Jeudi 10 décembre 2009
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -Rapport d'activité 2009 - Les femmes dans les lieux de privation de liberté - Examen du rapport
La délégation a procédé à l'examen du rapport d'activité 2009 portant, notamment, sur le thème « Les femmes dans les lieux de privation de liberté »
Mme Michèle André, présidente, a présenté les grandes lignes du rapport d'activité qui s'articule en deux parties : la première retrace les principales activités de la délégation en 2009, et la seconde rend compte de ses travaux sur le thème des « Femmes dans les lieux de privation de liberté ».
Evoquant pour commencer l'organisation des travaux, elle a relevé que la délégation n'ayant été reconstituée que le 3 décembre 2008, ces circonstances avaient conduit son bureau à décaler, sur sa proposition, la période de référence de son rapport, pour la cadrer sur l'année civile, et non plus comme les années précédentes, sur les sessions parlementaires, renouant ainsi avec la pratique des premières années.
Elle s'est réjouie que les démarches qu'elle avait entreprises, avec Mme Jacqueline Panis, 1re vice-présidente, et avec l'appui du bureau, auprès de M. le Président du Sénat et des autorités responsables de la réforme du Règlement du Sénat, aient débouché sur un arbitrage favorable et que le nouvel article 23 bis du Règlement fasse bénéficier la délégation du même régime que les commissions permanentes, lui permettant de continuer à se réunir le jeudi matin de préférence, ce qui constitue un bon créneau puisque les travaux de la délégation ont bénéficié toute l'année d'une forte fréquentation.
Evoquant les activités législatives de la délégation, elle a rappelé que la commission des affaires sociales avait saisi pour avis la délégation sur la retraite des mères de famille, l'une des dispositions les plus sensibles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Elle a souligné que trois des recommandations de la délégation avaient été reprises par des amendements et figureront dans le texte définitif de la loi.
Elle a indiqué, par ailleurs, que la délégation avait commencé à se mobiliser sur les conséquences en matière de parité politique de la réforme territoriale et qu'elle avait été saisie de ce sujet par la commission des lois.
Mme Michèle André, présidente, a également mentionné :
- la question orale avec débat qu'elle a posée, le 19 mars 2009, à Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la politique de lutte contre les violences faites aux femmes, soulignant que sept membres de la délégation ont participé à cette séance ;
- les initiatives conduites par la délégation dans le cadre du suivi de la politique gouvernementale en faveur des droits des femmes destinées à contrecarrer la baisse programmée en 2009 des crédits budgétaires en faveur du Planning familial et, plus généralement, des Établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF), et qui ont abouti à la signature d'un accord entre les ministres compétents et la présidente du Mouvement français pour le Planning familial ;
- la rencontre organisée au Sénat, le 9 mars 2009, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, avec les femmes élues maires en 2008 ;
- et le soutien apporté par la délégation à de nombreux colloques organisés au Palais du Luxembourg sur les thèmes qui intéressent l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.
Puis elle a présenté les activités internationales de la délégation. Elle a indiqué que certaines d'entre elles avaient pour objectif de recueillir des éléments d'information sur la politique en faveur des droits des femmes conduite par des pays étrangers, et principalement européens. La délégation a ainsi réalisé, en partenariat avec la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, un déplacement en Norvège, en mai 2009, pour étudier la politique volontaire conduite par ce pays en matière d'égalité professionnelle, qui repose sur l'instauration de quotas de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des principales sociétés et l'extension des congés parentaux en faveur du père. Mme Michèle André, présidente, a signalé, à ce propos, que le Parlement aurait prochainement à examiner une proposition de loi déposée par Mme Marie-Jo Zimmermann préconisant d'instaurer en France des quotas de femmes dans les conseils d'administration des grandes sociétés. Elle a rappelé également que la délégation avait envoyé en Espagne une mission chargée d'étudier la législation relative aux quotas de femmes dans les conseils d'administration des grandes sociétés, la législation sur la lutte contre les violences dans le couple, et, enfin, une politique carcérale qui procède à une ouverture limitée à la mixité.
