Mercredi 5 juin 2013
- Présidence conjointe de M. Serge Larcher, président, et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques -Dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer - Examen des conclusions du groupe de travail
La commission procède à l'examen des conclusions du groupe de travail sur l'impact de la défiscalisation en outre-mer.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Nous examinons aujourd'hui les conclusions du groupe de travail sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer.
Je vous rappelle que notre commission et la délégation à l'outre-mer, présidée par notre collègue Serge Larcher, ont pris l'initiative à la fin du mois de février de créer ce groupe de travail, à la suite des discussions ayant eu lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013.
Le Gouvernement doit en effet remettre prochainement au Parlement un rapport visant notamment à étudier l'opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Outre-mer ».
Sur ce sujet essentiel pour l'économie de nos outre-mer, il était indispensable que notre Haute assemblée prenne une initiative.
Ce groupe de travail est donc présidé par notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, membre de la commission des affaires économiques. Ses rapporteurs sont Éric Doligé, membre de la délégation à l'outre-mer, et Serge Larcher, président de la délégation à l'outre-mer et membre de la commission des affaires économiques.
Je vous rappelle que les sept autres membres du groupe de travail sont nos collègues Aline Archimbaud, Éliane Assassi, Gérard César, Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Georges Patient et Jean-Claude Requier.
M. Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer. - Je voudrais remercier le Président Raoul d'avoir accepté cette démarche innovante, associant une commission permanente à la délégation pour travailler sur un sujet majeur pour nos outre-mer. Nous avons effectué un travail de fond pendant deux mois au cours desquels nous avons recueilli un grand nombre de contributions, ce qui nous a permis d'élaborer des propositions riches fondées sur une analyse solide.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, présidente du groupe de travail. - Le groupe de travail qui nous réunit aujourd'hui a tenu sa réunion constitutive le 27 mars dernier, il y a 2 mois révolus.
Notre initiative sénatoriale est concomitante à une démarche gouvernementale menée dans le cadre du comité interministériel sur la modernisation de l'action publique (CIMAP) qui a mis en place un comité de pilotage sur la défiscalisation appliquée aux investissements effectués outre-mer. Ce comité associe, sous l'égide du ministère des finances et de la délégation générale à l'outre-mer (DéGéOM), des députés, des sénateurs, les présidents des assemblées territoriales des outre-mer, les présidents des conseils économiques et sociaux régionaux et des représentants du monde économique (Association des CCI des outre-mer, Instituts d'émissions IEDOM et IEOM, Association régionale des maîtres d'ouvrage sociaux de La Réunion et de Guyane, Fédération des entreprises d'outre-mer).
Cette réflexion gouvernementale répond à un engagement pris pendant l'examen du budget pour 2013 en vue de la loi de finances pour 2014 et est d'autant plus urgente que, d'une part, la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013 a lourdement compromis le fonctionnement des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer et que, d'autre part, ce régime d'aide fiscale autorisé par la Commission européenne au titre des aides d'État à finalité régionale vient à échéance le 31 décembre 2013. Cette réflexion menée en concertation devrait aboutir courant juin en vue du débat d'orientation budgétaire qui se tiendra fin juin.
De son côté, l'Assemblée nationale a publié un rapport sur le sujet à l'initiative de sa délégation aux outre-mer dès le 14 mai. Ce rapport conclut au nécessaire maintien des dispositifs actuels moyennant quelques préconisations d'adaptations auxquelles, vous le verrez, nous ne souscrivons que partiellement.
Cette étude de l'Assemblée nationale a cependant le mérite d'alerter sur la gravité des conséquences que pourrait avoir une suppression des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement dans les outre-mer, hypothèse sérieusement envisagée par Bercy en l'absence de toute évaluation.
Aussi nos rapporteurs, Éric Doligé et Serge Larcher, déplorant la démarche consistant à condamner le système existant sans en avoir évalué les apports et, surtout, sans avoir mesuré l'impact de sa suppression, ont décidé de procéder à cette évaluation et, sur son fondement, de formuler des propositions.
Les rapporteurs vont dans un instant vous livrer leurs observations et vous présenter les conclusions de leur travail qui résultent d'une vingtaine d'auditions menées au Sénat, dont une visioconférence avec la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des témoignages recueillis au cours d'une mission très dense de trois jours à La Réunion début mai. Ce déplacement nous a en effet conduits à effectuer une vingtaine de rencontres et cinq visites de projets réalisés grâce à la défiscalisation, ce qui a été très utile pour comprendre les blocages et les limites de ces dispositifs.
Je cède maintenant la parole aux rapporteurs qui vont vous exposer un état des lieux de l'utilisation de ces dispositifs fiscaux dans les outre-mer et vous présenter les pistes d'évolution qui nous paraissent devoir être envisagées.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Depuis plusieurs années, j'enchaîne les rapports sur l'outre-mer. C'est passionnant et j'espère faire partager cette passion à certains collègues de l'hexagone. Il faut que le Parlement prenne la mesure de la richesse potentielle considérable qu'est l'outre-mer, très mal mise en valeur jusqu'à présent. J'espère que ce rapport permettra de faire passer certains messages.
Nos travaux ont été menés tambour battant et, en dépit de leur densité, ne prétendent pas à l'exhaustivité. Le caractère extrêmement lacunaire, pour ne pas dire quasiment inexistant, de données mesurant l'impact territorial et sectoriel des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement dans les outre-mer, illustre une nouvelle fois le désintérêt des gouvernements successifs pour l'évaluation des politiques publiques relatives à ces départements et collectivités.
Une fois de plus, et sous la férule de la contrainte budgétaire, la solution précède la connaissance et l'analyse : la concertation gouvernementale en cours pourrait s'intituler « Chronique d'une mort annoncée » !
La non prise en compte dans le rétro-calendrier de l'échéance européenne du 31 décembre 2013, date butoir de validité des dispositifs en vigueur qui constituent des aides à finalité régionale en droit européen, et le tarissement de la collecte de fonds pour les projets en cours résultant de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013, indiquent d'ores et déjà la direction ... Ces retards et la focalisation des réflexions sur le seul poids budgétaire des dispositifs fiscaux, doublés d'un ralentissement caractérisé des procédures d'agrément en cours, créent un attentisme des investisseurs et une baisse de niveau de collecte des fonds qui compromettront certains projets en gestation ! - 30 % de fonds collectés à la fin du mois de mai de cette année par rapport à 2012, nous dit le GIFOM. Il est déjà tard pour réagir ; la décision est désormais plus qu'urgente !
Comme l'a rappelé notre présidente il y a quelques instants, notre groupe de travail a avancé à marche forcée pour tenter de dresser un état des lieux et dégager des pistes d'évolution permettant de répondre à une demande d'encadrement renforcé et à un souci d'économie budgétaire.
Partageant le rapport avec Serge Larcher, je vais commencer par un rappel des mécanismes fiscaux en vigueur, de leurs avantages et de leurs inconvénients, avant de présenter leur impact sur le développement des économies ultramarines. Serge Larcher vous soumettra ensuite les pistes d'évolution que nous souhaitons préconiser.
