Mardi 30 octobre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Loi de finances pour 2013 - Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation - Audition de M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
La commission procède à l'audition de M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2013.
Mme Annie David, présidente. - C'est avec un grand plaisir que je souhaite la bienvenue à Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, afin qu'il nous présente les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » inscrits au projet de loi de finances pour 2013. Ce budget traduit la solidarité de la Nation à l'égard des anciens combattants, notre commission est donc très attentive à son évolution. Elle n'est pas non plus indifférente aux questions de mémoire, comme l'ont illustré les débats que nous avons eus sur la proposition de loi relative à la journée nationale du souvenir de la guerre d'Algérie.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. - C'est un plaisir d'être ici, seconde étape de la présentation du budget des anciens combattants au Parlement après mon audition, le 3 octobre dernier, par la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Votre commission occupe une place centrale au Sénat et je me félicite de trouver parmi vous de grands connaisseurs du monde combattant qui pourront m'aider à mettre en oeuvre mes priorités. Je souhaite établir une relation de confiance entre le Gouvernement et les parlementaires : cela me semble indispensable pour une collaboration sereine de long terme.
Le monde combattant a toujours souhaité un portefeuille ministériel pérenne. Il a été entendu par François Hollande et Jean-Marc Ayrault qui, en me confiant un ministère délégué auprès du ministre de la défense, ont donné à ce poste une vision d'ensemble sur la politique de la Nation et me permettent de participer pleinement à la vie politique du pays, que ce soit durant le conseil des ministres ou les différents séminaires gouvernementaux.
Le projet de loi de finances pour 2013 est marqué par la volonté, inscrite dans le dialogue et la concertation, de redresser les comptes publics et d'assainir les finances publiques tout en engageant une politique active de justice sociale. Le budget des anciens combattants répond à ces objectifs. Il est en diminution de 2,4 % par rapport à 2012, dans le cadre de l'effort demandé à l'ensemble des ministères. Cela constitue une économie de 73 millions d'euros. Toutefois, si la diminution du budget avait été proportionnelle à la baisse du nombre d'anciens combattants, elle aurait été de 4,4 %, soit 133 millions d'euros. Grâce au dialogue que j'ai pu avoir avec Bercy, 40 millions d'euros ont été préservés pour renforcer les politiques à l'égard du monde combattant.
Ce budget permet de continuer à répondre au souci de reconnaissance du monde combattant et consacre le rôle des opérateurs qui lui sont dédiés. Il réaffirme la priorité donnée à la jeunesse, en cohérence avec les engagements du Président de la République. Il soutient la politique en faveur des harkis et des rapatriés, qui entre dans le périmètre de mon portefeuille ministériel. Il impulse une politique de mémoire dynamique, en particulier en renforçant le lien armée-Nation, qui me semble indispensable à notre pays.
L'objectif premier est la préservation des droits des anciens combattants et de leurs ayants cause. Elle se traduit en premier lieu par l'augmentation au 1er juillet dernier de quatre points de la retraite du combattant, fixée désormais à quarante-huit points. Le principe général d'une diminution de 7 % des dépenses d'intervention dans tous les ministères avait été annoncé. J'ai donc dû rappeler que les anciens combattants ne sont pas des citoyens comme les autres. Cet engagement de mon prédécesseur, non budgété, a donc été tenu, pour un coût de 54 millions d'euros.
L'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS) constitue un second aspect de l'action en faveur des anciens combattants et de leurs familles. Créée en 2007 pour un montant de 500 euros, elle a été portée en plusieurs étapes à 900 euros au 1er avril dernier. Elle est distribuée par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (Onac), qui ne disposait pas des ressources nécessaires pour honorer la dernière revalorisation. Il a donc fallu trouver les moyens de la financer. C'est une réponse aux besoins de personnes en difficulté, parfois en situation de détresse sociale ou financière. Ce dossier est, à mes yeux, très important, et cet engagement devait être tenu. A l'avenir, il faudrait même tendre vers une ADCS à 964 euros, seuil de pauvreté tel qu'il est défini à l'échelle européenne.
Un effort particulier est réalisé dans le budget en faveur des dépenses sociales de l'Onac, qui augmenteront de 500 000 euros par an jusqu'en 2015, soit une dépense supplémentaire de 3 millions d'euros sur trois ans.
Le point de pension militaire d'invalidité (PMI) est actuellement fixé à 13,87 euros. Son évolution est alignée sur celle du traitement des fonctionnaires. Nombreux sont ceux qui demandent sa hausse ainsi qu'une révision de son mode de calcul. Il faut être prudent sur ce point : il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'indice satisfaisant, autre que celui de l'Insee, qui permette de calculer de manière juste l'évolution de la rémunération des fonctionnaires, primes comprises. Il faudrait travailler sur l'élaboration d'un nouvel outil statistique. J'ai également découvert que les décrets qui prennent acte de l'augmentation de la valeur du point PMI sont souvent pris avec retard. Ce n'est pas acceptable et nous ferons, à l'avenir, preuve de plus de réactivité sur le sujet.
Si toutes les générations du feu ont leurs spécificités, je pense, à titre personnel, qu'il faut cesser de faire des distinctions autre qu'historiques entre elles. Elles composent avant tout l'histoire de notre pays. La quatrième génération du feu, celle des opérations extérieures (Opex) et de l'Afghanistan, mérite toute notre reconnaissance. 60 000 de nos jeunes sont allés dans ce pays au sein d'unités combattantes, dont les dernières vont achever leur retrait à la fin de l'année. Le premier de nos devoirs envers eux est de leur faciliter l'octroi de la carte du combattant. Le décret du 28 juin 2012 a modifié la liste des opérations y donnant droit en ajoutant de nouvelles opérations : Monusco au Congo, Amisom en Somalie, Minustah en Haïti, Minul au Libéria et bientôt Harmattan en Libye. Les nouveaux critères doivent permettre d'augmenter de 25 % à 50 % le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des Opex.
La reconnaissance symbolique due à ces soldats, si elle fait débat, me semble évidente : c'est pourquoi la première pierre du monument dédié aux morts en Opex sera posée en 2013. Un million d'euros sont prévus dans le budget pour le réaliser. Il sera situé place Vauban à Paris ; les noms de tous les soldats tombés en Opex y seront inscrits.
Sur le plan juridique, la refonte engagée du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), à la demande du Conseil d'Etat, sera poursuivie. L'objectif est d'aboutir à la rédaction d'un document clair, à jour, complet et juridiquement infaillible. Les associations représentant le monde combattant vont être, comme elles en ont fait la demande, associées à ce travail.
En ce qui concerne la guerre d'Algérie, plusieurs questions se posent. Il y a d'abord celle de l'attribution de la carte du combattant aux soldats présents dans ce pays après le 2 juillet 1962. Jusqu'à présent, seuls peuvent l'obtenir ceux qui justifient de quatre mois de présence en Algérie entre le 31 octobre 1954 et cette date. Je tiens à rappeler que les militaires stationnés dans ce pays après le 2 juillet 1962 ne sont pas pour autant oubliés : le CPMIVG prévoit qu'ils peuvent recevoir, pour une présence jusqu'en 1964, le titre de reconnaissance de la Nation (TRN). Celui-ci ouvre droit à la souscription d'une rente mutualiste et les rend ressortissants de l'Onac. Je suis néanmoins très attentif à ce dossier. Il n'a pas été possible de le faire évoluer dans le budget 2013, mais j'intégrerai l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants ayant servi en Algérie quatre mois à cheval sur le 2 juillet 1962 dans le budget 2014. Le coût de cette mesure est d'environ 5,5 millions d'euros. Le débat concernant l'attribution de la carte jusqu'en 1964 ou 1967 est différent et ne peut être réglé aussi facilement.