Elle a ensuite évoqué les déplacements destinés à assurer la représentation de la délégation au sein de réunions internationales.
Elle a remercié Mmes Jacqueline Panis, Françoise Laborde et Françoise Cartron d'avoir accepté de se rendre à Bruxelles, le 5 mars 2009, afin de représenter la délégation à une réunion de la Conférence des commissions parlementaires pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes de l'Union européenne (la CCEC), ainsi que Mme Christiane Kammermann de s'être rendue à Stockholm, les 12 et 13 novembre 2009, à une réunion des commissions et délégations aux droits des femmes des parlements de l'Union européenne.
Enfin, elle a rappelé que, à l'occasion de la XXXVème réunion plénière de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, elle avait exposé le rôle et les missions de la délégation devant le Réseau des femmes parlementaires de la Francophonie, et que celui-ci avait ensuite fait adopter une recommandation préconisant la création de délégations aux droits des femmes au sein des parlements des pays membres de la Francophonie.
Mme Michèle André, présidente, a présenté, ensuite, les conclusions du rapport d'information sur le thème des « femmes dans les lieux de privation de liberté ».
Elle a rappelé que la délégation avait procédé à un grand nombre d'auditions, complétées par la visite du centre pénitentiaire de Rennes, de la « souricière » et du dépôt du Palais de justice de Paris, ainsi que par une mission en Espagne. Elle a précisé que la délégation avait défini de façon large le champ de l'étude, de façon à y englober l'ensemble des lieux de privation de liberté : la prison mais aussi les zones d'attente et les centres de rétention administrative pour étrangers, les dépôts et les geôles des commissariats, gendarmeries et palais de justice, ainsi que les hôpitaux psychiatriques où certains malades mentaux sont hospitalisés sous contrainte. Elle a indiqué que cette optique large rejoignait le champ d'intervention du contrôleur général des lieux de privation de liberté, auditionné par la délégation.
Par delà la variété des lieux et des conditions de détention, Mme Michèle André, présidente, a mis en évidence deux constats transversaux sur la place des femmes et la façon dont elles sont traitées.
Elle a relevé, tout d'abord, que les femmes y sont très minoritaires : elles ne représentent que 3,5 % de la population carcérale, approximativement 5 ou 6 % des étrangers en rétention administrative, le tiers environ des étrangers en zone d'attente, peut-être 10 % des personnes placées en garde à vue, et, exception qui confirme la règle, 40 % des malades mentaux hospitalisés sous contrainte.
Elle a jugé que le faible poids numérique des femmes ne conduisait pas les administrations concernées à porter à la différence des sexes l'attention qu'elle méritait, notant que la plupart d'entre elles ne disposaient pas de statistiques par genre ; aussi a-t-elle suggéré de remédier à ce flou statistique, estimant qu'une meilleure prise en compte des femmes passait d'abord par la mesure de leurs effectifs.
En second lieu, elle a regretté que, étant d'abord conçus pour des hommes, les lieux de privation de liberté ne prennent pas suffisamment en compte les besoins propres et les spécificités des femmes : l'importance que revêtent pour elles les enfants et les liens familiaux, et une approche particulière des questions de pudeur et d'intimité, notamment pour les fouilles à corps ; à cet égard, Mme Michèle André, présidente, a préconisé, de façon générale, la recherche d'un meilleur équilibre entre les exigences de sécurité et le respect de la dignité des personnes.
Elle a complété cette recommandation d'ordre général par deux recommandations particulières concernant respectivement les prisons et les centres de rétention.
Elle a présenté une recommandation relative au respect de l'intimité lors des consultations médicales en prison, exigeant notamment que les examens gynécologiques se fassent en dehors de la présence des surveillantes, et une recommandation préconisant des précautions dans l'agencement des centres de rétention administrative de façon à garantir le respect de l'intimité des femmes retenues.
Elle est ensuite passée à l'analyse particulière de chaque catégorie de lieu de privation de liberté.
