- Mardi 4 novembre 2014
- Loi de finances pour 2015 - Programme « Coordination du travail gouvernemental » - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Audition de M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale
- Loi de finances pour 2015 - Audition du Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air
- Mercredi 5 novembre 2014
- Loi de finances pour 2015 - Programme « Diplomatie culturelle et d'influence » - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Audition de Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la direction générale de la mondialisation du développement et des partenariats
- Loi de finances pour 2015 - Mission « Aide publique au développement » - Audition de Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement (AFD)
- Loi de finances pour 2015 - Audition du Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre
Mardi 4 novembre 2014
- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président -La réunion est ouverte à 15 heures
Loi de finances pour 2015 - Programme « Coordination du travail gouvernemental » - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Audition de M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale
La commission auditionne M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, sur le projet de loi de finances pour 2015.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Mes chers Collègues, nous poursuivons notre cycle d'auditions consacré à l'examen du projet de loi de finances pour 2015, en accueillant Louis Gautier, qui vient de prendre ses fonctions de Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.
Monsieur le Secrétaire Général, nous connaissons tous la sensibilité et l'importance des missions du SGDSN, au coeur de nos préoccupations, qu'il s'agisse de lutte contre la prolifération, d'exportation de matériel de guerre, de planification en matière de défense et sécurité, de préparation et de gestion des crises graves, ou encore de sécurité des communications gouvernementales, et - j'aurais garde de l'oublier au sein de notre commission si impliquée sur ce sujet - de cyberdéfense.
Ebola, Vigipirate, les drones survolant les centrales nucléaires, la cyber : vous avez du pain sur la planche ! Je vous laisse donc sans plus tarder la parole pour que vous puissiez nous parler de vos perspectives, et de votre budget.
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.- Je suis très heureux de cette audition diligentée par votre commission pour la deuxième année consécutive - la première fois pour moi depuis ma récente nomination. Elle est l'occasion d'un examen des crédits du SGDSN figurant dans le projet de loi de finances 2015 au programme 129 des services du Premier ministre. Le SGDSN est une institution qui a peu souvent l'occasion de s'exprimer publiquement sur ses missions. Je vous remercie donc de l'opportunité que vous m'offrez de le faire aujourd'hui.
J'ai trouvé en prenant mes fonctions une administration en bon ordre de marche, et je veux tout d'abord rendre hommage à mon prédécesseur Francis Delon, qui a présidé pendant 10 ans aux destinées du SGDSN. Le SGDSN, administration sans histoire quoiqu'au coeur de l'Etat, est insuffisamment connu du public. Peut-être faut-il en chercher la raison dans une certaine culture du secret, nécessaire à la réalisation et à la nature de ses missions. Le SGDSN agit en appui de la prise de décision politique : ses travaux n'ont pas forcément vocation à être portés sur la place publique. D'un autre côté, il lui faut aussi s'adapter aujourd'hui à certaines exigences de transparence, inhérente à la vie démocratique, et aux légitimes demandes de nos concitoyens d'évaluer mieux la performance des services de l'Etat. La Cour des comptes a d'ailleurs engagé ce mois-ci un contrôle de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information, (ANSSI), rattachée au SGDSN, et l'Inspection générale des finances doit rendre prochainement ses conclusions sur l'organisation des services du Premier ministre dont fait partie le SGDSN. Autrefois concentré sur son travail de coordination ministériel, le SGDSN doit aussi aujourd'hui veiller à l'élargissement d'une culture de protection et de prévention, par exemple en matière de sécurité informatique qui touche non seulement les services de l'Etat, mais au-delà les opérateurs privés, et également nos concitoyens. Ainsi, le futur plan « Ebola », ou le récent plan « Vigipirate » rénové ont vocation à être largement diffusés et connus du public : nous avons d'ailleurs déclassifié la grande majorité des mesures du plan Vigipirate à cette fin.
Le SGDSN a trois missions principales : d'abord un rôle de veille et d'alerte, pour ainsi dire de vigie, face aux menaces et aux risques. Ensuite, un rôle de « notaire public », à la fois conseil et rédacteur des décisions prises par l'Exécutif en matière de défense et de sécurité nationales. Enfin, un rôle d'opérateur, qu'il s'agisse de la gestion des habilitations, et des documents classifiés, des communications gouvernementales, ou encore de la sécurité des systèmes d'information cyberdéfense avec l'ANSSI.
