Mercredi 5 juin 2013
- Présidence de M. Michel Teston, vice-président -Véhicules électriques - Table ronde
La commission organise une table ronde sur le thème du véhicule électrique.
M. Michel Teston, président. - Je voudrais tout d'abord excuser le président Vall, retenu dans sa commune de Fleurance, en raison des inondations exceptionnelles qui ont touché le Gers au cours du week-end dernier.
L'objet de la table ronde est de faire un point sur la situation du véhicule électrique dans notre pays. Pendant longtemps, la voiture électrique était un mythe, c'est devenu une réalité. Certains fondent de grands espoirs sur son développement. Nous avons donc besoin d'être éclairés. Prenons-nous les moyens de développer le véhicule électrique ? Quels sont les freins et les difficultés rencontrés ? Avons-nous des atouts particuliers ? Quelle est la situation chez nos voisins européens ?
Pour répondre à ces questions, nous recevons Philippe Hirtzman, chargé de mission « déploiement des infrastructures de recharge électrique pour véhicules » auprès du ministère du redressement productif et du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Sophie Garrigou, responsable du programme véhicule du futur au sein de la direction investissements d'avenir de l'Ademe, Joseph Beretta, président de l'association pour le développement de la mobilité électrique (AVERE France), Béatrice Foucher, directeur du programme « véhicule électrique » du groupe Renault, Igor Demay, coordinateur « véhicules électriques » à la direction des programmes de PSA Peugeot Citroën, et Roy Zemmour, responsable commercial Paris à la société Mia Electric.
M. Philippe Hirtzman. - Je travaille au conseil général de l'économie à Bercy, et je suis à la tête, depuis juillet 2012, d'une mission confiée par Arnaud Montebourg et Delphine Batho pour favoriser le développement des installations de charge pour les véhicules électriques.
Pourquoi l'État et les pouvoirs publics s'occupent-ils tant du véhicule électrique ? La raison est simple : le véhicule électrique bénéficie de deux avantages incontournables mais souffre de quelques handicaps. L'État et les collectivités territoriales doivent donc agir pour favoriser une appropriation par la société de ce mode de déplacement. J'insiste sur le fait que le véhicule électrique n'est rien s'il n'est pas associé à une stratégie plus générale de mobilité électrique, avec les services et les organisations qui vont autour. Les deux avantages du véhicule électrique sont, d'une part, l'absence d'émissions gazeuses sur le site d'usage du véhicule, d'autre part, l'exonération de l'usage des hydrocarbures. A l'inverse, le véhicule électrique, pur certainement, hybride dans une moindre mesure, souffre de deux handicaps : il est cher et dispose d'une autonomie encore insuffisante au regard des usages actuels des véhicules. Ces handicaps donnent du sens à l'intervention des pouvoirs publics. Le bénéfice du véhicule électrique est perçu par la collectivité, tandis que les contraintes reposent plutôt sur l'usager. L'État et les collectivités peuvent faire sauter ces verrous.
L'État, aidé en cela par quelques régions, apporte un bonus renforcé depuis juillet 2012. Il s'agit d'un bonus de 30 % jusqu'à 7 000 euros pour un véhicule électrique, et 10 % jusqu'à 4 000 euros pour un hybride rechargeable. Ces bonus permettent de ramener le prix du véhicule électrique au prix des véhicules thermiques d'usage équivalent.
Afin de répondre au problème de l'autonomie, il faut des installations de recharge des véhicules. Tout le monde s'accorde pour estimer que 90 % de la charge des véhicules électriques se fait à domicile ou lorsque l'usager s'adonne à d'autres activités. Les 10 % restants sont l'apanage des pouvoirs publics, pour inciter, encourager et aider les imprévoyants qui pourraient être confrontés à une perte d'autonomie. L'installation de bornes sur la voie publique permet d'augmenter l'autonomie des véhicules électriques. Leurs possesseurs peuvent ainsi se déplacer au-delà de ce que permet l'autonomie propre du véhicule.
L'action de l'État se concentre sur la question de la charge à domicile, simple en habitat individuel, plus complexe en habitat collectif, ainsi que sur celle des initiatives des pouvoirs publics. Dans le cadre du projet de loi de décentralisation actuellement en discussion, l'État confie aux collectivités, sans que ce soit une obligation, le soin de déployer les infrastructures. Une part importante de mon travail, en liaison avec les opérateurs publics, est d'inciter, de suggérer, de créer des liens et de faire valoir les arguments budgétaires de l'État pour inciter les collectivités territoriales à s'approprier ce domaine et à investir sur les déploiements de dispositifs de charge accessibles au public, soit en propre, soit par des arrangements locaux confiant à des opérateurs privés la gestion de cette offre publique (stations services indépendantes, distributeurs et grandes surfaces, chaînes hôtelières, restauration rapide).
L'État aide les collectivités par un dispositif reposant sur l'Ademe et la Caisse des Dépôts et Consignations. Ce dispositif a été redéployé en janvier pour offrir une aide financière, assise sur le grand emprunt, ouverte à toutes formes de collectivités.
L'année 2013 sera l'année zéro de la mobilité électrique. Les expérimentations, les réflexions sont en voie d'achèvement, et les dispositifs se lancent. Des marques d'intérêt se révèlent dans toutes les collectivités, que ce soit les grandes villes, les agglomérations, les départements, les syndicats d'électrification rurale, les régions. Les initiatives sont disparates, foisonnantes, mais de nombreux dossiers se montent, aidés ou non par l'État.
Le profil des initiatives prises actuellement, contrairement à ce que l'on pense souvent en associant véhicule électrique et grande banlieue, concerne pour plus de la moitié des initiatives, le « territorial », c'est-à-dire les départements semi-ruraux, et les villes moyennes. Les habitants dans ces zones sont beaucoup plus sensibles au coût du plein d'hydrocarbure pour faire le pendulaire quotidien domicile-travail, que la population strictement urbaine, sans doute plus attentive à l'aspect pollution et nuisance urbaine. Ces initiatives dans le semi-rural et les villes moyennes sont déterminantes pour l'appropriation sociale du véhicule électrique aujourd'hui.
