- Mardi 1er février 2011
- Mercredi 2 février 2011
- Groupe de suivi du schéma national des infrastructures de transport - Présentation des conclusions provisoires
- Conseil européen sur l'énergie - Audition de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
- Audition de M. Philippe de Ladoucette, candidat aux fonctions de président de la Commission de régulation de l'énergie
Mardi 1er février 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Audition de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement
La commission procède à l'audition de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous sommes heureux, madame la ministre, que vous soyez venue aujourd'hui nous présenter le périmètre de votre ministère et débattre de dossiers d'actualité. Les groupes d'études sur les déchets, le littoral, la chasse et la pêche et l'énergie se joignent à cette réunion, où nous aborderons sans doute aussi la question du Schéma national des infrastructures de transports (SNIT) et de la biodiversité.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. - Merci de votre accueil. Je vous présenterai d'abord l'état d'avancement de deux dossiers initialement liés, mais dont les calendriers divergent : le SNIT et le Grenelle.
Le SNIT est un concept éminemment grenellien : c'est un plan élaboré en partenariat par tous les acteurs concernés, et destiné à donner de la visibilité à long terme à l'État aussi bien qu'aux collectivités territoriales, qui cofinancent les projets. Il répond aux objectifs fixés par le Grenelle pour les transports : développement de l'intermodalité, du report modal et des transports alternatifs à la route. L'avant-projet diffusé en juillet a donné lieu à une première concertation au sein du comité Grenelle ; l'Autorité environnementale a donné un avis, et de nombreuses réactions se sont fait entendre : le site internet du ministère permettait à chacun de s'exprimer librement. M. Thierry Mariani et moi-même en avons tenu compte dans le nouvel avant-projet diffusé la semaine dernière : nous nous sommes efforcés de mieux mettre en évidence la cohérence d'ensemble du schéma, de clarifier le statut des projets qui n'apparaissent pas dans le SNIT bien qu'ils aient vocation à être réalisés, et nous avons entendu ceux qui déploraient que l'on ne se souciât pas assez de l'entretien et de l'amélioration de l'existant.
L'optimisation et l'articulation des infrastructures existantes, afin de limiter la création de nouveaux équipements, constituent justement l'un des axes de l'avant-projet consolidé. Nous nous sommes également intéressés à la performance des systèmes de transports, notamment en termes énergétiques. L'empreinte énergétique des nouvelles infrastructures est analysée. Les critiques demeurent les bienvenues : le SNIT n'est pas une reviviscence de l'ancien plan, mais un document d'un type nouveau, fondé sur la concertation. Je sollicite votre indulgence : il a fallu tenir compte du contexte européen ; si d'ailleurs tous les problèmes de financement ne sont pas réglés - je n'ai pas encore trouvé les 170 milliards nécessaires - le coût des projets a été évalué de manière plus fine, afin que les besoins même puissent être programmés.
La concertation se poursuivra au sein du comité Grenelle et sur internet, le Conseil économique, social et environnemental sera ensuite saisi et un débat sans vote sera organisé au Parlement, si possible avant l'été. L'avant-projet est un texte de compromis, mais qui s'inscrit résolument dans une dynamique de développement durable.
Après les réunions et les 268 engagements de l'automne 2007, après la phase législative qui s'est achevée récemment, le Grenelle est entré dans sa phase de maturité : celle de la transcription réglementaire des lois votées - pas moins de 200 décrets doivent être publiés cette année, dont 135 en Conseil d'État - et de la réalisation de certains engagements à propos desquels des études approfondies ont dû être entreprises. C'est en 2011 que seront mises en oeuvre le plus grand nombre de mesures du Grenelle. De nouvelles normes techniques s'appliqueront dans un an à tous les logements nouveaux. Des investissements publics importants seront consentis cette année dans les domaines industriel et technologique, notamment dans le cadre des investissements d'avenir, et des appels à projets et à manifestations d'intérêt seront lancés. Dans le cadre du plan national santé-environnement, l'étiquetage environnemental de tous les matériaux de décoration et de mobilier sera rendu obligatoire. En 2011 sera lancée la cohorte Elfe (étude longitudinale française depuis l'enfance), qui consiste à suivre 20 000 enfants pour des études épidémiologiques. Quant au « prix écologique » des produits, 230 entreprises se sont déclarées volontaires pour l'afficher à côté du prix commercial à partir du mois de juillet.
Dans les domaines du logement et de l'urbanisme, certains dispositifs seront « verdis », et s'agissant de l'urbanisme de projet, j'attends des propositions rapides. La formule de calcul de l'emprise au sol sera modifiée par ordonnance, afin de ne plus tenir compte de l'épaisseur des murs et de favoriser ainsi les constructions économes en énergie. Le prêt à taux zéro rénové sera différencié en fonction des territoires et tiendra compte des enjeux environnementaux ; ses bénéficiaires seront plus nombreux que ceux de l'ancien dispositif : 350 à 380 000 contre un peu plus de 200 000.
La ville retient particulièrement mon attention. La semaine prochaine sera lancé le deuxième volet des appels à projets de transports en commun en site propre, pour un montant total de 592 millions d'euros. D'autres appels à projets seront publiés pour les éco-cités et les éco-quartiers : je souhaite que les exemples essaiment, et j'en appelle à la contribution des collectivités.
Les années qui viennent seront déterminantes au plan international. Lors du vingtième anniversaire du sommet de la terre de Rio en 2012, j'espère que nous parviendrons à faire fusionner les secrétariats des conventions multilatérales existantes pour créer une Organisation mondiale de l'environnement. En décembre 2011 se tiendra à Durban une conférence sur le changement climatique qui sera celle de la dernière chance, si nous voulons donner une suite au protocole de Kyoto qui expire fin 2012. Enfin la présidence du G8 et du G20 doit être l'occasion de développer des financements innovants pour abonder le fonds vert sur le climat créé à Cancun : l'objectif est de réunir 100 milliards de dollars par an d'ici 2020.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Le groupe de suivi du Grenelle, qui sera mis en place conjointement au Sénat et à l'Assemblée nationale et associera des représentants de la majorité et de l'opposition, devrait remettre ses conclusions en juin.
M. Bruno Sido. - En tant que rapporteur des lois Grenelle I et II, je m'inquiète que de nombreux décrets d'application n'aient pas été publiés dans les délais prévus. Comment l'expliquer ? Je souhaite que les plus importants - par exemple ceux concernant les trames verte et bleue et la publicité extérieure - soient transmis à notre commission avant de l'être au Conseil d'État. Le groupe de suivi vous sollicitera.
S'agissant des énergies renouvelables, pouvez-vous nous donner des précisions sur les appels d'offres relatifs à l'éolien offshore annoncés par le Président de la République ? Comment favoriser la filière française ? Une concertation est en cours au sujet du « moratoire du photovoltaïque » ; des mesures législatives sont-elles envisagées ? La Commission européenne relève que nos objectifs pour 2010 n'ont pas été atteints : 15,4 % d'énergies renouvelables au lieu de 21 %. Comment faire pour redresser la barre et atteindre 23 % en 2020 ?
Le marché des quotas d'émission de CO2 a été fermé le 19 janvier, à la suite d'importants vols de certificats. Quel impact cela aura-t-il ? Quand le marché rouvrira-t-il ? La France est-elle concernée par ces failles de sécurité ?
Quant à la biodiversité, où en est la mise en place des trames verte et bleue ? Le Grenelle avait fixé un objectif d'acquisition de 20 000 hectares de zones humides : où en est-on ? Pouvez-vous faire le point sur l'application du plan national de restauration des cours d'eau ? Lors de l'examen de la loi « Grenelle I », le Sénat avait souhaité que l'on préférât l'aménagement des ouvrages à leur effacement. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quels moyens financiers ont été dégagés ?
M. Dominique Braye. - Le Président de la République a annoncé un moratoire sur les normes pesant sur les collectivités et une simplification des normes existantes. A la demande du président Gérard Larcher et sous l'égide du président Emorine, notre commission a recensé les domaines où cette simplification est particulièrement nécessaire : l'environnement est au nombre d'entre eux. Il est donc indispensable que les services centraux et déconcentrés du ministère s'investissent pleinement dans cette démarche menée par le Commissaire à la simplification.
Prenons l'exemple de la nomenclature des installations classées. Il semble que, dans le projet de révision, le seuil d'autorisation des déchetteries ait été considérablement abaissé au détriment de la procédure plus simple de la déclaration : cela impliquera des enquêtes publiques plus fréquentes et des difficultés supplémentaires pour les élus locaux. Un problème similaire se pose pour la pollution naturelle par les chlorures, qui, à en croire certains, pourraient faire d'excellents amendements agricoles.
J'en viens à la politique des déchets. Trois ans après le lancement du Grenelle, aucune nouvelle filière de responsabilité élargie du producteur (REP) n'a été mise en place, ce que les élus locaux déplorent, eux qui sont soumis à de fortes hausses de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). La REP sur les déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) n'est toujours pas applicable, alors que le Parlement en a voté le principe il y a deux ans. Les discussions sur les déchets diffus des ménages semblent bloquées, et la création de la filière « meubles » a été reportée d'un an. Pouvez-vous vous engager à ce que les négociations s'accélèrent, et à publier le décret manquant sur les Dasri le plus rapidement possible ?
Où en sont les discussions interministérielles sur la tarification incitative ? Ce projet me semble incompatible avec le fait que le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ne couvre qu'une partie du service rendu.
Où en est l'élaboration de la Charte des composts ? La mission d'information sur les déchets a conclu à la nécessité de disposer de composts de qualité, sans préjuger toutefois du type de collecte des déchets, car la collecte sélective de biodéchets reste une entreprise coûteuse et aléatoire. Quel est votre sentiment ?
Vous avez hérité du dossier d'Eco-emballages, qui a suscité bien des mécontentements chez les élus. Nous comptons sur vous pour rénover la gouvernance de ces filières, en associant pleinement les associations d'élus concernées, comme l'Assemblée des communautés de France, et en exigeant une plus grande transparence sur les coûts.
M. Ladislas Poniatowski. - Un moratoire de trois mois a été déclaré sur le rachat d'électricité photovoltaïque : c'est tout à fait justifié, car une véritable folie spéculative s'était emparée des producteurs. Nos objectifs sont à peu près remplis pour la biomasse, l'éolien et, quant au photovoltaïque, pour la production des particuliers et les installations au sol ; mais s'agissant des équipements sur toitures de bâtiments agricoles ou industriels ou de parkings commerciaux, les projets déposés représentent 80 % des objectifs fixés par le Gouvernement d'ici 2020 ! La mission Charpin doit rendre ses conclusions en mars. Il semble que l'on s'oriente vers la fixation de nouveaux tarifs, qui donneront aux industriels une vision à moyen terme, et de quotas annuels : c'est le bon sens, il en aurait fallu dès le début ! On parle d'un quota de 500 mégawatts : 150 MW pour les particuliers, 150 MW pour les toitures et 200 MW pour les installations au sol. Mais comment répondre aux projets déjà déposés d'installations sur toitures, qui représentent pas moins de 1,2 gigawatt (GW) ? S'agissant du photovoltaïque au sol, la Commission européenne s'émeut du quasi monopole d'EDF Énergies nouvelles. Nous sommes déjà exposés à de nombreux litiges dans ce domaine, n'allongeons pas la liste !
Sur l'éolien offshore, il faut un échéancier précis mais souple. Les résistances sont inégales sur les trois sites envisagés. Le projet normand et picard suscite un tollé parmi les pêcheurs. Inspirons-nous du modèle danois : des centaines d'éoliennes ont été implantées au large de Copenhague, après que la fronde des pêcheurs a été apaisée.
Le gaz de schiste est pour les uns le moyen rêvé d'assurer notre indépendance énergétique, pour les autres une grave menace environnementale. Aucun de ces deux points de vue n'est entièrement erroné. Ce gaz offre des opportunités très intéressantes, que les États-Unis, avec des moyens techniques défectueux, ont choisi d'exploiter à fond : il représente déjà 15 % de leur production de gaz, et cette proportion s'élèvera à 25 à 30 % dans dix ans. Votre prédécesseur a délivré une dizaine de permis de recherche - et non d'exploitation - sur le territoire français. Pensez-vous que d'ici deux ans, lorsqu'il sera possible d'exploiter ces gisements, nous disposerons des ressources technologiques nécessaires pour le faire sans abîmer nos paysages et notre sous-sol ? Car il n'est pas question de reproduire les techniques américaines, qui consistent à faire éclater la roche avec du sable et de l'eau, avec de graves risques écologiques.
M. Francis Grignon. - Je me réjouis que les canaux du Rhin et de la Moselle figurent dans la version consolidée de l'avant-projet de SNIT, ce qui est conforme aux dispositions votées dans la loi dite Grenelle I. Mais rien ne peut se faire dans l'Est tant que le projet du Nord n'est pas achevé. Quand peut-on espérer qu'il le sera ?
Je m'étonne que les rapports sur la généralisation de la circulation des 44 tonnes et la circulation à 80 km/h sur autoroute pour tous les poids lourds n'aient pas été publiés, alors que les décrets l'ont déjà été.
Quant au fret ferroviaire, devenu un engagement national du Gouvernement, j'ai déjà dénoncé la politique commerciale de la SNCF. Je déplore surtout que la Deutsche Bahn (DB) ait remporté le marché de La Rochelle : la SNCF prétendait ne pouvoir mettre en place les installations avant trois ans, la DB l'a fait en quatre mois, et le trafic a doublé en six mois. L'objectif est à présent de faire rouler un train par jour, regroupant des wagons isolés, ce qui ferait disparaître soixante-dix camions. Je crains que la SNCF ne connaisse la même déconvenue en Alsace.
M. Louis Nègre. - S'agissant des 44 tonnes, il faut trouver un équilibre entre l'obligation d'un sixième essieu à partir de 2019 et la limitation de la vitesse à 80 km/h.
Je salue les efforts du Gouvernement sur le ferroviaire. Mais des problèmes se posent aussi bien pour le transport de voyageurs - sur la ligne Strasbourg-Port Bou, mais également dans ma région où une association des naufragés du TER a été créée - que pour le fret, comme l'a confirmé le récent rapport de notre commission. J'ai ici un courrier qui m'a été adressé par la direction de Vossloh Cogifer, leader français des lignes à grande vitesse, qui m'annonce que la politique commerciale de la SNCF l'obligera à transporter par la route jusqu'à Anvers les appareils destinés à la construction des chemins de fer libyens et suédois, et qui envisage en conséquence de « repenser l'organisation de son outil industriel ». D'autres chargeurs m'ont fait part de leur inquiétude. Il est temps de lancer un Grenelle du ferroviaire.
Il est possible de créer en France une filière du véhicule électrique, à condition de mettre en place au niveau gouvernemental une task force assurant la pérennité de l'action publique, et de créer une association fédérant les acteurs.
Je me réjouis que l'avant-projet de SNIT ait été amendé pour tenir compte des nombreuses réactions. La commission en discutera demain, et le groupe de suivi prendra position. Où en est la concertation au niveau départemental et régional ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Bruno Sido, il a fallu mettre en place une organisation quasi militaire au sein du ministère pour que les décrets du Grenelle soient publiés rapidement ; des structures ad hoc ont été créées, y compris au niveau interministériel, et je compte que 80 % des décrets seront publiés d'ici le mois de juillet. Encore faut-il se laisser le temps de la concertation.
Il faut, j'en suis d'accord, encourager la création d'une industrie éolienne offshore nationale. Les appels d'offres ont été lancés sur la base de 3 GW, afin de donner aux producteurs la visibilité nécessaire ; deux ou trois consortiums devraient déposer des projets. La France dispose d'atouts avec ses technologies de pointe - turbines, matériaux composites... -, un plateau continental plat, des équipements portuaires, et une façade maritime, pour exporter sa production vers le marché européen.
Je reviendrai sur le photovoltaïque, mais ce dossier ne devrait pas nécessiter de mesures législatives.
Dans le cadre de notre politique de protection de la biodiversité, j'ai transmis au Conseil d'État un premier décret d'application des projets de trames verte et bleue. Pour les financer, je compte faire des propositions à l'occasion de la réforme de la fiscalité du patrimoine : de même qu'une fiscalité du patrimoine culturel, qui repose sur les lois Malraux et Aillagon, il existe une fiscalité du patrimoine naturel, mais il faudrait regrouper les dispositifs existants et s'appuyer par exemple sur la taxe sur l'imperméabilisation. Vous m'avez aussi interrogée sur le plan national de restauration des cours d'eau ; la directive européenne ne tranche pas entre l'aménagement et l'effacement des ouvrages, et nous nous prononçons au cas par cas.