Le SGDSN est organisé en quatre pôles, deux sont constitués en directions d'administration centrale : protection et sécurité de l'Etat (PSE) ; affaires internationales et stratégiques (AIST) ; un pôle est érigé en service à compétence nationale, l'ANSSI ; et deux établissements publics sont placés sous sa tutelle : l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) et l'Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ). S'y ajoute un service d'administration générale, qui assure le soutien ou le suivi administratif de cet ensemble.
Au sein du programme 129, les crédits prévus en 2015 s'élèvent à environ 243 millions d'euros en crédits de paiement, dont 94 millions sont transférés à la défense pour financer des programmes interministériels, notamment le renforcement des capacités techniques d'interception, de chiffrage et de décryptement. Par ailleurs, le budget du SGDSN porte les 17 millions, correspondant aux subventions affectées aux deux instituts précités. En termes de moyens humains, le nombre de postes en équivalents temps pleins s'élève à 850 personnels, dont à partir de cette année, 184 personnels affectés au centre de transmission gouvernementale (CTG) rattachés au SGDSN.
Ce budget 2015 est marqué par trois faits notables :
- la poursuite du plan de renforcement des moyens de l'ANSSI, qui disposera fin 2015 d'un effectif de 500 personnes, ce qui situera cette agence à un niveau, certes en deçà des moyens britanniques et américains mais comparable aux moyens allemands ;
- l'intégration du centre de transmission gouvernemental déjà mentionnée ;
- la contraction légère prévue au plan triennal des moyens du SGDSN et des deux instituts sous tutelle.
Avec les crédits budgétaires et les personnels qui lui sont rattachés, le SGDSN est en mesure d'exercer correctement les compétences et les responsabilités qui lui sont confiées. La direction protection et sécurité de l'Etat est chargée du suivi des crises, de la préparation des plans gouvernementaux et de l'organisation de l'Etat en temps de crise. En son sein, un bureau spécifique fonctionnant 24h/24 est relié à l'ensemble des cellules de crise dans tous les ministères et il les alimente de notes de situation et de synthèse. Il a ainsi permis de diffuser des informations aux administrations centrales et décentralisées lors de l'intervention au Mali, de l'accident de la Malaysian Airlines ou encore au sujet de l'épidémie Ebola. J'envisage de réaliser un audit de satisfaction des organismes abonnés à ce service pour mieux répondre à leurs attentes et éventuellement d'en étendre la diffusion aux opérateurs qui ne sont pas aujourd'hui destinataires de nos productions, ainsi qu'aux services déconcentrés de l'État. La direction PSE contribue également à l'élaboration des projets de loi et des textes réglementaires dans le domaine de compétence du SGDSN : la récente loi anti-terrorisme, la mise en application de la loi de programmation militaire s'agissant de la cyberdéfense, la problématique du contrôle des services de renseignement, ou encore la question du fichier PNR (Passengers Name Record) dont l'un des décrets est publié et l'autre est en cours de validation interministérielle. Cette direction a enfin une mission générale d'actualisation de la planification, qu'il s'agisse de l'importante réforme de Vigipirate, conduite en 2014, - dont il faudra sans doute adapter la mise en oeuvre car, des préfets, remonte un besoin de meilleur croisement de l'information et des instructions, au niveau du département - ou de la préparation actuelle, à partir du plan de pandémie grippale de 2011, d'un plan interministériel de lutte contre la fièvre Ebola. Le SGDSN a également pour mandat de réfléchir à l'évaluation des vulnérabilités face aux récents survols de drones au-dessus des centrales nucléaires. Face à la multiplication des intrusions, il est en train d'élaborer une réponse, tant juridique que capacitaire.