Evoquant pour commencer la prison, où les femmes ne représentent que 3,5 % de la population carcérale, elle a jugé que cette faiblesse numérique présentait à la fois des avantages et des inconvénients que le contrôleur général des lieux de privation de liberté résumait dans l'expression « d'égalité des malchances ».
Elle a indiqué que si les femmes étaient, dans l'ensemble, moins touchées que les hommes par un phénomène de surpopulation qui contribue, dans une large mesure, à la dégradation de la condition carcérale, elles avaient, en revanche, un moindre accès aux soins médicaux, à la formation, et aux activités professionnelles, du fait notamment du principe de non mixité posé par le code de procédure pénale, qui contribue à ériger les quartiers de femmes en véritables enclaves au sein de prisons d'hommes.
Elle a proposé plusieurs recommandations destinées à améliorer la façon dont les femmes détenues peuvent accéder à ces prestations : une recommandation relative au suivi médical, et notamment gynécologique, des détenues ; une recommandation relative à la prise en charge en hôpital psychiatrique ; une recommandation relative à l'accès à la formation professionnelle et aux activités rémunérées en ateliers.
Elle a estimé que la possibilité ouverte par l'article 28 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 d'organiser de façon mixte certaines activités, pourrait, dans certaines conditions, faciliter les choses.
Soulignant l'importance pour les femmes du maintien des liens familiaux, Mme Michèle André, présidente, a estimé que des efforts significatifs avaient déjà été réalisés avec la mise en place d'unités de vie familiale dans certains établissements pénitentiaires, comme celui de Rennes.
Tout en estimant que des progrès restaient à faire, elle a proposé la généralisation progressive de ces unités de vie familiale, et la création de parloirs familiaux, adaptés aux visites des enfants, dans les prisons de femmes, ainsi que la levée des obstacles administratifs qui s'opposent aujourd'hui à ce que des enfants de « sans papiers » rendent visite à leurs mères détenues.
Elle a également formulé des recommandations pour améliorer les relations familiales à distance à travers une implantation du téléphone plus favorable à l'intimité et à la confidentialité des conversations.
Relevant que les femmes détenues étaient souvent des mères isolées, elle a souhaité garantir les conditions de l'exercice effectif par elles de leur autorité parentale en veillant à ce que toutes les informations et demandes d'autorisations relatives à leur enfant soient portées sans délai à leur connaissance, qu'il s'agisse de sa santé, de sa scolarité ou de son orientation.
Jugeant encore insuffisante la préparation à la sortie de prison, elle a proposé de réaffirmer qu'il faut réduire autant que possible le phénomène des « sorties sèches » qui consiste à libérer le détenu sans que celui-ci dispose ni de ressources ni de solution d'hébergement, jugeant particulièrement indispensable la préparation à la sortie pour les femmes détenues qui, lorsqu'elles sont mères célibataires ou isolées, doivent assumer seules la garde de leurs enfants.
Elle a invité à lever les obstacles administratifs pour rendre plus accessibles les aménagements de peine.
Elle a également recommandé de favoriser la domiciliation des détenues auprès de l'établissement pour leur permettre de bénéficier de certaines prestations sociales versées par les départements.
Elle a cependant jugé normal que les allocations familiales soient transférées aux personnes qui ont effectivement la garde de l'enfant pendant la détention de la mère.
Evoquant la possibilité pour une mère de pouvoir garder son enfant en prison auprès d'elle jusqu'à l'âge de 18 mois, elle a proposé d'encourager la généralisation des conventions passées entre les établissements pénitentiaires disposant d'une nurserie et les départements qui leur apportent leur appui en matière de protection maternelle et infantile et de subordonner à une évaluation l'autorisation pour la mère de garder auprès d'elle son enfant.
Mme Michèle André, présidente, a ensuite abordé la situation des femmes dans les autres lieux de privation de liberté.
Elle a d'abord indiqué que le placement en garde à vue avait concerné, en 2008, 578 000 personnes, dont 10 % de femmes. Elle a évoqué les problèmes que soulèvent actuellement ces gardes à vue au regard, notamment, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, notant que des magistrats et des avocats dénonçaient régulièrement les conditions, notamment matérielles, dans lesquelles elles s'effectuent. Elle a rappelé que la délégation avait pu se rendre compte, lors de sa visite à la « souricière » et au dépôt du Palais de justice de Paris, des progrès qui restent à accomplir en ce domaine.