Les dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement outre-mer, qui permettent la fameuse « défiscalisation », consistent à récolter des liquidités auprès de contribuables, personnes physiques ou personnes morales, pour financer la réalisation d'un investissement dans un département ou une collectivité d'outre-mer. En contrepartie, ces contribuables-investisseurs bénéficient d'une réduction de leur impôt sur le revenu ou d'une déduction d'impôt sur les sociétés qui intervient l'année suivant celle de la réalisation de l'investissement. Le taux de réduction varie en matière d'investissement productif, selon le territoire et le secteur concernés.
La réduction d'impôt est cependant plafonnée : depuis la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 qui a supprimé la part variable du plafonnement, le plafond est fixé à 18 000 euros ; il s'agit en outre d'un plafond global qui inclut le plafond de 10 000 euros prévu pour les autres réductions d'impôt.
Le plus souvent, le contribuable-investisseur n'est pas l'exploitant lui-même et les fonds nécessaires au financement de l'investissement sont collectés par des intermédiaires spécialisés auprès de personnes désireuses de réduire le montant de leur impôt. Les frais générés par cette intermédiation, qui couvrent non seulement la collecte mais également la gestion du projet d'investissement et s'élèvent à 5 % à 7 % du montant de l'investissement en moyenne, sont supportés par le contribuable-investisseur.
Les fonds deviennent le capital d'une structure juridique, une société créée ad hoc, qui reste propriétaire de l'investissement réalisé pendant une période légale minimale, en général 5 ans, au cours de laquelle le bien est loué à un prix préférentiel à l'exploitant : c'est la période dite « de portage ». Les contribuables-investisseurs sont actionnaires de cette société. Au terme de la période de portage, la propriété du bien financé est transférée dans le patrimoine de l'exploitant ultramarin. La somme des loyers payés pour l'utilisation du bien pendant la période de portage ou, s'agissant de l'acquisition d'un logement, son prix, est d'un montant inférieur au coût de revient de l'investissement, la différence correspondant à ce que le code général des impôts nomme la rétrocession. Des taux minimaux de rétrocession sont fixés par la loi : pour les investissements productifs, le taux est de 62,5% pour les investissements supérieurs à 300 000 euros et de 52,63 % pour les autres ; pour le logement, le taux est fixé à 65 %. La rétrocession vient diminuer, au profit de l'exploitant ultramarin, le gain que le contribuable-financeur a tiré de sa réduction d'impôt.
Les dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement contribuent aujourd'hui au financement de deux grands secteurs en outre-mer, le logement social et l'investissement productif. Quatre articles du code général des impôts (CGI) constituent leur fondement juridique et décrivent le cadre normatif : champ d'application, conditions d'éligibilité et procédures.
Je ne m'attarderai pas sur le « Girardin immobilier » (article 199 undecies A du CGI) qui prévoyait une réduction d'impôt sur le revenu pour tout contribuable achetant un immeuble neuf outre-mer pour le louer, pendant une période minimale de 5 ans. Ce dispositif, qui a dynamisé la construction dans le secteur intermédiaire et le secteur libre, s'est éteint le 31 décembre 2012. Subsistent cependant sur ce fondement juridique la défiscalisation relative, d'une part, à l'achat d'un logement destiné à servir de résidence principale, réservée aux primo-accédants et pour des surfaces limitées selon la taille de la famille, et, d'autres part, à la rénovation de logements de plus de 20 ans et aux travaux de mise aux normes antisismiques (en vigueur jusqu'à fin 2017).
Trois autres dispositifs de réduction ou de déduction d'impôt soutiennent aujourd'hui l'investissement outre-mer :
- l'article 199 undecies B du CGI, permettant des réductions d'impôt sur le revenu (IR) en matière de soutien aux investissements productifs (le « Girardin industriel ») ;
- l'article 199 undecies C, permettant des réductions d'IR en matière de soutien à l'investissement dans le domaine du logement social (introduit par la loi de développement économique des outre-mer, LODEOM) ;
- l'article 217 undecies, prévoyant des réductions d'impôt sur les sociétés (IS) liées, soit au montant des investissements réalisés dans les outre-mer au titre des articles 199 undecies A, B ou C (investissement productif + logement social), soit à la souscription au capital de sociétés de développement régional des départements d'outre-mer (DOM).
En matière d'investissement productif, sont éligibles les investissements neufs ainsi que les travaux de réhabilitation d'hôtels, mais également, depuis la LODEOM, les activités de recherche-développement et la pose des câbles sous-marins. Sont en revanche exclus un certain nombre d'investissements énumérés par le code tels que ceux réalisés dans le commerce, la restauration, le conseil, l'éducation et la santé, la finance, ou encore les services aux entreprises et les activités de loisirs, associatives ou postales. Sont également exclus depuis 2009 les véhicules de tourisme et, depuis septembre 2010, les équipements photovoltaïques.
Enfin, il existe deux types de procédures : le plein droit et l'agrément.
Le plein droit concerne les projets dont le montant n'excède pas, pour le secteur productif, 250 000 ou 1 million d'euros selon le cas, et pour le logement social 2 millions d'euros. Ce régime est purement déclaratif et, pour les petits investissements d'équipement, les fonds sont mobilisables très rapidement, parfois en à peine quinze jours.
L'agrément s'applique aux projets d'un montant supérieur aux seuils précités mais également aux investissements réalisés dans des secteurs considérés comme sensibles (navigation de plaisance, transports, rénovation d'hôtels). Il nécessite le montage d'un dossier étoffé justifiant notamment de l'intérêt économique du projet et de créations d'emplois. L'instruction est menée, pour les projets les plus importants et l'ensemble de ceux réalisés dans les collectivités d'outre-mer (COM), par la direction générale des finances publiques (DGFIP), et pour les autres par les directions régionales (DRFIP). Les durées d'instruction de la DGFIP excèdent toujours le délai légal de trois mois.
Après ce rappel du cadre normatif et des mécanismes fiscaux, venons-en à leur impact économique pour les outre-mer.
Chaque débat budgétaire remet sur la sellette les dispositifs d'aide fiscale, les fameuses « niches », lourdement connotées en ce qui concerne celles relatives à l'outre-mer, car en dépit des mesures successives de moralisation et des coups de rabot leur mauvaise image perdure. De nombreuses critiques portant sur le manque de lisibilité et de maîtrise des dispositifs, le défaut d'efficience pour l'outre-mer et le poids de la dépense fiscale sont régulièrement dirigées contre ces dispositifs fiscaux, en particulier par l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes. Cette dernière a d'ailleurs préconisé leur suppression pure et simple dans son rapport annuel 2012.
Si la dépense fiscale n'est en effet pas négligeable et si certaines critiques sont recevables, cela doit nous conduire à proposer des améliorations - Serge Larcher s'en chargera tout à l'heure - mais certainement pas à condamner radicalement des dispositifs qui, perfectibles, constituent des ressorts vitaux pour les économies des départements et collectivités d'outre-mer.
Le montant prévisible de la dépense fiscale pour l'État est évalué à environ 1,1 milliard d'euros pour 2013. Ce montant s'était stabilisé depuis 2009 autour de 1,2 milliard d'euros après une hausse constante au cours des années précédentes.
