- Mardi 29 janvier 2013
- Mercredi 30 janvier 2013
- Zones d'exclusion pour les loups - Examen des amendements au texte de la commission
- Titres de transport des compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne - Examen du rapport et du texte de la commission
- Nomination de rapporteurs
- Groupe de travail sur la réforme du code minier - Désignation de membres
Mardi 29 janvier 2013
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Fiscalité numérique neutre et équitable - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis, sur la proposition de loi n° 682 rect. (2011-2012), présentée par M. Philippe Marini, pour une fiscalité numérique neutre et équitable.
M. Raymond Vall, président. - Je souhaite la bienvenue à Michel Billout, qui nous vient de la commission des affaires étrangères et qui a permuté avec Paul Vergès.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Je le dis d'emblée : la commission des finances a, sur proposition de son rapporteur, adopté une motion de renvoi en commission de la proposition de loi sur la fiscalité numérique. Yvon Collin a justifié cette procédure par la nécessité de concilier la définition en cours d'une politique fiscale globale concernant l'économie numérique et l'attention portée à une initiative, qui, malgré les questions qu'elle pose, témoigne d'une intention consensuelle.
Notre commission a un autre motif de soutenir la motion : le processus, également en cours, de définition d'une politique adaptée du déploiement du très haut débit. Un séminaire gouvernemental devrait se tenir à la fin du mois de février ...
M. Rémy Pointereau. - S'il y a un séminaire...
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Il devrait aboutir à des annonces sur la prochaine feuille de route prolongeant et corrigeant le programme national de très haut débit (THD). Le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet et je salue les contributions de nos collègues Maurey et Leroy ; il continue de le faire, puisqu'avec Pierre Hérisson, je finalise un travail d'évaluation de l'application des lois qui ont confié aux collectivités territoriales un rôle éminent dans l'équipement numérique du pays, au service de l'égalité de ses territoires. Ce très important dossier a été au coeur de notre décision de nous saisir pour avis d'une proposition de loi qui en a trop ignoré les enjeux.
Le calendrier du THD entre lui aussi en collision avec le calendrier d'examen de la proposition de loi, si bien que, devant ce cumul d'arythmies, il est sage d'adopter la motion de procédure proposée par la commission des finances. Son adoption devrait ne laisser place qu'à la discussion générale du texte suivie d'un débat limité sur la motion. Il serait néanmoins opportun de renforcer les arguments présentés par la commission des finances par la mention des préoccupations plus spécifiques à notre commission, afin que nous prenions date, pour le financement des réseaux de nouvelles générations.
L'intitulé, « proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable » promet plus qu'elle ne tient. Son contenu normatif se limite à trois taxes indirectes, qui, pour n'être pas sans enjeux, concernent des problèmes fiscaux assez seconds. La taxe sur la publicité en ligne, la taxe sur le commerce électronique et la taxe sur les vidéogrammes ne sont pas à la hauteur des objectifs poursuivis. Il faudrait traiter de la TVA, de l'imposition des sociétés, de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, voire de l'impôt sur le revenu. L'auteur de la proposition de loi, qui en convient, s'efforce d'y remédier en prévoyant un rapport sur quelques-uns de ces problèmes.
La neutralité fiscale est bien un sujet qui mérite l'attention. Je me félicite que notre collègue ait trouvé dans le maintien des conditions nécessaires à l'initiative parlementaire dans le domaine fiscal l'occasion de s'en préoccuper : il est heureux que les efforts de la commission des finances lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle sur les finances publiques pour réserver les dispositions fiscales aux lois financières n'aient pas connu le succès.
La neutralité fiscale au sens de la présente proposition de loi est assez différente de celle que prévoyaient certains amendements à la loi de finances pour 2011. Ce n'est en effet pas la première fois que nous examinons des propositions de réforme de la fiscalité indirecte destinées à étendre au numérique les prélèvements sur d'autres secteurs économiques. Cependant, alors qu'auparavant, seule la neutralité de la taxation entre économie numérique domestique et les autres secteurs était en cause, ce texte au cadre limité tente d'assurer également la neutralité internationale des taxes. Ce faisant, elle est plus satisfaisante.
Je n'ai pas besoin de vous convaincre que les technologies numériques, alliées avec l'optimisation fiscale des entreprises qui en tirent parti, favorisent la fuite de la valeur économique créée sur les territoires vers des paradis fiscaux, parfois situés au coeur même de l'Union européenne. Je relève avec satisfaction que notre collègue s'accorde avec les tenants d'une concurrence fiscale régulée autrement que par le jeu du marché.
Cette ambition est pleinement d'actualité. En témoignent le rapport de MM. Collin et Colin sur la fiscalité de l'économie numérique, ainsi que l'agenda international. L'activité parlementaire est également soutenue. En 2012 une commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion fiscale internationale s'était penchée sur le numérique, tandis que les parlements américain et britannique notamment, exercent leur vigilance sur un problème qui remet en cause la souveraineté fiscale des États.
Notre capacité à financer notre modèle social est en jeu, de même que les biens publics sur lesquels nous tentons de construire notre croissance. A mesure de son développement, la valeur économique est attirée vers ce secteur, dont les grands acteurs sont en mesure d'échapper à l'impôt. Dans ce modèle infernal, la gestion du taux effectif d'imposition aux fins de le minorer correspond autant à une avidité personnelle qu'à une logique systémique.
Nous devons combattre avec succès le shopping fiscal. Notre commission est certainement unanime à vouloir corriger la facilité avec laquelle les passagers clandestins « surfent » sur les infrastructures numériques sans contribuer à leur financement. C'est particulièrement nécessaire à l'heure où les besoins de financement du réseau du futur - le futur c'est maintenant - doivent être couverts pour un montant d'investissement de l'ordre de 20 à 30 milliards d'euros. Comme il faudra recourir à des ressources publiques, il serait tout à fait justifié de faire supporter une partie consistante des taxes à venir aux acteurs qui contribuent à peine aux facteurs de production dont ils usent, et abusent en délocalisant les profits. Attribuer au Fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT) des ressources publiques dégagées par la mise en ordre de la fiscalité numérique amorcerait une péréquation et renforcerait l'action pour l'égalité des territoires.
La proposition de loi de notre collègue est-elle de nature à nous donner des assurances de ce point de vue ? Je ne puis que constater le contraire. Aucune de ses dispositions n'organise le fléchage des modestes recettes fiscales qu'elle annonce vers le financement des réseaux de nouvelle génération.
La robustesse des dispositions proposées pour appréhender les bases détournées par les entreprises du fait de leur localisation hors de nos frontières, au Luxembourg, en Irlande ou aux Bermudes, est douteuse. Sur le plan juridique, elle est confrontée à l'intégrisme de la Commission européenne et de la Cour de justice de l'Union européenne dans leur application des « libertés » du Marché unique. En pratique, à supposer même que cet obstacle puisse être franchi, on devine les difficultés qu'il y aurait à appliquer hors de nos frontières des dispositions qui supposent un pouvoir de contrainte qui ne s'étend pas si loin. Il faudrait compter sur la coopération fiscale des États de localisation, qui n'est pas acquise, puisqu'ils perdraient des ressources.
Il est donc justifié de laisser vivre le dossier de la modernisation de la fiscalité numérique, non seulement parce que le calendrier gouvernemental s'y prête, mais aussi pour éviter les déconvenues dont certaines initiatives que chacun a ici en tête « accouchent » trop souvent.
Notre politique fiscale devra être sérieusement modernisée dans les mois qui viennent. Il faudra jouer sur tous les registres, ceux de la diplomatie fiscale mais aussi ceux de la politique domestique. Celle-ci suppose une oeuvre législative ainsi qu'une détermination pratique. Le rapport, prescrit par l'article 3 de la proposition de loi, reste d'actualité, malgré le rapport Collin et Colin. Il serait souhaitable d'en élargir le champ, pour vérifier que les entreprises du numérique, y compris celles domiciliées en France, contribuent normalement aux charges publiques. Le Parlement, et notamment le Sénat, doit jouer tout son rôle.
Quelque justifié que soit le renvoi en commission, il ne faudrait pas affaiblir notre vigilance. La fiscalité numérique posant des questions transversales, il serait justifié que nous inventions un cadre d'action commun aux différentes commissions intéressées et à la hauteur des enjeux du déploiement des réseaux qui va continuer à s'accélérer.
M. Raymond Vall, président. - Merci pour cette vision prospective.
M. Michel Teston. - J'en retire l'idée, partagée par beaucoup, qu'il est absolument nécessaire de revoir le plan national THD qui manque de volontarisme et laisse une place trop importante à l'initiative des opérateurs. Le financement est essentiel. Comme l'a justement rappelé Yves Rome, le FANT n'a jamais été alimenté. Il importe de faire participer les grands acteurs du numérique afin de créer la richesse nécessaire au développement du THD.
Il est vrai que si la proposition de loi présente certains avantages, elle ne règle aucun des problèmes soulevés par le rapport Collin et Colin. Il est donc préférable d'adopter la motion de renvoi. Nous pourrons ainsi étudier des solutions alternatives de taxation. Bref, donnons du temps au temps pour définir une politique globale du numérique. J'approuve totalement le rapport pour avis et la motion de renvoi.
M. Hervé Maurey. - Il est nécessaire de s'engager dans le processus qui conduira à la taxation des géants du numérique, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui réalisent en France un chiffre d'affaires de près de cinq milliards d'euros et bientôt neuf milliards, tout en payant peu d'impôts sur notre territoire, d'où des pertes très importantes de recettes, ce qui est contraire à l'équité et néfaste à nos finances publiques comme aux nécessités financières de notre réseau.
J'avais été nommé, il y a trois ans, parlementaire en mission, afin de proposer des moyens d'alimenter le FANT. La taxe Google n'a finalement pas été retenue, parce qu'elle était très difficile à mettre en oeuvre. Ces sociétés n'ayant pas leur siège en Europe, il faudrait une action européenne voire internationale. Philippe Marini se préoccupe du sujet depuis un moment. Il est à l'origine d'une taxe improprement désignée sous le nom de Google, puisqu'elle frappait davantage les entreprises françaises présentes sur internet que celle de Mountain View. C'est pourquoi, bien qu'il ait été voté par le Parlement, tout le monde a convenu qu'il fallait revenir sur un tel dispositif.
