- Lundi 24 février 2014
- Mercredi 26 février 2014
- Nomination de rapporteurs
- Artisanat, commerce et très petites entreprises - Échange de vues sur une éventuelle saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
- Renforcer la lutte contre la contrefaçon - Examen des amendements au texte de la commission
- Modifier le Règlement du Sénat afin de rénover les règles relatives à l'obligation de participation des Sénateurs aux travaux des commissions du Sénat - Examen du rapport et du texte de la commission
- Justice familiale - Examen du rapport d'information
- Questions diverses
Lundi 24 février 2014
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -La réunion est ouverte à 15 h 10
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur son texte n° 381 (2013-2014) pour le projet de loi n° 303 (2013-2014) portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je vous propose deux amendements qui visent à corriger deux oublis de coordination.
La commission adopte les amendements nos 22 et 23.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 2 qui est cohérent avec ce qui existe en matière de garde à vue.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n°4. Le caractère libre de l'audition rend inutile la précision qu'il apporte.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 4 et, à défaut, y sera défavorable.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 3 qui réintroduit la possibilité de mentionner l'infraction reprochée sur la convocation.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 1 prévoit que les droits de la personne entendue dans le cadre d'une audition libre doivent obligatoirement figurer sur la convocation. C'est excessif. Laissons une marge de manoeuvre aux officiers de police judiciaire ; de toute façon, les personnes ne pourront être interrogées sans qu'on leur ait notifié l'ensemble de leurs droits au préalable. Retrait sinon avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 18 du Gouvernement permet à la victime de bénéficier de l'aide juridictionnelle en cas de confrontation avec un suspect dans le cadre de l'audition libre. Il répond à une demande de la commission des lois, bloquée sur ce sujet par l'article 40 de la Constitution.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 18.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 8 qui précise qu'une personne en garde à vue peut consulter les pièces de son dossier « dans les meilleurs délais », notion que le Conseil constitutionnel a précisée dans sa décision du 11 août 1993, et non « au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue ».
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.
La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 9.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 10 rectifié anticipe sur la transposition de la directive C en ouvrant à l'avocat la possibilité d'accéder à l'intégralité des pièces du dossier en garde à vue.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avons déjà discuté de ce sujet lors de notre précédente réunion.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10 rectifié.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 19 du Gouvernement tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 4 décembre 2013 sur la fraude fiscale et interdit les gardes à vue de quatre jours pour des faits d'escroquerie en bande organisée, ainsi que pour le recel, le blanchiment et l'association de malfaiteurs relatifs à ce délit. Avis favorable à regret, car je crains que cette décision ne s'avère préjudiciable à la recherche de la vérité et ne protège les auteurs de ce type d'infractions qui nécessitent des actes d'enquête complexes.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je partage votre position. La parole est libre, y compris à l'égard des décisions du Conseil constitutionnel, même si celles-ci s'imposent à tous.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 19.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement n° 5 est rédactionnel.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La rédaction n'est jamais neutre...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Absolument !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Cet amendement prévoit que la déclaration écrite des droits doit être remise à l'intéressé « concomitamment » à la notification de la mesure privative de liberté. Avis favorable.
Mme Hélène Lipietz. - Comment est-ce possible ?
M. Yves Détraigne. - Cela semble difficilement faisable !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Il s'agit ici de formulaires écrits déjà préparés : la remise du document peut se faire en même temps que la notification de la mesure.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je propose de remplacer « concomitamment » par « lors de ».
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis d'accord. Avis favorable à l'amendement qui serait ainsi rectifié.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5 sous réserve de sa rectification.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 11 inclut le droit de conserver la déclaration écrite dans la liste des droits qu'elle énumère.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Retrait sinon avis défavorable. Cet amendement ne clarifie pas la rédaction de l'article. Ne confondons pas les droits qui doivent figurer dans la déclaration écrite, et le fait que la personne soit autorisée à conserver ce document pendant toute la durée de la garde à vue ou de sa détention provisoire. L'essentiel est que la personne concernée puisse le conserver.
Mme Hélène Lipietz. - C'est prévu par la directive. L'article 4 prévoit que les personnes suspectées doivent recevoir une déclaration écrite et pouvoir la conserver pendant toute la durée de la mesure.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La directive ne prévoit pas que le droit de conserver la déclaration écrite figure dans la liste des droits qu'elle énumère.
Mme Hélène Lipietz. - Si on ne peut la conserver, à quoi bon prévoir une déclaration écrite !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Les personnes suspectées sont autorisées à la conserver, mais il n'est pas nécessaire de l'écrire expressément sur le document.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable aux amendements n°s 6 et 7 qui créent un droit à la traduction de toutes les pièces du dossier. Sans compter que ces amendements risquent de tomber sous le coup de l'article 40...
La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 6 et 7.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 12 place le droit de se taire en tête de l'énumération des droits signifiés à une personne suspectée. La rédaction actuelle du texte, en effet, ne respecte par l'esprit de la directive qui en fait un droit autonome. De plus pourquoi ne pas s'inspirer de la rédaction de l'article 116 du code de procédure pénale où le droit de se taire est le premier mentionné ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable. La rédaction actuelle se retrouve dans l'ensemble du code de procédure pénale, à l'exception de l'article 116.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je soutiens la position du rapporteur : il est étrange de commencer une énumération par le droit de se taire, même si parfois le silence a des vertus...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 13 pour les mêmes raisons.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 14 pour les mêmes raisons.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 15 est un amendement de cohérence et de clarification. Il réécrit et fusionne les alinéas 6 et 7.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La rédaction proposée n'est pas plus claire que le texte initial qui précise bien que le supplément d'information peut être demandé avant l'audience, au début de celle-ci ou ultérieurement pendant les débats. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 16, encore relatif au droit au silence.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Par cohérence, avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 17.
La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 17.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement de coordination du Gouvernement n° 20.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 20.
Article 9
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 21.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avions supprimé l'article 10 qui autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le droit d'asile. Toutefois, comme cet article augmente les droits des demandeurs d'asile, en dépit de son caractère de cavalier législatif, nous avions fait savoir au Gouvernement que nous aurions été prêts à adopter un amendement inscrivant directement dans la loi les dispositions nécessaires à l'application du règlement européen, plutôt que l'habilitation demandée. Le Gouvernement n'a pas déposé d'amendement. Je le regrette.
La commission adopte les avis suivants :
Examen des amendements du rapporteur
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Article 1er |
||
M. MICHEL |
22 |
Adopté |
M. MICHEL |
23 |
Adopté |
Examen des amendements de séance
- Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -
Questions diverses
M. Jean-Pierre Michel, président. - La commission mixte paritaire sur la géolocalisation est parvenue à un accord sur le projet de loi relatif à la géolocalisation. Le Gouvernement a déposé un amendement.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Le texte de la CMP prévoit, comme le souhaitait le Sénat, un seuil de cinq ans d'emprisonnement pour le recours à la géolocalisation. Par coordination, l'amendement n° 1 instaure un tel seuil pour les délits douaniers.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
La commission adopte l'avis suivant :
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Article 2 |
||
Le Gouvernement |
1 |
Favorable |
La réunion est levée à 15 h 40
Mercredi 26 février 2014
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -La réunion est ouverte à 9 h 30
Nomination de rapporteurs
M. François Pillet est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 361 (2013-2014) présentée par M. Gaëtan Gorce et plusieurs de ses collègues, visant à limiter l'usage des techniques biométriques.
M. Jacques Mézard est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 1700 (A.N., XIVe lég.) relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
Artisanat, commerce et très petites entreprises - Échange de vues sur une éventuelle saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
Puis la commission décide de se saisir pour avis sur le projet de loi n° 376 (2013-2014) relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous propose de nommer Mme Nicole Bonnefoy rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 376 (2013-2014) relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
Renforcer la lutte contre la contrefaçon - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine ensuite les amendements sur son texte n° 383 (2013-2014) pour la proposition de loi n° 335 (2013-2014), modifiée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 1 rectifié est défendu.
M. Michel Delebarre, rapporteur. - Encore l'histoire des semences de ferme ! Avis encore défavorable...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il est toujours possible de revenir sur un texte. Le sens du vote conforme est toutefois de parvenir à l'adoption la plus rapide possible de cette proposition de loi qui a des conséquences pour l'emploi des Français.
