jura (moins 40°C en 1985). Il a indiqué que la carte de modulation climatique proposée par l'association « Effinergie » a fait l'objet d'un consensus parmi toutes les personnes auditionnées. M. Christian Bataille, député, rapporteur, a ajouté que la transition entre les zones climatiques limitrophes ainsi identifiées demeurait relativement progressive.
S'agissant du renouvellement de l'air, M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a indiqué que les constructions très isolées ne se concevaient pas sans un système de ventilation double flux, qui aspire l'air frais extérieur, et parallèlement, expulse l'air vicié intérieur. Au passage, un échangeur permet de récupérer les calories de l'air sortant pour réchauffer l'air entrant. Dans le quartier BedZed de Londres, ce système est mû par la force mécanique du vent combinée avec la convection naturelle, grâce à un dispositif de haute cheminée pivotante, transposé des techniques de séchage des grains utilisées par les brasseries du Kent. M. Christian Bataille a ajouté que les systèmes de ventilation à double flux procuraient un air sain et décontaminé, mais qu'il fallait apprendre, pour en profiter, à n'ouvrir les fenêtres qu'à bon escient.
S'agissant de l'aspect d'un bâtiment à basse consommation, les deux rapporteurs ont assuré que leurs visites, notamment celle du lotissement des Hauts de Feuilly à Saint-Priest, leur ont permis de constater que des maisons passives pouvaient être parfaitement agréables à vivre.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a beaucoup insisté sur le travail initial de conception globale que suppose la performance énergétique des bâtiments.
M. Christian Bataille, député, rapporteur, a indiqué qu'il lui restait une interrogation au terme de cette étude sur la construction à basse consommation ; elle concerne la durabilité des bâtiments concernés, sachant que les maisons construites au dix-neuvième siècle ont prouvé leur capacité à résister au temps.
En ce qui concerne les réseaux de chaleur, M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a indiqué que le rapport soulignait leur intérêt, et mettait en valeur la contribution potentielle de la récupération de la chaleur dissipée par les centrales thermiques. La faisabilité économique nécessite néanmoins des études plus approfondies.
M. Jean-Claude Etienne, sénateur, premier vice-président de l'OPECST, s'est félicité qu'un sujet d'étude apparemment si pointu ait pu prendre appui sur une analyse d'ensemble du dispositif de construction à basse consommation. Il a approuvé la volonté de créer des conditions accélérant le développement du recours aux énergies renouvelables et à la biomasse, notamment en maintenant inchangé le coefficient de conversion de l'électricité consommée en énergie primaire. Se référant à l'expérience acquise auprès d'un membre de sa famille spécialiste des séjours près des pôles, il a confirmé la pertinence des analyses se référant aux caractéristiques géométriques d'un bâtiment pour minimiser ses déperditions de chaleur, en mentionnant le savoir empirique développé à ce propos par les esquimaux, à travers la construction des igloos ; ceux-ci ont une forme sphérique qui maximise l'espace intérieur en minimisant la surface d'échanges extérieurs. En outre, la glace réfléchit l'énergie radiante intérieure. Enfin, M. Jean-Claude Etienne s'est déclaré tout à fait favorable à l'idée des plates-formes technologiques, et a souhaité connaître les axes de recherche demandés.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, président, a signalé qu'on lui avait rapporté qu'un igloo permettait une telle protection que, même s'il y faisait en réalité une température inférieure à zéro degré, les personnes qui viennent de l'extérieur, dans le blizzard, à une température de - 50°C, éprouvent une brusque sensation de chaleur en y entrant.
A la suite de cet échange, les recommandations proposées par les rapporteurs ont été adoptées et la publication du rapport a été autorisée.