- Mercredi 11 janvier 2012
- Nomination de rapporteurs
- Scission de la commission - Echange de vues
- Conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française - Examen du rapport et du texte de la commission
- Voies navigables de France - Examen, en deuxième lecture des amendements
- Contrôle de la mise en application des lois - Communication
Mercredi 11 janvier 2012
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -Nomination de rapporteurs
M. Daniel Raoul, président. - Il nous revient de procéder à la désignation d'un rapporteur sur un avis motivé au titre de l'article 88-6 de la Constitution qui donne compétence au Sénat ou à l'Assemblée nationale pour vérifier le respect du principe de subsidiarité par un projet d'acte législatif communautaire. En l'occurrence, il s'agit de certains articles de la proposition de règlement européen relative au réseau européen de transport.
La proposition d'avis motivé rapportée par Mme Bernadette Bourzai au sein de la commission des affaires européennes devrait être adoptée demain par cette dernière. Dans la mesure où notre commission pourra se prononcer sur cette proposition jusqu'au 1er février, je vous propose de fixer au vendredi 20 janvier à 12 heures le délai limite de dépôt des amendements, et au mardi 24 janvier l'examen de la proposition d'avis motivé en commission. Je vous propose en outre de nommer notre collègue Roland Ries, rapporteur sur ce texte relatif aux transports.
La commission désigne M. Roland Ries comme rapporteur.
Par ailleurs, la commission des affaires européennes ayant adopté fin décembre une proposition de résolution européenne sur la politique de cohésion présentée par M. Michel Delebarre, qui nous a été transmise le 9 janvier, nous disposons d'un mois pour nous saisir de cette proposition de résolution et nous prononcer.
Je vous propose de fixer au vendredi 27 janvier à 12 heures le délai limite pour le dépôt des amendements de commission, et au mardi 31 janvier à 15 heures l'examen du rapport et du texte de la commission sur cette proposition de résolution. Enfin comme rapporteur sur ce texte, je vous propose de désigner notre collègue Robert Navarro.
La commission désigne M. Robert Navarro comme rapporteur.
M. Robert Navarro. - En vous remerciant de cette nomination, je souhaitais, compte tenu des délais très courts qui me sont impartis et de l'impact des fonds structurels sur nos territoires, vous signaler d'ores et déjà que le texte européen dont il est question est particulièrement problématique dans son principe. En effet, il propose en quelque sorte d'imposer une double peine aux régions en leur faisant, pour l'octroi des aides structurelles, payer le prix des manquements du gouvernement français au respect des critères dits de Maastricht en matière de déficit public. Ceci est proprement scandaleux et je voulais vous en avertir dès aujourd'hui.
M. Daniel Raoul, président. - Vous aurez l'occasion de développer tout ceci dans le rapport que vous nous présenterez.
Scission de la commission - Echange de vues
M. Gérard Cornu. - Monsieur le Président, je saisis l'occasion donnée par la première réunion de l'année de notre commission pour revenir sur la décision de sa partition, que nous n'approuvons pas mais dont nous prenons acte. Les observations que vous avez formulées sur le rapport de M. Alain Anziani ayant confirmé que vous étiez l'un des acteurs majeurs de cette réforme, je voudrais vous demander si nous pouvions en savoir davantage sur le périmètre des deux nouvelles commissions.
Est-il envisagé de procéder à l'identique de l'Assemblée nationale ? C'est pour nous une question d'importance eu égard à la répartition des commissaires entre les deux nouvelles instances, à laquelle nous allons devoir procéder.
M. Daniel Raoul, président. - Vous en savez autant que moi à ce sujet puisque vous avez eu l'occasion d'entendre les propos que j'ai tenus devant la commission des lois. Je confirme en particulier que je suis très attaché au fait que le lien puisse être maintenu entre les secteurs de énergie et de l'industrie, ce qui est indispensable au regard des enjeux mondiaux qui sont devant nous.
M. Gérard César. - Je suis tout à fait d'accord.
Mme Laurence Rossignol. - Tout en comprenant bien la nécessité du lien entre énergie et industrie, je rappelle qu'il est tout aussi important que la commission qui sera en charge des problématiques de développement durable puisse connaître l'impact environnemental des questions énergétiques.
M. Charles Revet. - Et bien maintenons-les ensemble dans une seule commission !
Conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission procède ensuite à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi n° 105 (2010-2011), présentée par M. Richard Tuheiava et plusieurs de ses collègues, relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française.
M. Roland Courteau, rapporteur. - La conférence des présidents du 14 décembre dernier a prévu la discussion en séance publique le 18 janvier prochain, dans le cadre d'une séance consacrée à l'ordre du jour réservé au groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie les Verts rattaché, de la proposition de loi relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française, dont le premier signataire est Richard Tuheiava.
Cela fait bientôt 16 ans qu'avec son dernier tir, effectué le 27 janvier 1996, dans un puits creusé sous le lagon de Fangataufa, la France a mis un terme à son programme d'essais nucléaires, fermant ainsi un chapitre de l'histoire ouvert dans le Sahara avec l'explosion « Gerboise bleue » le 13 février 1960.
Les essais nucléaires ont permis de construire et de maintenir une capacité de dissuasion nucléaire, objectif stratégique majeur de la France fixé par Pierre Mendès-France en 1954 puis mis en oeuvre avec la plus grande détermination par le général de Gaulle ; ils ont aussi valu à notre pays des tensions, dont nous nous souvenons, avec certains pays tiers notamment de l'océan Pacifique.
