- Mardi 5 novembre 2013
- Mercredi 6 novembre 2013
- Mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national - Examen du rapport et du texte de la commission
- Loi de finances pour 2014 - Examen du rapport pour avis sur les crédits « Recherche en matière de développement durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur »
Mardi 5 novembre 2013
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Loi de finances pour 2014 - Audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les crédits de la mission « Politique des territoires »
M. Raymond Vall, président. - L'an dernier, madame la ministre, vous étiez venue présenter un budget de transition. Vous nous expliquerez comment vous avez tracé cette année les grandes lignes d'un budget qui porte davantage votre empreinte, même s'il est élaboré sous des contraintes financières sévères. Vous nous direz un mot des dépenses fiscales liées à l'aménagement du territoire, au titre des zones de revitalisation rurale (ZRR), notamment, dont le résultat n'est pas toujours à la hauteur des attentes. Vous nous parlerez de l'avenir des contrats Etat-régions. Pour ma part, je voudrais insister sur les transferts de fonds du pilier 1 au pilier 2 et l'espoir des départements ruraux de voir s'établir un équilibre au bon niveau entre les dépenses agricoles et non agricoles, sur le souhait exprimé par plusieurs structures, notamment l'association des départements de France, que soient rendus à ce sujet les arbitrages les plus justes possibles. Notre rapporteur pour avis, Rémy Pointereau, et mes collègues solliciteront sans doute votre éclairage sur de nombreux autres points.
Madame Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. - La question de l'égalité des territoires est un sujet prégnant aujourd'hui. Les inégalités entre régions se sont résorbées au fil du temps ; on constate en revanche une augmentation des inégalités infrarégionales. Cela doit nous conduire à tisser une politique fondée sur des relations renouvelées entre l'Etat et les collectivités locales, trente ans après le début de la décentralisation. Ce projet sera bientôt incarné par un nouvel outil à la main de l'Etat, mais aussi ouvert aux territoires et à leurs élus, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) dont la création a été décidée à l'été 2013. Comme vous l'ont indiqué récemment le préfigurateur du CGET, Eric Delzant, et Raphaël Le Méhauté, le commissariat sera mis en place à la fin du premier trimestre 2014. Je crois beaucoup à l'enrichissement mutuel des trois structures qui le composent : le Secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV), l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Il convient de saisir l'opportunité de cette nouvelle organisation pour renouveler notre appréhension de la politique d'égalité des territoires.
L'un des objectifs majeurs portés par le CGET est l'accessibilité des services au public. Il s'agit d'un objectif complexe à atteindre mais impératif. En effet, la disparition des services publics en milieu rural engendre, au-delà du déficit d'usage, un sentiment d'abandon et d'injustice. Ma détermination sur le sujet est entière. Il y faut une vraie vision interministérielle, transversale : les réflexions « en silo », ministère par ministère, ont conduit à des meurtrissures indélébiles sur les territoires. Pour y remédier, j'ai lancé un travail avec tous les ministères de tutelle concernés. Nous avons également signé une convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF qui inclut des obligations de présence territoriale. Les maisons de services au public sont de mon point de vue un outil remarquable de reconquête de la présence des services publics sur les territoires. Je vous confirme que l'Etat assurera son rôle de soutien : d'ici 2017, 1 000 maisons de services au public - contre 320 aujourd'hui - seront financées de façon pérenne, l'Etat et ses opérateurs intervenant en complément des collectivités. Douze millions d'euros y seront consacrés en 2014 afin d'amorcer la montée en charge. Un fonds sera créé en 2014, doté à terme de 35 millions d'euros par an, pour financer 50 % des coûts de fonctionnement du réseau. J'ai réuni hier les dirigeants des grands opérateurs de services pour les mobiliser sur le sujet. Ils doivent travailler en commun, ce qui exige un changement d'état d'esprit.
Dans cette logique, nous allons anticiper, avec les départements et les conseils généraux qui le souhaiteront, la mise en oeuvre des schémas départementaux d'accessibilité des services au public, prévus dans le deuxième volet de la loi de décentralisation, afin de repenser le maillage des territoires. Nous mènerons ainsi une expérimentation législative originale : nous testons la disposition prévue avant son vote, de manière à pouvoir améliorer le texte final.
Au-delà de l'accueil du public, un autre enjeu est celui de la reconstruction de l'image des territoires - je l'ai bien compris lors de mon tour de France des territoires. Cela passe notamment par des lieux bien identifiés, sur lesquels figurent les logos de l'ensemble des opérateurs présents. La vue de bâtiments vides, sur la façade desquels demeure la trace d'enseignes démontées, France Télécom, la Poste ou autres, suscite inévitablement le sentiment d'un délaissement. En outre, les élus locaux se démènent pour compenser le départ des services publics, mais ne parviennent pas à suivre le rythme : à peine l'ouverture d'une médiathèque est-elle annoncée en réaction à la fermeture d'un tribunal d'instance, que l'on apprend la suppression de la sous-préfecture. Désespérant !
De façon plus générale, nous devons agir pour redynamiser les territoires ruraux et périurbains. En ma qualité de ministre de l'égalité des territoires, je considère que la France ne peut se réduire à quelques métropoles locomotives entourées de terrains de relégation ou récréatifs, qui n'auraient pas vocation à s'appuyer sur leur propres capacités de développement. Bien au contraire, les espaces ruraux sont des laboratoires d'expérimentation et d'innovation dont la France ne peut se priver. Les pôles d'excellence rurale (PER) en constituent une excellente illustration. Le gouvernement tiendra les engagements qu'il a pris. A ce jour, 114 millions d'euros ont été engagés sur les 150 de 2013. En 2014, les crédits de paiement nécessaires pour financer tous les projets sont prévus.
Le gouvernement a également pris la mesure des enjeux liés au dépérissement du centre des bourgs ruraux. Le Premier ministre présentera un programme spécifique assorti de financements, pour répondre aux problèmes nés des déprises de terrains en centre-ville, tandis que les constructions s'étendent en périphérie - évolutions territoriales difficiles à gérer pour les élus locaux. La solidarité nationale doit s'exprimer par des dotations d'Etat.
Sur le plan économique, il convient d'initier un cercle vertueux de création d'emplois et de valeur. Nous maintiendrons la prime d'aménagement du territoire à son niveau actuel - soit 40 millions d'euros par an - en veillant à recentrer son utilisation en faveur des territoires les plus en difficulté et les PME, en cohérence avec les nouvelles règles européennes de zonage des aides à finalité régionale. Les pôles de compétitivité, qui ont fait leurs preuves, continueront également d'être soutenus, à hauteur de 4 millions d'euros, par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) en 2014. Ils devront prendre en compte les enjeux de la transition énergétique et écologique et renforcer leur impact territorial.
Le soutien au secteur de l'économie sociale et solidaire constitue un autre volet de notre action en faveur du développement économique. L'ancrage territorial de ce secteur est solide, ses activités ne sont pas délocalisables. Ce constat nous a amenés, Benoît Hamon et moi-même, à élaborer un appel à projets pour des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), doté de 3 millions d'euros, destiné à soutenir une quinzaine de projets en 2014. Ce montant peut sembler modeste mais il ne faut pas négliger l'effet de levier très important de l'aide de l'Etat.
Vous m'interrogez sur les contrats de plan Etat-régions. La contractualisation, renouvelée tant sur le fond que sur la méthode, est une priorité. L'année 2014 sera une année de transition afin de porter le taux d'exécution des contrats à 90 % : 118 millions d'euros seront engagés pour atteindre cet objectif. Le Premier ministre précisera bientôt aux préfets de région et aux présidents de conseils régionaux les contours de la nouvelle contractualisation, qui devra prendre en compte tant la nouvelle orientation des fonds européens que la transition énergétique et écologique, et s'articuler avec le programme des investissements d'avenir. Sur ce dernier sujet, mon ministère disposera de crédits de 420 millions d'euros, dont 75 millions pour soutenir les territoires à énergie positive et 10 millions pour un appel à projets sur les territoires numériques.
La nouvelle génération de contrats Etat-régions comprendra un volet territorial : il s'agit de définir, sur un territoire donné, des priorités partagées entre les différents niveaux de collectivités. Ainsi, les territoires qui souhaitent avancer rapidement sur l'accessibilité des services au public pourront le faire sans attendre le vote du deuxième projet de loi de décentralisation.
Nous avons l'impérieuse responsabilité de démontrer que tout n'est pas joué, que nous pouvons faire évoluer les politiques, que l'égalité des territoires peut progresser. J'entends décloisonner les actions des différents opérateurs. L'aménagement du territoire, sur le moyen et le long terme, doit viser à réparer les territoires meurtris et mettre fin aux inégalités infrarégionales. Ensemble, les différentes collectivités et l'Etat doivent mener une politique partagée, à la hauteur de l'enjeu, qui touche à l'essence du pacte républicain.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Politique des territoires ». - Madame la ministre, l'an passé, vous annonciez vouloir rompre avec l'action du précédent gouvernement, dénuée selon vous de vision d'ensemble et du souci de la justice territoriale. Vous fustigiez un abandon des territoires. Je m'interroge aujourd'hui : où est la rupture attendue ? Où sont les nouveaux dispositifs ? Je ne vois aucune nouveauté dans les annonces que vous avez faites. Vous aviez critiqué devant la commission les pôles de compétitivité, or vous indiquez qu'ils sont à l'origine de nombreux projets. Il s'agissait donc d'une excellente mesure, tout comme la création des pôles d'excellence rurale sans doute, puisque vous annoncez que vous irez jusqu'au bout du deuxième appel à projets ! Ces pôles font travailler ensemble élus et société civile. C'est une très bonne chose, car il ne faut pas tout attendre de l'Etat lorsqu'un territoire va mal.
Vous avez évoqué la création du CGET, qui a tout l'air d'une simple mesure sémantique. M. Wahl a travaillé sur le sujet, est-il possible de connaître ses conclusions et ce que vous en retenez ? Vous avez vous-même nommé une commission de réflexion sur l'égalité des territoires en France : 32 experts ont travaillé dans ce cadre sur la notion de justice territoriale sous l'égide de l'économiste Eloi Laurent. Quels bénéfices concrets en a-t-on tiré ?
Votre budget ne comporte aucun dispositif tourné vers l'avenir, susceptible de changer le cours des choses, sur les trois sujets essentiels que sont, pour nos concitoyens, la santé, le transport, le numérique. En ce qui concerne la santé, vous allez, je suppose, vous borner à poursuivre la politique d'ouverture des maisons de santé pluridisciplinaires. En matière de transport, comme ma soeur Anne à sa tour, je ne vois rien venir. Vous avez mis un terme aux projets de lignes de trains à grande vitesse et de nouvelles voies routières. Vous êtes ambitieuse en paroles sur le numérique mais la réalité est bien différente. Dans mon département, le Cher, l'accès au numérique est loin d'être généralisé et je ne parle même pas de très haut débit.