Notre objectif est en effet de porter à 23 % la proportion d'énergies renouvelables. Nous sommes sur la bonne voie, même si les progrès sont inégaux selon les sources d'énergie. Nous espérons tirer 6 GW de l'éolien offshore en 2020 : c'est très réaliste, puisque des appels à projets pour 3 GW ont été lancés et que les équipements devraient être mis en service dès 2015. L'éolien terrestre, en revanche, marque le pas : il faudra revoir les schémas directeurs régionaux, car je ne peux admettre que certaines régions excluent toute implantation d'éoliennes de leur territoire. Une réévaluation du tarif de rachat du biogaz devrait être annoncée en février ; nous voulons aussi permettre l'injection directe dans le réseau du biogaz purifié. La géothermie, elle aussi, progresse. Reste le problème du photovoltaïque. L'enjeu sera en 2011 de stabiliser les cadres, qu'ils soient nouveaux ou refondus.
Oui, le marché du CO2 est bloqué au niveau européen. Aucune attaque n'a réussi car notre système est le meilleur. Nous travaillons avec Christine Lagarde à une relance du registre français.
J'avais pris, lors de l'examen au Sénat du budget, l'engagement de travailler à la simplification des normes. Cet engagement est total, qu'il s'agisse de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ou de la simplification elle-même. Jean-Luc Warsmann va traiter de la partie entreprises, et Eric Doligé de la partie collectivités. Nous disposerons des premières propositions fin février. Nous avons tendance à empiler les règlementations et à décourager les bons projets. Sans rien lâcher sur les principes, nous pouvons aujourd'hui avoir des règles plus simples.
S'agissant des déchets pollués au chlorure, il faut voir avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Je suis mobilisée sur la responsabilité élargie des producteurs. Le décret relatif aux DASRI a été notifié à la Commission européenne fin décembre et sera transmis au Conseil d'État en 2011 ; celui sur les déchets diffus des ménages le sera en février et l'étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) sur les déchets de l'ameublement est prêt. La tarification de la TEOM fait l'objet d'un débat interministériel car dans certaines collectivités son produit est en deçà des coûts, dans d'autres il est au-delà : il est nécessaire d'apporter des explications à nos concitoyens. Le groupe de travail sur le compost n'a pas abouti à des conclusions consensuelles. Nous recevrons la FNSEA afin de débloquer le dossier. Oui, le dossier « Eco-emballages » est un sujet sensible et j'ai constaté à ma prise de fonction que la blessure était encore ouverte. Je recevrai très prochainement les élus avec le président Jacques Pélissard pour avancer sur une base plus consensuelle.
Il a été nécessaire de suspendre l'aide à la filière photovoltaïque. Cette décision, que j'ai dû annoncer dès ma prise de fonctions, n'a pas été facile. On savait qu'il fallait le faire mais l'année 2010 avait été bousculée pour les tarifs. Aucune décision n'est définitivement arrêtée et il va y avoir concertation. On constate des problèmes de répartition entre les intervenants, des projets d'un montant total de 800 millions ayant été reçus par ERDF du 2 au 9 décembre. La concertation Charpin-Trink fera le point. Le moratoire permettra de faire la transparence et de dissiper le sentiment d'injustice de certains.
Le dispositif « Toitures » n'est pas une proposition du gouvernement. Le monde agricole voit dans le photovoltaïque...
M. Roland Courteau. - ... une réponse à la crise !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - En effet, mais ce n'est pas la vocation de la contribution du service public de l'électricité (CSPE), qui se traduit dans la facture d'électricité des Français. Un pilotage en fonction du volume de CSPE plutôt que par la puissance serait plus lisible. J'ai été enthousiaste quand le Premier ministre a demandé qu'on dise aux Français combien leur coûte le photovoltaïque (25 € sur une facture moyenne de 600 pour 3 GW) : s'ils sont prêts à payer pour le développement des énergies renouvelables, ils n'apprécieraient pas d'en découvrir le coût après coup ; il faut faire ainsi pour le photovoltaïque comme pour l'éolien offshore. Dans le même temps, il faut prendre garde à l'impact sur l'emploi : le déficit commercial pour les panneaux solaires est passé de 800 millions en 2009 à 1,5 milliard en 2010.
Les 3 GW d'éolien offshore représentent 10 000 emplois. De Dieppe à Saint-Nazaire, l'hostilité du monde des ports n'est pas générale. Les critères du cahier des charges portent sur les prix (40 %), la filière industrielle (40 %) et les exigences environnementales (20 %). Ces dernières concourent à l'acceptabilité des projets car les zones de non-pêche peuvent être des zones de reproduction : les récifs artificiels, ça marche bien ! Quant à l'échéancier, le cahier des charges permet des caractéristiques par zone.
Un mot des gaz de schiste, car il faut bien distinguer permis d'exploration et d'exploitation sur une dizaine de permis d'exploration accordés depuis 2004, aucun n'a été transformé en permis d'exploitation. Les images venues des États-Unis ou du Canada révèlent des dangers pour l'environnement que nous ne voulons pas prendre. Les permis d'exploration ont pour objet de faire la preuve qu'une autre exploitation est possible. Je comprends l'émotion sur place...
M. Didier Guillaume. - Énorme !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Il faut faire la part des choses.
M. Didier Guillaume. - Personne ne l'explique...
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - J'ai répondu à une question au Gouvernement la semaine dernière. J'ai convaincu Frédéric Mitterrand de proposer, pour l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité, non pas le beau dossier du bassin minier du Nord, mais le projet Causses-Cévennes. Or j'ai accordé un permis d'exploration dans cette zone : voilà la preuve qu'on n'aura pas les conséquences visuelles que l'on voit sur internet. Face aux crispations, une réponse de l'État est nécessaire ; j'ai donc transmis au Premier ministre des éléments pour répondre à cette inquiétude.
Où en est le projet du canal Seine-Nord-Europe ? Le financement est presque bouclé : 900 millions de l'État, 500 millions des régions, 200 millions des conseils généraux et 333 millions de la Commission européenne ; avec l'apport de l'Île-de-France, l'on est à 97 %. Les choses sont prêtes, l'on n'attend plus que l'arbitrage du Premier ministre.
Vous m'avez également interrogée sur les 44 tonnes. En raison des pressions du monde agricole, nous avons prévu le sixième essieu en 2014 pour les véhicules neufs et en 2019 pour tous les autres. L'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes est immédiate pour le transport des produits agricoles et agroalimentaires.
Le concessionnaire pour le dialogue exclusif sur l'écotaxe a été choisi. Le calendrier 2012 sera tenu avec un consortium comprenant la SNCF, Thalès, Steria, SFR et Autostrade. Oui, la Deutsche Bahn a remporté le marché de La Rochelle pour une raison de détail, le contrôle des factures de la clientèle. Le développement du fret ferroviaire fait l'objet de la plus grande attention. Nous en parlions hier avec le Premier ministre et les présidents de la SNCF et de RFF dans le train qui nous menait à l'inauguration du dernier rail de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône branche est. Des restructurations sont nécessaires dans un premier temps, qui ne donnent pas des chiffres très avantageux. Nous avons pourtant accéléré le rythme des réformes. La ligne Perpignan-Bettembourg fonctionne bien mais l'on se heurte à des problèmes d'infrastructures ou d'interconnexions Quant aux grands ports maritimes, les grèves sont pénalisantes mais elles ne devraient pas se reproduire car la loi portant réforme portuaire a introduit des dates butoir pour le transfert d'outillage et de personnel.
La SNCF est victime de son succès sur le transport des voyageurs, avec une augmentation de 40 % dans le TER et de 26 % dans le Transilien depuis 2002, mais avec un matériel vieillissant (les rames TGV ont 30 ans alors que leur durée de vie théorique ne devrait pas dépasser 20 ou 30 ans). Il y a plus de demandes, plus de projets, et plus de renouvellement. La taxe sur les péages d'autoroute aidera à équilibrer cela...
M. Michel Teston. - C'est l'usager qui paie...
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - ...mais une augmentation plus importante de cette taxe pourrait poser un problème du côté de Bruxelles.
Le rapport sur le véhicule décarboné est excellent et je compte le mettre en oeuvre. Atteindre 2 millions de véhicules décarbonés d'ici 2020 suppose de prendre des initiatives. Le soutien est reconduit pour les véhicules émettant moins de 60 grammes de CO2 par kilomètre. Il convient aussi de développer les infrastructures pour le chargement des batteries, qui a révélé un risque. Avec un investissement d'un milliard via le PREDIT, nous agissons pour le véhicule décarboné.
Le groupe de suivi sur le fret ferroviaire se réunira prochainement. Les syndicats demandent une évaluation de l'engagement national au regard de la lutte contre le réchauffement climatique car ils estiment que le plan de réforme du wagon isolé que mène la SNCF va à l'encontre des objectifs du Grenelle de l'environnement.
M. Michel Teston. - Pour porter la part modale du fret non routier et non aérien de 14 % à 25 % en 2022, il faut des infrastructures en bon état. Des efforts ont bien été consentis pour la régénération du réseau mais l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) a des ressources limitées et RFF souffre d'une dette colossale, 28 milliards d'euros ! Quelles solutions l'État propose-t-il pour que l'une reçoive des ressources suffisantes et pour alléger la dette de l'autre ?
Si l'avant-projet de SNIT est une déclinaison stratégique et non programmatique du Grenelle privilégiant les modes alternatifs à la route, on ne doit pas écarter les aménagements routiers pour les départements non desservis par le rail - je pense au sud de l'Ardèche. La plupart de ceux qu'avait identifiés un rapport de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) en 2003 n'apparaissent pas dans l'avant-projet. Qu'allez-vous faire pour un aménagement équilibré du territoire ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous aurons le 15 février un débat sur le SNIT.
M. Christian Poncelet. - L'axe européen E 512, l'ex-RN 66, relie aujourd'hui Remiremont à Bâle en passant par Mulhouse. Il ouvre ainsi vers Metz, Epinal et le Nord de l'Europe d'une part, l'Italie et la Grèce d'autre part. Le ministre Jean-Louis Borloo m'avait promis que la déclaration d'utilité publique pour la prolongation de la déviation de Rupt sur Moselle vers Le Thillot serait prise en décembre 2010. Mais aujourd'hui le dossier est bloqué. En septembre, les fonctionnaires de l'Équipement sont venus présenter le schéma de cette liaison à quatre voies dont la première réalisation portera sur deux voies. Quand aurons-nous la déclaration d'utilité publique pour la section Rupt-Le Thillot ? Cherche-t-on à faire diversion pour masquer l'absence de moyens financiers ? Si oui, il faut nous le dire. Je considère pour ma part que l'administration n'est pas responsable de ce retard.
En Lorraine, un TER croise le TGV. Il aurait été logique de situer la gare de connexion à Vandières, mais l'on a préféré construire la gare à Louvigny, au milieu d'un champ de betteraves, dans l'espoir de desservir l'aéroport Metz-Nancy-Lorraine, qui ne sert plus à rien. C'est scandaleux ! Il y a eu à l'époque une réunion publique avec les présidents de la SNCF et de RFF ; le président du conseil général de Meurthe-et-Moselle et moi-même avons déclaré que c'était un non-sens. Vandières devrait accueillir la future gare d'interconnexion entre la ligne ferroviaire à grande vitesse allant de Paris à Strasbourg et la ligne existante de Nancy à Metz. Le conseil régional en a délibéré, il est prêt à prendre la maîtrise d'ouvrage et à financer la construction de la gare de Vandières à hauteur de 80 % ! Le décret portant déclaration d'utilité publique est pourtant en instance au Conseil d'État. Ces messieurs bavardent... Quand aurons-nous une réponse ? Là encore, l'administration n'est pas en cause, toutes les difficultés sur ce dossier viennent de décisions politiques inconséquentes.
Mme Mireille Schurch. - Le caractère multimodal du SNIT n'est pas assez fortement affirmé : ne pourrait-on l'appeler « schéma multimodal » ? De même, la vision de l'aménagement du territoire est segmentée. Que deviennent les territoires isolés et quels remèdes apporte-t-on ? On aurait aimé une vision plus large.
S'agissant de l'axe est-ouest, 8 000 camions traversent chaque jour l'Allier via la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA) - et bientôt les 44 tonnes. Pour éviter les accidents, il faudrait disposer d'autres infrastructures ; les poids lourds ne vont pas sur l'A 89, d'où la situation catastrophique et meurtrière sur les routes de l'Allier.
Le cadencement ne doit pas entraîner de dégradation des dessertes ferroviaires. Ce serait pourtant le cas du Paris-Bourges et du Paris-Montluçon, lequel demanderait un quart d'heure de plus et passerait à 3 h 45.
Peut-on évaluer les externalités négatives du transport routier de marchandises ? Comment le choix des projets et de leur calendrier se fait-il ? La LGV pour Clermont-Ferrand, seule métropole régionale à ne pas être desservie par le TGV, se fera-t-elle avant 2020 ? Ne peut-on d'ailleurs avoir une cartographie européenne ?
M. Jean-Pierre Vial. - Je veux d'abord vous féliciter, madame la Ministre, parce que le dispositif prévu dans la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité par notre collègue Ladislas Poniatowski sur l'effacement en période de pointe est déjà en application. Vous avez signalé que la balance commerciale était négative pour les panneaux solaires. Encore faudrait-il qu'existe une filière nationale et il n'y en aura pas sans marché d'au moins 700 à 800 mégawatts. Le rapport Charpin doit nous donner des éléments pour la constituer.
Vous avez également souligné votre intérêt pour le fret ferroviaire. Voilà dix ans qu'a été signé le traité franco-italien qui pourrait faire l'objet d'un avenant, pour le corridor sud-européen qui reliera l'Espagne à Budapest par Lyon et Turin. Je sais l'engagement de Thierry Mariani. Il est difficile de solliciter Bruxelles, qui s'impatiente, sans un engagement franco-italien.
M. Roland Courteau. - Oui, la collectivité supporte le coût du décollage de la filière du photovoltaïque. Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de corriger les dérives mais je vous mets en garde car il ne faut pas condamner cette filière qui a créé 25 000 emplois en trois ans. Une industrie française performante est possible à condition qu'existe un marché domestique suffisant et en croissance ; or la proposition de quota annuel de 500 mégawatts serait mortifère. Pourquoi les usines s'installent-elles en Allemagne malgré des tarifs de rachat plus bas ? Parce que les perspectives y sont claires. Résultat, 200 000 emplois y ont été créés alors que le soleil n'y brille pas plus qu'en France. Si une refonte du dispositif est nécessaire, elle ne doit pas casser la dynamique de la filière. Le soutien qu'on apporte à celle-ci est transitoire et son coût maîtrisé. Pourquoi ne pas privilégier un pilotage par le plafonnement du montant de la CSPE plutôt que par la puissance ? Je rappelle d'ailleurs qu'existent la ponction de la cogénération du gaz et la péréquation. S'il faut exclure tout appel d'offres sauf pour les centrales au sol de plus de 12 mégawatts, l'on peut prévoir une dégressivité du tarif. La concertation doit être vraiment ouverte.
M. Gérard Bailly. - Vous étiez hier à la soudure du dernier rail de la banche Est du TGV Rhin-Rhône. La cohérence voudrait qu'il ait une branche Sud. Qu'en est-il ?
Depuis le Grenelle, le président de la République a déclaré qu'il ne voulait pas de normes supplémentaires. Cependant, les collectivités ne vont-elles pas supporter des charges supplémentaires ? Interrogés par Le Progrès de Lyon, 4 800 internautes ont répondu à 96 % qu'ils n'étaient pas prêts à payer plus cher leur électricité ; selon un autre sondage, ils étaient déjà 80 % à ne pas vouloir une politique plus écologique. Des gens se sont engagés dans le photovoltaïque, et ont été surpris par le moratoire. Le paysan que je suis pense aussi que la production d'énergie solaire était adaptée à nos exploitations, qui ne sont pas assez grandes pour la biomasse.
Pouvez-vous nous expliquer le projet de parc national de zones humides dans le Jura ? Le dossier semble ficelé mais notre région compte déjà un parc régional et 23 % en zones Natura 2000 : tout va être classé, Dôle même finira par se retrouver dans un parc...
M. Michel Bécot. - La route Centre-Europe Atlantique, qui part de Nantes, est bloquée en arrivant dans les Deux-Sèvres. La seule issue possible est une concession d'autoroute. Il faut ouvrir la concertation sur ce projet, connaître les intentions des entreprises et en sortir !
M. Marc Daunis. - L'avenir de la filière photovoltaïque est très important. On ne peut pas avoir une position schizophrénique, déplorer la désindustrialisation et vouloir rester dans le train des technologies vertes d'un côté, mener une politique erratique à l'égard de ceux qui entreprennent de l'autre. De nombreuses TPE avaient investi dans la recherche sur la nouvelle génération du photovoltaïque ; toutes ne survivront pas à la décision brutale à laquelle elles ont été confrontées et celles qui tiendront ne pourront maintenir leur effort de recherche. Vous avez annoncé le moratoire pris par votre prédécesseur...
