- Mardi 10 juin 2014
- Mercredi 11 juin 2014
- Nomination d'un rapporteur
- Modification du Règlement du Sénat afin de rééquilibrer la composition des commissions permanentes - Examen du rapport et du texte de la commission
- Création des polices territoriales et dispositions relatives à leur organisation et leur fonctionnement - Examen du rapport et du texte de la commission
- Permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants - Examen du rapport et du texte de la commission
- Création de sociétés d'économie mixte à opération unique - Examen du rapport et du texte de la commission
- Moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin - Examen du rapport et du texte de la commission
- Autorités administratives indépendantes - Communication de M. Patrice Gélard
Mardi 10 juin 2014
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -La réunion est ouverte à 17 h 45
Lutte contre le terrorisme - Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
La commission procède à une audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, consacrée à la lutte contre le terrorisme.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Monsieur le ministre, l'actualité commandait à plusieurs titres l'audition que nous vous avons proposée. Il y a quelques jours, un odieux attentat antisémite a été commis. M'exprimant au nom de l'ensemble de mes collègues, je veux assurer ceux qui en ont souffert de notre solidarité. Nous connaissons, monsieur le ministre, la grande vigilance dont vous faites preuve sur ces questions. Vous avez ainsi présenté en conseil des ministres, en avril dernier, un plan de lutte contre la dérive djihadiste parmi les jeunes - je rappelle que trente-six de nos ressortissants sont morts, engagés auprès des milices djihadistes en Syrie. La présente audition devrait vous permettre de nous présenter plus en détail le plan que vous avez conçu. Interrogé par plusieurs de nos collègues lors des questions d'actualité, le Premier ministre a par ailleurs indiqué réfléchir à un dispositif législatif de plus grande ampleur pour prévenir ces fléaux. À cet égard, je rappelle que nous sommes tout autant attachés au respect de la vie privée et des données personnes qu'à l'efficacité de la lutte contre le terrorisme.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Je vous remercie, monsieur le Président, de me donner l'opportunité de présenter devant vous les moyens mobilisés par le Gouvernement pour lutter contre le terrorisme - sujet grave s'il en est puisqu'il touche à la sécurité de nos concitoyens. La France est en effet menacée aujourd'hui par des individus fanatisés par des discours religieux dévoyés. Des filières de recrutement s'organisent dans la clandestinité. Elles utilisent tous les moyens modernes de communication pour propager leur discours de haine, parfois sous couvert de préoccupations humanitaires, et amener leurs recrues à perpétrer des actions criminelles. Je tiens à cet égard à récuser le qualificatif de « loup solitaire » qui a fait florès après l'affaire Mehra de mars 2012 et, plus récemment, l'affaire Nemmouche en mai dernier. En effet, chez de tels individus, le passage à l'acte n'est que l'aboutissement d'un processus de conditionnement et de radicalisation orchestré à distance par des groupes déterminés. Le « loup solitaire » est rarement seul puisqu'il a besoin, pour aller jusqu'au bout de son projet, et notamment pour accéder à des armes, de la complicité directe ou indirecte d'autres individus radicalisés. L'attentat de Bruxelles vient une nouvelle fois de démontrer la réalité de cette menace : l'auteur est bien de nationalité française, comme l'une de ses victimes d'ailleurs.
Au 30 mai 2014, on estimait que 316 Français ou résidents français étaient combattants en Syrie, que 139 seraient en partance vers cette destination, 191 envisageraient ce départ et 136 en seraient revenus. Chacun de ces individus doit être considéré comme une menace potentielle pour notre pays.
Le 23 avril dernier, je présentais en conseil des ministres un plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes. Des 23 mesures qu'il comporte, toutes celles qui pouvaient être mises en oeuvre à droit constant l'ont été. En particulier, un numéro vert national a été mis en place pour contrer la radicalisation de jeunes qui font l'objet d'un signalement et prévenir leur départ. 126 signalements utiles ont déjà été recueillis par les réseaux interservices mis en oeuvre par les préfets en étroite collaboration avec les procureurs de la République. Ceci a permis d'accompagner les intéressés pour les aider à sortir de cette radicalisation ou de les placer sous surveillance. 20 départs avérés ont été identifiés. Des actions de formation des opérateurs de la plateforme téléphonique ou des correspondants des réseaux interservices sont prévues.
L'action directe contre les départs vers la Syrie a été engagée. Trois procédures de retrait de passeport français sont en cours, une expulsion a été exécutée, une autre est en préparation. Des interdictions administratives et judiciaires de sortie du territoire sont par ailleurs envisagées dans le cadre d'une coopération entre les services de l'État. Ces échanges peuvent faciliter la tâche des parquets pour ordonner le placement provisoire des mineurs lorsque leur santé ou leur sécurité paraît menacée par un projet de départ à l'étranger.
Un de nos sujets de préoccupation majeure est la radicalisation de certains délinquants en prison. Avec la garde des sceaux, notre objectif est d'améliorer le dispositif de renseignement pénitentiaire et de prise en charge des intéressés au terme de leur détention. Nous souhaitons aussi améliorer le statut des aumôniers de prison.
Le Gouvernement vous soumettra cet été plusieurs mesures de nature législative :
- interdiction de sortie du territoire pour les majeurs liés au terrorisme ;
- extension de la procédure d'enquête sous pseudonyme sur internet ;
- création d'une incrimination nouvelle, complémentaire à celle d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, et propre aux individus radicalisés - cette mesure nous est notamment suggérée par les juges anti-terroristes ;
- soumission des sites internet faisant l'apologie du terrorisme aux mêmes régimes que les sites pédopornographiques ou ceux qui tombent sous le coup des incriminations d'apologie de crime contre l'humanité ou d'incitation à la haine raciale.
Le Gouvernement souhaite aussi renforcer la coopération européenne en la matière, l'Europe étant la solution et non le problème. La semaine dernière, j'ai rencontré à Luxembourg mes homologues des principaux pays européens touchés par la menace terroriste et nous avons évoqué plusieurs sujets que nous avions proposés avec mon homologue belge, Joëlle Milquet : les échanges d'informations relatives aux voyageurs aériens (passenger name recording, PNR), les signalements au sein du système d'information Schengen, les contrôles aux frontières extérieures à l'Europe (y compris pour les ressortissants européens) en cas de retour de Syrie ou, comme le propose le Royaume Uni, la création d'une task force européenne chargée de diffuser un contre-discours djihadiste.
J'ai par ailleurs prévu de rencontrer les principaux opérateurs internet afin d'évoquer avec eux la possibilité d'obtenir le retrait immédiat des messages terroristes ou de ceux d'incitation à la haine.
Enfin, nous devons redoubler de vigilance en ce qui concerne la zone sahélienne. Je me suis d'ailleurs rendu à cet égard en Mauritanie pour rencontrer mes homologues de cette zone. En effet, le terrorisme prospère dans ces régions grâce aux trafics d'armes, de stupéfiants et de migrants.
Le 4 juin dernier, je me suis rendu à Bruxelles afin d'apporter aux victimes et à la Belgique un message de soutien et de compassion exprimé au nom de nous tous. Le Gouvernement n'épargnera aucun effort pour lutter contre la menace terroriste. Il en appellera à l'esprit de concorde qui doit régner sur cette question. Toutes les suggestions de tous les groupes politiques sont bienvenues. Je rappelle ainsi que le Gouvernement n'a pas hésité à soutenir une proposition de loi de l'opposition déposée à ce sujet à l'Assemblée nationale. Cet esprit d'unité est la condition de la réussite de notre action.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous remercie, Monsieur le ministre, et je note que vous avez bien voulu, pour la première fois, donner au Sénat connaissance des quatre pistes sur lesquelles le Gouvernement travaille pour la mise en place d'un nouveau dispositif pénal relatif au terrorisme :
- interdiction de sortie du territoire pour les majeurs liés au terrorisme ;
- enquête sous pseudonyme ;
- complément à l'association de malfaiteurs sous la forme d'une incrimination nouvelle visant les personnes isolées dont il serait avéré qu'elles préparent un acte terroriste ;
- enfin lutte contre l'apologie du terrorisme, en particulier sur Internet.
Je crois qu'il est important d'avoir informé en priorité le Sénat de ces pistes de travail sur lesquelles nous travaillerons avec vous.
M. Jean-Yves Leconte. - Avant d'en venir aux questions, je souhaiterais au préalable vous faire part de quelques observations.
Les victimes des derniers attentats de Toulouse et Bruxelles étaient toutes de confession juive. Une part importante de notre communauté nationale ne voit plus son avenir dans notre pays. J'ai pu le constater lors d'un voyage récent en Israël, où j'ai rencontré de nombreux jeunes Français qui s'exilent.
Par ailleurs, je constate qu'une société qui exclut, stigmatise une religion provoque également des violences, si bien que d'autre membres de notre communauté nationale dérivent et mettent en danger cette même communauté nationale.
Dans ces deux cas, nous constatons donc un problème de cohésion de notre société, qui rend nécessaire l'affirmation d'un projet commun qui la mobilise dans toute sa diversité et toutes ses composantes. La sensibilisation à ces enjeux est ainsi probablement le premier intérêt du débat que nous avons aujourd'hui.
S'agissant de la situation en Syrie, on ne peut ignorer le fait que la connaissance des événements qui se produisent là-bas ne peut que heurter nos jeunes et les inciter à vouloir s'engager humanitairement. Il ne faut donc pas faire d'une destination un délit.
Par ailleurs, il n'est jamais bon d'écrire une loi au moment où l'émotion est si vive. Nous disposons déjà d'un arsenal répressif conséquent et je m'interroge sur ce que vous proposez. Il ne nous faut pas légiférer trop vite, dans l'émotion, au risque de provoquer des effets pervers.
Sur la question d'Internet, je crains que la loi ne soit jamais supérieure à la technique. Aussi un travail de sensibilisation me paraît là encore plus intéressant.
Enfin, je remarque que l'Espace Schengen est un espace de circulation et de liberté qu'il nous faut davantage protéger plutôt que de rétablir des frontières en son sein. Je propose donc que soit instauré un dispositif de suivi biométrique des entrées et sorties de cet espace afin de le sécuriser dans son ensemble.
M. Pierre-Yves Collombat. - Personne ne doute de la volonté du Gouvernement de bien agir et je ne suis pas choqué des propositions que vous formulez, sous réserve d'un examen plus poussé.
Cependant, le terrorisme n'est pas une nouveauté en France. Certes, on voit apparaître de nouvelles formes, l'instrumentalisation par des États étrangers est aujourd'hui probablement moindre que par le passé. Mais n'est-il pas temps d'avoir une approche plus globale et non plus seulement en termes de police et de renseignement ? Il s'agit d'un problème de société, comme le font apparaître certaines difficultés que vous soulevées vous-mêmes. Vous rappelez le rapport entre prison et radicalisation - pourquoi ne pas aborder ce point à l'occasion de la réforme pénale ? Vous posez la question du statut de la religion musulmane, de sa place dans notre pays, ne s'agit-il pas de problèmes d'éducation, de communication, d'intégration, même si la dimension policière n'est pas à sous-estimer ?
M. Jean-Jacques Lasserre. - Monsieur le ministre, vous soulignez l'existence de plusieurs formes de terrorisme. Je voudrais pour ma part évoquer le terrorisme basque. La volonté signifiée par l'ETA de déposer les armes n'est, me semble-t-il, pas à prendre à la légère ; au contraire, il nous faut l'accompagner d'une attention particulière, il nous faut négocier, jusqu'où ? Nous aurions tout à gagner à écouter et dialoguer.
Mme Esther Benbassa. - Monsieur le ministre, qui ne pourrait être d'accord avec les mesures que vous annoncez ? Toutefois, je ne sais si elles seront efficaces car aussi bien Mohammed Merah que Mehdi Nemmouche étaient connus des services, mais rien n'a été fait pour les empêcher de passer à l'acte.
Aujourd'hui, l'antisémitisme est de nouveau sur une pente meurtrière, il n'y a pas de laissez-faire possible quelle que soit la forme de racisme ! Mais ne s'agit-il pas d'un problème global ? Je ne connais pas d'étudiant de Sciences Po qui aurait versé dans le terrorisme. Une partie de notre jeunesse a été oubliée et la radicalisation est une preuve de désespoir parmi d'autres.
Avec le djihadisme cependant, nous avons affaire à un problème spécifique : la volonté de l'individu de mourir. Aucune loi ne peut agir contre cela. N'est-il donc pas plus urgent de prendre des mesures sociétales plutôt que de multiplier les mesures policières ?
Il ne faudrait pas, par ailleurs, que les mesures prises aient des répercussions négatives sur l'ensemble de la population musulmane, déjà stigmatisée.
M. Jean-Pierre Vial. - Je suis sensible aux mesures annoncées, mais je m'interroge sur quelques points.
En tant que président du groupe d'amitié France-Syrie, je me suis rendu récemment au camp de réfugiés de Gaziantep, en Turquie. Les médecins des ONG que nous avons rencontrés nous ont fait part de la violence dont ils sont victimes de la part des djihadistes, qui les considèrent avec suspicion dès lors qu'ils viennent en aide à tous sans distinction. Le radicalisme religieux est donc le vrai problème à combattre et les mesures que vous proposez pour lutter contre l'apologie du terrorisme sur Internet vont dans le bon sens.
En effet, on parle ici d'Europe mais le problème est plus vaste. Je discutais en fin de semaine dernière avec des élus du Burkina Faso qui s'inquiétaient de la situation au Mali après le départ de l'armée française. Il s'agit là d'un nouveau réservoir pour le terrorisme. Il nous faut donc conserver des relations étroites avec ces pays.
Vous nous avez communiqué des chiffres dont je m'étonne qu'ils soient précis à l'unité près. Je suis également surpris de leur modestie au regard de la gravité de la situation.
On sait que le conflit syrien a pris une toute autre dimension et changé de nature depuis l'implication des djihadistes. Quels sont les liens que vous entretenez avec le ministère de la Défense ? Des mesures pénales uniquement centrées sur notre territoire ne peuvent en effet suffire.
M. Jean-Pierre Michel. - On ne peut qu'approuver la volonté du Gouvernement de mener un effort global contre le terrorisme.
Je m'interroge néanmoins sur l'incrimination d'interdiction de sortie de territoire que vous venez d'évoquer... Comment peut-on interdire la sortie du territoire à des Français, majeurs, qui n'ont commis aucune infraction sur le territoire ?
Si votre dispositif était rétroactif, aurait-il fallu incriminer les Français partis soutenir les républicains espagnols contre Franco ou ceux qui sont allés rejoindre, à Londres, les résistants condamnés à mort en France ?