M. Jean-Jacques Hyest. - Les semences de ferme ne devaient pas figurer ici. Ce débat récurrent ne doit pas faire oublier la lutte contre la contrefaçon.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.
Mme Hélène Lipietz. - D'appel, l'amendement n° 2, que j'avais déjà déposé en première lecture, rappelle que la contrefaçon peut avoir du bon.
M. Michel Delebarre, rapporteur. - Je n'ai pas souvenir de cet amendement. Je ne suis pas certain qu'il soit conforme au droit communautaire et à la Constitution. Je suggère de le garder pour une autre occasion.
Mme Hélène Lipietz. - Je maintiens l'amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous confirmons notre souhait d'un vote conforme sur la proposition de loi lors du débat en séance publique de ce soir.
La commission adopte les avis suivants :
Modifier le Règlement du Sénat afin de rénover les règles relatives à l'obligation de participation des Sénateurs aux travaux des commissions du Sénat - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Alain Anziani et du texte qu'elle propose pour la proposition de résolution n° 225 (2013-2014), présenté par M. Jean-Pierre Bel et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier le Règlement du Sénat afin de rénover les règles relatives à l'obligation de participation des sénateurs aux travaux des commissions du Sénat.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Le débat sur la participation des sénateurs aux travaux de la Haute assemblée remonte au moins à la discussion constitutionnelle de 1958. Une loi organique pose en effet alors le principe d'une retenue pécuniaire en cas d'absence des parlementaires et renvoie aux règlements des assemblées le soin de déterminer les conditions de sa mise en oeuvre. Ce texte n'envisage de retenue que sur l'indemnité de fonction, qui constitue une partie de l'indemnité parlementaire. En raison de ce cadre constitutionnel, la sanction maximale s'élève à 1 420 euros par mois.
Le sujet suscite deux types de réactions : aux défenseurs du statu quo -« surtout ne changez rien, n'en parlons pas »- s'opposent les partisans d'une révolution -« il faut tout changer, vous n'allez pas assez loin ». En tout état de cause, les dispositions organiques s'imposent, ce dont le règlement du Sénat prend acte. Dans sa rédaction actuelle, l'article 15 de notre règlement prévoit un mécanisme brutal avec une double sanction, pécuniaire et politique : trois absences successives à une réunion de commission permanente entraînent une retenue de 50 % de l'indemnité de fonction jusqu'à la nouvelle session ordinaire, ainsi que la démission d'office du sénateur de la commission dont il est membre. Le sénateur démissionné ne peut être remplacé par un membre de son groupe jusqu'à la prochaine session ordinaire. C'est l'arme atomique ! Dans sa grande sagesse, le Sénat s'abstient de l'utiliser. La sanction n'a été prononcée qu'une fois à ma connaissance, en 1959, envers un sénateur élu en Algérie.
Le Bureau du Sénat a mis en place un groupe de travail sur les conditions matérielles d'exercice du mandat. Présidé par MM. Todeschini et Foucaud, il a mis en évidence l'absence chronique de certains sénateurs aux réunions de commission du mercredi matin. Le Bureau a ensuite adopté à l'unanimité une proposition de résolution destinée à mettre en place un dispositif pragmatique et applicable.
Seraient décomptées uniquement les absences aux commissions permanentes du mercredi matin pendant les semaines de séance de la session ordinaire. Les premiers cas de dispense s'imposent à nous, puisqu'ils sont visés par l'article 1er de l'ordonnance de 1958 qui autorise les délégations de vote : maladie, événement familial grave, mission temporaire, participation à une assemblée internationale, force majeure appréciée par le Bureau. Bénéficieraient également d'une dispense les sénateurs participant aux travaux d'une autre commission, les membres du Bureau et les présidents de groupe dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi que les sénateurs ultramarins et ceux qui représentent les Français établis hors de France. Enfin, la résolution modifierait les sanctions en passant de la retenue forfaitaire de 50 % à des retenues mensuelles graduées de 50 % pour trois absences mensuelles, 75 % pour quatre absences et 100 % pour cinq absences par mois.
Après l'audition des présidents de commission, des présidents de groupe, de sénateurs d'outre-mer et de sénateurs élus par les Français de l'étranger, je propose quelques amendements. De forme, le premier améliore la lisibilité de l'article 15 du règlement en présentant successivement le principe de la présence, les sanctions, les exceptions, les modalités pratiques de mise en oeuvre. Il s'agit ensuite de prévoir le cas de la présence à une autre commission permanente, à une commission spéciale, à une commission mixte paritaire ou à une commission d'enquête.
Le système de sanction envisagé avec ses trois niveaux de retenue paraît peu efficace : comme le remarquerait un lecteur malicieux, il y a peu de mois comptant cinq semaines avec cinq réunions de commission, de sorte que la retenue de 100 % ne s'appliquerait jamais. Il serait plus efficace et plus lisible de prévoir 50 % de retenue à partir de trois absences par mois et 100 % au-delà. Compte tenu des exceptions, seront ainsi sanctionnés ceux qui feront vraiment preuve de mauvaise volonté.
Nous reprenons les cas de l'ordonnance de 1958. Je propose de dissocier la question des délégations de vote de celle des retenues. Les premières, qui font l'objet d'un consensus, ne peuvent en pratique donner lieu à une appréciation du Bureau, qui ne peut se réunir pour constater qu'un avion n'a pas décollé. On ne changerait rien au fonctionnement des délégations de vote. L'absence, même si elle a donné lieu à délégation de vote, pourra en revanche déterminer une retenue : si vous êtes malade, il faudra apporter un justificatif. Deuxième exception, il est plus simple de dire que les membres du Bureau et les présidents de groupe sont exonérés à raison de l'exercice de leurs fonctions et pas de droit.
Lors de nos auditions, certains se sont interrogés sur l'exemption consentie aux sénateurs ultra marins et aux sénateurs des Français de l'étranger. Je maintiens cependant le texte du Bureau. Les contraintes des élus d'outre-mer sont réelles : il est malaisé de venir de certains territoires et le Sénat ne rembourse qu'un aller-retour par mois. La solution d'un décompte des absences sur le trimestre n'en est pas une, tant que les sénateurs exercent des fonctions exécutives locales qui les empêchent de quitter leur territoire pour une longue période. Même si les élus des Français de l'étranger avaient accepté à l'unanimité un décompte par trimestre, il est difficile d'un point de vue juridique de différencier leur situation de celle des élus ultramarins. Au demeurant il est toujours possible de demander un congé.
Mme Esther Benbassa. - Pour quel motif ?
M. Alain Anziani, rapporteur. - Il est apprécié par le Bureau.
Les absences seront relevées par le président de la commission. Les questeurs auront la dure charge de les contrôler et d'appliquer les retenues. Le texte serait applicable après le prochain renouvellement.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je remercie le rapporteur qui a procédé à un grand nombre d'auditions. Il y aurait une grande hypocrisie à maintenir l'exemption de sanction en faveur des sénateurs qui se trouvent dans l'un des cas autorisant la délégation de vote. Celle-ci n'a de sens qu'en cas d'absence... Si l'on veut que le texte soit efficace, il serait souhaitable que le Bureau précise ce qu'est la force majeure.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Le rapport précise que le Bureau devra définir la force majeure et se donner une doctrine à partir des critères juridiques habituels que sont l'irrésistibilité, l'imprévisibilité et la cause extérieure.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il est essentiel que cela figure dans le rapport.
M. Pierre-Yves Collombat. - Lors du débat sur la transparence de la vie politique, j'avais proposé une publication de l'activité des sénateurs. On m'a renvoyé dans mes buts... Le sujet préoccupe désormais le Bureau. Nous sommes dans l'un de ces exercices de mortification dont nous avons le secret. C'est pourquoi j'ai déposé, pour compenser, un amendement afin de rappeler qu'il serait utile de traiter de l'exercice du droit d'amendement dans toute sa plénitude.