Mme Sophie Garrigou. - Je représente l'Ademe à deux titres, les investissements d'avenir, d'une part, la vision de l'Ademe sur le véhicule électrique en tant que tel, d'autre part. Les investissements d'avenir ont été fixés à 35 milliards d'euros en 2010. Un milliard d'euros a été dédié par la loi de finances de 2010 à la question des transports, hors aérien : soutien de l'innovation, automobile, nouveaux systèmes de mobilité, ferroviaire, maritime, fluvial. L'Ademe est l'opérateur de ce milliard d'euros. La direction des investissements d'avenir en est responsable. Au sein de ce milliard, cinquante millions ont été fléchés vers l'aide aux collectivités territoriales pour le déploiement des infrastructures de recharge, des aides ont soutenu des projets industriels sur le véhicule électrique en lui-même (chaîne de traction, batterie) ; des projets d'expérimentation de la recharge ont été financés.
Deux collectivités ont à ce jour déposé des projets et obtenu une aide : le Grand Angoulême et Le Havre. L'appel à manifestation d'intérêt initial était destiné aux villes ayant signé la charte Estrosi-Borloo d'avril 2010. En janvier 2013, l'État a décidé d'ouvrir l'aide à l'ensemble des villes de France et des zones moins urbanisées. L'appel à projets vise les projets rassemblant plus de 200 000 habitants ou 400 000 euros de dépenses éligibles. Une borne de recharge normale de 3 kVA (kilovoltampères) vaut 5 000 euros. Une borne de recharge rapide, de 43 kVA, vaut environ 15 000 euros. L'État voudrait éviter les petits projets disséminés.
Le véhicule électrique est très pertinent en zone périurbaine et rurale, où les habitants vivent pour la plupart en maisons individuelles, et où la capacité de recharge est donc plus simple à mettre en place qu'en habitat collectif. Les déplacements quotidiens moyens sont évalués à environ 50 kilomètres. Des véhicules disposant d'une autonomie de 150 kilomètres sont donc tout à fait pertinents.
L'État a pris l'option de n'aider que les bornes d'accès totalement publiques : il ne faut pas avoir à payer pour accéder à la borne. En outre, seules sont aidées les bornes achetées et déployées par une collectivité publique. Lorsque les villes délèguent en concession à un opérateur privé la charge d'acheter et d'équiper le territoire en bornes, cet achat n'est pas éligible à l'aide « déploiement » des investissements d'avenir.
La question de l'accès aux aides pour les villes moins importantes est désormais réglée : ces zones peuvent se grouper par zones d'intérêt, au sein de projets régionaux. Le premier dossier régional que nous ayons reçu est celui du Nord-Pas-de-Calais : la région a fédéré un nombre important de villes et abonde le dispositif en complément des aides de l'État.
Les investissements d'avenir couvrent 50 % du prix de la borne et de son installation, quand il s'agit d'une borne normale ou accélérée, et 30 % du prix quand il s'agit de bornes de recharge rapide.
L'analyse de l'Ademe, qui réfléchit notamment en termes de cycle de vie, est que le véhicule électrique est particulièrement pertinent pour permettre de réduire les nuisances urbaines et d'améliorer la qualité de l'air. Il est également utile pour répondre au problème des nuisances sonores. Le véhicule électrique a cependant un coût environnemental à la production. La production de batteries, avec des nuances selon les technologies, a un effet sur le réchauffement climatique. Son bilan CO2 devient intéressant quand la technologie est beaucoup utilisée : Autolib et les autres systèmes d'auto-partage, qui sont également pertinents en milieu rural ou périurbain, avec des pools de voitures partagées dans une zone peu dense, sont tout à fait intéressants.
La question du type de recharge à déployer sur la voirie publique se pose. Faut-il massivement déployer des bornes de recharge à 3 kVA, qui correspondent à la recharge qui s'effectue normalement à domicile, ou faut-il investir dans des bornes plus chères qui sont des bornes de réassurance ? Est-il opportun de financer des bornes à 3 kVA ?
M. Joseph Beretta. - L'AVERE France est une association créée en 1978, à l'initiative de la Commission européenne. Une section européenne, AVERE Europe, fédère les sections régionales au sein de l'Europe. Nous sommes également représentés au sein de la WEVA, World electric vehicule association.
Nous regroupons tout ce que nous appelons « l'écosystème de la mobilité ». La notion de véhicule électrique englobe les voitures, deux roues, scooters, petits quadricycles, véhicules particuliers, véhicules utilitaires, ainsi que les poids lourds et bus électriques. L'écosystème inclut les bornes de recharge, les opérateurs de mobilité, les assureurs, les utilisateurs, les collectivités et les entreprises. L'association est représentative de ces différentes composantes.
Aujourd'hui, les produits sont disponibles à des prix intéressants, que ce soit les véhicules particuliers, les utilitaires, les scooters, les quadricycles et même les bornes de recharge. Les services comme Autolib ou Auto bleue commencent à se développer. Tout est réuni pour aller de l'avant.
Les ventes commencent d'ailleurs à décoller. Depuis 2010, les ventes de véhicules particuliers ou utilitaires légers ont été multipliées par deux en France. Mais cela ne représente encore qu'un peu moins de 1 % du marché français. Au vu de ses performances et de son équation économique, qui devient comparable à celle d'un véhicule thermique grâce aux aides de l'État, le véhicule électrique va trouver sa place dans la mobilité durable de demain. Cette place sera significative dans les centres urbains et dans les campagnes, où le véhicule électrique apporte des avantages significatifs. Un véhicule électrique consomme deux à trois fois moins de ressources primaires. Le plaisir de conduire est également un argument important.