M. Christian Cointat. - Je me pose également la question de la mise en oeuvre de cette interdiction de sortie de territoire.
Comme vous, monsieur le ministre, je pense que la lutte contre le terrorisme doit revêtir une dimension européenne.
Il me semble cependant que nous passons à côté du coeur du problème, en ne traitant que ses effets, sans nous attaquer à ses causes, en particulier au lavage de cerveau subi par ces jeunes, qui en viennent à préférer la mort à la vie ou la haine à l'amour. Ce processus prend pourtant du temps et fait intervenir des spécialistes qui ont une aura importante. C'est à ce phénomène que nous devons nous attaquer en priorité car il se déroule, dans la plupart des cas, à l'intérieur de nos frontières.
Chaque religion a connu des heures noires comme la période de l'inquisition pour les catholiques par exemple. C'est l'Église elle-même qui neutralisa les éléments les plus perturbateurs en son sein.
Dès lors, en tant que ministre en charge des cultes, comment comptez-vous mobiliser les responsables religieux dans votre plan de lutte contre le terrorisme ?
Je ne crois pas qu'un discours de haine de l'autre soit contenu dans le Coran qui parle davantage d'amour. Comment faire jouer les armes de la sagesse pour changer le message diffusé ?
Enfin, plus encore que la personne endoctrinée, le véritable coupable est celui qui a armé son bras. Nous devons être impitoyables avec ce dernier. Aucune impunité ne peut être tolérée à son égard.
M. Christophe-André Frassa. - Depuis l'attentat perpétré au musée juif de Bruxelles, nous avons perdu la trace de la soeur de Mohamed Merah. Souad Merah a-t-elle rejoint la frontière syro-turque ? Est-elle en Tunisie ? Avez-vous des éléments plus précis sur cette affaire ?
Quant à la proposition d'interdire les sorties du territoire, comment ferez-vous pour les binationaux ?
La radicalisation religieuse interviendrait souvent en prison. Ce serait le cas de l'assassin présumé du musée juif de Bruxelles. Il faut pouvoir « dépister » et « juguler » cette radicalisation rampante le plus tôt possible. Or, on entend les imams dire leur impuissance face à ce phénomène. Comment les associer davantage ? Faut-il mobiliser le Conseil français du culte musulman, les imams qui interviennent en prison ?
Enfin, quelle attitude devons-nous adopter à l'égard de ces pays qui sont officiellement « amis » de la France et qui, nous le savons, financent le terrorisme ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je remercie la commission des lois d'avoir ouvert cette audition à l'ensemble des sénateurs. J'y suis d'autant plus sensible qu'étant moi-même membre de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, j'ai été chargée de la rédaction d'un rapport sur le terrorisme et les moyens de travailler en commun pour l'éradiquer.
L'approche doit être globale, au niveau interministériel. L'accent doit être mis sur la prévention technique, pratique. Par exemple, pourquoi les trains sont-ils aussi peu surveillés par rapport aux avions ?
Quant à la coopération internationale, nous devons apporter notre soutien aux États du Sahel par exemple, car nous avons de nombreux alliés dans ces pays.
Le problème est également sociétal. Nous sommes faces à des jeunes en déshérence, au chômage, entrainés par des groupes...
Je crois beaucoup à la veille et à la vigilance. À cet égard, je fais partie de ceux qui regrettent la suppression du service national, qui permettait, dans une certaine mesure, de repérer ces jeunes avant qu'ils ne dérapent. La réserve citoyenne joue également ce rôle.
Contrairement à ce qu'a dit M. Cointat, je pense que le basculement dans la radicalisation religieuse peut être très rapide.
Enfin, un contre-discours est essentiel. Nous devons encourager un nouveau message vis-à-vis du monde musulman, pour éviter la victimisation de certains de ces jeunes.
M. Gérard Longuet. - Je suis impressionné, monsieur le ministre, par la précision des chiffres que vous nous avez communiqués dans votre propos introductif. Êtes-vous en mesure d'assurer un suivi individuel de ces cas, pour avoir un tel degré de précision ? Avez-vous une sociologie de ces effectifs ? Avez-vous ensuite les moyens, notamment humains, du plan que vous annoncez ? Comment s'articulent les actions de lutte contre le terrorisme de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ?
M. Jeanny Lorgeoux. - La réponse sociétale, qui est une réponse d'ensemble, et qui demande une politique interministérielle n'est nullement contradictoire avec l'excellence des mesures à court terme proposées par le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Dans le cadre de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), un décret devait permettre de bloquer les sites pédopornographiques. Ce décret n'est jamais paru, notamment du fait de l'opposition des fournisseurs d'accès à internet. Dès lors, comment comptez-vous faire pour bloquer les sites faisant l'apologie du terrorisme ? Aurons-nous les moyens d'appliquer une telle mesure ?
M. Gérard Longuet. - Je ne crois pas que le sujet dont nous parlons aujourd'hui puisse être comparé à l'engagement par le passé de certains Français aux côté du gouvernement républicain espagnol, gouvernement légal, que la France reconnaissait. Quant à la résistance, la France avait un accord militaire avec la Grande-Bretagne. Certes, le général de Gaulle avait été condamné à mort par un tribunal de Vichy, mais le gouvernement britannique était, lui aussi, légal et reconnu par la France. Dans ces deux cas, les perspectives n'étaient certainement pas les mêmes qu'aujourd'hui. Bien que le Président de la République ait évoqué un éventuel soutien aux opposants à Bachar el Assad, il n'y a jamais eu de reconnaissance de l'autorité politique de ces opposants.
M. Jean-Pierre Michel. - Méfions-nous de l'Histoire. Parfois, les terroristes d'un jour sont les héros du lendemain.
M. Gérard Longuet. - La fin ne justifie pas les moyens...
M. Patrice Gélard. - La difficulté avec le terrorisme d'aujourd'hui résulte du fait que les réseaux internet n'ont pas de frontières. Il est donc très difficile de les contrôler.
Par ailleurs, je pense que la France devrait participer, en tant qu'observateur, à la Convention de Shanghai, qui a pour but d'unir les efforts des États, essentiellement de la Communauté des États indépendants (CEI), pour lutter contre le terrorisme.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Pour commencer je souhaiterais revenir sur le sujet de l'antisémitisme. Ce qui s'est passé à Bruxelles est un acte de violence, un crime contre des personnes car elles étaient juives. Cet acte est un acte d'antisémitisme, qu'il faut qualifier comme tel.
Au premier quadrimestre 2013, on dénombrait 163 faits d'antisémitisme en France. Sur la même période en 2014, nous en avons dénombré 211, soit une augmentation de près de 30 % en un an. En 2014, 36 % des actions recensées étaient des violences ou voies de fait commises sur des personnes physiques dont 12 sur mineurs, 6 actions enregistrées l'ont été en milieu scolaire, 14 sur des synagogues, deux sur des cimetières. Quant aux 153 menaces enregistrées, 50 % étaient des inscriptions ou tags à caractère raciste, antisémite et haineux, 40 % des propos, des gestes menaçants et des démonstrations injurieuses.
Cette réalité statistique dit bien l'état d'esprit d'un certain nombre d'acteurs, qui font fi des faits de l'Histoire, des familles entières décimées dans les camps de la mort. Le fait que l'on puisse, 70 ans après, alors que nous célébrons la libération du territoire national, reproduire à ces actes de haine, comme si rien ne s'était passé, est plus odieux que n'importe quelle autre forme de violence.
L'antisémitisme existe, il est intolérable et mérite une dénonciation forte et claire, quelle que soit l'origine de ses manifestations.
Pour répondre à MM. Michel et Leconte, l'interdiction administrative de sortie du territoire concernerait tous les ressortissants français, majeurs, dont les déplacements à l'étranger sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ou d'être liés à des activités terroristes, à des crimes de guerre ou des crimes contre l'Humanité. Les critères d'incrimination seraient clairs et ne pourraient être prolongés que sous l'autorité du juge.
M. Gérard Longuet. - Le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle !
M. Alain Richard. - Mais le juge administratif est compétent car c'est une décision administrative !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Je ne considèrerai jamais comme les héros de demain des criminels qui vont dans des groupes terroristes et qui reviennent sur le territoire national afin de tuer des personnes pour des raisons religieuses. Ils resteront des criminels. Pour gagner ce combat, il nous faut mettre de l'ordre dans nos valeurs.
M. Christian Cointat. - Très bien !
Mme Esther Benbassa. - Malheureusement, ils seront des héros ailleurs !
Pour répondre à Mme Benbassa, le fait de vouloir prendre de mesures répressives pour empêcher les départs, pour réprimer l'association de personnes via internet pour commettre des actes criminels, ne signifie pas que le plan que nous proposons est uniquement répressif. Ce plan est global et repose sur 5 axes.
Le premier axe est de prévenir et empêcher les départs, ce qui implique d'inscrire des personnes dont nous savons par le travail de renseignement qu'elles sont susceptibles de de s'engager dans des troupes djihadistes dans le fichier des personne recherchées ou le système d'information Schengen. Ces personnes peuvent également faire l'objet de retrait de passeport, d'une opposition de sortie du territoire, en cas de signalement des parents, si ce sont des mineurs ou encore, sans porter atteinte à leur liberté, d'entretiens administratifs pour assurer un suivi le plus fin possible de ces ressortissants qui pourraient représenter une menace.
Le deuxième axe est le démantèlement des filières, ce qui implique de continuer à prendre des mesures d'expulsion contre les étrangers ayant pris part à des entreprises terroristes, à geler sur le plan administratif et de manière préventive les avoirs des filières terroristes, à prononcer la déchéance de nationalité dans des conditions restrictives prévues par la loi pour des ressortissants qui peuvent porter atteinte à la sécurité nationale. C'est aussi la prévention en liaison avec l'administration pénitentiaire, les services de renseignement, les représentants du culte musulman et des formations d'imams pour lutter contre la radicalisation en milieu carcéral avec un suivi psychologique et éducatif sur des détenus qui pourraient basculer, faute de ce suivi. Cet axe implique aussi de généraliser le régime juridique de l'enquête sous pseudonyme, de faciliter l'exploitation du renseignement par l'allongement de la durée de conservation de certaines données, notamment d'interception de sécurité.
Le troisième axe consiste à soutenir et orienter les familles. C'est l'objet du numéro vert mais aussi du réseau d'orientation et de soutien déconcentré, piloté par le préfet et le procureur. Autour d'eux, dans le respect de la confidentialité, je souhaite que les services de l'éducation nationale et des collectivités territoriales puissent agir ensemble lorsque des signes de décrochage ou de risque de basculement apparaissent.
Quatrième axe : communiquer, sensibiliser et former. Ceci recouvre des projets expérimentaux en vue d'actions de contre-propagande, l'implication les autorités religieuses en vue d'élaborer un contre-discours, sensibiliser les familles, les éducateurs, les travailleurs sociaux aux signes de la radicalisation, la création d'une cellule nationale interministérielle d'appui, le renforcement de la coopération internationale. Tous les pays de l'Union européenne sont confrontés aux mêmes contraintes de départs et de suivi. Il faut travailler ensemble pour faire face à ces mêmes difficultés.
Vous constatez l'approche répressive, qui relève particulièrement du ministère de l'intérieur, mais il y a aussi le volet éducatif qui associe d'autres ministères : l'approche est globale.
Je veux vous dire que zéro précaution face à un tel phénomène aboutit à 100 % de risque potentiel mais 100 % de précaution, ce n'est pas le risque zéro. Nous ne sommes jamais à l'abri de l'arrivée subite d'un ressortissant étranger comme Nemmouche en Belgique.
S'agissant de la situation humanitaire évoquée par M. Leconte, je vous confirme que des jeunes basculent en raison d'images diffusées sur le net par des groupes terroristes. Une fois qu'ils ont basculé pour des raisons initialement humanitaires, ils s'engagent dans des actions qui n'ont rien à voir avec des actes que l'humanité dicterait. Selon les témoignages recueillis, ils ne fréquentent pas l'action humanitaire mais la violence dans sa forme la plus brutale jusqu'au meurtre et à la décapitation. Cette tromperie est consubstantielle à l'endoctrinement. J'ai vu ces vidéos diffusées sur internet conduisant à des endoctrinements pour des motifs apparents « humanitaires » : c'est une propagande qui instrumentalise une situation humanitaire à des fins de basculement vers la violence brutale sans détour.
En matière de délits sur internet, la technique peut mettre en échec la loi pour la régulation, comme le soulignait M. Leconte. Cependant, cet espace de liberté qu'est internet ne peut être un espace où tout est permis, y compris l'expression de la haine, et ce, en dépit du premier amendement auquel se réfèrent souvent les Américains. La liberté ne peut justifier la présence sur internet de blogs, de tweets, de vidéos, de sites qui forment un vecteur de haine. Ce combat doit être mené à l'échelle européenne en lien avec les Américains pour rappeler les fournisseurs d'accès à internet à leur responsabilité éthique, sous peine de voir toutes les règles républicaines être transgressées et mises à mal.
Vous évoquez la sécurisation de l'espace Schengen. C'est l'objet du Passenger name record (PNR) afin de rendre possible l'échange d'informations, dans le strict respect des libertés publiques, pour sécuriser nos aéroports, nos voies de circulations contre ceux qui présentent un risque pour notre sécurité.
Monsieur Collombat, le terrorisme n'est effectivement pas une nouveauté. Mais sa forme actuelle est inédite.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il y en aura une autre forme demain. Il faut avoir une vision d'ensemble !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Justement ! Elle est d'autant plus insidieuse qu'elle est mutante. Ce que vous exprimez dans votre question rejoint les préoccupations du Gouvernement et les échanges avec mes homologues européens. Les acteurs en face de nous sont dans la dissimulation. J'ai été très frappé de voir sur des sites internet qui expliquent comment se dissimuler de ses parents pour basculer sans laisser l'inquiétude poindre au sein de la famille. Parmi les familles que j'ai reçues, le témoignage d'une mère qui a perdu ses deux enfants en Syrie m'a terrifié et glacé. Elle m'a expliqué qu'elle avait vu apparaître les signes de la radicalisation de ses fils, s'en était inquiété auprès d'eux qui l'avaient rassuré ; les signes avaient alors disparu avant qu'ils ne partent au moment où elle s'apaisait. Elle a découvert que les sites qui avaient convaincu ses fils de partir comportaient des conseils de dissimulation pour rassurer ses proches.
Lorsque les personnes qui sont parties reviennent après avoir connu des atrocités que je ne détaillerai pas, elles ne sont pas indemnes. Le traumatisme psychologique est tel qu'il rend tout possible.