Enfin, j'aurais souhaité connaître votre position sur les changements intervenus en juillet dernier dans le zonage des communes en ZRR. Pourquoi la modification, qui a entraîné beaucoup de sorties et d'entrées de communes dans les périmètres, a-t-elle été réalisée sans que les parlementaires aient seulement été réunis pour en discuter ?
J'attends en vain le retour que vous avez annoncé de l'Etat stratège. Je constate que le gouvernement cherche à masquer son inaction par la création de structures et commissions.
M. Michel Teston. - Je ne partage pas les préventions de notre rapporteur pour avis sur la réforme des critères de zonage des ZRR. Ces critères, définis par la loi de développement des territoires ruraux de 2005, ont montré leurs limites l'été dernier. C'est que jusqu'alors, l'Etat se bornait à reprendre les mêmes listes année après année. En 2013, le gouvernement a logiquement souhaité prendre en compte les résultats des derniers recensements. L'arrêté a été publié. Il est alors apparu que les critères de 2005 n'étaient plus adaptés. Cela a conduit le gouvernement à prendre un second arrêté pour réintégrer dans les ZRR des communes qui n'auraient pas dû en être exclues. Il convient aujourd'hui de définir les critères les plus justes possibles. La seule question qui se pose concerne la méthode : doit-on agir immédiatement, dans la concertation, ou est-il préférable d'attendre les résultats de la mission qui vient d'être mise en place sur le sujet à l'Assemblée nationale ? Je souhaiterais connaître votre position.
M. Yves Rome. - A la différence de Rémy Pointereau, je me félicite de la mise en place du CGET. En ma qualité de président du conseil général de l'Oise, je voudrais dire quelques mots de l'accessibilité des services au public. Nous avons dans le département mis en place une politique très proche de celle que décrit Madame la ministre, alors que le service public a fait l'objet d'attaques lourdes dans la période antérieure, visant à le détruire en totalité. Le département apparaît comme le niveau adéquat pour mettre en oeuvre ces politiques. Rejoignant par anticipation les préoccupations du gouvernement actuel, nous avons souhaité créer des maisons du conseil général. Tout ce que nous avons obtenu de l'Etat, avant le changement de 2012, c'est la labellisation d'une première puis d'une deuxième maison de services publics. La deuxième loi de décentralisation étant une perspective encore lointaine, nous souhaiterions que le gouvernement prenne une initiative afin de favoriser, en amont, les expérimentations destinées à reconfigurer les services offerts au public sur les territoires départementaux. Si une telle expérimentation était autorisée, mon département se porterait naturellement candidat. L'Etat doit jouer un rôle non pas de censeur tatillon mais de facilitateur des projets portés par les collectivités territoriales.
C'est bien ce rôle, quoi qu'en dise le rapporteur pour avis, que l'Etat assure dans le domaine du numérique. Des fonds sont disponibles pour les collectivités qui en font la demande, quelle que soit leur couleur politique. Ils ont doublé depuis le changement de gouvernement. La Manche, le Calvados ont, tout comme l'Oise, bénéficié du soutien de l'Etat.
Le gouvernement a confié à Claudy Lebreton un rapport sur les usages du numérique. Le numérique est un outil puissant pour améliorer le service rendu au public. Or l'Etat seul ne peut rien et les collectivités locales traversent des difficultés. Nous sommes ouverts à une collaboration fructueuse !
M. Gérard Cornu. - Madame la ministre, il ne suffit pas de parler d'égalité des territoires. Pour la réaliser, il faut agir. Cela nécessite un budget. Je m'étonne de la diminution très forte des sommes allouées à l'action 2, « développement solidaire et équilibré des territoires », qui passent de 133 à 110 millions d'euros. Cette ligne budgétaire sert à financer les actions en faveur de l'égalité d'accès des usagers aux services publics, notamment dans les zones rurales. Comment justifiez-vous cette baisse alors qu'il s'agit là d'une priorité reconnue de tous ?
M. Hervé Maurey. - Le président Vall a souligné que vous aviez présenté l'an dernier un budget de transition. En fonction depuis dix-huit mois, vous portez la responsabilité pleine et entière du budget que vous présentez cette année. Or les crédits sont en forte baisse, de 6,8 % sur les autorisations d'engagement, et de 8 % sur les crédits de paiement. D'un point de vue qualitatif, sauf à chausser les lunettes roses du président du conseil général de l'Oise, l'égalité des territoires ne progresse pas. Dans mon département, ni la couverture en téléphonie mobile ni celle de l'internet haut débit ne se sont améliorées. Quant à la situation en matière de démographie médicale, elle continuera d'empirer si un gouvernement courageux ne s'y attelle pas. L'inégalité des territoires va progresser avec la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.
Finalement, votre mesure phare est la création du CGET. En quoi est-il une amélioration par rapport à l'ancienne Datar ? Et cette création mise à part, où est le changement ? Vous avez évoqué la présence des services publics en milieu rural mais avez oublié de dire qu'il s'agit de la généralisation d'une expérimentation menée par le précédent gouvernement. Je serais heureux de pouvoir célébrer le retour de l'Etat stratège ; malheureusement, ce n'est pas le cas et je ne peux que déplorer la progression des inégalités.
Mme Hélène Masson-Maret. - Madame la ministre, vous avez utilisé à plusieurs reprises dans vos propos le mot « rural », qui renvoie immanquablement à l'agriculture. Mais votre budget 2013 saignait l'agriculture et le budget 2014 continue sur la même ligne. Ma première question est : jusqu'où comptez-vous aller dans la baisse des crédits en faveur de l'agriculture, devenue le parent pauvre du budget ?
M. Raymond Vall, président. - Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.
Mme Hélène Masson-Maret. - C'est un aspect de l'égalité des territoires. Ma seconde question a trait à la montagne. En 2010, le ministre Bruno Le Maire a demandé un bilan de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Ce rapport, sur lequel ont travaillé trois inspections générales et deux conseils généraux, a été très critiqué par les élus de la montagne - et par le ministre lui-même. Qu'envisagez-vous pour la montagne ? Avez-vous demandé un nouveau rapport ?
M. Charles Revet. - Lors de l'examen de la loi sur la modernisation de l'agriculture et de la pêche, j'avais fait voter un amendement prescrivant d'établir un schéma le long du littoral, à l'initiative des préfets, de manière à faire ressortir les zones à protéger, les zones de développement économique, les zones d'affectation future. Nous devions disposer d'un rapport sur ce sujet un an plus tard. Où en est-on ?
J'ai reçu dimanche soir une question de l'un de mes administrés au sujet de la taxe d'aménagement, qui lui est réclamée depuis qu'il a déposé un permis de construire. J'aimerais connaître l'usage de cette taxe.
Mme Cécile Duflot, ministre. - La taxe d'aménagement est une taxe locale. Ce n'est pas une taxe d'Etat.
M. Charles Revet. - Est-elle réellement affectée à l'aménagement du territoire ? J'ajoute que notre collègue Michel Houel vous a fait parvenir une question sur les conséquences de la réaffectation du patrimoine agricole : il n'a reçu aucune réponse.
M. Ronan Dantec. - Ce débat est très politisé ! Je vais rester dans cette tonalité. En 2011, j'avais, dans mon rapport sur ce budget, mis en évidence la baisse sensible des crédits de la Datar sous la présidence Sarkozy, comme le nombre limité de réunions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) ou la baisse des moyens humains à la Datar. Les outils de la politique d'aménagement du territoire étaient en déshérence. La création du CGET est donc une nécessité. Je regrette la baisse des crédits de l'aménagement du territoire, comme de ceux affectés aux infrastructures ferroviaires. Mais sommes-nous tous d'accord pour renforcer l'écotaxe qui doit financer ces politiques ? L'enjeu majeur est de définir une doctrine d'intervention de l'Etat. C'est au moins un point qui fait consensus entre nous. Le monde a changé depuis les années cinquante. L'émergence du fait urbain a abouti à la loi métropoles. Pour éviter qu'au-delà de ces grandes aires urbaines, le territoire devienne un désert, il faut créer de nouvelles coopérations entre les territoires. Le CGET a cette vocation, de favoriser le dialogue entre territoires complémentaires. Toute la stratégie relative aux infrastructures doit aussi être redéfinie. Les contrats de plan pourront encourager le dialogue, car les élus locaux ont souvent quelque difficulté à travailler ensemble.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Si je résume le propos du rapporteur, nous faisons comme avant, mais nous faisons mal quand même.
Sur les PER, oui, nous avons décidé d'assumer les décisions de nos prédécesseurs. Le système était cependant fragile car il avait pour effet de mettre en concurrence les territoires. Pour pallier les insuffisances des pôles de compétitivité, nous les avons également recentrés sur les PME et cherchons à mieux irriguer les territoires. Nulle rupture brutale sur les PER qui fragiliserait les acteurs engagés, mais une réorientation, d'où le plan de soutien aux pôles territoriaux de coopération économique, qui privilégient la robustesse territoriale plutôt qu'une logique d'excellence.
L'une des conclusions de la commission Wahl était la mise en place du CGET. L'autre était la nécessité de revoir les modes d'intervention prospectifs de la Datar, intéressants, mais trop déconnectés des travaux effectués par les régions. Le lien avec les élus locaux est donc bien au coeur de la création du CGET. Nous ne créons pas une structure supplémentaire, nous en fusionnons trois.
La mission confiée à Eloi Laurent a eu un bénéfice concret : la définition de ce que pourrait être une vraie politique d'égalité des territoires. La vision très dirigiste et étatiste des années soixante et soixante-dix n'était guère compatible avec la décentralisation : il en est résulté une décennie blanche, après laquelle ont émergé des dispositifs tels que les pôles de compétitivité, qui hélas n'ont pas résolu les inégalités territoriales.
En dix-huit mois, on ne résout pas des années de difficultés. Mais la logique de l'intervention de l'État a été inversée : appuyer les collectivités et les territoires, plutôt que se concentrer sur quatre ou cinq points et considérer que, vaille que vaille, le reste suivra. L'inversion est visible dans les outils, par exemple dans le domaine médical, où le gouvernement a fait le choix de soutenir les dispositifs existants tout en créant des incitations à l'installation des jeunes médecins.
Nous le savons tous, il est facile, notamment sur ces questions-là, d'afficher des crédits budgétaires importants, puis de procéder à des annulations en fin de gestion ; c'est ce qui a eu lieu en 2012. Par rapport à l'exécution de 2012, ce budget est en augmentation, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.
Il n'y aurait pas de dispositif tourné vers l'avenir ? À propos du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), je suis allée, avec d'autres membres du gouvernement, à la rencontre des élus locaux. Ils y ont cru. Pourtant ce schéma a été élaboré, exactement comme le Grand Paris express, en faisant plaisir à tout le monde, mais sans financement. Le financement des gares du grand métro a été oublié ; les infrastructures ferroviaires prévues représentent dix fois les capacités annuelles d'investissement. C'est trop facile !