Des dispositions existent en matière d'absentéisme. Elles ne sont pas appliquées parce qu'elles constituent, nous dit-on, la bombe atomique. Parce que le Bureau ne fait pas son travail et qu'il n'a pas eu le courage de demander la justification de la force majeure ! À partir du moment où la dispense pour ce motif est maintenue, la situation ne changera pas. Nous serons en revanche confrontés à une délicate casuistique : je ne suis pas persuadé qu'il soit moins compliqué de venir à Paris de Draguignan ou d'Aurillac que de Monaco ou du Luxembourg... Nous pourrons dire combien nous sommes vertueux, que tous les élus ne sont pas pourris. Nous sommes en présence d'un texte d'affichage, à l'image de la charte de l'élu local que nous allons psalmodier. Je fais une violente allergie à ce type de textes. Que le Bureau fasse son travail : si des collègues ne font rien, qu'il les sanctionne en appliquant les règles actuelles, un point c'est tout.
Mme Catherine Tasca. - Je remercie le rapporteur du travail qu'il a accompli en service commandé par les autorités de notre Haute assemblée.
Je partage largement les vues de notre collègue Collombat, même si je les exprime avec moins de fougue. La mesure ne rétablira pas l'image du Sénat dans l'opinion. Nous parlons de queues de cerise. Le vrai problème est celui de l'organisation du travail dans cette maison : la multiplication démagogique du nombre de commissions, délégations et autres missions d'information rend la gestion du temps infernale pour les parlementaires. Si elles flattent certains, ces créations d'instances diluent la réflexion de notre assemblée et dispersent les possibilités de présence.
Je m'abstiendrai sur ce texte de pure annonce qui, sans être nocif, ne traite pas réellement la question de la présence active de chaque sénateur dans la commission principale qu'il a choisie. En ce qui concerne les absences hors les murs, il y a des textes, appliquons-les rigoureusement.
M. Jean-Jacques Hyest. - Le texte vise à montrer à l'opinion publique que nous luttons contre l'absentéisme, mais cela ne changera rien. Il suffit que nos concitoyens allument leur poste de télévision pour constater que les sénateurs ne sont pas au Sénat, dans l'hémicycle. L'ambition du Bureau porte uniquement sur la participation aux réunions du mercredi matin, quand il ne doit pas y avoir d'autres réunions. Nous avons déjà réussi à faire respecter cette règle.
M. René Garrec. - Pas tout à fait.
M. Jean-Jacques Hyest. - S'il y a d'autres convocations, que le Bureau fasse le ménage ! La commission des affaires européennes ne se réunit d'ailleurs pas ce jour-là...
M. Simon Sutour. - Il arrive que nous ayons un travail conjoint avec une autre commission, ainsi la semaine dernière avec la commission des affaires étrangères. Je n'étais donc pas en commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est rare... Le rapporteur a raison de dissocier les délégations de vote des autres absences. Les dispositions sur les délégations de vote figurent dans la loi organique et il est impossible de revenir sur la force majeure, même s'il est possible de mieux la définir. À l'époque où l'on exerçait une certaine surveillance, d'aucuns produisaient des faux certificats médicaux. Membre de cette commission depuis 1995, il m'est arrivé de ne jamais voir un collègue, même pas pour l'élection du président. De tels comportements, isolés, doivent être sanctionnés. Je soutiens les propositions du rapporteur, plus raisonnables que le texte initial. La commission des lois est moins touchée par les absences que d'autres. Les collectivités locales qui sanctionnent l'absentéisme l'ont empêché de gagner. Au demeurant, la sanction consiste également dans la publication, car des sites internet recensent la présence des élus.
M. Jean-René Lecerf. - Je n'ai rien contre l'esprit du texte, mais pour qu'il soit appliqué, il doit être applicable, et pour cela, il doit être juste. Il faut éviter que certains viennent signer pour être comptés présents avant de s'en aller. Les excuses absolutoires sont trop centrées sur les responsabilités exercées au Sénat. On les accorde aux présidents de groupe et membres du Bureau - les « dignitaires », comme on dit -, de même qu'à nos collègues ultramarins ou représentant les Français de l'étranger... Il conviendrait de prévoir une dispense pour les périodes électorales en faveur des têtes de liste au scrutin de liste ou des candidats au scrutin majoritaire. La loi sur le cumul des mandats n'interdit pas de se présenter à un mandat local.
M. Jean-Jacques Hyest. - Ils peuvent demander un congé.
Mme Esther Benbassa. - J'approuve ce qui vient d'être dit. Le rapporteur a accompli une tâche acrobatique. N'étant pas une grande absentéiste, je ne prêche pas pour ma paroisse. Je suis pourtant surprise d'avoir à payer, avec ce texte, pour des absentéistes confirmés. Après la déclaration sur la transparence qu'on vient de remplir, ce nouveau texte d'affichage nous éloigne des réalités. La nation attend autre chose de nous. Et pourquoi ne pas installer une pointeuse ? Loin de faire avancer les choses, ces méthodes donnent une piètre idée des parlementaires. Nous ne sommes plus des élèves. Le véritable absentéisme, dont ne traite pas le texte, se constate lorsque la télévision montre la séance publique réduite à huit à dix personnes... Ne tombons pas dans une infantilisation vexante, nous travaillons : dans notre petit groupe de douze élus, nous y passons le week-end et nous sommes au bord du burn-out.
M. Yves Détraigne. - La retransmission des séances ne donne pas une image favorable des assemblées. Il faut agir, car nous avons mauvaise presse, et plus encore dans le contexte actuel d'impuissance des pouvoirs publics à régler les problèmes du pays. Avec toutes les exceptions qu'il prévoit à une retenue opérée sur une petite partie de l'indemnité, le texte nous donne bonne conscience à peu de frais. Il ne changera pas grand-chose, c'est une mesurette. Comment la présence en commission sera-t-elle appréciée ? Suffira-t-il d'y passer trois minutes ? Y a-t-il une définition de la présence réelle, active ?
M. René Vandierendonck. - Il y a longtemps le doyen Gélard m'avait fait lire « Le Huron au Palais-Royal », un article du professeur Rivero... En l'espèce, notre collègue Collombat a raison, nous aurions tort d'opter pour la repentance. Je le dis avec sympathie pour notre rapporteur, qui a réalisé une figure imposée et non une figure libre. Le texte propose des faux-semblants, et ce serait le cas si le Bureau définissait la force majeure. Il y a des mesures simples à prendre, non culpabilisantes : supprimer les pseudo-commissions créées pour donner des avantages à certains et revenir aux commissions permanentes, téléviser les débats, émarger pour vérifier les présences, supprimer les délégations de vote en commission... Pourquoi priver nos concitoyens de l'information ? À l'Assemblée nationale, un parlementaire empêché ne peut donner de délégation de vote. Il n'est pas question de faire de la repentance, mais de se doter de règles éthiquement irréprochables.
M. Christian Cointat. - Tout le monde le sait, certains exagèrent, ne font leur travail ni en commission ni en séance. Cependant, ils ne sont pas légion. Ne jetons pas l'opprobre sur tout le monde. Je comprends l'intention de ce texte, mais je crains qu'il nous desserve. La transparence nous a fait passer pour des gangsters, des tricheurs ou des évadés fiscaux, et ce texte à présent pour des fainéants qu'il faut sanctionner. Il y a d'autres méthodes. Laissons chacun prendre ses responsabilités.
Je salue le travail de consultation et l'esprit d'ouverture du rapporteur, mais je regrette qu'il ait retiré son amendement relatif aux sénateurs des Français établis hors de France ou ultramarins.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous pourrez le redéposer.
M. Christian Cointat. - Une proposition collégiale est préférable. Il était envisagé de les soumettre aux mêmes obligations que les métropolitains, mais de ne les sanctionner qu'au bout de neuf absences sur trois mois. La spécificité de ce mandat pour les représentants des Français de l'étranger ne réside pas dans leur lieu de résidence, mais dans le fait que leur département est le monde entier ! Lorsque l'on est absent neuf fois en trois mois, c'est que l'on ne souhaite pas venir, et cela vaut également pour les outre-mer - Wallis et Futuna, dont le sénateur est d'ailleurs très assidu, étant un cas à part. Un mois de présence par trimestre, ce n'est pas trop demander.
On vient de voter le non-cumul et vous nous dites que des sénateurs ne peuvent remplir leur mandat à Paris parce qu'ils ont des responsabilités exécutives outre-mer... Qu'ils ne soient pas parlementaires ! Je comprends pour ma part que l'on exerce plusieurs mandats, si l'on fait des choix. Laissons les gens prendre leurs responsabilités, plutôt que de punir ceux qui n'ont pas fourni un mot d'excuse...