À cet égard, le concept de « loup solitaire » n'a pas de sens car si l'individu agit seul, l'endoctrinement n'est pas un acte solitaire. Ces individus sont sur notre territoire. Sans faire peur, il faut dire la vérité sur ce phénomène et s'armer pour y faire face. Désormais, le risque est d'une autre nature : il ne provient plus de personnes qui viennent d'ailleurs pour perpétrer sur notre sol des attentats puis repartir. Ceci implique de nouvelles organisations, d'autres formes de coopération européenne. Il faut avoir conscience de la nature du risque pour le combattre, sans remettre en cause les libertés publiques qui ne sont pas négociables.
Je voudrais maintenant répondre à Mme Esther Benbassa et à M. Jean-Pierre Vial qui m'ont interrogé sur le lien existant entre la violence des islamistes radicaux et religion. Ce qui me frappe, dans les profils des personnes qui passent à l'acte, c'est leur ignorance totale de ce que sont les religions. Ce n'est pas la rencontre avec des imams radicaux dans les mosquées qui conduit au basculement, mais la violence et la manipulation sectaire organisées par le biais d'Internet, l'ignorance de ce qu'est la religion permettant ensuite le passage à l'acte. Comme vous l'avez dit très justement, M. Christian Cointat, l'islam de France et l'islam en général sont tout à fait étrangers à ce dévoiement.
Mme Esther Benbassa. - Mais pourquoi certains jeunes en particulier sont-ils si sensibles à ce discours ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Je vais donner quelques éléments du portrait psychologique de ceux qui passent à l'acte, mais j'assume les interrogations que ces éléments vont susciter. Beaucoup de ceux qui basculent ont été d'abord des délinquants...
Mme Esther Benbassa. - ... de petits délinquants !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - ... petits délinquants, certes. Mais ils basculent dans l'islam radical pour plusieurs raisons. Certains peuvent passer à l'acte parce qu'en ne bénéficiant pas de suivi après l'emprisonnement, ils sont progressivement enkystés dans une forme de relégation et d'échec. Certains passent à l'acte car la fréquentation de ces sites d'endoctrinement, de ces blogs de propagande les conduit à une forme de nihilisme très nouveau où la mort est presque sacralisée et n'est qu'une étape vers une vie ultérieure présentée comme idéale. C'est une duperie majeure !
Mais quelle que soit la cause, rien ne peut excuser ni expliquer la violence et les crimes qui sont perpétrés. Nous devons nous attaquer, de façon préventive, à ce qui peut empêcher le basculement, mais nous ne pouvons pas sous ce prétexte, trouver dans l'examen des causes une excuse quelconque aux faits qui sont commis, tellement ceux-ci sont monstrueux. Nous devons aussi avoir un discours très clair sur ce sujet, sinon, nous nous désarmons face à un phénomène qui doit être condamné fermement.
À M. Gérard Longuet, qui m'interrogeait sur la précision des chiffres avancés tout à l'heure, je réponds que ce sont des ordres de grandeur. Ils sont précis grâce au travail des services et ils sont en permanence actualisés. Cela mobilise des moyens humains significatifs et ces moyens vont être encore accrus, dans le cadre de la réforme de la DGSI, car nous avons prévu de procéder à des recrutements. Le ministère de l'intérieur est en lien avec les autres ministères et l'approche de cette question est interministérielle, ce qui permet de travailler ensemble, et de donner tous les éléments aux personnes en responsabilité pour prendre les décisions adéquates.
Le président a posé une dernière question, relative au décret interdisant l'accès aux sites pédopornographiques, prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011. Le travail se poursuit, en concertation avec les opérateurs. Dans sa décision sur la conformité de cette loi à la Constitution, le Conseil constitutionnel a confirmé que le blocage des sites pour des considérations d'ordre public nécessitait qu'on indemnise les opérateurs, et c'est pour cela que le décret n'est pas encore publié. Je souhaite que ce décret soit pris.
M. Jean-Pierre Sueur, président : J'avoue ne pas bien comprendre pourquoi il faudrait indemniser des fournisseurs d'accès pour un préjudice tenant à ce que des sites pédopornographiques soient bloqués. Je constate que cette loi a été votée en 2011, et que le décret n'a toujours pas été publié ; on peut souscrire à votre proposition de bloquer les sites de propagande pour le terrorisme, mais avec l'espérance que cela puisse être appliqué rapidement.
Je voulais aussi vous remercier pour votre précision et pour les éléments donnés. Vous trouverez au Sénat des interlocuteurs particulièrement disponibles pour travailler sur ces questions.
La réunion est levée à 19 h 15
Mercredi 11 juin 2014
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -La séance est ouverte à 9 h 05
Nomination d'un rapporteur
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons à désigner un rapporteur sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. J'ai reçu la candidature de M. Delebarre...
M. Jean Louis Masson. - Ce texte est le plus important que nous ayons eu à examiner depuis des années. Compte tenu de ses conséquences, il serait opportun de commencer par un tour d'horizon au sein de la commission et de choisir le rapporteur parmi ceux qui représentent l'opinion majoritaire. Je n'ai rien contre M. Delebarre, mais le rapporteur doit refléter l'opinion de la majorité de la commission sur ce texte - à mon avis très pernicieux.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons toujours respecté la règle que le rapporteur rapporte l'opinion de la commission, quelles que soient ses opinions personnelles. Si nous ne votons pas le texte, M. Delebarre représentera l'opposition de la commission.
Sur un texte comme celui-là, il faut se donner le temps de la réflexion ; contre certaines instances qui voudraient que tout aille très vite, je suis un défenseur du temps parlementaire. Il a été acquis à la conférence des présidents que, même si ce texte est examiné en procédure accélérée, il fera l'objet de deux lectures devant chaque assemblée : c'est un engagement du Gouvernement. Ainsi, même si nous en faisons une première lecture en juillet, ce projet de loi reviendra devant nous en octobre ou novembre. Il serait d'ailleurs utile que les groupes en parlent, afin que les questions de cartes ne donnent pas lieu à un trop grand nombre d'amendements.
M. Jean-Jacques Hyest. - On prend le problème à l'envers : on commence par délimiter de grandes régions, en prévoyant que les départements disparaitront petit à petit...
M. Jean-René Lecerf. - Ils seront « dévitalisés » !
M.
Jean-Jacques Hyest. - Il n'est pas intéressant d'avoir
de grandes régions
- dont certaines aux contours
bizarres - si on ne s'attaque pas d'abord aux compétences, sauf
à avouer qu'il ne s'agit que de retarder de six mois les
élections. Nos collègues Raffarin et Krattinger prônent
dans leur rapport de grandes régions avec des compétences
stratégiques il suffit de s'y reporter.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous ferions mieux d'en rester là, sinon nous allons avoir séance tenante le débat qui doit avoir lieu dans quinze jours ou trois semaines...
M. René Vandierendonck. - Nous avons obtenu, Monsieur Hyest, que deux lectures du projet aient lieu. En tant que rapporteur du texte sur les compétences, j'ai demandé que le débat à leur sujet ait lieu concomitamment.
Mon travail s'inscrit dans le droit fil du rapport Krattinger - Raffarin : je ne veux pas oeuvrer au dépérissement, à la dévitalisation ou à l'extinction des départements.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Confirmons donc la nomination de M. Delebarre ; l'important est que nous puissions rediscuter le texte en octobre ou novembre.
M. Jean Louis Masson. - Quid de la période de comptes de campagne pour les prochaines élections régionales et cantonales ? Si en septembre ou octobre on décide de décaler les élections, le plan de financement s'étalera sur un an et demi. On marche sur la tête ; le Gouvernement, comme à son habitude, fait n'importe quoi. Nous devons débattre des incidences directes et indirectes de ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il y a des précédents : chaque fois que les élections ont été retardées, les comptes de campagne ont commencé un an avant la date effective.
M. Michel Delebarre est nommé rapporteur sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Modification du Règlement du Sénat afin de rééquilibrer la composition des commissions permanentes - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine ensuite le rapport de M. Alain Anziani sur la proposition de résolution n° 521 (2013-2014) de MM. Daniel Raoul et Raymond Vall tendant à modifier le Règlement du Sénat afin de rééquilibrer la composition des commissions permanentes.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je donne la parole à M. Anziani, mais il est possible que les auteurs de la proposition de résolution décident au terme de notre réunion de la retirer.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Deux membres éminents de notre assemblée, MM. Daniel Raoul et Raymond Vall, ont déposé une proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de rééquilibrer la composition des commissions permanentes. La réforme constitutionnelle de 2008 avait porté de six à huit le nombre maximal de nos commissions permanentes. Nous avons décidé en 2011 de créer la commission du développement durable par scission de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, ses soixante-dix-huit membres se répartissant à égalité entre les deux nouvelles commissions. L'expérience a montré que cet effectif de trente-neuf membres dans chacune n'était pas suffisant pour la charge de travail qui leur incombe, en particulier lorsqu'elles ont à examiner des textes complexes comme la loi dite « ALUR ». La proposition de résolution vise donc à changer le nombre de sénateurs par commission, sauf pour celles des lois et des finances, dont l'effectif resterait de quarante-neuf.
Les auditions que j'ai menées ont conduit à trois observations.
La première a trait au calendrier : certains de nos collègues se demandent en effet pourquoi examiner cette résolution juste avant le renouvellement du Sénat, plutôt que de laisser à la nouvelle majorité le choix de cette modification. Cette première objection en cache ou en recoupe une seconde : la scission de la commission de l'économie était-elle une bonne idée ? Certains posent la question de la réunification au nom de la connexité des sujets et de la rationalisation des moyens. Enfin, troisième observation, d'ordre pratique, si nous ne procédons pas à cette modification maintenant, nous devrons reconstituer en l'état nos commissions en octobre et nous devrons tout recommencer quelques mois plus tard.
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous sommes l'une des commissions qui ont le plus de textes à examiner et nous n'avons que 49 membres ! La difficulté est de retirer des membres à certaines commissions, mais je ne vois pas en quoi diminuer le nombre des commissaires de certaines commissions pose problème. Certes, cette proposition n'est pas urgente, mais j'y suis favorable.
M. Jean Louis Masson. - Lorsqu'on a tronçonné une commission pour en créer deux, j'étais perplexe : était-il pertinent de séparer les problèmes environnementaux des problèmes économiques ou industriels ? Mais les raisons qui ont motivé la scission n'étaient pas de cohérence... Je voterai contre la proposition : que ceux qui ont décidé la scission de la commission de l'économie en assument les conséquences.
M. Yves Détraigne. - Ce rééquilibrage est un cautère sur une jambe de bois : on retrouvera les mêmes problèmes de commissions qui se marchent sur les pieds. C'est ce que nous avions dit lors de la scission... Le système antérieur fonctionnait bien. Mieux vaut garder le système en l'état jusqu'après les élections sénatoriales et revenir ensuite aux six commissions. Nous voterons contre la proposition de résolution.
M. Jean-Jacques Hyest. - Nous n'étions pas favorables à l'augmentation du nombre des commissions lors de la révision constitutionnelle. On constate en lisant le règlement qu'il a fallu préciser à l'extrême les attributions de la commission du développement durable : elle traite des mêmes problèmes que celle des affaires économiques, mais d'un autre point de vue. Ayons le courage de reconnaître que la scission n'était pas une bonne idée, même si le développement durable est dans l'air du temps...
Le nombre de commissaires n'est pas en rapport avec le nombre de dossiers traités : les deux commissions qui ont le moins de membres, les lois et les finances, ne sont pas celles qui travaillent le moins !
On s'apercevra aussi que diminuer le nombre de commissaires dans certaines commissions posera problème.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il y a deux débats différents sur cette proposition.
L'un, récurrent, sur la pertinence de la scission et l'opportunité de l'existence d'une commission du développement durable. À cet égard, je souligne que la commission créée s'intitule commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. J'ai beaucoup insisté sur la présence du terme « aménagement » : selon moi, il faut beaucoup d'industrie et d'innovation pour faire un bon environnement. Je m'oppose à une écologie qui ne serait pas humaniste et oublierait qu'il n'y a d'environnement que par et pour l'homme.
Imagine-t-on un Président de la République qui formerait un Gouvernement sans ministre de l'environnement ? Et je ne suis pas sûr que la prochaine majorité, quel que soit le résultat des prochaines élections, supprime la commission du développement durable...
Daniel Raoul m'a dit toutefois qu'il retirerait sa proposition si ce matin une majorité se prononce contre.
L'autre problème concerne le nombre des commissaires par commission. Dès lors qu'il y a sept commissions, la proposition de résolution me paraît de parfait bon sens : toutes les commissions auraient le même nombre de membres. La commission de la culture et celle des affaires sociales se plaignent ? Mais si certains devaient se plaindre, ce serait nous qui avons à étudier la moitié des lois...
D'ailleurs, est-on plus efficace à soixante-dix qu'à cinquante ? Et encore faut-il que les commissaires soient présents aux réunions...
M. Jean-Jacques Hyest. - Ce matin, nous sommes vingt-cinq...
M. Patrice Gélard. - Le président a devancé mon propos : ce n'est pas en étant plus nombreux que l'on travaille mieux. Ainsi, le nombre des membres de la commission des lois est satisfaisant. Cette proposition de résolution est malvenue, puisqu'elle risque d'être refusée par la prochaine majorité. Laissons le nouveau Sénat décider !
M. Vincent Capo-Canellas. - Pour avoir siégé à la commission de l'économie avant la scission puis dans les deux commissions en question, je puis vous dire qu'à soixante-dix-huit il n'est pas facile de travailler. Quel sens y avait-il à scinder la commission de l'économie, alors que l'énergie, par exemple, continue à relever des affaires économiques tandis que son impact environnemental est étudié par la commission du développement durable ? Il en va de même du logement. L'aménagement est passé du côté du développement durable, mais l'urbanisme est resté aux affaires économiques. Puisque nous avons un ministère chargé de l'ensemble des questions d'énergie, pourquoi n'y aurait-il pas une commission correspondante ?
Il faudrait au reste que les commissions aient les moyens nécessaires à leur travail.
Mme Catherine Troendlé. - Le groupe UMP n'était pas favorable à la scission de la commission de l'économie en 2011. Il y a manifestement un problème d'absentéisme dans ces commissions.
La plupart des textes donnent lieu à la saisine de deux commissions, l'une au fond, l'autre pour avis, ce qui n'est guère valorisant.
Pourquoi nous précipiter sur cette résolution alors que nous sommes à quelques semaines d'un renouvellement du Sénat ? Le groupe UMP envisage la réunification des deux commissions, qui conduira aux réductions de dépenses qu'attendent nos concitoyens.