Nous avons fait le choix, différent, de prendre des engagements qui seraient tenus. C'est le cas de la rénovation du réseau secondaire, dont l'état mettait en péril la desserte de certains territoires. C'est le cas en matière de santé ou de numérique, où le plan prévoit un investissement de vingt milliards d'euros sur dix ans : un tiers pour les zones denses, financé exclusivement par les opérateurs, un tiers pour des zones moins denses, cofinancé par les opérateurs et les collectivités et un tiers pour les zones les moins denses, avec la participation de l'État à 50 % ou au-delà. Le guichet est ouvert, et des collectivités de toutes tendances y ont déjà recours.
La création du CGET est prévue pour mars 2014, au terme d'un travail avec les élus et les personnels des trois structures concernées, mené par la mission de préfiguration créée, comme prévu, en septembre 2013. Tout se déroule normalement.
Le budget des maisons de santé varie par rapport à 2013 parce que le relais est pris sur les territoires isolés par le Pacte territoires santé du ministère de la santé. Par ailleurs plus de 2,5 millions d'autorisations d'engagement ont été inscrits sur les services au public, à quoi s'ajoute la création d'un fonds pour les maisons de services auquel contribueront les opérateurs. Les moyens augmentent : nous avons financé cinquante maisons de santé de plus que prévu initialement.
Sur les questions agricoles, je ne peux répondre à la place de mon collègue ministre de l'agriculture mais chacun s'accorde à reconnaître que la renégociation du budget de l'Union européenne, et notamment la place que la PAC y occupe, a été satisfaisante. La France a défendu un niveau d'intervention ; simplement, des priorités ont été décidées, en faveur des petites exploitations et de l'emploi agricole. Je ne connais pas le rapport sur la montagne auquel Mme Masson-Maret fait référence...
Mme Hélène Masson-Maret. - Le voici !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je vous remercie. L'objectif est bien que dans la contractualisation, la spécificité des zones de montagne soit prise en compte, comme cela a été le cas, soit dit en passant, dans le projet de loi Alur.
La taxe d'aménagement, qui a remplacé en 2012 la taxe locale d'équipement et qui s'applique lors de toute déclaration préalable de travaux ou demande de permis de construire, est composée de trois parts - régionale, départementale et communale - sur lesquelles l'État n'a pas de prise.
Les CPER comprendront des volets territoriaux qui associeront tous les niveaux de collectivités. La vision stratégique inclura la dimension de transition énergétique. Les modalités d'élaboration montreront bien qu'il ne s'agit pas d'une simple addition de cofinancements.
Personne n'avait osé appliquer la loi sur les ZRR ; nous l'avons fait, après une concertation avec les associations d'élus locaux, qui ont toutes donné un avis favorable sur l'application réelle des critères. Mais les résultats, en l'absence d'une étude sur les effets locaux, ont parfois été dommageables. Le zonage est brutal et ne permet pas d'entrer ou de sortir progressivement du dispositif. Le Premier ministre a donc décidé de revenir au périmètre existant, en attendant une revue générale de ces questions, actuellement en cours. À propos du zonage, tout le monde est d'accord a priori pour éviter la dispersion et centrer les mesures sur ceux qui en ont le plus besoin ; la traduction pratique est toujours plus délicate. La chose est classique : tout le monde est d'accord sur le bonus, personne sur le malus. Nous devons en outre respecter les obligations européennes afin que les aides ne soient pas contestées. Reporter d'année en année l'application de la loi était sans doute confortable mais cela mettait la France complètement en dehors des clous.
M. Charles Revet. - Il faudrait malgré tout associer la commission, qui avait déjà débattu de la difficulté de sortir du dispositif des ZRR.
M. Yves Rome. - Je me félicite de la négociation de nouveaux CPER. J'espère que le Premier ministre précisera qu'une concertation devra être opérée avec les conseils généraux. C'est indispensable.
Mme Cécile Duflot, ministre. - En Corrèze, les communes qui sortaient des ZRR étaient celles du canton de Tulle : il n'y avait donc pas de manoeuvre cachée.
Les schémas de cohérence territoriale (Scot), qui n'existaient pas quand la loi littoral fut adoptée, répondent largement au souhait de M. Revet. Reste à homogénéiser les avis rendus par l'administration, dont la ligne varie d'un département à l'autre. Nous y travaillons.
M. Raymond Vall, président. - Une de nos récentes satisfactions est d'avoir introduit l'espace rural dans la loi métropoles, à travers les pôles territoriaux de solidarité et d'aménagement. Ils sont le bébé de cette commission !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Félicitations !
M. Raymond Vall, président. - Sur les maisons de services publics, je suis d'accord avec vous : si vous pouvez y apposer le logo de l'État et le logo du conseil général, la population aura le sentiment d'une renaissance. Vous avez raison d'être ambitieuse ; au début, seul l'État a accepté d'être partenaire de ces maisons, et souvent faiblement : 10 000 euros pour une commune de 20 000 habitants. Par ailleurs, les frais de fonctionnement étant lourds, il convient de traiter de façon différente les territoires très démunis et ceux qui le sont moins.
Questions diverses
M. Raymond Vall, président. - L'auteur de la proposition de loi que nous examinons demain matin ainsi que la présidente de la mission commune d'information qui a travaillé l'année dernière sur la question des pesticides, auteur de plusieurs amendements à la proposition de loi, m'ont fait part de leur souhait de venir les défendre devant la commission.
L'article 18 du règlement du Sénat dispose que les auteurs de propositions de loi, de résolution ou d'amendements, non membres de la commission, sont entendus sur décision de celle-ci. Etes-vous favorables à la demande formulée par nos deux collègues ?
La demande recueille l'assentiment général.
Mercredi 6 novembre 2013
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Raymond Vall, président. - Nous examinons le rapport de Ronan Dantec sur la proposition de loi de Joël Labbé et les membres du groupe écologiste visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, qui sera examinée le 19 novembre en séance publique dans l'espace réservé au groupe écologiste.
Je voudrais saluer la présence parmi nous de Joël Labbé, auteur de la proposition de loi, et de Sophie Primas, qui a présidé la mission commune d'information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur l'environnement, dont le rapport final, présenté par Nicole Bonnefoy, préconisait notamment les dispositions incluses dans la proposition de loi.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Cette proposition de loi est un texte court, circonscrit à la problématique très spécifique de l'usage des pesticides en milieu non agricole. Ce texte a été élaboré selon une méthode originale. Il a été soumis à une large consultation sur Internet durant plusieurs mois, dans le cadre de l'initiative « Parlement et citoyens », conformément au principe constitutionnel de participation du public.
La proposition de loi vise à interdire progressivement l'utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques et les particuliers. Cette interdiction s'inscrit dans un mouvement engagé de longue date pour limiter l'usage non agricole des pesticides. La volonté du Gouvernement est forte sur le sujet : le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a ainsi affirmé lors de la dernière conférence environnementale qu'il convient d'aller vers la suppression des produits phytosanitaires en ville. Le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, est également très impliqué sur cette question, notamment au titre des travaux qu'il a menés sur la pollution des eaux, et dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Ecophyto, qui prévoit une réduction et une sécurisation de l'usage des pesticides en zone non agricole.
Le Sénat s'est saisi de la question des enjeux sanitaires des pesticides, l'année dernière, dans le cadre de la mission commune d'information présidée par Sophie Primas, dont Joël Labbé était membre, et sur le rapport de Nicole Bonnefoy. Là encore, les conclusions concernant l'usage non agricole de ces produits sont sans appel. La mission a recommandé l'interdiction de la vente de phytosanitaires aux particuliers en grandes surfaces alimentaires, afin de privilégier les circuits fermés où le client a accès à un conseiller de vente formé à cet effet. Elle a également préconisé d'interdire, à terme, la vente de pesticides aux particuliers, à l'exception de ceux autorisés en agriculture biologique. La réflexion sur l'encadrement des usages non agricoles des produits phytosanitaires est donc mûre. Cette proposition de loi arrive au bon moment.
Sur le terrain, de très nombreuses initiatives ont été lancées. Beaucoup de collectivités se sont engagées sur la voie du zéro phyto. Je pourrais citer la ville de Nantes, dont j'ai été l'adjoint à l'écologie pendant dix ans, et qui en 2001 avait recommencé à utiliser des produits phytosanitaires. En six ou sept ans, nous sommes parvenus au zéro phyto sur l'ensemble de la ville, à l'exception des cimetières. Je citerai également l'initiative de la charte « Terre saine », dans la Charente de Nicole Bonnefoy. Selon une enquête menée par l'INRA et par Plante & Cité en 2009, les villes de plus de 50 000 habitants sont à 60 % dans un objectif de zéro phyto. Les exemples ne manquent donc pas, prouvant par là même que les alternatives aux pesticides existent et sont disponibles aujourd'hui pour les zones non agricoles.
Un rapport commandé en 2011 au député Antoine Herth par le Gouvernement Fillon a fait le point sur les techniques de bio-contrôle, c'est-à-dire les méthodes de protection des végétaux à partir de mécanismes naturels. Quatre principaux types d'agents de bio-contrôle peuvent être distingués : les macro-organismes auxiliaires qui comprennent des invertébrés, des insectes, ou des acariens utilisés de façon raisonnée pour protéger les cultures ; l'exemple le plus connu est celui de la coccinelle contre les pucerons ; les micro-organismes, en particulier certains champignons, bactéries et virus utilisés pour protéger les cultures contre les ravageurs et les maladies, ou pour stimuler la vitalité des plantes ; les médiateurs chimiques, notamment les phéromones d'insectes qui permettent de contrôler certaines populations d'insectes par la méthode de confusion sexuelle et le piégeage ; enfin, des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Ces techniques sont déjà utilisées par l'agriculture et par les professionnels engagés dans le zéro phyto. Elles pourraient tout à fait être étendues à l'ensemble des utilisateurs non agricoles de pesticides.
L'usage non agricole des pesticides mérite pleinement d'être traité dans une proposition de loi spécifique, car il constitue un enjeu en soi.
Un enjeu environnemental d'abord. Les milieux non agricoles représentent aujourd'hui 5 % des usages. On pourrait donc considérer qu'il s'agit d'un sujet marginal. C'est en réalité une source importante de contamination des eaux. Les désherbants en particulier, lorsqu'ils sont utilisés sur des surfaces imperméables comme les trottoirs, les cours bitumées ou les pentes de garage, se retrouvent dans les eaux superficielles ou souterraines. Une étude menée à Pacé, en Ille-et-Vilaine, entre 1998 et 2001, a mis en évidence que le désherbage chimique sur des zones bitumées pouvait entraîner des transferts vers l'eau de l'ordre de 10 à 40 % du produit épandu. En comparaison, selon Arvalis, l'Institut du végétal, les pertes agricoles vers les eaux ne sont que de l'ordre de 1 à 3 %. L'usage non agricole est à première vue, en termes de quantités épandues, assez peu significatif, mais représente en fait une pollution conséquente. Dans certaines communes périurbaines des études ont montré que les taux de glyphosate dans les cours d'eau à la sortie des villes augmentaient considérablement.