Le 25 septembre dernier, lors de la journée nationale d'hommage aux harkis, j'ai lu un message du Président de la République. Le traitement subi par les harkis et les rapatriés est une question qui nous abime collectivement ; c'est un point douloureux pour chacun d'entre nous. Il ne faut pas nier que beaucoup de choses ont déjà été faites, mais quelques améliorations peuvent être apportées. La mission interministérielle aux rapatriés (Mir) doit être revue, ainsi que ses priorités. Il en va de même, en accord avec les membres de son conseil d'administration, de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. L'Etat y est engagé à hauteur de 3 millions d'euros.
Je ne souhaite pas que la politique spécifique en direction des harkis et des rapatriés, qui est l'accumulation de plusieurs séries de mesures, s'éloigne trop du droit commun. Il faut évidemment préserver l'existant, notamment le plan emploi et les emplois réservés dans la fonction publique. Ceux-ci doivent être développés : seulement quatre cents embauches ont été réalisées alors que les collectivités territoriales manquent d'information sur le sujet. Il faudrait désigner, auprès du préfet, un coordonnateur chargé de veiller à la cohérence de l'action publique en la matière. Cette mission pourrait être assurée par le directeur départemental de l'Onac, ce qui d'ailleurs justifierait la présence de cet opérateur sur tout le territoire.
Il faut également que les harkis et rapatriés bénéficient pleinement du droit commun et des politiques du Gouvernement : emplois d'avenir, contrats de génération, aides de la future banque publique d'investissement (BPI). Les harkis ne doivent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone avec des droits spécifiques, ce qu'ils ne sont pas. Ils sont des citoyens à part entière envers lesquels il faut réparer les dégâts de l'histoire.
Les crédits affectés à la politique de mémoire sont en augmentation de 50 % en 2013, passant de 12 à 17 millions d'euros. La commémoration du centenaire de la Grande Guerre s'étalera de 2014 à 2018, selon les événements marquants pour nos partenaires : centenaires de la bataille de la Somme en 2016, pour les Britanniques et de l'arrivée de leurs troupes en France en 2017, pour les Américains. Un groupement d'intérêt public (Gip) a été mis en place pour organiser ce processus commémoratif ; il n'est pas remis en cause. La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) va quant à elle s'occuper des commémorations liées au soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Dès 2013, le souvenir de la résistance intérieure sera à l'honneur avec les soixante-dix ans de la création du Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943, qui trouve écho dans l'ensemble des familles politiques. Le débat sur cette question n'est plus aussi sensible que celui sur la guerre d'Algérie, qui reste douloureuse.
Un effort particulier est fait pour la rénovation des nécropoles de la Première Guerre mondiale, avec un budget de 5 millions d'euros. Afin de répondre aux demandes des collectivités territoriales, les travaux sont programmés jusqu'en 2017.
Une mission interministérielle a été créée pour piloter ce travail de mémoire et impulser de nouvelles orientations. Je souhaiterais d'ailleurs que le Parlement puisse y être associé, à travers la création d'une structure permanente dans chaque chambre chargée de suivre ces questions.
Enfin, le tourisme de mémoire ne doit pas être négligé : il a généré l'an dernier des recettes de 45 millions d'euros, sans même prendre en compte l'hébergement et la restauration. Il faut donc faciliter son développement car les territoires concernés peuvent grandement en bénéficier. 70 000 Canadiens devraient se rendre en France en 2017 pour le centenaire : il convient de réfléchir dès maintenant à leur accueil et aux retombées pour les collectivités territoriales et les acteurs économiques.
Enfin, la journée défense et citoyenneté (JDC) constitue le coeur du lien armée-Nation. C'est un moment de rencontre unique entre la jeunesse et son armée. Je fais partie des gens qui regrettent la suspension du service militaire car il constituait un vrai creuset républicain pour les 260 000 jeunes hommes accueillis chaque année.
Mme Patricia Schillinger. - Tout à fait.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Je suis inquiet du délitement de la République et de l'appartenance à la Nation. Il n'y a plus de lieu où ce brassage des différences peut s'opérer. On ne reviendra pas sur le service militaire tel que nous l'avons connu, la JDC sera non seulement maintenue, ce qui déplaira sans doute à ceux qui voulaient la faire disparaître, mais sans doute à terme doublée. Il faut également réfléchir aux moyens d'y associer la réserve. Je suis depuis toujours favorable à un service civique, qui devrait dans l'idéal être obligatoire et mixte...
M. Gilbert Barbier. - Très bien !
M. Kader Arif, ministre délégué. - Comme le Premier ministre l'a récemment expliqué, ce n'est malheureusement pas juridiquement possible. Mais vous avez là mon opinion personnelle. La JDC concerne 750 000 jeunes chaque année, la quasi-totalité d'une génération, c'est considérable. Pourquoi ne pas en faire un moment de santé publique ? Avec les moyens appropriés, on pourrait en faire un outil de prévention dans le bon sens du terme, alors que de nombreux jeunes ont des difficultés d'accès aux soins.
Mme Annie David, présidente. - Un reproche qu'on peut faire au service militaire c'est qu'il ne concernait que les garçons ; n'oublions pas que nous sommes désormais à l'heure de la parité et de la mixité !
Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Plusieurs des questions que je souhaitais poser ont d'ores et déjà reçu une réponse. Je pense par ailleurs que la JDC devrait devenir un véritable service citoyen, pour permettre aux jeunes de passer le permis de conduire, ce qui était très apprécié avec le service militaire, ou de s'inscrire dans l'enseignement supérieur.
Quelles sont les priorités du Gouvernement en direction des anciens combattants, en matière de droit à réparation comme de reconnaissance, pour la mandature 2012-2017 ? Avez-vous établi une feuille de route de l'action de votre ministère et de ses opérateurs pour les années à venir ?
Voila une question qui me tient particulièrement à coeur et que je poserai chaque année tant qu'une solution n'y aura pas été apportée. En tant que sénatrice de la Moselle, je voudrais attirer votre attention sur nos problèmes spécifiques et non encore réglés, et surtout sur celui de la ligne Curzon et des inégalités qui en découlent pour les incorporés de force alsaciens-mosellans faits prisonniers par les soviétiques. Cette discrimination est infondée, comment comptez-vous y remédier ?
Quel est l'engagement du Gouvernement en faveur de la dernière « génération du feu », des soldats ayant pris part aux opérations extérieures (Opex), notamment en matière de réinsertion professionnelle et de traitement des blessures psychologiques des anciens d'Afghanistan ? Pourquoi, en matière d'attribution de la carte du combattant, ne pas adopter le critère retenu pour la troisième génération du feu, c'est-à-dire cent-vingt jours de présence effective sur le théâtre d'opération ?
Où en sont les préparations des grands événements commémoratifs de 2014, et notamment du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale ? Dans ce contexte, et sans porter du jugement sur l'histoire, comment comptez-vous traiter le dossier des fusillés pour l'exemple ?
Le mécanisme d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, introduit par la loi du 5 janvier 2010, n'a permis de donner suite qu'à sept demandes d'indemnisation. Des aménagements sont-ils envisagés pour rendre ce dispositif plus effectif ?
M. Kader Arif, ministre délégué. - Je souhaite vous livrer la vision générale que j'ai de mon ministère. Il faut changer la façon dont on traite la question des anciens combattants. L'idée qui prévaut est que ce ministère est fait pour disparaître progressivement avec la population concernée. Mon ambition est d'en faire une structure pérenne, non tournée vers l'arrière mais au contraire porteuse d'avenir. La question de la mémoire est donc centrale. Je trouve d'ailleurs que les anglo-saxons la traitent de façon intéressante, favorisant les relations avec la jeunesse. Je suis également sensible à l'utilisation du terme de « vétéran » plutôt que celui d'ancien combattant. Il faut construire, en partant de la réalité historique, un lien renforcé entre les jeunes et la Nation. Tel est mon sentiment global.