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Par le Premier ministre !
M. Marc Daunis. - N'aurait-il pas été préférable de travailler sur des critères de performance, de lieu de production, d'émissions de gaz, favorisant la filière tout en respectant le droit de la concurrence ? Les Allemands savent très bien le faire.
Je ne mentionnerai la géothermie et la biomasse que pour demander quelle est la visibilité des politiques publiques. Enfin, je signale un problème sur le SNIT. L'A 51 va-t-elle faire l'objet d'une décision quelconque au-delà des engagements d'il y a quelques années et qu'en est-il de la LGV Paca ? Alors que notre région est la première destination touristique mondiale, que nous sommes sur un axe stratégique européen, on tergiverse : Christian Estrosi veut se tourner vers l'Italie, ce serait le coup de grâce pour la LGV ! L'ambition est-elle d'avoir un Nice-Vintimille ou un Barcelone-Gênes ?
M. Charles Revet. - Je n'insisterai pas sur les ports maritimes mais si le financement de Seine-Nord est presque bouclé, la situation catastrophique de nos ports en sera aggravée, à moins de trouver rapidement une solution car toutes les marchandises transiteront par les ports du nord de l'Europe !
Nous avons avec les États-Unis la plus grande zone maritime du monde, ce qui nous confère des responsabilités particulières. C'est un enjeu pour l'alimentation mondiale. Va-t-on agir de manière globale avec des zones protégées mais aussi des zones d'activité ? Sans nous demander notre avis, on nous a présenté des schémas Natura 2000 dans lesquels la quasi-totalité du littoral ainsi que la vallée de la Seine sont classés et qui doivent être transmis à Bruxelles - autrement dit, tous ces dossiers sont déjà bouclés. Où en sommes-nous ? La loi d'orientation pour l'agriculture et la pêche a prévu des mesures en faveur de l'aquaculture, un projet de schéma devait sortir au bout d'un an. Où en est-on ?
M. Raymond Vall. - Un mot de la route de « d'Artagnan », de la Gascogne vers Paris. La RN 21 suscite de grandes interrogations ; l'accidentologie est catastrophique : 70 morts entre Limoges et Tarbes en quatre ans. Les coopératives agricoles de stockage menacent de quitter le Gers pour se délocaliser dans les ports. L'association Euro 21 a créé une dynamique car elle estime qu'une concession sans subvention d'équilibre est envisageable sur cet axe. Il faut lever l'ambiguïté, dégager très vite des crédits pour des zones de dépassement ou les « nouveaux mousquetaires » monteront à Paris sur leurs tracteurs pour dire leur exaspération.
La traversée centrale des Pyrénées va faire l'objet d'un colloque international. Un budget d'étude a été engagé mais la France, m'a dit l'ambassadeur d'Espagne, n'a pas pris position. Il faut avancer. Je vous rappelle le discours du président de la République à Morée sur l'aménagement du territoire.
M. Gérard César. - Vous avez dit que le SNIT faisait partie du Grenelle. Bordeaux est bloqué par des murs de camions qui remontent d'Espagne et du Portugal. Le périphérique est à deux fois deux voies et le pont d'Aquitaine à trois fois trois voies. Cela provoque un étranglement pénalisant auquel nous souhaitons mettre un terme. Votre collège Alain Juppé s'intéresse fortement à ce dossier et le président du conseil général vient de prendre position. Nous possédons l'emprise pour élargir le tronçon. C'est vital.
M. Jean-Paul Emorine, président. - La ministre pourra répondre plus précisément à certaines questions lors du débat sur le SNIT.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - J'y reviendrai en effet à cette occasion.
Les objectifs du fret ferroviaire évoqués par Michel Teston sont très ambitieux. Nous ne sommes pas complètement en ligne avec ces objectifs. Mais nous poursuivons nos efforts : les travaux de régénération des voies -très onéreux- sont ainsi passés de 500 à 1 000 kilomètres par an, ce qui occasionne d'ailleurs des retards de train. La taxe sur les poids lourds devrait rapporter 800 millions à l'AFITF et je parie que cette ressource juste et efficace augmentera très vite, mais ce pari n'engage que moi...
La RN 102, dans le sud de l'Ardèche, figure au SNIT, page 117 : c'est une ambition notable.
Je dois dire au président Christian Poncelet que l'autorité environnementale a rendu un avis très réservé sur la déviation du Thuyot et que si l'on veut éviter des années de procédures devant le juge, le préfet doit améliorer les aspects environnementaux du dossier. En revanche, le décret portant déclaration d'utilité publique pour la gare de Vandières est actuellement examiné par le Conseil d'État avec un avis favorable de la commission d'enquête, et les engagements financiers de l'État sont tenus.
M. Christian Poncelet. - Merci.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Avec la RCEA et la LGV Paris-Clermont-Ferrand à plus long terme, l'on ne peut pas dire, Mireille Schurch, que votre région est délaissée. J'ai reçu une délégation multipartisane d'élus et j'ai le sentiment que le projet POCL (LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon) sera le premier projet de l'après 2020 car il est très avancé. La commission nationale du débat public a été saisie mi-janvier par Réseau Ferré de France (RFF). Les collectivités locales n'ont pas participé au financement (300 000 euros), ce que l'on peut regretter car c'est l'État qui devra assumer l'intégralité du coût, mais elles devront participer au financement du projet.
Le cadencement ferroviaire nous préoccupe. Il sera une réalité le 11 décembre 2011 mais seulement sur une partie du territoire. Il apportera des améliorations considérables en termes de capacité et de régularité. Tous les trains devant aller à la même vitesse, il pose ici ou là quelques problèmes que nous chercherons à réduire au maximum. J'ai pris bonne note de vos observations et je trouve très bonne l'idée d'une cartographie des projets d'infrastructure de l'Union européenne.
Les 500 mégawatts ne sont qu'un élément de discussion, le Gouvernement rendra son arbitrage dans la seconde quinzaine de février. Quant à la décision sur le Lyon-Turin, la discussion est en cours et aboutira soit à un nouveau traité, soit à un nouvel avenant. Le projet est plus cher du côté italien. Mon collègue Thierry Mariani aura une discussion demain avec son homologue italien pour faire avancer le dossier.
Roland Courteau, je ne rentre pas dans le débat sur le nombre d'emplois dans le photovoltaïque. Si le potentiel est considérable, la filière est très déséquilibrée, 60 % des emplois se concentrant sur 20 % de la valeur ajoutée. Cela signifie que le tarif d'achat compense le fait que les emplois sont dans l'installation. Je partage votre intérêt pour un pilotage annuel par le volume de CSPE, mais les experts assurent que la puissance doit intervenir à un moment donné. Nous finirons par associer les deux. Dans une solution, le gain va au gouvernement, l'autre étant plus incitative. Enfin, je pense que vous fixez la barre un peu haut avec les 12 mégawatts.
Je veux dire à Gérard Bailly que le Premier ministre, qui ne se déplace pas pour annoncer l'abandon d'un projet, a été très clair hier et que la branche sud de la LGV Rhin-Rhône figure dans le SNIT. Quant aux normes environnementales et au souhait du Président de la République de ne pas créer de charges supplémentaires, je suis très attentive à la lisibilité des décrets - je les lis avant de les signer - et à ce qu'ils n'engendrent pas par la suite de contraintes abusives sur le terrain.
Vous avez évoqué un sondage du Progrès, mais je pourrais vous en citer un autre de l'ADEME, selon lequel 51 % des Français sont prêts à payer plus cher pour des énergies renouvelables. Ce sujet doit être largement débattu : c'est le moyen de le rendre acceptable pour nos concitoyens.
Créer un parc national de zones humides constituait le 74ème engagement du Grenelle. Les experts du Muséum ont sélectionné des territoires de grande qualité, mais les élus ne sont pas enthousiastes... Or rien ne se fera sans partenariat. Ce parc national sera le premier où l'État n'imposera pas ses vues. Un appel à candidatures sera lancé au deuxième trimestre, et j'espère que les territoires sauront comprendre qu'ils ont là une chance à saisir. Les précédents restent sélectionnés.
J'en viens au dossier de la route Centre-Europe Atlantique. L'aménagement du tronçon Limoges-Nantes doit être financé dans le cadre d'un programme de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ; aujourd'hui les besoins de mobilité ne justifient pas une concession. Priorité est donnée à la LGV Poitiers-Limoges.
Marc Daunis, le nouvel arrêté baisse le tarif général de rachat de l'énergie produite par la biomasse, mais en étend le bénéfice aux installations produisant au moins 1 MW, l'effort financier total restant identique : c'est de bonne politique, si l'on veut encourager les petits producteurs. Ce secteur bénéficie aussi d'aides de l'ADEME.
La LGV Provence-Alpes-Côte d'Azur doit s'inscrire dans un contexte européen. Comme je l'ai fait savoir à Christian Estrosi, j'ai demandé que RFF prépare la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) au sujet du tronçon Nice-Italie, le projet de tronçon Marseille-Nice ayant déjà fait l'objet d'un débat public et ne devant pas être retardé.
Parmi les critères de sélection des projets photovoltaïques pourraient figurer le recyclage des panneaux et le démantèlement garanti des centrales au sol.
Dans le cadre du réseau Natura 2000, Charles Revet, les zones sélectionnées ont été notifiées à la commission de Bruxelles : vous serez bientôt informé des suites de cette démarche. Je ne puis vous répondre sur l'aquaculture, qui relève des compétences du ministre de l'agriculture.
La « route de d'Artagnan » fera peut-être un jour l'objet d'une concession, mais qui serait injustifiée pour le moment : ce problème local doit être réglé dans le cadre d'un PDMI.
Pour la traversée des Pyrénées, la France a débloqué sa part des crédits, et le comité de pilotage se réunira demain.
Enfin, il n'y a pas de consensus entre les élus locaux concernés par le contournement de Bordeaux ; nous nous acheminons donc vers un contournement ferroviaire.
Mercredi 2 février 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Groupe de suivi du schéma national des infrastructures de transport - Présentation des conclusions provisoires
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu la communication de M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT).
M. Jean-Paul Emorine, président. - Notre collègue Louis Nègre nous présente aujourd'hui les conclusions provisoires du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), qu'il préside. Un débat sur ce schéma est prévu le 15 février prochain en séance publique et devrait durer trois heures trente et cette communication permet de préparer ce débat.
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. - Me voici aujourd'hui devant vous pour vous présenter les conclusions provisoires du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, que j'ai l'honneur de présider. Ce groupe a été créé par le Bureau de notre commission le 14 septembre dernier. Il a auditionné le Ministère, organisé une table ronde avec le secteur routier et autoroutier et effectué deux déplacements en décembre, l'un dans le Gers, à l'invitation de notre collègue Raymond Vall, pour étudier le dossier de la RN 21 dans ce département, l'autre dans les Hautes-Alpes pour examiner le dossier de l'A 51 aux côtés du sénateur Pierre Bernard-Reymond. J'ai également pris l'initiative d'envoyer à l'ensemble des sénateurs une lettre fin décembre pour leur demander de me faire part de leurs observations sur l'avant-projet de SNIT. J'ai reçu à ce jour une quinzaine de contributions écrites, et je tiens à remercier leurs auteurs.
Qu'est ce que le SNIT ? Je serai bref car nous avons eu l'occasion d'entendre sur ce sujet devant notre commission M. Jean-Louis Borloo en octobre dernier, Mme Michèle Pappalardo en janvier et Mme Nathalie Kosciusko-Morizet hier après-midi. Je dirai que le SNIT est la « feuille de route » de l'État pour les vingt ou trente années à venir en matière d'investissements pour les infrastructures majeures de transport, dans les domaines ferroviaire, du transport urbain, routier, fluvial, portuaire et aérien, afin de rendre opérationnels les engagements que nous avons votés dans la loi dite Grenelle I.
Le Gouvernement a présenté vendredi dernier son avant-projet consolidé de SNIT, et nous l'avons analysé pour observer les avancées par rapport à l'avant-projet initial publié en juillet. Les conclusions que je vous présente aujourd'hui ne sont que provisoires et permettront d'alimenter la réflexion en séance publique que nous aurons mardi 15 février prochain, à la demande du groupe RDSE. Le Gouvernement prévoit quant à lui un débat au Parlement en mai ou juin sur le projet consolidé du SNIT, et le Conseil des Ministres devrait adopter le SNIT dans la foulée.
J'articulerai mon intervention en trois temps. Tout d'abord, quels sont les éléments de satisfaction que nous avons relevés dans la démarche du SNIT ? Ensuite, quelles sont les avancées de l'avant-projet consolidé par rapport à celui de juillet ? Enfin, quelles sont les limites qui demeurent dans l'avant-projet et quelles sont les préconisations du groupe de suivi ?
Schématiquement, nous ne pouvons que nous féliciter de disposer enfin dans notre pays d'un document stratégique sur les infrastructures de transports, opérant une mutation écologique et soumis à concertation.
Un document stratégique à long terme tout d'abord. Il s'agit d'une planification, pas d'une programmation financière. Nous disposons avec ce document d'une feuille de route pour les décennies à venir, que tout citoyen peut consulter, et qui offre une vision globale des projets de l'État. C'est une démarche nouvelle qui tranche avec les schémas de transports définis précédemment par les Comités interministériels d'aménagement du territoire, comme celui de 2003.
Un document opérant une mutation environnementale ensuite. Ce schéma donne clairement la priorité aux modes de transports alternatifs à la route.
Enfin, ce document est soumis à concertation. Madame la Ministre nous a indiqué hier le calendrier qui sera suivi. Depuis juillet, l'avant-projet est soumis au Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE). L'Autorité environnementale a également été consultée et son avis public du 22 septembre est précieux. Le Conseil économique, social et environnemental sera également consulté. Le Gouvernement a donc tourné le dos à l'ancienne logique de prise de décision « du haut vers le bas ».
Venons-en aux avancées de l'avant-projet consolidé par rapport à la version initiale, car force est de constater que la concertation a été utile depuis juillet.
En premier lieu, je me félicite que le SNIT aborde enfin la question des coûts de rénovation des réseaux de transports existants. Il est indiqué que les projets nouveaux, portant sur le développement du réseau, représentent 166 milliards d'euros. Les investissements en matière de régénération, permettant la remise à niveau des réseaux, s'élèvent quant à eux à 30,5 milliards d'euros, et les investissements de modernisation se montent à 59,5 milliards d'euros. L'enveloppe globale du SNIT passe de 170 milliards d'euros à 260,5 milliards d'euros. Le Ministère chiffre très précisément les coûts de régénération et de modernisation, mais sans expliciter les besoins ni l'échelle de temps des travaux.
D'où la première préconisation du groupe de suivi : le Gouvernement doit présenter un schéma des besoins de rénovation des réseaux existants, comportant un diagnostic précis et un échéancier des coûts. En matière fluviale, le Parlement a déjà demandé au Gouvernement un audit sur la régénération du réseau fluvial à vocation de transport de marchandises, et son coût financier, mais ce rapport n'est toujours pas déposé. Dans le domaine ferroviaire, suite au fameux rapport de l'École polytechnique de Lausanne en 2005, d'importants travaux de régénération du réseau ont été entrepris pour pallier 30 ans de retard, mais notre réseau ferroviaire, hier fierté nationale et internationale, est toujours en convalescence. Quant au secteur routier, qui concentre je le rappelle 90 % du transport de marchandises, il doit faire l'objet de la même attention que les autres réseaux. Nous souhaitons un diagnostic du réseau routier existant, réalisé si possible par un organisme étranger et indépendant, avec un échéancier des coûts de rénovation sur 20 ans. L'Union routière de France, qui regroupe tout le monde de la route, défend une idée comparable.
En deuxième lieu, l'avant-projet consolidé explicite la clef de financement entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs pour chaque mode de transport. Certes, le SNIT n'est qu'un document stratégique, mais dès lors que l'on parle de son coût, il est indispensable de disposer d'une vision financière pour rendre crédible ce schéma aux yeux de nos concitoyens, des collectivités territoriales, des entreprises et de nos voisins européens. Comme l'a souligné notre collègue Roland Ries, par ailleurs président du Groupement des autorités responsables de transport (le GART), la participation des collectivités territoriales devrait être de l'ordre de 80 milliards d'euros sur les 170 milliards d'euros prévus par le schéma. Le document du Ministère évoque le chiffre de 71 milliards pour les projets de développement, et 97 milliards pour tous les projets confondus. En définitive, sur une enveloppe globale du SNIT de 260 milliards, les collectivités territoriales dépenseront plus que l'État, qui ne contribuera au SNIT qu'à hauteur de 86 milliards.