Celui qu'il présente aujourd'hui est plus élaboré. Néanmoins, comme notre rapporteur pour avis, je déplore qu'il ne propose aucun fléchage vers le FANT et vers les réseaux à déployer sur notre territoire. Cela pose problème au membre de la commission chargée de l'aménagement du territoire que je suis. Nous avons fait des propositions lors du budget ; certains de nos amendements ont abordé des questions que ne règle pas cette proposition de loi. Nous nous heurtons aux limites techniques rappelées par le rapporteur. Pour toutes ces raisons, je suis favorable au renvoi en commission.
Mme Évelyne Didier. - Comment ne pas être d'accord dès lors qu'il s'agit de taxer les géants du numérique ? Cependant, à l'heure du virtuel, ne vaudrait-il pas mieux prendre en considération le chiffre d'affaires, plutôt que de se référer au siège social ? Un accord ne pourrait-il se dégager là-dessus ? Je soutiens la position de la commission des finances en faveur d'un renvoi en commission.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de la motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi, votée par la commission des finances lors de la réunion du 23 janvier 2013, et adopte à l'unanimité le rapport pour avis.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Comme l'a souligné Hervé Maurey, la question de la taxation des GAFA et du financement des réseaux d'initiative publique, n'est pas enterrée. Le sujet est protéiforme. Plusieurs commissions pourraient travailler de concert.
M. Hervé Maurey. - Le groupe d'études Communications électroniques et Poste, présidé par Michel Teston, pourrait organiser des auditions. Il n'est, par exemple, pas normal que seule la commission des finances ait auditionné MM. Collin et Colin.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Le président Vall a également exprimé sa préoccupation d'associer la commission du développement durable. Avec Pierre Hérisson nous pourrions nous joindre à ces travaux.
M. Raymond Vall, président. - Votre rapport d'information, prévu pour la mi-février, nous éclairera.
M. Michel Teston. - L'idée d'Hervé Maurey est excellente. Pourquoi ne pas associer la commission du développement durable et le groupe d'études Communications électroniques et Poste pour organiser des auditions communes ?
M. Raymond Vall, président. - Il n'y a pas que l'aspect fiscal. Ce sujet concerne aussi l'aménagement du territoire, partant la péréquation entre collectivités. Il s'agit encore de la participation de celles-ci à l'installation des infrastructures. La taxe Google ne règle pas tout.
M. Michel Teston. - Associons également la commission des finances aux auditions.
M. Raymond Vall, président. - Attendons la parution du rapport de cette commission, qui traitera de la fiscalité du numérique...
Mme Évelyne Didier. - Il y a d'autres questions sur le numérique.
M. Raymond Vall, président. - ...pour nous saisir ensuite de l'aspect territorial et des enjeux qui lui sont liés : maîtrise d'ouvrage, emplacement des installations, propriété du sol, etc.
M. Henri Tandonnet. - La territorialité de la ressource n'est pas avérée.
M. Raymond Vall, président. - La question se posait déjà pour l'installation du réseau de France Télécom. C'est le citoyen qui a payé ces infrastructures que l'entreprise exploite selon sa volonté...
M. Michel Teston. - Quel gauchiste !
M. Raymond Vall, président. - Je suis réaliste : il y a douze ans, quand nous avons souhaité réaliser le « Hameau des étoiles », le réseau de la fibre, dont j'avais signé l'autorisation, passait à 350 mètres, j'en ai demandé le raccordement. On nous a réclamé 2,5 millions ! Aussi avons-nous été les premiers à installer une borne avec le satellite Astra. Même chose pour la télémédecine et pour les entreprises ; la fibre passe à moins de 50 mètres de leur zone, et le raccordement reste impossible.
M. Charles Revet. - Je pourrais citer d'autres exemples.
M. Hervé Maurey. - Et quand la collectivité finance des travaux d'enfouissement sur ce réseau qui ne lui appartient pas, elle ne peut pas récupérer la TVA.
M. Michel Teston. - Quand et comment la commission des finances se saisira-t-elle de cette question ? Nous sommes tributaires de sa célérité...
M. Raymond Vall, président. - ... et du ministère.
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Notre collègue Yvon Collin a l'intention de poursuivre son travail sur ce sujet cher au président Marini. Mais la fiscalité n'est pas une fin en soi. Il y a aussi un problème d'égalité entre les territoires dans le déploiement des réseaux de troisième génération : la moitié des vingt à trente milliards d'investissement restera en effet à la charge de nos collectivités.
M. Raymond Vall, président. - Ces réflexions peuvent être menées en parallèle : nous devons prendre rendez-vous.
M. Hervé Maurey. - Le numérique est susceptible d'être abordé sous plusieurs angles : culturel, économique, fiscal. Nous avons vocation à étudier les questions d'aménagement du territoire. Les opérateurs ne s'en soucient guère, et l'État pas toujours. Il nous appartient de porter ces thèmes essentiels.
M. Raymond Vall, président. - Quand nous aurons le rapport d'Yves Rome et de Pierre Hérisson, il constituera un excellent support pour une réflexion sous l'angle de l'aménagement du territoire. Nous aurons alors l'occasion de réentendre les opérateurs privés qui ont succédé aux opérateurs publics. Peut-être battront-ils leur coulpe en reconnaissant l'avantage que leur a procuré le financement des infrastructures par le contribuable ? Je ne suis pas le seul à avoir été invité à des opérations de sensibilisation !
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Avec Pierre Hérisson, nous avons auditionné tous les représentants de l'écosphère du numérique. Nous rendrons notre rapport dans la première quinzaine de février. Il fallait dresser le bilan de l'action des collectivités territoriales et esquisser des pistes pour corriger les dispositifs existants. Nous avons créé un espace collaboratif pour mieux ouvrir nos travaux. Des décisions sont attendues fin février. Le président de la République s'était engagé à ramener le délai de couverture du territoire par le très haut débit de quinze à dix ans. L'objectif mérite des analyses et des évaluations.
M. Raymond Vall, président. - Qu'en est-il des collectivités qui engagent des investissements importants ?
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Elles auront besoin d'être sécurisées.
M. Raymond Vall, président. - N'oublions pas la dimension européenne, car, à l'image des voies ferrées, ces réseaux devront s'ouvrir. Je propose, à cet effet, que nous nous rapprochions de nos homologues de l'Assemblée nationale. Notre rapporteur peut-il formuler des propositions à cette fin ?
M. Yves Rome, rapporteur pour avis. - Quelle perspective mobilisatrice !
M. Henri Tandonnet. - Le Conseil économique, social et environnemental s'est saisi du projet.
M. Michel Teston. - Je suis d'accord avec ces propositions. Cela ne nous empêche pas d'organiser des d'auditions communes à notre commission et au groupe de travail que je co-préside avec Pierre Hérisson.
M. Raymond Vall, président. - Une action commune avec l'Assemblée est indispensable sur ce sujet européen.
M. Hervé Maurey. - Je soutiens la position du président.
Infrastructures et services de transports - Audition de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
La commission procède à l'audition de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le projet de loi n° 260 (2012-2013) portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.
M. Raymond Vall, président. - Monsieur le ministre nous vous accueillons pour la troisième fois. Lors de votre dernière audition, nous vous avions écouté avec passion. Vous venez aujourd'hui nous présenter le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports, texte qui ne comporte pas moins de 25 articles : neuf consacrés au transport maritime, sept au routier, trois au fluvial, quatre au ferroviaire ou encore un à l'aérien. Pourquoi une seule loi sur toutes ces questions très diverses : chaque thème n'aurait-il pas mérité un texte particulier ? Nous examinerons ce texte dans une dizaine de jours. Pourquoi avoir engagé la procédure accélérée, pratique que nous avions à maintes reprises reprochée au gouvernement précédent ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche. - Nous avons choisi la voie d'un texte unique par respect pour le travail parlementaire. Le calendrier parlementaire étant très chargé, nous avons souhaité profiter d'une fenêtre de tir. Toutes les dispositions sont importantes et devraient recueillir un large assentiment ; la voie législative accélérée est donc parfaitement justifiée.
L'efficacité du dispositif public, son contrôle, l'alignement sur le droit international sont autant de questions soulevées par ce texte. Il procède en outre à la correction de certaines scories, notamment s'agissant de l'écotaxe poids-lourds, que son précédent dispositif a rendue particulièrement difficile à appliquer. C'est un plaisir renouvelé de pouvoir en discuter avec vous : j'aime l'ambiance qui règne dans la Haute assemblée, à plus forte raison en sortant d'une séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale. (Sourires)
Ce projet de loi comporte 25 articles. Il modifie le code des transports dans un sens favorable au développement durable, à une meilleure protection des salariés, et procède à la transposition obligatoire de dispositions de droit européen.
L'écotaxe poids-lourds, objet de l'article 7, sera sans doute le principal sujet de débat. Vous recevez peut-être de nombreuses questions sur l'efficacité générale du dispositif ou des sollicitations sur les exemptions qu'il permet. Il ne s'agit pas de réécrire entièrement le mécanisme, ni de revenir sur son principe ou son champ d'application, mais de modifier ses conditions d'application et de répercussion. Issue du Grenelle de l'environnement, l'écotaxe poids-lourds devait être mise en place en 2011. Ses objectifs initiaux étaient de rationaliser le transport routier, de réduire ses impacts environnementaux, et de financer le transfert modal. A cet égard, elle était bienvenue dans un contexte financier tendu pour les collectivités publiques. Sa répercussion a fait l'objet des premiers échanges que j'ai eus avec les professionnels du secteur car le dispositif initial, dont les conséquences n'ont pas été suffisamment mesurées, s'est révélé largement inapplicable. Dans une situation difficile pour le transport routier - baisse des flux de marchandises tous modes confondus, tissu industriel composé essentiellement de petites entreprises, concurrence européenne accrue par l'imparfaite harmonisation des législations sociales, profitabilité qui plafonne à 1 % - j'ai fait de l'acceptation du mécanisme par les professionnels un chantier prioritaire. A rebours du décret initial - publié le 6 mai 2012 ! -, ce nouveau texte obéit à un principe de simplicité en répercutant la taxe sur les chargeurs et en prenant en compte leurs frais de gestion. Nous pourrons si vous le souhaitez faire le point sur sa mise en oeuvre, confiée à Ecomouv'.