Or ces essais, qui selon la terminologie militaire avaient lieu « dans le Pacifique », étaient en fait réalisés dans les lieux bien identifiés que sont les atolls de Moruroa et de Fangataufa qui, loin d'être complètement séparés du reste du monde, font partie du territoire et de l'histoire de la Polynésie française. Le lieu habité le plus proche de Moruroa, l'atoll de Tureia, en est ainsi distant de seulement une centaine de kilomètres.
Quant à Papeete, si elle est située à environ 1250 kilomètres, il convient de préciser que certains tirs ont entraîné des retombées radioactives à cette distance, même si les effets sont demeurés mineurs selon les rapports officiels.
Un retour en arrière sur les conditions d'implantation du centre d'expérimentation du Pacifique, organisme chargé des essais, est également nécessaire pour bien comprendre la proposition de loi soumise à notre examen. Rappelons en effet que si les atolls de Moruroa et de Fangataufa ont été choisis lors de l'accession de l'indépendance de l'Algérie en raison de leur relatif isolement et de la possibilité d'y établir les infrastructures nécessaires, ce n'est qu'après la création du centre d'expérimentation du Pacifique et les premiers travaux d'aménagement qu'une délibération autorisant cette cession a été effectivement sollicitée de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, qui l'a adoptée le 6 février 1964.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'État a imposé cette décision à la Polynésie.
Cette délibération prévoyait le retour gratuit des deux atolls au domaine public du territoire « dans l'état où ils se trouveront à cette époque, sans dédommagement ni réparation d'aucune sorte de la part de l'État », ces termes même témoignant à quel point les Polynésiens étaient peu informés des conséquences environnementales des essais nucléaires censés être réalisés sous contrôle.
Qui, aujourd'hui, considérerait sérieusement que ces deux atolls peuvent être restitués sans que l'État assume la moindre charge de réhabilitation ou de suivi, comme s'ils n'avaient pas subi des dizaines d'explosions nucléaires ? 41 essais atmosphériques et 5 essais de sécurité ont en effet eu lieu sur ces lieux entre 1966 et 1974, certains ayant entraîné la diffusion de particules radioactives dans les différentes couches de l'atmosphère et quelques-uns ayant même provoqué la contamination du sol.
D'après les éléments qui m'ont été communiqués, on estime que cinq kilogrammes de plutonium reposent aujourd'hui dans les sédiments des lagons, ainsi que sur un banc immergé proche de la couronne de Moruroa, ces chiffres étant d'ailleurs contestés par notre collègue Richard Tuheiava. Les autorités ont pour leur part choisi de laisser les choses en l'état, une éventuelle décontamination paraissant trop complexe et trop risquée du fait du relâchement possible de matières radioactives.
A ceci s'ajoutent les 137 essais souterrains et 10 essais de sécurité réalisés entre 1975 et 1996, au fond de puits creusés pour l'occasion et contenant toujours non seulement les produits de fission engendrés par l'explosion, mais aussi des déchets nucléaires divers, stockés dans des fûts enfouis et recouverts de béton. Deux puits ont même été creusés spécifiquement pour contenir ces déchets.
Selon le rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique de 1998, ainsi que d'après les rapports annuels publiés par le ministère de la défense, l'état radiologique des deux atolls serait - et j'emploie le conditionnel à dessein - satisfaisant, le poisson y serait abondant et le corail y poursuivrait son développement.
Pourtant, des inquiétudes sérieuses subsistent pour l'avenir car les essais souterrains ont gravement endommagé le sous-sol, un atoll constituant une structure particulièrement fragile. Si les explosions souterraines ont eu lieu dans le socle basaltique d'origine volcanique, celui-ci est surmonté d'une couche calcaire de 300 à 500 mètres d'épaisseur qui ne dépasse en effet la surface de la mer que de quelques mètres à peine, au point qu'une tempête tropicale peut la recouvrir d'eau.
Or cette couche calcaire est toujours susceptible de connaître des fissures, voire de s'effondrer, comme en témoigne le fait que les premiers essais ont entraîné des affaissements de surface, et qu'en 1979 un tir souterrain à Moruroa a fait basculer dans l'océan un bloc corallien et déclenché la formation d'une vague de deux mètres de hauteur, causant des blessures parmi le personnel présent sur place.
Au niveau du socle basaltique lui-même, le rapport rendu par M. Charles Fairhurst au nom de la commission géomécanique internationale, en 1998, indiquait ainsi qu' « environ 5 % du volume total de roches volcaniques compris entre 500 mètres et 1 500 mètres de profondeur sous la surface, à Mururoa aussi bien qu'à Fangataufa, a été endommagé du fait des essais nucléaires souterrains ».
Tout ceci ne peut qu'inciter à une surveillance continue et à la mise en place de dispositifs d'alerte, le ministère de la défense m'ayant indiqué qu'il existait pour l'heure un double système d'alerte. En cas d'effondrement limité, une alerte à 90 secondes permet aux personnels de se réfugier sur des plateformes ; en cas d'effondrement plus important, des signes avant-coureurs donnent le temps de prendre, si nécessaire, des mesures d'évacuation.
Ceci ne concerne pas seulement les personnels militaires présents sur le site : un rapport rendu public il y a un an a soulevé une vive inquiétude parmi la population de l'atoll de Tureia en indiquant que, dans certaines hypothèses, un effondrement massif pourrait entraîner la formation d'une vague parcourant la centaine de kilomètres qui sépare les atolls de Moruroa et de Tureia en seulement 10 minutes.