Le deuxième pôle, l'ANSSI, exerce, outre une fonction de veille permanente, un rôle décisif dans l'élaboration des normes en matière de cyberdéfense. Cette agence développe aussi un grand nombre d'outils et de procédés techniques permettant de détecter et de corriger les vulnérabilités des systèmes informatiques. Une visite de l'ANSSI vous permettrait de découvrir que le profil des salariés de l'agence est caractérisé par l'expertise et la jeunesse. L'âge moyen des personnels de l'ANSSI est de 28 ans. Au-delà de son assistance aux administrations de l'État, pour secourir leurs systèmes informatiques, l'Agence a développé un dialogue avec les opérateurs d'importance vitale sur lesquels repose aussi le bon fonctionnement des services publics et de l'économie. Le rôle crucial de l'ANSSI s'exerce non seulement auprès des administrations (avec le déploiement par exemple du réseau crypté ISIS) mais aussi des opérateurs, il s'étend en outre au développement d'une véritable culture de sécurité informatique dans la société - en formant par exemple 1400 stagiaires cette année. L'ANSSI a aussi des fonctions de représentation internationale - je pense notamment à l'Union européenne et à l'OTAN - Ce n'est donc pas une agence purement technique. L'ANSSI a une responsabilité de coordination interministérielle et d'encadrement normatif, ce qui justifie pleinement son rattachement au Premier Ministre.
Le troisième pôle, affaires internationales et stratégiques, assure comme les deux autres, des missions de veille, de coordination et de contrôle. AIST effectue des synthèses de situation sur les grandes crises internationales (Libye, Mali, Syrie, Irak...), cette direction suit les négociations en matière de prolifération nucléaire (Iran...), ainsi que la mise en oeuvre des grands traités de désarmement, comme par exemple la convention internationale d'interdiction des armes chimiques ou la participation à la coordination des signalements concernant la prolifération. Cette direction assure le pilotage de notre politique d'exportation d'armement et actualise en ce moment les « directives de haut niveau » qui servent de cadre méthodologique aux décisions proposées à l'exécutif, par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, la CIEEMG. Ce travail très important doit concilier deux impératifs : ne pas entraver les activités industrielles tout en veillant à ce que l'exportation de matériels sensibles ne constitue pas une menace pour la paix et la sécurité de notre pays. Le CIEEMG tient 17 réunions plénières par an, a traité environ 7 000 dossiers ces 18 derniers mois, soit un flux mensuel de 400 autorisations. Grâce à la réforme que vous avez votée en 2011, le nouveau dispositif de contrôle a été mis en place, avec de nouvelles procédures de licences, rénovées, et des moyens informatiques modernisés favorisant la dématérialisation des traitements.
La dernière mission du SGDSN est d'exercer la tutelle de l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN et de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l'INHESJ, deux instituts qui ont pour vocation de former et sensibiliser respectivement aux questions de défense, de sécurité et de justice. L'IHEDN, au travers de ses sessions nationales, régionales et jeunes, touche chaque année 2 000 personnes. L'INHESJ, par ses sessions et ses séminaires, sensibilise 1 200 personnes chaque année. Chacun des deux instituts bénéficiera de 9 à 10 millions d'euros de budget en 2015.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Merci monsieur le Secrétaire général. Je donne la parole à nos deux rapporteurs, MM. Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur. - Mes questions seront centrées sur la cyberdéfense mais nous évoquerons également la prévention de la radicalisation, sujet qui nous préoccupe dans les territoires. Je tiens à saluer la présence du nouveau directeur de l'ANSSI avec lequel nous avons déjà eu l'occasion de travailler. Ainsi donc, en matière de cyberdéfense, l'article 22 de la loi de programmation militaire qui concerne les opérateurs d'importance vitale attend encore son décret d'application, puis les arrêtés sectoriels, pour entrer pleinement en vigueur. Quel est le calendrier envisagé pour leur publication ? Les grands opérateurs, au premier rang en matière de télécom ou d'énergie coopèrent-ils bien et dans de bonnes conditions, car c'est un concept un peu nouveau en France ? Ont-ils suffisamment intégré qu'ils y ont tout intérêt ? Pouvez-vous nous dire également comment favoriser la diffusion de la culture « cyber » qui permet de prévenir 90% des difficultés dans le tissu des entreprises privées et en particulier dans les PME, dans les ministères au-delà de la sphère « sécurité défense » ? Comprend-on que l'on a intérêt à signaler les incidents et les difficultés ? Cela bouge-t-il dans les ministères où des attaques ont parfois défrayé la chronique ? Quel peut être le rôle du Premier ministre et de ses services en faveur de cette diffusion ? Enfin pour terminer, l'ANSSI, sous la tutelle du SGDSN, ne cesse de croître en effectifs et en moyens. Quelle est la cible in fine, à quel format stable voyez-vous l'ANSSI à terme et où se situerait ce terme ? Le ministre de la défense a affiché des ambitions, laissant entendre que la mise à niveau irait plus loin que l'alignement avec nos grands voisins. Le rattachement de l'ANSSI au SGDSN apparaissait comme une bonne formule en son temps, « gagnant-gagnant ». Est-on toujours dans ce schéma ?