Les autres articles, relatifs aux transports maritime et fluvial, ont en commun d'augmenter les capacités de contrôle de la puissance publique et de réduire les risques pour l'environnement. L'article 12 simplifie par exemple les procédures applicables aux déplacements d'office de bateaux. La situation est plus fréquente qu'on ne pense : elle concerne les bateaux abandonnés sur des voies d'eau en méconnaissance du règlement général de police de la navigation intérieure. Ceux-ci peuvent en effet porter atteinte à la sécurité des usagers du domaine public fluvial. Dans le plein respect du principe de propriété, l'administration disposera désormais de moyens plus efficaces pour y remédier.
D'autres dispositions concernent la sécurité maritime, la lutte contre les risques écologiques et la gêne dans l'exploitation des ports. Dans ce dernier cas, il s'agit de bateaux qui, à la suite d'avaries ou d'actes de piraterie, sont abandonnés, non sans coût ni problèmes de sécurité. L'article 15 simplifie les règles autorisant les pouvoirs publics à intervenir sur de tels navires, tirant enfin les conséquences du rapport rendu par le député Pierre Cardo.
En matière de sécurité maritime, ce texte donne au capitaine de navire le pouvoir d'ordonner la consignation d'une personne mettant en péril la préservation du navire, de sa cargaison ou la sécurité des personnes se trouvant à bord. Les articles 16 et 17 renforcent les sanctions pénales encourues en cas de méconnaissance des règles de navigation, clarifient le régime de responsabilité applicable au cas de pollution marine par hydrocarbures, et tire les conséquences d'engagements internationaux non encore transposés. En effet, la France applique une convention de l'Organisation maritime internationale (OMI) de 1976, faute d'avoir transposé dans son droit national les conventions postérieures qu'elle a pourtant adoptées, plus protectrices des intérêts des victimes. En outre, ces articles effectuent un renvoi général à la convention dite CLC de 1992, regroupant ainsi des dispositions relatives à la responsabilité du propriétaire aujourd'hui éparpillés dans divers codes.
L'article 23 garantit des conditions de concurrence équitables entre sociétés maritimes opérant sur une même ligne et pratiquant le cabotage ou des liaisons dans les eaux intérieures et territoriales, en élargissant le champ d'application des conditions de l'État d'accueil à l'ensemble des personnels à bord. Il en résulte, à rebours du dumping pratiqué jusqu'alors, une application uniforme des règles de protection sociale, ainsi qu'une harmonisation des documents exigés aux contrôles et des sanctions pénales attachées aux manquements à ces obligations. La concurrence déloyale exercée par des pavillons étrangers en sera amoindrie.
M. Roland Ries. - Je suis l'heureux rapporteur de ce texte compliqué, dont certaines dispositions ne manqueront pas de susciter des débats entre nous.
Ses 25 articles touchent à tous les secteurs du transport et traitent de difficultés parfois identifiées de longue date. Il n'empiète donc pas sur les grandes réformes annoncées, comme celle de la gouvernance du ferroviaire, dont Michel Teston sera rapporteur. L'écotaxe poids-lourds est le principal sujet sensible. Son principe, acté par la loi de finances pour 2009 à la suite du Grenelle II, n'est nullement remis en cause. Elle devait être mise en oeuvre au milieu de l'année 2013, après une expérimentation de trois mois en Alsace. J'ai déjà reçu les réclamations de transporteurs alsaciens qui ne comprennent pas pourquoi ils seront les seuls à contribuer par anticipation. Vos prédécesseurs, par un décret du 6 mai 2012, avaient prévu un mécanisme de répercussion si complexe qu'il a fait l'unanimité contre lui. Vous avez annoncé sa remise à plat : au lieu d'une répercussion laissée à la charge du transporteur, vous proposez une majoration forfaitaire du prix du transport, automatique, obligatoire et légale, qui reporte la charge du transporteur vers son donneur d'ordre.
Ceux de nos voisins européens qui se sont dotés d'une telle écotaxe poids-lourds se sont passés d'une telle majoration des prix. Pour quelles raisons avez-vous souhaité cette répercussion ? Comment fonctionnera-t-elle précisément ? Ne craignez-vous pas des effets non désirés sur les prix, notamment sur les produits fabriqués en France ? Certaines professions, comme les déménageurs ou les grossistes - dont j'ai auditionné des représentants -, s'inquiètent car la part du transport au sens strict est difficile à évaluer au sein du service global qu'ils délivrent. Que leur répondez-vous ?
Maintenir l'expérimentation en Alsace dès avril prochain, soit trois mois avant son entrée en vigueur au niveau national, a-t-il encore un sens ? Je vois M. Grignon qui m'approuve, mais je rappelle que nous étions tous, à l'époque, favorables à la création d'une écotaxe alsacienne pour compenser la Maut allemande !
La nouvelle procédure de déclassement d'office va conduire à confier aux collectivités territoriales près de 250 km de délaissés routiers dont, en première analyse, elles ne sont pas demandeuses. De quelles routes s'agit-il ? Pourquoi passer par le déclassement d'office ? Des compensations financières sont-elles prévues ? L'État réalisera-t-il des travaux préalables ?
S'agissant du transport maritime, le texte rénove les conditions de l'enquête à bord, ainsi que les règles sociales qui s'appliquent aux équipages et aux gens de mer des navires venus travailler dans les eaux territoriales françaises. Jusqu'où peut-on aller, dans les limites de l'euro-compatibilité, pour protéger nos marins de la concurrence déloyale des pavillons étrangers, y compris communautaires, qui dégradent les conditions de travail, voire la sécurité maritime ? Comment faire prévaloir la règle du mieux-disant, et non celle du moins-disant social ? C'est toute la question de la réglementation du pays d'origine, que nous avions déjà abordée à l'occasion des discussions relatives à la directive Bolkestein - que d'aucuns se plaisaient à appeler Frankenstein...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - La commission des finances s'est saisie pour avis des dispositions de l'article 7. La taxe poids-lourds alsacienne pose problème à tous les transporteurs, pas seulement alsaciens : ils devront en effet, nous disent-ils, équiper toute leur flotte de camions, à défaut de savoir avec certitude lesquels rouleront en Alsace. En outre, les systèmes d'Ecomouv' sont-ils en état de fonctionner pour le mois d'avril ? J'en ai rencontré ses responsables, très compétents, qui ont conçu dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) un système sans doute de nature à s'exporter ailleurs en Europe, mais le respect des délais ne me semble pas acquis. Ne serait-il pas préférable, dès lors, d'abandonner l'expérimentation alsacienne pour se concentrer sur l'écotaxe nationale ?
La semaine dernière, devant nos collègues députés, vous avez évoqué un possible report de sa date d'entrée en vigueur. Entendons-nous sur celle-ci. La mise à disposition du système d'Ecomouv' est prévue pour le 20 juillet 2013, date à laquelle le PPP prend fin. Elle se distingue de la date de mise en service, qui dépend de l'État. En toute hypothèse, confirmez-vous le report ? Quelles conséquences cela aurait sur le budget de l'État et sur celui de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ? Le manque à gagner serait de l'ordre de 100 millions d'euros par mois.
L'écotaxe poids-lourds devrait s'accompagner d'un report de trafic vers les autoroutes à péages, ce qui générerait une hausse de leurs recettes. Ces dernières sont estimées entre 250 et 400 millions d'euros, les auditions que j'ai conduites validant plutôt ce dernier chiffre. Comment l'État compte-t-il récupérer une partie de la manne générée par cet effet d'aubaine ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Le fait que le mécanisme que nous proposons n'existe qu'en France s'explique par la spécificité de notre tissu industriel : 80 % des entreprises du secteur comptent moins de 10 salariés. Leur marge moyenne est inférieure à 1,5 % : un rien peut les fragiliser. Elles sont rarement en situation de négocier librement leurs prix, comme on l'a vu pour le gasoil. C'est donc par prudence économique que nous avons privilégié ce système. Le prix de la prestation fait l'objet d'une majoration, qui devra figurer sur la facture, sera soumis au paiement de la TVA, comptabilisée en recettes, équilibrée par les dépenses, de sorte qu'il n'y ait pas de charge nouvelle. Le transport représente 2 % du prix acquitté par le consommateur de marchandises. La majoration introduite par ce projet de loi est donc de 3,7 % sur 2 % : c'est dire qu'elle sera peu perceptible par le consommateur.
L'objet de l'écotaxe poids-lourds n'est pas tant de sanctionner un mode de transport considéré comme polluant - beaucoup d'efforts ont été réalisés dans ce domaine, et dans quelques mois, les flottes devront respecter la norme Euro 6 - que de le faire participer au financement des infrastructures de transport et soutenir des politiques innovantes, notamment sur le plan environnemental.
L'expérimentation alsacienne était, à l'époque de sa création, une revendication des professionnels, destinée à atténuer le report de trafic engendré par l'existence d'une écotaxe en Allemagne. Nous verrons comment les choses évoluent mais à ce stade, cette expérimentation est maintenue. Nous vérifierons à l'occasion du prochain comité de pilotage que nous aurons avec Ecomouv' l'état d'avancement du système opérationnel. Certaines sources autorisées font état de réserves sur ce point. Il est dommage de n'avoir pas saisi plus tôt l'opportunité d'instaurer une écotaxe poids-lourds compatible avec les dispositifs de nos voisins, comme la réglementation européenne nous y encourage pourtant. Il existe du coup deux, trois, solutions techniques différentes en Europe, peut-être davantage. L'Allemagne s'apprête à renouveler son système, peut-être pourra-t-elle s'inspirer du nôtre... Je confirme que la date de lancement opérationnel de la taxe est bien celle du 20 juillet : si report il y a, c'est que je ne prendrai pas la responsabilité de lancer un système non sécurisé techniquement. Dans cette hypothèse encore, nous examinerons la possibilité d'élargir l'expérimentation. En l'absence de report toutefois, une expérimentation « à blanc » pourra être menée sur deux mois plutôt que trois. Je conduis ce dossier avec pragmatisme et prudence, car je ne souhaite pas handicaper les professionnels.
Le dispositif n'est pas sans conséquences sur le budget de l'AFITF : les sommes en jeu avoisinent les 80 millions d'euros par mois. Nous verrons au fur et à mesure.