Le constat de notre association est que nous sommes face à un problème de déploiement des infrastructures publiques pour poursuivre la croissance et le développement de ce marché. Les utilisateurs de voitures électriques rechargent leur véhicule chez eux lorsqu'ils résident en habitat individuel. Le problème se pose en revanche pour les populations urbaines en habitat collectif. Les infrastructures publiques sont donc capitales pour encourager le développement du marché.
L'association a réalisé une enquête afin de dégager les grandes tendances et le potentiel du marché. Ses conclusions se résument en une phrase : un tiers des Français est aujourd'hui électro-mobilisable. Cela signifie qu'il a l'usage qui correspond aux performances d'une voiture électrique, qu'il a un accès à la prise, et qu'il a l'intention de se lancer dans l'électrique.
Au niveau européen, la France est le leader des ventes de véhicules électriques, avec 9 300 véhicules vendus en 2012. Le deuxième pays est la Norvège, avec 4 000 véhicules vendus, puis l'Allemagne avec 3 000 véhicules. La perspective européenne permet de voir clairement que le développement de ce marché est lié, dans sa première phase, à un support des pouvoirs publics. La Norvège a mis en place de nombreuses aides, contrairement à l'Allemagne qui s'en tient pour l'heure au financement d'actions de recherche et développement.
Mme Béatrice Foucher, directeur de programme Véhicules électriques du groupe Renault. - Je suis très contente de pouvoir à la fois vous dresser un bilan factuel et chiffré des résultats de Renault sur le véhicule électrique, et d'évoquer nos attentes et difficultés éventuelles.
Depuis la fin 2011, Renault a lancé quatre véhicules électriques, le dernier en date étant la Zoé lancée en mars 2013. Certaines de ces voitures sont fabriquées en France, les moteurs qui vont équiper trois de ces véhicules sont fabriqués à Cléon.
Progressivement se dessine une vraie volonté de développer une filière industrielle sur le sol français. Ce point est très important pour Renault, car il s'agit d'une nouvelle technologie, exigeante en termes de compétences et de savoir-faire.
Sur les 9 300 véhicules électriques vendus en France en 2012, auxquels il faut ajouter les Twizy qui ne sont pas incluses dans les immatriculations, Renault comptabilise 5 789 ventes, dont 2 234 Twizy. En ce qui concerne l'année 2013, les projections des ventes se situent autour de 18 000 véhicules au total. À la fin du mois de mai, Renault enregistre déjà 5 156 ventes dont 250 Twizy.
En incluant la Twizy, Renault occupe donc 80 % de parts de marché, ce qui témoigne d'une pertinence de notre offre. Cela veut dire également que l'arrivée de compétiteurs pourra augmenter les possibilités de choix pour le consommateur et la taille globale du marché.
En matière de répartition géographique, 50 % de nos ventes s'effectuent dans les grandes agglomérations. Pour autant, une grande partie de nos ventes s'effectue également dans des agglomérations de moins de 50 000 habitants. La capacité à charger est un déterminant extrêmement fort. Ainsi, 83 % des clients habitent en maison individuelle, les copropriétés posant davantage de difficultés sur ce point.
Dans 75 % des cas, l'achat d'une voiture électrique s'effectue en remplacement d'une deuxième voiture. L'autonomie du véhicule électrique est en effet amplement suffisante pour un usage périurbain quotidien, celui-ci n'a pour le moment pas vocation à se substituer au premier véhicule du ménage.
Par rapport à l'Europe, la France représente un marché important, tout comme la Norvège. En 2012, sur 17 000 ventes effectuées par Renault en Europe, 6 000 été enregistrées en France.
Quelles sont les attentes que nous, constructeurs automobiles, pouvons formuler ? Un point particulier mérite votre attention. Le client recharge son véhicule principalement en « temps masqué », à domicile pendant son sommeil ou au travail par exemple. La charge principale est la charge domestique. Le point bloquant aujourd'hui concerne la mise en oeuvre du droit à la prise, qui a été effectivement voté mais souffre d'un certain nombre de freins.
En termes de charge secondaire, sur la voie publique ou semi-publique comme les parkings de supermarchés, on observe une dynamique satisfaisante. Le certificat d'économie d'énergie pourrait être utilisé comme un bras de levier supplémentaire pour soutenir le financement de ces infrastructures.
Pour nous, constructeur, le véhicule électrique est clairement un atout pour la France. On explore des nouvelles technologies, on crée des filières nouvelles de compétence et de développement industriel : le Kangoo est fabriqué à Maubeuge, la Zoé est industrialisée à Flins et sera équipée d'un moteur produit à Cléon. L'impact environnemental et la maîtrise de l'énergie sont évidemment des enjeux cruciaux.
Nous avons quatre demandes : le droit à la prise et la clarification de sa mise en oeuvre, l'achat de flottes de véhicules électriques par les institutions publiques pour faciliter l'accompagnement en termes d'image, une réflexion sur l'accès aux centres villes et aux places de stationnement, la création d'une dynamique collective avec l'Ademe et l'AVERE pour offrir une solution 100 % décarbonée.
M. Igor Demay, coordinateur véhicules électriques à la direction du groupe PSA-Citroën. - Les véhicules concernés par la recharge couvrent une gamme techniquement étendue : en sus des BEV (battery electric vehicles) qui sont des véhicules électriques purs, on trouve des PHEV (plug-in hybrides) et des EREV (extended-range electric vehicles) qui disposent d'un petit moteur thermique d'appoint pour résoudre les « angoisses d'autonomie » des utilisateurs. En réalité, il n'existe pas vraiment de solution de continuité et il est possible d'imaginer toutes les solutions hybrides intermédiaires.
Les constructeurs sont convaincus que les transports de demain se feront sous différents modes, employant des technologies variées. À l'horizon 2025, il y aura un nombre significatif de véhicules électriques dans le parc automobile français, mais on trouvera aussi des hybrides, des micro-hybrides et autres technologies. On assistera parallèlement à une évolution de la mobilité. Il n'y aura donc pas simplement une évolution des véhicules, mais également une évolution de la part des transports effectuée en véhicule individuel, en complément de nouveaux usages comme l'auto-partage, l'intermodalité du transport en commun, la location de courte durée, etc.