Certes des signes avant-coureurs devraient en principe permettre à la population de se réfugier auparavant dans le village, situé à 5 ou 6 mètres d'altitude, mais il n'est jamais certain que les vagues se comportent comme le prévoient les modélisations scientifiques. C'est d'ailleurs quelques semaines seulement après la publication de ce rapport qu'un tsunami dévastait la côte est du Japon, avec une puissance et des conséquences que même ce grand pays n'avait pas su anticiper.
La présente proposition de loi poursuit donc le double objectif visant, comme son titre l'indique, à garantir la surveillance des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française, tout en comportant, me semble-t-il, un aspect culturel et social tout à fait majeur.
Comme l'exposé des motifs l'indique très bien, et comme je l'ai constaté au cours de mes auditions, l'un des enjeux de ce texte est en effet la restauration du lien entre les Polynésiens et leur environnement naturel dans des lieux où ce lien a été rompu par des essais nucléaires, menés certes au nom de l'intérêt national, mais sans concertation et avec une très faible information des populations.
Ceci passe par la mesure majeure prévue à l'article 1er de la proposition de loi, constituée par la rétrocession des atolls de Mururoa et de Fangataufa au domaine public de la Polynésie française. Je ne vous cache pas que le ministère de la défense a fait valoir des arguments pour justifier le statu quo, invoquant la nécessité de garantir la sécurité des matières radioactives encore présentes sur ces sites et d'éviter la diffusion d'informations confidentielles qu'un examen trop approfondi des puits d'essai pourrait apporter à des tiers.
Mais après mûre réflexion, il me paraît pourtant possible et souhaitable de concilier ces impératifs, qui requièrent la présence d'une force de surveillance permanente, avec le transfert du droit de propriété à la Polynésie française. Observons d'ailleurs que le transfert prévu par l'article premier n'aurait d'effet pour le moment que pour la partie terrestre des atolls : le domaine public maritime est en effet régi par les dispositions de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Il s'agirait donc d'un premier pas, mais d'une très grande importance aux yeux de la population polynésienne.
Ce transfert ne saurait toutefois avoir lieu en l'état comme le proposait la délibération de 1964, l'État devant en effet continuer de supporter les charges de réhabilitation environnementale ainsi que de surveillance radiologique et géomécanique qu'il exerce déjà sous la responsabilité du ministère de la défense, en coopération avec le CEA, tel que proposé par le second alinéa de l'article premier.
Quant à l'article 2 de la proposition de loi, il interdit la recherche à des fins militaires, répondant ainsi à une inquiétude du ministère de la défense quant à la poursuite d'activités potentiellement dangereuses sur les atolls. Je crois que cette disposition pourrait également favoriser une certaine sanctuarisation des atolls. Si la réinstallation de populations est peu probable, il serait malvenu de donner aux atolls une vocation militaire autre que limitée à la protection du site.
L'article 3 prévoit que la surveillance radiologique et géomécanique doit être assurée par l'État en coopération avec la Polynésie française et les communes environnantes. Cette disposition de bon sens favorise l'acquisition des informations par les populations locales, alors qu'aujourd'hui, les mesures géomécaniques réalisées à Moruroa sont transmises instantanément au laboratoire du CEA en région parisienne pour la publication des rapports annuels de surveillance radiologique et géomécanique qui en sont issus ; le délai de diffusion qui en découle nécessite ainsi plus de 18 mois.
L'article 4, dans le même esprit de transparence et de participation des acteurs locaux, renforce la coopération entre l'État et les collectivités territoriales dans la définition des plans de prévention des risques.
Les articles 5 et 6 complètent le dispositif en créant une commission nationale de suivi des essais nucléaires composée des représentants des ministères concernés, des autorités locales y compris des communes environnantes, et de la société civile. Elle devrait jouer un rôle de réflexion et, me semble-t-il, de diffusion de l'information.
Enfin, l'article 7 de la proposition contient le traditionnel dispositif de gage financier.
Pour ma part, les modifications que je vous propose ne remettent pas en cause l'esprit du texte, puisqu'au-delà de quelques adaptations mineures, elles consistent à favoriser la transparence en prévoyant des missions de mesure de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), à compléter la composition de la commission de suivi et à prévoir la publicité de ses travaux.
Je conclurai en rappelant que la loi du 5 janvier 2010 dite loi Morin a défini un mécanisme d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dont la mise en oeuvre soulève certes de nombreuses observations et critiques, mais qui par son existence constitue une reconnaissance officielle des conséquences des essais nucléaires pour les populations locales et les personnels civils et militaires présents sur les sites d'expérimentation.
Par l'adoption du présent texte, notre commission participerait du même esprit en assurant la reconnaissance par la France des conséquences environnementales des essais nucléaires dans la Polynésie française.
Seule une transparence plus large et une coopération plus approfondie des autorités nationales et militaires avec les populations locales et les collectivités territoriales permettront de restaurer l'indispensable lien de confiance.
M. Charles Revet. - Il convient d'être très vigilant sur ce type de dossier et je crois que nous devons effectivement accorder une attention particulière au suivi de la situation sur place.
Monsieur le rapporteur, pourriez-vous me confirmer qu'en 10 minutes la vague déferlante peut parcourir 100 kilomètres ? J'ai déjà constaté à deux reprises que notre commission a fait état de chiffres qui ne correspondaient pas à la réalité, ce qui nuit à la crédibilité des informations contenues dans les rapports du Sénat.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Il y a quatre ans, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) m'a confié une mission d'évaluation du risque de tsunami sur les côtes françaises. Toutes sont concernées par ce risque, comme le sont d'ailleurs toutes les zones côtières du globe, ce que confirme la commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO qui a préconisé à tous les États disposant d'un littoral de se doter d'un centre d'alerte avant décembre 2010.