Les concessionnaires d'autoroutes bénéficieront, je le crains, d'un effet d'aubaine. Nous sommes en discussion avec eux pour leur faire accepter le principe d'une hausse de la redevance domaniale, trop peu souvent actualisée. Notre entente n'est pas parfaite, je ne vous le cache pas. Je connais leurs contraintes financières. Ils doivent comprendre les nôtres. Il ne s'agit aucunement de les mettre en difficulté. Les concessionnaires d'autoroutes sont certes endettés, mais dégagent une marge de plus d'un milliard d'euros par an. Nous avons assez discuté de la privatisation des autoroutes sans qu'il soit besoin d'y revenir. La pédagogie n'a pas encore éloigné le risque de contentieux avec ces sociétés. Je garde toutefois une position ouverte au dialogue, d'autant que j'appelle de mes voeux un plan de relance sur le réseau autoroutier, qui serait utile pour l'emploi, la croissance, les travaux publics, sous réserve de l'ouverture des marchés aux entreprises afin de partager la commande publique. Il serait dommage que la hausse de la redevance domaniale bloque la conclusion d'un accord, comme c'est le cas dans le financement du tunnel de Toulon, alors que l'État est prêt à signer.
Le déclassement d'office de 250 km de routes est très ponctuel. Il s'agit de sections délaissées qui seront remises aux collectivités territoriales moyennant soit indemnisation soit remise en l'état, comme c'est la règle traditionnellement. Il s'agit uniquement de tronçons qui ne répondent plus aux critères de classement en routes nationales ; le plus long d'entre eux fait 8 km.
Je préfère que l'on m'oppose une euro-compatibilité sur la base de faits avérés, plutôt que de pratiquer l'autocensure en amont. Evitons de faire dire à l'Europe ce qu'elle n'a pas dit, et ce qu'elle ne dira peut-être jamais. Au contraire, faisons une interprétation des règles européennes respectueuse de celles-ci, mais constructive sur le plan social. C'est le cas de ce texte, que je défendrai, s'il le faut, au regard des engagements internationaux et européens qui guident notre action.
L'écotaxe poids-lourds ne concerne que la prestation de services de transports. Dès lors, les déménageurs et grossistes devront isoler dans leur bilan leur activité de transport si cela leur est possible. D'une manière générale, c'est l'usage des infrastructures, et non le type d'activité, qui permet d'identifier le champ d'application du dispositif.
Mme Odette Herviaux. - Je partage votre souci de renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction dans le transport maritime, ainsi que celui d'améliorer la condition sociale de nos marins.
Il est vrai que les navires abandonnés posent problème. Certains ports sont plus touchés que d'autres : Brest, les ports d'outre-mer. Peut-on aller plus loin et être plus sévère que ce que vous proposez ? Y aurait-il des pouvoirs de sanction supplémentaires, dans le respect du droit international ?
L'article 18 entend tirer les conséquences des fusions de certains corps qui ont déjà été opérées. Cette politique a pourtant trouvé ses limites, car si la fusion de corps à faibles effectifs semble une bonne idée, l'observation de la réalité montre le contraire. Certains savoir-faire et compétences locales ont été perdus ou dilués par le déplacement des fonctionnaires - de contrôle ou de police notamment - dans d'autres services. Un exemple récent qui a fait, comme on dit chez nous, du bruit dans Landerneau : lorsqu'un navire de pêche a été éperonné par un navire de la marine marchande, l'administration supérieure a été prévenue, mais le responsable local des affaires maritimes ne l'a su que le lendemain ou le surlendemain !
L'article 23 procède à d'heureuses modifications en matière sociale. C'était une forte demande de nos marins. Vous êtes allés au bout de ce que le droit européen permet. S'appliquera-t-il toutefois aux navires qui effectueront des travaux de recherche et de prospection en bordure des côtes dans le domaine des énergies renouvelables marines ?
M. Francis Grignon. - L'article 3 impose aux entreprises une meilleure séparation - davantage euro-compatible - entre leurs activités d'infrastructures et de transport. Or jeudi, vous avez indiqué que la concurrence n'était pas inéluctable. Je pense le contraire : tant que Keolis causera du souci aux transporteurs allemands, ceux-ci n'auront de cesse d'entretenir la concurrence. Les présidents de régions attendent beaucoup plus de transparence de la part de la SNCF et des opérateurs historiques. Encouragez-vous une transparence semblable à celle qui prévaut dans les délégations de service public ? Il vaut mieux se préparer en amont à la concurrence, si l'on ne veut pas revivre ce qui s'est passé dans le fret.
L'article 5 ne concerne que 250 km de routes, dites-vous. En Alsace, nous n'aimons pas acheter chat en poche... Aura-t-on in fine des surprises sur le nombre de routes concernées ?
Lorsque l'écotaxe allemande a été instaurée, les autoroutes alsaciennes ont été envahies de centaines de camions supplémentaires du jour au lendemain. C'est alors qu'Yves Bur avait proposé cette fameuse taxe poids-lourds à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, il n'y a plus de problèmes locaux : d'une part, au conseil général, nous avons réussi à interdire le transit la nuit, sur les voies départementales ; d'autre part, les gens s'y sont habitués. Ce qui gêne les professionnels, ce n'est pas le paiement de la taxe mais la distorsion de concurrence avec les voisins. En outre, le taux de la taxe, défini par un arrêté, variera de 0 % à 7 %. Je souhaite m'assurer qu'il n'atteindra pas 2 % en Lorraine et 7 % chez nous, ou l'inverse...
Enfin, s'il est souhaitable que le lancement du dispositif intervienne au même moment pour tous les transporteurs, je suis plus partagé pour les collectivités territoriales. A l'époque, un gain supplémentaire et une prime étaient associés à la mise en oeuvre précoce par celles-ci de l'écotaxe. Est-ce toujours envisagé ? Dans le cas contraire, ce serait un manque à gagner pour les conseils généraux.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je regrette que nous n'ayons pas pu élaborer d'écotaxe franco-allemande ; cela aurait donné du sens à l'Europe.
J'attire votre attention sur deux problèmes qui concernent la région Centre et l'Indre-et-Loire en particulier. D'abord, celui de la ligne à grande vitesse sud Europe Atlantique (LGV SEA). Les maires n'acceptent pas la redevance d'occupation des sols qui leur est réclamée, comme pour l'autoroute A10 qui passe parfois dans les mêmes territoires. Ensuite, s'agissant des ponts : une proposition de loi a été votée au Sénat sous l'égide d'Evelyne Didier, il faudrait la faire passer à l'Assemblée nationale. A une délégation de maires inquiets, votre ministère a indiqué que la convention tripartite liant l'ancien gouvernement, le concessionnaire et RFF stipulait qu'aucune nouvelle taxe ne serait introduite pendant toute la durée de la concession.
Enfin, la ligne TGV entre Tours et Paris connaît de graves dysfonctionnements. Le train de 8h15 que j'ai pris ce matin était rempli de deux TGV : l'un en panne, l'autre en retard. Ces problèmes ne sont plus supportables, et la contestation monte. Les gens s'en prennent aux parlementaires, surtout socialistes. J'étais dans le même wagon qu'un député, et je peux vous dire que la situation n'était pas très agréable : certaines personnes étaient même couchées par terre, tandis que la SNCF, contactée, a montré beaucoup de gêne mais n'a pas apporté de réponses.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - N'étiez-vous pas dans le même TGV que Jean-Patrick Gille ?
M. Jean-Jacques Filleul. - En effet. Il a dû vous en parler... Je vous assure que nous n'avons pas passé un bon moment. Vous êtes informé, c'est parfait, mais il faut faire quelque chose.
M. Michel Teston. - L'article 5 prévoit le transfert après compensation financière aux communes d'un certain nombre de kilomètres de voies. Pour avoir vécu, à l'époque dans un exécutif départemental, l'application de la loi du 13 août 2004 dite Raffarin qui transférait généreusement des routes nationales aux départements, je reste inquiet lorsque l'on procède ainsi. Il ne s'agit que de petits tronçons délaissés, dites-vous. Soit. Mais pouvez-vous nous confirmer qu'il n'y aura pas de désagrément par la suite, et que la liste des routes concernées sera publiée ?
Certains articles prévoient l'obligation pour les entreprises de distinguer dans leurs comptes les activités de fourniture de service et celles relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire. C'est l'application d'un paquet ferroviaire précédent, dont la transposition en droit français me semblait avoir correctement été faite. Pourquoi y revient-on ?
Enfin, certaines dispositions renforcent la protection du domaine public, notamment contre le vol de câbles, qui est une des causes de retard des trains. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour y remédier ?
Mme Évelyne Didier. - On nous a toujours dit qu'il n'existait plus de possibilité d'adossement pour de futurs travaux. Vous semblez penser l'inverse, vos services m'ont déjà répondu sur ce point, mais peut-être pouvez-vous en dire davantage à nos collègues.
L'Alsace jouxte la Lorraine, où les camions transitent lorsqu'ils ne passent plus en Alsace. L'A 31, dépourvue de péage, s'est transformée en mur de camions, au risque de l'engorgement. Le temps de la généralisation de l'écotaxe est venu. Le transport ferroviaire paye en partie les infrastructures, mais nous payons les routes.
Ecomouv' a été développé dans le cadre d'un PPP mené par l'entreprise italienne Autostrade per l'Italia. Sur 1,2 milliard d'euros attendus en recettes, 160 millions iraient aux collectivités, 230 millions à Ecomouv', et 800 millions à l'AFITF. Confirmez-vous ces chiffres ? N'y avait-il pas d'autres solutions qu'un tel partenariat, que j'estime moins public que privé ?
M. Philippe Esnol. - L'augmentation des capacités de contrôle et de sanction sur le domaine fluvial est essentielle pour remédier à une difficulté récurrente. Mais comment y procéder concrètement ? Le déplacement d'office ne résout pas la question de ce que l'on fait des navires, dont les collectivités territoriales, surtout les communes, ne veulent généralement pas. S'agissant des épaves, nous manquons de façon chronique de chantiers de déchirage.
Nous sommes en février : la date butoir pour le financement européen du canal Seine Nord est fixée au mois de mars. D'après le chef du projet pour Voies navigables de France, les financements européens sont prêts : ne manque que le signal de départ de l'État français. J'ai reçu copie d'une lettre adressée à Philippe Duron par Michel Rocard, que je pourrais vous faire parvenir, qui rappelle l'enjeu considérable de ce projet, non seulement pour le développement du transport fluvial, mais aussi en matière de développement durable et d'économies de CO2. Où en êtes-vous sur ce chantier ?