M. René Vandierendonck. - Il nous arrive souvent de demander l'avis des autres commissions !
En fait, les commissions sont trop nombreuses et pâtissent de l'absentéisme de leurs membres. De surcroît, la charge de travail est inégalement répartie entre les commissions.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le problème n'est pas tant le nombre des commissions permanentes que celui des autres instances. Il n'y a pas grand monde à certaines réunions de délégations... À l'exception évidemment de la délégation à la décentralisation, n'est-ce pas, madame Gourault !
M. Jean-Jacques Hyest. - Et personne parfois dans certaines instances, comme la commission de contrôle de l'application des lois !
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Cela rend parfois service d'avoir des places à proposer, en période d'élections...
M. Alain Anziani, rapporteur. - La règle de l'équilibre du nombre de sénateurs par commission vient de l'Assemblée nationale : le nombre de députés est divisé par huit.
Quant à la création de la commission du développement durable, on n'imagine pas un Gouvernement qui ne comporterait pas de ministère consacré à ce domaine. Pourquoi en irait-il différemment ici ?
Il est vrai qu'il y a dans le travail des commissions un grand déséquilibre : les rapports législatifs sont fournis par la commission des lois à 42,16 % et par celle des affaires sociales à 25,37 % ; pour les rapports budgétaires et les rapports d'information, la commission des finances devance toutes les autres.
Dans l'ensemble, la commission des lois et celle des finances assument chacune quasiment le quart du travail législatif et de contrôle.
J'ai rapporté par ailleurs une proposition de résolution sur l'absentéisme dont je souhaite l'inscription à l'ordre du jour ; celle que nous examinons ce matin est, elle, inscrite en séance le 16 juin...
En ce qui concerne les moyens humains, trois administrateurs supplémentaires seront affectés aux commissions.
Nous proposons uniquement un amendement, de pure forme, qui modifie l'article 2.
L'amendement n° 1 est adopté.
La proposition de résolution n'est pas adoptée
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 2 |
|||
M. ANZIANI, rapporteur |
1 |
Rédactionnel |
Adopté |
Création des polices territoriales et dispositions relatives à leur organisation et leur fonctionnement - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission examine le rapport de Mme Virginie Klès et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 553 (2012-2013) de MM. François Pillet et René Vandierendonck visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Nombre de personnalités éminentes se sont penchées sur le berceau de cette proposition de loi.
Les polices municipales ont été officialisées il y a vingt-cinq ans et continuent de se développer au fil des lois. Ce texte propose la fusion des corps de gardes champêtres et de policiers municipaux. Le nouveau corps serait celui des polices territoriales. La fusion se ferait à droits constants pour chacun des corps, l'ensemble des missions et des pouvoirs des gardes champêtres étant conservé : le texte prévoit bien de faire la somme des attributions des deux cadres d'emplois existants.
Le choix du nom de « policier territorial » répond au souci de créer une nouvelle entité, en allant dans le sens de l'intercommunalité et en ancrant ce corps de fonctionnaires dans les territoires. Il rappelle également que les policiers municipaux sont des fonctionnaires territoriaux, non des fonctionnaires d'État ou des supplétifs de fonctionnaires d'État. Certains ont, à l'inverse, défendu l'extension du titre de « policier municipal » afin de maintenir le lien entre les maires et ces fonctionnaires, et surtout d'éviter les coûts matériels d'un changement d'appellation. Étant pour ma part favorable au changement de dénomination, je vous présenterai les amendements nécessaires.
L'article 13 du texte propose de simplifier la rédaction des articles du code général des collectivités territoriales touchant le pouvoir de police générale des maires. Il est vrai qu'il donne en l'état l'impression d'un inventaire à la Prévert. Je propose toutefois de modifier cet article 13 en y remplaçant l'expression « moralité publique » par « prévention et surveillance du bon ordre », conformément à la rédaction du code de la sécurité intérieure. Il conviendrait également d'ajouter la police des campagnes aux missions générales des polices territoriales, afin de souligner que l'on conserve bien les missions spécifiques des gardes champêtres.
Ce texte comporte aussi un volet important sur les obligations de formation ; je proposerai, avec l'accord des auteurs, un amendement visant à y soumettre particulièrement les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), pour lesquels aucune obligation de ce genre n'existe. Le texte prévoit également la formation des policiers municipaux et des gardes champêtres aux fonctions qu'ils n'exercent pas aujourd'hui.
Une école nationale de la police municipale est-elle pour autant nécessaire ? Elle aurait l'inconvénient de singulariser les policiers municipaux par rapport aux autres fonctionnaires territoriaux ; or, le Centre national de la fonction publique territoriale (Cnfpt) a souligné l'importance de formations communes pour développer une histoire et une culture communes, ainsi qu'une bonne connaissance réciproque de fonctionnaires qui seront amenés à travailler ensemble, notamment en matière de voirie, d'urbanisme, d'occupation de la voie publique. La formation commune n'empêche pas le Cnfpt d'améliorer ses formations, ni de passer des conventions avec la police et la gendarmerie nationales pour développer des formations techniques communes. Les policiers territoriaux sont des fonctionnaires territoriaux qui ont en plus une spécialité dans la sécurité.
Malgré des débats nourris avec l'administration, les auteurs du texte ont jugé bon que l'attestation de fin de formation initiale délivrée par le Cnfpt fasse partie intégrante du dossier d'agrément des policiers territoriaux. On a opposé une différence de nature entre l'agrément qui couvrirait le champ moral et l'attestation qui validerait des capacités professionnelles. Cette distinction n'est pas justifiée. Dans la pratique, la prise en compte des capacités professionnelles d'un candidat est plutôt favorable à son recrutement. En tant que maire, j'ai effectué un recrutement sur un poste d'animateur jeunesse. J'ai sélectionné un candidat sur ses capacités professionnelles. L'extrait de casier judiciaire que j'ai reçu plus tard indiquait qu'à 18 ans, ce jeune homme avait été interpellé pour conduite en état d'ivresse ayant provoqué un accident sans victime. Cela n'a pas empêché qu'il se rachète et développe les capacités professionnelles requises pour le poste. Si je n'avais pu considérer cette évolution, je ne l'aurais pas recruté. L'attestation complète le dossier d'agrément par des informations sur les capacités professionnelles et sur la personnalité du candidat. En cas de demande d'armement par le maire, elle jouera un rôle déterminant dans la décision du préfet. Parmi nos interlocuteurs, les procureurs se sont déclarés favorable à l'introduction de l'attestation dans le dossier ; les préfets y sont opposés ; le CNFPT y est favorable malgré un allongement probable du délai de titularisation des officiers territoriaux.
Un amendement prévoit que les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) soient soumis à une formation avant d'assumer leurs fonctions sur le terrain.
Le texte favorise l'intercommunalité dans la mise en oeuvre des procédures. Il propose d'attribuer le titre d'officier de police judiciaire aux présidents d'EPCI. La fonction d'OPJ est peu utilisée par les maires ; il n'est pas utile de la généraliser.
La création d'un conseil intercommunal de sécurisation et de prévention de la délinquance n'empêchera pas la création de sous-commissions travaillant dans un cadre à géométrie variable : elles s'adapteront plus facilement aux évolutions de la délinquance.
Les conventions de coordination définiront les rapports de l'État avec les collectivités. Pratiquement tous les acteurs auditionnés se sont déclarés favorables à ce que ces conventions de coordination soient cosignées par le procureur, car son implication améliorera leur fonctionnement. La création d'un comité de suivi des conventions de coordination garantira qu'elles ne resteront pas une coquille vide. Les collectivités territoriales et leurs interlocuteurs étatiques sont remis sur un pied d'égalité de droits et de décisions, pour favoriser une action en partenariat. Si la généralisation des conventions de coordination est une bonne chose, les rendre obligatoires reste plus difficile, car cela représente beaucoup de changements en peu de temps pour les petites communes rurales. Les conventions de coordination préciseront les possibilités de consultation des fichiers administratifs et les modalités de communication entre les forces de sécurité étatiques et territoriales ; elles sont obligatoires pour le travail de nuit des policiers territoriaux ainsi que pour leur armement, et elles détermineront leur doctrine d'emploi. Avant de les rendre obligatoires, il serait bon que les maires des petites communes aient eu suffisamment de temps pour définir les missions de leurs agents territoriaux.
Un amendement propose d'encadrer les centres de surveillance urbains, d'y définir clairement les missions des différents agents qui y travaillent et d'introduire une obligation de formation pour certaines missions. Le texte n'aborde pas le volet social ; des négociations sont néanmoins en cours sur le sujet. On a constaté un mouvement de détachement d'un certain nombre de fonctionnaires de la sécurité - policiers ou gendarmes nationaux - vers les collectivités territoriales. À l'inverse, les policiers municipaux ont peu l'occasion de migrer vers les corps étatiques. Les fonctionnaires d'État qui intègrent la police municipale font souvent valoir leur statut et leur ancienneté pour obtenir des postes d'encadrement au détriment de leurs collègues locaux. Un sentiment d'injustice légitime se développe chez les policiers municipaux qui craignent que les contraintes budgétaires favorisent un mouvement de contingentement du nombre de chefs de service de police municipale pouvant se voir attribuer l'échelon sommital dans les communes de plus de 10 000 habitants. Le maire ou le président de l'Epci sait le niveau de responsabilité qu'il confie à ses agents territoriaux. Ce niveau n'a rien à voir avec le nombre d'habitants de la commune. La notion de contingentement n'apparaît pas légitime, même si cela ne relève pas de la loi.
Je laisserai Catherine Troendlé vous présenter ses amendements sur les brigades vertes et sur les mesures transitoires concernant les policiers municipaux recrutés dans le cadre des parcs naturels régionaux.
M. François Pillet. - Le rapporteur a su trouver des justifications supplémentaires à cette proposition de loi. Je la remercie pour son exposé clair, malgré l'aspect parfois technique des modifications statutaires proposées. Le rapport que nous avons fait avec M. Vandierendonck a montré qu'un pragmatisme non partisan s'impose pour traiter des activités des polices municipales, qu'il s'agisse de leurs missions ou de l'utilisation de la vidéosurveillance. Derrière des mots différents, les situations étaient quasi identiques à Évry et à Nice. À Lille, à Cannes, Amiens, Dijon ou Nice, combien de caméras ? Le pragmatisme a lissé les divergences qui existaient encore il y a quelques années. La création de la police territoriale favorise la cohérence et l'homogénéité, en fusionnant les activités, notamment celles des gardes champêtres. La formation est un volet important de la proposition de loi. Les ASVP constituent un champ d'emplois non contrôlés, dont les activités sont parfois à la limite de la légalité. J'étais partisan d'imposer sans délai l'obligation des conventions de coordination. Toutefois, le rapporteur nous dit qu'elles restent indispensables pour toute modification de la doctrine d'emploi des policiers municipaux. Cet argument me convainc qu'un délai est possible avant de rendre le texte obligatoire.
M. René Vandierendonck. - Conformément à ce qu'avait demandé Mme Assassi, nous avons eu un débat avec le ministre de l'Intérieur, et nous avons mené au Sénat une concertation avec les directions des ministères concernés. La discussion reste ouverte sur la question de l'appellation. Les mesures proposées sur les conventions de coordination, sur l'accès aux moyens de radiocommunication, les conditions de légalité de la vidéoprotection, l'urgence et l'importance de la formation répondent aux demandes de l'AMF et font progresser le débat. Le Sénat a réussi à s'entendre au-delà des clivages habituels. Dans un dernier effort collégial, nous devons ouvrir l'accès aux fichiers administratifs : celui des immatriculations, des voitures volées... C'est indispensable.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je salue le talent du rapporteur. Nous avons trouvé un consensus sur un sujet important pour nos concitoyens et pour les communes. En tant qu'élu de banlieue, je connais la réalité de la délinquance ! Je salue le pragmatisme des auteurs de la proposition de loi qui reconnaissent à la police municipale un rôle utile, distinct de celui de l'État.
J'ai un doute sur le changement de dénomination proposé : la symbolique compte pour le corps des officiers municipaux. L'adjectif « municipal » les distingue de la police nationale. Si on le change, il faudra aussi changer les logos sur les voitures, sur les uniformes, etc.
La formule retenue pour l'attestation de fin de formation initiale est intéressante. Elle ne doit pas pour autant allonger les délais. L'enquête du préfet dure six mois, pendant lesquels l'agent n'est pas habilité. Le dispositif des articles 14 et 15 est clair sur la question des délais. L'amendement du rapporteur va également dans le bon sens.
Dans les communes de plus de 10 000 habitants, la fonction de chef de service de police municipale doit pouvoir être acquise par un agent qui travaille dans la police municipale s'il en a les compétences. Je suis maire d'une ville de 15 000 habitants, dont le chef de la police municipale a décidé de partir pour être chef de service ailleurs. Le taux de délinquance atteignait les 95 pour mille, ramené à 65 pour mille grâce à la police municipale et la vidéosurveillance. Le rôle du chef de la police municipale est primordial ; il doit pouvoir être fidélisé.
Quand j'ai créé une police municipale dans ma commune, je l'ai armée sans en faire un débat. J'ai autorisé l'utilisation des flashballs par la police municipale sans en faire non plus un débat. J'ai eu raison, car lors d'une bataille rangée entre cités, les flashballs ont été une arme efficace pour la police municipale qui intervenait seule. Les conventions de coordination sont une bonne chose, tant qu'on laisse au maire une marge de décision sur le niveau d'armement qu'il souhaite donner à sa police. Le sujet n'a rien de politicien, il relève du pragmatisme.
M. Jean-René Lecerf. - Je m'associe aux louanges adressées au rapporteur. On ne pourra pas éluder la question de la reconnaissance d'un pouvoir de police générale au président de l'Epci, notamment dans les grandes agglomérations. La situation des polices municipales d'agglomération est abracadabrantesque. Les policiers sont sous l'autorité du maire et leur action s'arrête aux frontières de la commune, frontières que les délinquants ignorent. L'utilisation de la vidéoprotection varie d'une agglomération à l'autre. En prévision de l'Euro 2016, certaines collectivités s'inquiètent pour la surveillance des stades et des lieux de rassemblement. Mutualiser la vidéoprotection, le centre de surveillance urbain, la société en charge du transport serait une solution efficace d'un point de vue économique et financier. Il ne serait pas bon d'attendre la suppression des communes pour développer une compétence de police générale.