De nombreux usages sont déjà prohibés par la réglementation. Plusieurs arrêtés encadrent l'application de pesticides sur les surfaces imperméabilisées comme les trottoirs, les zones non traitées à respecter à proximité des points d'eau, ou encore interdisent l'utilisation de ces produits dans les lieux fréquentés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables. C'est pourquoi nous ne réintégrons pas dans la proposition de loi le sujet de la voirie, déjà encadré même si les textes sont parfois mal appliqués.
L'enjeu sanitaire des usages non agricoles des pesticides est également réel. Ainsi que le rapport de la mission commune d'information sénatoriale l'a montré, les utilisateurs non professionnels de pesticides sont généralement mal informés et mal protégés lors de l'emploi du produit. Ils ont en outre tendance à surdoser, s'exposant d'autant plus à une contamination. Le rapport souligne que la première surface d'échange avec l'extérieur est la peau. Or, les dangers dermatologiques, ainsi que respiratoires, d'une exposition aigüe aux produits phytosanitaires ne sont plus à prouver. Sur le long terme, une expertise collective de l'INSERM parue en juin 2013 souligne l'existence d'une association positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l'adulte, dont la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers comme le lymphome non hodgkinien et les myélomes multiples. C'est donc cette problématique environnementale et sanitaire spécifique aux zones non agricoles que la présente proposition de loi vient encadrer.
L'article 1er prévoit l'interdiction à compter du 1er janvier 2018, pour les personnes publiques, d'utiliser des produits phytopharmaceutiques pour l'entretien des espaces verts, forêts et promenades relevant de leur domaine public ou privé. Une exception est prévue : il sera possible de continuer d'utiliser les préparations naturelles peu préoccupantes visées au second alinéa de l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. De nombreuses collectivités ayant déjà engagé cette démarche, il s'agit finalement de parachever le mouvement existant de réduction des pesticides.
Je vous proposerai néanmoins d'adopter plusieurs amendements à cet article, afin de préciser et sécuriser le dispositif. Un amendement de forme tout d'abord : il paraît plus opportun de placer ces dispositions au sein de l'article L. 253-7 du code rural, qui est relatif aux mesures de précaution concernant les produits phytopharmaceutiques. Le deuxième amendement précise que les produits de bio-contrôle ne sont également pas concernés par l'interdiction imposée aux personnes publiques. C'était bien là l'intention des auteurs de la proposition de loi : favoriser les alternatives aux produits phytopharmaceutiques. Or, la rédaction proposée, qui fait référence exclusivement aux préparations naturelles peu préoccupantes, exclut de fait la majorité des produits de bio-contrôle. Cet amendement répond au souci de garantir aux personnes publiques les outils nécessaires pour entretenir leurs espaces verts. Le troisième amendement ressort des auditions que j'ai pu réaliser. Il semble important de prévoir une dérogation pour prévenir la propagation des organismes nuisibles. Il s'agit là d'un motif de santé publique. Il ne faut pas que nous soyons contre-productifs dans la loi, et que nous nous retrouvions dans une situation ingérable du fait d'une réglementation trop stricte. En cas de danger sanitaire, les personnes publiques pourront, par dérogation, avoir recours aux pesticides chimiques classiques jusqu'à ce que la menace soit enrayée. C'est généralement ce que font les villes engagées dans le zéro phyto. Mon dernier amendement vise à prévoir une dérogation pour un motif de sécurité publique cette fois. Certains établissements publics se trouvent dans une situation particulière. Pour RFF, ou pour les aéroports, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est encore un peu une obligation et un enjeu de sécurité, que ce soit le long des voies ferrées ou des pistes d'aéroport, même s'il est important que RFF, notamment, continue de progresser dans ses pratiques. Je vous propose donc d'ajouter à l'article 1er que l'interdiction ne s'applique qu'aux espaces verts, forêts et promenades « accessibles ou ouverts au public ». Je ne souhaite pas qu'on exclue totalement les établissements publics du champ d'application du texte. Il n'y a en effet pas de raison que la SNCF ne soit pas en zéro phyto pour le parterre de fleurs qui est devant la gare.
L'article 2 complète l'article L. 253-7 du code rural pour interdire, à compter du 1er janvier 2018, la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel. À partir de cette date, le non respect de l'interdiction sera puni de deux ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, comme c'est aujourd'hui le cas pour la détention ou le commerce de pesticides non autorisés. Je vous proposerai d'adopter un amendement pour prévoir une exemption pour les produits de bio-contrôle. Les alternatives non chimiques doivent être accessibles aussi aux utilisateurs non professionnels. De la même manière qu'à l'article 1er, je vous proposerai de mettre en place une dérogation en cas de danger sanitaire du fait d'organismes nuisibles.
L'article 3 prévoit la remise d'un rapport au Parlement, avant le 31 décembre 2014, sur les freins juridiques et économiques empêchant le développement des préparations naturelles peu préoccupantes, dites PNPP. Ces substances comprennent, par exemple, le purin d'orties, les pulvérisations d'ail, le sucre, ou encore le vinaigre blanc. L'article 36 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques leur a donné une reconnaissance et prévu leur encadrement. Une procédure dérogatoire de mise sur le marché a été définie par un décret du 23 juin 2009, qui a anticipé de quelques mois un règlement européen d'octobre 2009. Or, la terminologie européenne ne mentionne pas les préparations naturelles peu préoccupantes. Elle vise les substances actives à faible risque. Sur le fond cependant, les deux textes sont tout à fait semblables. Dès lors que les PNPP sont considérées comme des produits phytopharmaceutiques, elles doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché simplifiée, et leurs substances doivent figurer sur la liste des substances autorisées à l'annexe I du règlement européen. Le cadre juridique actuel n'est pas satisfaisant. La mise sur le marché est une procédure très lourde et coûteuse alors que ces produits sont peu préoccupants.
L'enjeu est économique. La France prend du retard sur ses voisins européens. En Allemagne, plus de 400 substances différentes dénommées « fortifiants des plantes » sont enregistrées. En France, seul le purin d'orties a été autorisé par un arrêté de 2011, et encore, sous une recette que les professionnels ont baptisée « piquette d'orties »...
La demande de rapport doit alerter le Gouvernement sur l'enjeu, notamment économique, du développement des PNPP.
Pour finir, je vous proposerai d'adopter un amendement créant un article additionnel après l'article 3. Il s'agit de supprimer la référence au 1er janvier 2018 dans les articles 1er et 2, car elle n'a pas sa place dans des articles de code, mais de prévoir l'entrée en vigueur des deux interdictions le 1er janvier 2020. Le délai fixé par la proposition de loi à 2018 paraît un peu court. La date de 2020 correspond à un cycle municipal complet. Les nouvelles équipes élues en 2014 auront ce dossier sur la table, et un mandat entier pour le mettre en oeuvre.
Cette proposition de loi est un texte pragmatique. J'en remercie son auteur ainsi que la présidente de la mission d'information, qui a nourri la proposition de loi. Pour les personnes publiques, le texte liste de manière précise et limitée les espaces visés. Ainsi, ne seront pas concernés les cimetières, les terrains de sport, ainsi que les voies ferrées ou autres espaces dont l'entretien présente des enjeux en termes de sécurité publique.
Le texte laisse le temps aux professionnels comme aux particuliers de s'adapter à la nouvelle interdiction. Il laisse aux industriels le temps de développer une offre alternative, qui existe aujourd'hui, mais se verra d'autant plus encouragée avec l'adoption de la proposition de loi. Ainsi ajusté, le texte me semble équilibré et surtout applicable par les principaux intéressés. Je vous propose donc d'adopter ces articles, avec les modifications que je vous ai détaillées. C'est une loi qui vient en son temps. La société est mûre pour l'accepter et l'appliquer.
M. Joël Labbé. - Je salue le travail de Ronan Dantec sur ce texte dans un délai court. Le calendrier était en effet dicté par l'initiative Parlement et citoyens, puisque nous avons soumis cette proposition de loi à la consultation du public à travers cette initiative. J'ai déposé cette proposition de loi dans la continuité de la mission commune d'information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé. Il s'agissait de ma première mission, j'ai découvert la méthode de travail du Sénat, riche et pluripolitique. J'ai été admiratif de la manière de travailler du duo moteur de cette mission, Sophie Primas et Nicole Bonnefoy. Le rapport a été approuvé à l'unanimité. Il ne portait pas sur l'impact pour l'environnement, bien que les pesticides aient un impact avéré sur l'air, l'eau, le sol ; la biodiversité, à toutes les échelles, depuis la flore microbienne du sol jusqu'aux oiseaux en passant par les insectes, notamment les pollinisateurs, est touchée. Le plancton, qui est à la base de la chaîne marine, est également très affecté par ces produits sur tout le littoral.
Il y a un coût important de dépollution des eaux. Comme l'a dit Ronan Dantec, l'impact de ces produits sur les voiries et les trottoirs est plus important car ils passent directement dans les eaux. Le coût de dépollution annuel est estimé entre 4,4 et 14,8 milliards d'euro, uniquement pour la pollution induite par les pesticides. Un nouveau rapport de l'Inserm intitulé « Pesticides : effet sur la santé », publié en 2013, conclut aux conséquences provoquées par les pesticides en termes d'allergies, de cancers et d'altération du développement de l'enfant.
Cette proposition de loi est volontairement très simple. Elle sera enrichie par les amendements du rapporteur. Elle ne touche pas aux aspects agricoles de l'usage des pesticides qui seront traités dans la loi d'avenir pour l'agriculture française. Il n'est pas facile d'interdire l'utilisation des produits phytosanitaires dans l'agriculture car il y a des enjeux économiques et socioéconomiques. C'est pourquoi ce texte se concentre sur les usages non agricoles. Les collectivités n'ont, en effet, pas un besoin vital d'utiliser les pesticides. Près de 10 % d'entre elles sont déjà à zéro phyto. Si je prends l'exemple de ma commune, nous sommes à zéro phyto depuis 2007, y compris pour les cimetières. Je sais qu'il existe une sensibilité particulière à l'égard des cimetières ; le fait de les écarter du champ de cette proposition de loi est une bonne chose puisque cela correspond à l'état de l'opinion. Concernant l'entretien des voies ferrées, la SNCF devra évoluer et en est consciente. Mais des questions de sécurité se posent, qui concernent également les aéroports, et qui rendent impossible une interdiction totale de l'utilisation de ces produits pour ces espaces.
L'interdiction de la mise sur le marché des pesticides pour des usages particuliers est un sujet évidemment sensible. En effet, certaines familles dépendent de la production en légumes de leur jardin pour assurer une part de la nourriture de la famille. Il faut le prendre en compte. Dans les jardins familiaux, l'utilisation des produits agricoles au mètre carré est beaucoup plus élevée qu'en zone agricole. Or, le maraîchage biologique montre qu'il est possible de produire des légumes sans utiliser de pesticides. Il est également avéré que les fleurs peuvent être cultivées sans pesticides.
Concernant la date d'entrée en vigueur, nous avions retenu 2018 car cela correspondait à l'échéance fixée par le plan Ecophyto. Certains souhaitaient que ce texte entre en vigueur dès 2015 du fait de la dangerosité des produits. Le rapporteur propose de retenir 2020 pour que cela laisse un mandat municipal plein aux élus. Cela laissera également deux ans de plus aux filières pour écouler les produits et développer des alternatives, notamment par la recherche.