En matière budgétaire, certains développent l'argument selon lequel toutes les demandes du monde combattant seraient satisfaites si les crédits ne diminuaient pas avec la baisse du nombre d'anciens combattants. Ce n'est malheureusement pas si simple mais je m'engage à essayer d'obtenir que le ministère des anciens combattants puisse, chaque fois qu'il y aura de la marge budgétaire, en bénéficier.
Toutefois, je suis moins sensible à certaines demandes, en particulier la revalorisation de la rente mutualiste. Au moment où des niches fiscales sont supprimées, augmenter son plafond alors qu'il est de 1 733 euros ne semble pas approprié, surtout qu'à peine 20 % des titulaires d'une rente pourraient en bénéficier. Cela reviendrait à favoriser ceux qui ont les plus hauts revenus alors qu'il s'agit d'une retraite par capitalisation. Je préfère que l'effort aille en direction de plus de justice sociale.
Je tiens à vous informer que j'ai demandé à l'Onac d'assurer plus de transparence dans la distribution de son aide sociale, qui représente 14 millions d'euros par an. Dans le respect des prérogatives de son conseil d'administration, il doit être possible de réorienter une partie de ces fonds vers ceux qui en ont le plus besoin.
Je sais que vous tenez beaucoup à la résolution des problèmes liés à la ligne Curzon. Les incorporés de force alsaciens-mosellans détenus par les soviétiques à l'Ouest de cette ligne ne bénéficient pas des mêmes mesures spécifiques que leurs compagnons d'arme. C'est contraire au principe d'égalité. J'ai donc pris la décision d'étendre le dispositif actuel à tous les camps de prisonniers soviétiques, quelle que soit leur localisation. J'ai demandé au directeur général de l'Onac de préparer l'adaptation de la réglementation. Il reste encore à déterminer si cette modification peut intervenir par décret, ce qui serait plus simple, ou demande l'intervention du législateur. Interrogée, la direction des affaires juridiques du ministère de la défense doit me répondre prochainement. De cette réponse dépendra la rapidité de la correction de cette inégalité.
Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis. - En réponse à une question posée par l'une des personnes concernées, la direction départementale de l'Onac à Metz a répondu que les dossiers de cette période ont été versés aux archives de la Moselle et que, comme ils n'ont pas été numérisés, toute recherche de leur part est impossible.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Il y aurait quatre-vingts à quatre-vingt-cinq personnes touchées par ce problème. Mon engagement est clair : on les retrouvera.
Sur l'aide sociale, la question d'une aide différentielle en faveur des anciens combattants ressortissants de l'Onac a été évoquée. Le Parlement avait demandé en 2010 une étude sur ce point. En se basant sur l'hypothèse de 5 000 d'entre eux, vivant seuls et résidant en France, cela couterait 5 millions d'euros. L'intégration des anciens combattants vivant hors de France fait passer le nombre de bénéficiaires à 72 000 : cela poserait un vrai problème budgétaire. Il ne faut pas oublier que des aides sociales existent déjà en faveur des anciens combattants les plus démunis : ces personnes ne sont pas oubliées.
Concernant le stress post-traumatique au sein de la quatrième génération du feu, le service de santé des armées (SSA) a recensé plus de 550 cas parmi les soldats ayant combattu en Afghanistan. Ce stress pouvant se déclencher bien plus tard, il n'y a pas d'estimation précise concernant son évolution : on estime qu'il peut toucher de 7 % à 10 % des soldats concernés. Aux Etats-Unis, ce chiffre monte à 14 %. L'armée de terre a donc créé dans toutes les unités un poste d'officier en charge de ces questions, spécialement formé pour dépister les cas pathologiques et les orienter vers les psychiatres. Ceux-ci sont également projetés sur l'ensemble des théâtres d'opération et les bases avancées pour intervenir immédiatement après les accrochages. Depuis 2010, un sas de décompression pour les soldats revenant d'Afghanistan a été mis en place à Chypre. Il permet de les informer sur les symptômes du stress post-traumatique et de détecter les cas les plus graves. Enfin, la direction des ressources humaines du ministère travaille à la mise en place d'un numéro vert pour les familles.
Les critères d'attribution de la carte du combattant pour les Opex ne correspondaient plus à la réalité de l'engagement de nos soldats. Un décret du 12 novembre 2010 ainsi qu'un arrêté du 10 décembre de la même année ont élargi les actions de feu et de combat qui rendent éligible à la carte : contrôle de zone, intervention sur engin explosif, sauvetage, évacuation sanitaire... Grâce à cela, le nombre de bénéficiaires serait en très large augmentation, avec déjà trois mille demandes.
En ce qui concerne les commémorations de la Première Guerre mondiale, la mission interministérielle que je préside regroupe neuf ministères. Il y a à ses côtés deux structures indépendantes, le Gip pour le centenaire de la Première Guerre mondiale présidé par le général Irastorza, ancien chef d'état major de l'armée de terre et dont le directeur général est Joseph Zimet, ainsi que la DMPA pour le soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Le conseil d'administration du Gip se réunit le 6 novembre prochain et plusieurs initiatives ont d'ores et déjà été lancées, notamment en lien avec les collectivités locales. J'ai rencontré l'ensemble de mes homologues étrangers concernés. Ils sont tous favorables à un travail commun sur cette commémoration, chacun évidemment avec ses priorités selon l'engagement de son pays sur notre sol. Des réflexions sont également en cours pour associer nos amis allemands.
Mme Samia Ghali. - Vous avez abordé un sujet qui m'est cher : le service militaire. Je regrette vivement sa suppression...
M. Gérard Longuet. - Sa suspension !
Mme Samia Ghali. - Ce n'est pas la JDC qui permet de le compenser, il me semble qu'elle n'apporte pas grand-chose à nos jeunes. Rajouter une journée supplémentaire n'y changera rien. Il faudrait donc étudier les modalités d'instauration d'un véritable service militaire ou civil qui serait à même de prendre en charge les jeunes qui quittent prématurément le système scolaire et de leur inculquer des valeurs et des règles de vie. Ces notions, qui ont disparu de nombreuses familles, tout comme l'attachement à la Nation, seule l'armée peut leur transmettre. Le coût serait sans doute élevé, mais pourquoi ne pas réfléchir à un financement au titre de la formation initiale ou professionnelle ? L'armée est un lieu d'apprentissage, et le service militaire était un véritable outil de mixité sociale et ethnique...
Mme Annie David, présidente. - Mais pas sexuelle !
Mme Samia Ghali. - Il faut permettre aux jeunes de sortir de leur cité et de découvrir les bienfaits du brassage social. Les Epide sont un exemple dont on peut s'inspirer : ceux que je connais à Marseille fonctionnent très bien. Les jeunes décrocheurs devraient être la cible principale d'un tel dispositif.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je partage pleinement le sentiment du ministre concernant le service militaire ainsi que beaucoup des propos de Samia Ghali. Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle suisse ?