Aujourd'hui, l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles) prévoit qu'à horizon dix ans, 2 à 8 % des ventes de véhicules neufs en Europe concerneront des véhicules électriques.
La réponse aux préoccupations des clients est cruciale dans le succès de ces véhicules. Au-delà du rapport entre la prestation et le coût, on trouve aussi des aspects liés à l'évolution des comportements et à la nécessité d'une infrastructure adaptée.
L'évolution des comportements se fera de manière lente. L'expérience acquise nous dessert parfois. Aujourd'hui, la plupart des gens estiment qu'à moins de 50 km d'autonomie pour un véhicule thermique, il est nécessaire de refaire le plein d'essence. Mais cette attitude de précaution n'est pas pertinente pour un véhicule électrique disposant d'une autonomie de 150 kilomètres et dont la mesure de la charge de batterie restante est rigoureusement précise en comparaison de celle d'une réserve d'essence. Il s'agit d'un exemple d'évolution nécessaire des comportements.
Il faut donc que tout le monde y contribue, les clients, les constructeurs, les fournisseurs, l'administration, les gouvernements, les distributeurs d'énergie, les installateurs d'infrastructures.
Plusieurs facteur-clés de succès peuvent être identifiés. D'abord, en dépit du développement récent d'une offre alléchante pour le consommateur, la poursuite du progrès technologique demeure une condition essentielle. La balle est dans le camp des constructeurs.
Il faut également aider l'appétence du marché pour les solutions vertueuses. La coordination des mesures d'accompagnement des gouvernements est nécessaire. On pourrait sur ce point s'inspirer du succès du véhicule électrique sur le marché norvégien, où l'offre de subventions représente le double de celle de la France.
M. Marcel Deneux. - Le niveau de vie y est plus élevé aussi !
M. Igor Demay, coordinateur véhicules électriques à la direction du groupe PSA-Citroën. - Oui mais le pays est grand et froid, donc sollicite fortement l'autonomie des batteries électriques. Il dispose par ailleurs de réserves de pétrole, ce qui pourrait l'inciter à moins s'engager dans le véhicule électrique.
Les autres clés du succès sont des infrastructures adaptées, des standards globaux au niveau européen, un accès garanti aux matières premières comme le lithium ou les terres rares, et un investissement dans les ressources humaines. Ce dernier point a notamment été l'un des freins au développement de l'offre véhicule électrique chez PSA. On n'avait pas les compétences internes pour faire de l'hybride et de l'électrique pur en même temps. On a donc décidé de commencer par l'hybride et d'acheter des moteurs électriques chez Mitsubishi. Aujourd'hui, l'offre électrique pure se développe en interne, avec les nouveaux véhicules Berlingo et Partner électriques qui apparaîtront d'ici la fin d'année.
En matière de véhicules, plusieurs aspects sont primordiaux. Il faut clairement progresser en matière d'autonomie, sur le rapport entre la capacité de charge et le volume d'une batterie donnée. Aujourd'hui, une batterie de véhicule électrique pèse environ 300 kilos, c'est déjà beaucoup, on ne pourra pas avoir des batteries plus grosses.
En matière de temps de recharge, il faudra également continuer à développer des solutions de recharge rapide.
La question du coût a déjà été évoquée à plusieurs reprises. Il y a encore d'autres éléments comme la communication entre le véhicule et l'infrastructure, la possibilité de réserver les bornes de charge, etc.
Assurer le succès, c'est donc une approche intégrée, la construction d'une infrastructure de recharge, la coordination des stratégies nationales, l'information pour faire connaître le produit et son usage, un financement assuré, une standardisation aboutie, une politique environnementale stable et de long terme, et je crois que sur ce point les gouvernements successifs ont montré leur engagement.
M. Roy Zemmour, responsable commercial du groupe Mia Electric. - Mia Electric est un petit constructeur indépendant de véhicules 100 % électriques, issu du démantèlement du groupe Heuliez en 2010.
Nous produisons trois modèles de citadines, un utilitaire et deux véhicules particuliers légers. Notre spécificité est que la recharge s'effectue sur une prise standard, 220 volts 16 ampères.
Nous concevons et développons un véhicule français. Nous disposons d'un réseau de 40 distributeurs en France et d'une dizaine à l'étranger, essentiellement dans les pays où il existe un dispositif de bonus écologique, à l'instar de la Norvège.
Notre engagement écologique est très fort, comme l'attestent nos certifications en matière de management environnemental ISO 14001 et de gestion de la qualité ISO 9001.
Notre stratégie est de se développer via le marché de l'UGAP (Union des groupements d'achat public) auprès des collectivités. Nous sommes référencés depuis quelque mois au même titre que Renault.
Notre deuxième axe de développement est celui de l'autopartage, auquel le véhicule électrique se prêt particulièrement bien. Nous sommes présents à Nice, à La Rochelle, ou encore à Angoulême.
Nous allons également lancer l'internationalisation de notre offre de location de batteries, solution qui n'existe pas vraiment en dehors des frontières françaises.
Nous attendons plusieurs choses de l'État. L'achat de flottes publiques nous permettrait de gagner énormément en visibilité. Un développement des infrastructures de recharge est également nécessaire. En ce qui concerne Mia Electric, des prises standards suffiraient. En revanche, il faudrait davantage de bornes qui soient totalement gratuites. On le constate notamment à Paris, où les solutions de recharge sur les bornes Autolib ou les parkings de type Vinci sont payantes et la facture commence à être élevée pour l'usager.
Enfin, la réflexion doit s'orienter vers les services connexes pour palier l'autonomie restreinte du véhicule électrique, à l'instar de l'auto train pour les déplacements longue distance, ou la problématique du stationnement dans les grandes villes.
M. Michel Teston, président. - Merci pour ces présentations. Nous avions également invité le groupe Bolloré, qui n'a malheureusement pas pu se libérer pour participer à cette table ronde.