Votre commission, comme la commission des affaires économiques à laquelle j'appartiens, n'aime pas beaucoup les demandes de rapports. Cependant, le rapport prévu à l'article 3 est nécessaire, car nous n'avons pas toutes les réponses sur les PNPP à l'heure actuelle.
Je souhaite avec conviction que ce texte soit adopté afin d'avancer sur ces sujets de santé et d'environnement. Il faut donner un signe à notre société et revenir au bon sens d'antan en intégrant les progrès qui ont été faits.
Mme Sophie Primas. - Nous avons fait un travail important au cours de la mission sur les impacts des pesticides. Notre rapport contenait une centaine de propositions. Malgré des différences de sensibilités sur certaines de ces propositions, il a été adopté à l'unanimité.
Nous nous intéressons ici aux zones non agricoles, qui constituent une partie de la problématique des pesticides et de leur impact sur la santé. J'ai été un peu surprise que ce texte soit mis à l'ordre du jour, dans la mesure où la loi d'avenir pour l'agriculture sera discutée dans quelques semaines. L'ensemble des problèmes liés aux pesticides ne sera pas réglé avec cette proposition de loi, il s'agit néanmoins d'un pas dans le bon sens.
Je ne reviendrai pas sur les impacts environnementaux que vous avez évoqués. Peu de produits sont utilisés en zones non agricoles en comparaison de l'agriculture, mais leurs impacts sont proportionnellement plus importants. J'ai quelques réserves sur le dispositif de la proposition de loi, qui font l'objet d'amendements. Certains seront satisfaits par l'amendement de réécriture du rapporteur. Je souhaitais ainsi inclure la question de sécurité pour la SNCF et les aéroports, ce qui est fait. Des réticences existent sur les cimetières et les terrains de sport. Si nous souhaitons que les élus et les collectivités territoriales s'approprient cette démarche, il faut la rendre possible dans leurs relations avec leurs administrés. Je souhaitais que l'exclusion des PNPP soit élargie pour inclure les éléments de bio-contrôle, que mentionne le rapport Herth. La simple mention des PNPP est beaucoup trop restrictive. Sur le délai d'application qui concerne les collectivités, une entrée en vigueur de la loi en 2020 me semble une bonne idée. Je demanderai qu'un autre pas de temps soit adopté pour la vente aux particuliers. Nous sortons du Grenelle de l'environnement. Les obligations des industriels en termes de gammes et de formation prennent effet aujourd'hui. Les formations Certiphyto en particulier, pour la grande distribution, les magasins de jardinerie ou de bricolage sont obligatoires depuis le 1er octobre 2013. Je demande donc qu'un délai supplémentaire soit accordé aux industriels. Il leur permettra de se réorganiser et d'aller vers des gammes de produits 100 % bio-contrôle. Les produits qui sont vendus aujourd'hui dans les jardineries avec le label « emploi autorisé dans les jardins » ne portent pas atteinte à la santé. Il faudra travailler avec l'ANSES de manière à ce que les produits qui contiennent du glyphosate ne soient pas labellisés pour un emploi dans le jardin.
M. Michel Teston. - Mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national est une nécessité. Néanmoins, certaines activités nécessitent encore, pour un certain temps, le recours aux pesticides. C'est le cas de SNCF Infra qui assure l'entretien du réseau national pour RFF. SNCF Infra a réduit la quantité de pesticides utilisée, mais il ne peut s'affranchir complètement de l'utilisation des pesticides. Les ballasts pour assurer la stabilité des rails ne doivent pas contenir de poches d'humidité, favorisées par la présence de plantes. Tant que les méthodes thermiques ou de désherbage par la vapeur ne sont pas maîtrisées, une possibilité devra leur être offerte d'utiliser le désherbage chimique. J'approuve donc pleinement l'initiative du rapporteur qui prévoit une dérogation.
Mme Évelyne Didier. - Je ne reviendrai pas sur les enjeux environnementaux et sanitaires des pesticides. Je partage ce qui a déjà été dit. Le rapport de la mission d'information était d'ailleurs tout à fait intéressant. J'apprécie le report à 2020 de la mise en place de cette mesure, il permettra aux équipes municipales de s'emparer de l'enjeu et d'en faire un sujet lors des campagnes pour les élections municipales de 2014. Dans les collectivités, il est parfois difficile de faire partager cette préoccupation à la population, du fait de la banalisation de l'utilisation des pesticides. Des collectivités ont été pionnières sur le sujet. La question sera de trouver une méthode de travail alternative qui peut générer des besoins en personnel important. Les petites communes se trouveront alors en difficulté. Il faut avoir un projet communal autour de cette question. Il est donc raisonnable d'établir l'échéance à 2020.
M. Gérard Cornu. - Notre groupe aborde ce texte de façon constructive. Le Sénat arrive par moments à travailler au-delà des clivages politiques. Je salue à ce titre le pragmatisme du rapporteur. Comme l'a souligné Evelyne Didier, il est nécessaire d'obtenir l'acceptation des gens. Il reste du chemin à faire des deux côtés pour permettre que ce texte soit adopté à l'unanimité.
M. Henri Tandonnet. - Je suis ravi que cette proposition de loi soit sur la table. Lors de l'élaboration du rapport de la mission commune, nous nous étions fixés comme objectif de rendre actives les cent propositions au cours de notre mandat. Je voudrais féliciter Joël Labbé qui, malgré son enthousiasme, a su circonscrire le périmètre de sa proposition, en la limitant aux espaces verts, forêts et promenades des personnes publiques. Les entreprises qui ont des espaces verts peuvent représenter un périmètre important. La question se pose de savoir si nous incluons ces espaces verts. Je suis favorable à l'interdiction de l'usage de ces produits pour les particuliers. Avant les enjeux économiques, il y a des enjeux de santé qui sont prioritaires. En matière agricole, les pesticides sont souvent utilisés uniquement pour des questions de présentation des produits sur le marché, ce qui relève de l'acceptabilité du public. Cet enjeu n'existe pas pour les produits familiaux. De plus, il faut une règle générale qui permette de prévenir les conflits entre jardins familiaux qui utilisent ces produits et ceux qui ne les utilisent pas. Je rejoins Sophie Primas sur la question des PNPP. Dans notre rapport, nous avions mis en évidence les incohérences entre la législation européenne et les déclinaisons nationales, qui entraînent des disparités sur le terrain de la concurrence. Je souhaiterais que l'on retienne, dans la ligne de l'amendement de Sophie Primas, la dénomination de produits phytosanitaires à faible risque. Je préfère avoir une référence européenne plutôt qu'une référence nationale. Pour l'application dans le temps, j'avais proposé des amendements visant une application cinq ans après la promulgation de la loi. Je me range à l'avis du rapporteur, 2020 me semble opportun y compris pour la vente des produits aux particuliers.
M. Roland Ries. - Le débat sera sûrement plus lourd lorsque nous traiterons des aspects agricoles. Mais tous les grands voyages commencent par un premier pas, disait un philosophe chinois. Strasbourg a mis en place une stratégie zéro phyto en 2008. Il y a deux batailles à mener. D'abord, il y a la bataille de l'opinion, une bataille culturelle. Les premières réactions au lendemain de 2008 ont été d'un grand scepticisme, certains reprochaient à la municipalité la présence de mauvaises herbes. La mutation de l'opinion s'est faite assez rapidement, ce qui prouve qu'elle était mûre pour ce changement. Il suffisait d'expliquer que les désherbants utilisés se retrouvent dans les nappes phréatiques dans lesquelles nous puisons pour satisfaire les besoins en eau. À partir du moment où le vocabulaire a évolué et que nous sommes passés des mauvaises herbes aux herbes folles, la bataille était gagnée. Cinq ans après, nous n'avons plus de problème. Il faut accompagner cette transition avec pédagogie. La deuxième bataille concerne les administrations des collectivités locales et des personnes publiques. Une mutation dans les techniques d'entretien des espaces verts doit être engagée. Il est impossible de parvenir au même résultat avec ou sans pesticides car les techniques alternatives sont plus lentes et moins efficaces. Cette bataille se gagne parallèlement à l'autre. Je suis très favorable à ce texte d'autant plus qu'il a été amendé pour être largement acceptable. Si nous pouvions avoir l'unanimité sur ce texte, cela montrerait que le Sénat peut faire preuve de sagesse.
M. Rémy Pointereau. - Je félicite le rapporteur pour le travail mené. La limitation de l'utilisation des pesticides sur nos territoires est une bonne chose. Néanmoins, il faudrait une règle de proportionnalité. Certaines communes rurales sont très étendues et disposent de peu de personnel. Elles essaient de diminuer les quantités d'intrants et de produits phytosanitaires utilisées. J'aimerais qu'une expérimentation soit faite dans le domaine rural. Les jardins familiaux posent un vrai problème. Si nous faisons du zéro pesticides sur les trottoirs mais que les jardins familiaux sont pollués à 200 %, il y a un problème de cohérence.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Les jardins des particuliers sont inclus dans ce texte.
M. Rémy Pointereau. - L'autre souci est que ce texte ne prend pas en compte la SNCF et RFF. Or, lorsque des études sur certaines substances actives ont été réalisées, il a été prouvé que ces molécules provenaient en grande partie de l'épandage de pesticides sur les voies ferrées. Ces organisations doivent donc faire des efforts. J'aurais aimé que ce texte traite de la question de la recherche. Si nous trouvons de nouvelles molécules, ce sera une avancée sur le plan de l'efficacité. Cette réforme est possible dans les milieux urbains mais elle est plus difficilement concevable dans les petites communes. Je m'abstiendrai donc.
M. Alain Houpert. - .Je souhaite que nous adoptions ce texte tel qu'amendé par Ronan Dantec et Sophie Primas. Le fait que vous écartiez les cimetières de la loi me choque. Je voudrais apporter à l'édifice non pas une pierre tombale mais une pierre vive. Je suis président du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement de mon département, la Côte-d'Or. Un de nos axes de travail concerne les cimetières. Nous encourageons les gens à enherber les cimetières. Cela permet, sur nos terrains, de stabiliser les tombes. De plus, quand un cimetière est enherbé, cela redevient un espace de sérénité dans lequel les gens peuvent se recueillir. Le cimetière en milieu rural est un lieu créateur de liens. Dans les pays celtiques et anglosaxons, les cimetières sont enherbés. Mettre du désherbant dans les cimetières peut avoir des conséquences importantes. En Alsace, par exemple, la source de Carola se trouve sous le cimetière de Ribeauvillé. Il y a un enjeu patrimonial, touristique, un enjeu d'éducation et de bien-être pour les gens. Si nous cédons à l'opinion qui veut un cimetière propre et n'y aller qu'une fois par an à la Toussaint, les élus ne sont pas dans leur rôle d'éducateurs et de créateurs de liens. En Côte-d'Or, dans les communes rurales, nous avons acheté des débroussailleuses, tout le monde débroussaille le cimetière deux fois par an.