Je précise qu'à la suite de mes préconisations, les ministères de l'intérieur et de l'écologie ont décidé de mettre en place un centre d'alerte en Méditerranée couvrant également la zone atlantique.
Pour répondre plus précisément à notre collègue Charles Revet, il convient de ne pas perdre de vue qu'un tsunami, dont les causes sont toujours géologiques, déplace une énergie cent à mille fois supérieure à celle des vagues de tempête avec lesquelles il ne doit pas être confondu. En eau profonde, le tsunami se déplace ainsi à la vitesse d'un avion, c'est-à-dire entre 600 et 800 kilomètres par heure.
Techniquement, il s'agit d'une colonne d'eau partant du fond de l'océan, dont la hauteur peut atteindre 3000 mètres, qui, lorsqu'elle rencontre les premières pentes des continents, transforme l'énergie cinétique en énergie potentielle, créant ainsi une hauteur de vague qui submerge le littoral. La même puissance est déployée lorsque la vague se retire, car celle-ci est alors dotée d'une capacité d'aspiration tout à fait phénoménale : en Indonésie, des corps emportés par l'aspiration de la vague ont été retrouvés en haute mer.
Les chiffres que j'avance ont été vérifiés et nous ont été communiqués par le commissariat à l'énergie atomique (CEA) qui dispose de spécialistes parmi les meilleurs au monde en la matière, et qui est chargé de mettre en place le centre d'alerte auquel je faisais référence il y a un instant.
M. Daniel Raoul, président. - Je constate que nous avons décidément été bien inspirés de nommer notre collègue Roland Courteau rapporteur sur ce texte.
M. Richard Tuheiava, auteur de la proposition de loi. - Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail, car pratiquement tout a été dit ; je me contenterai donc de deux observations rapides.
Il convient en premier lieu de rappeler les objectifs de cette proposition de loi.
Il s'agit en quelque sorte de réparer l'histoire mais aussi la grave omission de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, qui a laissé de coté la problématique environnementale. Je vous rappelle d'ailleurs qu'une initiative similaire avait été lancée dès 2002 par l'intermédiaire d'une proposition de loi relative aux conséquences tant environnementales que sanitaires, et qu'à ce jour seules ces dernières ont reçu un début de réponse.
En second lieu, cette proposition de loi est très attendue en Polynésie : elle permettra, me semble-t-il, aux Polynésiens de se réconcilier avec l'histoire et de se réapproprier leur territoire. En effet, dès l'origine des essais, dans les années 1960, les populations ont été mal informées ; certes, elles ont été consultées par référendum en 1958, mais sans savoir qu'elles consentaient ainsi à la mise en place de l'un des fondements du programme nucléaire de la France.
Je précise ensuite qu'il n'est pas prévu d'amendements modifiant la loi du 5 décembre 2010 relative à l'indemnisation sanitaire, et qu'enfin, conformément aux règles constitutionnelles, la procédure de consultation pour avis de l'assemblée de la Polynésie française est bien respectée, celle-ci examinant ce texte en commission ce soir même.
M. Daniel Raoul, président. - Cet aspect procédural est effectivement très important car il faut, en effet, recueillir l'avis de l'assemblée de la Polynésie française sur cette proposition de loi, avant son adoption en séance publique.
M. Ronan Dantec. - Je ferai deux remarques complémentaires pour contribuer à la clarté des débats.
D'une part, si la majorité sénatoriale souhaite effectivement que les débats se concentrent sur la question environnementale qui n'était pas traitée par la loi dite Morin, il convient toutefois de souligner que l'application de cette loi est loin d'être satisfaisante puisqu'à ce jour deux personnes seulement ont été indemnisées, pour des montants extrêmement faibles, et qu'il sera donc nécessaire que nous revenions plus tard sur les conditions d'application de ce texte.
D'autre part, s'agissant des informations relatives au suivi environnemental des atolls, nous constatons effectivement un grave problème de confiance car l'État ne souhaite pas mettre en place des mesures indépendantes des taux de radioactivité, au motif que celles-ci seraient susceptibles de dévoiler des informations stratégiques relatives à la bombe atomique. Cette position nous parait tout à fait exagérée d'autant plus que la question de l'indépendance de l'expertise du suivi des contaminations constitue un sujet majeur. La présente proposition de loi devrait nous permettre de progresser sur ce sujet.
M. Daniel Raoul, président. - J'insiste aussi, Monsieur le rapporteur, sur le fait que contrairement à ce qui a pu être dit ici et là, il n'est pas question de revenir sur les aspects sanitaires, traités par la loi du 5 décembre 2010.
M. Roland Courteau, rapporteur. - C'est une excellente précision, Monsieur le Président, car le texte initial de l'auteur de la proposition de loi se concentre effectivement sur les conséquences environnementales des essais nucléaires. A ceux de nos collègues qui souhaiteraient déposer des amendements introduisant des dispositions relatives aux questions de santé je tiens à rappeler que celles-ci risqueraient fort d'être censurées par le Conseil constitutionnel car sans rapport avec l'objet initial du texte.
La loi Morin était peut-être une bonne loi mais force est de constater que son application actuelle est critiquable, 430 des 630 dossiers déposés ayant effectivement été examinés pour donner lieu à seulement deux indemnisations, d'ailleurs dérisoires.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA COMMISSION
M. Bruno Sido. - Je souhaiterais avoir une précision concernant l'orthographe exacte des deux atolls de Polynésie française dont nous faisons référence. S'agit-il de Mururoa ou de Moruroa ? C'est important car je découvre à l'instant sur internet, que le nom Moruroa, qui apparait dès l'article premier, est aussi est celui d'une association anti-nucléaire.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Moruroa e Tatou est effectivement le nom d'une association. Mais le nom de l'atoll que nous avons l'habitude d'appeler Mururoa est bien en réalité Moruroa, dénomination reprise dans cette proposition de loi.