L'attribution de la carte du combattant aux militaires qui ont servi en Algérie quatre mois à cheval sur la date du 2 juillet 1962 leur a été promise en 2010 puis en 2011. Vous nous dites aujourd'hui que ce sera pour 2014. Soyons francs avec eux et cessons de repousser la décision. Il est temps de leur apporter une réponse concrète et définitive.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Pour répondre à la dernière question de Mme Printz, qui portait sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, 10 millions d'euros ont été provisionnés et sept dossiers ont reçu une réponse favorable pour un montant moyen de 65 000 euros. Il faut absolument aller plus vite qu'actuellement. Malgré l'extension du nombre de pathologies concernées, faut-il modifier la loi Morin ? Cette question est en suspens.
Je pourrais parler très longuement de mes regrets sur la disparition du service militaire. Comme Gérard Longuet le rappelait, il n'est formellement que suspendu. La direction du service national (DSN) conserve les fichiers des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans s'il s'avérait nécessaire de les appeler sous les drapeaux.
Toutefois, la JDC reste essentielle. Avec la professionnalisation des armées, on ne peut pas revenir au service militaire. De nombreuses casernes ont disparu sur notre territoire, ce qui rendrait impossible l'accueil de ces jeunes. Le doublement de la JDC ne serait peut être pas suffisant mais constituerait une première étape. Mon ambition est celle d'un service civique obligatoire et mixte, car je crois que les jeunes doivent servir la Nation à un moment de leur vie. C'est indispensable dans la construction citoyenne. On pourrait imaginer la réalisation d'un parcours citoyen qui serait obligatoire avant l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Les centres Epide sont un élément de réponse au problème des décrocheurs scolaires, tout comme les écoles de la deuxième chance...
Mme Samia Ghali. - Ce n'est pas la même chose, et elles ont de moins bons résultats.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Je rappelle également que les jeunes doivent se porter volontaires pour intégrer l'Epide. La JDC constitue donc, à l'heure actuelle, le principal lien entre les jeunes et leur armée. La réserve pourrait peut être répondre à certaines des préoccupations qui ont été soulevées. C'est une question à examiner.
M. Gérard Longuet. - L'an dernier, le service militaire adapté (SMA) dans les départements d'outre-mer a fêté son cinquantième anniversaire. Il est considéré comme une réussite : plus large que l'Epide, moins militaire que ne l'était le service militaire, il met l'accent sur la formation des jeunes. Il y a des demandes récurrentes pour l'étendre en métropole, même si une telle décision n'a jamais été prise.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Pour répondre à M. Godefroy, le problème avec l'attribution de la carte du combattant concerne la date de fin. Qui peut trancher ce débat ? Faut-il l'accorder jusqu'en 1964 ? Jusqu'en 1967 ? Pour ceux arrivés jusqu'au 1er juillet 1962, le coût est de 5 millions d'euros. Le budget 2014 peut les prendre en charge. Si l'on veut aller au-delà, la dépense sera nécessairement plus importante, et donc plus complexe à inscrire au budget.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je ne parle que de l'attribution de la carte du combattant à ceux qui ont servi en Algérie quatre mois à cheval sur la date du 2 juillet 1962.
M. Marc Laménie. - Je tiens à remercier sincèrement le ministre pour sa présentation pédagogique et objective. La réalité démographique à laquelle fait face le monde combattant doit s'accompagner de contreparties en sa faveur.
Je viens d'un département, les Ardennes, qui compte de nombreux lieux de mémoire. Je me fais donc le relai des attentes et des besoins des associations qui les font vivre, des bénévoles qui se dévouent. Bien qu'il y ait moins d'anciens combattants, je constate avec plaisir que la relève entre les générations se fait, notamment en ce qui concerne les porte-drapeaux.
Dans la continuité de la mandature précédente, vous mettez l'accent sur le devoir de mémoire. Il faut le saluer. Je partage bien sûr le point de vue de mes collègues sur le service national.
Concernant l'Onac, je tiens à vous faire part de l'attachement qui est le nôtre, dans les départements, au maintien de ses implantations et de ses moyens humains, même modestes. C'est très important, en raison notamment de l'action sociale qu'il mène envers les anciens combattants et les conjoints survivants.
Je souhaiterais attirer votre attention sur le Souvenir français, dont la journée nationale est le 1er novembre. J'ai appris récemment que cette association reçoit une subvention de l'Etat pour l'entretien et la réfection des sépultures des soldats morts pour la France. Son montant n'a pas été revalorisé depuis près de quarante ans. Il est insuffisant, tout repose donc sur le courage et l'engagement des bénévoles. Comptez-vous corriger cette situation ?
M. Alain Néri. - Dans les circonstances difficiles qui ont entouré l'élaboration de ce budget, on peut se féliciter de l'effort consenti en faveur du monde combattant et de ses revendications légitimes.
L'ADCS a été portée progressivement à 900 euros. Je vous fais confiance pour parvenir à lui faire atteindre 964 euros. La revalorisation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui a lieu chaque année, devrait vous faciliter la tâche. En effet, chaque augmentation de celle-ci permet d'augmenter le plafond de l'ADCS du même montant sans augmenter la dépense.
La création, sur ce modèle, d'une allocation pour les anciens combattants les plus démunis me semble inévitable. C'est une question de dignité pour ceux d'entre eux qui se trouvent en grande difficulté.
La revalorisation de la retraite du combattant est unanimement saluée. Toutefois, il faut bien rappeler que ce sont les généreux engagements du précédent gouvernement, pour lesquels celui-ci n'avait pas prévu de financement, qu'il est désormais nécessaire d'inscrire au budget. Il aurait été plus honnête de sa part de revaloriser à partir du 1er janvier et non du 1er juillet, et donc financer cela dans la loi de finances pour 2012.
Je partage le point de vue du ministre sur la retraite mutualiste : ce n'est pas une priorité. De plus, son montant augmente avec celui du point PMI sur la base duquel elle est calculée.
Il faut régler définitivement la question de l'attribution de la carte du combattant à cheval sur le 2 juillet 1962. Il y a un accord général sur ce point. Les anciens d'Algérie vieillissent et ne peuvent plus attendre. Je prends donc acte de votre engagement de l'intégrer dans le budget 2014. Les anciens d'Algérie doivent avoir les mêmes droits que les autres générations du feu : cela vaut aussi pour la campagne double.
L'attribution de la carte du combattant aux soldats revenus d'Opex devrait répondre à un critère unique, afin d'éviter les écueils initialement rencontrés avec les anciens d'Algérie. Il faut faire simple pour être juste : retenir l'exposition au risque. C'est le seul moyen d'éviter que des contentieux et un sentiment d'injustice ne naissent parmi ceux qui verraient leur demande rejetée.
Le renforcement du budget d'aide sociale de l'Onac est une très bonne chose. Au-delà des différents contrats d'objectifs que cet opérateur a dû conclure, c'est sa pérennisation qu'il faut garantir.
Par ailleurs, le service national a disparu car il ne correspondait plus aux besoins des armées et à leur professionnalisation. Les jeunes avaient l'impression d'y perdre leur temps. Il faut mettre en place une alternative qui réponde aux souhaits de solidarité et de vivre ensemble qui sont les leurs et aux besoins de la société.
Enfin, il faut prendre en compte une date historique : le 27 mai 1943. Elle doit devenir la journée commémorative de la résistance.
M. René-Paul Savary. - Où en est la question du classement au patrimoine mondial de l'Unesco des sites de mémoire de la Première Guerre mondiale ?
M. Kader Arif, ministre délégué. - Le Souvenir français perçoit une subvention dont le montant est de 1,8 euro par tombe. Cela fait des années qu'elle n'a pas été modifiée. J'ai rencontré le président de l'association afin d'essayer de l'augmenter. Cela concerne, à l'échelle nationale, environ 200 000 tombes.
J'étudie comment développer la reconnaissance du monde associatif local, notamment par la création d'une médaille spécifique. Les critères d'attribution de l'ordre national du mérite ou de la légion d'honneur ne sont pas adaptés à l'engagement de ces bénévoles.