Ce montant place la dépense fiscale pour l'investissement outre-mer bien loin derrière les niches plus coûteuses. Je vous rappelle ainsi que le crédit d'impôt recherche (CIR) devrait coûter 3,4 milliards d'euros en 2013, la TVA dans la restauration 3,1 milliards d'euros ou encore le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile plus de 2 milliards d'euros.
Les « taux de profits fiscaux » qui pouvaient être élevés pour les contribuables investisseurs sont désormais limités à 18 000 euros par foyer fiscal. La décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 a en effet supprimé la part variable de 4 % du revenu imposable au-delà de ce plafond. Cela a pour conséquence de réduire l'intérêt de cet avantage fiscal pour les plus hauts revenus mais également l'inconvénient de restreindre le « vivier » de la collecte et, au final, le nombre d'investisseurs potentiels. Sur les gros projets, cela aboutit à une atomisation de la collecte et à une complexification des montages, ce qui majore leur coût.
La rémunération du contribuable-investisseur et les coûts d'intermédiation des cabinets de défiscalisation sont considérés comme une dépense inutile car elle n'est pas injectée dans les économies ultramarines.
Or, si le bénéfice fiscal réalisé par le contribuable ne doit pas être excessif, cette rémunération est la condition première de l'existence du dispositif ; celui-ci doit rester suffisamment attractif pour drainer les liquidités nécessaires et convaincre les investisseurs potentiels que le risque vaut d'être pris. Il y a en effet toujours un risque de faillite de l'exploitant ou que celui-ci ne respecte pas ses engagements pendant la durée du portage, ce qui peut remettre en cause l'avantage fiscal de l'investisseur.
Concernant les coûts d'intermédiation, qui s'élèvent en moyenne de 5 % à 7 % du montant de l'investissement, ils couvrent à la fois les coûts de collecte, les coûts de montage juridique et financier et les coûts de gestion de la structure de portage pendant cinq ans. Mais, au-delà, les cabinets de montage jouent un précieux rôle d'incubateur et d'accompagnateur de projet ; il s'agit là bien souvent d'une aide technique très appréciable pour les exploitants inexpérimentés.
La critique relative au manque d'efficience paraît quant à elle relever d'une analyse livresque, bien éloignée de la réalité économique.
Cette critique vise à la fois le manque de données disponibles permettant de connaître l'impact financier et économique des dispositifs fiscaux et l'absence de gouvernail dans la mise en oeuvre de la défiscalisation de plein droit.
Le caractère lacunaire de l'évaluation en matière d'aides fiscales de soutien à l'investissement outre-mer n'est qu'une manifestation supplémentaire d'un constat dressé systématiquement s'agissant de l'outre-mer. Mais il est particulièrement choquant ici, dès lors que les deniers publics sont en jeu ! Or, cette mauvaise connaissance est largement imputable à l'administration fiscale qui, concernant le dispositif avec agrément, ne procède pas à l'exploitation statistique des dossiers comme elle devrait le faire et, concernant le plein droit, ne fait pas respecter l'obligation déclarative instaurée en 2007 pourtant punie d'une amende d'un montant égal à la moitié de l'avantage fiscal pour le contrevenant. En outre, le dernier rapport établi par la DGFIP porte sur les années 2007-2009 ! ... rien, depuis !!
Les services de Bercy et l'Inspection générale des finances considèrent que l'efficacité de la défiscalisation en termes d'impact sur la croissance et l'emploi n'est pas prouvée.
Or, comment imaginer qu'une dépense fiscale ayant permis de solvabiliser l'investissement à hauteur de 1,5 à plus de 2 milliards d'euros chaque année depuis 2005 n'ait pas eu d'effet sur le développement des économies ultramarines ?
Sont également incriminés les effets d'aubaine et les distorsions qui résulteraient des aides fiscales. Sans doute y en a-t-il, comme pour tout dispositif dérogatoire ; mais il revient à l'administration de les déceler, parfois d'empêcher les dérives, et il appartient au législateur de tenter de les prévenir ou d'y remédier.
La bulle photovoltaïque est fréquemment citée en exemple : il y a effectivement eu formation d'une bulle spéculative assortie d'un effet d'éviction pour les autres secteurs éligibles à l'aide fiscale, les dossiers présentés à l'agrément obéissant davantage à des sollicitations financières qu'à une réelle demande économique. Le secteur du photovoltaïque a ainsi représenté le tiers des investissements agréés en 2009. Cet effet d'aubaine n'a pas été anticipé, ni même endigué par une interprétation plus stricte du critère de l'intérêt économique dans la procédure d'agrément ; il a même été amplifié à deux reprises, en 2007 et 2008 par l'annonce du plafonnement des niches fiscales, et à l'automne 2010 par l'anticipation de l'exclusion du photovoltaïque.
Au registre des dérives toujours, l'IGF estime que la défiscalisation « entraîne une allocation du capital favorisant les firmes établies et peut aggraver des rentes et des déséquilibres ». Si le risque d'aggravation du déficit de concurrence existe en effet par un encouragement à la concentration sectorielle du capital, il revient encore une fois à l'administration fiscale de l'apprécier lors de l'instruction de la demande d'agrément. Mais cela suppose une bonne connaissance des situations locales...
Le critère de « la création d'emplois », enfin : si la création d'emploi a été introduite parmi les critères à considérer pour la délivrance d'un agrément, son interprétation restrictive aboutit à des aberrations tant du point de vue du développement économique local que de la mesure de l'efficience des dispositifs en termes de coût. Pour avoir une pertinence économique, l'impact d'un projet sur l'emploi ne doit pas être appréhendé de façon étriquée : doivent être comptabilisés les emplois directs créés, bien sûr, mais aussi les emplois maintenus, ainsi que les emplois induits en amont et en aval lorsque l'investissement s'insère dans une chaîne de production ou contribue à structurer une filière. Aux antipodes de ce raisonnement et sur la base des seuls engagements de création d'emplois directs, l'IGF, se fondant sur une étude de l'INSEE, a pu mettre en avant un coût de la défiscalisation par emploi créé pour 2009 de 220 000 euros pour le plein droit et de 731 000 euros pour les investissements agréés !
On voit donc que le réquisitoire des administrations fiscales peut être en grande partie réfuté si l'on délaisse l'approche exclusivement comptable au profit d'une appréciation de portée plus économique et pragmatique. Ainsi tous les acteurs, à l'exception des administrations fiscales centrales, que ce soit à Paris ou à La Réunion, ou encore pendant la visioconférence avec la Nouvelle-Calédonie, ont unanimement plaidé pour le maintien de la défiscalisation, sa suppression envisagée par Bercy étant perçue comme un scénario catastrophe.
Les dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement répondent en effet à un besoin vital des économies ultramarines.
L'aide fiscale contribue à compenser les contraintes spécifiques imposées aux économies ultramarines.
Les entreprises, dans les outre-mer, doivent faire face à d'importants surcoûts qui ont des origines multiples :
- l'étroitesse des marchés qui empêche les économies d'échelle et nécessite d'importants volumes d'importation,
- des contraintes géographiques fortes telles que l'éloignement et l'isolement, l'insularité et le caractère archipélagique, l'atomisation du territoire (Polynésie), l'immensité terrestre recouverte d'une nature indomptable (Guyane) ou encore l'exposition aux cataclysmes climatiques.