C'est pourquoi notre groupe de suivi préconise une concertation approfondie avec les principaux décideurs locaux concernés par le SNIT d'ici mai-juin.
Le groupe de suivi demande également une hiérarchisation des projets présentés. Tous ne sont pas à placer au même niveau. L'avant-projet consolidé le reconnaît d'ailleurs clairement : l'ensemble des dépenses du SNIT « n'ont pas nécessairement vocation à se réaliser toutes et à 100 % sur la période considérée ». Le document conclut avec honnêteté qu'en tout état de cause, il n'y aura que 70 à 80 % du volume des mesures prévues dans le SNIT qui seront effectivement réalisées. Il existe des projets plus structurants et prioritaires que d'autres. Les engagements du Grenelle ont été pris avant la crise. Nous devons nous adapter aux contraintes économiques actuelles et hiérarchiser les projets, notamment parmi les nombreux projets de ligne grande vitesse. Je rappelle que la création d'un kilomètre d'une ligne LGV coûte 20 à 25 fois plus cher que la régénération ou l'électrification d'un kilomètre de voie ferrée de base. Le Grenelle, c'est concrètement 85 milliards d'euros de lignes nouvelles à grande vitesse avant 2030. Même en demandant des aides à Bruxelles, comme le suggère M. Raymond Couderc pour la ligne Nîmes-Montpellier-Perpignan, l'effort financier demeure considérable. C'est pourquoi je pense qu'il faudra à terme un Grenelle du ferroviaire pour poser clairement les enjeux financiers actuels du volet ferroviaire du Grenelle de l'environnement. Les projets concrets inscrits dans le Grenelle I ne sont pas intouchables, compte tenu de l'évolution actuelle des finances publiques. Ils doivent vivre, évoluer et se modifier sans que ces changements soient taxés de volte-face. Je pense notamment à la proposition intéressante de nos collègues Jean-François Mayet et Louis Pinton, sénateurs de l'Indre, de prolonger la future ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL), que soutient Rémy Pointereau, vers Limoges via Châteauroux, ce qui rendrait inutile la branche LGV entre Poitiers et Limoges pourtant inscrite dans la loi Grenelle I. À l'évidence, la question du raccordement entre la ligne Paris-Orléans-Limoges-Poitiers d'une part, et Paris-Orléans-Clermont-Lyon, qu'évoque également Jean Milhau, n'est pas tranchée aujourd'hui.
Troisième avancée : les projets qui bénéficient d'une déclaration d'utilité publique sont dorénavant regroupés dans une nouvelle annexe II dans un but pédagogique. En effet, les projets déclarés d'utilité publique étaient systématiquement exclus du SNIT dans la version initiale. C'était le sens de la contribution de notre collègue Alain Dufaut, relative à la deuxième tranche des travaux de la liaison Est-Ouest d'Avignon, et de notre collègue Bruno Retailleau au sujet de l'autoroute A 831. Leurs préoccupations ont été entendues. Malheureusement, le nouveau document n'est pas suffisamment explicite sur les mesures de modernisation du réseau ferroviaire. D'où l'interrogation de notre collègue Philippe Paul, qui s'étonne de ne pas voir figurer dans le SNIT l'amélioration de la desserte entre Paris, Brest et Quimper, financée dans le cadre des contrats de projet État-Région.
C'est pourquoi nous souhaitons que le SNIT présente dans une nouvelle annexe les efforts conséquents de l'État et de RFF en matière de régénération ferroviaire. Je rappelle en effet que 1 000 kilomètres de voies sont régénérées chaque année.
J'en viens maintenant aux difficultés récurrentes relevées par notre groupe de travail et aux solutions que nous préconisons.
Tout d'abord, nous constatons que les projets de développement portuaire et d'interconnexion avec le réseau fluvial manquent d'ambition pour relancer le fret ferroviaire. Les projets portuaires stricto sensu ne représentent que 2,7 milliards d'euros. Il est peu vraisemblable que ce schéma donne à nos ports, aujourd'hui encore bloqués par des grèves très pénalisantes, l'impulsion nécessaire pour rattraper voire dépasser les ports de l'Europe du Nord.
Le groupe de suivi estime que le développement du fret ferroviaire et des grands ports maritimes passe par une série de réformes, qui ont été exposées dans le rapport du Sénat sur l'avenir du fret ferroviaire, qui comprend en annexe les contributions des groupes politiques. Je pense par exemple à la création rapide de corridors européens de fret ou à l'embranchement des ports avec le canal Seine - Nord-Europe.
Le groupe de suivi demande également une nouvelle évaluation des externalités négatives générées par le transport routier de marchandises au niveau tant français qu'européen. Cette évaluation, réalisée si possible par un organisme étranger et indépendant, est indispensable pour sortir par le haut du débat sans fin sur les coûts réels respectifs de la route et du fer.
Plus globalement, nous estimons que le schéma doit montrer comment les projets ferroviaires, fluviaux et portuaires s'inscrivent dans le réseau de transport transeuropéen (RTE-T). L'annexe V, introduite par le nouvel avant-projet, n'est pas satisfaisante car elle évoque vaguement les flux européens par des flèches imprécises, au lieu de recenser l'ensemble des projets inscrits au RTE-T. Jean-Pierre Vial regrette que le SNIT n'insiste pas suffisamment sur la dimension européenne de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Notre collègue Daniel Raoul souhaite l'inscription dans son intégralité de la voie ferrée Centre Europe Atlantique (VFCEA) dans le schéma afin de donner au Port de Nantes - Saint-Nazaire un débouché sur Lyon.
En outre, le SNIT n'aborde pas la question de l'écluse fluviale au port du Havre, qui fait l'objet d'une étude entre le Port et Voies navigables de France (VNF) et que connaît bien notre collègue Charles Revet.
Par ailleurs, il manque au schéma une vision à long terme, car il n'évoque pas la question des ports avancés à l'intérieur des terres, qui pourraient pourtant se développer en vallée du Rhône comme le remarque Didier Guillaume. Enfin, la dimension de la lutte contre le bruit, essentielle pour garantir à long terme le développement du fret ferroviaire, doit être approfondie dans le SNIT.
Nous avons identifié une deuxième difficulté : l'aménagement et la modernisation des routes nationales existantes sont insuffisamment pris en compte par le SNIT, alors que la majorité des contributions que j'ai reçues traitent de cette question. Je peux citer l'aménagement de la RN 122 dans le Cantal, chère à notre collègue Jacques Mézard, de la RN 21 dans le Gers, sujet de préoccupation de Raymond Vall, des RN 12 et 162 dans la Mayenne, dont la mise à deux fois deux voies est défendue par Jean Arthuis. Je pourrais également évoquer la RN 149 défendue par Michel Bécot, la RN 2 évoquée par Antoine Lefevre, et la RN 164 mentionnée par Dominique de Legge. Vous le voyez, la liste est longue ! Face à ces demandes, le Ministère estime que ces questions doivent être traitées dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, qui s'élèvent à 1 milliard d'euros par an.
Il refuse en effet d'inscrire dans le SNIT, en tant que projets de développement, les projets d'aménagement des routes existantes qui répondent seulement, je cite, à des « problèmes locaux de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou encore d'intégration environnementale » et qui ne créent pas « de nouvelles fonctionnalités » qui viendraient modifier « à grande échelle les comportements » au travers « de nouveaux trafics ou des reports modaux ». En outre, chacun sait que les crédits de l'action budgétaire « entretien et exploitation du réseau routier national », qui ne servent qu'à la régénération des routes s'élèvent à 300 millions d'euros en 2011, en baisse de 27 % par rapport à 2010, ce qui creuse un fossé entre les demandes des sénateurs et les décisions du Gouvernement.
C'est pourquoi le groupe de suivi propose de davantage prendre en compte l'aménagement du territoire, en adoptant une interprétation plus raisonnable des critères du Grenelle. L'article 10 de la loi dite Grenelle I a posé comme principe que l'augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d'intérêt local. Le Gouvernement a une lecture très stricte, voire trop stricte de ces critères. Il en va peut-être ainsi du projet de nouveau franchissement de la Loire, évoqué par nos collègues Bruno Retailleau et Daniel Raoul, car le pont de Cheviré est aujourd'hui saturé. Ou encore du projet d'effacement de l'autoroute A 7 à Valence, que défend Didier Guillaume. Le groupe de suivi considère que le troisième critère, celui de besoin local, doit englober la notion de désenclavement, notamment en l'absence de desserte par le rail. On pourrait ainsi répondre aux souhaits de nombreux sénateurs, comme Michel Teston, qui souhaite la réalisation d'ouvrages de franchissement du Rhône et du canal du Rhône pour relier la route départementale 86 au sud de Teil, à l'échangeur autoroutier de Montélimar-sud et désenclaver ainsi l'Ardèche. Plus globalement, je distingue trois régions qui posent questions en termes d'aménagements du territoire. Le Massif Central est relativement oublié dans l'avant-projet, comme l'ont regretté Mireille Schurch et Jacques Mézard. La question du franchissement des Pyrénées doit être approfondie, comme le souhaite notamment Raymond Vall, dans le cadre d'une réflexion stratégique sur les liens entre la France et l'Espagne. Enfin, la Bretagne, et plus particulièrement le Finistère, doit être reliée à Paris par une voie rapide.
Le groupe de suivi demande également que le Gouvernement engage, dès la prochaine loi de finances, des crédits d'études pour établir les cahiers des charges des 11 projets de désenclavement routier visés par la nouvelle fiche ROU 6 de l'avant-projet consolidé. On pourra alors savoir si des subventions publiques sont nécessaires pour réaliser les aménagements de ces axes.
Que dire enfin du projet emblématique de l'A51 ? La loi Grenelle indiquait, je cite, que « Les projets permettant d'achever les grands itinéraires autoroutiers largement engagés seront menés à bonne fin ». Quel sens y a-t-il à laisser un tel axe inachevé alors qu'il ne reste que le tronçon central à réaliser ? Cette jonction est d'ailleurs une question d'« équité territoriale » pour reprendre l'un des critères de l'avant-projet de SNIT. Enfin une traversée nord-sud des Alpes déchargerait l'axe rhodanien qui joue un rôle essentiel dans l'économie française et pourrait même servir de recours si cet axe était interrompu pour quelque raison que ce soit. Je crois donc nécessaire de mettre le plus rapidement possible tous les acteurs autour d'une table pour définir un plan d'action concret d'achèvement de cet axe.
Autant il est juste de tourner le dos à une politique publique donnant la priorité à la route, autant « passer à l'excès inverse de l'interdiction de tout projet routier » reviendrait à condamner les territoires à une « mort » certaine. Ces mots, ce sont ceux du Président de la République à Morée le 9 février 2010 et je les fais miens.
Dernière difficulté : l'évaluation environnementale du SNIT comporte de nombreuses limites. À la lecture du rapport environnemental, on ne sait pas clairement si la France parviendra, grâce au SNIT, à atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle : diviser par 4 les émissions de CO2 entre 1990 et 2050 à l'échelle de la France ; et, pour les transports, réduire de 20 % les émissions de CO2 qu'ils génèrent par le secteur des transports et porter la part modale des transports alternatifs à 25 % en 2022.
C'est pourquoi nous souhaitons que l'évaluation environnementale du SNIT soit améliorée, notamment en termes de méthodologie, en suivant l'avis de l'Autorité environnementale.
Comment mesure-t-on l'impact, territoire par territoire, des nouvelles infrastructures ? Quelles sont les solutions de substitution possibles pour les grands projets d'infrastructures ? Quels sont les différents scénarios de référence à retenir ? Comment mesurer les ruptures dans les changements de comportements des usagers, et les effets de réseaux ? Toutes ces questions essentielles doivent être à nouveau abordées afin d'éclairer le débat prévu au Parlement sur le SNIT.
M. Jean-Paul Emorine, président. - L'évaluation environnementale du schéma pourrait être précisée comme l'ont demandé nos collègues Mireille Schurch et Evelyne Didier lors de l'audition de Michèle Pappalardo, commissaire générale.
M. Michel Teston. - En tant que membre du groupe de suivi sur le SNIT, je n'ai pas de désaccord fondamental à formuler à l'encontre des conclusions provisoires de notre collègue Louis Nègre. En revanche, j'estime que sa contribution comporte de nombreuses lacunes. Tout d'abord, sur la philosophie générale du schéma, il est indispensable de réaffirmer le droit au transport et à la mobilité pour tous les citoyens, qui doivent avoir un égal accès aux différents modes de transport. En outre, il faut déclarer d'intérêt général le fret ferroviaire, et non pas seulement le transport par wagon isolé si l'on souhaite véritablement respecter les engagements du Grenelle de l'environnement. Par ailleurs, les besoins de nombreux territoires enclavés sont insuffisamment pris en compte par le schéma, alors qu'une étude décisive de la DATAR en 2003 a identifié les aires géographiques mal desservies par les réseaux de transport actuels. L'avant-projet consolidé n'a répondu aux attentes de ces populations que par des artifices rédactionnels dont le seul but est de calmer les élus concernés qui ont protesté. Par surcroît, le financement du SNIT repose essentiellement sur les collectivités territoriales qui contribueront à la réalisation des projets à hauteur de 37 % en moyenne. Ce niveau de participation est inédit ! L'État n'a pas respecté sa parole lors du CIADT de 2003. Il s'est déjà désengagé du secteur routier en transférant des routes nationales au département lors de l'acte II de la décentralisation en 2004 et aujourd'hui, il demande aux collectivités territoriales de contribuer à l'aménagement des routes nationales. Cela est scandaleux. Quelle crédibilité financière doit-on accorder à cet avant-projet consolidé alors que la dette de l'État est abyssale et que celui-ci ne mène aucune politique de relance efficace pour y remédier ? Comment les collectivités territoriales pourront-elles contribuer financièrement au SNIT alors que leur marge nette d'autofinancement est très réduite ? Le groupe socialiste que je représente ne pourra donner un avis favorable aux conclusions du groupe de suivi sur le SNIT que si toutes ces lacunes sont comblées.
M. Rémy Pointereau. - Je voudrais connaître le sort réservé par le SNIT au projet autoroutier reliant Châteauroux, Bourges, Auxerre et Troyes, qui a été lancé il y a maintenant une vingtaine d'années et qui pourrait aboutir à doubler la RN 151 ou à créer une autoroute. S'agissant du projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon (POCL) qui permettra de doubler la ligne à grande vitesse actuelle Paris-Lyon, en voie de saturation, son coût est estimé à 13 milliards d'euros sur 10 à 12 ans. Le débat public débutera en octobre prochain. Ce projet est essentiel en termes de revitalisation rurale et d'aménagement du territoire pour le Centre et l'Auvergne. Il faut davantage préciser son tracé, sans préjuger du débat public, mobiliser les collectivités territoriales, identifier les possibilités de financement privé, notamment au travers des partenariats public-privé, et mobiliser les fonds européens. Par ailleurs, j'insiste sur la nécessité d'établir un ordre de priorité entre les différents projets de LGV. Enfin, je souhaite savoir si l'on peut communiquer au groupe de suivi de nouvelles contributions.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Oui, toute contribution est la bienvenue.
Mme Mireille Schurch. - Je soutiens la position de mon collègue Michel Teston. L'avant-projet consolidé continue de favoriser une approche infrastructure par infrastructure sans analyser pour chaque territoire l'impact des nouveaux projets de transports tous modes confondus. Dès lors, le risque est grand de mettre en concurrence nos territoires et les infrastructures. Il aurait fallu partir de la cartographie établie par la DATAR en 2003 pour répondre aux besoins des zones enclavées. En outre, je constate que 8 000 camions empruntent chaque jour la Route-Centre-Europe Atlantique (RCEA) soit bien plus que sur n'importe quelle autoroute dans le Massif Central. Pire, ce chiffre augmentera avec la récente autorisation de circulation des 44 tonnes ! Il est donc essentiel de développer le réseau de fret ferroviaire dans cette région. Par ailleurs, je me félicite de la proposition de Louis Nègre de demander une étude sur les externalités négatives du transport routier de marchandises. Je constate ensuite que les collectivités territoriales devraient contribuer à hauteur de 37,2 % au financement du SNIT contre 32,2 % pour l'État. Or, les collectivités territoriales doivent faire face à la suppression de la taxe professionnelle... Plus généralement, il faut donner plus d'importance aux critères d'aménagement du territoire et d'accès au transport et ne plus seulement se focaliser sur les flux attendus par les nouveaux projets. Il faut traiter en priorité les projets de ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont d'une part, et Paris-Orléans-Limoges d'autre part, car Limoges et Clermont sont deux capitales régionales qui ne sont pas aujourd'hui desservies par des lignes à grande vitesse. Dès lors, le barreau Limoges-Poitiers deviendrait superflu. Nous devons rapidement engager la réflexion sur cette question. Enfin, il manque une cartographie des travaux de la DATAR et des réseaux européens dans l'avant projet.