Elle a formulé deux recommandations tendant à ce que, au nom des droits de la défense, soient garanties aux personnes placées en garde à vue des conditions d'hygiène convenables, notamment dans la perspective de leur comparution, et à ce que les services concernés fassent une plus juste appréciation de la notion « d'objet dangereux », qui conduit abusivement à confisquer aux personnes en garde à vue leurs lunettes, et aux femmes leur soutien-gorge.
Abordant la question de la rétention administrative des femmes étrangères, Mme Michèle André, présidente, a jugé que, globalement, la situation est plus satisfaisante dans les centres de rétention administrative, qui ont fait l'objet depuis 2002 d'un important programme de rénovation, que dans les lieux de rétention administrative, qui ne diffèrent pas encore beaucoup des locaux de garde à vue dont ils sont souvent issus.
Elle a relevé qu'aucun dispositif spécifique n'était prévu pour les femmes qui représentent approximativement 5 à 6 % des 34 592 personnes retenues en 2008, à l'exception de l'hébergement de nuit en chambres non mixtes.
Pour remédier à ce défaut d'encadrement juridique, elle a proposé d'appuyer le souhait formulé par la Cour des comptes tendant à ce que les modalités d'accueil des femmes en rétention fassent l'objet de référentiels plus précis.
Abordant le dernier chapitre, elle a rappelé que les femmes constituaient 40 % des 54 000 personnes hospitalisées sous contrainte, et que ces hospitalisations se faisant souvent dans l'urgence, lors de la survenue d'une crise, il était nécessaire de mieux définir le partenariat entre les différents acteurs concernés : municipalités, services hospitaliers, police.
Même si la mixité est de règle dorénavant dans les services de psychiatrie, Mme Michèle André, présidente, a jugé qu'il ne fallait pas renoncer à la possibilité d'hospitaliser certaines femmes dans des structures psychiatriques spécialisées, quand, du fait de leur situation de vulnérabilité et de faiblesse, elles en manifestaient le besoin.
Elle a également jugé utile de mieux encadrer la « sortie d'essai » et d'instaurer pour les malades une obligation de se soigner et de prendre leurs médicaments, en dehors de toute hospitalisation sous contrainte.
Un débat s'est ensuite instauré.
Relevant à son tour que la privation des liens familiaux était cruellement ressentie par les femmes en détention, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a proposé à la délégation d'adopter une recommandation tendant à ce que des femmes françaises emprisonnées à l'étranger puissent, à leur demande, revenir en France pour y purger leur peine.
Mme Christiane Kammermann a soutenu cette suggestion, après avoir salué le travail d'accompagnement réalisé par les consulats français.
La délégation a alors adopté une recommandation en ce sens.
Mme Odette Terrade a estimé que la présentation du rapport reflétait bien le contenu des auditions de la délégation.
Mme Muguette Dini et M. Yannick Bodin ont déclaré partager les grandes orientations du rapport dont ils ont salué à leur tour la richesse et l'intérêt.
Puis la délégation a procédé à l'examen des propositions de recommandations présentées par la présidente.
Revenant sur l'exigence posée par la recommandation 2 d'un meilleur équilibre entre les exigences de sécurité et le respect de la dignité de la personne, Mme Michèle André, présidente, en a illustré la nécessité en dénonçant le placement abusif en garde à vue d'une jeune femme qui, à la suite d'une fausse couche, avait été indûment accusée d'avoir commis une interruption volontaire de grossesse non autorisée. Elle a jugé choquantes les circonstances et la duré de cette garde à vue qui avait duré trente heures.
Evoquant la recommandation 3 relative au respect de l'intimité des personnes lors des examens médicaux, elle a ensuite rappelé combien il était injustifiable que l'on ait pu imposer à des femmes d'être menottées lors d'un accouchement.