- des communications compliquées et onéreuses,
- des différentiels de compétitivité avec les économies voisines, résultant des normes sociales et environnementales.
Une logique pure d'économie de marché conduirait à la nécessaire disparition de pans entiers des économies ultramarines. Or, peut-on envisager de voir disparaître, par exemple, un secteur agro-alimentaire tendant à limiter la dépendance aux importations, ou un secteur des énergies renouvelables à la pointe de l'innovation ?
Les objectifs de développement endogène et les exigences de solidarité nationale impliquent le maintien de ces dispositifs qui permettent de drainer des liquidités à l'extérieur pour les injecter dans les économies ultramarines.
L'outil de la défiscalisation est en outre particulièrement bien adapté au contexte ultramarin ; les collectivités dotées de l'autonomie fiscale telles que la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie ont d'ailleurs enchéri en mettant en place des dispositifs locaux complémentaires.
En effet, le tissu économique dans les outre-mer est atomisé et constitué à plus de 90 % de TPE-PME. Ces entreprises sont largement dépourvues de fonds propres et ne disposeraient pas du levier nécessaire à l'investissement sans le recours aux fonds extérieurs défiscalisés. Les fonds apportés en défiscalisation sont en effet comptabilisés comme des fonds propres par les banques, ce qui permet d'adosser des prêts. La défiscalisation permet ainsi de surmonter la frilosité des banques.
L'apport défiscalisé représente en général environ 30 % du montant de l'investissement dont il permet d'abaisser le coût pour l'exploitant. Il offre l'avantage, pour les projets relevant du plein droit, d'être mobilisable très rapidement, dans un délai de quinze jours.
L'aide fiscale joue un rôle décisif dans le développement des économies ultramarines.
Hier comme aujourd'hui, les dispositifs d'aide à l'investissement outre-mer répondent aux besoins vitaux des économies ultramarines et dynamisent leur développement.
La défiscalisation joue un rôle décisif dans l'aménagement des grands projets structurants qui permettent d'assurer la continuité territoriale : elle a ainsi contribué à financer, en Polynésie française, le câble numérique Honotua qui a amélioré les services (plus de débit et plus de volume), a permis le développement d'offres plus nombreuses et diversifiées, assurant ainsi aux entreprises polynésiennes la possibilité de créer de nouvelles activités. Elle permet aussi le renouvellement des flottes des compagnies locales, telles qu'Air Tahiti ou Air Austral, la compagnie aérienne de La Réunion.
Le développement du logement social constitue une réussite emblématique : sous l'effet de la mobilisation de la défiscalisation en complément de la ligne budgétaire unique (LBU), la programmation de logements locatifs sociaux neufs dans les DOM a presque doublé entre 2007 et 2012, passant de 4 209 à 7 643. La part des logements locatifs très sociaux (LLTS) a quant à elle plus que triplé pendant la même période (de 858 à 2 771).
La défiscalisation est indispensable au maintien d'un tissu économique vivrier, décisif pour les équilibres territoriaux : il s'agit d'un outil au service des petites entreprises ultramarines qui dominent de façon écrasante le tissu économique. Le montant moyen des dossiers en défiscalisation atteint en effet seulement 30 000 euros. Ils concernent en particulier l'artisanat, l'agriculture et le BTP. En Nouvelle-Calédonie, elle contribue au rééquilibrage du territoire en permettant le financement de projets industriels en Province Nord et dans la Province des îles.
La défiscalisation est porteuse d'espoirs pour le développement des outre-mer :
- elle favorise la structuration de l'économie au service du développement endogène : lors de notre déplacement à La Réunion, nous avons pu constater l'impact de la défiscalisation sur la structuration de la filière agricole animale à La Réunion, avec la mobilisation de l'aide fiscale pour financer par exemple, dans le Sud de l'île, un nouvel abattoir indispensable à la filière et une plateforme logistique. Elle y permet également la structuration de la filière légumière, dont la production nécessite des investissements dans la construction de serres ;
- elle peut permettre de valoriser les potentiels des outre-mer, présents et en devenir au bénéfice de tous, au plan local comme national : elle a ainsi contribué au financement des grandes usines de nickel en Nouvelle-Calédonie et elle pourrait permettre de financer les projets en matière de stockage de l'énergie, problématique qui constitue aujourd'hui une limite au développement des énergies renouvelables. Je vous rappelle que les outre-mer ont un potentiel énorme en la matière et pourraient même devenir des modèles pour notre pays ;
- elle devrait être utilisée pour favoriser une meilleure insertion régionale. Certaines règles visant à encadrer la défiscalisation ont des conséquences aberrantes : à La Réunion, après l'achèvement du grand chantier de la route des Tamarins, on a ainsi laissé à l'abandon des machines-outils plutôt que de permettre aux entreprises concernées de les réutiliser pour des travaux à Madagascar ou à l'Île Maurice. Il conviendrait d'assouplir ces règles : la défiscalisation pourrait contribuer à renforcer les liens entre les outre-mer et leur environnement régional, soutenir le développement des pays voisins et ainsi réduire les différentiels de compétitivité.
Avec l'espoir de vous avoir convaincu du caractère indispensable et irremplaçable des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement dans les outre-mer, je cède enfin la parole à Serge Larcher qui va vous exposer les différentes propositions d'amélioration qui permettraient d'alléger le coût budgétaire et de rendre plus pertinents encore les mécanismes en vigueur.
M. Serge Larcher, co-rapporteur. - Mes chers collègues, après la présentation par Éric Doligé des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer et de leur impact économique, il me revient de vous présenter les dix propositions du groupe de travail.
Ces propositions tendent à optimiser l'impact de l'aide fiscale par l'amélioration des dispositifs existants mais également par le recours à des dispositifs complémentaires. En tout état de cause et quelles que soient les formules retenues, le groupe de travail recommande la prudence et la progressivité dans les évolutions : les économies ultramarines sont en grande difficulté sous le double effet des contraintes structurelles qui leur sont propres et de la crise mondiale et, depuis 2009, de graves conflits sociaux éclatent sporadiquement dans les outre-mer. Encore très récemment en Nouvelle-Calédonie... Il faut mettre un terme au « nomadisme fiscal » et restaurer la confiance des investisseurs en garantissant une stabilité pluriannuelle, ainsi que l'a préconisé le Président de la République. Les outre-mer ne sont pas une variable d'ajustement budgétaire !
J'en viens aux propositions. Elles sont de deux ordres :
- pour le logement social : nous proposons la mise à l'étude d'un dispositif alternatif à la défiscalisation et, dans l'immédiat, des ajustements au dispositif actuel afin d'en assurer une plus grande efficience ;
- pour l'ensemble des secteurs, c'est-à-dire tant pour le logement social que pour le secteur productif, nous proposons des mesures destinées à assurer un meilleur encadrement et une plus grande efficience de l'aide fiscale qui doit être maintenue.
La première proposition porte sur le logement social et se décompose en cinq mesures en faveur du maintien d'un soutien massif à la construction de logements sociaux.