M. Pierre Camani. - En Lot-et-Garonne, la Chambre de commerce et d'industrie a organisé une réunion d'information sur l'écotaxe auprès des transporteurs : ceux-ci concèdent que des efforts de simplification ont été faits par le gouvernement, mais trouvent le système encore trop complexe et, surtout, inéquitable. Notre département comporte deux axes qui seront concernés par la taxe, l'un traversant la RN 21, l'autre départemental. Les acteurs locaux, transporteurs de fuel ou de produits agricoles, craignent la distorsion de concurrence entre ceux qui se trouvent à proximité de l'axe et les autres. De plus, le risque de transfert sur le réseau départemental secondaire est important.
M. Charles Revet. - J'ai été rapporteur du projet de loi sur les grands ports maritimes. Il y a quelques semaines, le plus gros porte-conteneurs du monde a accosté au Havre. J'ai été surpris d'apprendre que seul Rotterdam aurait pu l'accueillir également. MSC, qui a beaucoup investi sur le port du Havre, a en outre annoncé l'arrivée de 400 000 conteneurs de plus l'année prochaine. Or cela requiert de l'acheminement. La réactivité des Hollandais et des Allemands étant ce qu'elle est, nous ne disposons que de très peu de temps pour conserver au Havre sa position de concurrent de Rotterdam.
Premier problème : il faut développer le transport fluvial. A l'heure actuelle, rien n'existe entre la Seine et le grand port du Havre. Deuxième problème : développer le transport ferroviaire : l'électrification de Serqueux-Gisors coûte 250 millions d'euros, ce qui est presque une bagatelle au regard de l'enjeu formidable que cela représente. Le troisième problème concerne les personnels : les pilotes qui naviguent en Seine ne peuvent naviguer dans l'estuaire... Ne peut-on profiter de ce texte pour apporter des solutions ? Je suis prêt à déposer un amendement, si vous m'y aidez. Nous perdons du temps, de l'argent, de l'emploi, pour des problèmes simples à résoudre. Nous crevons littéralement de situations comme celle-ci !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Sur l'article 15, nous sommes allés très loin dans les procédures de réquisition. Si, par la suite, nous nous apercevons que ces textes ne sont pas efficaces, nous y reviendrons.
Sur l'article 18, vous avez posé la question de l'administration maritime et de sa réalité. Nous nous efforçons aujourd'hui de maintenir et de rendre opératoires les pouvoirs de police administrative. La réforme relève de la modernisation de l'État. La reconnaissance de l'efficacité de l'administration maritime sera notamment débattue au sein du Conseil national de la mer et des littoraux et des Assises de la mer. Peut-être faudra-t-il aller plus loin. Beaucoup, dont je suis, sont nostalgiques des Affaires maritimes, telles qu'elles existaient. Pour autant, une partie de la réforme a été mise en place. Il convient de la poursuivre, pour optimiser la présence et simplifier peut-être davantage les procédures. Le débat continue et touche, je le répète, à la modernisation de l'administration de l'État.
Le champ d'application de l'article 23 y est précisé. Est-il nécessaire d'aller au-delà pour imposer certaines obligations ? Un décret définira les activités occasionnelles et pérennes.
La question évoquée par Francis Grignon porte sur l'obligation de publication de comptes séparés, pour répondre aux présidents de conseils régionaux. J'ai demandé à la SNCF d'être exemplaire sur les comptes de lignes et d'améliorer l'information apportée aux collectivités. La concurrence n'est pas pour aujourd'hui, mais mieux vaut s'y préparer, plutôt que de la subir. La SNCF a déjà fourni des efforts sérieux pour clarifier et améliorer ses comptes de lignes.
Sur l'article 5, je tiens à rassurer tout le monde : 250 kilomètres, point final ; nous n'irons pas plus loin ! La liste est prête.
L'article 7 et l'expérimentation alsacienne. La question ne se pose plus de la même façon : ce qui était une revendication ne l'est plus... Il est vrai que le temps passe, mais le comité de pilotage permettra de clarifier les choses. Je ne dis pas que je suis un fanatique de l'expérimentation prévue, mais s'il doit y en avoir une, je suis plutôt partisan de mener une expérimentation nationale à blanc, pour voir si elle fonctionne.
Monsieur Filleul, vous avez évoqué l'écotaxe et l'entende franco-allemande. Il est effectivement dommage de ne pas avoir saisi cette opportunité.
Quant aux ouvrages d'art, je ne vais pas vous satisfaire ; nous en avons déjà parlé. Des dispositifs compensatoires existent. Vous avez votre proposition de loi...
Mme Évelyne Didier. - Elle a été votée au Sénat mais reste bloquée à l'Assemblée nationale.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Qu'elle poursuive son parcours parlementaire ! Il n'y a pas de raison pour qu'elle n'avance pas. Il faut clarifier la dynamique économique des LGV. Elle est plus évidente quand le TGV s'arrête (Sourires), sinon elle peut pénaliser les collectivités. Nous examinerons la suite à donner à votre proposition de loi.
Les conditions de l'adossement ne sont pas très précises. Elles doivent être appréciées en fonction des dossiers, selon l'ampleur de l'adossement, le nombre de réalisations. Le contrôle du juge est très important. Les règles européennes sont strictes, afin d'éviter que l'adossement soit un moyen de contourner la mise en concurrence et les appels d'offres. Il doit s'agir d'aménagements environnementaux, d'aménagements de sécurité sur les infrastructures elles-mêmes ou d'allongements reliant les infrastructures autoroutières, en continuité ou connectés aux réseaux.
Nous sommes bien loin des 11 milliards annoncés par les concessionnaires d'autoroutes, qui font le tour des élus pour vendre leur plan. Il faut veiller au respect des règles de droit, des appels d'offres.
Ecomouv' ? Le coût est important, de l'ordre de 250 millions, mais il est comparable à celui constaté en Allemagne. Le système est-il pertinent ? Il est là et se met en place, dans le respect de la continuité de l'État : je l'assume tel que nous l'avons trouvé.
Monsieur Teston, vous m'avez interrogé sur les modalités de compensation financière des collectivités, j'y ai répondu. Sur la publication des comptes, mentionnée à l'article 3, nous sommes d'accord.
Monsieur Esnol, je l'ai dit : nous n'avons pas tiré tout le parti du rapport Cardo. L'article 12 permet de déplacer le bateau, de le mettre en sécurité, pas nécessairement de le broyer. C'est une sorte de fourrière qui est ainsi mise en place. Si ce système ne fonctionne pas, il faudra le reprendre. Pas moins de 115 bateaux se trouvent aujourd'hui en zone rouge, avec des problèmes de sécurité.
Si nous avions bien travaillé sur le canal Seine Nord, il sortirait. Laissons-nous le temps de faire le point, ce qui est en cours, d'essayer de trouver des solutions, ce qui est plus complexe, pour donner une chance à ce projet. Ne le parasitons pas avec des considérations confuses sur des subventions européennes, certes mobilisables, mais que nous allons perdre, puisque le projet n'est pas sorti. Comment les mobiliser, en l'absence de PPP, d'engagement de partenaire, de financement ? Nous réfléchissons, pour positionner le projet vers 2014-2020, de façon à obtenir un report suffisant des subventions. Comment les mobiliser sans fondement ? Je ne comprends pas pourquoi sont colportées certaines rumeurs, c'est indécent...
M. Philippe Esnol. - Ce sont plus que des rumeurs...
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - En ce cas, c'est une faute ! J'entends parler de pourcentages...Bon courage ! L'enveloppe n'est pas extensible. Il faut procéder par ordre, sérieusement, et ne pas annoncer de chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. Annoncer 40 % alors que le budget européen n'est pas encore voté n'a pas de sens.
Oui, Monsieur Camani, le dispositif de l'écotaxe sur lequel vous m'interrogez, qui devait être mis en place en 2011, sera simplifié. Nous le rendrons opérationnel. Il y a beaucoup de réflexions sur les transports. Nous les envisageons, sauf celles qui se répercutent sur les acheteurs. Il y a des taux intra-régionaux et interrégionaux. Le dispositif se mettra en place au mieux des intérêts de chacun.
Monsieur Revet, le contrat que vous citez est une bonne nouvelle pour Le Havre. Il nous apportera de l'activité...
M. Charles Revet. - 400 000 conteneurs en plus !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Il est intéressant de ne pas avoir un seul port pour destination. Votre question sur les pilotes renvoie à notre stratégie de relier les activités portuaires à l'hinterland. Cela dit, pilote en pleine mer et pilote fluvial, ce n'est pas la même chose. Un arrêté récent autorise l'accès fluvio-maritime avec inscription, pour certains bateaux...
M. Charles Revet. - Ce sont les hommes qui me préoccupent. L'objectif est de ne pas changer de pilote !
Mme Odette Herviaux. - Bien sûr !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Nous examinerons cette question.
Quant au vol de câbles, j'essaie de convaincre mon directeur de cabinet, jusqu'ici mobilisé sur ce projet de loi, de la nécessité d'élaborer un plan de lutte contre ce fléau, qui coûte si cher - quelque 30 millions d'euros par an ! - sans compter les risques pour la sécurité. RFF et la SNCF y travaillent. Inventons des moyens de surveillance innovants pour y remédier !
M. Raymond Vall, président. - Merci, monsieur le Ministre. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la proposition de loi sur la liste noire des compagnies aériennes, qui sera prochainement examinée par le Sénat, souhaite vous interroger.
M. Vincent Capo-Canellas. - Ce texte, dont l'initiative revient à notre collègue députée, Odile Saugues, propose que les passagers aériens soient explicitement informés qu'ils peuvent être amenés à voyager sur des compagnies figurant sur la liste noire de l'Union européenne. Consensuel, il a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Si le renforcement de l'information des voyageurs est important, il faut souligner cependant que la sécurité des transports aériens se joue pour l'essentiel en amont, au niveau du contrôle et de la certification des avions et des compagnies aériennes. Je souhaiterais par conséquent que vous reveniez sur les moyens de contrôle de la DGAC et notamment sur la pratique des contrôles inopinés : sont-ils suffisants ? Quels sont leurs résultats ? Peut-on améliorer leur efficacité ? Je voudrais également que vous reveniez sur les moyens dont disposent la France et l'Europe pour s'assurer de la qualité des contrôles mis en oeuvre au niveau international et notamment sur le rôle de l'OACI. La transparence est-elle suffisante à ce niveau ? Pourquoi les rapports de l'OACI ne sont-ils pas publics ?