M. Daniel Laurent. - Nous sortons à peine du Grenelle de l'Environnement sur lequel nous avons eu beaucoup d'échanges et beaucoup de contradictions. Le Grenelle a déjà imposé de nombreuses contraintes. Économiquement, les pesticides sont importants dans le domaine agricole. Je remarque que depuis le Grenelle, les élus sont conscients de l'emploi excessif des pesticides. Je suis, comme mon collègue, président d'une commission environnement et fleurissement dans le département de Charente-Maritime. Sur le terrain, un effort considérable a été mené pour réduire l'utilisation de ces produits. J'ai le sentiment que nous ajoutons des contraintes et que nous privons les collectivités de liberté. Avant en France, peu de choses étaient faites en matière d'environnement, nous passons maintenant à l'excès inverse. C'est pourquoi, je ne suis pas d'accord avec cette proposition de loi. Des évolutions doivent être faites concernant les substances actives. Les substances les plus dangereuses ne doivent plus être utilisées. Il est préférable d'intervenir sur ce plan là.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Roland Ries a dit que l'opinion publique était mûre. Les enjeux de formation et de mutualisation des pratiques sont très forts. J'ai rencontré au cours des auditions l'association des directeurs de parcs et jardins. Ils sont conscients de la nécessité pour eux de proposer des formations, notamment pour les petites communes. Il y a une contradiction aujourd'hui : les espaces naturels sont plus nombreux dans les communes rurales et pourtant la tolérance envers les herbes folles est plus élevée en ville. Cela ne peut se traiter que par la formation.
Il existe également un enjeu de récupération des produits interdits qui sont conservés dans les placards. L'État doit récupérer et détruire ces produits. Cela relève de l'application de la loi et non de la loi elle-même. Aujourd'hui, les citoyens paient deux fois. Ils paient l'achat du produit et le coût de son épandage, puis le coût de la dépollution des eaux. Il s'agit d'un investissement lourd. Il est plus logique de concevoir différemment les espaces publics, de manière à ce qu'ils nécessitent moins de personnel et des moyens mécaniques adaptés pour leur entretien. Des économies de gestion des espaces publics seront réalisées.
Concernant les cimetières, l'opinion n'est pas prête partout. Il me semble que ce sujet n'est pas mûr. Mais s'il fait l'objet d'un amendement en séance, je ne m'y opposerai pas.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-13 réécrit l'article 1er. Il prévoit une exception pour les produits de bio-contrôle afin qu'ils ne soient pas concernés par l'interdiction car tous les produits de bio-contrôle ne sont pas des PNPP. L'amendement ajoute le critère d'accessibilité et d'ouverture au public. L'enjeu est ici la sécurité publique ; cela répond à la question sur RFF et les aéroports. L'amendement étend aussi l'interdiction, avec les mêmes dérogations que pour les personnes publiques, aux entreprises de jardinage pour leur entretien des espaces verts ouverts ou accessibles au public. Cet ajout vient combler un vide du texte initial. Dans la formulation proposée, le jardin du Luxembourg était en zéro phyto et pas Eurodisney, ce qui était assez illogique. L'amendement prévoit enfin une dérogation pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles. Dès que nous serons confrontés à un problème qui ne peut pas être traité avec des produits de bio-contrôle, l'utilisation des produits chimiques classiques sera permise. Cette réécriture permet de trouver un équilibre et de réduire les angles morts présents dans la proposition initiale.
Mme Sophie Primas. - Est-ce que les bailleurs sociaux qui ont des espaces publics ouverts sont inclus dans la proposition de loi ? À mon avis, ils n'y sont pas et cela crée un écart compliqué. Est-ce que les golfs et les terrains de sport sont concernés ? Mon avis sera positif sur cet amendement.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Les terrains de sport et les golfs ne sont pas concernés par la proposition de loi qui se concentre sur les espaces verts, forêts et promenades ouverts ou accessibles au public. Concernant les bailleurs sociaux, il faudra que nous regardions cette question en détail. Si c'est un angle mort de la loi, un amendement pourra être déposé en séance.
M. Henri Tandonnet. - La rédaction de cet article comporte des incertitudes juridiques, notamment sur le périmètre des personnes publiques. Dans la deuxième partie, vous avez ajouté les entreprises de jardinage. C'est peu adapté, car nous visons en fait les lieux d'épandage. Ainsi, si nous interdisons l'utilisation des pesticides par les entreprises de jardinage, les entreprises classiques pourront, elles, continuer à les utiliser pour leurs propres espaces verts. Il serait plus pertinent de se focaliser sur les espaces tels qu'ils ont été définis plutôt que sur les personnes qui sont propriétaires des espaces ou qui appliquent les produits sur ces espaces. Les engrais relèvent-ils des produits phytosanitaires ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Ce texte se concentre sur les produits phytosanitaires, ce qui exclut les engrais. Nous pourrions rédiger l'interdiction de l'utilisation par les personnes publiques ou les propriétaires privés des pesticides sur les espaces ouverts au public, en supprimant la mention aux entreprises de jardinage.
Mme Évelyne Didier. - Sur cette question, il y a trois portes d'entrée : par le produit, par le lieu et par l'acteur. Il faut faire le choix de l'angle d'entrée pour être sûr de la cible. Si nous choisissons l'entrée par le lieu par exemple, se pose la question des parkings des centres commerciaux.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Les parkings relèvent des surfaces imperméabilisées qui sont déjà concernées par les textes existants. Il est important de garder les notions d'espaces verts, de forêts et de promenades car ces notions sont définies dans les codes. Nous sommes conscients qu'il y a des angles morts dans ce texte. Il marque une première étape. Il faudra peut-être dans les prochaines années prévoir des compléments. Si nous rajoutons trop d'interdictions, nous diminuerons l'acceptabilité de la loi. La gestion sans pesticides de l'espace vert public est techniquement faisable. Concernant les surfaces imperméabilisées, le problème porte davantage sur l'application de la loi.
M. Gérard Cornu - Nous savons où nous voulons aller mais il est extrêmement dur de le retranscrire dans la loi. La différence entre le public et le privé est difficile à cerner. Il est important d'avoir une approche par le lieu.
M. Henri Tandonnet. - Nous pouvons faire référence aux seuls espaces accessibles au public sans mentionner les acteurs.
M. Roland Ries. - Je rejoindrai ce qu'a dit Evelyne Didier, il y a trois angles d'approche. Sur les acteurs, nous avons parlé des personnes publiques, j'y inclus les bailleurs sociaux. La loi prévoit une interdiction d'utilisation des produits phytosanitaires pour ces personnes. Pour les particuliers, le produit est visé, il n'est plus commercialisé. Selon moi, la loi convient en l'état.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Nous pouvons choisir de supprimer complètement la référence aux acteurs sur l'article 1er, ou conserver la mention des personnes publiques pour les cibler comme premières responsables.
M. Henri Tandonnet. - Nous sommes en train d'étendre le périmètre de la loi. Elle ne concernait à l'origine que les personnes publiques, avec cet amendement nous incluons les personnes privées.
M. Daniel Laurent. - Il faut avoir conscience des problèmes économiques que cela va générer. Nous sommes en train de monter une usine à gaz. Nous imposons des contraintes à toutes les activités, ce qui aura d'importantes conséquences financières. Les châteaux de la Loire sont, par exemple, dans des situations financières déjà fragiles et ils seraient pénalisés avec cette loi. Il faut prendre le temps de réfléchir un peu plus de manière à mieux évaluer les conséquences.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je vous propose de ne plus faire référence aux personnes mais seulement aux lieux. Dès lors, nous opérons une simplification. Je pense que cela répond aux préoccupations d'Henri Tandonnet.
M. Raymond Vall, président. - Cela n'enlève rien à la pertinence de l'intervention de Daniel Laurent. Nous pourrions reprendre le texte initial et ne conserver que l'interdiction pour les personnes publiques.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Si vous pensez que le texte n'est pas mûr, nous pouvons rester sur cette option.
Mme Sophie Primas. - Nous touchons en ce moment à la complexité du texte. Si nous le restreignons aux personnes publiques, il y aura des incohérences au sein des communes. Des espaces au sein d'une même commune qui relèvent du public ou du privé ne seront pas soumis aux mêmes règles. Le fait d'élargir pose problème pour les châteaux ou les établissements qui sont en difficulté. Il faut peut-être se donner le temps de la réflexion.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je vous propose de supprimer la deuxième phrase de l'amendement. Mais il me semble important de garder la définition des espaces et des produits qui sont inscrites dans les codes.
M. Jean-Jacques Filleul. - Ce serait étonnant de ne pas intégrer les espaces privés dans cette loi. Si l'on prend l'exemple d'un château de la Loire, dans le bourg, il y aurait une politique de zéro phyto tandis que dans le parc du château, les pesticides pourraient être utilisés. Or, des millions de personnes passent dans les châteaux de la Loire. Certains se saisissent déjà de cette problématique. Ainsi, Chenonceaux se vante de sa politique de zéro phyto et met en avant cette thématique dans ses campagnes de publicité. Je pense qu'il faut traiter de la même manière espaces publics et espaces privés.
M. Gérard Cornu. - Nous partageons un objectif commun. Certains problèmes sont posés par des situations très locales. Si nous étendons aux personnes publiques et aux personnes privées, cela change complètement la nature de la loi et nous réservons notre vote pour la séance publique. Il existe encore des zones d'ombre à éclaircir.
M. Stéphane Mazars. - J'opte pour circonscrire le texte aux personnes publiques. Pour les personnes privées, nous avons du mal à identifier tous les domaines qui seront impactés. Il existe des lieux qui n'ont pas les moyens de mettre en place ces politiques.
Mme Laurence Rossignol. - Il est raisonnable d'enlever les personnes privées du périmètre de la loi. Il ne faudrait cependant pas prévoir un champ d'application dans les zones agricoles et dans les zones publiques, et laisser un vide pour les espaces ni agricoles ni publics qui seraient hors de toutes préconisations. Il faudra s'en rappeler au moment de la discussion de la loi d'avenir pour l'agriculture.
Mme Sophie Primas. - Je veux m'assurer qu'il y ait bien une définition juridique des produits de bio-contrôle. J'avais proposé par un amendement d'élargir aux produits phytopharmaceutiques à faible risque qui sont visés à l'article 47 du règlement européen n°1107/2009.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - La liste des produits de bio-contrôle est définie par le ministère. Elle est plus large que les produits visés par l'article 47 du règlement.
L'amendement n° COM-13 rectifié est adopté.
Les amendements n° COM-1, COM-3, COM-4, COM-6 et COM-5 tombent.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-7 de suppression de Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. - C'est un amendement d'appel destiné à créer une discussion autour de la date d'entrée en vigueur de la loi.
L'amendement n° COM-7 n'est pas adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-14 est un amendement de cohérence avec la réécriture de l'article 1er.
L'amendement n° COM-14 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-15 est un amendement rédactionnel et de cohérence avec l'amendement de réécriture de l'article 1er.