La première mesure est l'étude des modalités d'un prêt à taux zéro ou d'un prêt bonifié équivalent servi par la Caisse des dépôts et consignations pour le financement des différentes catégories de logement social et l'établissement d'une stratégie de substitution progressive aux aides fiscales actuelles.
Dans les réflexions menées par le Gouvernement, a été évoquée la « rebudgétisation » de l'aide fiscale en faveur de la construction de logements sociaux. Cette hypothèse n'est clairement pas crédible. Je rappelle en effet que la ligne budgétaire unique (LBU) a atteint en 2013 un peu plus de 270 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) tandis que le coût de la défiscalisation en matière de logement social atteindrait près de 500 millions d'euros en 2012. Autrement dit, la « rebudgétisation » conduirait à multiplier la LBU au moins par trois, perspective totalement irréaliste dans la période budgétaire actuelle.
Nous avons donc écarté cette hypothèse mais nous proposons l'étude d'un autre dispositif potentiellement alternatif à la défiscalisation : un prêt à taux zéro (PTZ) ou un prêt bonifié équivalent servi par la Caisse des dépôts et consignation pour le financement des différentes catégories de logement social. Ce dispositif pourrait venir se substituer - au moins en partie - aux aides fiscales actuelles et être réservé aux logements sociaux (LLS) et très sociaux (LLTS), le PLS - qui n'est pas éligible à la LBU - continuant à bénéficier uniquement de l'aide fiscale.
Les simulations transmises par l'Union sociale pour l'habitat (USH) montrent en effet l'équivalence globale d'un PTZ sur 40 ans avec l'avantage fiscal actuellement rétrocédé pour la construction de logements sociaux. Ce dispositif présente pour l'État l'intérêt d'économiser l'avantage fiscal bénéficiant aujourd'hui aux contribuables-investisseurs et, en conséquence, de réduire substantiellement le coût de la dépense fiscale : cette économie représenterait entre le quart et le tiers de la dépense actuelle.
Dans l'attente de l'éventuelle mise en place d'un PTZ pour le financement du logement social outre-mer, nous proposons la pérennisation des mécanismes actuels assortis de plusieurs adaptations.
La deuxième mesure est la pérennisation du mécanisme de financement mixte actuel combinant, dans des proportions variables, LBU et flux drainés par l'intermédiaire des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement outre-mer. La combinaison LBU/défiscalisation a permis, depuis la LODEOM de 2009 qui a massivement orienté les flux défiscalisés vers le logement social, une forte accélération de la construction de logements sociaux dans nos outre-mer, comme l'a rappelé notre collègue Éric Doligé à l'instant. Le cumul de ces deux outils permet par ailleurs de financer la réhabilitation des logements anciens et le développement de la mixité.
La troisième mesure est le maintien d'un plafonnement de 18 000 euros de l'avantage fiscal à l'impôt sur le revenu assorti de la prise en compte, pour le calcul de la base de réduction d'impôt, du taux de rétrocession réel et non plus du taux de rétrocession légal minimal, ce qui permet de restreindre le nombre d'investisseurs par projet et donc de faciliter la collecte tout en abaissant le montant des frais d'intermédiation. Cette mesure tend à contrer un des effets déstabilisateurs de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 sur la loi de finances pour 2013 déclarant inconstitutionnelle la part variable de 4 % du plafonnement qui s'ajoutait aux 18 000 euros. Cette décision a pour effet d'atomiser la collecte en multipliant le nombre d'investisseurs à réunir sur un même projet : elle renchérit les coûts de montage et d'intermédiation et condamne les gros projets à recourir aux mécanismes d'appel public à l'épargne, au-delà de 150 investisseurs.
Notre proposition, évaluée par les bailleurs sociaux, en tenant compte du taux de rétrocession réellement consenti et non plus du minimum légal pour le calcul de la base de réduction d'impôt, permet de compenser en grande partie cet effet préjudiciable de la décision du Conseil constitutionnel.
La quatrième mesure consiste en un rehaussement de 10 points du taux légal de rétrocession qui passerait de 65 à 75 %. Les acteurs publics et privés que nous avons rencontrés ont tous souligné que le taux de rétrocession minimal fixé par la loi à 65 % était systématiquement dépassé dans les faits, ceci grâce à la mise en concurrence des cabinets de défiscalisation. Le relèvement du taux légal de rétrocession présenterait deux avantages : mettre les textes en harmonie avec la réalité des pratiques et afficher la volonté d'améliorer l'efficience des dispositifs au bénéfice des organismes de logement social ultramarins, c'est-à-dire de renforcer le caractère vertueux de la défiscalisation du logement social outre-mer.
La cinquième mesure relevant de notre première proposition est enfin la réduction à deux ans de la durée de portage afin de limiter les frais de gestion et les frais de débouclage du programme. Cette proposition a été formulée par les bailleurs sociaux - tant l'Union sociale pour l'habitat (USH) au niveau national, que l'Association régionale des maîtres d'ouvrage sociaux et aménageurs (ARMOS) à La Réunion. Une telle mesure permettrait de limiter les frais de gestion du portage qui courent aujourd'hui pendant cinq ans ainsi que certains coûts liés au dénouement des opérations, les frais de mutation notamment. D'après l'USH, cette mesure permettrait une réduction de près de 60 000 euros des coûts de gestion par opération.
Ces cinq mesures visent donc à assurer le maintien d'un soutien massif à la construction de logements sociaux. À nos yeux, elles doivent s'intégrer dans un plan gouvernemental pour le logement dans les outre-mer, comprenant des objectifs précis et une visibilité sur au moins cinq ans, visibilité indispensable pour les acteurs du secteur et, plus globalement, pour le développement économique et social des outre-mer. Le logement, via le BTP, constitue en effet une puissante locomotive pour l'ensemble de l'économie.
Notre deuxième proposition consiste, pour l'ensemble des secteurs, celui du logement social comme celui de l'investissement productif, à déconnecter le plafond de 18 000 euros d'avantage fiscal du plafond général de 10 000 euros afin de restaurer les capacités de collecte de flux d'aide fiscale au soutien de l'investissement outre-mer. Il s'agit de restaurer les capacités de collecte des fonds à orienter vers l'investissement en outre-mer.
La décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2013 a supprimé, je le rappelle, la part variable du plafond de déductibilité. Elle a donc eu pour conséquence d'assécher en partie la source de la collecte : elle a modifié le profil des investisseurs en rendant le système moins attractif pour les plus fortunés. Concrètement, cette décision complique les schémas de collecte et en renchérit le coût.
Plutôt que de relever le plafond comme le propose la délégation de l'Assemblée nationale, il nous paraît beaucoup plus pertinent de déconnecter les deux plafonds. Autrement dit, un contribuable devrait pouvoir bénéficier, à côté du plafond d'avantage fiscal de 10 000 euros pour les niches « hexagonales », d'un avantage fiscal plafonné à 18 000 euros pour le soutien à l'investissement dans les outre-mer. Il faut souligner que cette mesure ne pèsera pas sur les finances publiques car la déconnexion n'a pas pour effet automatique de multiplier les projets d'investissement dans les outre-mer. Elle va en revanche faciliter le bouclage financier des projets ayant recours à l'aide fiscale à l'investissement outre-mer.