M. François Patriat. - Le dernier rail de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône branche Est a été posé hier en présence du Premier ministre, de parlementaires et d'élus locaux. Trente ans ont été nécessaires pour construire 140 km de LGV : il nous faut donc raisonner en décennies ! Le Premier ministre n'a pas rappelé que les cinq régions du Grand Est ont participé pour moitié au financement de ce projet, et pour cause : ce fait ne connaît pas de précédent. Il a en revanche mis sur un même plan cinq projets de LGV, ce qui n'est pas raisonnable. Il faut sérier les projets et ne pas faire rêver les gens sur le SNIT ! Quant au projet POCL, il ne verra le jour que si le temps du trajet entre Paris et Clermont-Ferrand est très court. Le bon sens conduit à concevoir un axe principal Paris-Lyon où la vitesse de circulation serait de 360 km/h et des embranchements moins rapides vers Limoges et Clermont. Enfin, je suis dubitatif quant à la volonté de l'État de s'occuper de la RCEA...
M. Jean-Paul Emorine, président. - La RCEA figure dans le SNIT. Nous devons d'ailleurs poursuivre la réflexion sur les avantages que présenteraient les partenariats public-privé et les concessions sur cet axe.
M. Michel Bécot. - S'agissant de la RCEA, je souhaite faire observer que le nord des Deux-Sèvres est dépourvu d'autoroute comme de voie ferrée. Or les fonds disponibles dans le cadre du PDMI sont insuffisants. Certains concessionnaires semblent prêts à financer le projet, même si l'adossement est impossible.
M. Louis Nègre, président. - L'adossement est en effet interdit, mais il n'y a pas d'obstacle a priori à la réalisation d'un projet si celui-ci ne coûte rien à l'État.
Mme Élisabeth Lamure. - À quel stade d'avancement du dossier, les nouvelles infrastructures peuvent-elles être inscrites dans les documents d'urbanisme ? Certains projets de zone d'activité sont bloqués en raison de l'incertitude sur la réalisation des infrastructures. S'agissant par ailleurs du contournement ouest de Lyon, l'avant-projet du SNIT ne prévoit qu'une réalisation partielle d'une trentaine de kilomètres dans sa partie nord : or je ne vois pas de sens à en réaliser seulement un morceau.
M. Raymond Vall. - La ruralité a été sacrifiée dans cet avant-projet de SNIT, alors même qu'une région comme Midi-Pyrénées a fait un effort considérable sur l'ensemble des moyens de transport. Par ailleurs, je constate que la plus grande partie des fonds de cet avant-projet sont consacrés à des projets de transports publics, qui sont déficitaires : on pourrait tout de même garder quelques ressources pour des projets routiers qui sont souvent plus rentables. L'État a fait un premier pas pour l'aménagement et le désenclavement des territoires, mais il faut un fléchage spécifique pour ces objectifs. Enfin le document fait preuve d'humour en positionnant dans ses documents graphiques la nouvelle traversée des Pyrénées non pas sur un point particulier de la chaîne, mais sur un faisceau allant de l'Océan atlantique à la mer Méditerranée...
M. Gérard Bailly. - Je constate que le Jura est oublié dans ce document, alors qu'il est de plus en plus enclavé. Il y avait des crédits sur la RN 5 il y a dix ans : ils n'ont toujours pas été débloqués et l'administration nous néglige, alors qu'il existe une section de onze kilomètres sur laquelle tout doublement est impossible. S'agissant de la LGV Rhin-Rhône, elle aura pour effet de réduire la qualité de la desserte locale du Jura alors que les impôts régionaux ont contribué à sa réalisation. Certains disent que la branche sud va coûter cher : seuls nos petits-enfants auront-ils donc accès à cette branche d'intérêt européen ?
M. Jean-François Mayet. - Je mettrai l'accent sur l'espace qui va de l'Indre à la Corrèze et au Cher : la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) est notre seul espoir de connexion à la grande vitesse. Je crains que la poursuite du funeste projet de branche LGV Poitiers-Limoges à voie unique n'empêche la rénovation de la ligne historique Paris-Orléans-Limoges, qui se connecterait à la ligne POCL jusqu'à Vierzon et à laquelle je crois. Malheureusement ce dernier projet n'est plus soutenu par SNCF mais seulement par certaines collectivités.
M. Bruno Retailleau. - Je regrette que l'avant-projet de SNIT ne contienne pas une réflexion à long terme sur les mécanismes de financement. Je crois que l'allongement des durées de concessions aurait permis, par mutualisation dans un pot commun, de financer les nouvelles infrastructures. Le recensement des projets déclarés d'utilité publique dans l'annexe II est un point positif, mais quel est le statut de cette liste pour affirmer la nécessité de leur réalisation ? Enfin, comme Daniel Raoul, je demande que le franchissement routier de la Loire soit inscrit dans le SNIT afin d'assurer une meilleure connexion du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes aux réseaux de transport.
M. Charles Revet. - Je m'inquiète pour l'avenir de nos ports, lorsque je vois le nombre de bateaux déroutés, en raison non seulement du comportement des personnes qui y interviennent mais surtout du retard sur les investissements dans ces ports. La loi sur le Grand Paris a prévu par ailleurs la remise d'un rapport sur la possibilité de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine, car des emprises pourraient être utilisées : ce rapport va-t-il être remis bientôt ? Si les études ont été faites, quels en sont les résultats ?
M. Yannick Botrel. - En Bretagne, sur le dossier de la RN 164 qui dure depuis vingt-cinq ans, la part des collectivités territoriales est déjà très importante : il est temps que l'État, qui a inscrit des crédits dans les contrats de plan et de projet, tienne ses engagements ! S'agissant de la grande vitesse, où un effort conséquent a été entrepris sur la section Le Mans - Rennes, je ne vois pas de prise en compte dans l'avant-projet de SNIT des sections Rennes - Brest et Rennes - Quimper ; or les collectivités ont inscrit des crédits notamment pour la suppression des passages à niveau. Je pense également à la liaison Rennes - Nantes, qui, il est vrai, n'est pas prévue à court ni à moyen terme. Il est bon que cet avant-projet consolidé prenne en compte les projets déjà programmés pour les prochaines années, mais je constate que, en dépit de la perte de la compétence générale pour les départements et les régions, ceux-ci sont sollicités à un niveau important.
M. Jean-Jacques Mirassou. - J'insiste sur la répartition des engagements financiers. La hiérarchisation des projets dépendra des capacités financières et de la volonté politique. Alors que l'avant-projet consolidé de SNIT prévoit que 37 % des financements incomberont aux collectivités, je rappelle qu'un texte de loi récent prévoit l'interdiction des financements croisés. Si nous ne payons pas, nous dit-on, nous n'aurons pas les infrastructures. Je souscris aux propos de Raymond Vall sur la traversée des Pyrénées : il faudra bien choisir un tracé pertinent. Le prolongement de la LGV de Toulouse jusqu'à Narbonne devra également être abordé. Enfin, l'aménagement de la liaison entre Toulouse et Castres, inscrite au SNIT, fait débat ; je fais observer à ce sujet qu'une infrastructure autoroutière est un dévoreur d'espace et que le coût serait subi par le contribuable et l'usager, alors que le conseil général de Haute-Garonne a déjà consenti de nombreux aménagements sur la voie existante.
M. Roland Courteau. - Je me félicite de constater que le projet de ligne à grande vitesse Montpellier Perpignan est inscrit dans le SNIT et sera lancé avant 2020. Il n'est pas trop tôt, nous attendons ce projet depuis trente ans ! Je regrette le sort réservé au transport fluvial et notamment l'absence du canal du Midi dans ce schéma. Il n'a aujourd'hui qu'un usage touristique et les travaux de modernisation se font attendre car VNF affirme ne pas avoir les ressources financières suffisantes. Quant aux projets d'autoroute de la mer, ils sont aujourd'hui paralysés compte tenu des difficultés que rencontre l'Union pour la Méditerranée suite au conflit israélo-palestinien. Il faudra contourner ces problèmes géopolitiques si l'on veut relancer ces projets.
M. Roland Ries. - Je ne souhaite pas relayer aujourd'hui les demandes des territoires dont je suis élu mais m'exprimer en tant que président du GART. Je me félicite de l'existence du SNIT qui constitue une première dans notre pays d'autant que cet exercice est très difficile à réaliser, eu égard au grand nombre d'autorités organisatrices de transport concernées par ce schéma. La question du financement est cruciale et risque de transformer le SNIT en un simple « élément de l'art poétique » ! Je m'étonne qu'aucun orateur n'ait évoqué aujourd'hui les coûts de fonctionnement des nouvelles infrastructures prévues par ce schéma. Dans ma communauté urbaine de Strasbourg, un quart du budget est consacré à l'amortissement des projets de transport et aux charges d'entretien ! Pour le choix des projets, il ne faudra pas se fonder sur le seul critère du trafic mais prendre en compte aussi les critères d'aménagement du territoire et de politique urbanistique.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Une réflexion sur les partenariats public-privé et sur les concessions permettrait justement d'aborder la question de l'entretien des nouvelles infrastructures.
M. Paul Raoult. - Lorsque j'observe les cartes de l'avant-projet consolidé du SNIT, j'ai le sentiment que l'histoire s'est arrêtée à Louis XIV et à la paix d'Utrecht ! L'Europe est absente de ce document, les infrastructures des pays frontaliers ne sont même pas évoquées. C'est invraisemblable ! Quant au financement du schéma, nous n'avons pas fini de regretter la funeste décision de Monsieur Dominique de Villepin de vendre les parts de l'État dans des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes car le Gouvernement s'est privé ainsi d'une ressource pérenne. Je m'étonne de constater que le projet de mise en deux fois deux voies de la route nationale passant par Maubeuge ne soit pas évoqué dans ce document. Je déplore également le retard pris dans le projet d'aménagement de la RN2 alors que le Conseil général du Nord a voté depuis longtemps les crédits pour financer les études préalables et acheté les terrains nécessaires. Aujourd'hui, ce dossier est bloqué. Par ailleurs, je regrette l'attitude systématiquement hostile de l'ancien conseil général des ponts et chaussées à l'encontre des projets portés par les élus. Enfin, il faut mettre un terme à la mode du « tout TGV » dans notre pays. La SNCF privilégie les lignes à grande vitesse au détriment des lignes TEOZ Intercités au travers notamment d'une politique de communication partiale et d'un manque d'investissement sur les lignes traditionnelles.
M. Pierre Hérisson. - Je voudrais informer notre commission que le projet d'achever l'autoroute A 51 vient de recevoir deux soutiens de poids puisque le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ont envoyé récemment une lettre au Gouvernement en faveur de ce projet. D'ailleurs, le président de la République a promis de se déplacer avant juin sur Gap. S'agissant des TER, il est fort dommageable que les régions et la SNCF se rejettent mutuellement la responsabilité des dysfonctionnements observés. Enfin, je m'inquiète de l'augmentation du prix des billets TGV car le train perd déjà aujourd'hui de la compétitivité par rapport à la route.
M. Louis Nègre, président. - Vos interventions montrent que personne ne remet en cause la philosophie du Grenelle de l'Environnement. Toutefois, la concertation doit pouvoir continuer. S'agissant des lignes à grande vitesse, il faut souligner que leur construction coûte beaucoup plus cher que la requalification des lignes existantes, ce qui se retrouve dans le prix du billet : le taux de remplissage des trains montre qu'il s'agit d'un vrai besoin.
J'ai bien noté que les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale avaient apporté leur soutien au projet de l'A 51.
Nous avons reçu des observations relatives à la RN 164 en Bretagne : saisissez-nous sur les points soulevés et nous essaierons de voir comment faire avancer le dossier avec le ministère.
L'aspect européen n'était pas du tout pris en compte dans la version initiale de l'avant-projet. Désormais les cartes indiquent quels axes franchissent les frontières, mais il manque encore une prise en compte globale des axes européens traversant la France.
Les sujets liés à la RN 2, à la liaison Maubeuge-Paris, et au contournement ouest de Lyon nécessitent d'être étudiés.
Le dossier du pont sur la Loire pose une question de fond : quelle doit être la place respective, dans le financement, de l'État, des collectivités territoriales et des partenariats public-privé après la réforme des collectivités territoriales ?
S'agissant des documents d'urbanisme, il me semble que les projets y apparaissent après avoir été déclarés d'utilité publique. Quoi qu'il en soit, le débat public permet d'alerter toutes les personnes concernées, même si la marge d'incertitude demeure importante.
Concernant la RN 5 dans le Jura, il faudrait voir avec le ministère pourquoi des crédits sont votés mais pas utilisés.
M. Gérard Bailly. - L'administration est particulièrement lente pour répondre au besoin d'amélioration de l'axe.
M. Louis Nègre, président. - S'agissant des ports, je partage le diagnostic pessimiste de Charles Revet. Quel est l'objet de l'étude relative au port sur la Seine ?
M. Charles Revet. - Les trains ont du mal à accéder au port. Or des milliers d'hectares sont disponibles en amont et aval du pont de Tancarville : on pourrait y construire des bassins reliés aux voies ferrées. J'ai suggéré qu'on fasse une étude, mais il y a un problème de partage de responsabilité entre les ports du Havre et de Rouen.
M. Jean-Paul Emorine. - En conclusion, je souhaiterais que nous parvenions à hiérarchiser les projets dans le cadre du SNIT. Il faudrait également déterminer lesquels pourraient être réalisés dans le cadre d'un partenariat public-privé, ce qui est sans doute le cas de celui-ci.
- Présidence de MM. Jean-Paul Emorine, président, et Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -
Conseil européen sur l'énergie - Audition de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires européennes, à l'audition de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Jean Bizet, président. - Je remercie M. le ministre d'avoir accepté de nous rencontrer pour nous entretenir du Conseil européen du 4 février. Depuis 2006, un débat préalable se tient au Parlement avant toute réunion ordinaire du Conseil européen. Aujourd'hui, la situation est un peu différente puisqu'il s'agit d'un débat du Conseil européen, certes ordinaire, mais thématique et consacré à l'énergie et à l'innovation. Dans ce cas, la règle coutumière du débat en séance publique ne s'applique pas. Il était pourtant difficile d'accepter qu'il n'y ait aucune expression parlementaire préalable sur des sujets aussi importants. C'est pourquoi le président Emorine et moi-même avons souhaité cette réunion.
Un point me préoccupe : nous avons le sentiment que l'Europe reste frileuse face à l'énergie nucléaire. Pourtant, la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité de diversifier les sources d'approvisionnement auraient dû favoriser une évolution des esprits, ce qui d'ailleurs semblait s'esquisser il y a deux ou trois ans. Nos partenaires évoluent-ils, monsieur le ministre ?
Cette question me conduit à évoquer la sûreté nucléaire : à l'heure actuelle, chaque pays à une législation propre avec des procédures d'autorisations particulières très lourdes, ce qui freine le développement de l'industrie nucléaire. Peut-on espérer une harmonisation européenne, voire internationale pour réduire cet obstacle ? Cette question a été au coeur des discussions que nous avons eues il y a quelques jours en Finlande, lorsque nous avons accompagné M. Laurent Wauquiez, votre collègue au Gouvernement.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous avons le grand plaisir de vous accueillir, monsieur le ministre. La commission de l'économie ayant des compétences en matière d'énergie, il est très intéressant de vous entendre avant le Conseil européen consacré à ce sujet.
M. Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - Merci d'avoir bien voulu m'inviter à m'exprimer devant vos deux commissions réunies, à la veille du Conseil européen du 4 février consacré à l'énergie.
Les sommets des vingt-sept chefs d'État et de Gouvernement européens ne sont jamais des moments comme les autres. Mais celui-ci est encore plus particulier : il s'agit d'un véritable retour aux sources de la construction européenne. Au commencement de l'Europe, celle des solidarités concrètes, celle de Robert Schuman et de Jean Monnet, il y avait l'énergie : la communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1952, puis la communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) en 1957.
Le volontarisme énergétique de l'Europe des Six a été l'un des moteurs de la croissance industrielle des Trente Glorieuses. Quel paradoxe pourtant, de constater que l'intégration européenne a effacé la politique commune de l'énergie. On nous disait qu'il n'y avait plus de bases juridiques. On n'évoquait plus l'énergie que sous l'angle de la mise en concurrence. Au fond, il n'y avait plus de politique de l'énergie, comme il n'y avait plus de politique industrielle. L'Europe oubliait ses racines. Nous avons réduit les enjeux énergétiques à ceux du climat : je ne dis pas qu'il faille réduire l'importance de la lutte contre le changement climatique, qui est fondamentale. Mais l'énergie, c'est aussi l'avenir de nos industries, le pouvoir d'achat de nos concitoyens, la compétitivité de l'Europe et la garantie d'avoir du gaz ou de l'électricité quand il faut se chauffer en hiver. C'est tout cela que nous avons réintroduit avec le traité de Lisbonne.