Pour ouvrir la phase d'échange, je voudrais resituer le débat dans un contexte plus large. Tout le monde est convaincu de l'intérêt de développer les véhicules électriques. Mais quel serait l'impact énergétique si 50 % du parc automobile français était converti à l'électrique ? Faudrait-il utiliser des ressources fossiles comme les centrales à charbon pour satisfaire la demande ?
M. Marcel Deneux. - Je regrette, depuis un certain nombre d'années, le manque d'information des parlementaires sur ces véhicules. Cela fait onze ans que je roule en véhicule hybride. Aujourd'hui, j'ai encore des collègues qui me questionnent sur la recharge de mon véhicule ou son autonomie. Il y a donc un énorme problème de pédagogie et d'éducation qui n'est pas faite, auprès des parlementaires comme du grand public.
En ce qui concerne l'Ademe, le programme d'investissements d'avenir est relativement conséquent. Est-ce que vous espérez que l'on va progresser réellement sur le ratio entre le poids des batteries embarquées et leur puissance disponible ?
Quelles difficultés rencontre Renault avec ses programmes en Israël et au Danemark, qui paraissent patiner ? Est-ce pour des raisons techniques ou pour d'autres raisons ?
Par ailleurs, la question de la standardisation des prises a été peu évoquée jusqu'ici. Il s'agit pourtant d'un préalable avant d'inciter à faire des réseaux. Les distributeurs d'électricité doivent être associés. Si les compteurs communicants n'ont pas la capacité à être adaptés à la problématique des véhicules électriques, on aura encore manqué une étape.
Toujours en ce qui concerne Renault, je suis assez actif dans le club « Produire en France ». Nous avons déjà labellisé deux producteurs. Pour l'instant, Renault a du retard et ne remplit pas les critères.
Quant à Mia Electric, dites-nous quelles sont vos vraies difficultés. Je croyais que vous aviez changé de main depuis deux mois, est-ce vrai ou faux ? La presse spécialisée a parlé de ces choses-là pourtant, est-ce une erreur ?
Ensuite, les problèmes de concentration urbaine ne doivent pas conduire à oublier le monde rural. Avez-vous des solutions adaptées à une utilisation du véhicule électrique en milieu rural, dont l'usage automobile correspond bien au créneau visé par l'électrique ?
Enfin, ma conviction personnelle pour le moment est que le véhicule hybride est un véritable vecteur pédagogique, pour amorcer la longue transition vers l'électrique.
Ma dernière interrogation concerne le débat sur le bonus écologique dans la perspective de la loi de finances pour 2014. Pour équilibrer le bonus, et maintenir une certaine visibilité politique et pédagogique, il n'y aura pas d'autre solution que de diminuer la masse des gens qui ont des petits bonus. Cette tâche risque d'être difficile sur le plan politique. Mais d'un point de vue technique, il faut faire passer le message dès maintenant.
M. Charles Revet. - J'ai bien entendu votre appel commun en faveur d'une forte implication des collectivités. Je me pose cependant deux questions.
Premièrement, si le véhicule électrique répond parfaitement au triptyque coût d'achat raisonnable, autonomie satisfaisante, coût d'usage modéré, il n'y a aucune raison pour que quelqu'un y soit défavorable. Dans ce contexte, peut-on compter sur des progrès substantiels en matière d'autonomie ?
Deuxièmement, peut-on imaginer un jour des systèmes intelligents, par exemple avec deux batteries, où l'une se recharge pendant que l'autre est consommée ?
M. Jean-Jacques Filleul. - Quel est le coût réel ou le gain réel d'entretien entre le véhicule électrique et le véhicule thermique ? Cette question est essentielle pour les collectivités, a fortiori dans un contexte de baisse des dépenses de fonctionnement.
M. Alain Fouché. - En connaissant le poids du lobby pétrolier dans notre pays, est-on réellement au maximum de l'effort de recherche en matière de véhicules électriques ou hybrides ?
Monsieur Zemmour, quel est l'avenir de Mia Electric ? Avez-vous une structure industrielle suffisante pour résister face aux grosses entreprises du secteur automobile ?
Enfin, pourriez-vous nous éclairer sur l'avenir du véhicule hydrogène ?
M. Louis Nègre. - Je salue la prolongation du plan Borloo-Estrosi de 2010 par le plan Montebourg, avec même une augmentation des subventions. Une fois n'est pas coutume, la France démontre une certaine continuité dans ce domaine, et c'est une bonne nouvelle.
En revanche, notre pays continue à souffrir d'une dispersion de l'effort mené, ainsi que je l'avais déjà souligné dans le livre vert de 2011.
A quel jeu jouent les constructeurs en matière de prises non standardisées ? Il s'agit non seulement d'un message désastreux sur le plan marketing, mais cela ruine également tous les efforts fournis dans un secteur largement subventionné.
On en revient enfin toujours à la même chose, à savoir l'énorme problème de pédagogie dans ce secteur. Qui connaît le « coût total d'utilisation et d'achat » d'un véhicule électrique ? Pourquoi l'Ademe ne fait pas passer des messages au grand public ?
Une dernière chose, est-ce qu'on peut attendre une rupture technologique dans les cinq années à venir ?
M. Robert Navarro. - Comme mes collègues, j'ai beaucoup d'inquiétudes.
Les industriels ne jouent pas le jeu. Le photovoltaïque a déjà été un bel échec. Les collectivités en ont retenu les leçons. Elles n'ont d'ailleurs plus les moyens de soutenir vos initiatives.
Soit ces projets fonctionnent et ce sont les industriels qui vont en récolter les bénéfices dans quelques années, alors il faut assumer les investissements nécessaires dès aujourd'hui. Soit vous nous présentez des véhicules qui ne sont pas performants, alors pourquoi devrions-nous vous soutenir ? Peut-on vraiment penser qu'à horizon cinq ou dix ans, le véhicule électrique a un avenir pour le citoyen ? Sinon, ce n'est pas la peine de nous demander des financements.