M. Daniel Raoul, président. - L'auteur de la proposition de loi peut-il nous éclairer sur ce point ?
M. Richard Tuheiava, auteur de la proposition de loi. - Le rapporteur a tout à fait raison et a bien perçu la subtilité du sujet. Le vrai nom de l'atoll est bien Moruroa, Mururoa étant une dénomination entrée dans les usages militaires à partir de l'implantation du centre d'expérimentation du Pacifique. Dès lors, si l'on souhaite effectivement s'inscrire dans la logique de réappropriation par les Polynésiens de leur patrimoine naturel, il convient de reprendre le terme d'origine.
M. Daniel Raoul, président. - Quelle est la terminologie exacte utilisée dans les documents géographiques officiels ?
M. Roland Courteau, rapporteur. - Il ne s'agit pas d'un nom officiel, toutefois, dans la délibération prise en 1964 par l'Assemblée territoriale de la Polynésie française, l'atoll domanial dont il est question est bien orthographié Moruroa.
M. Bruno Sido. - Je découvre même à l'instant dans Wikipédia que cet atoll était aussi historiquement appelé Aopuni.
M. Richard Tuheiava. - Il en va de même pour Tahiti qui, comme la plupart des îles de la Polynésie française, avait un nom coutumier, effacé par une nouvelle séquence de l'Histoire. Je n'ai pas voulu être maximaliste et revenir à ces noms coutumiers, mais il est bon de le rappeler : en tahitien, Moruroa a un sens, non Mururoa.
M. Didier Guillaume. - Mururoa est le nom le plus couramment utilisé en français, mais le vrai nom de l'atoll est Moruroa, qui signifie grand îlot. La question de Bruno Sido n'est pas sans fondement. Je n'avais jamais entendu, jusqu'aujourd'hui, ce nom de Moruroa. Je veux bien que l'on revienne à ce nom historique, mais ne serait-il pas utile, pour la bonne compréhension, que le nom de Mururoa apparaisse entre parenthèses à la suite ?
M. Daniel Raoul, président. - De la même manière, nous associons les essais nucléaires dans le Pacifique à Moruroa, mais ils concernent aussi Fangataufa.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Je propose donc que, à la première ligne du premier alinéa de l'article premier, après le mot Moruroa, on insère le nom Mururoa entre parenthèses, sachant que le rapport fournit toutes les explications. (Assentiment)
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission. Le sort de l'amendement examiné par la commission sur l'article 1er est retracé dans le tableau suivant :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. COURTEAU, rapporteur |
12 |
Précision sur la dénomination de l'atoll de Moruroa |
Adopté |
L'article 2 est adopté.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Mon amendement n° 5 prévoyait justement l'unification de la graphie « Moruroa ».
M. Roland Courteau, rapporteur. - L'amendement n° 2 va dans le bon sens : il vise à favoriser la coopération entre l'État, la Polynésie française et les communes proches. Je propose qu'il soit rectifié, en remplaçant « les communes concernées » par « les communes citées au premier alinéa », pour préciser qu'il s'agit des quatre communes les plus proches de Moruroa et Fangataufa. (M. Tuheiava accepte la rectification.)
L'amendement n° 2 rectifié est adopté.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Mon amendement n°6 prévoit l'intervention de l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, sur les deux atolls. Si la surveillance radiologique incombe en premier lieu à l'exploitant des installations nucléaires, qu'elles soient civiles ou militaires, il est bon, dans un souci d'information et de transparence, que l'IRSN assure, à Moruroa et Fangataufa, des missions d'expertise. Comme il le fait, dans le domaine civil, au profit de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l'Institut pourrait conduire de telles missions à la demande du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités intéressant la défense, autorité homologue de l'ASN dans le domaine militaire. L'IRSN exerce déjà une mission de surveillance de la radioactivité en Polynésie française, via son laboratoire d'étude et de suivi de l'environnement (LESE), à l'exception de ces deux atolls, pour lesquels elle assure toutefois des expertises sur dossier.
L'amendement n°6 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission sur l'article 3 est retracé dans le tableau suivant :
M. Roland Courteau, rapporteur. - Mon amendement n°7 précise la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française, laquelle a compétence sur les plans de prévention des risques naturels, qui ne relèvent donc pas de ce texte. En revanche, l'État a compétence pour les plans de secours : le Haut commissaire peut ainsi définir des plans Orsec et des plans particuliers d'intervention pour certains ouvrages et installations.
M. Roland Courteau, rapporteur. - L'amendement n°3 prévoit la réalisation d'un plan particulier d'intervention susceptible de porter sur les risques identifiés dans les communes environnantes. Ce dispositif complètera les mesures déjà en cours, comme le plan communal de sauvegarde de l'île de Tureia. J'y suis favorable.
L'amendement n°3 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission sur l'article 4 est retracé dans le tableau suivant :
M. Roland Courteau, rapporteur. - Mon amendement n° 8 complète la composition de la commission nationale de suivi des essais nucléaires en y intégrant des personnalités qualifiées susceptibles, en vertu de leurs responsabilités et de leurs compétences, de lui apporter leur éclairage. Il la renomme « commission de suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires », pour bien la distinguer de celle qu'a créée la loi du 5 janvier 2010 pour le suivi sanitaire.