La politique de l'énergie a, enfin, son chapitre institutionnel spécifique. L'Europe va pouvoir renouer avec ses racines et reprendre le train de son histoire. Il était sans doute temps, car les élargissements successifs ont ramené l'énergie au centre des préoccupations européennes. La crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine a souligné les graves déséquilibres d'approvisionnement en Europe. La nécessité de répondre à la croissance des besoins énergétiques, tout en diversifiant les sources, a montré qu'on ne pouvait pas accepter l'approche idéologique d'un mix énergétique unique à l'échelle de l'Europe. Un nombre toujours plus grand d'États européens s'interroge sur le « déni nucléaire » qui caractérise les discussions communautaires, au moment même où l'on constate la relance des programmes nucléaires civils dans nombre de pays dans le monde.
Nous devons impérativement préparer l'après-pétrole, tout en nous attaquant à la volatilité des prix, comme nous allons le faire dans le cadre du G20. Le Conseil européen du 4 février posera donc les bases d'une stratégie européenne de l'énergie pour les vingt à cinquante prochaines années.
Le premier objectif pour la France, c'est de construire une économie sans carbone. L'Europe devra réaffirmer l'objectif de 80 à 95 % d'énergie sans émission de carbone à l'horizon 2050. La Commission a, elle-même, relevé que cet objectif imposait une étape intermédiaire de deux tiers d'électricité décarbonée d'ici à 2020.
Notre deuxième objectif, c'est d'appuyer la décarbonisation de l'économie sur les quatre piliers d'une politique énergétique à la hauteur des enjeux européens. Ces quatre piliers, ce sont la compétitivité-prix de nos industries; la protection tarifaire des consommateurs, qui ont droit à une énergie abordable ; la sécurité des approvisionnements et, bien sûr, la réduction des émissions de gaz à effets de serre conformément à nos engagements du paquet énergie-climat et du Grenelle de l'environnement.
La compétitivité-prix est un objectif majeur du mix énergétique de demain. Nous devons avoir le mix le plus compétitif pour que l'Europe demeure une terre de production industrielle. Prenons l'exemple de l'aluminium : la production mondiale a été multipliée par trois en 30 ans, alors que la production de l'Union européenne a diminué d'un tiers. Or, le principal facteur d'attraction pour l'aluminium est le prix de l'électricité. Cette situation n'est pas acceptable et nous voulons y remédier.
Troisième objectif : l'instauration d'un socle nucléaire en Europe, aux côtés des énergies dites renouvelables. C'est la condition pour atteindre la décarbonisation de l'économie, tout en garantissant la compétitivité de l'Europe et des approvisionnements sûrs et abordables. Nous l'avons vu en France avec les tarifs appliqués au photovoltaïque. L'Italie, l'Espagne, et même l'Allemagne engagent à leur tour une réflexion sur les conditions nécessaires à la compétitivité des énergies renouvelables. Nous ne devrons pas imposer un mix énergétique unique aux vingt-sept États membres. Nous relevons avec satisfaction qu'un consensus se dégage enfin sur ce point et l'Union européenne s'est engagée à promouvoir les standards de sûreté nucléaire les plus élevés. Cela faisait bien longtemps que le mot « nucléaire » n'avait pas été mentionné dans des conclusions du Conseil européen.
Prochaine étape : les scénarios de la Commission devront intégrer le nucléaire en termes d'infrastructures et de fonctionnement de marché. Il s'agit de réconcilier durablement stratégie énergétique et politique industrielle, grâce à la compétitivité-prix, mais aussi à de véritables initiatives industrielles de décarbonisation de l'économie.
L'Europe doit réussir la « révolution » du véhicule électrique. La France est pleinement engagée dans ce chantier majeur des technologies de pointe. Mais nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'une guerre intra-européenne des normes. L'Europe a besoin de standards communs de recharge électrique pour garantir un marché européen du véhicule électrique et, au-delà, pour contribuer à l'émergence d'un marché mondial. Nous avons donc proposé que le Conseil européen accélère le calendrier, en fixant la fin du premier semestre pour l'adoption de véritables standards européens. Ces messages seront ceux de la France au Conseil européen.
Je voudrais également évoquer d'autres avancées récentes, qui devront être confortées le 4 février. Première avancée : la durabilité de la feuille de route pour les trois fois vingt, soit moins 20 % d'émissions de gaz à effet de serre, 20 % au moins d'énergie renouvelable, 20 % d'économies d'énergie. Le paquet énergie-climat trace une route ambitieuse jusqu'en 2020, comme l'a voulu le Président de la République. Ces objectifs sont cohérents par rapport à ceux du Grenelle. La France tiendra ses engagements et les dépassera même probablement pour la réduction des gaz à effet de serre.
L'efficacité énergétique joue un rôle essentiel. Il faut encore accélérer nos efforts dans le cadre de plans sectoriels. Évitons cependant de nous assigner de nouveaux objectifs chiffrés contraignants en Europe, alors même que le cadre d'ensemble figure déjà dans les trois fois vingt.
J'en viens au deuxième point, à savoir la sécurité d'approvisionnement. Des avancées importantes ont eu lieu en 2010. Elles se sont imposées d'elles-mêmes en raison de l'actualité, notamment avec la crise russo-ukrainienne du début 2009. Je pense aussi au règlement sur la sécurité d'approvisionnement en gaz et à la directive sur les stocks pétroliers, qui ont considérablement amélioré les réponses nationales et collectives en cas de crise. Là encore, les outils mis en place au niveau européen coïncident avec ceux qui existent en France.
Le troisième point concerne les infrastructures. L'importance nouvelle que leur accorde la Commission européenne est encourageante. L'Europe a besoin d'infrastructures, qu'il s'agisse de production, de stockage, de transport ou de gestion. Notre effort doit porter sur l'interconnexion des vingt-sept marchés nationaux et la recherche de routes ou de sources d'approvisionnement nouvelles. Ainsi nous parviendrons à équilibrer nos ressources et nos besoins à l'échelle européenne. Les infrastructures sont nécessaires pour la sécurité d'approvisionnement, ainsi que pour le développement des énergies renouvelables intermittentes. Nous avons obtenu au niveau européen la réalisation de plans de développement des réseaux. C'est un gage de responsabilité pour la sécurité énergétique qui permettra de mettre fin à des déséquilibres régionaux inacceptables.
Mais l'Europe doit aussi rester réaliste. D'une part, la politique énergétique ne doit pas se réduire à une géopolitique des « grands tuyaux ». Il faut maîtriser les coûts, ce qui passe par la recherche d'un équilibre entre des unités de production à forte intensité, proche des lieux de consommation, et l'acheminement souvent plus lointain des sources renouvelables. Cela passe surtout par la rentabilité des nouvelles infrastructures. A l'exception de certains équipements stratégiques, où des financements publics devraient pouvoir être trouvés, il faut tirer parti des mécanismes de régulation. La bonne régulation est celle qui définit le bon prix pour la rentabilité d'un nouvel investissement.
Quatrième point : priorité est donnée à la recherche. Le plan stratégique pour les technologies énergétiques, dit « SET-Plan », lancé en 2007, fonctionne. Il a permis d'identifier les technologies énergétiques stratégiques à moyen et long terme et de susciter les indispensables synergies pour la recherche. Six initiatives industrielles européennes ont été lancées, notamment pour l'éolien, le solaire, les bioénergies, la fission nucléaire et les réseaux intelligents. Tâchons de le faire monter en puissance avec le prochain programme cadre de recherche et développement. Plusieurs programmes phares de la France sont au centre du « SET-plan », comme la recherche sur le nucléaire de quatrième génération.
Cinquième et dernier point : la prospective. En matière énergétique, les investissements nécessitent dix à quinze ans pour entrer en service et durent pendant cinquante ou cent ans : nous devons donc voir loin. Au-delà des objectifs de 2020, nous devrons définir la feuille de route d'ici 2050.
La France, avec d'autres, contribue à faire avancer l'Europe de l'énergie. Le Conseil européen marquera une étape importante et je m'efforcerai d'en prolonger les avancées dans le cadre du prochain Conseil des ministres énergie du 28 février.
J'en viens à notre politique énergétique en France, qui est d'ailleurs étroitement liée à nos engagements européens.
La régulation est un maître mot dans l'énergie. La régulation en 2011, c'est d'abord la mise en oeuvre de la loi NOME. C'était une idée il y a un an et c'est désormais une loi, promulguée et qui sera entièrement applicable le 1er juillet. Nous travaillons à la fois sur les décrets opérationnels et sur le prix de l'ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Grâce à la loi NOME, la Commission européenne a reconnu que le mix énergétique français performant devait se traduire pour les ménages et les entreprises de notre pays par des prix de l'électricité compétitifs.
La régulation, c'est aussi l'obligation de capacités, dispositif ingénieux conçu notamment par M. Bruno Sido, qui permettra enfin de résoudre nos problèmes d'effacement et d'investissement. Une fois cette disposition mise en oeuvre, nous devrons en faire la promotion à l'échelle européenne.
La régulation, c'est également l'immense chantier de la précarité énergétique, avec l'amélioration des tarifs sociaux afin de les rendre plus attractifs et plus accessibles qu'aujourd'hui.
La régulation, c'est enfin la reconnaissance que les entreprises d'énergie, et particulièrement les entreprises historiques, ont une mission de service public. Le contrat de service public de GDF Suez est entré en vigueur début 2010 et j'espère signer celui d'EDF dans les mois à venir.
J'en viens au nucléaire, qui est un immense et exaltant chantier. L'ambition est claire : il s'agit pour nos opérateurs, emmenés par le plus expérimenté, d'être de vrais champions à l'export, capables de proposer différents produits et services dans une multitude de pays, avec le souci constant de l'excellence opérationnelle, de l'exigence de sûreté et de retombées industrielles dans notre pays. L'enjeu principal des prochains mois est le partenariat stratégique entre EDF et Areva, actuellement en discussion et qui m'occupe beaucoup. Les discussions sont en général sereines et de bonne tenue (Sourires). Il n'en reste pas moins que la vision peut ne pas coïncider de façon absolue sur tous les points. Dans ce cas, bien sûr, l'État jouera son rôle comme il l'a fait sur d'autres dossiers difficiles.
Si l'on parle de développement international, il faut être irréprochable en France. C'est pourquoi nous entendons fixer le plus haut niveau d'exigence pour le système français, qu'il s'agisse de gestion du parc actuel - redressement du coefficient de disponibilité, allongement de durée de vie - de réalisation des EPR de Flamanville et de Penly, de notre politique de gestion des déchets, de sûreté ou de recherche.
La politique énergétique nationale, c'est aussi le développement des énergies renouvelables. Nous y sommes tous favorables, à condition qu'elles s'inscrivent dans un véritable projet industriel. C'est d'ailleurs pourquoi le Premier ministre a décidé le moratoire sur la filière photovoltaïque et engagé une concertation. C'est aussi pourquoi nous avons voulu que le cahier des charges de l'éolien offshore ait une composante industrielle. Et c'est avec ce même état d'esprit que nous lancerons en 2011 les premiers renouvellements de concessions hydroélectriques.
La transition énergétique ne concerne pas que les énergies renouvelables, mais aussi toutes les filières industrielles qui seront touchées par l'évolution de la société. Il faudra en accompagner certaines dans leur mutation, comme celle du raffinage, et d'autres qui devront servir de relais de croissance. Je ne donnerai qu'un exemple frappant : celui des réseaux intelligents. C'est un sujet majeur, aux confins de l'énergie, de l'industrie, et de l'économie numérique, auquel je sais que la commission de l'économie est particulièrement attachée et dont nous reparlerons bientôt.
Voilà ce que je tenais à vous dire sur le cap européen et ses déclinaisons françaises en matière de politiques énergétiques, avant la réunion du Conseil de vendredi.
M. Ladislas Poniatowski, Président du groupe d'étude sur l'énergie. - Ce sommet va être compliqué, car il se fait sous une présidence faible. Les États membres, notamment la France qui a des ambitions précises en matière énergétique, vont avoir du mal à faire valoir leurs vues.
Concernant l'efficacité énergétique, vous avez rappelé l'objectif des trois fois vingt, dont l'un concerne la diminution de la consommation d'énergie de 20 %. Lors d'un des derniers sommets, les objectifs étaient très précis dans le domaine du bâtiment, moins précis dans le domaine du transport et très flous pour la filière énergétique, car les États n'étaient pas d'accord entre eux. Avez-vous l'intention de proposer des avancées en ce domaine ? M. Barroso a estimé, il y a quelques semaines, que l'objectif du troisième 20 % ne serait probablement pas atteint.
Ma seconde question porte sur les infrastructures. Quand la Commission avait présenté le 17 novembre 2010 ses priorités en matière d'infrastructures énergétiques, les chiffres cités étaient assez impressionnants, puisqu'elle estimait à près de 1 000 milliards d'euros les investissements nécessaires dans notre système énergétique d'ici 2020. Mais les États membres ne sont pas d'accord entre eux. Quel sera la répartition des financements entre le privé et le public ?
Nous savons tous qu'il faut développer les lignes à haute tension pour transporter l'électricité. En France, quand on veut transporter de l'électricité de Flamanville au reste du pays, les oppositions se multiplient. Imaginez les réactions lorsqu'il s'agit de la transporter d'un pays à un autre ! En outre, ces investissements ne seraient pas financés par de l'argent public. Dans ces conditions, je crains que cet objectif ambitieux ne soit difficile à atteindre.
Allez-vous mettre les pieds dans le plat en ce qui concerne le financement privé - public des interconnexions ? Des financements publics seront indispensables. Malheureusement, l'Allemagne est très réticente sur ce point. Comment allons-nous résoudre cette équation ? Les objectifs existent, mais les désaccords portent sur le financement.
M. Roland Courteau. - La Commission européenne a présenté ses priorités pour les infrastructures énergétiques pour les vingt ans à venir. Elle a défini les couloirs prioritaires dans l'Union européenne pour l'acheminement de l'électricité, du gaz et du pétrole afin d'atteindre ses objectifs « en matière de compétitivité, de développement durable, de sécurité d'approvisionnement ». C'est sur cette base de couloirs prédéfinis que les projets d'intérêt européen seront désignés. Quelle est la position de la France par rapport au principe même de ces couloirs prioritaires ?
Les objectifs énergétiques et climatiques, les trois fois vingt, nécessiteraient d'investir 200 milliards dans le seul transport de l'énergie. Les nouveaux projets d'infrastructures seraient réalisés pour l'essentiel grâce à des financements privés, en raison des réticences des États, mais aussi du manque de fonds publics disponibles. Ne faut-il pas rappeler qu'une part de financement public sera nécessaire dans certains cas afin de garantir la réalisation d'objectifs d'intérêt général ?
M. Bruno Sido. - Il est question de diminuer de 20 % la consommation d'énergie. Le 14 décembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution qui invite l'Union européenne à donner un caractère contraignant à cet objectif. Quelle est la position de la France sur cette question ?
M. Daniel Raoul. - Nous n'allons pas reprendre le débat sur la loi NOME, que nous n'avons d'ailleurs pas votée. L'énergie est un élément essentiel de la qualité de vie des Européens, mais c'est aussi un enjeu essentiel pour la survie de notre industrie, et je pense en particulier à l'aluminium.
Le rôle géopolitique de l'énergie va lui conférer une place particulière dans le débat public, notamment dans les relations entre l'Union européenne et la Russie. C'est parfois douloureusement ressenti par les pays européens, surtout en Ukraine.
La Commission propose trois axes pour la politique énergétique européenne : la compétitivité, la sécurité des approvisionnements et la protection de l'environnement, les fameux trois fois vingt. Ces orientations sont globalement acceptables. En revanche, nous sommes perplexes sur la façon d'y parvenir.
L'approvisionnement en matières premières pose problème, et il en sera de même pour l'énergie fossile, tant pour le pétrole que pour le gaz. Comment assurer notre indépendance ou, du moins, notre sécurité d'approvisionnement ?
La Commission conçoit la concurrence entre opérateurs comme étant l'alpha et l'oméga de la compétitivité. J'ai l'impression que la Commission est affectée d'un TOC, le trouble obsessionnel de la concurrence ! (Sourires) Or, concurrence et planification sont antinomiques. L'Europe a besoin d'une véritable planification énergétique pour atteindre les trois fois vingt, en dépit de ses différences de développement : nucléaire en France, centrales à charbon en Allemagne et en Pologne...