Il n'y a pas de raison que les sénateurs des Français de l'étranger ou d'outre-mer ne soient pas traités comme les autres, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en tenant compte de leurs spécificités. Ne pas le faire pourrait leur porter préjudice. Veillons à l'égalité de traitement. L'amendement du rapporteur était très bon : reprenons-le. Quant à ceux que l'on n'a pas vus depuis un an, qu'ils démissionnent !
M. Jacques Mézard. - « Hypocrisie », « mortification », « repentance », « service commandé »... Les mots sont révélateurs de la teneur de nos débats. Ce texte ressemble à une opération de communication ; encore faudrait-il qu'elle soit utile. Celle-ci va de toute évidence se retourner contre le Sénat. Les sénateurs ne viennent pas, amenons-les à travailler, dit-on. Depuis novembre 2011, en tant que président de groupe, je demande en vain l'application du règlement. Car nos concitoyens regardent la télévision, et qu'y voient-ils ? Un hémicycle vide. Nous avons assez parlé des questions cribles, qui sont un vrai problème.
Que veut-on vraiment ? S'il s'agit, en fin de mandature, d'adopter un nouveau règlement qui ne sera pas plus appliqué que le précédent, attendre le renouvellement aurait été plus sage. Disons les choses : certains de nos collègues, dans tous les groupes, ne viennent pas. Ce n'est pas admissible : que ceux-là cessent d'être parlementaires. Réfléchissons à une procédure de déchéance, l'opinion le comprendrait. Mais le système de sanction proposé est du niveau d'un règlement intérieur d'école primaire, pas de celui du Parlement de la République. Soyons raisonnables. J'ai entendu sur les ondes que l'on s'y prenait maintenant parce que le cumul des mandats avait été interdit : voilà une autre forme d'hypocrisie. En tant que président de groupe, je suis raisonnablement présent - d'aucuns le regrettent sans doute. Nous avons qualifié le texte sur la transparence de « repentance pour autrui ». Malheureusement, d'autres de cette nature sont à venir, dans le domaine sociétal. Un homme célèbre faillit ? Voici un texte ! Ce ne sont pas les bonnes solutions pour rétablir la confiance de l'opinion. Certains textes examinés en séance imposeraient que les sénateurs soient plus nombreux. Il y a là matière de vraies mesures à prendre, pas des mesurettes de cour d'école.
M. Patrice Gélard. - Il y a dix-sept ans, un éminent membre de notre commission, maire d'une commune voisine de Paris, avait présenté un certificat médical authentique lui interdisant de se lever avant onze heures du matin.
Mme Éliane Assassi. - De quelle maladie s'agissait-il ?
Mme Esther Benbassa. - De la maladie du sommeil !
M. René Garrec. - Une fièvre quarte !
M. Patrice Gélard. - Nos méthodes de travail datent du XIXe siècle, il faut impérativement les revoir. L'image de marque du Parlement, retransmise par la télévision, c'est la séance publique. Or celle-ci est complètement dépassée. C'est une pièce de théâtre, jouée par des acteurs plus ou moins bons. Les sénateurs ne siègent que lorsqu'ils se sentent concernés. Au Parlement européen, les votes sont bloqués sur une journée et tout le monde est contraint d'être présent, nous pensions faire de même. Chez nous, le véritable travail se fait en commission, pas en séance.
Enfin, le texte comporte des imprécisions : au bout de combien de temps la sanction de 50 % s'appliquera-t-elle : le mois suivant ? Toute l'année ?
M. Alain Anziani, rapporteur. - C'est prévu dans le texte : le mois suivant.
M. Patrice Gélard. - Ce n'est pas clair. Sur quelle partie de l'indemnité sera-t-elle prélevée ?
M. Alain Anziani, rapporteur. - C'est prévu également : sur l'indemnité de fonction...
M. Patrice Gélard. - ... qui est complexe.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Non, c'est 1 420 euros !
Mme Éliane Assassi. - Je remercie le rapporteur, qui a essayé de faire au mieux à partir d'une commande pluraliste. Reste qu'il s'agit d'un texte d'affichage, un de plus.
En outre, je ne comprends pas dans quelle temporalité il s'inscrit. Le président du Sénat a annoncé un séminaire de travail entre le Bureau et la conférence des présidents, sur les méthodes de travail du Sénat. Je soutiens son initiative, que ce présent texte vient percuter. Celui-ci donne de surcroît du grain à moudre à ceux qui pensent que le Sénat ne sert à rien et que les sénateurs, vivant dans une forme d'entre-soi, se protègent mutuellement.
Certains déplorent la pénalité prélevée sur l'indemnité de fonction. Regardez plutôt comment les gens vivent ! Ils savent que les parlementaires reçoivent 10 000 euros par mois. Enfin, le texte laisse penser que la loi se fait en commission. Non, elle est votée en séance, point qui n'est pas abordé par le texte. Bref, il n'est que d'affichage et risque de se révéler contreproductif.
M. Christophe-André Frassa. - Le Luxembourg pour M. Cointat ou Monaco pour moi ne sont pas ce qui nous rattache à notre circonscription, monsieur Collombat. Nous y sommes nés ou nous y travaillons, mais c'est de Paris que nous partons. La particularité du mandat de sénateur des Français de l'étranger est ailleurs. Je suis chaque semaine à l'étranger : depuis le début de l'année, je me suis rendu aux Pays-Bas, en République tchèque, en Tunisie, en Côte d'Ivoire et en Inde. Mes absences en commission ne s'expliquent pas autrement - elles sont rares au demeurant, car j'essaie d'organiser mon emploi du temps au mieux. L'année dernière, j'ai parcouru 187 000 kilomètres, visité vingt-sept pays, et je suis parvenu à rester assidu en commission. Les télégrammes diplomatiques attestent de notre activité sur le terrain, où nous rencontrons nos compatriotes établis hors de France.
Je regrette également que le rapporteur ait retiré sa proposition, qui avait recueilli l'assentiment de l'ensemble des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Neuf absences par trimestre, cela paraît jouable ; trois sur un mois, cela me semble plus difficile. Si c'était la solution retenue, je continuerais à exercer mon mandat et m'acquitterais de mes amendes...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous pouvez toujours amender le texte.
M. Christophe-André Frassa. - Certes, mais il vaudrait mieux que cela vienne du rapporteur.
M. André Reichardt. - Il est difficile de s'associer plus longtemps à cet exercice de mortification. Le respect des exigences d'assiduité passe par un changement complet de nos méthodes de travail. En outre, plus que par l'indemnité de fonction, je suis choqué que l'indemnité représentative de frais de mandat soit versée à tous sans contrepartie, quel que soit le travail fourni. C'est une façon d'encourager les élus à ne rien faire.
M. François Zocchetto. - Dès lors que ce texte nous est soumis par le Bureau...
M. Jean-Jacques Hyest. - ... unanime...
M. François Zocchetto. - ... nous n'avons guère le choix. Nous serions bien inspirés, cependant, de ne pas trop communiquer sur le sujet.
Pourquoi l'article 15 de notre règlement n'est-il pas appliqué, demandent certains ? Nous l'avons écarté trop vite, au motif que les sanctions étaient trop lourdes, surtout pour le groupe qui perdrait un commissaire. Il aurait pourtant le mérite de faire réfléchir, et peut-être d'aider les présidents de groupe à être fermes vis-à-vis de leurs troupes.
Je partage enfin l'avis de M. Cointat : les représentants des Français de l'étranger et des outre-mer ne doivent pas être considérés différemment des autres, bien qu'il leur faille un régime adapté. Je souhaite également que l'amendement imaginé par le rapporteur soit réintroduit.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - La conférence des présidents a établi l'ordre du jour jusqu'à la fin du mois d'avril. Ce texte n'y a pas été inscrit.
De plus, le président du Sénat a annoncé lors de la dernière conférence des présidents une réunion destinée à examiner nos procédures de travail. Les contributions devront être transmises avant le 15 mars. La présence en séance est un sujet récurrent. J'apprécie la séance publique, mais je reconnais que parfois, lundi dernier par exemple, il n'y avait guère plus de participants que d'orateurs inscrits... Nous aborderons cette question de front. Nous sommes le Parlement qui affiche le plus grand nombre d'heures de séance publique au monde. Nous pourrions rendre publiques les réunions de commission...