M. Roland Courteau, rapporteur. - L'amendement n °4 ajoute le ministre de la Polynésie française chargé de l'environnement parmi les membres de la commission : cette proposition est pertinente.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission sur l'article 5 est retracé dans le tableau suivant :
Article 6
L'amendement de cohérence n° 9 est adopté.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Mon amendement n° 10 reprend certaines dispositions relatives aux commissions locales d'information pour les installations nucléaires civile et aux commissions d'information pour certaines installations nucléaires militaires, afin d'améliorer l'information et la publicité des travaux de la commission de suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires et contribuer à restaurer ainsi la confiance des populations.
L'amendement n° 10 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission sur l'article 6 est retracé dans le tableau suivant :
Article 7
L'amendement rédactionnel n° 11 est adopté. Le sort de l'amendement examiné par la commission sur l'article 7 est retracé dans le tableau suivant :
Article 7 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. COURTEAU, rapporteur |
11 |
Compensation des conséquences financières de la proposition de loi. |
M. Jean-Claude Lenoir. - Je veux d'abord assurer M. Tuheihava de notre sympathie. Nous avons bien compris le souhait de nos compatriotes de renforcer le lien culturel avec la France et sommes conscients de nos responsabilités.
M. Daniel Raoul, président. - Mais...
M. Jean-Claude Lenoir. - Pour autant, nous voterons contre ce texte. Le débat public sera l'occasion de nous en expliquer. Si nous avons voté contre l'article premier et n'avons pas participé au vote sur les amendements...
M. Daniel Raoul, président. - J'observe que sur l'article premier, un membre du groupe UMP s'est abstenu.
M. Jean-Claude Lenoir. - ...c'est que cette proposition de loi ne prend pas en compte la réalité du droit existant et encourrait, s'il était adopté, la censure du Conseil constitutionnel, pour deux raisons. La première est que la loi organique du 1er août 2011 exige une consultation préalable de l'Assemblée territoriale pour tout texte relatif à la Polynésie française.
M. Daniel Raoul, président. - Ce point a été éclairci tout à l'heure.
M. Jean-Claude Lenoir. - La seconde est que le processus engagé suppose le déclassement des deux atolls, lequel ne peut se faire, compte tenu du caractère organique de la loi du 27 février 2004, que par une loi organique.
M. Daniel Raoul, président. - M. Tuheiava a indiqué en début de réunion que l'Assemblée territoriale serait consultée, en urgence, avant la discussion de ce texte en séance publique.
M. Roland Courteau, rapporteur. - Quant à la question de la loi organique, je vous rappelle que seule la cession d'une partie maritime exige une loi organique. Or, il s'agit ici d'un transfert de propriété terrestre.
M. Daniel Dubois. - Le groupe de l'Union centriste et républicaine s'abstiendra.
M. Martial Bourquin. - Le groupe socialiste votera ce texte. On ne peut entreprendre de donner des leçons à la planète entière sans réparer les erreurs si graves que nous avons commises. Nous avons irradié des hommes : nous devons prendre nos responsabilités.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission, le groupe UMP votant contre et le groupe UCR s'abstenant.
Voies navigables de France - Examen, en deuxième lecture des amendements
Puis, la commission procède à l'examen, en deuxième lecture, des amendements déposés sur le texte n° 222 (2011-2012) adopté par la commission sur le projet de loi n° 206 (2011-2012) relatif à Voies navigables de France.
M. Francis Grignon, rapporteur. - Je rappelle que Voies navigables de France (VNF) est un établissement public qui réunit des employés du secteur public et du secteur privé.
Les amendements identiques n° 4 rectifié et n° 1 apportent des précisions sur l'exploitation de l'énergie hydraulique par VNF. Les exploitants des microcentrales électriques s'inquiètent, de fait, qu'ayant reçu mission d'exploiter l'énergie hydraulique, l'établissement ne renouvelle pas certaines conventions d'occupation temporaire, souvent d'une durée de vingt ans, alors que l'amortissement d'une centrale est beaucoup plus long. Certes, l'amendement ne crée pas d'obligation de renouvellement, mais je ne le crois pas utile : VNF n'a aucun intérêt à changer sa position en ce qui concerne ces centrales, au risque de soulever bien des difficultés juridiques. Je demanderais le retrait des amendements, sinon je vous proposerais de leur donner un avis défavorable.
M. Roland Courteau. - Mon amendement est d'appel. Je veux entendre ces garanties de la bouche du ministre.
M. Charles Revet. - Même chose pour mon amendement.
M. Daniel Raoul, président. - Je propose que nous rendions un avis de sagesse sur ces amendements, qui seront retirés en séance si le ministre prend des engagements clairs.
La commission émet un avis de sagesse sur les amendements n°s 4 rectifié et 1.
M. Francis Grignon, rapporteur. - Nous avons déjà débattu en séance de la disposition proposée par l'amendement n° 2. Imposer une quantité minimale de logements dès lors que VNF engage une opération d'aménagement semble difficile, d'autant que le PLU ou le SCOT pourraient ne pas en prévoir. Je demanderais le retrait de cet amendement, sinon j'en proposerais le rejet.
M. Philippe Esnol. - Considérons qu'il s'agit d'un amendement d'appel, pour entendre le ministre. Auquel cas, la commission pourrait émettre un avis de sagesse ?
M. Daniel Raoul, président. - Je propose en effet la sagesse, pour que les collectivités soient assurées qu'il n'y aura pas de domaine réservé pour VNF.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n°2.