Mme Sophie Garrigou. - Il y a beaucoup de réponses à apporter.
D'abord, le problème d'information souligné par l'ensemble des sénateurs est absolument réel. Les Français ne savent pas ce qu'est un véhicule électrique, ni comment l'utiliser. Ils n'ont pas conscience que ces véhicules sont de vraies voitures, avec quatre places, quatre portes, que l'on peut y mettre son vélo dans le coffre.
J'avais l'intention de demander à la fin de ce débat, si Renault avait par exemple prévu un dispositif de communication grand public en ce sens.
Le rôle de l'Ademe serait plutôt de communiquer autour du TCO (coût total d'utilisation et d'achat du véhicule), qui est très favorable au véhicule électrique surtout quand on roule beaucoup. Mais le ministère de l'écologie nous a retiré une partie de nos attributions sur ce point.
Concernant l'autonomie, la voiture électrique n'a pas vocation à se substituer à l'ensemble des modes de déplacement et de transport. Elle s'intègre dans un vaste ensemble de réflexions ; d'abord sur la densification et l'étalement urbains, autour de la distance entre la maison et le travail ; ensuite sur les modes de déplacement, les transports en commun, le vélo, la marche ; dans les zones plus diffuses, sur les solutions d'auto-partage, avec des déclinaisons de concepts comme Autolib ; tout à la fin figure la voiture individuelle, et dans ce cadre, la voiture électrique est extrêmement pertinente pour la grande majorité des usages quotidiens.
Dernier point concernant l'Ademe, je suis un peu déçue que les sénateurs du monde rural et périurbain n'aient pas ressenti la mobilisation de l'État dans ces zones. La charte Estrosi-Borloo de 2010 a ouvert le déploiement des crédits à l'ensemble du territoire, en incitant au regroupement en zones de plus de 200 000 habitants. En plus du Nord-Pas-de-Calais déjà évoqué, l'Indre-et-Loire, le Cher, la Vendée, le Calvados, les Deux-Sèvres, nous ont contactés et sont en train de constituer des dossiers. Ce sont des départements plutôt ruraux.
Sur la question du manque de standardisation, sachez juste que l'État n'impose aucune solution technique dans la mesure où la possibilité de faire des bornes universelles existe. Mais je laisse les industriels répondre sur ce point.
En matière d'investissements d'avenir, nous avons reçu quelques projets de recherche sur la batterie. Il y a des perspectives intéressantes d'amélioration du rendement et surtout du coût. Aujourd'hui, la location de batterie pour une Zoé représente 79 euros par mois. Il serait intéressant de faire baisser ce coût. L'autonomie n'est pas forcément un problème, car 150 kilomètres permettent largement de subvenir aux usages quotidiens.
M. Alain Fouché. - Je vous rappelle ma question sur les moyens déployés pour la recherche par rapport au lobbying du secteur pétrolier.
Mme Sophie Garrigou. - L'État ne subit aucune pression d'aucun ordre, mais nous ne pouvons aider que les projets que nous recevons. Je vous renvoie donc aux industriels pour savoir s'ils sont au maximum de leur effort de recherche.
M. Philippe Hirtzman. - Je me dévoue pour rendre hommage à Monsieur Nègre, coordinateur du livre vert de 2011. Nous nous croisons régulièrement, et je peux attester qu'il mouille sa chemise, qu'il est présent, et qu'il joint les actes à la parole.
Chaque constructeur a sa stratégie. C'est de la diversité que naissent les solutions. Nous avons entendu vos messages. Je voudrais vous part de trois convictions.
Premièrement, la voiture électrique pure n'émergera que si elle trouve un public. Ce n'est pas à coup de décrets et d'argent public que l'on développera la demande. On pourra accélérer un phénomène, mais non le créer.
L'avenir réside en partie dans le véhicule hybride rechargeable. Le choix d'un véhicule électrique dépend de deux facteurs : son autonomie et son coût. Le véhicule hybride représente un compromis satisfaisant à cet égard : la question de l'autonomie a été résolue, celle du coût un peu moins, puisque la présence de deux moteurs a nécessairement un coût.
Les initiatives viennent pour la plupart des échelons suivants : départements, syndicats d'électrification rurale, syndicats de développement local (SYDEL), syndicat départemental d'énergie et d'équipement de la Vendée (Sydev)... et non des grandes métropoles. En Vendée, dans le Loir-et-Cher, en Indre-et-Loire, dans le Calvados, les utilisateurs de voitures électriques sont touchés dans une moindre mesure par les questions de pollution urbaine. En revanche, ils sont sensibles à l'économie que représente l'épargne de 70 euros par semaine, somme qui serait dépensée pour le plein d'essence nécessaire à la réalisation de leurs trajets domicile-travail.
Mme Sophie Garrigou. - A ce propos, je voudrais préciser que la recharge d'un véhicule électrique coûte aujourd'hui deux ou trois euros, pour réaliser 150 kilomètres. C'est donc très intéressant.
M. Philippe Hirtzman. - On achète aujourd'hui un véhicule électrique au prix d'un véhicule thermique. La location de batterie représente 79 euros par mois ; avec la charge il faut ajouter 70 euros en plus. Cela représente 150 euros par mois. L'usager doit mettre ce coût en perspective avec celui des pleins d'essence : plus il est utilisé, plus un véhicule électrique est rentable.
Deuxièmement, l'Ademe ne met pas à l'écart les villes moyennes. Le cahier des charges du programme d'investissements d'avenir met l'accent sur le service public et l'accès à tous de ces infrastructures. Il est destiné à financer les grands projets, ce qui permet d'éviter un émiettement des aides. L'une des grandes innovations, voulue par le ministre Montebourg, est d'accorder les aides à tous les types de collectivités, qu'elles aient vocation à être maîtres d'ouvrage ou non. Par exemple, la région Nord-Pas-de-Calais ne sera pas maître d'ouvrage, mais nous espérons qu'elle fédérera et catalysera les initiatives, à partir de son schéma régional de la mobilité.