Je suis en désaccord avec l'article 18 qui supprime les conseils locaux. La taille des communes est un facteur important ; jusqu'à 40 000 habitants, la mesure ne serait pas gênante. Dans les communes de 200 à 250 000 habitants, les conseils intercommunaux sont des grand-messes qui durent toute la journée. Supprimer les conseils locaux mettrait fin au concept d'une police de proximité. Dans l'agglomération de Lille, il serait aberrant de gérer tout à la fois Lille-Roubaix-Tourcoing, Péronne-en-Mélantois, ville du président de Lille métropole, et Bouvines - 1214 ! - ville du vice-président.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis d'accord sur le fond avec cette proposition de loi. Les différences qui séparent police rurale et police municipale s'amenuisent ; auparavant, les gardes champêtres avaient plus de compétences que les policiers municipaux : ce n'est plus le cas. L'ensemble du texte me paraît satisfaisant, à quelques détails près. Le diable est dans les détails... Je suis d'accord avec mon collègue Capo-Canellas sur le changement de dénomination. Des difficultés pratiques s'y opposent. Comment écrire « police territoriale » sur les voitures ? C'est deux lettres de plus ! Et la dénomination « police municipale » est passé dans l'usage.
J'ai lu avec intérêt l'amendement qui supprime la notion de moralité publique à l'article 13. C'est entièrement justifié. Comme M. Lecerf , je pense qu'il y a un problème au niveau intercommunal. Le vent est à la suppression des communes, mais on ne règlera pas le problème en attendant que les choses se fassent. Récemment, le tribunal administratif a mis en cause la responsabilité d'un maire pour ne pas avoir assuré la tranquillité aux abords d'équipements intercommunaux !
Les petites communes ont des problèmes à recruter. Imposer une formation initiale est de bon sens, mais pose problème. Souvent, les gardes champêtres sont débauchés chez les voisins. On pourrait améliorer le recrutement en permettant une embauche à charge dans un délai limité d'organiser une formation.
M. Philippe Kaltenbach. - Je me félicite de ce texte qui est une co-production législative. Il a été porté par une majorité de l'opposition, travaillé avec le Gouvernement et les élus, et nous sommes parvenus à un consensus sur des questions complexes. L'évolution proposée est positive. Les gardes champêtres sont rassurés sur le maintien de leur spécificité. Les conventions de coordination doivent être renforcées. Le texte permet des avancées sur la codification des missions des centres chargés de la surveillance urbaine. La délivrance d'une attestation de fin de formation facilitera le recrutement. Nous nous félicitons du consensus dont ces mesures font l'objet. La dénomination est une question délicate. La dénomination de « police territoriale » est séduisante intellectuellement, car elle est en phase avec la réalité qui se dessine. Un changement de dénomination se heurterait néanmoins à des difficultés techniques et financières. L'accès aux fichiers est essentiel pour la police municipale. Il doit être encadré par un suivi et un contrôle.
Le groupe socialiste est favorable à ce texte. Les amendements corrigeront les points qui font débat.
Mme Éliane Assassi. - En janvier 2013, le rapport de nos collègues Vandierendonck et Pillet montrait que la réflexion sur la police municipale avait évolué. Je reste convaincue que la sécurité n'est pas du ressort municipal, mais concerne l'État. Néanmoins, la proposition de loi fait avancer le débat. J'ai rencontré les syndicats de gardes champêtres et de policiers municipaux : ils approuvent les mesures proposées, même si des revendications persistent. Pour éviter le développement d'une sécurité à double vitesse, il faudrait à terme créer un grand service public regroupant la police municipale, la police nationale et la gendarmerie.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - La dénomination a fait l'objet de remarques récurrentes. Le pragmatisme invite à conserver « police territoriale » par souci de clarté du texte. Il sera toujours temps en séance de revenir à « police municipale ». Je n'ai pas de chiffrage précis sur le coût que représenterait un changement de dénomination ; nous l'aurons lundi. Peut-être faudrait-il avancer de manière progressive sur un sujet qui ne donne lieu à aucune opposition dogmatique.
Des possibilités existent pour déléguer aux présidents d'Epci un certain nombre de pouvoirs en cas de manifestations sportives importantes et pour mutualiser les forces de sécurité. Rien n'empêche le Cispd de déléguer à un groupe local un certain nombre d'actions. Dans mon territoire, qui est petit et rural, le Cispd prend les grandes décisions, puis décline des fiches d'action qu'il confie à la police locale.
Monsieur Collombat, quand on recrute un candidat en le récupérant dans un autre département, l'agrément le suit, ne laissant place à aucun délai. Le Cnfpt travaille à améliorer sa réactivité sur la formation initiale.
Madame Assassi, la généralisation des conventions de coordination pourrait être la première étape menant à la création d'un grand service public de sécurité.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Mon amendement n° 6 mentionne explicitement la police des campagnes.
M. François Pillet. - Nous y sommes favorables compte tenu des précisions que vous avez données dans votre exposé.
L'amendement n° 6 est adopté.
Article additionnel après l'article 1er
M. René Vandierendonck. - L'amendement n° 2 garantit une période transitoire lorsque les gardes champêtres sont recrutés par des syndicats mixtes ou par des EPCI.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'avis est favorable sous réserve de transférer l'article avant l'article 22 et de ne pas codifier la disposition proposée, car il s'agit de mesures transitoires. Il faudrait également préciser au deuxième alinéa que les gardes champêtres concernés sont recrutés « à la date de publication de la loi ».
L'amendement n° 2 est adopté sous réserve de ces modifications.
Article 3
L'amendement rédactionnel n° 7 est adopté.
Article additionnel après l'article 3
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 8 prévoit les mesures transitoires résultant de l'intégration des gardes champêtres dans le nouveau cadre d'emplois unifié.
L'amendement n° 8 est adopté.
Article 4
L'amendement de cohérence rédactionnelle n° 9 est adopté.
Les amendements de coordination nos 10 et 11 sont adoptés.
Article 5
L'amendement de cohérence rédactionnelle n° 12 est adopté.
L'amendement de précision n° 13 est adopté.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 14 tire les conséquences des modifications introduites dans le cadre de l'environnement par la loi du 16 juillet 2013.
L'amendement n° 14 est adopté.
Article 6
L'amendement de cohérence rédactionnelle n° 15 est adopté.
Article 8
L'amendement de cohérence rédactionnelle n° 16 est adopté.
L'amendement rédactionnel n° 17 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 9 est adopté.
Article 10
L'amendement de coordination n° 18 rectifié est adopté.
Article 12
L'amendement rédactionnel n° 19 est adopté.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 39 substitue à la notion de moralité publique celle plus précise de prévention et de surveillance du bon ordre.
L'amendement n° 39 est adopté.
Articles additionnels après l'article 13
Les amendements nos 26, 20, 23, 21, 22, 24 et 25 sont adoptés et deviennent des articles additionnels.
Article 14
L'amendement de coordination n° 27 est adopté.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 28 supprime la mention de la fonction d'officier de police judiciaire attribuée au président de l'Epci, car elle serait contre-productive.
L'amendement n° 28 est adopté.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement rectifié n° 29 intègre les modifications législatives intervenues depuis la rédaction de la proposition de loi.
L'amendement rectifié n° 29 est adopté.
Article 18
L'amendement rectifié de rédaction n° 30 est adopté.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 32 abaisse le seuil à partir duquel une convention de coordination est obligatoire à 4 agents, et non plus 5.
M. François Pillet. - Je suis favorable à cet amendement en raison des précisions qui ont été apportées par le rapporteur.
M. René Vandierendonck. - J'ai le même avis.
L'amendement n° 32 est adopté.
L'amendement n° 31 devient sans objet.
Mme Catherine Troendlé. - Je remercie mes collègues Vandierendonck, Pillet et Klès pour l'écoute attentive qu'ils m'ont accordée. Dans le Haut-Rhin, nous avons la brigade verte, syndicat mixte de gardes champêtres. La loi d'amélioration de la décentralisation du 5 janvier 1988 a prévu, grâce à l'amendement de MM. Goetschy, Schielé et Haenel, la mise en commun des gardes champêtres de collectivités réunies dans un syndicat mixte. Ces brigades vertes réunissent 58 gardes champêtres ainsi que des personnels administratifs et techniques bénéficiant d'un contrat unique d'insertion. Elles couvrent 308 communes. Les gardes champêtres sont répartis sur 10 postes et les patrouilles travaillent sept jours sur sept et 365 jours par an. La structure est financée pour moitié par le conseil général et pour moitié par les communes. Elle travaille en partenariat avec la région, le conseil général, la gendarmerie et la police. La brigade verte est un pilier de la sécurité et de la tranquillité des habitants. L'organisation répond aux besoins des petites communes et les coûts sont répartis. Au vu de sa parfaite efficacité, nous aurions pu envisager une généralisation de ce droit local spécifique. En tout cas, je ne souhaite pas que la situation des départements d'Alsace-Moselle soit modifiée. C'est pour cela que j'ai déposé l'amendement n° 4 qui propose de supprimer l'article 21.
M. Jean-Pierre Michel. - L'existence du droit local dans les trois départements est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Le législateur doit néanmoins veiller à ce que le champ d'application de ce droit local ne s'accroisse pas. Je suis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cet amendement supprime l'article 21 qui soumet la nomination des futurs agents de police territoriale en Alsace Moselle au droit commun : nomination par le maire et agrément par le préfet et le procureur, puis assermentation. Tous les policiers territoriaux étant concernés et pas seulement les garde-champêtres, le droit local s'en trouverait étendu, ce qui n'est pas envisageable. Avis défavorable.
M. Alain Richard. - Je n'ai pas la même lecture de la décision du Conseil constitutionnel. Pour lui, une réforme législative ne doit pas se traduire par une extension des spécificités du droit local. Autrement dit, dans un secteur où il n'existe pas de spécificités, le législateur ne peut en créer. En revanche, il est tout à fait possible de modifier des dispositions dans un domaine où il en existe.
En outre, le dispositif prévu est assez utile pour tout le territoire, car les possibilités de coopération et de mutualisation intercommunales en matière de police municipale sont exagérément restrictives.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est vrai !
M. Alain Richard. - Une habitude mentale a été prise, de considérer que la mutualisation des moyens de police municipale n'est possible que dans le cadre d'un EPCI à fiscalité propre. Or la grande majorité de ces EPCI ne la souhaitent pas et les différences de situation entre grandes et petites communes la rendent très compliquée. Pourquoi ne pas permettre aux communes volontaires de passer par un syndicat pour mettre en commun certaines fonctions de police municipale ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Je partage l'avis de M. Richard.
M. André Reichardt. - Moi aussi. Dans sa décision du 5 août 2011, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions législatives et règlementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi. Ici, il ne s'agit pas d'aménager des dispositions du droit local, mais de ne pas les supprimer.
Si à chaque fois que nous examinons un texte, on ne peut maintenir les dispositions locales pour éviter un écart trop important avec le droit général, le droit local est destiné à mourir. Or, les Alsaciens y sont attachés.
M. René Vandierendonck. - M. Pillet et moi-même avons relayé les préoccupations de nos collègues : un de nos amendements garantit l'originalité du système tout en ménageant une transition.
Il existe 13 400 syndicats intercommunaux dont 5 800 inclus dans le périmètre d'un EPCI à fiscalité propre : il n'est donc pas anormal de rechercher une cohérence spatiale.
Votons l'amendement de repli et ouvrons le débat sur le pouvoir règlementaire des régions et des collectivités territoriales.
M. François Pillet. - Par cohérence, je m'abstiendrai. Si par hasard, l'analyse de la décision du Conseil constitutionnel qu'a fait notre collègue se révélait inexacte et que ce texte soit déclaré inconstitutionnel, la spécificité tomberait immédiatement.
M. René Garrec. - C'est vrai !
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je reste défavorable à cet amendement, d'autant qu'il s'agit des policiers territoriaux qui seront recrutés demain et les garde-champêtres en feront partie. Or, ils ne répondraient pas aux mêmes conditions de nomination, d'agrément et d'assermentation que les autres policiers territoriaux de France.
L'amendement n° 4 est adopté et l'article 21 est en conséquence supprimé.
Les amendements nos 3 et 5 deviennent sans objet.
Article additionnel après l'article 21
M. René Vandierendonck. - L'amendement n° 1 propose d'encadrer les conditions d'emploi des agents de surveillance de la voie publique (ASVP).
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Mon amendement n° 36 répond à cette problématique. Je demande donc le retrait de celui-ci.
L'amendement n° 1 est retiré.
Articles additionnels avant l'article 22
Mme Virginie Klès, rapporteur. - En cas de changement de collectivité de recrutement, l'amendement n° 37 prévoit la transmission au préfet et au procureur de la République du dossier d'agrément de l'agent.
L'amendement n° 37 est adopté et devient un article additionnel.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 34 modifie le code de la route pour permettre un accès direct des policiers territoriaux au fichier national des permis de conduire.
L'amendement n° 34 est adopté et devient un article additionnel.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je viens d'évoquer l'amendement n° 36 relatif aux ASVP, qui sont des agents communaux agréés par le procureur de la République et assermentés. Un décret en Conseil d'État précisera les conditions de leur emploi sur la voie publique et fixera leur équipement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ces personnels ont un rôle en matière de police assez limité : la formation qui est ici prévue va dissuader nombre de collectivités d'en recruter.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cette formation initiale est prévue et budgetée par le CNFPT, et elle est assez courte.
M. Vincent Capo-Canellas. - Une formation est nécessaire, car parfois les ASVP sortent de leurs missions et sont incorporés dans des patrouilles. Pour autant, cette formation doit être courte. Si elle est vécue comme une obligation de plus, nous manquerons notre cible.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mme le rapporteur le dira en séance publique pour éclairer les débats.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi ne pas fixer un seuil de population pour imposer cette formation ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Déposez un amendement d'ici lundi !
M. Pierre-Yves Collombat. - Si l'amendement de notre rapporteur est voté, nombre de communes ne recruteront plus d'ASVP.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Plutôt que fixer un seuil, peut-être pourrions-nous viser la nature des missions.
M. François Pillet. - Ne transigeons pas sur la formation. De nombreuses interventions d'ASVP sont totalement irrégulières.
M. Alain Richard. - N'exagérons pas non plus l'importance de cette contrainte qui est du reste, je le signale, de nature règlementaire...
En outre, les automobilistes sont de plus en plus procéduriers : nos ASVP doivent savoir qu'une partie de leurs actes sera contestée. Enfin, mieux vaut ne pas être trop rigides sur la délimitation des activités des ASVP et des policiers municipaux.
L'amendement n° 36 est adopté et devient un article additionnel.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 33 traite des assistants temporaires des agents de police territoriale (ATPT) : aujourd'hui, ils ne sont pas armés mais relèvent tout de même d'un double agrément, procureur et préfet. Aux termes de l'amendement, un décret en Conseil d'État devra préciser leurs missions, pour qu'ils ne deviennent pas des supplétifs des policiers municipaux - et pour ne mettre personne en danger.