Des efforts ont été demandés à l'Onac, notamment en matière de réduction d'emplois. Toutefois, ma volonté est claire : sa représentation départementale doit être préservée et son rôle renforcé. C'est un maillon essentiel du service public au plan local.
J'apporte quelques précisions concernant les Ardennes : dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale, 1 083 tombes vont être rénovées en 2015 à la nécropole d'Orfeuil et 2 253 en 2017 à Rethel.
Sur les critères d'attribution de la carte du combattant au titre des Opex, leur alignement sur ceux de la guerre d'Algérie aurait un coût élevé et irait au-delà de l'engagement combattant.
M. Alain Néri. - Plusieurs de nos soldats ont récemment été tués en Afghanistan alors qu'ils étaient en train de faire des exercices physiques !
M. Kader Arif, ministre délégué. - La revalorisation de l'Aspa est une décision qui relève de Marisol Touraine. Elle nous facilitera grandement la tâche si elle a lieu.
Il y a, concernant cette allocation, une règle qu'il faudrait modifier. C'est celle qui oblige un certain nombre d'anciens combattants de l'armée française, aujourd'hui ressortissants étrangers, à venir passer six mois et un jour en France dans un foyer d'Adoma, l'ex-Sonacotra, pour pouvoir en bénéficier. Cela touche surtout quelques centaines de vieux marocains, souvent âgés de plus de quatre-vingt ans. Il faut leur permettre de finir leur vie chez eux et non de devoir passer une partie de l'année en France dans des conditions parfois déplorables. Notre pays en sortirait grandi et reconnaîtrait par là même le service que ces hommes lui ont rendu. Il n'y aurait pas de coût supplémentaire.
Je suis très favorable au 27 mai. Cette journée sera dès cette année un moment fort du calendrier commémoratif puisqu'on célébrera le soixante-dixième anniversaire de la création du CNR. Il faut honorer ce moment d'unité française.
Enfin, le dossier d'inscription des lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale au patrimoine mondial de l'Unesco progresse, en collaboration avec la Belgique.
M. René-Paul Savary. - Cela aboutira-t-il d'ici 2014 ?
M. Kader Arif, ministre délégué. - On s'attend à une décision plutôt vers 2017-2018. J'organiserai une réunion à ce sujet avec les dix présidents des conseils généraux concernés.
Pour conclure, je souhaite qu'on trouve ensemble une mémoire apaisée dans notre pays. Chacun doit pouvoir dépasser ses douleurs et ses préjugés afin que l'on puisse regarder notre Nation de manière différente.
Mercredi 31 octobre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Loi de finances pour 2013 - Audition de Mmes Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille et Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion
Mme Annie David, présidente. - Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2013, nous recevons Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, ainsi que Mmes Dominique Bertinotti, Marie-Arlette Carlotti et Michèle Delaunay, ministres déléguées.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - Les crédits des missions « solidarité, insertion et égalité des chances » et « santé » s'élèvent à 14,464 milliards d'euros - respectivement 13,2 milliards et 1,3 milliard d'euros - soit plus de 500 millions d'euros de plus que la loi de finances initiale (LFI) pour 2012. Ils ne représentent bien sûr qu'une partie des dépenses de la collectivité dans ces domaines. Les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales, en particulier les conseils généraux, interviennent dans des proportions bien supérieures.
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social de 2013 sera de 8,7 milliards d'euros pour le champ du handicap, en croissance de 3,3 % par rapport à 2012. L'assurance maladie prend en charge, comme l'a récemment montré la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), une proportion importante des dépenses de prévention incluses dans l'Ondam, dote le fonds national de prévention et d'éducation sanitaire (FNPES) de 490 millions d'euros et apporte son concours à la plupart des agences sanitaires financées par le programme 204.
En matière de tutelles et de curatelles, la part de l'Etat, inscrite au programme 106, représente 40 % du total des mesures prises en charge par les services mandataires, le reste étant financé en particulier par la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et la branche vieillesse. De la même façon, le soutien à la parentalité bénéficie de concours financiers importants de la branche famille.
Dans la construction des différentes politiques publiques, tous ces leviers doivent être mobilisés. L'action sociale des organismes de sécurité sociale étant gérée par les partenaires sociaux, le dialogue pluriannuel avec eux passe par la convention d'objectifs et de gestion. L'enjeu est d'articuler des budgets différents, mais aussi des modes de gouvernance et de concertation différents.
La construction budgétaire des missions « santé » et « solidarité » est, cette année, sincère - certaines dépenses en loi de finances initiale pour 2012 avaient été sous-budgétisées. Ainsi des primes de Noël pour les bénéficiaires de minima sociaux, qui étaient versées chaque année sans être jamais inscrites dans le budget initial. Tout cela a été revu pour 2013, c'est l'une des explications de la hausse de 8,5 % des crédits consacrés à l'allocation pour adulte handicapé (AAH). Il n'y a pas pour autant de hausse des crédits budgétaires, car le fonds national des solidarités actives (FNSA) se verra doté de 480 millions d'euros résultant d'une hausse des prélèvements sociaux sur le capital. Le rebasage des crédits du ministère permettra quant à lui de procéder aux dépenses indispensables de rénovation et d'entretien des systèmes d'information.
Notre budget, tout en préservant les moyens d'intervention, est rigoureux. Compte tenu de l'évolution spontanée de la dépense sociale, les crédits augmentent globalement, ce qui ne signifie pas qu'il n'y aura pas d'économies, au contraire. Pour l'AAH, 8,4 milliards d'euros, de loin la principale dépense, le pilotage sera encore renforcé. Nous réduirons ainsi des différences entre départements qui ne s'expliquent pas par des spécificités locales.
Quant au financement des établissements médico-sociaux, les politiques de convergence aveugles, menées à la hache, ne seront pas poursuivies. Nous sommes attachés à un service de qualité.
La suppression du droit de timbre sur l'aide médicale d'Etat (AME) mettra fin à la dérive de soins hospitaliers coûteux, parce qu'entrepris trop tardivement, les personnes ayant renoncé aux soins.
Les dépenses de fonctionnement feront l'objet d'un effort particulier, elles baisseront de 7 %, dans l'administration centrale, les services déconcentrés et chez les opérateurs. L'objectif est de contribuer à la stabilisation des effectifs de l'Etat, compte tenu des créations de postes dans les secteurs prioritaires. Etant donné l'ampleur des réformes déjà réalisées dans notre domaine, l'effort sera cependant lissé sur la période. Le schéma d'emploi prévoit ainsi une réduction de 126 équivalents temps plein (ETP) par rapport à 2012, grâce à des actions de réorganisation, de simplification des procédures et de mutualisation. Dans les ARS et les agences sanitaires, les effectifs diminueront de 133 ETP, sur un total de 11 974. Partout la baisse sera donc de l'ordre de 1 %.
La diminution des crédits de la mission « santé » s'explique en large partie par ces efforts sur les dotations ainsi que par une rationalisation des fonds de roulement de divers établissements publics. C'est le cas du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), dont les 350 millions d'euros de réserves seront repris par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) et par l'Etat. Il en ira de même pour le Centre national de gestion des essais des produits de santé (CeNGEPS) dont la dotation sera réduite de 7 millions d'euros.
Quant à la baisse de 35 millions des crédits du fonds d'intervention régional (Fir), elle sera compensée par une partie de la hausse de la fiscalité du tabac décidée en loi de financement, préservant ainsi les moyens de la politique de prévention. Le Fir pourrait en outre être abondé de 5 millions d'euros grâce à un amendement de Christian Paul au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, afin d'accroître les financements publics en faveur de la démocratie sanitaire.