M. Jean-Jacques Hyest. - Non !
Mme Éliane Assassi. - Non, il y aurait d'autant moins de monde en séance !
Mme Esther Benbassa. - L'Assemblée nationale procède ainsi.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - ... et réfléchir davantage aux questions susceptibles d'être débattues en séance - toutes ne peuvent y prétendre et certaines pourraient faire l'objet de procédures simplifiées, sans séance. Comme MM. Hyest et Garrec avant moi, je suis présent en séance pour l'examen des textes dont notre commission est saisie au fond, mais je ne peux matériellement suivre la discussion de tous les projets. Personne ne le peut. Réfléchissons-y sérieusement.
Mme Catherine Troendlé. - M. Zocchetto a raison : s'il nous appartient de délibérer sur les propositions faites à l'unanimité par le Bureau, communiquer sur ce sujet risque fort de se retourner contre nous.
Clarifier la situation est assez simple : appliquons l'article 15 de notre règlement dans sa rédaction actuelle, et complétons-le pour resserrer l'étau pour les ultramarins et les représentants des Français établis hors de France.
Quant à notre mode de fonctionnement, nous avons abordé toutes les difficultés lors des dernières conférences des présidents. Le président Bel nous a invités à faire des propositions. Or, nous n'avons jamais autant travaillé le lundi qu'avec ce Gouvernement. C'est un vrai problème. M. Gélard...
M. Patrice Gélard. - ... et M. Peyronnet...
Mme Catherine Troendlé. - ... ont présenté naguère un excellent rapport sur le fonctionnement comparatif des parlements européens. Ses conclusions pourraient nous inspirer. En Espagne, des semaines complètes sont sanctuarisées pour le travail en commission, et une semaine mensuelle suffit au travail de séance, car les amendements sont moins nombreux. Il y a une réflexion de fond à mener sur toutes ces questions.
M. Pierre-Yves Collombat. - J'ai été sensible aux arguments de M. Cointat, qui nous a expliqué que les sénateurs représentant les Français de l'étranger vont voir leurs électeurs : ce ne sont pas les seuls...
M. Christian Cointat. - La distance n'est pas la même.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas faux et je ne voulais stigmatiser quiconque - l'amendement proposé répondrait à la question. Nous risquons d'entrer dans une casuistique invraisemblable. Comme souvent, le mieux est ici l'ennemi du bien. Nous ne fonctionnons pas comme un conseil municipal ou général, avec des réunions régulières et fixes, nous travaillons à jet continu. L'obligation de présence à toutes les séances nous empêcherait de lire les textes, tellement il y en a... Quand les étudierions-nous ? Plutôt que de se focaliser sur la séance, estimons le temps de travail des parlementaires de manière globale et communiquons sur l'activité globale des parlementaires.
Mme Catherine Tasca. - À la lumière de ce texte, qui n'est pas en cause, il apparaît qu'il est urgent d'attendre et d'adresser au Bureau et à la conférence des présidents la recommandation de travailler dans les plus brefs délais sur l'ensemble de nos conditions de fonctionnement. Ce n'est pas la peine de jeter en pâture à la presse un texte bien intentionné mais besogneux et qui ne règle rien.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - À nouveau, ce texte n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour. Je communiquerai personnellement au Président du Sénat le compte rendu de notre réunion.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Je savais que cela serait difficile et je vous remercie de me l'avoir confirmé...
D'abord, je ne peux laisser dire que j'agis en service commandé. L'absentéisme constitue un problème majeur : pour nous d'abord, car la charge de travail des absents est reportée sur les sénateurs présents, et parce qu'on ne peut supporter plus longtemps que certains soient payés 7 000 euros par mois à ne rien faire.
M. Christian Cointat. - Surtout que ceux qui passent plus de temps sur le terrain ont plus de chances de se faire réélire...
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'absentéisme est aussi un problème vis-à-vis de l'opinion : les élus du peuple ne peuvent demeurer les seuls à ne subir ni contrôle ni sanctions. Connaissez-vous une seule autre activité dans laquelle on puisse s'y soustraire sans la moindre conséquence ? Chacun s'accorde à trouver la situation inacceptable, mais juge que la moindre tentative d'y remédier est un pas de trop et propose des solutions inapplicables par excès d'ambition. La proposition du Bureau est réaliste, car cela ne sert à rien d'avoir un dispositif sévère s'il est inapplicable.
D'accord pour rénover le fonctionnement du travail parlementaire. Un séminaire est à venir. Mais ce chantier obéit à sa propre temporalité. Je défendrai par exemple la suppression des questions cribles et la réduction des discussions générales, qui laissent trop de place au bavardage. Comme il y faudra des réformes législatives voire constitutionnelles, cela demandera des mois, voire des années... Et pendant ce temps, nous laisserions en jachère la question de l'absentéisme ?
Pourquoi ne contrôler que la présence en commission, demandent certains ? Depuis la révision de 2008, c'est là que les textes sont amendés et adoptés. Il serait insensé de rendre obligatoire la présence en séance, car nous sommes tous spécialisés. Je ne me rends en séance que lorsqu'elle examine un texte que j'ai suivi. Si je devais y aller pour tous les textes, j'y ferais bien souvent de la figuration. L'absence doit être contrôlée prioritairement là où nous sommes maîtres d'oeuvre : en commission.
Pourquoi ne ponctionner que l'indemnité de fonction ? L'ordonnance organique de 1958 en dispose ainsi et la modifier suppose une majorité et l'accord de l'Assemblée nationale.
Pourquoi ne pas appliquer l'article 15 du règlement ? Je veux bien, mais il a ceci de particulier qu'il fait peser sur son groupe l'absence d'un parlementaire. La faute est individuelle, mais la sanction est collective. Son application est difficile, et d'ailleurs personne ne l'a demandée depuis un demi-siècle.
Enfin, le cas des sénateurs d'outre-mer et des Français de l'étranger. Dans un premier temps, j'avais proposé d'aller plus loin que le Bureau. Je remercie à nouveau les sénateurs représentants les Français de l'étranger d'avoir accepté la référence au trimestre. J'avais également noté qu'ils voulaient le même régime que les sénateurs d'outre-mer.
M. Christian Cointat. - Oui, mais si vous renonciez à traiter le cas des sénateurs d'outre-mer, rien ne vous empêcherait de traiter le nôtre...
M. Alain Anziani, rapporteur. - Je croyais que vous aviez lié votre sort. La question ultramarine se heurte à un problème matériel : nos collègues n'ont droit qu'à la prise en charge d'un aller-retour par mois. Le questeur que je suis est évidemment attentif à l'augmentation des frais de déplacement... En l'état, conservons le texte du Bureau sur ce point et, d'ici la séance, établissons un régime, même assoupli.
Les jeunes veulent se révolter, lit-on dans la presse. Vous-mêmes semblez disposés à vous révolter contre le Bureau du Sénat et les autorités. Reste que vous ne pouvez pas considérer qu'un président de groupe, qui a des activités multiples et participe à de nombreuses réunions, est un sénateur comme un autre. De même pour les membres du Bureau. C'est pourquoi ces règles s'appliquent à eux en tant qu'ils exercent leurs fonctions, par exemple si le Bureau se réunit le mercredi matin.
Enfin, l'Assemblée nationale pratique un tel système de contrôle et de sanction depuis 2009. Les députés sont-ils vus comme plus fainéants qu'avant ? Non. Votre objection ne tient pas la route. Il faut regarder ces choses dans le temps : demain, nous verrons quels articles la presse nous réserve ; dans deux ou trois ans, on louera peut-être le Sénat d'avoir soumis ses membres aux mêmes contraintes que tous les Français.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je remercie notre rapporteur pour le travail accompli volontairement au nom du Bureau, qui a adopté unanimement la présente proposition de résolution.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Alain Anziani, rapporteur. - Outre une réécriture de l'article 15 du règlement, l'amendement n° 3 garde la retenue à 50 % du montant mensuel de l'indemnité de fonction pour trois absences par mois, mais la porte à 100 % au-delà. La sanction est appliquée le mois suivant.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Cinq absences dans le mois, c'était ridicule.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 4 a été largement débattu. Il exempte du mécanisme les sénateurs élus outre-mer et ceux représentant les Français établis hors de France. Je propose de maintenir pour l'instant le texte du Bureau, avec des évolutions d'ici la séance.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'engage nos collègues à réfléchir à de nouveaux amendements pour la séance publique.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 5, rédactionnel, supprime la notion d'absence excusée.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 6 précise que la présence est obligatoire sauf participation aux travaux d'une autre commission permanente, d'une commission spéciale, d'une commission mixte paritaire ainsi que d'une commission d'enquête.