Poursuivant le même objectif de renforcement de l'efficience de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer, nous suggérons dans notre troisième proposition que soit étudiée la possibilité de relever les taux de rétrocession légaux pour l'aide fiscale en matière d'investissements productifs. Cette proposition rejoint la proposition formulée pour le logement social. Pour autant, contrairement au secteur du logement social, les taux de rétrocession en matière d'investissement productif sont moins bien connus. Nous n'avons donc pas souhaité formuler de proposition chiffrée dans l'immédiat.
Cette proposition est alternative à la recommandation de rendre obligatoire la mise en concurrence pour l'ensemble des projets afin d'obtenir de meilleurs taux de rétrocession : outre le fait que cette obligation existe déjà pour les projets réalisés par des entités détenues à plus de 50 % par des capitaux publics, elle est superflue dans le cas où l'exploitant agit pour son propre compte. Celui-ci a en effet tout intérêt à effectuer une mise en concurrence des intermédiaires. Autre inconvénient de la proposition formulée par l'Assemblée nationale : dans le cadre de la procédure d'agrément, la Direction générale des finances publiques (DGFIP) se saisit de tout élément pour retarder la délivrance des agréments. La justification d'une mise en concurrence pourrait constituer un prétexte supplémentaire.
J'en viens à notre quatrième proposition, à savoir, lorsque l'entreprise qui investit produit un résultat, de réserver le recours à l'aide fiscale au soutien de l'investissement productif outre-mer, l'année de réalisation de l'investissement, au financement de la portion du montant du projet excédant la capacité fiscale de l'entreprise à annuler son impôt sur les sociétés par réduction de l'assiette.
C'est une mesure d'encadrement de la défiscalisation. Il s'agirait de ne recourir à la défiscalisation que lorsque le montant de l'investissement excède la capacité de l'entreprise à le financer sur ses propres résultats, et pour la partie excédant cette capacité seulement. Avec cette combinaison, la mécanique d'aide fiscale rendant nécessaire une intermédiation ne s'applique plus qu'à une partie du montant de l'investissement et tient compte des résultats de l'entreprise. Ce dispositif s'inspire de celui en vigueur en Polynésie en matière de défiscalisation locale.
Ce dispositif introduit dans la législation fiscale nationale ne pourrait cependant pas s'appliquer aux entreprises des COM puisqu'elles ne sont pas assujetties à l'impôt sur les sociétés du fait de l'autonomie fiscale des collectivités. Ces entreprises continueraient donc à pouvoir recourir à la défiscalisation en vigueur pour l'intégralité du montant de l'investissement réalisé.
Nous souhaiterions que soit étudiée - c'est notre cinquième proposition -, pour le secteur de l'investissement productif et les dossiers actuellement éligibles à la procédure d'agrément, la possibilité d'instituer un mécanisme de crédit d'impôt susceptible de constituer une alternative au dispositif d'aide fiscale au soutien de l'investissement productif outre-mer, le mécanisme devant offrir les mêmes garanties de réduction des coûts d'investissement pour l'exploitant ultramarin. Ce dispositif ne s'appliquerait qu'aux grandes entreprises des DOM disposant d'un accès effectif au crédit.
La mise en place d'un crédit d'impôt, qui viendrait se substituer à l'aide fiscale à l'investissement outre-mer pour les investissements productifs, est pressentie dans le cadre des consultations lancées par le Gouvernement. Au terme de nos travaux, il apparaît que cette solution ne pourrait être acclimatée que dans des conditions très restrictives à la réalité des entreprises ultramarines :
- contrairement à l'aide fiscale à l'investissement outre-mer, le crédit d'impôt n'est pas considéré par les banques comme des quasi fonds propres et ne peut donc pas servir de levier pour obtenir des prêts ;
- le crédit d'impôt pose ainsi la question du préfinancement, les entreprises ultramarines étant caractérisées par leur sous-capitalisation ;
- si le crédit d'impôt se substituait à la défiscalisation, les frais liés au préfinancement et au montage juridique et financier du projet, pris en charge aujourd'hui par le contribuable-investisseur, seraient transférés à l'exploitant ultramarin, et naturellement répercutés sur le prix des produits commercialisés ;
- enfin, le crédit d'impôt est inapplicable dans les COM qui disposent de l'autonomie fiscale.
Ce dispositif semble ne pouvoir s'appliquer sans dommage trop important qu'à un nombre restreint de « grandes » entreprises offrant les garanties suffisantes pour accéder au crédit.
Au terme de cette première approche qui relève de nombreux inconvénients liés au crédit d'impôt conçu comme un mécanisme de substitution à la défiscalisation, nous proposons, à titre exploratoire, une étude qui concernerait le seul secteur de l'investissement productif et les dossiers sous agrément. Nous demandons que le mécanisme imaginé offre les mêmes garanties de réduction des coûts d'investissement pour l'exploitant ultramarin que le système actuel.
Notre sixième proposition consiste à élargir le champ de compétence des directions régionales des finances publiques à l'ensemble des projets d'investissement productif sous agrément d'un montant inférieur à 5 millions d'euros au lieu de 1,5 million d'euros actuellement, pour une meilleure prise en compte des priorités sectorielles territoriales et du contexte économique local, ainsi qu'une réduction des délais d'instruction.
Nos auditions nous ont permis d'appréhender les modalités du traitement par la DGFIP des dossiers qui lui sont soumis : les délais de traitement sont importants et les réalités économiques locales paraissent bien peu prises en compte. Nous proposons donc d'étendre, dans les DOM, le champ d'intervention des directions régionales des finances publiques (DRFIP) qui sont déjà compétentes pour les projets d'investissement soumis à agrément d'un montant inférieur à ce seuil.
En relevant ce seuil, nous estimons que les priorités locales de développement économique seront davantage prises en compte du fait d'une meilleure connaissance des potentiels de développement de certains secteurs ou encore du contexte régional. Autrement dit, le critère de l'intérêt économique sera apprécié de façon plus appropriée.
Dans notre septième proposition, nous demandons l'instauration, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, d'une procédure déconcentrée d'instruction des agréments semblable à celle en vigueur dans les DOM.
Alors que les DRFIP sont compétentes pour délivrer les agréments jusqu'à un certain seuil dans les DOM, il n'en est rien dans les COM et en Nouvelle-Calédonie où l'ensemble des dossiers sous agrément est instruit par la DGFIP. Cette situation n'a aucune justification et empêche d'assurer une réelle prise en compte des réalités économiques locales, notamment celles du Pacifique, les plus éloignées. Nous proposons d'appliquer dans les COM et en Nouvelle-Calédonie une procédure déconcentrée d'instruction des agréments semblable à celle en vigueur dans les DOM.
Huitième proposition : mettre en place un outil statistique de suivi de l'impact économique et budgétaire des dispositifs d'aide fiscale de soutien à l'investissement outre-mer et remise effective d'un rapport annuel au Parlement rendant compte de cet impact, de son évolution, et décrivant la déclinaison territoriale des fonds défiscalisés pour en vérifier la compatibilité avec les stratégies locales.