Mme Muguette Dini a souligné l'intérêt de la recommandation 5 relative à la prise en charge psychiatrique des détenus, estimant qu'elle devrait être prise en compte lors de la discussion d'un prochain projet de loi relatif à la santé mentale.
M. Yannick Bodin a rappelé les témoignages recueillis lors de la visite de l'établissement pénitentiaire de Rennes, suivant lesquels une majorité de détenues relèveraient plutôt d'une hospitalisation psychiatrique que d'une incarcération.
A propos de la recommandation 6 relative à la formation et aux activités professionnelles, Mme Michèle André, présidente, a cité l'exemple de la plateforme téléphonique de la prison de Rennes. Mme Christiane Kammermann a rappelé l'importance pour les femmes étrangères détenues en France de pouvoir disposer d'un enseignement de langue française. M. Yannick Bodin a souhaité que la recommandation insiste aussi sur l'intérêt de la formation scolaire et mentionne les activités culturelles et sportives, dont il a souligné le rôle très positif.
Evoquant la recommandation 7 relative à l'ouverture à la mixité de certains ateliers en prison, M. Yannick Bodin a insisté sur la dimension nécessairement expérimentale et dérogatoire de cette ouverture, compte tenu des difficultés pratiques qu'elle peut soulever. Mme Michèle André, présidente, et Mme Jacqueline Chevé ont illustré par des exemples concrets la difficulté d'ouvrir à la mixité des univers jusqu'alors très masculins, y compris en dehors de l'univers carcéral.
En accord avec Mme Christiane Kammermann qui insistait sur le respect des formes élémentaires de la politesse, M. Yannick Bodin a proposé de compléter la recommandation 19 insistant sur l'importance d'une attitude respectueuse à l'égard des détenus, en y intégrant le recours au vouvoiement. Il a insisté sur le rôle de l'encadrement dans le respect de ces règles.
Citant un témoignage recueilli à la prison de Fresnes, Mme Odette Terrade a expliqué combien pouvait être perturbant pour une détenue de se voir à nouveau appeler par un nom de jeune fille qu'elle n'avait plus utilisé depuis de nombreuses années. Mme Jacqueline Chevé a souligné combien la façon dont on appelait une personne lors de son entrée dans une institution collective pouvait avoir d'impact sur la qualité de la relation humaine ultérieure, comme on le voit, par exemple, lors de l'arrivée en maison de retraite d'une personne âgée.
A propos de la recommandation 23 relative à l'appréciation du degré de dangerosité des objets qui doivent être confisqués aux personnes placées en garde à vue, Mme Michèle André, présidente, a dénoncé la pratique qui consiste à les priver de leurs lunettes, et pour les femmes, de leur soutien-gorge, estimant que, dans ce domaine, il fallait inciter les personnels de police ou de gendarmerie à faire preuve de discernement.
Mme Françoise Laborde a rapporté que Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, lui avait indiqué que le rapport de la délégation était attendu par le Gouvernement qui comptait s'inspirer de ses recommandations pour améliorer les conditions de détention des femmes.
Au terme de cet échange de vues, la délégation a adopté, à l'unanimité, l'ensemble du rapport d'activité et les trente recommandations suivantes :
1. Dans le suivi statistique des différentes catégories de personnes privées de liberté, prendre en compte la question du genre, de façon à mesurer la place relative des femmes, et à percevoir leurs spécificités éventuelles.
2. Trouver un meilleur équilibre entre les exigences de sécurité et le respect de la dignité des personnes détenues. Limiter autant que possible le recours aux fouilles à corps notamment grâce à des équipements permettant aujourd'hui des pratiques plus respectueuses de la dignité.
3. Effectuer les examens médicaux dans le respect de la dignité et de l'intimité des personnes et veiller à ce que les examens gynécologiques et les accouchements soient obligatoirement pratiqués par le personnel soignant en dehors de la présence des personnels de surveillance.
4. Doter les établissements pénitentiaires accueillant des femmes des équipements nécessaires au suivi sanitaire des détenues, notamment en matière d'examens gynécologiques.