Troisièmement, l'auto-partage favorise l'appropriation des véhicules électriques par les conducteurs. Pour mettre fin aux nuisances urbaines et liées aux hydrocarbures, les élus locaux doivent prendre la main. Dans le Nord, M. Percheron en fait une affaire personnelle. Il en est de même de M. Merceron, en Vendée.
M. Jean-François Mayet. - Je vais me faire l'avocat du diable. L'État doit subventionner la construction de ces voitures, et, avec les collectivités territoriales, leur achat, leur entretien et leur utilisation. Ce système n'est pas dans l'air du temps. L'expérience électrique n'est pas chère pour les constructeurs, surtout si elle est subventionnée, et elle leur donne une image.
Sans faire de bruit, des constructeurs japonais ou allemands travaillent depuis une trentaine d'années sur la pile à combustible. Il faudra me prouver que ce n'est pas la solution adéquate. Si tel est le cas, il n'y aura plus besoin des stations de recharge disséminées dans tout le pays. Je trouve notre débat un peu partiel.
Je constate qu'aujourd'hui, il faut être très motivé sur le plan écologique pour acheter un véhicule électrique.
M. Michel Teston. - Il faudra effectivement ouvrir le débat à l'ensemble des véhicules du futur.
M. Robert Navarro. - Les constructeurs ne jouent pas le jeu : on n'achète pas un véhicule pour une seule utilité. La voiture sert à aller travailler la semaine, à partir en vacances...
En Languedoc-Roussillon, et dans un contexte de raréfaction des moyens, nous avons décidé de soutenir des projets qui nous paraissent beaucoup plus prioritaires. Nous avons en outre été échaudés par les recommandations de l'Ademe sur le photovoltaïque. Nous allons donc y réfléchir à trois fois avant de nous engager.
M. Benoît Huré. - La Poste s'est équipée de véhicules électriques. Ma réflexion est peut-être un peu décalée, mais je voudrais souligner un petit inconvénient que m'ont rapporté les facteurs : la voiture électrique ne fait pas de bruit, ce qui surprend parfois les piétons en milieu rural.
M. Gérard Cornu. - Tout le monde a envie de développer ce moyen de transport, qui paraît important. Mais j'ai l'impression qu'il y a des freins à son développement. Pourquoi n'arrive-t-on pas à multiplier les véhicules électriques auprès des loueurs de voiture ? Ce serait un moyen de les faire connaître et de les valoriser auprès des conducteurs.
M. Joseph Beretta. - Nous avons effectivement constaté un manque d'information et de promotion du véhicule électrique. Notre association, qui est professionnelle, effectue cette démarche auprès des professionnels et des collectivités territoriales. Le public que nous touchons est composé de personnes qui se sont déjà intéressées à ces questions.
Nous avons organisé un tour de France avec l'UGAP, la centrale d'achat public, la Poste et l'AVERE France. Nous avons déjà été dans six villes, et poursuivrons notre circuit en juillet. Nous y présentons des exposés sur les voitures électriques ainsi que des véhicules, que les représentants des collectivités peuvent essayer.
Nous réalisons aussi une tournée des entreprises, dont témoigne par exemple le road show d'Abbeville, pour exposer les avantages du véhicule électrique. Nous y expliquons que le coût total de possession du véhicule est très positif.
L'AVERE distribue également des trophées aux collectivités qui soutiennent le véhicule électrique, pas nécessairement en acquérant toute une flotte de ce type de véhicules, en développant plusieurs infrastructures : la mise à disposition de vélos électriques en libre service, l'achat de véhicules d'entretien électriques... Nous cherchons ainsi à diffuser les bonnes pratiques, pour faire savoir que certaines collectivités arrivent à déployer des initiatives décisives.
Le problème du bruit semble effectivement mineur, mais la Commission européenne s'en est saisie puisqu'elle a travaillé à une directive pour sonoriser les véhicules électriques.
S'agissant des standards des prises, un projet de directive a été présenté. Il reprend les standards de type II et combo II pour une charge rapide, qui sont utilisés en Allemagne mais pas en France. La France devra donc se mettre à niveau, mais cela ne représente pas un problème insurmontable, si cette transition est préparée dans de bonnes conditions. Il faut effectivement une prise électrique harmonisée, pour les véhicules hybrides rechargeables qui effectuent de longues distances.
Trois loueurs sont membres de notre association et proposent des véhicules électriques à leurs clients. Mais ce n'est pas très développé. Ces expériences doivent être valorisées, au moyen de certificats d'économie d'énergie, ou de primes.
Les véhicules à pile à combustible et à hydrogène entrent dans notre champ de compétence. Les véhicules à pile représentent une solution alternative intéressante, mais qui n'est pas mature aujourd'hui. Il est difficile d'en acheter, et les louer est coûteux. Pour les véhicules à hydrogène, il faudrait recréer tout un réseau, alors que le réseau électrique a l'avantage de déjà exister.
Mme Béatrice Foucher. - Vous nous avez interrogés sur la viabilité économique du véhicule électrique. Il faut raisonner en coût/valeur. La valeur accordée à un véhicule dépend de son autonomie, de sa puissance... Beaucoup de foyers sont multimotorisés. Le véhicule principal sert à partir en vacances, tandis que le second se limite souvent à de courts trajets. Les constructeurs, comme le législateur, doivent garder à l'esprit ce raisonnement.
Nous devons lever un certain nombre de blocages. Les constructeurs y travaillent, en gardant à l'esprit qu'il ne faut pas que cela entraîne une trop forte augmentation du coût. Notre objectif est bien sûr de se passer à terme des subventions et des aides gouvernementales. Mais aujourd'hui nous ne sommes pas capables de lancer une telle technologie de rupture avec des coûts compétitifs par rapport au véhicule thermique, qui a plus de cent ans.