M. Christian Cointat. - Une commission spéciale peut se réunir en même temps qu'une commission mixte paritaire.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Précisément.
Mme Hélène Lipietz. - Les membres suppléants des commissions mixtes paritaires sont-ils astreints à cette obligation de présence ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Oui.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Ils sont convoqués.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 7 supprime la retenue sur indemnité lorsque le sénateur est dans l'exercice des fonctions de membre du Bureau ou de président de groupe.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Même chose pour l'amendement n° 8, lorsque le parlementaire est en congé du Sénat en application de l'article 34 du règlement.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 9 propose le même régime lorsque la réunion de commission est convoquée en même temps que le Sénat est réuni en séance publique.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 10 confie aux questeurs le contrôle des motifs d'absence, au besoin à l'aide de justificatifs.
L'amendement n° 10 est adopté.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 11 est de conséquence.
L'amendement n° 11 est adopté, ainsi que l'amendement n° 12.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 1, qui exempte de retenue sur leur indemnité les parlementaires participant aux travaux de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale dont ils sont élus...
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Articles additionnels après l'article 2
M. Pierre-Yves Collombat. - Mortifions-nous, mais restituons aux sénateurs la plénitude de leur capacité d'amendement. Je vous invite à lire le rapport réalisé par Philippe Marini sur la recevabilité financière des amendements. Vous y découvrirez que les références sont de plus en plus à rechercher dans les traités européens, et de moins en moins dans la Constitution, que le domaine d'application de l'article 40 de la Constitution s'est considérablement étendu - je n'ai pas fait la liste des aberrations que j'ai relevées - et que le président de la commission des finances a un pouvoir plus grand encore que le Conseil constitutionnel : d'où tient-il ce pouvoir de ventriloque ? Je suis atterré de voir le Sénat passer son temps à se détruire lui-même, comme en proie à une maladie auto-immune.
M. René Garrec. - C'est chronique !
M. Pierre-Yves Collombat. - Mon amendement n° 2 fait par conséquent des propositions en matière de droit d'amendement en commission et en séance ; il traite le cas des propositions de loi et n'oublie pas comment le Gouvernement soulève l'article 40 en séance. Parmi les innovations proposées, le bureau de la commission des finances, et non plus son seul président, deviendrait compétent pour l'examen de la recevabilité des amendements, le recours contre sa décision étant porté devant le président du Sénat.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Cet amendement pose de vraies questions, car l'article 40 nous agace tous. Sa rédaction mériterait toutefois d'être corrigée, car la suppression du contrôle a priori de la recevabilité des amendements de séance serait contraire à la Constitution. De plus, et même si je comprends l'exigence de collégialité, la saisine au fond du bureau de la commission pour chaque amendement serait d'une lourdeur excessive. Avis défavorable : tenons-nous-en au sujet de la résolution.
M. Pierre-Yves Collombat. - Écartons rapidement ces sujets anecdotiques... En matière de recevabilité des amendements, nous chargeons pour l'heure une seule personne de dire si un amendement est recevable ou non. C'est un pouvoir extraordinaire !
M. René Garrec. - Exorbitant !
M. Pierre-Yves Collombat. - Instaurons un minimum de collégialité et ouvrons une voie de recours. Je suis estomaqué par la capacité du Sénat à se dessaisir de ses pouvoirs.
M. Christian Cointat. - Je remercie M. Collombat. J'avais commencé à lire le rapport Marini, mais je n'ai pu aller bien loin tellement il soulevait mon indignation. Ces questions méritent un travail approfondi et une proposition de résolution qui tienne la route.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Si proposition de résolution de M. Collombat il y avait, nous pourrions veiller à ce qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Tel qu'il est rédigé, cet amendement ignore l'alinéa 1 de l'article 45 du règlement, qui prévoit l'examen a priori de la recevabilité des amendements en séance...
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° 13 précise que la résolution s'appliquera à compter du prochain renouvellement du Sénat.
L'amendement n° 13 est adopté.
La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Justice familiale - Examen du rapport d'information
La commission examine enfin le rapport d'information de Mme Catherine Tasca et de M. Michel Mercier sur « La justice aux affaires familiales ».
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je veux d'abord, monsieur le Président, vous remercier de nous avoir confié ce travail, qui s'inscrit, comme le rapport d'Yves Détraigne et de Virginie Klès sur la justice de première instance, dans la réflexion engagée par notre commission sur notre organisation judiciaire. Nous avons procédé à quarante auditions. Catherine Tasca s'est rendue au tribunal de grande instance d'Arras. Nous avons voulu étudier le fonctionnement de la justice à partir du point de vue du justiciable, en nous attachant aux moyens de la rendre plus accessible et plus efficace.
Le contentieux des affaires familiales, vitrine du contentieux civil, est celui qui touche le plus grand nombre de nos concitoyens. Paradoxalement, alors que cette justice semble fonctionner correctement, elle ne donne entière satisfaction ni à ceux qui la pratiquent ni à ceux qui font appel à elle.
Depuis sa création, sous la forme du juge aux affaires matrimoniales en 1975, celui qui est devenu le juge aux affaires familiales (JAF) en 1993 n'a cessé de voir son champ de compétence élargi : d'abord le contentieux du divorce et de l'après-divorce, puis celui de l'autorité parentale et des obligations alimentaires en 1993, celui de la liquidation du régime matrimonial en 2004, celui des tutelles mineurs en 2009, celui de la séparation conflictuelle des couples non mariés la même année et, enfin, celui des violences conjugales, avec la loi du 9 juillet 2010. Ces évolutions successives dessinent un périmètre cohérent, grâce auquel un même juge est apte, en principe, à connaître de la plupart des problématiques familiales.
Le JAF est confronté à un contentieux de masse, qui représente à lui seul presque la moitié de tout le contentieux civil porté devant les tribunaux de grande instance (TGI). Ces affaires se divisent, à parts égales, en procédures de divorce et en procédures hors divorce (autorité parentale, séparation conflictuelle des couples non mariés).
La moitié des divorces est traitée en moins de 5 mois, et le délai moyen pour toutes les procédures de divorce est passé de 13,3 mois en 2004 à 11,6 mois en 2010, pour un délai moyen en matière civile de 9,3 mois. La prise en charge de ce contentieux important est, de plus, efficace, puisqu'elle ne mobilise que 420 postes équivalents temps plein sur 8 000 magistrats de l'ordre judiciaire. Enfin, le juge aux affaires familiales est bien identifié, et son champ de compétence correspond, aux yeux des justiciables, à ce qu'ils en attendent. En outre, si le ministère d'avocat est obligatoire en matière de divorce, il ne l'est pas pour l'autorité parentale, ce qui facilite l'accès au juge.
Au vu de ces succès, il est paradoxal de constater que le jugement porté sur la justice aux affaires familiales est souvent sévère. Sans doute cette sévérité est-elle liée à la matière elle-même, qui concerne l'intimité des justiciables, dans des litiges douloureux à forte dimension passionnelle. On attend de la justice qu'elle trouve infailliblement la solution à laquelle les époux ou les parents ne sont pourtant pas parvenus. La déception, toutefois, est à la hauteur des attentes immenses placées en elle. Ainsi, les justiciables la dénoncent comme à la fois trop lente, car les délais de convocation sont élevés, et trop expéditive, avec 11 minutes pour une audience de divorce, certains évoquant une justice d'abattage. Lire la statistique ou la vivre est bien différent.
Les magistrats, quant à eux, se plaignent du manque de temps et de moyens. L'impératif du traitement quantitatif des flux contentieux l'emporte sur celui du traitement qualitatif des situations humaines qui leur sont soumises et le nombre important des saisines successives de la juridiction ou des instances modificatives est un signe d'échec. La fonction de JAF semble dévalorisée. La spécialisation familiale qu'elle devait établir ne se vérifie pas toujours, les JAF se concentrant sur un aspect du contentieux (juge du divorce, juge de la liquidation des régimes matrimoniaux, juge de l'autorité parentale) et les emplois étant morcelés entre plusieurs magistrats pour un quart ou un cinquième de leur temps. En outre, la fonction de JAF est peu prisée, souvent choisie par défaut ou confiée aux derniers magistrats arrivés, même si des vocations existent. Elle se caractérise par une très forte mobilité.