L'amendement n° 33 est adopté et devient un article additionnel.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 35 traite des centres de surveillance urbains (CSU). Il a été envisagé de les raccorder aux forces de sécurité de l'État mais cela n'est pas possible par l'application de l'article 40 de la Constitution sur les irrecevabilités financières. Lors du débat en séance publique, nous interrogerons le ministre sur ce point.
M. Vincent Capo-Canellas. - Cet amendement est extrêmement restrictif par rapport à la pratique actuelle. En outre, il est contraire aux conventions de coordination qui déterminent les conditions dans lesquelles la police municipale et le CSU transmettent les images à la police nationale. Ici, il est écrit que les CSU participent aux tâches administratives des agents de la police territoriale. Dès lors, le CSU n'informera plus la police nationale de la commission des faits. Je souhaiterais que l'on rectifie l'amendement pour qu'il ne soit plus fait référence aux tâches de police administrative.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Pourquoi ne pas nous proposer un amendement lundi prochain ?
M. Alain Richard. - Ce nouvel article est-il vraiment utile ? Le droit des CSU est stabilisé et les gouvernements successifs n'ont pas souhaité y revenir. Or ce texte, même sous amendé, interdit toute utilisation en flagrance. Les agents de surveillance, qui ne sont pas tous des agents de police municipale, ne pourront alors transmettre les images. Il faut au moins les autoriser à passer un appel radio, ce qu'interdit cette rédaction. Où est l'intérêt de cet amendement ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je le maintiens car des dérives ont été relevées, notamment à cause de l'absence de formation juridique des opérateurs. Ils sont en outre tiraillés entre la loi informatique et liberté et le code de sécurité intérieure. Il convient donc de former ces personnels. En revanche, j'accepterai un amendement de M. Capo-Canellas.
M. Alain Richard. - Si votre souci est la formation, le premier alinéa de l'amendement n'est pas nécessaire.
M. René Vandierendonck. - Je suis d'accord avec cette remarque.
M. Jean-Jacques Hyest. - Pourquoi règlementer à l'excès ? Il suffit de dire que ces agents doivent être formés ! De plus, les opérateurs affectés peuvent être des agents territoriaux s'ils visionnent des immeubles ou des établissements publics mais ils doivent être des agents de police territoriale s'ils visionnent la voie publique. Quelle complexité...
En outre, n'importe quel agent public doit aviser l'autorité judiciaire lorsqu'un délit est commis : que faites-vous de l'article 40 du code de procédure pénale ? Enfin, il est inconcevable de multiplier les structures territoriales alors que les commissariats devraient surveiller la voie publique et traiter les problèmes.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Compte tenu de ces remarques, je retire mon amendement et j'en rédigerai un autre d'ici lundi.
M. François Pillet. - Très bien.
L'amendement n° 35 est retiré.
Article 22
L'amendement rédactionnel n° 38 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission examine le rapport de M. Jean-Patrick Courtois et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 418 (2013-2014) de M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - M. Jean-Claude Carle a déposé une proposition de loi tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Les élections municipales des 23 et 30 mars se sont déroulées sans dysfonctionnements majeurs malgré les innovations de la loi du 17 mai 2013. Les deux importantes transformations de ce scrutin municipal sont l'abaissement à 1 000 habitants du seuil démographique à partir duquel l'élection a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle et non au scrutin majoritaire plurinominal ; et l'obligation, pour l'ensemble des candidats dans toutes les communes, de déposer une déclaration de candidature.
Cette dernière modification a eu des répercussions sur la collecte des données personnelles révélant l'appartenance politique des candidats et des élus. Cette question a suscité une vive émotion que les associations d'élus - AMRF et AMF en tête - ont relayée. La proposition de loi répond aux réactions des candidats et des élus qui, dans les communes comprises entre 1 000 et 3 500 habitants ont mal vécu l'obligation d'indiquer une nuance politique lors du dépôt des candidatures en préfecture.
Il convient tout d'abord de distinguer l'étiquette politique de la nuance politique. Le candidat choisit librement d'adopter ou non une étiquette politique et son choix s'impose à l'administration. Un élu a du reste la faculté de modifier son étiquette au cours de son mandat. Parallèlement, l'administration attribue une nuance politique aux candidats puis aux élus en fonction d'une nomenclature fixée par le ministère de l'intérieur et présentée au candidat lors du dépôt de candidature. Elle se fonde sur plusieurs éléments : soit le candidat en déclare une et l'administration la reprend à son compte, soit elle estime que cette nuance ne correspond pas à la réalité et elle choisit celle qui lui semble la plus adéquate. En tout état de cause, il n'existe pas de nuance « sans étiquette » mais seulement une rubrique « autres » dans laquelle figure, par exemple, les partis anti-fiscalistes, les partis religieux, les partis socio-professionnels, les partis régionalistes, le parti Pirate et même... le parti d'en rire !
Jean-Claude Carle estime qu'il y a une différence fondamentale entre la plupart des listes des petites communes qui se définissent comme « sans étiquette » et des listes « divers ». Les premières n'ont pas de sensibilité politique revendiquée, les secondes en ont une, « même si elle est marginale, voire originale pour certaines d'entre elles ».
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les candidats ne font pas l'objet d'un « nuançage » et, parmi les élus, seul le maire se voit attribuer une nuance politique. Pour les autres communes, un mandataire dépose la déclaration de candidature avec, éventuellement, une étiquette politique. L'administration opère ensuite son nuançage politique à partir des déclarations et des indices qu'elle peut recueillir.
Les candidats découvrent alors, parfois dans la presse, la nuance politique qui leur a été attribuée et qui reste conservée au sein du fichier géré par le ministère de l'intérieur. Cette situation crée des incompréhensions, voire des divisions internes à une même liste quand des candidats découvrent qu'ils ont été affublés d'une nuance politique dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. C'est le cas évidemment des nombreuses listes d'union communale rassemblant des candidats de toutes tendances politiques, qui parfois ne connaissent pas les préférences politiques de leurs colistiers. Voyez dans combien de communes on ne trouve qu'une seule liste de candidats, généralement transpartisane. Aux dernières élections municipales, c'était le cas dans 41 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants et dans 46 % des communes de 1 000 à 2 000 habitants.
Le texte prévoit de limiter le travail de nuançage aux communes de plus de 3 500 habitants. D'abord, la nuance politique ne doit pas être imposée à des candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants où la constitution de listes ne correspond pas forcément au jeu politique national. Si un candidat veut choisir une étiquette politique, une nuance pourra lui être attribuée. S'il n'en choisit pas, il sera « sans étiquette », donc sans nuance politique. Ensuite, il existe une marge d'erreur trop importante et ces informations qui sont utilisées le soir du scrutin pour donner des tendances nationales risquent de fausser l'exercice - des listes seront abusivement classées « divers gauche » ou « divers droite ».
Avant 2013, le travail de nuançage ne portait pas sur les communes de moins de 3 500 habitants ; le ministère de l'intérieur n'en était pas moins capable de dégager des tendances nationales.
Les deux amendements que je vous propose réécrivent formellement la proposition de loi, notamment en supprimant la codification proposée, en raison d'une mauvaise imputation dans le code électoral. Le premier amendement pose deux règles simples et claires : pour toute élection, un candidat ou un élu peut choisir son étiquette politique, ce qui est le droit actuel. S'agissant de la nuance politique, il faut distinguer deux situations : pour l'élection municipale dans les communes de moins de 3 500 habitants, aucune nuance politique ne serait attribuée si le candidat ou l'élu n'a pas lui-même fait connaître son étiquette politique. Pour les autres communes et les autres élections, le droit actuel demeurerait. Le second amendement assure l'application de ce texte dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative. Aucune disposition particulière n'est prévue pour les élections à l'étranger, notamment l'élection des conseillers consulaires, car je n'en ai pas perçu l'utilité. Nos collègues représentant les Français établis hors de France pourront susciter le débat par des amendements s'ils le souhaitent...
Je vous invite à adopter mes amendements et la proposition de loi ainsi modifiée.
M. Pierre-Yves Collombat. - Les dernières élections municipales ont profondément perturbé les maires, notamment dans les communes rurales. En revanche, je ne suis pas certain que ce problème bureaucratique relève de la loi.
M. Patrice Gélard. - Bonne remarque.
M. Pierre-Yves Collombat. - Dans certains départements, les sous-préfets, parfois les préfets, ont obligé les candidats à déclarer une étiquette, voire les ont affublés d'une étiquette dont ils ne voulaient pas. Mais tout cela relève de la gestion des préfets et non pas de la loi. Le nuancier, c'est une facilité que se donne l'administration mais qui n'a rien d'obligatoire.
M. Yves Détraigne. - Nous avons été interpellés par nombre de candidats aux élections municipales qui ne comprenaient pas qu'on puisse leur imposer une étiquette dont ils ne se réclamaient pas.
Dans ma commune de 4 800 habitants, j'ai constitué une liste d'union et chaque candidat a déclaré être sans étiquette. Or, certains avaient la carte d'un parti, socialiste par exemple. Finalement, nous avons été catalogués « divers droite » !
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Des socialistes catégorisés « divers droite », c'est curieux !
M. Yves Détraigne. - Ces étiquetages sont artificiels, surtout pour des élections locales.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Ce problème ne relève certes pas de la loi, mais ce texte nous offre l'occasion d'attirer l'attention du gouvernement sur ce problème.
M. Christian Cointat. - Cette question ne relève pas de la loi.
En outre, on se réfère encore au seuil de 3 500 habitants, mais celui-ci n'a plus lieu d'être puisque c'est à 1 000 habitants que le scrutin majoritaire remplace le scrutin de liste. Pourquoi dès lors opérer une distinction entre les communes de plus de 3 500 habitants et les autres ?
Le Gouvernement et les administrations, enfin, doivent respecter la volonté des candidats, ce qui est la moindre des choses dans une démocratie.
M. Jacques Mézard. - Pour que le ministère de l'intérieur nous entende, nous n'avons d'autre voie qu'une proposition de loi. Les candidats ont été obligés de choisir un positionnement politique ; ils ne s'y reconnaissaient pas, mais certains partis politiques ne s'y sont pas non plus retrouvés. Ce système n'a eu que des conséquences négatives et le présent texte est donc bienvenu.
M. Alain Richard. - Le travail d'analyse du ministère de l'intérieur n'est pas de pure perversion, il sert la science politique. Cependant, on est sans doute allé trop loin. En 1982, nous avions fixé, un peu au jugé, la barre à 3 500 habitants : elle est aujourd'hui acceptée par tout le monde car elle correspond dans les faits au seuil où une confrontation plus politique s'engage.
Lors de la réforme constitutionnelle de 2008, une nouvelle procédure pour nous adresser au gouvernement a été instaurée : la résolution. Pourquoi ne pas en voter une ? J'ajoute que l'addition des voix, incluant les communes de 1 000 habitants, ne sert pas à grand-chose. L'addition des voix aux élections législatives, aux régionales, a un sens, pas au niveau communal.
Mme Isabelle Lajoux. - Nous présenterons deux amendements pour, notamment, permettre aux candidats de se présenter avec l'étiquette « sans étiquette ».
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Oui : c'est alors cette déclaration qui vaudrait pour le nuançage.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Grâce au débat que nous aurons en séance, que la proposition de loi prospère ou non, le ministère de l'intérieur prendra conscience du problème et percevra l'écho de la violente protestation des élus locaux.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - J'ai déjà présenté mon amendement n° 4 rectifié.
L'amendement n° 4 rectifié est adopté et l'article est ainsi rédigé.
L'amendement n° 2 rectifié devient sans objet.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - L'amendement n° 5 étend cette loi outre-mer.
L'amendement n° 5 est adopté et l'article est ainsi rédigé.
L'amendement n° 1 rectifié devient sans objet.
Article additionnel après l'article 2
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. - Cet amendement complète utilement les miens. Je suggère aux auteurs de l'amendement n° 3 de le rectifier pour le formuler ainsi :
Article 1er, compléter ainsi cet article :
III. Lors du dépôt de la déclaration de candidature, la liste des nuances politiques est portée à la connaissance de la personne qui procède à ce dépôt. Cette personne est également informée du droit d'accès et de rectification dont disposent les candidats.
Mme Isabelle Lajoux. - J'accepte cette rectification.
L'amendement n° 3 rectifié est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Création de sociétés d'économie mixte à opération unique - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine ensuite le rapport de M. Jacques Mézard et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 519 (2013-2014), modifiée par l'Assemblée nationale, permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi de M. Jean-Léonce Dupont permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique. Deux propositions identiques ont été déposées, une de M. Daniel Raoul, une autre de M. Antoine Lefèvre ici présent.
En première lecture, ce texte a été adopté au Sénat à l'unanimité ; il a également été soutenu par les diverses sensibilités politiques à l'Assemblée nationale. Il vise à créer une nouvelle forme de partenariat public privé (PPP) institutionnalisé, dont l'objectif est d'optimiser le fonctionnement des services publics locaux en réintégrant leur gouvernance au sein des collectivités territoriales tout en exploitant le savoir-faire du secteur privé, chargée d'exécuter par contrat une opération unique, pouvant consister en la réalisation d'un ouvrage ou en la gestion d'un service public. Ce montage juridique a été validé par la Commission européenne et la Cour de justice des communautés européennes.
Nous avons prévu une seule procédure de mise en concurrence, non pour l'attribution du contrat mais pour choisir la personne privée participant à cette SEM - les candidats devant faire la preuve de leur expertise technique, opérationnelle et budgétaire.
Pour nous, il ne s'agit pas de remplacer les PPP ni d'abandonner les formules traditionnelles de gestion des services publics locaux telle que la délégation de service public, mais de créer un outil supplémentaire au service de nos collectivités, à l'image des sociétés publiques locales créées en 2010 et qui fonctionnent bien.
En première lecture, nous avons assuré la sécurité juridique du dispositif afin de respecter les exigences communautaires en matière d'égalité de traitement, de transparence, de publicité des procédures. Nous avons écarté la dénomination de SEM-contrat, pour retenir celle de SEM à opération unique ou Semop, en insistant sur le champ d'intervention, limité à l'exécution d'un contrat unique. Nous avons clarifié les différentes étapes de création d'une SEM à opération unique et de conclusion du contrat, ainsi que la procédure de mise en concurrence pour la sélection de l'actionnaire privé, dans le cadre d'un appel public à manifestation d'intérêt.