Comme dans bien d'autres domaines concernant les outre-mer, nos travaux nous ont permis de constater l'absence d'évaluation et de données précises sur la défiscalisation et son impact effectif. Depuis 1986 et la création des dispositifs de défiscalisation, aucun rapport n'a fait le point sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation, la problématique étant systématiquement analysée sous un prisme uniquement fiscal et budgétaire. Nous estimons donc indispensable qu'un véritable outil statistique de suivi de l'impact tant économique que budgétaire de ces dispositifs, qu'il s'agisse des dossiers sous agrément ou du plein droit, des dispositifs relatifs à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, concernant les DOM, les COM ou la Nouvelle-Calédonie, soit mis en place.
Un rapport devrait être remis au Parlement sur le sujet. Nous rappelons que le bureau des agréments produit à l'heure actuelle, à un rythme très aléatoire, un rapport comprenant des données essentiellement budgétaires, alors que la loi a prévu son annualité. Le dernier rapport a ainsi été remis en 2010 et porte sur les années 2006 à 2009. La DGFIP promet depuis des semaines un nouveau rapport qui est pour l'heure, encore et toujours, à la signature. Nous suggérons qu'à l'avenir ce rapport décrive la déclinaison territoriale des fonds défiscalisés, permettant ainsi d'en vérifier la compatibilité avec les stratégies définies localement par les collectivités territoriales.
Nous proposons en neuvième lieu que, dans les DOM, les COM et la Nouvelle-Calédonie, soit organisé un régime déclaratif d'encadrement de l'aide fiscale de plein droit de soutien à l'investissement outre-mer, assorti d'une obligation de dépôt de justificatifs permettant de faciliter les contrôles et faisant l'objet de sanctions dissuasives.
Le « plein droit » constitue aujourd'hui la principale faiblesse des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Son évaluation fait en effet défaut, tant du point de vue qualitatif que du point de vue quantitatif. Un seul exemple : Bercy est dans l'incapacité de donner une évaluation du coût du plein droit, sauf à opérer une soustraction entre le coût global des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer et le coût de la dépense fiscale liée aux investissements soumis à agrément. Pourtant, la loi prévoit une obligation déclarative pour les exploitants qui bénéficient de la défiscalisation. Cette obligation est cependant légère et peu respectée.
Afin d'assurer un meilleur encadrement du plein droit, nous proposons donc que les exploitants soient contraints de souscrire de véritables engagements et que l'obligation déclarative soit assortie, d'une part, du dépôt des justificatifs auprès des services locaux de l'État et, d'autre part, de sanctions dissuasives et de contrôles inopinés.
Cette proposition nous paraît préférable à l'abaissement des seuils d'agrément, que celui-ci soit simplifié ou pas, qui conduirait instantanément à saturer les services fiscaux instructeurs et remettrait en cause la réactivité économique qui fait tout l'intérêt des mécanismes actuels.
Enfin, notre dixième et dernière proposition vise à encadrer la profession d'intermédiaire financier en matière d'aides fiscales de soutien à l'investissement outre-mer, avec notamment la publication rapide du décret mentionné à l'article 242 septies du code général des impôts prévoyant déjà un ensemble d'obligations, dont la signature d'une charte de déontologie. Des obligations additionnelles pourraient être prescrites telles que la justification d'une garantie financière minimale délivrée par un établissement financier. Pourrait également être étudiée la création d'une profession réglementée.
La nécessité d'encadrer la profession d'intermédiaire fait aujourd'hui l'unanimité, y compris parmi les professionnels qui le réclament depuis plusieurs années. La loi de finances pour 2012 avait prévu un décret, qui n'a toujours pas été publié à ce jour, précisant notamment le contenu d'une charte de déontologie. Outre les obligations figurant aujourd'hui à l'article 242 septies (aptitude professionnelle, respect des obligations sociales et fiscales, certification annuelle des comptes...), d'autres obligations pourraient être prévues, telles que la justification d'une garantie financière minimale.
Par ailleurs, il nous paraît utile d'étudier la possibilité de créer une profession réglementée dès lors que les mécanismes en jeu ont une incidence en matière de finances publiques.
M. Joël Guerriau. - Nous venons de recevoir le rapport et je n'ai pu prendre connaissance que de son excellent avant-propos et de son sommaire. Il m'est toutefois difficile de vous dire si, dans le détail, ce document répond à l'ensemble des questions que nous nous posons. Ma première interrogation porte sur l'état des lieux des résultats de la défiscalisation. Dresser un tel bilan me paraît bien entendu essentiel pour pouvoir déterminer ensuite si la défiscalisation doit être poursuivie ou pas. Or, il me semble que beaucoup de questions restent sans réponse : il faudrait, en particulier, chiffrer avec précision les résultats concrets de la mise en oeuvre des outils de défiscalisation et le nombre de logements que ces derniers ont permis de créer. De plus, ces logement ont-il été loués, ont-ils été répartis équitablement sur l'ensemble des territoires ultra-marins ? Quels sont les niveaux de prix de l'immobilier aujourd'hui et à qui profite en fin de compte cette défiscalisation outre-mer ? Si c'est aux investisseurs, quel est leur profil et leur contribution économique ? Le rapport souligne principalement la pénurie de logements sociaux ultra-marins et en chiffre les besoins à 100 000. 1,3 milliard d'euros sont consacrés à la défiscalisation, et, dans ces conditions, on peut, par exemple, se demander s'il ne serait pas souhaitable d'allouer directement ces financements à des offices publics dont la mission serait de loger des familles en leur consentant des loyers d'un montant raisonnable. Au regard de cette interrogation sur l'allocation optimale des ressources pour parvenir aux objectifs en matière de logement social, je me demande si les propositions du rapport apportent des réponses claires. Tel est mon sentiment dont je rappelle qu'il ne se fonde que sur un examen superficiel du rapport.
M. Gérard César. - Je me félicite, pour ma part, de la qualité du rapport que j'ai pu analyser. Il faut rendre hommage à ses auteurs qui ont dressé un état des lieux sans complaisance en soulignant tout particulièrement les inconvénients de la politique de « stop and go » pour l'outre-mer. Les dix propositions qui sont formulées sont tout à fait réalistes mais je m'interroge sur les chances de les voir aboutir. Qu'en pense la « citadelle de Bercy » ? Avez-vous hiérarchisé ces propositions en fonction de leur importance et de leur urgence, avec un calendrier très précis ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - S'agissant du dispositif Girardin, on peut constater que ce dernier a dynamisé le secteur du BTP mais, en matière de logement, il faut bien reconnaître que l'adéquation aux besoins n'a pas été optimale. Si le dispositif Girardin a eu un coût élevé, il n'a cependant pas été inutile et j'observe qu'il y a moins de logements Girardin inoccupés outre-mer que de logements Scellier vides en métropole : on ne peut donc pas parler de gaspillage. Depuis 2009, un recentrage a été opéré sur le logement social. À mon sens, une des pistes les plus fécondes pour l'allocation des ressources figure dans le présent rapport : j'ai fait expertiser l'hypothèse d'un mécanisme de prêt à taux zéro ou bonifié se substituant à la défiscalisation et j'en conclus que cette option peut fonctionner de manière efficace. Même s'il rencontre des limites, le prêt à taux zéro est une mécanique qui fonctionne et qui présente l'avantage d'être pérenne. Il faut cependant agir de façon progressive et non pas en mettant brutalement un terme à la défiscalisation, ce qui pourrait porter un coup fatal au secteur du BTP qui est déjà fragilisé. En second lieu, j'ai acquis la certitude que pour le logement, les sociétés d'économie mixte et les organismes d'HLM ont une structure financière suffisamment solide pour remplir leur rôle. En revanche, sur ces territoires, les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) n'ont pas assez de fonds propres pour qu'un dispositif de crédit d'impôt puisse fonctionner efficacement. Il convient également de moraliser le fonctionnement des cabinets qui ont une utilité non seulement pour collecter des fonds mais aussi pour mettre au point les schémas de financement en apportant un soutien technique aux PME dans ce domaine. Bercy semblait souhaiter anéantir le dispositif en ne prenant pas les textes réglementaires adéquats. Nous avons demandé à l'État un bilan précis mais nous n'avons pas pu l'obtenir. Notre rapport apporte des pistes d'amélioration de la pertinence globale du système en moralisant la défiscalisation là où elle demeure nécessaire et en suggérant des solutions alternatives dans les cas où elle ne paraît pas indispensable sous sa forme actuelle.