Enfin, ce budget triennal sera marqué par des réformes d'ampleur. Les objectifs de redressement sont ambitieux. Ils visent à préserver nos moyens d'intervention dans la durée car il reste beaucoup à faire, comme ne manquera pas de le montrer la conférence sur la pauvreté des 10 et 11 décembre. Il faut continuer à améliorer l'efficacité de l'action publique. En matière de handicap, le chantier de la décentralisation, engagé lors des états généraux de la démocratie territoriale, aura des effets sur l'organisation de nos politiques. Dans le champ sanitaire, il conviendra d'élaborer une nouvelle stratégie nationale de santé, la loi de santé publique de 2004 n'ayant fait l'objet d'aucune actualisation depuis lors. Il s'agira de mieux articuler les priorités nationales et de mobiliser des moyens correspondants. En conséquence, la répartition des crédits telle qu'elle apparaît pour 2013 sera sans doute modifiée dans le courant des trois prochaines années.
C'est dans le cadre de cette nouvelle stratégie que s'inscrit la réorganisation des agences sanitaires, lancée dès cet automne. Il ne s'agit pas d'une énième étape de la révision générale des politiques publiques mais d'évaluer les missions exercées par ces vingt-trois agences ou opérateurs. Notre but est de restaurer la cohérence de l'action publique, gommer les doublons, réduire les coûts de coordination excessifs. C'est le sens de la mission que j'ai confiée conjointement à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF).
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission « santé ». - Je vous poserai dix questions.
Comment les inégalités territoriales de santé sont-elles prises en compte dans les dotations aux ARS ?
Quel est l'impact sur la santé publique des taxes dites comportementales ?
Selon les centres de santé, l'accord sur les dépassements d'honoraires autorise des tarifs deux fois supérieurs au tarif opposable. Leur communiqué du 26 octobre considère que l'accord « condamne à mort les consultations des spécialistes en centres de santé ». Qu'en pensez-vous ? Comment envisagez-vous la prise en charge des frais liés au tiers payant et à la coordination médicale dans ces centres ?
Vous avez annoncé un moratoire sur l'application du décret faisant disparaître le régime spécifique de sécurité sociale minière. Celui-ci n'est donc pas abrogé. Pensez-vous qu'il est possible de préserver la cohérence de cette offre de soins, aujourd'hui largement ouverte à toute la population, sans maintien de son équilibre financier, aujourd'hui apporté par le régime spécifique minier ?
La baisse des crédits des agences sanitaires imposera une réorganisation de leurs priorités. Quelle part prendrez-vous dans la définition de celles-ci ?
Cette baisse entraîne l'externalisation de certaines fonctions. Or, plusieurs agences semblent rencontrer des difficultés pour trouver une expertise extérieure. Comment faire ?
Que doit apporter la nouvelle vague de contrôle IGF-Igas sur le périmètre des agences sanitaires, alors qu'il existe déjà de nombreux rapports sur la question ? Les agences estiment que leurs missions respectives sont désormais bien définies, la coordination entre elles, bien établie.
Concernant les victimes de l'amiante, avez-vous des contacts avec la ministre de la justice pour accélérer les procédures en cours, afin que les employeurs coupables de fautes graves soient sanctionnés pénalement ?
Envisagez-vous la fusion de l'aide médicale d'Etat et de la couverture maladie universelle (CMU) comme le préconisent certaines associations, dont Médecins du monde ?
Que pensez-vous des difficultés d'accès aux soins rencontrées par les travailleurs pauvres sous statut précaire ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - Vous connaissez mieux que quiconque la question des inégalités régionales en matière de santé : votre région est directement touchée. La réduction des inégalités territoriales comme sociales sera un élément clé des plans régionaux de santé (PRS) mis en oeuvre par les ARS. Les crédits sont regroupés dans le Fir et leur allocation se fonde sur un ensemble de critères démographiques et sociaux. Ainsi la région Nord-Pas-de-Calais reçoit une dotation supplémentaire de 360 000 euros. D'autres régions, symétriquement, reçoivent moins...
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission santé. - A combien s'élève l'enveloppe totale ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - A 9,4 millions d'euros, la dotation supplémentaire représentant ainsi une majoration de 3,8 %.
A propos des centres de santé, l'analyse faite sur les dépassements d'honoraires est erronée. Par définition, dans ces centres, les dépassements d'honoraires sont rares... Si des médecins de secteur II ont des consultations dans ces centres de santé, ils y pratiquent des tarifs opposables. L'accord n'incite pas tous les médecins à pratiquer jusqu'à deux fois le tarif de la sécurité sociale ! Il précise que, si des dépassements jusqu'à deux fois le plafond de la sécurité sociale sont acceptables, les médecins ne peuvent cependant augmenter le niveau de leur dépassement. Le risque évoqué par le communiqué des centres de santé n'existe donc pas.
Le régime minier devrait, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, connaître une aggravation de son déficit, qui atteindra environ 90 millions d'euros en 2013 contre 72 millions en 2012. Les besoins de trésorerie devraient avoisiner les 800 millions d'euros, ce qui nous conduit à proposer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale une mesure exceptionnelle, autorisant l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à accorder un concours supplémentaire maximal de 250 millions d'euros. J'ai souhaité que le décret d'août 2011 fasse l'objet d'un moratoire, afin que le dialogue avec les syndicats et les élus fasse émerger des solutions. J'ai chargé M. Jean Bessière, l'ancien directeur général adjoint de la direction du travail, d'une mission sur cette question.
Les agences contribuent à l'effort global d'économies. Mais elles conservent une trésorerie et travailleront sur leur fonds de roulement. J'attends les résultats de la mission des deux inspections d'ici deux à trois mois. Néanmoins, il est clair que les agences doivent encore faire des efforts de coordination et que certaines de leurs missions ne sont pas clairement identifiées. N'y voyez pas une approche de type RGPP. Il est simplement nécessaire de mieux définir les missions et l'articulation avec l'administration centrale. Des rapports de l'IGF ou du Conseil d'Etat ont indiqué que des progrès restaient à accomplir dans le pilotage. Il y a lieu de s'interroger sur la politique de ces dernières années consistant à déléguer à des opérateurs extérieurs des pans entiers de la politique de santé. Est-ce la meilleure solution, du point de vue juridique, opérationnel, financier ?
Je suis très attentive à la situation des victimes de l'amiante. A la suite de la décision de la cour d'appel de Douai, j'ai tenu très vite à leur garantir que les sommes n'auront pas à être remboursées, afin qu'elles ne soient pas victimes une deuxième fois ! De plus, j'ai demandé que l'instruction des dossiers soit accélérée.
Je connais les arguments en faveur d'une éventuelle fusion de l'aide médicale d'Etat (AME) et de la couverture maladie universelle (CMU), sujet qui sera abordé lors de la conférence sur la lutte contre la pauvreté. Je suis réservée sur cette idée. Le premier dispositif s'adresse aux étrangers en situation irrégulière, le second, aux Français et aux étrangers en situation régulière. La CMU de base n'est pas attribuée selon un pur critère de revenu mais selon la situation de la personne - même si, bien sûr, ces deux éléments se recoupent souvent. La fusion comporterait des difficultés. Le panier de soins n'est pas le même. L'un des dispositifs relève uniquement de l'Etat quand l'autre est assimilable à une assurance sociale et doit continuer à l'être. Il convient de garantir les droits de tous, or la fusion n'est pas en elle-même porteuse de nouveaux droits.