À l'Assemblée nationale, la commission des lois a conforté la simplification du dispositif en réaffirmant le caractère unique de la procédure. Elle a substitué à la notion d'actionnaire opérateur celle d'opérateur économique pour désigner la personne privée participant au capital de la Semop. Elle a précisé que celle-ci devrait garder le même objet social pendant toute la durée de la concession, ce qui est logique. Elle a également prévu que la dissolution de la société pourrait intervenir de plein droit dans le cas où le contrat conclu entre elle et la collectivité prendrait fin avant la réalisation de l'opération, par accord ou par résiliation pour faute. Elle a en outre souhaité que la sélection du partenaire opérateur s'organise dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes. Elle a par ailleurs supprimé la possibilité d'attribuer des contrats connexes ou de sous-traitance simultanément au choix de l'actionnaire opérateur. Enfin, elle a préféré l'établissement d'un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, les modalités et le coût de la structure ainsi mise en place.
En séance publique, l'Assemblée a adopté six amendements, dont deux importants : plusieurs opérateurs économiques pourront être retenus pour créer une SEMOP s'ils constituent un groupement pour répondre à l'appel public de la collectivité. En outre, l'Assemblée a introduit un article 1er ter qui prévoit, à l'instar de l'obligation existante pour les délégations de service public à une société publique locale, l'intervention de l'organe délibérant pour se prononcer sur le principe et sur la pertinence du recours à une SEM à opération unique.
J'ai reçu deux organisations professionnelles : le conseil national de l'ordre des architectes et le syndicat national de second oeuvre. Certains comparent, à tort, la SEM à opération unique aux PPP qui ont été fortement critiqués en raison des risques financiers qu'ils engendrent parfois pour la collectivité publique et du poids de certains grands groupes dans ces montages. Pour la SEM à opération unique, des dispositions visent à protèger nos collectivités : la présidence de la SEM reviendra à la collectivité qui disposera aussi, au minimum, de la minorité de blocage. Enfin, les projets qui auront recours à un tel dispositif seront d'envergure plus modeste que ceux faisant l'objet de PPP. Certaines expériences ont conduit les collectivités à freiner la conclusion de tels partenariats.
Je vous propose donc d'approuver les modifications adoptées par l'Assemblée nationale et de voter ce texte conforme.
M. Jean-Jacques Hyest. - Les formes de SEM se multiplient. Cela marche bien, dites-vous : oui, jusqu'au jour où il y aura un problème. Soyons donc vigilants : j'approuve les modifications apportées par l'Assemblée.
Cependant, à quoi correspond juridiquement l'expression « opérateur économique » ? Quelle est cette catégorie ? Recouvre-t-elle une filiale de la Caisse des dépôts (CDC)°? Le terme inquiète un certain nombre d'opérateurs. Participer au capital d'une SEM, fort bien ; mais l'important, c'est le contrat...
M. Jean-René Lecerf. - Pour faire écho à ces remarques, je signale la réaction de l'Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC), qui réunit une grande partie des opérateurs économiques potentiels. Elle estime que la suppression par l'Assemblée nationale de la disposition qui permettait à l'actionnaire opérateur économique de joindre des projets de contrats de sous-traitance à son offre retire tout intérêt à la création de la SEM à opérateur unique. Désormais, l'actionnaire opérateur économique sera retenu sur la base d'une offre qui n'est pas engageante et de critères arbitraires dès lors que les conditions techniques et financières qui fondent son offre ne sont pas déterminées mais subordonnées à un appel d'offre dont on ignore par hypothèse quels seront les résultats.
Les opérateurs souhaitent s'engager dans un partage de risques avec le coactionnaire public. Mais sans contrat, ils ne pourront être solidaires du risque éventuellement créé. La disparition de cette disposition ne retire-t-elle pas beaucoup d'intérêt à une proposition de loi initialement novatrice ?
M. Antoine Lefèvre. - Elle reste néanmoins très intéressante. Je me réjouis que l'Assemblée nationale l'ait votée dans un quasi-consensus et sans apporter de modifications de fond. Je suis partisan d'un vote conforme, même si le texte n'est pas parfait.
La SEMOP va susciter des partenariats plus sécurisés et performants. Au moment où l'État réduit ses dotations aux collectivités, nous devons nous doter d'outils économiques innovants pour assurer le maintien de certains services publics de proximité.
M. Vincent Capo-Canellas. - Mon groupe partage cette approche. Les changements introduits par l'Assemblée nationale ne dénaturent pas le texte. Un vote conforme nous convient.
M. René Vandierendonck. - J'ai la même analyse que M. Jean-René Lecerf.
Mme Jacqueline Gourault. - La voix du Nord !
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Des représentants des sous-traitants nous ont saisis : ils craignent, à tort, de voir ressurgir les inconvénients des PPP, sur lesquels M. Hugues Portelli et moi-même préparons un rapport. La version de l'Assemblée nationale prend davantage en compte les sous-traitants, me semble-t-il, avec la procédure qui leur est spécifique. Ou n'ai-je pas bien compris ?
M. Jean-René Lecerf. - Si.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - M. Jean-Jacques Hyest cite les filiales de la CDC à juste titre. Je crois pourtant solide l'explication donnée lors du débat à l'Assemblée nationale : si la notion de personne privée est employée par le code général des collectivités territoriales, elle ne correspond pas au vocabulaire de la commande publique, qui utilise la notion d'opérateur économique. Cela ne préjuge pas de la forme juridique du co-contractant.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est une dégradation ! Le code des marchés publics l'emporte sur le code général des collectivités territoriales... et peut-être sur le code civil ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Nous avions retenu la notion de personne privée ; l'Assemblée a préféré une notion englobant plus facilement un certain nombre de structures. Cela ne fragilise pas le système ni ne crée de véritables difficultés. Je préférais notre formulation mais ne crois pas qu'il y ait lieu de rouvrir le débat. L'Assemblée nationale affirme la maîtrise politique de la SEMOP d'entrée de jeu, avec un document de préfiguration. L'UNSPIC a l'habitude de s'agiter ; souvenons-nous de ses réactions lors du débat sur les sociétés publiques locales... L'ordre des architectes s'inquiète également de la difficulté à répondre en libéral à ces appels d'offres ; la possibilité de se présenter en groupement est néanmoins prévue. Les architectes demandent d'exclure du champ d'application le bâtiment et la construction... autant supprimer tout le texte ! Celui-ci n'est pas parfait, mais nous devrions, comme à notre habitude, faire confiance à l'intelligence des territoires.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission examine le rapport de M. Jean-Pierre Michel et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 826 (2013-2013) tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Le droit local alsacien-mosellan, que la proposition déposée par M. André Reichardt et certains membres de son groupe propose de moderniser, est issu des trois conflits mondiaux qui ont opposé la France et l'Allemagne, en 1870, en 1914 et en 1940. Par la loi du 17 octobre 1919, il fut décidé que certaines dispositions issues du droit de l'empire allemand continueraient à s'appliquer. Deux lois de 1924 l'ont confirmé, puis l'ordonnance du 15 septembre 1944 a intégré ce droit local dans la légalité républicaine. En pratique, le droit général est la règle et le droit local l'exception ; l'aménagement de ce dernier ne doit pas étendre son champ d'application.
Nos concitoyens des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle sont très attachés à ces dispositions, certaines parce qu'elles sont plus favorables, comme pour les retraites, d'autres parce qu'elles sont traditionnelles comme le Concordat ou parce qu'elles correspondent à la structure des métiers dans ces départements. Les lois votées gomment tout possible conflit de constitutionnalité, qui ne manquerait pas d'exister sinon, entre le Concordat et la laïcité, entre le régime spécial des retraites et l'égalité devant la loi sur tout le territoire, par exemple.
La proposition de loi comporte cinq titres, d'inégale importance. De toute ma vie parlementaire je n'ai eu autant de doutes et d'interrogations que pour écrire ce rapport et me prononcer sur le texte. Je suis neutre, je n'ai aucun intérêt dans cette affaire, j'ai entendu le maximum de gens pendant le temps imparti : les ministères du travail, de l'économie, de la justice ; la direction générale des collectivités locales ; l'Institut du droit local alsacien-mosellan ; les chambres régionales des métiers de Lorraine et d'Alsace, la confédération de l'artisanat d'Alsace, la fédération française du bâtiment du Haut-Rhin, les unions des corporations artisanales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et l'établissement public d'exploitation du livre foncier informatisé (Epelfi). Les divergences entre eux sont nombreuses.
Les trois premiers articles concernent les corporations. L'organisation des métiers dans ces départements repose en effet sur des chambres des métiers, des syndicats patronaux, mais aussi sur des corporations qui regroupent par département ou par arrondissement les artisans qui exercent exactement le même métier. L'adhésion à certaines est facultative, mais obligatoire à d'autres. Elles présentent un grand intérêt car elles exercent une mission de service public, tendant à valoriser un métier. Pour l'emploi, elles jouent un rôle fondamental : dans ces départements, l'apprentissage est très développé, or les corporations aplanissent les conflits et ont un oeil sur les conventions d'apprentissage.
Hélas, elles ne semblent pas toujours reconnues. Ainsi un artisan contraint de cotiser auprès de deux corporations différentes a saisi le Conseil constitutionnel : celui-ci a estimé dans sa décision du 30 novembre 2012 que la cotisation obligatoire était contraire à la liberté d'entreprendre. Depuis, certaines corporations ont fait faillite, d'autres n'ont survécu qu'avec l'aide des chambres consulaires.
La proposition de loi met en place un nouveau dispositif de financement reposant sur une participation facultative des chambres des métiers et sur un système de redevance pour service rendu - qui pourrait ne pas être constitutionnel, puisque le Conseil interdit un financement qui ne serait pas volontaire. La réponse à M. Roland Ries de la ministre de l'artisanat est éloquente à ce propos. En outre, les acteurs locaux ne sont pas tous d'accord : si la Moselle voit cela de loin - les corporations ne doivent pas y être aussi prégnantes - le président de la fédération du bâtiment du Haut-Rhin, qui regroupe plusieurs corporations, a demandé à être reçu pour s'opposer au « retour à l'ancien régime », selon ses propos.
Le second point concerne l'extension des compétences de l'Etablissement public d'exploitation du livre foncier informatisé (Epelfi). La publicité foncière relève en Alsace-Moselle du juge du livre foncier qui est un juge d'instance. Les relevés cadastraux, faits à la main, sont dans un état lamentable parce qu'ils ont été beaucoup manipulés et compulsés. Ils doivent donc être numérisés. Certains ont pris de l'avance, comme la communauté urbaine de Strasbourg. Mais Bercy, compétent normalement pour ces questions, et le ministère de la justice dont relève la tutelle de l'EPELFI, se renvoient la responsabilité du financement. Voilà où nous en sommes.
Le troisième point est le maintien de la taxe de riverains ; depuis sa création par l'empereur Guillaume 1er - pour financer l'extension de Strasbourg - les communes d'Alsace-Moselle peuvent voter une telle taxe lorsqu'elles ouvrent ou viabilisent une nouvelle voie. Or, la loi de finances rectificative de 2010 a abrogé la taxe à compter du 1er janvier 2015 : la proposition de loi vise à le pérenniser. Cela nécessite réflexion : le ministère de l'intérieur est hostile au rétablissement et la suppression a été faite avec l'accord explicite du rapporteur général du budget d'alors, M. Philippe Marini.
Je n'ai rien à dire sur le quatrième point, qui simplifie le droit des associations coopératives. Le cinquième point modernise le repos dominical ; en effet ; la loi qui fut si difficile à voter ne s'applique pas en Alsace-Moselle. Les dimanches et le vendredi saint, tout est fermé... en principe. Si cela est vrai pour les grandes surfaces, chacun ferme les yeux sur les petits commerces ouverts le dimanche matin à Strasbourg. Une convention a été signée pour libéraliser l'ouverture des commerces le vendredi saint et trois dimanches, avant Noël. Tous, y compris dans le Bas-Rhin, estiment qu'il faut attendre la mise en oeuvre de l'accord du 6 janvier 2014 et la poursuite des négociations avec les organisations syndicales de salariés pour la détermination des compensations. Si les Alsaciens sont favorables à une extension de l'ouverture le dimanche, les Mosellans sont beaucoup plus réservés. Pour le président de la chambre de commerce de Lorraine, le dimanche est sacré.
Mme Catherine Troendlé. - C'est pour cela qu'il ne faut pas que nous fusionnions !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Par respect pour le droit local et déférence envers la proposition de loi, je voulais proposer un renvoi en commission et la création d'un groupe de travail, à l'initiative de notre commission mais ouvert à d'autres parlementaires ; je découvre ce matin un amendement très complexe d'André Reichardt sur le droit de l'indivision avec trois pages d'exposés des motifs - c'est dire - afin de résoudre un conflit entre la doctrine alsacienne-mosellane et une jurisprudence de la Cour d'appel de Metz. Je doute fort que ces dispositions, même votées par le Sénat, prospéreraient face à l'opposition du gouvernement. Vous contenteriez-vous d'un vote au Sénat, pour des raisons qui m'échappent ou plutôt que je ne veux pas entendre ? Si vous n'êtes pas d'accord avec le renvoi en commission...
Mme Catherine Troendlé. - Non, nous ne le sommes pas !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je vous proposerai dès lors des amendements de suppression sur tous les articles sauf deux, ceux consacrés aux associations coopératives et à la prescription acquisitive en matière cadastrale.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il est vrai qu'un gentlemen's agreement veut que les textes des propositions de loi émanant de l'opposition arrivent, sauf accord de leur auteur, intacts en séance publique.
Mme Catherine Troendlé. - Cet accord interdit le renvoi en commission des propositions de loi sauf accord de l'auteur, je remercie le président de le rappeler. Si nous créons un précédent dans ce domaine, cela n'aura plus de fin.
M. André Reichardt. - Je remercie sincèrement M. Jean-Pierre Michel de son travail sur ce dossier, complexe aux yeux de tous ceux qui ne pratiquent pas le droit alsacien-mosellan. Il est normal que M. Michel ait des doutes... La règle au Parlement semble être plutôt de ne pas toucher au droit local, faute d'y comprendre quelque chose. Notre vaillant rapporteur a cependant commis quelques erreurs, que je lui signalerai, dans son rapport.
Les corporations de droit local, à ne pas confondre avec celles condamnées par la loi Le Chapelier, ne sont pas contraires à la liberté d'entreprendre, bien au contraire ! Il faut seulement réorganiser leur financement, urgemment puisque le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnelle l'obligation inscrite en droit local. Il est possible de retenir des modalités qui existent ailleurs en France, outre-Vosges, dans la France de l'intérieur, comme nous disons. Nous ne demandons rien de plus ! Lorsque vous parlez de dérogation au droit commun, c'est faux : les redevances pour service rendu existent dans le droit général. Cette disposition n'augmente pas la distance entre ce dernier et le droit local, elle la réduit.