M. Serge Larcher. - Les mécanismes existants sont complexes et nous souhaitons clarifier et moraliser la situation pour la rendre plus efficace.
M. Georges Patient. - Je rebondis sur les propos précédents pour souligner que certaines propositions du rapport sont excellentes mais que d'autres me paraissent en retrait par rapport aux mécanismes actuels, qui ont fait leurs preuves, et surtout par rapport aux engagements du Président de la République qui prévoyaient le maintien de la défiscalisation pour lutter contre la crise grave qui sévit outre-mer. Le plafonnement de l'avantage fiscal à 18 000 euros me semble devoir être augmenté et non stabilisé. Par ailleurs, je note que le rapport n'évoque pas la notion de plein droit et ne fait pas de suggestions dans ce domaine. Enfin, le crédit d'impôt pour les grandes entreprises me paraît appeler une définition plus précise de ces dernières compte tenu des particularités de l'outre-mer.
M. Michel Bécot. - J'ajoute une remarque sur la dixième proposition relative aux intermédiaires : quel est son but précis et comment évaluer ses conséquences?
M. Ladislas Poniatowski. - Cette proposition ne semble pas innocente.... Dans l'ensemble, j'estime que le groupe de travail aboutit, dans ce rapport, à un très bon résultat. Les anomalies du passé sont bien connues et identifiées. Certains investisseurs ont certes tiré profit des dispositifs de défiscalisation mais les territoires ont également bénéficié de retombées positives, comme le précise le rapport. Celui de la Cour des comptes a fait un diagnostic sévère qu'il faut prendre en compte. Par ailleurs, la contrainte européenne s'impose à la France, la Commission de Bruxelles s'étant alarmée du scandale économique intervenu dans le secteur des énergies renouvelable, le tiers des crédits ayant été allouées à une seule entreprise industrielle. Vos propositions ne sont pas révolutionnaires mais elles sont astucieuses et l'accent mis sur le logement social est particulièrement opportun, même si les besoins de ces territoires ne se limitent pas au logement social. Nous devons continuer à aider l'outre-mer mais je signale qu'à mon sens, une ou deux de vos propositions peuvent susciter des objections de la part de Bruxelles.
M. Éric Doligé. - Nous sommes bien conscients de ces réalités et de ces contraintes. Il semble évident que Bercy souhaite supprimer la défiscalisation, sans même disposer de données permettant d'évaluer leur efficacité. La bulle fiscale relative à l'énergie a éclaté, en partie parce que les textes réglementaires d'application ont fait défaut et alors même que les besoins énergétiques sont réels. Le rapport insiste sur la nécessité de relancer les efforts en matière de stockage d'énergie. Par ailleurs, nous risquons effectivement de nous heurter aux objections de l'Union européenne alors même que les outre-mer sont confrontés à une crise majeure avec un taux de chômage moyen de l'ordre de 25 % et qui atteint 60% chez les jeunes. Je souhaite cependant rassurer Georges Patient sur un point précis : nous ne faisons pas machine arrière en matière de « plein droit » ; notre but est de clarifier le dispositif. En outre, l'aménagement d'un crédit d'impôt dans des hypothèses limitées ne concernant pas les TPE-PME peut générer des économies et permettre de sauver l'essentiel du dispositif de défiscalisation. Je fais également observer que ce rapport, remis dans des délais particulièrement brefs, apporte des réponses à de nombreuses interrogations sur la nature des investissements, le profil des investisseurs entre autres. Je précise également que le rétrécissement du spectre de la collecte risque de susciter d'importantes difficultés. Je conclus en soulignant qu'il nous faut avant tout parer à l'éventualité d'une explosion sociale sur ces territoires aux situations très dégradées.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, présidente du groupe de travail. - La jurisprudence européenne permet de mettre en place des mesures, notamment des aides fiscales, pour compenser des handicaps structurels. C'est bien le cas des territoires ultra-marins dont les marchés sont particulièrement étroits. Je précise par ailleurs, concernant l'hypothèse du crédit d'impôt, que nous n'avons pas eu le temps de définir précisément les grandes entreprises concernées, mais cette procédure ne concernerait que les dossiers actuellement soumis à agrément présentés par des entreprises disposant d'une surface financière leur donnant accès au crédit. S'agissant des projets relevant du plein droit, la déclaration serait doublée du dépôt de justificatifs permettant d'éventuels contrôles ultérieurs. Les services déconcentrés de l'État doivent pouvoir traiter davantage de dossiers d'agrément pour un meilleur respect de l'intérêt économique local.
M. Jacques Cornano. - Il est indispensable de prendre en compte le caractère archipélagique de certains territoires en outre-mer. C'est une notion que le ministère des finances maîtrise mal et sa non prise en compte a poussé Saint-Martin et Saint-Barthélemy à se détacher de la Guadeloupe. Les aides fiscales doivent être mises au service des mutations économiques, notamment dans le domaine des énergies renouvelables où l'outre-mer peut servir de modèle.
M. Serge Larcher, co-rapporteur. - Nos propositions peuvent paraître timorées à certains, mais elles prennent en compte une réalité de crise, ainsi que la volonté de Bercy de supprimer la défiscalisation pour les investissements en outre-mer. Nous cherchons donc à rester crédibles même si nous aurions souhaité aller plus loin, notamment sur le plafonnement de réduction d'impôt. Il faut déjà sauver le dispositif existant et faire comprendre que les outre-mer ont besoin de continuité et de stabilité fiscale pour restaurer la confiance des investisseurs.
M. Daniel Raoul, président. - Je remercie la présidente et les rapporteurs pour le travail accompli qui contient une mine d'informations et je me félicite de la démarche commune avec la délégation à l'outre-mer, démarche qui permet à un groupe restreint de défricher des sujets épineux en évitant le recours à des formules institutionnelles plus lourdes.
Puis la commission et la délégation autorisent, à l'unanimité des présents, la publication du rapport du groupe de travail sur l'impact de la défiscalisation en outre-mer.