Notre premier défi concerne la dépendance des économies européennes à l'égard du pétrole. Nous devons préparer dès maintenant l'après-pétrole. Le débat sur les gaz de schiste que nous avons eu hier avec Mme Kosciusko-Morizet concernant les explorations dans le centre de la France soulève un certain nombre de questions.
La politique européenne de l'électricité est fondée sur l'idée d'un marché théorique parfait. Imposer la concurrence dans un secteur comme l'électricité qui n'est pas un produit stockable peut se révéler très dangereux. Le respect et la protection du consommateur suppose une vision à long terme afin de mettre en place un parc capable de s'adapter à la consommation. Nous ne pouvons envisager de développement sans augmentation de production d'énergie, même si les nanotechnologies réduisent les consommations. Une régulation européenne, et non pas une autorité indépendante - vous savez ce que j'en pense - doit donc être mise en place pour imposer une planification du parc énergétique européen, pour optimiser les besoins et les ressources et pour atteindre les objectifs du trois fois vingt. La concurrence conduit de façon certaine au sous-investissement dans les capacités de production et de transport, surtout si elle permet aux concurrents de bénéficier de tarifs préférentiels. Vous voyez à quelle loi je fais référence...
M. Gérard Le Cam. - Je m'occupe plus d'agriculture que d'énergie, mais le parallèle peut aisément être fait entre ces deux secteurs. En agriculture, les pays européens sont beaucoup plus concurrents que coopérateurs. Malheureusement, c'est la même chose dans le domaine de l'énergie, où la coopération ne fait bon ménage avec la concurrence voulue par le traité de Lisbonne. Il faudrait une Europe de la coopération énergétique, afin qu'elle soit compétitive au niveau mondial. Or, la concurrence morcelle, divise, oppose les entreprises. On va revenir avec la directive transport à la situation d'avant 1945, où chacun gérait sa petite boutique : c'est consternant.
Nous sommes prêts à soutenir tout ce qui peut être mis en commun : vous avez évoqué le socle nucléaire au côté des énergies renouvelables. Nous sommes favorables au socle nucléaire, car on ne peut faire autrement compte tenu des connaissances actuelles. Nous approuvons aussi les trois fois vingt et tout ce qui concerne les interconnexions.
Nous n'avons pas voté la loi NOME, car on ne peut prétendre encourager le nucléaire tout en obligeant ceux qui en produisent à vendre à perte leur production à des concurrents.
M. Michel Bécot. - La France est un des premiers pays à avoir mis en place un socle nucléaire. Or, aujourd'hui, les médias nous disent que nous sommes en rupture et que nous devons aller sur les marchés espagnols ou allemands. Que faut-il en déduire ? Devrons-nous construire d'autres centrales ? L'éolien et le photovoltaïque apporteront-ils une énergie d'appoint suffisante ?
Comment voyez-vous en France et en Europe le développement du véhicule électrique ? Il existe des entreprises comme Heuliez, dans mon département, qui ont des compétences, mais aujourd'hui, tous les grands groupes s'intéressent aux véhicules électriques. Que vont devenir les petits poucets ? L'Europe va-t-elle coordonner, réguler ce secteur ?
M. Jean-Pierre Vial. - Merci pour votre présentation très claire et merci surtout d'avoir insisté sur le volet industriel. Nous entendons peu de discours sur la filière industrielle française et nous aimerions que la détermination politique soit plus affirmée en ce domaine.
Hier, nous avons eu un échange avec Mme Kosciusko-Morizet sur le rapport Charpin dont une partie relève de vos compétences. On a reproché à ce rapport de ne pas avoir de vision industrielle. Or, nous avons dans notre pays un vrai tissu de PMI - PME qui ne demande qu'à se développer. La filière photovoltaïque représente en France un dixième de ce qu'elle est en Allemagne, tant au niveau de la production que du parc. On ne vous reprocherait pas d'avoir un peu plus d'ambition dans ce domaine. Pour maintenir la filière solaire, il faudrait une capacité minimum, de 700 à 800 mégawatts installés chaque année d'après les professionnels. De plus, il ne s'agit pas seulement de volume, mais aussi de tarification. Si nous voulons que la filière française puisse s'imposer, il faut qu'il y ait, comme pour les éoliennes, une traçabilité et une certification, afin que les produits français aient une place concurrentielle sur notre marché.
Je tiens à vous féliciter car vous parvenez à mettre en oeuvre la loi NOME. Grâce à vos services, cette loi va entrer prochainement en application. Elle a, notamment, prévu que le prolongement de vie des centrales nucléaires pourrait profiter aux industriels par le biais de participations. Ce dispositif n'enchante pas EDF. Pouvez-vous nous dire où en est le dossier ?
Vous avez évoqué le renouvellement prochain des concessions hydrauliques. Or, l'hydraulique au fil de l'eau est un outil d'accompagnement et d'adossement pour les industries très consommatrices. De nombreux pays ont su trouver des modèles viables. Il serait regrettable qu'à l'occasion de ces renouvellements, des concurrents étrangers prennent des parts de marché et que ces barrages, qui ont été financés par des capitaux français, ne puissent bénéficier à l'industrie française.
Il y a peu de temps, un Land allemand a fait savoir à EDF qu'il entendait reprendre 100 % du contrôle d'une société dans laquelle EDF avait des participations. Si cette région veut récupérer la pleine puissance de son outil énergétique, c'est sans doute pour favoriser son industrie. Nous devrions en faire de même.
M. Charles Revet. - Le nucléaire répond aux quatre critères que vous avez évoqués et auxquels j'en ajouterais un cinquième : le coût, nettement moins élevé en France, ce qui est essentiel pour nos entreprises.
Y a-t-il un risque que l'Europe nous impose des productions obligatoires ? Pourquoi ne pas prendre en compte le nucléaire dans les 20 % d'énergies renouvelables ?
La France utilise beaucoup de gaz. Il y a eu de grands projets d'implantation de terminaux méthaniers dans différents ports. Où en est-on ?
M. Michel Teston. - Notre commission a reçu successivement la présidente d'Areva et le président d'EDF et nous avons pu constater qu'il existait deux visions différentes de la filière nucléaire. Le Gouvernement entend-il imposer une seule vision stratégique pour la filière nucléaire française ?
M. Martial Bourquin. - Vous estimez à juste titre que la politique énergétique est au coeur de la politique industrielle. La question du prix de l'énergie est tout aussi essentielle. Un grand débat est engagé à l'heure actuelle sur les avantages et les désavantages de notre économie par rapport à celle de l'Allemagne. Quand nous sommes allés dans ce pays, on nous a dit que notre prix de l'énergie était un avantage évident pour nos entreprises. Nous devons garder cet avantage compétitif, d'autant que, lorsque nous avons été à Sophia Antipolis pour rencontrer les districts italiens, ils ne nous ont pas dit autre chose.
Quand nous nous sommes déplacés en Maurienne et que nous avons abordé la question de Rio Tinto et des électro intensifs, nos interlocuteurs ont montré leur grande inquiétude face à la loi NOME : l'État français sera-t-il capable de maintenir le prix de l'électricité à un niveau abordable ? Si tel n'est pas le cas, la délocalisation aura lieu, au mieux, au Canada, là où l'hydroélectrique ne produit pas de CO2, au pire, en Chine où la production d'aluminium est 22 fois plus polluante qu'en France. Qu'entendez-vous faire pour conserver l'industrie de l'aluminium dans notre pays ?
J'en viens à la filière photovoltaïque : la suspension des aides a mis un coup d'arrêt au développement d'une filière très intéressante : dans la Tribune d'hier, Bertrand Piccard disait que d'importants investissements dans la filière photovoltaïque étaient compromis. Le niveau des tarifs de rachat est une question fondamentale. Mais la prise en compte de l'empreinte carbone des panneaux solaires permettrait sans doute de favoriser la construction de capteurs photovoltaïques français de deuxième, troisième ou quatrième génération.
J'en viens au véhicule décarboné : faisons en sorte qu'il n'y ait pas de vision univoque. Le tout-électrique après le tout-pétrole serait une erreur. Autant nous devons travailler sur le véhicule électrique, comme le font nos deux constructeurs nationaux, autant les véhicules hybrides, les futures carburations, les nouveaux moteurs sont des pistes intéressantes qu'il serait dommage de négliger.
Mme Jacqueline Panis. - Monsieur le ministre, l'incertitude sur les tarifs de rachat de l'énergie issue de la méthanisation freine des projets pourtant bien avancés : avez-vous des informations sur ces tarifs ?
M. Gérard Bailly. - On présente souvent les atouts de notre pays, en particulier son agriculture, pour développer la biomasse : qu'en pensez-vous ? Sur le photovoltaïque, ensuite, ne considérez-vous pas que les dossiers déjà bien engagés doivent aboutir, en particulier dans le monde rural ? Enfin, je voudrais connaître votre opinion sur l'hydraulique de rivière, où des projets sont trop souvent freinés par des inquiétudes écologiques, au risque d'erreurs économiques.
M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - La France promeut, à l'échelon européen, les standards les plus élevés en matière de sûreté nucléaire. Cependant, les décisions et les certifications relèvent des Etats membres, ce qui ne nous interdit nullement de participer à des instances communautaires et internationales de concertation.
La question industrielle est au menu du prochain Conseil européen, c'est une bonne nouvelle. Nous assistons à une prise de conscience de ce que le continent européen doit conserver sur son sol un certain niveau de productions industrielles : le débat sur le brevet européen en est un signe, tout comme celui sur l'indépendance énergétique. L'industrie, du reste, dispose de soutiens précieux parmi les commissaires, qui ne sont pas tous acquis à l'idée que l'Europe devrait être un espace de consommation où l'on ne produirait plus rien.
Deuxième bonne nouvelle, la place du nucléaire s'est réappréciée avec l'impératif de « décarboniser » l'énergie, au point que plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Italie, la Hongrie et la Tchéquie, entendent relancer leur production nucléaire. En fait, deux exceptions se distinguent par leur volonté de se retirer du nucléaire : l'Allemagne et l'Autriche.
La deuxième étape consistera donc à intégrer l'énergie nucléaire dans la planification énergétique européenne. Il ne s'agit nullement d'imposer le nucléaire : chaque pays restera libre, aucun mix énergétique ne sera imposé. Ce que nous craignions, c'était que le nucléaire soit montré du doigt, que l'Europe s'en désengage ; l'inverse se produit, le nucléaire a démontré ses avantages de compétitivité et de prix, nous ne pouvons que nous en féliciter.
Sur l'interconnexion, des difficultés sont effectivement apparues : nous nous efforçons de l'améliorer, avec nos partenaires.
Sur le financement, nous n'adhérons pas au projet pharaonique des Allemands, qui évoquent la mobilisation de mille milliards d'euros. Tout comme pour les réseaux numériques, nous faisons confiance à la régulation et au partenariat public privé, avec une intervention publique circonscrite aux besoins non couverts par le marché régulé, en particulier dans les zones géographiques non rentables.
Sur la notion d'efficacité énergétique, la France propose de s'inspirer des bonnes pratiques, plutôt que d'imposer des normes contraignantes. Nous avons pris nos responsabilités, avec l'objectif ambitieux du plan bâtiment, par exemple, de réduire les consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici à 2020. Certains de nos partenaires européens seront peut-être moins ambitieux, mais l'essentiel en la matière est que l'effort soit général.
Nous restons dépendants du pétrole, c'est une réalité. Nous le sommes cependant moins que d'autres, grâce au nucléaire, et nous préparons l'avenir, en améliorant notre efficacité énergétique et en investissant, par exemple, pour le véhicule électrique. L'après-pétrole passe par l'innovation technologique. J'ai récemment visité en Israël l'entreprise Better Place, qui prévoit de commercialiser dès septembre un véhicule électrique standard, qui bénéficiera d'un réseau d'échange de batteries sur tout le territoire israélien, les acheteurs potentiels de Renault s'y bousculent et repartent en signant les commandes: le véhicule de demain devient une réalité. Nous avons des atouts à faire valoir : notre production électronucléaire, l'avance qu'a prise Renault dans la construction de son modèle électrique, les investissements que l'Etat est disposé à mettre sur ce dossier. Nous essayons également de parvenir à une harmonisation des règles européennes, qui jouera en faveur de notre industrie puisque nous sommes en pointe. Le véhicule électrique est un sujet à part entière, sur lequel je vous propose que nous nous revoyons prochainement.
Le lien entre l'agriculture et la filière énergétique est fondé. C'est l'une des raisons qui ont conduit la présidence française du G20 à mettre l'accent sur la réduction de la volatilité des prix des matières premières agricoles et énergétiques.
En matière de concurrence, la France s'est opposée, avec succès, au démantèlement des groupes intégrés. Le Sénat a pris sa part, je vous remercie pour la bonne coopération qui a prévalu sur les ordonnances concernant le marché intérieur électricité gaz.
S'agissant de la sécurité d'approvisionnement, je rappelle que si la France importe de l'énergie, c'est uniquement pendant les périodes de pointe et cette importation est liée aux spécificités mêmes de notre appareil de production. Nous avons parfaitement tenu le choc des pics records de décembre.
Sur le photovoltaïque, l'important était de faire cesser les spéculations et de mettre notre pays en état de profiter de cette filière qui doit être industrielle. Je rappelle que la contribution au service public de l'électricité est de 30 euros par mégawattheure en Allemagne, contre 7,5 en France, et le prix de l'électricité est beaucoup plus élevé là-bas. La concertation s'achèvera bientôt, je suis sûr que le compromis mettra fin à la bulle spéculative sans nuire à une filière prometteuse.
Sur la compétitivité industrielle et l'énergie, nous voulons un allongement de la durée de vie des centrales nucléaires en partenariat avec les industriels ; une instruction a été prise sur la sécurité.
Les premières concessions hydroélectriques concernent la pointe et non le fil de l'eau et nous ne voyons que des avantages au partenariat public-privé.
Si l'énergie doit être décarbonée, chacun doit faire ses choix ; le nôtre consiste à faire du nucléaire la clé de voûte, tout en développant les énergies renouvelables. Sur le nucléaire, je m'exprimerai sous toutes réserves, puisque le Président de la République va réunir prochainement un Conseil de politique nucléaire. Des options stratégiques s'opposent, même si la presse ne retient que les différends de personnes. Parmi les questions stratégiques, celle du rôle que la France, spécialiste des réacteurs de troisième génération avec l'EPR et l'Atmea d'Areva, entend mener sur le marché des réacteurs de deuxième génération, qui intéressent par exemple des pays comme le Maroc ou la Jordanie et qui représentent un enjeu non négligeable. Idem pour la question des réacteurs de moyenne puissance : notre gamme n'en comporte pas, alors qu'il y a un marché. Des options stratégiques se distinguent aussi pour l'organisation de la filière : les relations se passent-elles entre Etats seulement, ou laisse-t-on des entreprises organiser une partie de la filière, avec EDF en chef de file ? Quelle place pour Alstom ? Quel rôle entend-t-on voir jouer à GDF-Suez, sur le moyen terme ? C'est à toutes ces questions, parmi d'autres, que le prochain conseil de politique nucléaire devrait répondre, pour redéfinir la doctrine française en la matière.
La loi Nome protège les consommateurs qui avaient craint un alignement des prix français sur les prix mondiaux. Quant aux électro-intensifs, nous accompagnons le dossier Excelsium. L'industrie de l'aluminium a été historiquement liée à l'énergie électrique, il faut pouvoir continuer.
S'agissant du tarif de rachat de l'énergie produite par méthanisation, le dossier est à l'instruction : nous agirons dans le sens de l'intérêt général. Enfin, sur la biomasse, je vous renvoie à l'arrêté que j'ai pris, qui vaut pour les scieries.
La France a de nombreux atouts, nous devons nous attacher à les conserver. L'exception énergétique française a longtemps été critiquée, mais tous les prospectivistes conviennent aujourd'hui que le choix d'un socle nucléaire civil a été un bon choix. Nous devons désormais nous attacher à l'harmonisation des règles sur le continent européen, dans le plein respect des souverainetés nationales, mais nous devons aussi développer notre filière nucléaire, ce qui suppose d'avancer sur l'aval, c'est-à-dire sur le traitement des déchets, et sur les réacteurs de quatrième génération. L'investissement dans les énergies renouvelables résulte d'un choix politique, la poursuite dans cette voie exige que ces énergies permettent la constitution d'une filière industrielle pourvoyeuse d'emplois, qui seront un retour sur investissement pour nos compatriotes, lesquels acceptent aujourd'hui de payer plus cher l'électricité produite par ces énergies renouvelables. Les décisions sur le photovoltaïque et sur l'éolien sont dictées par cette préoccupation.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Monsieur le Ministre, merci pour ces précisions. Nous sommes sensibles au temps que vous nous avez consacré, dans un agenda que je sais très contraint.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -
Audition de M. Philippe de Ladoucette, candidat aux fonctions de président de la Commission de régulation de l'énergie
La commission procède ensuite à l'audition de M. Philippe de Ladoucette, candidat aux fonctions de président de la Commission de régulation de l'énergie.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Conformément à la Constitution, nous allons auditionner M. Philippe de Ladoucette, candidat au renouvellement de ses fonctions à la présidence de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), puis nous voterons sur cette candidature, en même temps que nos collègues députés. Monsieur de Ladoucette, merci de nous présenter vos propositions pour la CRE.