L'amendement n° COM-15 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-16 supprime la référence à la date d'entrée en vigueur de l'article, qui n'a pas sa place dans le code. Par ailleurs, comme cela est proposé à l'article 1er, deux dérogations sont prévues à l'interdiction de commerce et d'utilisation des produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel : pour les produits de bio-contrôle et dans le cas de la lutte contre la propagation d'organismes nuisibles.
L'amendement n° COM-16 est adopté.
L'amendement n° COM-2 est retiré.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-8 de Sophie Primas. Celui-ci propose de repousser l'entrée en vigueur du dispositif pour les particuliers à 2025.
L'amendement n° COM-8 n'est pas adopté.
L'amendement n° COM-9 est retiré.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-17, identique à l'amendement n° COM-10 de Sophie Primas, est un amendement rédactionnel.
Les amendements n° COM-17 et n° COM-10 sont adoptés.
Mme Sophie Primas. - L'amendement n° COM-12 vise à garantir la proportionnalité des peines. A cet effet, il place la sanction prévue par l'article 2 de la proposition de loi à l'article L. 253-16 du code rural.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - J'émets un avis défavorable. C'est un problème de cohérence des peines. Nous ne pouvons pas placer la sanction dans cet article sur la publicité alors que l'infraction est liée à l'usage et la détention de produits non autorisés.
Mme Sophie Primas. - Cet amendement visait surtout à attirer l'attention des membres de cette commission sur le problème lié à l'usage et la détention de produits non autorisés sur le territoire.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Ce sujet pourra être traité dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture.
L'amendement n° COM-12 est retiré.
L'amendement n° COM-11 est retiré.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-18 est un amendement rédactionnel.
L'amendement n° COM-18 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-19 est un amendement rédactionnel qui vise à citer la référence exacte du règlement européen concerné.
L'amendement n° COM-19 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 3
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° COM-20 fixe la date d'entrée en vigueur des articles 1er et 2, à compter du 1er janvier 2020. Sophie Primas nous propose de porter cette date à 2025 pour l'article 2 concernant les particuliers. J'y suis défavorable. Des grandes surfaces et des jardineries sont déjà dans cette dynamique. Il est important d'encourager ces acteurs à aller vers les alternatives. Si la date fixée est trop lointaine, les entreprises ne se mobiliseront pas. Il est vrai que les grandes surfaces ont dû former leur personnel, ce qui a engendré des coûts. La loi, telle qu'elle est rédigée, leur laisse sept années pleines pour avoir un retour sur investissement. Pour permettre aux entreprises de se préparer, il faut un temps visible.
M. Raymond Vall, président. - Dans mon département, un industriel fabrique un produit anti-limaces. Je m'interroge sur ses possibilités de reconversion en sept ans.
Mme Marie-Françoise Gaouyer. - Ces produits anti-limaces posent un vrai problème sanitaire. Les petites graines bleu-vert qui contiennent les substances actives entraînent des crises d'épilepsie. Cela a été constaté depuis vingt ans, il est urgent de passer à d'autres méthodes.
Mme Sophie Primas. - Dans le cadre de la mission d'information, nous avons rencontré des industriels. Gros ou petits, ils nous ont expliqué que le pas de temps pour développer des solutions alternatives efficaces et homologuées est de dix ans. Je vous propose donc d'allonger un peu le délai pour permettre aux industriels de développer des alternatives. De plus, les problèmes sanitaires éventuels, comme ceux posés par les produits anti-limaces, peuvent être traités dans le cadre de l'ANSES, par les procédures d'autorisation de mise sur le marché et d'homologation.
Mme Laurence Rossignol. - Cette question de différence des temps est au centre des enjeux de la transition écologique. Sept ans est un temps court pour que les entreprises s'adaptent. Mais c'est un temps long au regard la poursuite de la dégradation de la biodiversité. Ce problème se pose dans de nombreux domaines, cela a notamment été le cas dans le dossier de l'amiante. Si l'échéance fixée est trop lointaine, les industriels peuvent espérer des retournements d'opinion. C'est pourquoi je suis d'avis de fixer des échéances suffisamment proches. Si le législateur réalise que l'échéance ne peut être tenue, il est toujours possible de redonner un délai.
M. Henri Tandonnet. - Sur les productions de fruits et de légumes, nous avons parfois mis en place des interdictions sans avoir les produits de remplacement. L'ANSES n'a pas les moyens suffisants pour faire les études nécessaires. Actuellement, du fait de ces interdictions, la France perd ses cultures de fraise, de pêche, de poire. Nous importons 40 % de notre consommation de poires ; il s'agit, le plus souvent, de produits cultivés avec des traitements interdits en France. L'objectif de protection de la santé n'est pas du tout atteint. Il faut laisser suffisamment de temps pour que les entreprises s'adaptent.
Mme Sophie Primas. - Les produits labellisés « emploi autorisé dans les jardins » ne sont pas les produits les plus dangereux. Normalement, ils ne comportent pas de risques pour la santé de l'utilisateur. Il est important de laisser le temps à la recherche pour trouver des substituts.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je ne suis pas favorable à l'allongement du délai. Les changements de pratiques requièrent les mêmes temps pour les particuliers et les collectivités. De plus, si deux dates différentes sont fixées, la sensibilisation à effectuer auprès des jardiniers amateurs par les collectivités s'étalera sur deux mandats, ce qui pose des problèmes de cohérence. Les dérogations désormais inscrites à l'article 1er permettent de faire face à la situation lorsqu'il n'y a pas de produits de substitution. Si en 2020, il n'y a pas de substituts pour certains produits, leur vente pourra donc continuer à être autorisée. Si le législateur réalise que l'application de cette loi pose problème, il pourra en repousser l'entrée en vigueur. Il s'agit d'une question de cohérence d'ensemble.
M. Raymond Vall, président. - Evelyne Didier et Roland Ries ont souligné la nécessité de réaliser une révolution culturelle. La date en elle-même n'est pas importante. Pour gagner la bataille de l'opinion, il est en revanche nécessaire d'obtenir un consensus dans cette commission puis dans l'hémicycle. Est-ce vraiment dommageable si le texte prévoit deux dates différentes ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je propose dans ce cas de repousser à 2022 plutôt que 2025 la date d'entrée en vigueur de l'article concernant l'interdiction de la vente de pesticides aux particuliers, mais de conserver la date de 2020 pour l'interdiction de leur utilisation par les collectivités.
L'amendement n° COM-20 rectifié est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Loi de finances pour 2014 - Examen du rapport pour avis sur les crédits « Recherche en matière de développement durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur »
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Recherche en matière de développement durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. Alain Houpert, rapporteur pour avis des crédits « Recherche en matière de développement durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2014. - Je vous présente pour la deuxième fois l'avis budgétaire portant sur la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables. Il s'agit des crédits de l'un des programmes de la vaste mission « Recherche et enseignement supérieur ». Son intitulé a été légèrement modifié par rapport à l'an dernier, où il faisait référence au développement et à l'aménagement, et non pas la mobilité, durables.
Les crédits de ce programme 190 correspondent majoritairement à des subventions pour charges de services publics versées aux huit établissements publics qui en sont les opérateurs. Cette année, je me suis intéressé plus particulièrement à quatre d'entre eux, dont nous pouvons être fiers : ils font référence dans le monde entier. J'en ai auditionné les responsables dirigeants : il s'agit du Commissariat à l'énergie nucléaire et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaires (IRSN), de l'IFP - Energies nouvelles (IFPEN) et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).
Je commencerai tout d'abord par le CEA, qui est un opérateur majeur du programme 190. Ses actions de recherche interviennent dans le secteur du nucléaire, mais également dans les domaines des énergies décarbonées, des technologies de l'information et des technologies de la santé. Je rappelle que l'énergie nucléaire du futur fait partie des scénarios de la transition énergétique, même si l'on vise désormais une réduction de sa part dans le bilan énergétique de notre pays.
La dotation budgétaire allouée au CEA au titre du programme 190 est en baisse d'un peu moins de 1 % rapport à 2013, pour s'établir à 515 millions d'euros. Mais il faut aussi prendre en compte les crédits inscrits sur deux autres programmes : le programme 172 « Recherche duale » et le programme 191 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Au total, les crédits accordés au CEA en 2014 pour l'ensemble de ses activités civiles, hors le projet international ITER, sont en baisse de 9,7 % par rapport à 2013, pour s'établir à 1,06 milliard d'euros.
Cette baisse des subventions sera d'autant plus difficile à absorber par le CEA qu'il devra faire face en 2014 à un triple choc financier : les conséquences du renforcement de la réglementation nucléaire sur ses installations à la suite de l'accident de Fukushima, dont l'impact financier est estimé à 150 millions d'euros sur cinq ans ; la montée en charge de l'investissement dans le réacteur de recherche Jules Horowitz ; et la multiplication des départs en retraite anticipée pour le personnel spécial -qui travaille en laboratoire chaud, en scaphandre ou à la sécurité. Le renforcement des installations de sécurité consécutif aux intrusions de Greenpeace sur certains sites nucléaires d'EDF, même si le CEA a réussi à repousser les tentatives qui concernaient ses propres sites, aura pour le Commissariat un coût financier estimé à 250 millions d'euros sur cinq ans... Ce qui n'est pas rien !
Dans ce contexte de rigueur, le CEA a réparti sur l'ensemble de ses programmes un effort de maîtrise des dépenses, évalué à 35 millions d'euros pour 2014. Les économies de gestion, déjà engagées depuis plusieurs années, ne suffisent plus. Il faut désormais remettre en cause la programmation scientifique ; certaines installations devront être fermées par anticipation ; des services seront dissous et leur personnel redéployé.
Au titre du programme 190, la quasi-stabilité apparente de la dotation allouée au CEA masque en réalité la forte progression du financement des charges nucléaires de long terme, qui s'accroît de 60 millions d'euros pour atteindre 309 millions d'euros, soit une hausse de 24 %. Les fonds dédiés aux dépenses de démantèlement et d'assainissement des sites nucléaires du CEA sont en effet arrivés à épuisement depuis le mois de février 2012. Un nouveau système de financement a été mis en place l'an dernier, basé sur des ressources mixtes : d'une part, une subvention budgétaire croissante ; d'autre part, le rachat par l'État des actions d'AREVA détenues par le CEA, pour un montant de 214 millions d'euros en 2012, 357 millions en 2013 et 412 millions en 2014.
La totalité des actions d'AREVA mobilisables aura été rachetée en 2015 ; la participation du CEA ne peut pas descendre en dessous de 50 % du capital d'AREVA ; il est important qu'AREVA reste français et contrôlé par un établissement public. En conséquence, le besoin de financement budgétaire de l'activité de démantèlement nucléaire du CEA augmentera brutalement de plusieurs centaines de millions d'euros en 2016 ; il faut le savoir.
L'IRSN est issu de la fusion, en 2002, entre l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et l'Institut de protection et de sûreté nucléaire qui existait au sein du CEA. Il intervient en appui technique des pouvoirs publics et de l'Autorité de sûreté nucléaire, et accomplit en propre une mission de surveillance radiologique. Notre commission a entendu très récemment la nouvelle présidente du conseil d'administration de cet institut.