Enfin, concernant plus directement la proposition de loi elle-même, elle ne sera applicable que si les opérateurs modifient leurs sites internet et leurs logiciels. Le ministère peut-il agir pour que les modifications nécessaires soient réalisées avant les vacances d'été ? Pouvez-vous, là aussi, nous rassurer ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité, est intéressante. Je l'avais cosignée en son temps ! Elle garantit aux voyageurs une pleine information et sanctionne les manquements à ce devoir d'information, ce qui est juste. Les voyageurs doivent être informés des compagnies qui les prendront en charge sur la totalité de leur trajet, y compris après un changement d'aéroport, jusqu'à leur destination finale. Lorsque certaines compagnies appartiennent à la liste noire, ils seront informés des alternatives possibles, ce qui leur offre une solution de repli.
Je ne vois aucune difficulté aux amendements que vous avez formulés. Je m'en remettrai à la sagesse de votre commission...
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - ...qui est grande. Tout en respectant entièrement votre pouvoir d'amendement, j'attire votre attention sur le fait qu'un vote non conforme implique une lecture supplémentaire, mais c'est la responsabilité du Parlement.
Il y a des contrôles inopinés. Au sein du programme SAFA (Safety assessment of foreign aircraft), c'est la France qui pratique les contrôles les plus sévères et en plus grand nombre. Nous contrôlons les compagnies françaises et étrangères. Il est rassurant que la France soit le leader du programme, avec 25 % des contrôles, soit trois fois plus qu'elle n'y est obligée. Il est moins rassurant que, sur 2442 contrôles, 673 inspections aient identifié des problèmes de sécurité et que trois appareils aient dû être immobilisés.
Je peux donc vous rassurer sur la qualité et l'intensité des contrôles. Il faut veiller à ce que la DGAC soit bien informée des compagnies qui font exploiter certaines de leurs lignes par d'autres compagnies. La France est exemplaire dans le cadre de l'OACI.
Pour le reste, vous avez raison : adopter des dispositions c'est bien, encore faut-il les appliquer, et s'assurer que, dans les agences et sur les sites français, l'information est bien fournie - et de manière préalable à la conclusion de la vente. A cet effet, une fois la loi votée, nous devrons mettre en place, avec le ministère du tourisme et les services de Bercy, un suivi des mesures afin d'apprécier leur efficacité.
Enfin, je note avec satisfaction que cette proposition de loi inclut des sanctions. Il importe qu'elles soient précises et opposables. Un amendement a été déposé : les sanctions doivent-elles être d'ordre administratif ? La question reste ouverte. Au total, il s'agit d'un bon texte qui répond à l'ensemble des problèmes liés à l'existence de cette liste noire.
Mercredi 30 janvier 2013
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Zones d'exclusion pour les loups - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur le texte n° 276 rect. (2012-2013), adopté par la commission, sur la proposition de loi n° 54 (2012-2013) visant à créer des zones d'exclusion pour les loups.
M. Raymond Vall, président. - Trois amendements ont été déposés sur la proposition de loi relative aux loups. Le premier amendement est défendu par Charles Revet.
M. Charles Revet. - Je rappellerai d'abord que je souscris au dispositif de cette proposition de loi. Quand on voit, sur les territoires, les conséquences des attaques de loups sur les troupeaux, c'est inacceptable. L'amendement que j'ai déposé vise à étendre, d'une certaine manière, la mesure proposée pour les loups.
Nous disposons dans notre pays d'une faune sauvage extraordinaire, avec des renards, des blaireaux, des sangliers, des fouines et ainsi de suite. Cette faune est cependant très mal régulée, au point qu'on voit aujourd'hui des renards fouiller les poubelles en périphérie des villes. En Seine-Maritime, nous avons eu des problèmes de rage il y a quelques années ; notamment en forêt de Bretonne, les cerfs se sont multipliés, avec parmi eux des spécimens tuberculeux. Alors qu'on avait totalement éradiqué la tuberculose sur le cheptel bovin, on a assisté à son retour par contagion des cerfs. Le préfet a dû organiser un abattage.
Je suggère donc une régulation entre intérêts économiques et maintien de la faune et de la flore. Cette régulation ne peut se décider au niveau du ministère, mais bien sur le terrain. Sous l'autorité du préfet, chaque année, et en fonction des comptages d'animaux nuisibles, seraient organisés la régulation et les abattages, en concertation avec les parties prenantes.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - J'entends bien qu'il y a, au-delà du loup, d'autres préoccupations sur les territoires en matière de faune sauvage, qui peuvent rejoindre la problématique du loup sur la question de l'équilibre entre biodiversité et activités agropastorales. Je vous demanderai toutefois de retirer votre amendement pour deux raisons.
Premièrement, nous sommes dans le cadre d'un débat concernant le loup, débat déjà complexe. En introduisant d'autres espèces dans le texte, sans les nommer puisque votre formulation est générale, cela risque de nuire au débat sur le loup, espèce protégée par le droit international, une directive européenne et le droit interne. Nous essayons de trouver un équilibre subtil avec le dispositif actuel, et je crains que cet équilibre subtil passe inaperçu.
Deuxièmement, votre préoccupation légitime et avec laquelle je suis solidaire, me semble être en partie réglée par un décret récent du 23 mars 2012 relatif aux espèces d'animaux classés nuisibles. Ce décret prévoit que dans chaque département, ce qui rejoint votre préoccupation de la territorialisation de la problématique, la commission de la chasse et de la faune sauvage constitue en son sein une formation spécialisée pour exercer les attributions qui lui sont dévolues en matière d'indemnisation de dégâts de gibier, ainsi qu'une formation spécialisée en matière d'animaux classés nuisibles. Celle-ci établira chaque année la liste des animaux portant atteinte aux cultures, à l'élevage, à l'équilibre économique sur le territoire ; en fonction de ce constat, des abattages pourront être organisés. Je pense que cela répond à votre légitime préoccupation.
M. Charles Revet. - Ma préoccupation est que la décision se prenne au niveau du département et non pas au niveau du ministère. Ce n'est pas ce qui est prévu dans le décret, où il me semble que le préfet fait remonter les informations au ministère.
M. Alain Le Vern. - Le décret du 23 mars 2012 répond à la problématique. La commission départementale de la chasse et de la faune sauvage fonctionne et se réunit. Les éleveurs et les chasseurs en connaissent parfaitement l'existence. Les abattages des animaux nuisibles se font sous l'autorité du préfet, avec les chasseurs et les associations de chasse locales. Il y a généralement une distribution de bracelets pour le prélèvement de ces espèces régulées, et des comptages ont lieu. Je partage donc le souci de Charles Revet, mais je constate que la solution existe déjà.
M. Francis Grignon. - Il s'agit là d'un sujet un peu annexe, mais le grand hamster d'Alsace est, comme le loup, une espèce protégée. Il n'est pas dangereux, ni pour les brebis, ni pour l'homme, mais il l'est pour l'économie. Il faut que vous sachiez que lorsqu'il y a un terrier, même abandonné, on ne peut plus rien faire dans un rayon de 800 mètres, ni routes, ni zones d'activités, ni lotissements. Ce n'est pas directement lié à la problématique des loups, mais je tenais à signaler ce problème, car il faudrait imaginer un dispositif permettant, comme ce qui est ici proposé pour le loup, de retrouver un équilibre. Les décisions nous viennent d'Europe. Nous avons aujourd'hui deux cents hamsters en Alsace, alors que la cible est d'en avoir mille... Cela va être une catastrophe, on bloque des pans entiers du territoire. Sur ce sujet également, je souhaiterais que la décision se prenne localement.
M. Rémy Pointereau. - Je souscris à l'amendement de Charles Revet. On s'éloigne certes du loup, mais je rejoins cette proposition sur la nécessité de décentraliser les décisions concernant les espèces sauvages et la régulation des cheptels quels qu'ils soient. Pour le loup, le nombre de spécimens à tuer est décidé au niveau national. Dans le cadre de cette proposition de loi, le préfet pourrait déroger à ce prélèvement national, pour pouvoir en prélever davantage sur les territoires concernés. Je pense qu'il faut maintenir l'amendement de Charles Revet, pour que le préfet organise les prélèvements d'animaux nuisibles, en concertation avec les commissions et les acteurs concernés localement.
M. Charles Revet. - Cet amendement élargit ce qui est prévu pour le loup à d'autres espèces pouvant nuire aux élevages.
M. Jean-Jacques Filleul. - J'écoute ce débat avec intérêt. Je suis maire, comme beaucoup d'entre vous, depuis un certain nombre d'années. Les animaux sauvages sont en réalité régulés par la fédération des associations de chasse. S'il est un domaine dans lequel le maire n'a pas son mot à dire sur son territoire, c'est bien celui-là. Même si l'amendement de Charles Revet me convient sur le principe, il me semble que la régulation, au niveau local, se fait par la fédération de chasse. C'est elle qui, sur le territoire, décide les battues, au renard ou au sanglier par exemple sur le coteau ligérien.
M. Michel Teston. - J'ai eu l'occasion la semaine dernière, lorsque Stéphane Mazars a présenté son rapport, de dire au nom de la majorité des commissaires socialistes notre très grande réserve. Le texte, en dépit des améliorations apportées par le rapporteur, ne nous paraît pas respecter la directive « Habitats » ni la convention de Berne. Par ailleurs, il n'apporte pas grand-chose de plus aux procédures prévues dans le cadre du plan loups actuel. Enfin, un travail est mené depuis des mois, notamment en concertation avec des représentants des agriculteurs, pour établir le nouveau plan loups 2013-2017. Dans ce contexte, nous ne sommes pas favorables à voter ce texte, sans connaître les conclusions du groupe de travail loups, même si nous comprenons la motivation de notre collègue Alain Bertrand.
Si en plus, vous intégrez dans ce texte, qui me paraît déjà créer, s'il était voté, une insécurité juridique importante, des dispositions relatives à d'autres animaux qu'on rencontre sur nos territoires, je pense qu'il en deviendrait encore plus fragile.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Je pense qu'il faut vraiment faire la distinction entre les animaux dits nuisibles, ou qui deviennent nuisibles parce qu'un déséquilibre se crée qui porte atteinte aux activités humaines, et le loup qui est une espèce protégée par une convention internationale et une directive européenne. Tout le travail de cette commission est de rendre compatible ce dispositif avec les textes internationaux et le droit interne. Avec la rédaction que nous avons proposée, nous avons réussi à trouver cet équilibre subtil. Il est hors de question d'éradiquer tous les loups sur une zone déterminée, mais il s'agit d'identifier des zones de protection renforcée pour permettre un traitement ponctuel, départementalisé, de la problématique. Encore une fois, je souscris à l'intention de l'amendement, mais je pense que cela devrait faire l'objet d'une réflexion ultérieure. Je crains qu'en mélangeant la question du loup, problématique en soi, avec celle des espèces nuisibles, le débat s'en trouve compliqué.