Le financement de la numérisation du cadastre ne serait pas prévu ? Allons : les trois conseils généraux se sont engagés à le financer. C'est si vrai que la direction générale des finances publiques, en l'occurrence la sous-directrice, Mme Catherine Brigant, m'a transmis une proposition d'amendement que je déposerai si le gouvernement ne le fait pas : « L'Epelfi contribue également à la modernisation de l'archivage de la documentation cadastrale des département du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dans des conditions déterminées par l'administration chargée du cadastre. » Cela me convient parfaitement ! Si tout le monde est d'accord, pourquoi ne pas le faire ?
Nous souhaitons maintenir la taxe de riverains qui doit être abrogée à partir du 1er janvier 2015, au motif qu'elle est remplacée par la taxe locale d'aménagement, alors qu'elle a une utilité spécifique. Ainsi la viabilisation, à des fins de lotissement, d'un chemin de terre qu'empruntent aujourd'hui deux exploitants agricoles ayant construit des habitations devrait pourvoir être financée non seulement par les futurs acheteurs du lotissement, mais aussi par ces deux riverains, ce que ne permet pas la taxe locale d'aménagement.
Mme Catherine Troendlé. - Ce n'est que justice.
M. André Reichardt. - Si nous laissons passer le délai, il ne sera plus possible de restaurer la taxe. Je remercie le rapporteur de n'avoir formulé aucune remarque à propos des dispositions sur les associations coopératives, que nous modernisons. Il y a un consensus général sur le cinquième point, les règles applicables en matière de repos dominical. Cela fait deux ans que l'Institut du droit local travaille sur le sujet. J'ai les e-mails de toutes les parties, qui souhaitent que l'on intègre dans la loi l'accord de janvier 2014 sur l'indemnisation des salariés. J'ai répondu que je ne pouvais pas le faire : il a été présenté à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) pour extension ; laissons faire la procédure. Cela ne fait pas obstacle à son application dans les mois qui viennent. Vous proposez, monsieur Michel, de supprimer cet article 8 et écrivez que les différents acteurs considèrent pertinent d'attendre la mise en oeuvre de l'accord qui devrait être prochainement étendu : c'est faux. Pourquoi cet amendement de suppression ?
N'étant pas un ayatollah du droit local, je suis prêt à examiner tous les amendements. J'ignore pourquoi M. Roland Ries et Mme Patricia Schillinger ne s'engagent pas plus pour soutenir ces mesures, car tout le monde y a intérêt ! Après le 1er janvier 2015, ce sera trop tard pour la taxe : or, les maires l'attendent.
M. Jean-Jacques Hyest. - Contrairement à ce que vous laissez entendre, nous nous sommes souvent occupés de droit local : nous avions découvert à cette occasion la faillite civile, que nous avions conservée. Il s'agit ici d'établir le texte de la commission - ou de ne pas adopter de texte, permettant ainsi un débat en séance publique, au lieu de conserver seulement un ou deux articles ! Notre rapporteur présenterait ses amendements en séance. C'est ainsi que nous avions procédé pour la proposition de loi de Mme Dini.
Mme Catherine Troendlé. - Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest. - Le rapport n'est pas superficiel, loin s'en faut. Notre rapporteur a effectué un travail de fond. Il y a un amendement intéressant sur le partage notarié. Il faut nous permettre de débattre en séance.
M. André Reichardt. - La proposition de loi vise aussi à régler cette question. Mon amendement n° 1 trouve sa source dans une étude de l'Institut de droit local et a reçu l'aval de la Commission d'harmonisation du droit local, dont je suis le président, et qui est constituée exclusivement de juristes. Mais s'il gêne, je peux le retirer.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je ferai ce que veut la commission. Mettons le texte aux voix, il sera adopté et je le rapporterai comme tel. Ce qui est proposé sur les corporations ne rallie pas toutes les organisations, la fédération française du bâtiment du Haut-Rhin y est hostile et le gouvernement s'y oppose. La redevance s'apparente à une taxe supplémentaire sur les entreprises, qui ne semble pas pertinente au moment où nous voulons alléger leurs charges. Je n'ai, certes, pas entendu les conseils généraux ; je pourrais le faire si un renvoi en commission était décidé ! Sont-ils décidés à partager les frais de numérisation ? Je l'ignore. Ce que je sais, c'est que le ministère de la justice s'oppose absolument à l'extension en l'absence d'un accord avec Bercy. La pérennisation de la taxe de riverains pourrait être inconstitutionnelle : c'est une forme d'extension du droit local. Cette taxe a été supprimée au profit de la taxe locale d'aménagement sur tout le territoire.
Mme Catherine Troendlé. - Elle reste en vigueur jusqu'au 1er janvier 2015.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Uniquement pour laisser le temps de la transition.
M. Jean-Jacques Hyest. - Il est tout à fait possible de supprimer la suppression.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Quant aux dimanches, les personnes auditionnées ont été très claires : elles ne veulent pas du texte en l'état. Nous comprenons bien pourquoi les chambres veulent ajouter la convention avec les salariés dans la loi : c'est pour être confortées par rapport aux salariés.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article premier
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
Article 2
L'amendement n° 4 n'est pas adopté.
Article 3
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Article 4
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Article 6
L'amendement n° 7 n'est pas adopté.
Article 8
L'amendement n° 8 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 8
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je n'ai pas d'avis sur l'amendement n° 1, trois pages compactes que je découvre ce matin. La Cour de cassation a-t-elle été saisie de ce conflit de droit local ? Ce serait utile. Et si tel est le cas, attendons de connaître sa position. Le sujet est trop complexe : retrait, sinon avis défavorable.
M. André Reichardt. - Je maintiens l'amendement, afin que la discussion ait lieu également sur ce point en séance publique.
M. Jean-Jacques Hyest. - Tout cela est dû au fait que la loi de 2006 n'a pas supprimé la loi de 1924, et que le droit local présente parfois des obstacles dirimants.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Autorités administratives indépendantes - Communication de M. Patrice Gélard
La commission entend enfin une communication sur les autorités administratives indépendantes.
M. Patrice Gélard. - Avant d'aborder mon sujet, une remarque sur nos travaux. Nous venons de consacrer près de quatre heures à la discussion de propositions de loi dont certaines relèvent du domaine réglementaire et d'autres sont déposées à des fins de communication. Elles ne sont assorties d'aucune étude préalable. Elles n'aboutiront pas. Nous devrions être plus raisonnables dans notre règlement. Les propositions de loi sont naturellement utiles à la démocratie ; néanmoins les formations politiques devraient elles-mêmes opérer un tri. Alain Richard a mené une petite enquête pour savoir si tel ou tel texte avait des chances de prospérer au-delà du vote par le Sénat. Notre groupe devrait faire de même.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mme Troendlé vous a entendu !
M. Patrice Gélard. - L'Office parlementaire d'évaluation de la législation m'a confié en 2005 une mission sur les autorités administratives indépendantes (AAI) ; le 15 juin 2006, j'ai remis un rapport dans lequel je présentais une trentaine de recommandations. René Dosière et Christian Vanneste ont travaillé en 2010 sur la question au sein du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale. Depuis lors, onze AAI supplémentaires ont été créées, soit une par an au minimum ; et ce n'est pas fini, puisqu'il y en a deux en préparation !
Leur origine se diversifie. Le Défenseur des droits est d'origine constitutionnelle. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, il faut une loi organique pour autoriser leur création au niveau local : une création a eu lieu selon cette procédure en Nouvelle-Calédonie cette année. D'autres AAI ont été créées en vertu d'obligations internationales, telles que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) ou la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). À l'exception d'une seule créée par voie réglementaire, les autres sont des créations du législateur. Le Défenseur des droits est né de la fusion de quatre AAI, tout comme l'Autorité de contrôle prudentiel dont l'indépendance vis-à-vis de la Banque de France est à relativiser puisqu'elle est présidée par le gouverneur de la Banque de France et financée intégralement par celle-ci.
On assiste à certains rapprochements : une autorité peut siéger au sein d'une autre comme le Défenseur des droits qui siège à la Cnil, à la Cada et à la CNCDH ; les autorités concluent entre elles des conventions, comme le CGLPL avec le Défenseur des droits pour régler le partage de compétences ; des projets de fusion ou d'absorption ont été présentés, comme entre le CSA et l'Hadopi, le CSA et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) évoquée au Sénat en 2013, ou celle, curieuse, entre l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
Le législateur n'a pas rempli sa mission. Deux AAI inutiles ont ainsi été créées. Le Médiateur du livre, sans aucun pouvoir, créé par un amendement gouvernemental que nous n'aurions jamais dû accepter, ne méritait pas le statut ; le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, un collège d'experts qui détermine le statut de victime des essais, non plus.
Nous assistons à la création de la supercatégorie des autorités publiques indépendantes (API), dotées de la personnalité morale et donc d'une autonomie financière au moins nominale, et qui peuvent ester en justice - ce qui pourrait du reste les empêcher d'exercer certains de leurs pouvoirs sous peine d'être juge et partie au regard de la jurisprudence de Strasbourg.
Il faut constater certains aspects positifs : un contrôle parlementaire renforcé -depuis 2008, notre commission et ses rapporteurs ont ainsi entendu à 117 reprises des AAI, dont 21 fois la Cnil, 11 fois le Défenseur des droits et 17 fois le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le rapport annuel, qui n'est pas obligatoire pour les AAI, tend à se généraliser, au moins sous la forme d'auditions par les commissions compétente. À cela s'ajoute un contrôle de l'adéquation entre les moyens et les missions, comme le travail de la rapporteure budgétaire Virginie Klès l'a montré. Il y a enfin le contrôle sur les nominations, grâce à la révision constitutionnelle de 2008 et l'introduction de l'article 13 de la Constitution.
Qu'est-ce qu'une AAI, sinon un objet administratif non identifié, qui exerce des fonctions relevant de la compétence du gouvernement, et qui est donc issu d'un abandon de ses attributions par ce dernier ? Il n'existe pas de définition ; le législateur est hésitant : il y a des « autorités administratives » qui ne sont pas « indépendantes » et des « autorités indépendantes » pas « administratives ». Pourquoi certaines AAI sont-elles dotées de la personnalité morale et pas d'autres ? Mystère.
Nous constatons cependant le développement de règles transversales communes aux AAI : la création de la Haute Autorité de transparence de la vie publique (HATVP) a soumis les membres des autres autorités aux mêmes règles de prévention des conflits d'intérêt que les parlementaires. Dans le même ordre d'idées, les règles d'octroi de crédits et autres moyens aux AAI, comme l'a montré Virginie Klès, s'harmonisent ; le projet de regroupement sur le site Ségur-Fontenoy du Défenseur des droits et des autres AAI consacrées à la protection des droits et libertés ouvrirait la voie à une mutualisation des moyens.
À l'avenir, nous devrons harmoniser le fonctionnement de l'ensemble des AAI ; harmoniser les rémunérations des dirigeants, actuellement très variées ; unifier les règles de fonctionnement, la durée du mandat, la composition des organes dirigeants ; mettre en place un commissaire du gouvernement, non pour surveiller, mais pour rapporter ce qui se passe ; clarifier la notion de personnalité qualifiée, qui ne s'applique manifestement pas à toutes les nominations... L'autonomie de recrutement est intéressante, mais elle doit être normalisée. Il manque un corpus déontologique indispensable pour des institutions qui imposent des contraintes aux citoyens. Nous pourrions à cette fin adopter une loi organique pour compléter l'article 34 de la Constitution de manière à fixer la compétence de la loi pour déterminer le statut des AAI. C'est ce que nous proposions en 2006, sans avoir hélas été écoutés.
M. Yves Détraigne. - Il y a beaucoup plus d'AAI que je ne l'imaginais. Avant de prendre les dispositions que propose Patrice Gélard, pourquoi ne pas d'abord faire du tri ? Certaines AAI ne devraient-elles pas sortir de cette catégorie ou être intégrées dans une autre AAI ?
M. Jean-René Lecerf. - Je rejoins Yves Détraigne. La fin de l'intervention de Patrice Gélard n'incite pas à l'optimisme. Les AAI sont des démembrements de l'État qu'il convient d'éviter autant que possible. C'est parfois impossible, comme avec le Défenseur des droits, le Contrôleur général ou le CSA. Mais beaucoup ne se justifient que par la volonté de créer un Monsieur ceci ou un Monsieur cela, voire d'affecter telle responsabilité à telle personne que le chef de l'État souhaite promouvoir. Je me souviens d'avoir été pressé de finir mon rapport sur la Halde, car la personne promise à sa tête - qui finalement ne fut pas nommée - attendait... Ne peut-on imaginer une proposition de loi qui établirait, d'une part, une déontologie des AAI - pendant longtemps, un parlementaire pouvait en diriger une, ce qui n'a pas de sens puisqu'il n'est pas totalement indépendant de son groupe politique - et, d'autre part, en supprimerait un nombre important ? Certains parlent de supprimer le Sénat, il serait plus utile de supprimer certaines de ces structures coûteuses. Je me souviens d'une discussion avec Jean-Paul Delevoye qui, nommé Médiateur de la République, découvrait un bail tout juste renouvelé et qui consommait un quart de son budget de fonctionnement.
M. René Vandierendonck. - Je remercie le doyen Gélard pour sa constance : lorsque nous étions ses étudiants, il nous mettait déjà en garde contre les démembrements de l'État et la débudgétisation. On peut certainement supprimer des AAI.
M. René Garrec. - Où ?
M. René Vandierendonck. - Il y a un tri à faire. Il enclencherait utilement la réforme de l'État, qui a désormais un secrétaire d'État directement rattaché au Premier ministre. Les parlementaires devront avoir le courage de commencer le tri par ceux qui sont d'initiative parlementaire.
M. Patrice Gélard. - Je suis pleinement d'accord avec nos trois orateurs : la nécessité du tri découle de celle de mieux définir ce qu'est une autorité administrative indépendante. Certaines autorités administratives indépendantes ont trois collaborateurs, mais d'autres en ont une centaine.
Ce n'est que la partie visible de l'iceberg : l'État dispose de nombreux autres moyens de camouflage de ses délégations : les agences, les établissements publics... Lorsque l'État déclare abandonner une fonction, il en camoufle en réalité l'exécution dans un établissement public et conserve l'ensemble de ses attributions en se cachant.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le doyen Gélard avait déjà manifesté ses remarquables qualités pédagogiques à l'université de Lille, dont je fus aussi étudiant en lettres.
La commission autorise la publication de la communication sous forme d'un rapport.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Seul le président de la commission a le pouvoir de demander qu'un texte soit retiré de l'ordre du jour. Au cas où les deux signataires de la proposition de résolution qui n'a pas été adoptée par la commission en demanderaient le retrait, vous pourriez m'autoriser à y procéder.
La réunion est levée à 13 h 20