Son budget, de 301 millions d'euros en 2013, est constitué pour les deux tiers par la dotation provenant du programme 190. Le tiers restant provient, pour moitié, des contributions des exploitants d'installations nucléaires de base, sous forme d'une taxe affectée, et, pour moitié, de prestations commerciales, de cofinancements internationaux et industriels. Les dépenses de l'IRSN se répartissent entre 40 % pour la recherche et 60 % pour l'appui technique et la radioprotection.
La dotation prévue pour l'IRSN en 2014 est présentée en baisse de 20 millions d'euros, soit une diminution de 10 % par rapport à 2013. L'Institut devra donc engager un plan d'efficacité et d'efficience pour comprimer ses moyens généraux, prélever 5 millions d'euros sur son fonds de roulement, différer dans le temps certains programmes de recherche et réduire sa masse salariale. Son plafond d'emplois est abaissé de 36 équivalents temps plein, sur environ 1 700 salariés.
Cette stratégie d'adaptation à la rigueur risque de vite rencontrer ses limites, car les autorités publiques ont, de manière structurelle, des demandes croissantes en matière d'expertise radiologique. L'IRSN a ainsi directement contribué à la mise à niveau générale de la sûreté nucléaire en France, à la suite de l'accident de Fukushima. Or, c'est regrettable, la recherche ne peut pas être la variable d'ajustement du budget de l'Institut, car elle est la clef de la radioprotection et de la sûreté nucléaire de demain.
Héritier de l'Institut français du pétrole créé en 1943, l'IFPEN, établissement public industriel et commercial a pour mission de réaliser des études et des recherches dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement. Il vise à développer les technologies et matériaux du futur, et à les valoriser, notamment en prenant des participations dans des sociétés industrielles ou commerciales. L'IFPEN accompagne également le développement de petites et moyennes entreprises et de petites et moyennes industries dans le cadre d'accords de collaboration.
Pour la troisième année consécutive, l'IFPEN fait partie des cent entreprises les plus innovantes au monde. Avec 176 brevets déposés en 2012, soit 12 % de plus qu'en 2010, l'IFPEN se classe parmi les 11 premiers déposants français. 88 de ces brevets ont concerné les nouvelles technologies de l'énergie : biocarburants, énergies marines, chimie « verte », motorisations alternatives, captage et valorisation du CO2, etc.
L'IFPEN bénéficie d'une dotation budgétaire de l'État rattachée exclusivement à l'action 10 « Recherche dans le domaine de l'énergie » du programme 190. Cette dotation s'élève pour 2014 à 143,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, comme en crédits de paiement, soit un montant inférieur de 3 millions d'euros à celui de 2013.
Alors que j'avais salué l'an dernier la décision de stabiliser le montant de la dotation de l'IFPEN, je regrette la baisse de 2 % des crédits qui lui sont alloués pour 2014. Celle-ci pourrait s'avérer d'autant plus dommageable que, dans les faits, la dotation budgétaire de l'IFPEN a été amputée de plus de 10 millions d'euros en 2013, en raison d'un gel en début d'année, puis d'un surgel à l'automne.
Au total, au cours des dix dernières années, le montant de la subvention pour charges de services publics allouée à l'IFPEN a diminué de 34 %, soit de 45 % en euros constants. Cette évolution risque d'aggraver le déficit budgétaire de cet établissement public, récurrent depuis plusieurs années.
Pour 2013, le budget prévisionnel de l'IFPEN fait apparaître une perte de 5,8 millions d'euros, après celle de 1,7 million d'euros en 2012. Ce déficit est principalement le résultat d'une diminution significative des ressources propres de l'établissement.
Comment y faire face ? La stratégie d'augmentation du taux des redevances perçues auprès des filiales commercialisant les procédés, produits et logiciels issus de la recherche menée par l'IFPEN atteint ses limites. Toute nouvelle baisse de la dotation budgétaire de l'IFPEN risque donc de le placer dans une situation extrêmement délicate. Une nouvelle baisse pourrait même se traduire, selon les représentants de l'IFPEN que j'ai rencontrés, par des licenciements, notamment de chercheurs.
Né en 1990 d'une fusion entre le Centre de recherche des charbonnages de France (CERCHAR) et l'Institut de recherche chimique appliquée (IRCHA), l'INERIS a le statut d'établissement public national à caractère industriel et commercial.
Il a pour mission de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, ainsi que sur l'environnement.
Les dotations budgétaires affectées à l'INERIS relèvent non seulement du programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », mais aussi - et à titre principal - du programme 181 « Prévention des risques » et du programme 174 « Énergies et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Au titre du programme 190, l'INERIS contribue à l'action 11 « Recherche dans le domaine des risques » en réalisant des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions.
Le projet de loi de finances pour 2014 accorde au total 40,3 millions d'euros à l'INERIS, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, dont 6,9 millions au titre du programme 190.
Cela représente une forte diminution de sa dotation budgétaire globale, réduite de 3,2 millions d'euros par rapport à 2013, soit une baisse de 7,3 %. Cette baisse est tout particulièrement marquée s'agissant des crédits alloués au titre du programme 190, qui sont réduits de 17 %. Cette diminution brutale tranche avec la quasi-stabilité de la dotation allouée l'année dernière.
Elle pourrait entraîner un réel déclin des actions de recherche que cet établissement mène au profit de l'État, alors qu'il conduit des projets de recherche d'une importance fondamentale, notamment pour étudier les risques liés à l'exposition aux nanoparticules - on en parlera de plus en plus dans le futur -, aux effets des perturbateurs endocriniens, ou encore à la production et au stockage de l'hydrogène, solution d'avenir, notamment pour la voiture électrique.
L'impression que je retire de mes auditions avec les responsables de ces quatre opérateurs est que ces établissements, qui sont des fleurons de la recherche française et des acteurs majeurs de la transition énergétique et écologique, sont de plus en plus inquiets de la pression budgétaire prolongée à laquelle ils sont soumis, dont ils ne voient pas la fin et qui atteint le coeur de leurs missions. On mesure ici à quel point la crise de la dette publique se répercute sur notre capacité collective à anticiper l'avenir.
Il est dommage d'obérer ainsi l'action que l'on peut, par la recherche, avoir sur le futur. Le levier de développement de la France est l'innovation. En s'en privant, on risque de se laisser devancer par les autres pays européens qui ne sont pas dans la logique vertueuse que nous adoptons vis-à-vis de l'environnement.
Je vous propose en conséquence de rejeter les crédits du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » pour soutenir nos chercheurs et, par cette action symbolique, ne pas insulter notre avenir.
M. Ronan Dantec. - Je partage la conclusion du rapporteur pour avis selon laquelle les questions d'innovation et de mobilisation de financements pour la recherche sont un enjeu majeur pour notre pays. Il ne faut pas gaspiller ces financements et il est nécessaire de les équilibrer.
Je perçois à travers ses propos une inquiétude majeure sur la recherche nucléaire française, qui serait en partie dans une impasse en raison de coûts induits par le démantèlement d'installations de recherche ou la mise en sécurité de certains sites. À cet égard, je ne peux pas le rejoindre dans la mesure où, selon moi, Greenpeace a mis le doigt sur une faiblesse dans la protection d'installations dangereuses, ce qui est plutôt un service rendu par l'organisation. La somme annoncée de 250 millions d'euros me semble effectivement très importante, mais elle prouve l'actuelle fragilité de la protection de sites dangereux. Le drame du modèle économique nucléaire français est que la capacité de recherche est obérée par des coûts induits annexes imprévus, comme le démantèlement.
Conformément à l'engagement du président Nicolas Sarkozy, le CEA doit équilibrer ses budgets de recherche consacrés au nucléaire et au renouvelable. Un rapport d'enquête sénatorial a montré que c'était loin d'être le cas, alors que le CEA est un institut clef en matière d'innovation sur l'enjeu majeur que constitue le renouvelable. Il ne faut pas se tromper de priorité économique : à l'échelle mondiale et même européenne, le renouvelable va représenter 20 fois plus d'investissements économiques que le nucléaire dans les dix prochaines années.
Il est très inquiétant que le budget de l'IRSN consacré à la recherche sur les enjeux de sécurité soit en baisse. Ce signal extrêmement négatif est inacceptable.
Il y a urgence à remettre à plat les crédits de recherche pour qu'ils soient ciblés sur les secteurs véritablement innovants à enjeux économiques majeurs. Au vu des chiffres avancés par le rapporteur, je crains un épuisement des crédits français de la recherche sur des marchés en régression.
M. Michel Teston. - Notre collègue Alain Houpert a mis l'accent sur la baisse des subventions pour charges de services publics destinées aux opérateurs de divers programmes : le CEA, l'IFPEN, l'INERIS et l'IRSN. À partir de son analyse, il conclut qu'il faudrait émettre un avis défavorable sur les crédits de cette mission.
Mon avis n'est pas le même, notamment parce que les crédits accordés à l'ANSES, permettant donc de veiller à la sécurité sanitaire des aliments et à la sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, sont stables. En outre, si on analyse plus globalement les crédits de cette mission, on constate que ceux consacrés à la recherche en matière de développement durable baissent certes légèrement en autorisations d'engagement mais augmentent en crédits de paiement de 1,42 % par rapport à 2013, pour atteindre 1,397 milliard d'euros. On constate également que les crédits de paiement de l'ensemble de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmentent de 1,6 %, pour atteindre 26,5 milliards d'euros, contre 25,64 milliards d'euros en 2013.
Vous l'avez compris, mon avis est donc beaucoup moins défavorable que celui émis par le rapporteur. Je propose, en effet, que notre commission émette un avis favorable sur les crédits de cette mission, tout en insistant sur la nécessité que le secteur de la recherche soit à l'avenir un élément majeur du budget et que des crédits plus importants lui soient consacrés.
M. Alain Houpert, rapporteur pour avis. - Les quatre instituts de recherche que nous avons entendus cette année constituent un échantillon représentatif de la recherche en France actuellement. Publique ou privée, la recherche française est malade : nos cerveaux fuient en Grande-Bretagne ou aux États-Unis parce que trop peu de crédits leur sont accordés dans notre pays.
Je suis d'accord avec le fait qu'il ne faut pas baisser la garde sur la sécurité. Je rappelle cependant que Greenpeace n'a pas pu pénétrer sur un seul des sites du CEA, qui a tout de même été condamné à dépenser 250 millions d'euros pour mettre aux normes ses clôtures alors que la surveillance dont ses sites font l'objet est d'ores et déjà quasi paramilitaire. Cet argent, qui aurait pu être consacré à la recherche, est gâché.
Je demande donc que notre commission émette un avis défavorable sur les crédits de cette mission pour montrer symboliquement à ceux qui nous gouvernent et aux administrations qui conseillent nos gouvernants que la recherche ne doit pas être considérée comme une variable d'ajustement. Si la recherche française est aujourd'hui en panne, c'est une conséquence de mauvaises mesures fiscales et budgétaires.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2014.