M. Francis Grignon, rapporteur. - Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 3, dont je préfèrerais le retrait. En première lecture, le Sénat a voulu circonscrire aux seules sociétés à capitaux majoritairement publics les prises de participation ou les créations de filiales par VNF. Les députés ont jugé cette disposition trop sévère, sachant que certaines opérations réclament des compétences qui relèvent du privé, et ont limité la restriction aux seules sociétés ou filiales dont la vocation est de réaliser des opérations d'aménagement, comme Port-Rambaud à Lyon.
M. Philippe Esnol. - Même remarque qu'à l'amendement précédent.
M. Daniel Raoul, président. - Un avis de sagesse, donc.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n°3.
M. Francis Grignon, rapporteur. - Il serait bon cependant, après discussion en séance, de voter dans le même sens que l'Assemblée nationale.
M. Daniel Raoul, président. - Nous entendrons le ministre, et nous aviserons.
M. Francis Grignon, rapporteur. - L'amendement n°5 introduit un nouveau sujet en deuxième lecture : il viole la règle « de l'entonnoir ».
L'amendement n°5 est déclaré irrecevable.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Contrôle de la mise en application des lois - Communication
M. Daniel Raoul, président. - Il nous appartient de dresser le bilan de l'application des lois suivies par notre commission lors de l'année parlementaire écoulée.
Cette année, le Sénat a souhaité décaler en janvier la date de cet exercice auquel nous nous livrons habituellement en novembre : aux termes de sa circulaire de 2008 relative à l'application des lois, le Gouvernement s'était engagé à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant publication de chaque loi. La dernière loi de la session ayant été publiée en juillet 2011, nous pouvons donc pleinement apprécier aujourd'hui si cet objectif a été tenu.
Un rapide bilan quantitatif permet d'observer que, pour ce qui concerne notre commission, six lois ont été promulguées, contre dix en 2009-2010 et que 204 textes d'application ont été publiés, contre 109 au cours de la précédente année parlementaire.
Parmi ces 204 textes d'application, on décompte 95 décrets en Conseil d'État, 49 décrets simples, 38 arrêtés. En outre, sept rapports ont été remis au Parlement et quinze ordonnances ont été prises sur le fondement d'habilitations votées par notre commission.
Ces plus de 200 mesures réglementaires représentent un quasi doublement : c'est un effort inédit qu'il faut saluer, même si l'on peut cependant regretter que les parlementaires ne soient pas mieux associés à l'élaboration des projets de décrets prévus par les textes, comme nous l'avions demandé les années précédentes.
Cette hausse est, enfin, la conséquence de la mise en application progressive des grandes « lois fleuves » dont la commission a eu à connaître au cours des deux précédentes années parlementaires : la bien nommée loi « MOLLE » de mobilisation pour le logement, la loi « Grenelle II » et la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Un à deux ans ayant souvent été nécessaires au Gouvernement pour procéder à toutes les consultations préalables, c'est seulement cette année que l'essentiel des textes d'application a finalement pu être publié.
Plusieurs motifs de satisfaction, donc. En premier lieu, le taux d'application global des lois récentes, sans atteindre les 100 % promis par le Gouvernement, est satisfaisant. Il s'établit, au 31 décembre 2011, à 64 %. Sur 39 mesures réglementaires d'exécution requises, 25 ont été prises. La loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France est totalement applicable, la loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne est applicable à 85 % et la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité est applicable aux deux-tiers.
M. Pierre Hérisson. - Très bien !
M. Daniel Raoul, président. - En deuxième lieu, le stock de lois en attente de mesures d'application se dégonfle : une seule loi reste totalement inapplicable - j'y reviendrai - alors que, l'an dernier, trois n'avaient pas du tout été mises en application ; pour 23 lois, au moins une mesure d'application a été prise, quant ce n'était le cas que pour 18 l'an dernier.
La loi Grenelle II de juillet 2010, aujourd'hui applicable à 45 %, représente à elle seule près de la moitié des décrets adoptés sur la période. Notre commission avait, dès 2009, invité le Gouvernement à préparer le plus en amont possible les très nombreuses mesures réglementaires nécessaires à son application pour diminuer ses délais de mise en oeuvre. Je me réjouis donc que nous ayons été entendus et que le gouvernement ait pris soin d'élaborer un échéancier précis des textes d'application qu'il met à jour et adresse régulièrement à nos services.
En dernier lieu, notons enfin que deux lois sont devenues totalement applicables au cours de l'année grâce à l'adoption des dernières mesures attendues : la loi du 15 juin 2011 visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France qui avait suscité un certain consensus ; la loi du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation, adoptée après une CMP réunie sur initiative conjointe des Présidents des deux chambres du Parlement et que le Gouvernement s'était engagé à rendre rapidement applicable, ce qui fut fait en janvier 2011.
Restent à déplorer trois tendances regrettables, qu'il conviendrait d'endiguer.
Premier et principal motif d'inquiétude : l'application insatisfaisante des lois et des dispositions issues d'initiatives parlementaires.
Sur les six lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2010-2011, trois sont issues de propositions de lois d'origine sénatoriale, proportion qui traduit la place nouvelle, dont nous ne pouvons que nous réjouir, désormais réservée à l'initiative parlementaire dans le partage de l'ordre du jour des assemblées, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle de 2008. Il ne faudrait pas cependant que ces textes soient moins bien traités que les textes gouvernementaux. Or, l'inertie administrative est patente. Cela devrait nous inciter à éviter, autant que possible, de prévoir trop de textes d'application à nos propositions de lois.