Tel est le paradoxe de cette justice, plutôt efficace, mais mal aimée, qui explique qu'elle ne parvienne pas toujours à être à la hauteur de son exigeante mission, en particulier lorsqu'il lui revient de faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant sur le choix de ses parents. Nous appelons de nos voeux un changement culturel.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. - J'ai eu plaisir à travailler avec Michel Mercier. Les missions confiées à un tandem de sénateurs, de la majorité et de l'opposition, constituent une bonne pratique.
La recherche de l'intérêt supérieur de l'enfant a guidé nos réflexions. En cas de séparation, il est fondamental que celle-ci s'opère de manière apaisée. Il importe de combler l'écart entre la réalité quotidienne de la pratique judiciaire en matière familiale et les attentes des justiciables. Plutôt qu'une réforme de structure, nous privilégions un changement de culture, qui favorise l'émergence de nouvelles pratiques.
Nos premières propositions tendent à conforter le juge aux affaires familiales dans son office. En effet, les justiciables attendent beaucoup du JAF : de l'écoute, une justesse d'appréciation, une décision rapide et parfois une protection. Cela exige du magistrat du temps, que le nombre d'affaires à traiter épuise rapidement, et des moyens d'agir, dont il est parfois privé.
Nous proposons, en premier lieu, de conserver le périmètre actuel de compétence du JAF et de rejeter toute fusion avec le juge des enfants. Celui-ci, en effet, est un juge spécifique, à la fois civil et pénal, qui connaît d'une situation dans sa durée, tandis que le JAF est exclusivement un juge civil qui intervient pour un litige limité à un moment donné. En revanche, l'office du juge aux affaires familiales doit évoluer pour mieux adapter les mesures qu'il prend à la situation des parties et pour mieux accompagner leur application. Il s'agit d'un changement de culture, puisque le JAF assumerait un rôle plus actif, par exemple en prenant des mesures à titre provisoire pour tester leur succès auprès des parties ou en accompagnant la mise en oeuvre d'un droit de visite par la désignation d'un travailleur social. Cette recherche d'une solution adaptée est conforme à sa mission de conciliation, trop souvent négligée faute de temps ou de moyens. Un tel accompagnement devrait toutefois être réservé aux litiges qui le nécessiteraient plus particulièrement. De plus il faut garantir le financement des enquêtes sociales et des espaces familiaux.
Redonner du temps au juge aux affaires familiales suppose aussi de le décharger des tâches pour lesquelles son intervention n'amène aucune plus-value. Sur la question de la déjudiciarisation, nous sommes prudents : l'intervention judiciaire est une garantie de protection et il convient de la conserver chaque fois qu'un droit pourrait être menacé.
Toutefois, le contrôle du juge en matière de divorce par consentement mutuel est très formel. Certes, l'éventualité d'un refus d'homologation de la convention proposée par les époux peut avoir un rôle dissuasif, mais le même effet peut être obtenu par une autre voie. La proposition formulée par le groupe de travail présidé par M. Pierre Delmas-Goyon, de confier cette tâche à un greffier juridictionnel, doté d'un statut particulier, nous a semblé intéressante : en cas de doute, le greffier refuserait d'homologuer la convention, et les parties pourraient saisir le juge. En revanche, compte tenu de la nouveauté d'une telle procédure, nous proposons d'en limiter l'application aux divorces par consentement mutuel sans enfant et sans patrimoine commun.
D'autres simplifications peuvent être envisagées, à condition d'en prévoir les moyens, comme de confier aux officiers d'état civil l'enregistrement des pactes civils de solidarité (Pacs) et de leur dissolution, ainsi que les demandes de changement de prénom. En outre, il convient d'éteindre le contentieux très abondant suscité par les caisses d'allocations familiales (CAF) qui exigent du parent allocataire de l'allocation de soutien familial une décision du JAF sur l'impécuniosité de l'autre parent : le décret du 7 décembre 2011 autorise les CAF à procéder elles-mêmes à cette vérification, il faut les y inciter.
Nos propositions relatives à l'organisation et au fonctionnement de la juridiction aux affaires familiales favorisent l'émergence d'une culture commune. Il en va ainsi de la diffusion de barèmes indicatifs de prestation compensatoire, sur le modèle des barèmes indicatifs de pensions alimentaires, qui ont rencontré un vif succès. En revanche, une spécialisation JAF sur le modèle du juge d'instruction ou du juge des enfants serait source de rigidité car, en principe, un magistrat spécialisé ne peut que marginalement traiter d'autres contentieux. Or, le poids des affaires familiales au sein du TGI impose qu'il puisse être traité par des magistrats généralistes, susceptibles d'y être affectés par simple ordonnance du président du TGI. Il conviendrait toutefois de conforter l'enseignement dédié à ces fonctions dans la formation initiale et continue des magistrats.
Pour réduire la mobilité excessive dans ces fonctions, nous proposons d'inciter les présidents de TGI à prévoir des affectations d'au moins deux ans pour tout magistrat désigné JAF, ou à réduire, dans la mesure du possible, le morcellement des emplois de JAF entre trop de magistrats - cinq magistrats pour un seul poste de JAF dans certains tribunaux, c'est trop.
Enfin, il faut renforcer la coordination au sein de la « jaferie », ainsi qu'avec les autres juridictions familiales. La systématisation de la participation de JAF aux audiences collégiales du TGI statuant en matière familiale est une piste intéressante. De même, il serait bon, comme l'a recommandé le groupe de travail présidé par M. Didier Marshall, que le magistrat coordonnateur suive plus particulièrement les affaires familiales complexes, où interviennent successivement le juge aux affaires familiales et le juge des enfants, car un conflit familial trop important entraîne une mise en danger de l'enfant, et peut même conduire, dans les cas les plus graves, à son entrée en délinquance.
Enfin, autre changement culturel, nous souhaitons développer le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges, comme la médiation et la conciliation. La médiation ne concerne que 0,8 % des affaires. Pourtant, lorsque les parties acceptent de la tenter, elle réussit dans un peu plus de la moitié des cas. Si les marges de progrès sont importantes, les obstacles sur le chemin de la médiation sont nombreux, à commencer par la résistance culturelle, les justiciables attendant du juge une décision qui s'imposera à l'autre partie, et les magistrats s'en tenant à une conception traditionnelle de leur rôle. La culture des avocats est, quant à elle, encore trop souvent celle du combat judiciaire, même si elle évolue également, notamment chez les avocats spécialisés en droit de la famille. L'essor de la médiation se heurte aussi à la dynamique de performance imposée aux juridictions : contraints de gérer un flux contentieux très important, les magistrats ne peuvent dégager le temps nécessaire à la mise en oeuvre d'une solution négociée.
Enfin, la médiation, principalement financée par la caisse d'allocations familiales (61 %), et, secondairement, par les collectivités territoriales (13 %) et le ministère de la justice (5 %), a un coût pour les justiciables, qui varie de 2 à 131 euros par séance, selon un barème dégressif en fonction de leur revenu.
Nous nous sommes rendus au TGI d'Arras afin de dresser un premier bilan des médiations en cours. En premier lieu, il apparaît que le succès dépend de la mobilisation de tous les acteurs judiciaires, en particulier des avocats : systématisons la conclusion de protocoles d'organisation de la médiation. Il faut aussi adapter l'offre de médiation à la demande des parties. Un délai trop long entre la première information et la réunion de médiation conduit certains à abandonner la procédure. Enfin, pour promouvoir la culture de la médiation judiciaire, il importe de renforcer la formation juridique des médiateurs et de mettre en place, dès la formation initiale des magistrats et des avocats, des enseignements dédiés aux modes alternatifs de règlement des conflits. Enfin, le développement de la médiation demande des moyens et du temps. Comme l'avait démontré notre collègue Yves Détraigne dans son rapport sur la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, il faudrait multiplier par cinq l'effectif des médiateurs pour généraliser la médiation préalable en matière de décision modificative d'autorité parentale. C'est pourquoi nous recommandons d'étendre progressivement le champ de l'expérimentation.