5. Permettre aux femmes détenues d'accéder dans les mêmes conditions que les hommes à une prise en charge psychiatrique renforcée dans les prisons et en hôpital, et augmenter en conséquence le nombre des services médicaux régionaux susceptibles de les accueillir.
6. Permettre à toute femme détenue de bénéficier des enseignements, formations et activités professionnelles, dès lors qu'elle le souhaite, et quel que soit l'établissement dans lequel elle est incarcérée. Veiller à ce que la gamme des formations ou des activités proposées y compris sportives et culturelles soit aussi large que possible, et qu'elle s'émancipe des stéréotypes sexués qui, en prison comme à l'extérieur, tendent à concentrer les femmes vers des filières considérées a priori comme « féminines ».
7. Ouvrir, à titre dérogatoire et expérimental, certains ateliers à la mixité pour remédier aux effets d'un cloisonnement qui aboutit à priver les femmes de certaines activités ou de certaines formations.
8. Veiller à ce que, lorsqu'une détenue a conservé l'autorité parentale, les prestations sociales légales soient transférées aux personnes ayant effectivement la garde de l'enfant.
9. Veiller à ce que la domiciliation des détenues auprès de l'établissement pénitentiaire leur permette de bénéficier pleinement des prestations légales d'aide sociale mentionnées à l'article L.121-1 du code de l'action sociale et des familles.
10. Réduire autant que possible, pour les hommes comme pour les femmes, le phénomène des « sorties sèches », qui consiste à libérer un détenu sans que celui-ci dispose ni de ressources, ni de solutions d'hébergement. Effectuer la préparation à la sortie le plus en amont possible pour les femmes détenues, qui, lorsqu'elles sont mères célibataires ou isolées, devront assurer seules l'exercice de l'autorité parentale.
11. Rechercher les moyens rendant plus accessibles pour les détenues, et notamment pour les détenues étrangères, les aménagements de peine.
12. Inciter les pouvoirs publics à effectuer toutes les démarches nécessaires pour permettre aux femmes françaises incarcérées à l'étranger de purger leur peine en France si elles le souhaitent.
13. Généraliser la conclusion de conventions entre les départements et les établissements pénitentiaires disposant d'une nurserie.
14. Soumettre les demandes formulées par les détenues qui souhaitent conserver auprès d'elles un enfant de moins de dix-huit mois à une évaluation pluridisciplinaire préalable faisant intervenir l'ensemble des services pénitentiaires et en particulier les services pénitentiaires d'insertion et de probation, de façon à déterminer si cette démarche est conforme à l'intérêt de l'enfant et aux capacités de la mère.
15. Remédier à l'impossibilité dans laquelle sont aujourd'hui les enfants d'étrangers sans papiers de rendre visite à leur mère détenue, en délivrant une autorisation de visite sur la base d'une simple formule déclarative.
16. Créer systématiquement des parloirs familiaux dans les établissements pénitentiaires accueillant des femmes, et généraliser progressivement les unités de vie familiale dans les établissements pour peines.
17. Veiller à ce que l'implantation des téléphones dans les établissements pénitentiaires garantisse l'intimité des conversations, et leur confidentialité à l'égard des autres détenues et des personnes non habilitées à en exercer la surveillance.
18. Garantir les conditions de l'exercice effectif de l'autorité parentale par le détenu et veiller à ce que toutes les informations et demandes d'autorisations relatives à l'enfant, sa santé, sa scolarité et son orientation soient portées sans délais à la connaissance du parent détenu par les administrations concernées.
19. Insister sur l'importance d'une attitude respectueuse des personnes, et sur le fait que l'observation des règles de civilité, et par exemple, le vouvoiement et le recours à des formules de courtoisie comme « Madame », font intrinsèquement partie de l'effort de réhabilitation des personnes condamnées.
20. Encourager une plus grande mixité des fonctions de responsabilité.
21. Proposer et dispenser systématiquement une formation aux visiteurs de prison.
22. Au nom des droits de la défense, garantir aux personnes placées en garde à vue des conditions d'hygiène convenables pour qu'elles puissent comparaître dignement devant un juge, un procureur ou un officier de police judiciaire.