Je suis extrêmement sensible au cas des travailleurs pauvres en situation précaire. C'est l'une des raisons pour laquelle, dans l'accord sur les dépassements d'honoraires, j'ai fait en sorte que des garanties nouvelles soient apportées aux personnes en grande difficulté. Des bénéficiaires de la CMU se voient en effet imposer des dépassements d'honoraires, ce qui est contraire à la loi ! L'accord prévoit l'extension de la consultation au tarif de la sécurité sociale à cinq millions de personnes supplémentaires, les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). Cela concerne directement les travailleurs pauvres.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission santé. - S'agissant de l'amiante, avez-vous des contacts avec la ministre de la justice ? L'instruction est bien lente et des associations de victimes demandent une accélération des procédures pénales. Elles voient l'exemple de l'Italie où les résultats ont été intéressants.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - Ma compétence porte sur l'accélération des instructions des dossiers devant le Fiva. La garde des Sceaux est soucieuse de l'état des procédures pénales... dans lesquelles nous ne pouvons toutefois pas interférer. Votre question renvoie plus généralement au problème de la longueur des procédures en matière sanitaire, problème sur lequel nous devrons réfléchir.
Mme Catherine Génisson. - Je me réjouis de constater, madame la ministre, votre volonté de prendre en compte les inégalités territoriales. Le projet de loi de financement nous donnera peut-être l'occasion d'envisager un système de péréquation car celui mis en place entre 1997 et 2002 avait été positif.
M. Jean-François Husson. - C'était la belle époque !
Mme Catherine Génisson. - Le problème des compétences des différentes agences s'est posé dès leur création et il demeure. Certains sujets sont négligés par toutes, d'autres sont traités par plusieurs. La mission conjointe sur les agences se contentera-t-elle d'une approche quantitative ou abordera-t-elle aussi des aspects plus qualitatifs ? Au travers de ces agences, ne sommes-nous pas dépossédés, au profit de la seule approche technique, de questions éminemment politiques ?
Mme Patricia Schillinger. - Quid de la prévention du diabète, du cancer du sein ou de l'obésité dans le budget et dans la politique de lutte contre les inégalités territoriales ?
M. Jacky Le Menn. - Que recouvre plus précisément cette démocratie sanitaire pour laquelle le Fir sera abondé de 5 millions d'euros ? Nous sommes souvent interrogés sur ce sujet.
M. Claude Jeannerot. - Les structures intervenant dans le domaine de la gérontologie se multiplient. Nous avions créé les centres locaux d'information et de coordination (Clic) qui devaient être des guichets uniques au service des familles touchées. Depuis lors ont été créés les réseaux gérontologiques animés par les ARS. Il y a aussi les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia). La répartition des rôles entre les ARS et le conseil général devient opaque et il faut remettre de l'ordre dans tout cela. La prochaine loi sur la décentralisation en donnera peut-être l'occasion ?
M. Alain Milon. - Vous n'avez pas mentionné les différents plans : Alzheimer, cancer, boulimie, addictions. Je suppose qu'ils sont abondés ? Allez-vous mener une campagne en faveur de la vaccination ? Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à la refuser. Et certains s'emploient à attiser les craintes...
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - L'idée de péréquation méritera d'être réétudiée. Mais lorsque nous donnons plus à certaines régions et moins à d'autres, c'est déjà une forme de péréquation. Nous devons sans doute mieux identifier les objectifs, dont la réduction des inégalités, à côté d'objectifs strictement sanitaires.
J'en viens aux agences. L'approche doit être à la fois quantitative et qualitative. Les actuels chevauchements de compétences ne favorisent pas l'identification des missions. La pharmacovigilance relève de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la toxicovigilance est assurée par l'Institut de veille sanitaire (InVS). Les citoyens doivent pouvoir comprendre le système, la décision devant demeurer politique, éclairée par l'expertise technique.
Comment faire vivre concrètement la démocratie sanitaire ? La loi de 2002 a ouvert aux associations de patients le droit, par exemple, de siéger dans un certain nombre d'organismes. Il faut à présent débloquer des moyens afin qu'elles puissent exercer ces nouveaux droits sans être soutenues par l'industrie pharmaceutique. La démocratie a un coût ! Un amendement au projet de loi de financement traite de cette question. La loi de 2002 a mis en avant des droits individuels, il convient à présent d'en venir aux droits collectifs.
La loi de santé publique qui vous sera soumise en 2013 actualisera celle de 2004, proposera de nouvelles avancées sur ces questions et fixera nos priorités. Je précise à M. Milon que les grands plans sont financés dans le budget 2013... Je partage sa préoccupation sur la vaccination, d'autant que l'on observe la recrudescence de certaines maladies. Il pourrait par exemple y avoir davantage de vaccination rougeole-oreillons-rubéole (Ror). Pour ma part, j'ai invité le personnel soignant à se vacciner contre la grippe ; non seulement pour l'exemple, mais parce que ces agents sont au contact de personnes fragiles. Faut-il une campagne de communication ? Nous devons au moins rappeler les enjeux de la vaccination.
Je précise à M. Jeannerot qu'en plus de la loi sur la décentralisation, un travail spécifique sera engagé entre l'Etat et les départements, sur ensemble des allocations universelles. La multiplicité des structures aboutit à un manque de lisibilité. Pour autant, les ARS doivent avoir une vision globale et travailler à un projet transversal, à la fois sanitaire et social, pour les personnes âgées. Elles se sont, jusqu'à aujourd'hui, concentrées sur la mise en place de schémas d'organisation. Il faut engager cette seconde étape. Je souhaite davantage de coopération entre ces agences et les élus, en particulier départementaux. C'est l'articulation des responsabilités qui nous fera avancer. Sans doute faut-il simplifier, en particulier le financement des Ephad, mais il faut surtout que soient mieux identifiés les objectifs communs.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie. - Il n'y a pas superposition des structures mais il convient, en effet, de les coordonner, et d'en simplifier le financement. Il faut articuler les Maia avec les Clic, qui, sur le terrain, présentent une grande variété. Certains Clic sont très performants, d'autres se résument à un numéro de téléphone... Les Maia que j'ai visitées sont celles qui ont été les premières créées sur le territoire, elles sont déjà bien en symbiose avec les centres locaux. Les réseaux gérontologiques sont eux aussi très hétérogènes.
Le dispositif Maia va être réévalué dans le cadre du plan Alzheimer. Le comité de suivi est convenu de pérenniser ce qui est intéressant et de mettre un terme à ce qui ne marche pas. J'ai la conviction que le dispositif Maia fonctionne, mais on ne peut dire aujourd'hui s'il doit être généralisé. Il faudra aussi une coordination, ainsi que l'a souligné Marisol Touraine, entre le sanitaire et le médico-social - je songe aux parcours Paerpa, pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie. Vous savez que nous travaillons à un projet de réforme de la prise en charge de l'avancée en âge. Tous les acteurs nous conjurent de nous garder d'ajouter une strate supplémentaire mais aussi, ce qui peut paraître contradictoire, de tenir compte des initiatives locales, très disparates. Il s'agit pour nous, je le répète, de rendre les choses plus lisibles et de coordonner pour assurer l'égalité républicaine.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. - Mme Schillinger m'a interrogée sur la place de la prévention. C'est dans le cadre du projet de loi de finances que l'enjeu est sensible, puisque c'est là que figurera l'essentiel du financement. Nous avons néanmoins souhaité autoriser les financements croisés, car il serait paradoxal d'écarter totalement la sécurité sociale. Comment tout à la fois considérer que la prise en charge médicale doit rémunérer une part de prévention, mettre en place des parcours de soins et considérer que la sécurité sociale n'a pas à intervenir ? D'où ces possibilités de financement dual.