Dernier changement de culture : confortons le rôle des avocats dans les procédures alternatives de règlement des conflits. Pourquoi ne pas revaloriser les unités de valeur qu'ils perçoivent lorsqu'ils sont associés à une médiation familiale judiciaire ? La procédure participative, qu'ils peuvent mettre en oeuvre, reste encore très marginale.
Nous recommandons aussi que les juridictions s'appuient davantage sur les compétences des notaires pour les aider à procéder au partage des intérêts patrimoniaux des époux. D'une manière générale, il faut que les juges s'attachent plus à donner toutes ses chances au partage amiable entre les époux.
Enfin, il pourrait être pertinent d'autoriser les JAF, en dehors des cas de divorce ou d'autorité parentale, à déléguer leur mission de conciliation aux conciliateurs de justice, lorsque le litige porte exclusivement sur de menues questions patrimoniales.
Ainsi, sans remettre en cause les fondements de notre justice aux affaires familiales, nous espérons un changement de culture, pour que chacun prenne toute sa place dans la résolution des litiges familiaux. Le juge doit travailler à susciter l'accord ou la conciliation des parties et chercher la solution la plus pérenne, s'il doit trancher malgré tout. De son côté, le justiciable et son conseil doivent aussi, dans la mesure du possible, donner sa chance à la médiation, pour peu qu'on leur en donne les moyens.
N'oublions pas que, dans le succès de la réforme de la justice aux affaires familiales, celle qui touche le plus largement nos concitoyens, se joue à leurs yeux celui de l'institution judiciaire toute entière.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous remercie de ce travail approfondi et pour vos vingt propositions.
M. Patrice Gélard. - Je salue les rapporteurs pour ce rapport plein de nuances et de précautions. Je ne suis pas d'accord, cependant, avec l'idée de confier à des greffiers le suivi de certains dossiers. Ce n'est pas leur métier. En revanche, il est pertinent de simplifier les procédures en cas de divorce par consentement mutuel sans enfants ni patrimoine. C'est le cas de beaucoup de divorces qui surviennent un ou deux ans après le mariage. Mais dans le cas inverse, le rôle du juge est essentiel. Enfin, dix à quinze minutes d'audience, c'est trop peu. Au-delà de la décision, le juge a aussi une fonction de conseil, importante pour la suite.
M. Yves Détraigne. - Je félicite les rapporteurs qui ont avancé des propositions pragmatiques pour adapter la justice familiale. Plusieurs prolongent d'ailleurs celles que notre commission a eu l'occasion d'émettre, comme lors du rapport sur la répartition des contentieux et la simplification des procédures juridictionnelles. Je souscris à la simplification des divorces quand il n'y a ni enfant ni patrimoine. Il reste néanmoins fondamental de s'assurer de la réalité du consentement : celui-ci est parfois obtenu de guerre lasse par un des conjoints et le juge a un rôle à jouer.
J'ai longtemps été prudent sur le transfert de l'enregistrement des Pacs aux officiers d'état civil. Avec l'évolution de la société, il est possible de l'envisager ; de plus l'enregistrement aurait lieu plus près du domicile et éviterait qu'un partenaire apprenne par hasard que le Pacs a été dénoncé.
D'autres propositions favorisent les modes alternatifs de règlement des litiges. Sans doute convient-il de le mettre en oeuvre de manière sélective, mais, les moyens de la justice étant ce qu'ils sont, cette évolution est inévitable.
M. Michel Delebarre. - Je salue ce travail intéressant sur une matière qui n'est pas stabilisée. On compte souvent plusieurs juges en charge de ces affaires. Avec le temps, certains gagneront en autorité.
Une question, toutefois : quelles seraient les modalités du transfert de l'enregistrement des Pacs aux officiers d'état civil ? Vu la répartition des Pacs, les grandes villes seront les principales concernées, et, de fait, le responsable du bureau de l'état civil sera à la manoeuvre. Quelle sera sa mission : prendre acte, résoudre le problème et prévenir la dissolution ?
Mme Hélène Lipietz. - Ces dossiers touchent à l'intime, c'est toujours délicat. Un juge aux affaires familiales m'a confié un jour qu'il s'étonnait tous les ans d'avoir toujours autant de dossiers à traiter, après en avoir tant jugé dans l'année passée... Pourquoi ne pas informer les gens avant leur mariage, par exemple en leur distribuant un livret sur les conséquences du mariage et les procédures de divorce ? Certes on lit des textes le jour du mariage mais les gens ne les comprennent plus et ne perçoivent plus le sens des obligations du mariage.
En outre, les personnes doivent retourner plusieurs fois devant le juge pour obtenir le réajustement de la pension alimentaire quand les enfants grandissent et que les dépenses deviennent plus importantes. Ne pourrait-on prévoir une clause d'évolution automatique de la pension en fonction de l'âge des enfants ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vos suggestions sont intéressantes. Néanmoins quand les gens se marient, ils ne sont pas toujours réceptifs à des cours de droit...
M. Michel Mercier, rapporteur. - Naguère, les greffiers passaient le concours de l'école nationale des greffes de Dijon après deux années d'études de droit. Désormais les greffiers sont bien souvent titulaires d'un master en droit... Leur travail doit évoluer. Les greffiers sont favorables à la création d'un corps de greffiers juridictionnels. Ce poste déjudiciariserait certaines affaires sans couper le lien avec la justice. Notre proposition nourrit le débat, puisqu'elle suppose une réforme globale.
Nous proposons le transfert de l'enregistrement des Pacs et de leur dissolution, pas plus. La loi sur le mariage pour tous l'inscrit dans l'état civil. Pourquoi n'en irait-il pas de même pour le Pacs ? De plus celui-ci est largement utilisé par nos concitoyens, bien au-delà des couples homosexuels pour lesquels il avait été créé. Le transférer à l'état civil, c'est prendre acte de l'évolution de la société.
M. René Vandierendonck. - C'est aussi mettre fin à une discrimination entre les époux qui sont mariés à l'état civil et les partenaires d'un Pacs, qui doivent se rendre au tribunal.
M. Michel Mercier, rapporteur. - « Boire, manger, coucher ensemble, c'est mariage ce me semble », disait Loysel. Dans mon village, je convoque les candidats au mariage pour leur expliquer que le mariage, c'est bien plus que cela.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. - Si l'officier d'état civil enregistrait le Pacs, ainsi que sa dissolution, le juge aux affaires familiales resterait compétent pour les litiges relatifs à cette dissolution. Je rejoins également Michel Mercier sur les greffiers juridictionnels : nous travaillons pour l'avenir, parce qu'actuellement le nombre des greffiers est encore très insuffisant. Il faudra de plus créer un statut spécial.
De même qu'il existe un barème pour la fixation de la pension alimentaire, nous proposons de tenir compte de barèmes indicatifs pour la prestation compensatoire. Afin de faciliter le suivi des divorces, nous invitons en outre à confier au juge aux affaires familiales une mission d'accompagnement et à les autoriser à prendre des mesures provisoires de suivi.
Pour stabiliser les JAF dans leurs fonctions, nous suggérons qu'ils ne l'occupent pas moins de deux ans. Il conviendrait aussi d'éviter qu'un même emploi de JAF soit morcelé entre plus de trois JAF car ceux-ci doivent conserver une vision globale des affaires familiales. Comment avoir une approche globale si plusieurs juges interviennent, chacun sur un segment particulier ? Enfin, nous avons constaté dans les expérimentations l'intérêt du travail en commun des juges, des avocats et des médiateurs. C'est pourquoi nous proposons de prévoir deux nouvelles expérimentations chaque année pendant trois ans, mais nous ne proposons pas de les généraliser.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Questions diverses
M. Jean-Pierre Sueur, président. - À l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l'égalité réelle des femmes et des hommes, je propose que soit délégué à la commission des affaires sociales l'examen au fond de 32 articles qui relèvent de sa compétence : les articles 2 A à 2 bis C, 2 bis E à 2 ter, 4 à 5 quinquies, 6, 6 bis à 6 septies et 23 bis A. Notre commission examinerait au fond les 61 autres articles du projet de loi.
Il en est ainsi décidé.
La séance est levée à 12 h 25