M. Philippe de Ladoucette. - Quelques mots sur mon parcours professionnel. Après une vingtaine d'années consacrées aux conversions industrielles, je suis entré en 1994 dans le monde de l'énergie en devenant président des Houillères de Bassin du Centre et du Midi puis, de 1996 à 2006, PDG de Charbonnages de France tout en assumant de 1996 à 2000, la présidence de la toute nouvelle filiale électrique de Charbonnages, la Société nationale d'électricité et de thermique (SNET).
À cette époque où nous transposions les premières directives européennes sur la libéralisation du secteur de l'énergie, deux scénarios étaient envisagés : constituer un pôle avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la filiale de la SNCF, la Société hydro électrique du Midi (SHEM), ou bien ouvrir le capital sur appel d'offres. C'est cette seconde voie qui fut choisie en 2000 par le Gouvernement. C'est ainsi qu'Endesa prit 30 % du capital de la SNET, qui devenait la première société française de production électrique partiellement privatisée. Tout en restant actionnaire principal, je laissai ensuite la présidence de la société à André Sainjon, qui mena à bien son développement, et parvint à la privatisation totale en 2004. Troisième producteur d'électricité sur le territoire national, elle appartient désormais à Eon.
J'en viens maintenant aux cinq années que j'ai passées à la CRE ponctuées par quelques faits marquants dans le monde de l'énergie.
Il y a d'abord eu l'augmentation des prix de l'électricité sur le marché de gros, qui a conduit à instaurer le Tartam afin d'éviter une perte de compétitivité brutale aux entreprises, puis à confier par la loi de décembre 2006 une nouvelle responsabilité à la CRE : la surveillance des marchés de gros en électricité et en gaz.
Il y a eu le « black out » électrique de novembre 2006, qui a souligné la nécessité d'une réelle indépendance des gestionnaires de réseaux de transport vis-à-vis de leurs maisons mères, ce qui a conduit la Commission européenne à défendre la séparation patrimoniale au sein du troisième paquet Énergie.
Pour des raisons différentes, la France parce que son système fonctionnait et l'Allemagne parce que le sien ne fonctionnait pas, ont défendu une option alternative dite « ITO ». C'est ce modèle que nous allons mettre en application dans les mois qui viennent et que la CRE aura à certifier.
Il y a eu, fin 2008, la crise du gaz russe, qui a montré la vulnérabilité et la dépendance des pays européens. Cette prise de conscience a conforté la conviction selon laquelle il était nécessaire de parachever le marché intérieur de l'énergie pour assurer sa sécurité d'approvisionnement.
Il y a eu le développement du gaz de schiste aux États-Unis et ses conséquences sur le prix du gaz avec une décorrélation des prix des contrats à long terme par rapport aux prix de marché. Situation qui a conduit la CRE à réviser la formule des tarifs réglementés pour y introduire 9 % de prix de marché et refléter ainsi les coûts d'approvisionnement actuels de GDF Suez.
Il y a eu les grandes tempêtes en France qui ont désorganisé les réseaux, privant une partie de nos concitoyens d'électricité et de chauffage. Ces événements ont mis en exergue les questions de sécurité et de qualité des réseaux, sujet que vous connaissez bien, et sur lequel la CRE a rédigé un rapport fin 2010.
Il y a eu le discours du président Obama sur les smart grids, les réseaux intelligents, suivi d'un extraordinaire engouement dont la CRE s'est emparée en lançant le premier colloque sur ce thème au Sénat. Il y a eu, enfin, le vote du paquet « énergie-climat » à l'échelon européen et du Grenelle de l'environnement, qui fixe un objectif de 23 % d'énergies renouvelables d'ici 2020.
De ce passé récent découlent les grands sujets que la régulation de l'énergie va devoir traiter, le tout encadré par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'énergie (NOME) et la mise en oeuvre du troisième paquet « Énergie ».
Je retiendrai trois grandes priorités pour la CRE dans les années à venir.
Il lui faudra d'abord contribuer à la sûreté des systèmes et à la sécurité d'approvisionnement, en s'assurant d'un niveau adéquat d'investissements nationaux comme européens dans les réseaux et d'un nombre suffisant d'infrastructures.
Le troisième paquet confie à la CRE l'approbation des plans d'investissements décennaux, outre l'approbation chaque année des programmes d'investissement de gestionnaires de réseaux de transport. Cette responsabilité s'exercera en liaison avec la nouvelle Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), au niveau européen qui veillera à la cohésion.
Autre conséquence fondamentale de la troisième directive, l'élaboration d'un système de règles d'accès aux réseaux, communes pour toute l'Europe. Ces enjeux sont importants car il y va notamment du modèle de marché du gaz au travers des allocations de capacités.
S'il est souhaitable d'aller vers une harmonisation du marché européen de l'énergie, il faut combattre une certaine volonté technocratique d'uniformisation et laisser une marge de manoeuvre pour prendre en compte les spécificités des États membres.
L'un des grands problèmes de la construction du marché européen provient de l'approche divergente entre la France et l'Allemagne du mix énergétique, qui se cristallise sur le nucléaire. Le modèle allemand l'a emporté en matière électrique avec le choix du développement des énergies non renouvelables et la réduction des gaz à effets de serre en pourcentage et non en valeur absolue, ce qui n'est pas favorable au modèle français « décarboné ». J'en ai conclu que nous devions défendre nos intérêts en matière de gaz : c'est la ligne que la CRE a tenue, et que je compte poursuivre.
La CRE, ensuite, devra améliorer la qualité et l'efficacité des réseaux, sujet de nombreuses controverses. La durée moyenne de coupure de l'alimentation électrique ne cesse d'augmenter et la dégradation du service est largement établie.
La CRE devra développer les outils de surveillance. Lors de l'élaboration du Turpe 3 (tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité), entré en vigueur le 1er août 2009 pour quatre ans, elle a privilégié les investissements les plus favorables à la qualité d'alimentation avec 20 % d'investissements supplémentaires dédiés à la qualité de desserte. ERDF va ainsi investir de manière ciblée 3,3 milliards sur cette période.
Le diagnostic montre qu'il faut renouveler les réseaux basse tension aériens à fils nus, mettre l'accent sur les réseaux HTA et les « points noirs », situés le plus souvent au niveau des queues de distribution, où de fréquentes coupures sont observées. Ce sera certainement un des enjeux essentiels de Turpe 4.
Mais l'amélioration des réseaux passe également par l'introduction de technologies de l'information et de la communication et par le développement du comptage évolué. C'est le projet Linky, sur l'expérimentation duquel la CRE aura à donner son avis en avril prochain, excellemment analysé par M. Ladislas Poniatowski.
La CRE, enfin, devra créer les conditions d'une concurrence effective. Il y a d'abord une question de confiance : être certain qu'il n'y a pas de manipulations des marchés. La surveillance des marchés de gros depuis 2007 est satisfaisante, puisque aucune manipulation n'est à déplorer. En liaison étroite avec l'Autorité des marchés financiers (AMF), la CRE devra surveiller le marché du CO2. L'accord de décembre dernier fait ainsi de la France le premier pays à anticiper le projet de règlement européen sur la transparence des marchés de l'énergie que la Commission européenne vient de rendre public.
La CRE va aussi avoir la responsabilité de la surveillance du marché de détail.
Elle va mettre en oeuvre la loi Nome que vous avez votée. Au-delà du sujet central qui est le prix de l'Arenh (accès régulé à l'énergie nucléaire historique), il existe beaucoup de modalités pratiques à définir.
Ainsi le nouveau collège de la CRE aura plus d'une dizaine de délibérations à prendre au cours des mois prochains, dont l'avis sur le projet de décret ; la rédaction de l'accord cadre liant EDF et chacun des fournisseurs ayant droit à l'Arenh ; le contenu de la déclaration d'enregistrement; le contenu du dossier de demande d'Arenh ; enfin, elle donnera un avis sur les différents arrêtés sur le calcul des droits et celui des prix.
S'agissant du prix de départ, fixé en cohérence avec le Tartam, je rappellerai qu'il n'y a pas de définition scientifique de cette cohérence. Deux facteurs déterminent ce prix : les prix de marché, dont les cotations évoluent chaque jour, et la quantité d'Arenh allouée à un portefeuille.
Chaque modification apportée à l'un de ces facteurs modifie le niveau d'arrivée. Avec des hypothèses de 80 % d'Arenh et des prix de marché de 55 euros en base et de 75 euros en pointe, ce qui était le cas en juin dernier, on obtient un résultat inférieur à 40 euros. Avec les prix de marché du 14 janvier dernier - 55 euros en base et 67 euros en pointe - et toujours avec 80 % d'Arenh, le résultat est supérieur à 40 euros. Avec les mêmes hypothèses de prix mais 85 % de volume, il est supérieur à 41 euros. Avec un volume de 78 %, on est aux environs de 39. La cohérence Tartam est donc fortement tributaire des hypothèses de calcul retenues.
Le futur collège de la CRE aura donc tous les éléments pour émettre un avis sur la proposition du Gouvernement.
Il n'y a aucun lien entre le prix de l'Arenh déterminé en cohérence avec le Tartam et les coûts de revient de la production nucléaire d'EDF. Les enjeux pour le calcul d'un prix de l'Arenh représentatif des conditions économiques du parc nucléaire historique sont le montant des capitaux immobilisés à rémunérer, c'est-à-dire la valeur des actifs nucléaires historiques, et ensuite, et dans une moindre mesure, le montant et le mode de prise en compte des investissements de prolongation de la durée d'exploitation des réacteurs.
Les valeurs annoncées varient fortement, la commission Champsaur fera sa proposition, à travers un rapport, sur la base duquel le Gouvernement prendra un arrêté- la CRE donnant son avis et le Gouvernement décidant. Mais dans trois ans, la procédure changera : ce sera au Gouvernement de donner son avis, et à la CRE de décider.
Je terminerai par quelques mots sur la gouvernance. La CRE regroupe 130 personnes, ingénieurs, économistes, mathématiciens, juristes ; la moyenne d'âge y est de 35 ans, et la parité hommes-femmes est totale.
Le statut d'autorité administrative indépendante de la CRE et l'importance des enjeux de ses décisions impliquent que les principes de déontologie soient mis en oeuvre de manière exigeante. A cet effet, j'ai pris une décision qui interdit aux agents de la CRE de vendre ou d'acheter des valeurs mobilières de sociétés du secteur régulé de l'énergie. Par ailleurs tout agent quittant la CRE doit passer devant la Commission de déontologie.
En ce qui concerne le Collège, vous avez souhaité qu'il soit resserré à 5 membres à temps complet, pour un travail plus collégial ; j'espère néanmoins pour la CRE que ce sera le dernier changement avant longtemps de son mode de gouvernance car, pour parler franchement, les évolutions permanentes au cours de ces cinq dernières années ne nous ont pas facilité la tâche. Je salue le travail remarquable effectué par les commissaires femmes et hommes à temps partiel au cours de cette période, car - vous l'aurez remarqué - le collège dont le mandat se termine le 7 février comportait deux femmes.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci pour cet exposé.
M. Ladislas Poniatowski. - Dans vos rapports d'activité, que j'apprécie, vous êtes sévère pour l'état des réseaux : comment pouvez-vous obliger ERDF à faire davantage pour l'entretien et la modernisation des réseaux de distribution, notamment la suppression de la basse tension-fil nu ? L'obligation d'y consacrer une part de l'enveloppe Turpe vous paraît-elle une solution ? Je suis sûr d'être ici l'interprète des présidents de syndicat !
Il existe un groupe des régulateurs européens. Quelle analyse faites-vous des efforts pour l'interconnexion des réseaux ? Nos « pics » de consommation diffèrent d'un pays à l'autre, c'est une chance à saisir.
Nos concitoyens, enfin, craignent que la libéralisation du marché du gaz s'accompagne d'une augmentation des prix. Vous nous avez indiqué que vous examineriez les moyens de réduire l'automaticité du lien entre prix du pétrole et prix du gaz : quels sont les résultats de vos réflexions ?
Mme Renée Nicoux. - La CRE a rendu un avis sur le tarif de rachat de l'électricité issue de la biomasse pour les scieries mais rien n'est dit pour les petites unités de production, entre 2 et 5 mégawatts, qui devaient bénéficier du même tarif que les unités importantes.
M. Philippe de Ladoucette. - Sur les réseaux de distribution, il est vrai que nous n'avons pas le même pouvoir que pour les transports : n'ayant pas notre mot à dire sur les programmes d'investissement, ne nous reste que la construction des tarifs. Nos moyens ne nous sont pas donnés par la loi : ils ne tiennent qu'au dialogue, qui a son efficacité. La loi NOME a créé les conférences départementales, organisations placées sous l'autorité du préfet, qui réunissent les parties prenantes, dont ERDF, qui gagnera à expliquer ses choix d'investissement pour gagner en transparence. Entre l'entreprise, les collectivités, l'État et la CRE, il faudra rechercher des consensus : améliorer la qualité, oui, mais jusqu'où le consommateur est-il prêt à payer ? En Allemagne, le réseau est de meilleure qualité, mais son coût est supérieur de 30 % alors même que, le pays étant plus dense, il y a moins de lignes à tirer. Même réflexion à mener sur le choix des énergies. Les Français sont favorables aux énergies renouvelables jusqu'à ce qu'on leur présente la facture. L'augmentation a minima de 3 €/MWh de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) au 1er janvier est loin de couvrir les besoins - la CRE prévoyait un passage de 4,7 à 12, 9 €/MWh. Il faudra bien rattraper le retard d'ici à 2014, et la proposition de la CRE s'appliquera automatiquement chaque année, plafonnée à 3 €/MWh, si le ministre n'intervient pas.
Vous m'interrogez sur la régulation et les interconnexions. Avec la mise en place de l'ACER, l'Europe s'est dotée d'une structure portant une vision supranationale et chargée de régler les problèmes d'interconnexion. Au cours des quatre dernières années, nous avons réussi à coupler les marchés et optimiser les liaisons entre Belgique, Pays-Bas, Allemagne et France, si bien que les réseaux ne souffrent pas de congestion et que la convergence des prix de gros a aidé à la constitution d'un marché européen, ce qui permet d'optimiser les moyens de production en jouant sur la différence dans les heures de pointe.
Le prix du gaz ? Sujet brûlant. Nous avons quelques semaines devant nous avant d'y revenir, début avril. En octobre dernier, nous avons modifié la formule, connectée sur les contrats à long terme - indexés sur les prix du pétrole - pour introduire 9 % de spot - le marché libre où les prix, actuellement, sont beaucoup plus bas.
M. Gérard César. - Pourquoi 9 % ?
M. Philippe de Ladoucette. - C'est le taux qu'ont accepté les fournisseurs au terme des négociations engagées par GDF Suez. Nous sommes convenus de revoir chaque année la formule. Si GDF obtient davantage de ses fournisseurs, cela se reflètera dans la formule. Reste qu'il n'est pas sûr que la déliaison se poursuive au-delà de deux ans. Il est difficile, en ces matières, d'y voir clair, tant les analyses sont divergentes. Ce qui est sûr, c'est que l'introduction du spot n'est pas la martingale qui fera baisser miraculeusement les tarifs.
Comment garantir au consommateur que ses intérêts seront mieux défendus par la CRE que par le Gouvernement ? N'oublions pas que chaque année, le Gouvernement peut reprendre la main - ce qu'il a fait récemment pour modifier la formule.
Si nous n'avons pas pris position sur la biomasse, c'est qu'on ne nous a rien proposé. Nous avons donné notre avis sur les propositions émanant du Gouvernement, sans aller au-delà.
M. Ladislas Poniatowski. - Ce que nous avons voté sur la petite biomasse n'est pas encore applicable.
Mme Renée Nicoux. - Le décret sur les scieries pouvait être l'occasion de faire des propositions.
Il a été procédé à un vote à bulletin secret. La commission s'est prononcée en faveur de la nomination de M. Philippe de Ladoucette au poste de président du collège de la Commission de régulation de l'énergie (7 voix pour et 4 abstentions).