M. Henri Tandonnet. - Le groupe UDI ne soutiendra pas cet amendement. En élargissant le débat, on risque de le fragiliser. Notre groupe soutient en majorité ce texte. Nous comprenons l'objectif de l'amendement, qui est de dire que les territoires doivent avoir le dernier mot pour la régulation des animaux nuisibles. Concernant le loup, je pense que le pastoralisme est plus important que la présence de cet animal, qui doit être régulée de manière stricte. En matière de biodiversité, nous avons plutôt intérêt à maintenir l'agro-pastoralisme et à éviter la déprise agricole.
M. Charles Revet. - J'ai bien entendu toutes vos remarques, je vais toutefois maintenir cet amendement pour que nous puissions en discuter en séance. Même si vous ne votez pas cet amendement, nous voterons ce texte. Je crois que c'est une nécessité. Je maintiens donc l'amendement n° 2 et je retire l'amendement n° 3 qui n'a plus de raison d'être.
Mme Évelyne Didier. - Je comprends parfaitement la préoccupation qui a conduit à déposer ce texte. Le loup est toutefois une espèce protégée par la réglementation européenne. Nous avons mis en place une commission loups et demandé à des gens de bien vouloir nous éclairer, de bien vouloir travailler avec nous sur cette question. Ils doivent rendre leurs conclusions dans quelques jours et nous ne les attendons pas ; je trouve que ce n'est pas respectueux de ces personnes qu'on a souhaité consulter pour éclairer le débat. Nous ne sommes pas conséquents dans les choix que nous faisons, ce qui empêche un véritable suivi de la réflexion et des décisions prises.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Cette question du calendrier ne me semble pas problématique. Le plan loups est un plan quadriennal. Nous verrons ce qu'il en sera dans le prochain plan loups. Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est d'affirmer que la manière dont le précédent plan loups a voulu traiter la problématique est largement insuffisante. En 2012, onze prélèvements ont été autorisés, pour cinq effectivement réalisés. Le plan loups est aujourd'hui inefficace. Si le nouveau plan se contente de relever un peu le plafond de prélèvements, ce sera inopérant, comme l'expérience le montre sur le terrain. Si ce plan débouche au contraire sur des propositions plus ambitieuses, elles pourront être articulées avec la proposition de loi, qui a vocation à faire la navette avec l'Assemblée nationale, et à nourrir le débat. Nous pourrons construire ensemble, parlementaires, membres de la commission loups et Gouvernement, un dispositif efficient. Ce texte est un signal fort lancé par la représentation nationale, par le Sénat, représentant des territoires, sur une problématique qui jusqu'à maintenant n'a pas été suffisamment prise en compte.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 2 et, à défaut, émettra un avis défavorable.
M. Raymond Vall, président. - Nous examinons maintenant l'amendement n°1 déposé par Chantal Jouanno et Christian Namy.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Cet amendement demande la suppression de l'article unique. Chantal Jouanno est contre ce dispositif et s'exprimera à ce sujet en séance. Je ne peux qu'émettre un avis défavorable à cet amendement.
M. Michel Teston. - Dans la logique de notre position sur cette proposition de loi, nous allons voter cet amendement de suppression.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
Titres de transport des compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 118 (2010-2011), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi déposée par notre collègue députée, Odile Saugues, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne. Cette initiative intervenait après les catastrophes aériennes de 2004, à la suite desquelles le choix des compagnies et l'absence d'information des passagers sur le fait que ces compagnies étaient peu sûres avaient été mis en cause.
Ce texte a été adopté par les députés en première lecture le 18 novembre 2010 après avoir fait l'objet d'un accord unanime des groupes politiques de l'Assemblée nationale. Je tiens à le préciser d'emblée, c'est naturellement dans cet esprit de consensus que j'en ai moi-même abordé la préparation. Améliorer la qualité de l'information fournie aux passagers, sur les vols qu'ils empruntent, constitue en effet un sujet d'intérêt général qui ne peut que nous rassembler. J'ajoute qu'il est bon de traiter ces sujets à froid et dans la durée - et pas seulement sous le coup de l'émotion. C'est d'ailleurs l'esprit de la discussion que j'ai eue avec Odile Saugues, dont il faut saluer l'engagement constant.
Pour comprendre les apports de ce texte, il faut commencer par rappeler le cadre législatif existant en matière de sécurité aérienne et d'information des passagers. Celui-ci est fixé par le règlement européen n° 2111/2005 du 14 décembre 2005 concernant l'établissement d'une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l'objet d'une interdiction d'exploitation dans la Communauté.
À l'origine de ce règlement, il y a un constat : les carences des organismes de contrôle de l'aviation civile, dans de nombreux pays, ne permettent pas d'assurer que les aéronefs et les compagnies aériennes qui y sont certifiés satisfont effectivement aux normes de sécurité édictées par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Cela tient à des raisons multiples et structurelles, comme la formation insuffisante des personnels de vol et des techniciens chargés de l'entretien des appareils, ou bien encore à des problèmes de corruption endémique qui font qu'on peut parfois obtenir une certification moyennant finances.
Après plusieurs incidents et accidents graves, l'Union européenne a décidé de se doter, en 2005, de règles destinées à protéger ses passagers contre les risques liés à ces défauts de sécurité. Le rapport d'information sur la sécurité aérienne, réalisé à l'époque par Mme Saugues, a joué un rôle dans l'adoption rapide de ces règles et je veux souligner à nouveau la qualité de son travail et le cadre consensuel dans lequel il s'était déroulé.
Au coeur du dispositif européen se trouve donc la liste noire des compagnies interdites d'exploitation en Europe. Cette liste est établie par la Commission européenne et actualisée régulièrement. La dernière mise à jour, la vingtième, a été publiée le 4 décembre dernier. Elle inclut les transporteurs aériens de vingt pays, soit 287 compagnies au total, qui font l'objet d'une interdiction totale d'exploitation dans l'Union européenne. Elle comprend aussi trois transporteurs isolés, ainsi que dix transporteurs aériens faisant l'objet non pas d'une interdiction totale mais de restrictions d'exploitation.
Ces dispositions ont permis d'améliorer la confiance dans le niveau de sécurité des vols. Concrètement, aujourd'hui, l'inscription sur la liste noire a pour effet qu'un vol, régulier ou charter, au départ ou à l'arrivée de l'Union européenne, n'a quasiment aucune chance de se faire sur un appareil manifestement non-conforme aux exigences minimales de sécurité. Le risque zéro n'existe pas et il peut toujours y avoir un appareil qui échappe aux contrôles, mais les mailles du filet se sont incontestablement resserrées depuis dix ans en Europe.
Des difficultés sont toutefois toujours possibles sur les vols de « bout de ligne », lorsque les passagers, au départ ou à l'arrivée de certains pays tiers de l'Union, doivent emprunter une correspondance locale pour commencer ou terminer leur trajet. Dans ce cas, l'interdiction d'exploitation prononcée par la Commission européenne est sans effet, puisque celle-ci ne s'impose que sur le territoire européen. Si la direction, par exemple, de l'aviation civile indonésienne autorise une compagnie sur le sol indonésien, l'Europe ne peut évidemment pas l'empêcher.
C'est pourquoi, en complément de l'interdiction d'exploitation en Europe, le règlement du 14 décembre 2005 comporte aussi un ensemble de dispositions qui créent une obligation d'informer les voyageurs sur l'identité du transporteur aérien pour tout billet vendu en Europe. Cette information doit être délivrée au passager au moment de la réservation du billet, quel que soit le moyen utilisé pour effectuer cette réservation. Si l'identité du transporteur n'est pas encore connue à ce moment-là, le vendeur veille à ce que le passager soit informé du nom des compagnies aériennes susceptibles d'assurer le vol concerné - c'est-à-dire qu'il lui communique une liste réduite de noms de compagnies parmi lesquelles, selon toute probabilité, le transporteur effectif sera finalement choisi. Et il l'informe de son identité précise dès que celle-ci est établie. Enfin, si en raison d'aléas divers, il apparaît que le vol aura lieu finalement sur une compagnie figurant sur la liste noire, ce qui peut effectivement se produire sur certaines correspondances de bout de ligne, alors le passager bénéficie du droit au remboursement ou au réacheminement prévu à l'article 8 du règlement européen.
On peut s'interroger sur le choix qui a été fait de simplement informer les passagers qu'un transporteur figure sur la liste noire au lieu d'interdire purement et simplement la vente en Europe des billets sur ce type de compagnie. Il tient au fait qu'une interdiction serait impraticable. Dans certaines parties du monde, la seule offre de transport aérien disponible est en effet celle qui est proposée par des compagnies inscrites sur la liste noire. C'est le cas, par exemple, en Indonésie ou dans la République démocratique du Congo, pour prendre l'exemple de deux pays à la fois très vastes et très peuplés. De plus, même quand il existe des modes de transports alternatifs, terrestres ou maritimes, ces derniers sont parfois aussi dangereux que les transports aériens locaux - sans compter qu'ils imposent des contraintes matérielles, en termes de temps de transport, qui n'en font pas une solution de substitution véritable aux avions.
Des ressortissants européens qui souhaitent ou doivent se déplacer dans ces zones, que ce soit pour des raisons touristiques ou professionnelles, n'ont donc, le plus souvent, pas d'autre choix que d'utiliser des avions interdits d'exploitation en Europe même.
C'est pourquoi, aussi bien le règlement européen que la proposition de loi d'Odile Saugues, ont finalement exclu l'option de l'interdiction de vente pour lui préférer celle du renforcement de l'information des passagers. En l'absence de solution réaliste de remplacement, une interdiction complète ne ferait qu'inciter les passagers à acheter leurs billets d'avion auprès de prestataires de voyages situés dans des pays tiers - ce qui est relativement simple à l'heure d'Internet. Le seul effet concret serait de rendre plus complexe l'organisation des voyages vers certaines destinations et de déplacer la demande vers des prestataires de voyages étrangers au détriment des prestataires européens ou nationaux. Au bout du compte, les risques objectivement pris par les passagers seraient les mêmes, mais ils auraient une information de moins bonne qualité que celle prévue par le droit européen.