23. Faire preuve d'une juste appréciation du degré de dangerosité des objets susceptibles d'être considérés comme dangereux, et à ce titre confisqués aux personnes placées en garde à vue.
24. Préciser par voie réglementaire les modalités de l'accueil des femmes dans les centres de rétention afin de limiter les incertitudes juridiques et de donner aux chefs de centre un référentiel précis en ce domaine, conformément aux préconisations de la Cour des comptes.
25. Veiller à ce que dans les centres de rétention administrative l'agencement des locaux et, par exemple, l'opacité de certaines parois, préserve le respect de l'intimité des femmes retenues.
26. Compléter les rénovations matérielles pour une amélioration des conditions de visite aux personnes retenues afin de leur assurer un séjour plus calme et digne.
27. Dans la perspective d'une prochaine réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux mesures d'hospitalisation sans consentement des personnes malades atteintes de troubles mentaux, lever les incertitudes juridiques qui freinent le recours à la « sortie d'essai » et instaurer des soins ambulatoires sous contrainte.
28. Sans remettre en cause le principe général de mixité des services de psychiatrie, réfléchir à la création de structures spécialisées pour les femmes, notamment pour celles qui affirment avoir été victimes de violences sexuelles lors de leur hospitalisation sous contrainte.
29. Développer les partenariats entre tous les acteurs concernés par l'hospitalisation d'office et définir des protocoles permettant, particulièrement en cas d'urgence, d'agir au mieux des intérêts des patients et de leur famille.
30. Préserver la confidentialité de l'hospitalisation et, plus généralement, veiller au respect de la vie privée des patients hospitalisés sous contrainte, notamment du secret de leur courrier personnel.
Mme Jacqueline Panis s'est réjouie du climat de compréhension dans lequel s'étaient déroulé les travaux en 2009, souhaitant que ceux-ci se poursuivent en 2010 dans une atmosphère aussi constructive.
Mme Michèle André, présidente, a décrit les circonstances dans lesquelles s'étaient noués les contacts avec les ministres en charge de défendre la réforme territoriale devant le Parlement. Elle a relevé que, après un début difficile, le Gouvernement semblait maintenant prêt à engager la discussion et que les représentantes des délégations aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient indiqué à M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lors du dernier entretien qu'elles avaient eu avec lui, qu'elles attendaient du Gouvernement qu'il fasse des propositions pour garantir aux femmes un accès plus égal aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Mme Jacqueline Panis a observé que la réduction du nombre de mandats électifs qu'allait entraîner la réforme se traduirait par des tensions accrues dans la désignation des candidats, et que ces tensions ne seraient pas favorables à la progression des femmes.
Mme Michèle André, présidente, a souhaité que les membres de la délégation s'impliquent dans ce débat dès la discussion du projet de loi n° 63 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Elle a rappelé, par ailleurs, que l'Association des maires ruraux était partisane de l'extension du système des listes complètes et bloquées pour les communes les plus petites, la pratique qui consistait à rayer des noms pouvant aboutir à des blocages.
M. Yannick Bodin a estimé nécessaire d'éviter que seules des voix féminines défendent le principe de la parité politique en réaffirmant son engagement personnel au service de cette cause. Il s'est également interrogé sur l'importance de l'impact, pour la parité, de la disposition qui prévoit la suppléance des conseillers généraux par une personne de sexe opposé.
Mme Michèle André, présidente, a enfin annoncé qu'elle souhaitait interroger le Gouvernement sur le bilan de l'application des dispositions relatives à la prostitution inscrites dans la loi sur la sécurité intérieure. Puis, évoquant les thèmes d'études susceptibles d'être retenus par la délégation en 2010, elle a estimé que, compte tenu de l'agenda chargé qui risquait d'être celui de la délégation, il conviendrait peut-être de privilégier un thème moins riche et complexe que celui de la maternité, qu'elle avait d'abord envisagé, et que le sujet « femmes et sport » serait peut-être, de ce point de vue, plus facile à traiter.