Deux exemples invitent cette année à la vigilance. Faute de texte d'application, la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux n'est pas opérationnelle, alors que sa création résulte d'un amendement à la proposition de loi « gaz de schiste » déposé en commission. Sur les quatre articles de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel outre-mer qui prévoient des mesures d'application, aucun n'est applicable ! Et le ministère n'a même pas transmis, en outre, le rapport sur la mise en application de cette loi.
Le Gouvernement n'a donc pas ici respecté l'obligation de résultats à six mois qu'il s'était lui-même fixée dans la circulaire du 29 février 2008 relative à l'application des lois.
Deuxième point problématique, encore trop de lois partiellement applicables n'ont fait l'objet d'aucune mesure réglementaire d'exécution cette année. C'est ainsi que le taux d'application de treize lois, parmi lesquelles la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (LME), dont il ne reste pourtant à prendre quatre mesures règlementaires, n'a pas bougé cette année.
On peut, enfin, cette année encore, regretter que bien des rapports au Parlement n'aient pas vu le jour : seul un rapport sur les douze prévus par la loi « Grenelle 2 », a été remis à ce jour mais neuf rapports de la loi LME restent à paraître, dont cinq auraient dû être publiés avant le 31 décembre 2011. Maigre consolation, le gouvernement est aussi défaillant quand le rapport est prévu par le projet de loi initial que lorsque sa demande résulte d'amendements parlementaires. En tout état de cause, voilà qui nous engage à éviter de multiplier, dans les textes, les demandes de rapports.
M. Gérard César. - Cela ne sert à rien !
M. Daniel Raoul, président. - Je n'irais pas jusque là mais comme chaque année, la commission ne peut qu'inciter le Gouvernement à consentir un réel effort de suivi du dépôt des rapports d'information exigés par le législateur.
Je veux, pour conclure, vous remercier de votre implication dans le contrôle de l'application des lois et vous inviter à maintenir votre vigilance par le biais de questions écrites ou lors des débats en séance publique. Je pense notamment au débat sur l'édiction des mesures réglementaires d'application des lois organisé le 12 janvier 2011 à l'initiative de nos collègues du groupe du RDSE, que je salue.
Dans son allocution d'octobre, le président Jean-Pierre Bel demandait au Sénat d'être « particulièrement attentif à la qualité et à la nécessité de la loi » alors que les collectivités sont « submergées de normes coûteuses, souvent inutiles, voire inapplicables ». Je forme le voeu que la nouvelle commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois, créée à son initiative, et à laquelle il incombera désormais d'élaborer le bilan de l'application des lois, mène à bien cette tâche ambitieuse en continuant à travailler étroitement avec les commissions permanentes.
M. Claude Dilain. - La commission de contrôle établira ses rapports en étroite collaboration avec les commissions permanentes : son président, M. David Assouline s'y est engagé. Nous avons reçu, hier, le secrétaire général du gouvernement, une première qui fut l'occasion d'une intéressante discussion.
Le ministère de la ville se range parmi les plus mauvais élèves. Le taux d'application de la loi sur le Grand Paris n'est que de 58 %, et il reste à 66 % pour l'ensemble des textes qui concernent le ministère. Vous comprendrez que je le déplore...
M. Gérard Bailly. - L'attitude de l'administration à l'égard des parlementaires constitue un vrai problème. Elle rédige les décrets d'application sans même consulter les rapporteurs. Résultat, ses textes suscitent, sur le terrain -nous l'avons tous vécu- l'ire des élus et des associations, qui nous attribuent -c'est le comble- leurs insuffisances. Car le fait est que les décrets compliquent parfois tellement les lois qu'elles en deviennent inapplicables. Les élus, enfin, doivent être mieux consultés. Voyez la loi d'octobre 2009 sur le transfert des parcs et ateliers, qui patine : aucun des quatre décrets d'application n'est paru.
M. Daniel Raoul, président. - Le problème vient aussi d'un défaut, en amont, des études d'impact prévues par la réforme constitutionnelle.
M. Gérard César. - Hommage soit rendu à votre travail. Il est vrai que les décrets contredisent bien souvent l'esprit du législateur. Je puis cependant citer un contre exemple, celui de la loi de modernisation agricole, pour laquelle le ministre de l'agriculture, M. Bruno Lemaire s'était engagé à nous présenter les projets de décret, ce qui fut fait, et mérite d'être salué.
Mme Odette Herviaux. - Puisse cet exemple être suivi par d'autres.
M. Charles Revet. - Gérard César a eu raison de dire que les décrets ne respectent pas l'esprit du législateur. Ils vont souvent au-delà de ce que nous avons voulu - je pense notamment à l'urbanisme. C'est le Parlement qui vote la loi : nous devrions être consultés sur les projets de décrets.
M. Daniel Raoul, président. - Le cas de l'urbanisme est particulier : c'est l'interprétation locale par les DDE qui est en cause.
M. Charles Revet. - Certes, mais quelquefois, les deux problèmes se conjuguent : la loi est mal interprétée et l'on fait du zèle sur le terrain.
M. Gérard César. - Au point que les textes d'application sont interprétés différemment d'un département à l'autre.
M. Charles Revet. - Les décrets débordent la loi, et les circulaires les décrets.
Mme Odette Herviaux. - Et les chefs de service, sur le terrain, ne veulent souvent connaître que la circulaire.
M. Claude Dilain. - Le secrétaire général du gouvernement m'a indiqué hier que les circulaires étaient censées harmoniser les pratiques.
M. Daniel Raoul, président. - Je vous remercie pour ces échanges qui prouvent l'importance du contrôle parlementaire de l'application des lois pour nos concitoyens.