Que propose de plus le texte de Mme Saugues ?
Dans la mesure où le droit européen prime sur le droit national, les marges d'amélioration en droit français sont assez réduites. Le législateur national a tout de même la possibilité d'aller plus loin que les normes minimales fixées par l'Europe en matière d'information précontractuelle. C'est précisément ce que permet cette proposition de loi.
Le règlement européen prévoit seulement l'obligation de donner l'identité du transporteur aérien effectif au passager, à charge pour ce dernier de vérifier si le transporteur figure ou non sur la liste noire. La proposition de loi impose, elle, une information écrite et explicite sur le fait qu'un transporteur figure sur la liste noire des compagnies aériennes.
Cela constitue indiscutablement une avancée et c'est la raison pour laquelle ce texte mérite d'être adopté. Simplement, pour rendre cette avancée pleinement effective, certaines modifications techniques et rédactionnelles doivent lui être apportées. Il s'agit de corriger de petits défauts qui pourraient faire obstacle à sa mise en oeuvre.
En premier lieu, il est important de préciser les contours de l'obligation d'information sur les solutions de remplacement. L'obligation d'information sur le produit ou le service vendu est l'un des fondements du droit des consommateurs et il faut être très strict là-dessus. Mais cette proposition de loi impose au vendeur une obligation d'information qui porte également sur les produits de remplacement - ce qui est très différent. Pris à la lettre, dans la rédaction actuelle, ce texte pourrait imposer au vendeur de présenter à ses clients l'offre de ses concurrents ou bien l'obliger à les informer sur l'existence d'autres moyens de transport, compagnies de bus ou de ferries, qui ne sont connus et commercialisés que localement. Je ne vois pas comment ils pourront faire en pratique et je crains que, comme à chaque fois que la loi crée une obligation trop imprécise, cela aboutisse à un risque de contentieux disproportionné par rapport à l'objectif visé. Au surplus, informer sur les modes de transport alternatifs, outre qu'il faut les connaître, obligerait aussi à signaler leur niveau de dangerosité. Le risque paradoxal serait qu'on oriente les consommateurs vers des moyens de transport encore plus dangereux que les avions.
La deuxième difficulté du texte tient à une maladresse de rédaction. Le texte entend prescrire une obligation d'information écrite précontractuelle, mais tel qu'il est rédigé actuellement, il a conduit à délivrer l'information précontractuelle après la conclusion de la vente, ce qui n'a pas grand sens, vous en conviendrez.
Ma troisième interrogation concerne le choix d'imposer une sanction pénale en cas de défaut d'information. On sait que ce type de sanction est toujours lourd et long à mettre en oeuvre. Une amende administrative me paraît beaucoup plus rapide, efficace et donc dissuasive. D'ailleurs, le choix d'une sanction pénale pour un défaut d'information précontractuelle prend le contre-pied de ce que prévoit le code de l'aviation civile et de ce que prévoit d'introduire le futur projet de loi sur les droits des consommateurs. Prévoir une sanction administrative n'empêcherait pas, de toute façon, d'engager, le cas échéant, la responsabilité pénale du vendeur sur le fondement de la mise en danger délibérée de la personne d'autrui ou en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi. Je fais référence ici à l'article 121-3 du code pénal.
Enfin, la question des délais d'entrée en vigueur n'est pas traitée. Les professionnels du secteur vont en effet devoir modifier leurs systèmes informatiques de réservation. S'agit-il de modifications légères ou faudra-t-il réaliser des développements informatiques plus lourds ? Ce n'est pas encore parfaitement clair ni pour les professionnels du secteur ni pour la DGAC. Dans ces conditions, je crois qu'il faut prévoir de repousser l'entrée en vigueur de quelques mois pour ne pas créer une situation d'insécurité juridique qui serait nuisible aussi bien pour les professionnels du secteur que pour les voyageurs. Mais, je le souligne, l'amendement que je propose est compatible avec une entrée en vigueur de la loi avant les vacances d'été.
Voilà donc les principaux amendements que je vous soumettrai dans un instant. Sous réserve de leur adoption, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je tiens d'abord à excuser l'absence de notre collègue Philippe Esnol. Comme l'a souligné notre rapporteur, le règlement européen ne résout pas tous les problèmes en matière de sécurité aérienne et d'information des voyageurs sur la sécurité des vols. En particulier, la réponse à apporter à la question de la sécurité sur les bouts de ligne n'est pas encore pleinement satisfaisante. C'est tout le sens de la proposition de loi initiée par Odile Saugues. Elle renforce la transparence de l'information délivrée aux passagers et, en définitive, elle s'inscrit dans le renforcement des droits des consommateurs, auquel nous sommes tous très attachés. Les amendements présentés par le rapporteur permettent de mieux garantir l'effectivité de ce texte et le groupe socialiste est favorable à leur adoption.
M. Marcel Deneux. - Ce texte apporte indéniablement une avancée et on ne peut que le soutenir. Je tiens cependant à signaler que certains aspects du problème de la sécurité aérienne ne sont pas encore pris en compte par le droit. Assurer la sécurité des aéronefs est nécessaire, mais qu'en est-il des aéroports ? J'ai fait, par exemple, personnellement l'expérience, de la dangerosité de l'aéroport de Quito. Par ailleurs, l'interdiction édictée par l'Union européenne porte sur les avions qui atterrissent en Europe ou en décollent. Mais ne faudrait-il pas étendre aussi l'interdiction au survol du territoire européen ?
M. Michel Teston. - Le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, Frédéric Cuvillier, a indiqué hier sa position sur ce texte : il soutient son adoption et souhaite son entrée en vigueur rapide, en tout état de cause avant les vacances d'été. Il a par ailleurs indiqué qu'il s'en remettait à la sagesse du Sénat concernant les amendements proposés par notre rapporteur.
M. Rémy Pointereau. - Le groupe UMP soutient l'adoption de ce texte.
Je voudrais interroger notre rapporteur sur deux points. Comment les choses se passent-elles pour les compagnies aériennes dont seule une partie de la flotte est l'objet d'une interdiction d'exploitation ? Peut-on envisager une évolution des règles d'information qui permettrait une notation des avions et des compagnies pour mieux distinguer leur niveau de sécurité ?
M. Michel Billout. - Le groupe CRC est également favorable à l'adoption de ce texte. Je tiens à souligner que le renforcement de la sécurité des transports aériens doit être une préoccupation constante des pouvoirs publics et qu'il exige une implication forte du Gouvernement.
M. Henri Tandonnet. - Je tiens à remercier notre rapporteur pour le travail qu'il a accompli en vue d'améliorer ce texte.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Je remercie l'ensemble des membres de la Commission pour le soutien apporté aux amendements. Je le redis : ce texte apporte une valeur ajoutée pour la défense des consommateurs. Il est donc important de l'adopter et qu'il entre en vigueur avant l'été.
Le droit en matière de transport aérien, et notamment en matière de sécurité, découle pour l'essentiel de normes européennes ou de conventions internationales ; il est donc très difficile de le faire évoluer simplement. Les marges d'action au niveau national sont donc limitées. La question de la sécurité des aéroports ou de l'interdiction de survol, par exemple, ne peut pas être traitée uniquement à l'échelon français. Par ailleurs, comme toujours quand on est dans le domaine du droit international, on ne peut négliger le poids de la diplomatie. La liste noire européenne ne plait pas à tous les pays et il est déjà arrivé que des pays dont les compagnies sont interdites d'exploitation en Europe mettent en oeuvre des mesures de rétorsion en réduisant les créneaux alloués, sur leurs aéroports, aux compagnies européennes et notamment aux compagnies françaises. Mais, bien évidemment, l'objectif de la sécurité des transports aériens prime sur tous les autres et les autorités européennes et françaises doivent être sans concession en la matière.
Permettez-moi aussi de revenir sur un point de droit : l'interdiction d'exploitation en Europe peut être totale pour une compagnie et, dans ce cas, aucun de ses avions ne peut gagner ou quitter le sol européen ; mais une compagnie peut aussi faire l'objet de restrictions d'exploitation, auquel cas tous ses avions ne font pas l'objet d'une interdiction. Il peut y avoir, par exemple, une différence de statut entre les longs et moyens courriers.
Enfin, j'ai eu l'occasion hier d'interroger le ministre sur ce point : l'OACI joue un rôle important dans la sécurité du transport aérien au niveau mondial et il est important que cet organisme exige à des critères d'efficacité et de transparence élevés. Nous avons évoqué hier la question de la publicité des rapports de l'OACI. Cette publicité est souhaitable.
M. Raymond Vall, président. - Merci Monsieur le rapporteur, pour ces éléments très précis. Je vous propose d'en venir aux amendements.
Les amendements n° 1 à n° 6 du rapporteur sont adoptés à l'unanimité.
M. Michel Teston. - La modification proposée pour l'intitulé du texte n'en reflète pas entièrement le contenu. Ce dernier traite en effet non seulement du renforcement de l'information des passagers, mais aussi des sanctions applicables en cas de défaut d'information. Je comprends toutefois que, pour rester lisible, cet intitulé doive rester suffisamment concis. Je ne fais donc pas reproche au rapporteur pour la rédaction qu'il en propose.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Effectivement, le titre proposé est déjà long et peut être difficilement allongé davantage. Je tiens cependant à souligner, comme l'a fait Michel Teston, que la proposition de loi comporte bien aussi un renforcement des sanctions et qu'on doit s'en féliciter.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Nomination de rapporteurs
M. Alain Houpert a été désigné comme rapporteur sur la proposition de loi n° 272 (2012-2013), présentée par M. Gérard Miquel, relative à la prorogation du mécanisme de l'éco-participation répercutée à l'identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers.
M. Michel Billout a été désigné comme rapporteur sur la proposition de loi n° 560 (2011-2012), présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues, permettant l'instauration effective d'un pass navigo unique au tarif des zones 1-2.
Groupe de travail sur la réforme du code minier - Désignation de membres
Ont été désignés membres du groupe de travail commun avec la commission des affaires économiques, sur la réforme du code minier :
MM. Jacques Cornano, Ronan Dantec, Mme Evelyne Didier, MM. Francis Grignon, Hervé Maurey, Mme Laurence Rossignol et M. Michel Teston.