Mme Annie David , présidente. - J'en viens à la mission « solidarité, insertion et égalités des chances », sur laquelle je vous poserai quelques questions, au nom de la rapporteure pour avis des crédits de la mission, Mme Archimbaud, qui ne pouvait être parmi nous.
La première série de questions porte sur le programme 157, relatif au handicap. L'AAH a été revalorisée de 25 % au cours du précédent quinquennat, mais dans le même temps a été introduite, par voie réglementaire, la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi », qui a eu pour effet d'exclure du bénéfice de l'AAH des personnes handicapées jusqu'alors éligibles. Comptez-vous revenir sur cette réforme ?
La loi du 28 juillet 2011 prévoyait que des conventions d'objectifs et de moyens seraient signées avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin de leur garantir une certaine stabilité financière. Mais les décrets d'application n'ont pas été pris. Comptez-vous y remédier ?
L'acte III de la décentralisation, enfin, remettra-t-il en cause le statut de groupements d'intérêt public (Gip) des MDPH ? Certaines associations comme l'association des paralysés de France (APF) n'ont pas été conviées à la concertation annoncée. Envisagez-vous de les y associer, comme cela est leur souhait ?
La deuxième série de questions porte sur le programme 304, relatif à la lutte contre la pauvreté. La contribution de l'Etat au fonds national de solidarité active (FNSA) diminue, en 2013, de 30 %. Ce recul s'explique, pour bonne part, par la diminution de la prévision de dépenses au titre du RSA jeunes : la condition du nombre d'heures travaillées posée par le précédent gouvernement, en décalage avec les réalités, a conduit à l'échec. Pourquoi, dès lors, n'avoir pas remis à plat le dispositif ?
Il est prévu, enfin, que le FNSA prenne en charge la prime de Noël. Est-ce bien là le rôle du fonds, dont les ressources sont de surcroît en diminution ?
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. - La notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi », qui a été ajoutée au guide des barèmes, concerne les handicapés dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 %. Cet outil est utile pour servir l'objectif du Gouvernement d'aider les allocataires de l'AAH à définir un parcours d'autonomie, et de les accompagner. Il permet d'homogénéiser les pratiques, très disparates, pour assurer l'équité territoriale, mais aussi, grâce à un contrôle ramené à deux ans au lieu de cinq, de mieux adapter l'accompagnement. Je puis vous affirmer que nous ne l'utiliserons pas comme outil comptable, mais bien pour accompagner les handicapés dans leur parcours de vie.
Les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens (Cpom) étaient prévues par la loi de juillet 2011, que nous devons à l'initiative de votre collègue Paul Blanc, pour améliorer le fonctionnement des MDPH, qui furent un apport de la loi de 2005 mais sont désormais embouteillées ; leurs statuts hybrides peuvent aussi être source de disparités territoriales. Les décrets n'ont jamais été pris. Ils le seront pour la plupart, et au plus vite ; nous y travaillons. Nous attendrons, en revanche, pour ce qui concerne les Cpom, car le troisième train de la décentralisation est en route : n'anticipons pas sur une réflexion à laquelle vous serez largement associés. D'autant que nous avons rempli nos engagements à l'égard des MDPH : les 62,8 millions d'euros destinés à leur fonctionnement seront versés, alors que leur situation était bloquée depuis huit ans.
Le statut de GIP ? Le Président de la République a déclaré qu'il entendait confier la politique du handicap et de la dépendance aux départements, ce qui a suscité bien des remous parmi les associations. Qu'elles sachent que nous entendons travailler avec tous les acteurs, mais que l'Etat, comme les collectivités, ne peut se satisfaire d'être aussi peu présent dans les instances décisionnelles, alors même qu'il est le payeur. Les associations n'ont pas manqué d'interpeller chacun pour dire leurs inquiétudes : elles craignent que leur rôle cesse d'être décisionnel pour n'être plus que consultatif. Il faut leur faire comprendre que nous sommes décidés à avancer ensemble, pour peu que le pouvoir soit partagé au sein des MDPH.
Le programme 304 s'adresse aux plus précaires et aux plus démunis. Nous en avons maintenu les moyens. Nous entendons travailler à une politique cohérente, juste, dynamique de lutte contre la pauvreté, conforme à l'engagement du Président de la République tel que l'a rappelé le Premier ministre dans son discours de politique générale. On ne saurait se résigner à voir augmenter la pauvreté dans notre pays. Un plan quinquennal abordera l'ensemble des problèmes : les minima sociaux seront remis à plat, avec l'objectif d'assurer un meilleur accès aux droits, une meilleure adéquation entre les besoins et l'existant. L'échec du RSA jeunes est emblématique. Alors qu'il devait toucher 130 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans, seuls 8 000 y ont accès. Notre ambition est bien d'améliorer l'accès aux droits, notamment celui de la jeunesse, qui nous est une priorité. Lors de la conférence des 10 et 11 décembre, nous fixerons des objectifs et des échéances.
La prime de Noël est chaque année promise, mais pour la première fois elle est inscrite au budget ; et financée, à hauteur de 465 millions, grâce à une hausse de 0,35 point des prélèvements sociaux sur le capital, qui ira au FNSA. C'est un choix politique. Celui de conforter notre modèle de solidarité ; cette prime, qui sera étendue aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité, en est une composante.
M. Jean Desessard. - Vous avez usé, en évoquant les MDPH, de deux termes qui m'ont surpris : embouteillés, avez-vous dit, et statut hybride. Mais lors de notre débat sur la proposition de loi relative aux MDPH, tout le monde s'est déclaré plutôt satisfait de ces structures, hors le problème du transfert des personnels. Et la proposition de loi a été adoptée, si je ne me trompe, à l'unanimité. Je suis donc surpris, à quelques mois de cela, de vos propos.
Mme Annie David, présidente. - La proposition de loi de 2011 faisait suite au constat des départements que les MDPH, institutions très attendues...
M. Jean Desessard. - ...manquaient de moyens.
Mme Annie David , présidente. - ...mais présentaient aussi des problèmes de structure, conduisant notamment à un traitement trop lent des dossiers.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. - C'est bien à l'embouteillage des dossiers, en effet, que je faisais allusion. Il est hors de question, monsieur le sénateur, de mettre en cause les MDPH. Nous voulons tout au contraire les renforcer, les crédits pour 2013 en témoignent. C'est pourquoi nous les incluons dans le paquet décentralisation qui sera discuté avec les présidents de conseils généraux. Ce qui ne va pas, c'est que l'Etat et le département passent à la caisse, tandis que les associations ont tous les pouvoirs. Elles s'inquiètent de la décentralisation, il faut les rassurer, il n'est pas question de revenir en arrière ni de leur retirer des pouvoirs.
Nous voulons résorber les inéquités territoriales, aussi, car tous les départements n'ont pas les mêmes moyens. Dans le cadre du débat sur la décentralisation, les associations auront leur mot à dire.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. - Les Caf avancent les prestations. Or l'instruction des demandes débouche parfois sur une réponse négative. La Cour des comptes reproche aux caisses le montant des indus, alors que l'embouteillage des dossiers en est largement responsable. Il faut donc perfectionner les choses.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la mission « santé ». - Mais la révision à deux ans au lieu de cinq est-elle bien faite pour désembouteiller ? Elle donnera plus de travail aux MDPH, et coûtera plus cher. Quel intérêt quand on sait, de surcroît, que le handicap n'est pas souvent réversible ?
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. - C'est un outil utile pour un meilleur accompagnement, et c'est pourquoi, encore une fois, loin de toute intention d'en faire un outil comptable, nous le conservons.
Mme Annie David, présidente. - Nous vous remercions.