Nous travaillons sur la chimie des batteries, pour en baisser le coût ou en augmenter la densité énergétique. D'ici 2016, nous serons capables d'augmenter d'environ 20 % la densité énergétique des batteries.
La prise électrique est standardisée du côté du véhicule, puisque les constructeurs se sont mis d'accord, mais non du côté du mur. Il revient au législateur de faire entendre nos voix au sein de la Commission européenne. Une homogénéisation du côté de l'infrastructure serait effectivement souhaitable.
Better Place est une entreprise privée, en liquidation judiciaire en Israël et au Danemark. Elle a réalisé des investissements conséquents dans les infrastructures, en créant 38 stations d'échange de batteries en Israël et 18 au Danemark. Mais le rythme de vente des véhicules électriques n'a pas suffi à amortir les coûts. 900 véhicules électriques ont été achetés en Israël, 250 au Danemark. Les clients sont toutefois satisfaits de leur véhicule. L'expérience reste donc positive malgré tout. Nous travaillons à des solutions alternatives pour que les voitures électriques puissent continuer à être utilisées.
M. Igor Demay. - Il se vend deux millions de voitures neuves par an en France. Deux millions de véhicules électriques consommeraient 4 térawatt-heure par an, ce qui est inférieur à 1 % de la capacité énergétique du réseau. Il n'y a donc pas de problème de ce point de vue-là. Si les véhicules se chargeaient à la même heure en revanche, cela représenterait une consommation de 8 gigawatt-heure, soit 7 à 8 % de l'appel de puissance, ce qui pourrait poser des difficultés. Il faudra donc développer des solutions de type smart grid, pour charger les véhicules à partir de trois heures du matin par exemple. Les capacités des véhicules électriques en charge et décharge rapide pourraient offrir des facilités.
Le groupe PSA consacre plus de 85 % de ses efforts de recherche à la recherche dite décarbonée, dans les domaines de la diminution de la consommation et de la lutte contre la pollution. Ce chiffre témoigne de l'importance que les constructeurs y accordent, même si les résultats ne sont pas toujours aussi rapides que voulu. Nous participons, avec Renault et des grandes écoles, à l'institut VéDéCoM qui met en commun nos efforts de recherche autour des véhicules décarbonés.
Sur les véhicules à hydrogène, je vous donnerai mon avis personnel et non celui de PSA. Il y a trois problèmes : celui du coût de la pile à combustible, du coût du réseau de distribution de l'hydrogène, et la place requise par le transport de l'hydrogène dans le véhicule. L'hydrogène est très léger. Il a le numéro 1 dans le tableau de Mendeleïev, et cela, nous ne pourrons pas le changer... Des pistes sont explorées, avec des molécules d'hydrogène piégées dans des hydrures métalliques, mais elles ne sont pas abouties.
Je pense qu'une des réticences des loueurs réside dans l'incertitude qui caractérise la valeur résiduelle du véhicule. Au bout de trois ans, leurs véhicules sont mis sur le marché de l'occasion. Les loueurs doivent s'interroger sur la possibilité de revendre la batterie.
Mme Sophie Garrigou. - Le programme d'investissements d'avenir contenait un appel à projets pour les véhicules à hydrogène. Nous n'avons reçu que trois projets, aucun en provenance des grands constructeurs, et aucun d'entre eux n'a pu être retenu faute de qualité suffisante.
M. Roy Zemmour. - Le véhicule électrique en général n'est pas fait pour remplacer le véhicule thermique. En revanche, des services annexes peuvent le faire : l'autotrain, la location d'un véhicule thermique en cas de besoin...
Mia a été séparé d'Heuliez il y a deux ans. Heuliez en est à son troisième dépôt de bilan. Nous sommes la propriété d'un actionnaire allemand à 90 %, et de la région Poitou-Charentes à 7 %. Nous recherchons actuellement d'autres investisseurs.
Nous essayons de développer une batterie de 18 kilowattheures. Pour l'instant, nous proposons une batterie de 8 kilowattheures à partir de 49 euros par mois, une batterie de 12 kilowattheures à partir de 75 euros par mois, pour une autonomie respective de 80 et 125 kilomètres. Nous cherchons à passer à une autonomie de 180 kilomètres.
Le problème des loueurs doit effectivement résider dans le marché de l'occasion après la mise en location.
M. Philippe Hirtzman. - La Poste a acheté 10 000 véhicules électriques via l'UGAP. Elle a su résoudre le problème de lissage de la charge et éviter que tous les véhicules se branchent en même temps.
Le problème de l'information des conducteurs est réel. Il serait peut être temps de faire une campagne grand public d'origine gouvernementale, en exposant leur fonctionnement sans chercher à parer les véhicules électriques de toutes les vertus.
Enfin, pour revenir sur la critique du foisonnement d'initiatives que nous entendons souvent, c'est le Parlement qui l'a souhaité. C'est la loi Grenelle II qui a confié aux collectivités la responsabilité de développer les infrastructures.
Le dispositif proposé par l'Ademe est très cohérent. A côté, l'initiative privée doit aussi être prise en compte. Il faut résoudre le problème de la charge à domicile en copropriété, en parking souterrain, dans l'hôtellerie, dans les stations service, les supermarchés, la restauration rapide... L'État peut aussi avoir son rôle à jouer, en complément des initiatives des collectivités territoriales.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable - Nomination des membres à la commission mixte paritaire
M. Michel Teston, président. - Nous procédons à présent à la nomination des membres à la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable.
Voici la liste des candidats, titulaires et suppléants, que nous pourrions retenir. Pour les titulaires : Raymond Vall, Odette Herviaux, Roland Courteau, Ronan Dantec, Jean Bizet, Francis Grignon, Henri Tandonnet. Pour les suppléants : Roland Ries, Jean-Jacques Filleul, Laurence Rossignol, Evelyne Didier, Gérard Cornu, Rémy Pointereau, Charles Revet.
La commission mixte paritaire se tiendra le 12 juin à 16 h 30 au Sénat.
Il n'y a pas d'opposition. Il en est ainsi décidé.