M. Jean-Pierre Masseret, co-rapporteur. - Vous avez évoqué le survol des centrales nucléaires par des drones. Qu'en sait-on ? Peut-on en parler ? Qu'y-a-t-il derrière tout cela ? Par ailleurs, la CIEEMG est au sein du SGDSN l'organe qui autorise les exportations d'armement. Quel bilan tirez-vous de la modernisation des procédures d'instruction que nous avons votée en 2011, et qui produit ses pleins effets - notamment avec un nouveau logiciel - cette année ? Je ne vous interrogerai pas sur le Vladivostock... Dernière question, le SGDSN a reçu un mandat d'étude sur la prévention de la radicalisation. Quels sont les résultats de ce groupe de travail ? Nous venons de durcir l'aspect répressif, avec la loi anti-terrorisme, mais qu'en est-il du volet préventif ?
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.- Si vous m'y autorisez, je prendrai les questions dans l'ordre inverse de leur formulation. S'agissant du rattachement de l'ANSSI au SGDSN, les délégations de compétences qui lui sont accordées, par exemple en matière normative ou son rôle dans la coopération internationale, justifient par son positionnement actuel. Ce n'est donc pas simplement une agence technique. Sur la question de l'augmentation des moyens, je rappellerai d'abord que, dans notre pays, il y a une division radicale entre les moyens consacrés à la cyberdéfense et les moyens dont le ministre de la défense dispose pour protéger les systèmes militaires, mais aussi pour répondre à d'éventuelles agressions. Dans les pays anglo-saxons, un choix différent a été fait. En France, cette démarcation s'explique au nom du respect des libertés publiques, mais aussi en raison de la mission de l'ANSSI qui s'étend au conseil à des opérateurs privés. Cette séparation à la fois organique et fonctionnelle me paraît valide et prouvée dans les faits. Nous avons programmé les effectifs de l'ANSSI pour atteindre 500 en 2015 et 600 en 2017, ce qui paraît suffisant pour assurer la stabilité de l'ANSSI, permettre des recrutements réguliers et le renouvellement souhaitable des personnels, qui participe de l'essaimage de la culture cyber dans la société. Nous pensons donc que nous aurons atteint en 2017 le bon étiage. Vous m'avez interrogé sur les secteurs que nous devrions davantage sensibiliser à la cyberdéfense. C'est une tâche parfois difficile. Il faut changer les habitudes. Nous portons la responsabilité de convaincre davantage. Le secteur de la santé par exemple ne se sent pas aussi concerné qu'il serait souhaitable par les enjeux de la cybersécurité. Or, la protection des données personnelles des dossiers médicaux mérite attention. La recherche a l'habitude d'un travail ouvert du fait notamment des exigences de coopération internationale, mais parfois il est aussi important que certaines opérations ne soient pas éventées, quand il s'agit de brevets par exemple. Il faut aider ces deux milieux à s'approprier, dans leur intérêt, les exigences de la culture du cyber. S'agissant de l'article 22, les décrets devraient être publiés en fin d'année et les arrêtés sectoriels tout au long de l'année 2015. Je propose que Guillaume Poupard, directeur général de l'ANSSI, vous fasse part de cet aspect de coopération avec les entreprises et les différents acteurs.
M. Guillaume Poupard, directeur général de l'ANSSI.- L'article 22 de la loi de programmation militaire fait que la France est le seul pays qui protège, par la loi, les opérateurs d'importance vitale, en imposant la mise en place des règles de sécurité définies par l'ANSSI, la remontée d'informations de la part des victimes d'attaques afin de donner l'alerte, de voir s'il y a d'autres attaques simultanées et de les aider à y répondre. Cet article permet également à l'ANSSI d'effectuer des contrôles sur les opérateurs en vue de vérifier que les moyens de sécurisation sont réellement mis en place et là, nous sommes dans le domaine règlementaire. Enfin cet article nous permet, en cas de crise majeure, comme celle subie par l'Estonie en 2007 avec une paralysie du pays, de donner des consignes strictes aux opérateurs afin de limiter, dans l'urgence, les conséquences de ces attaques. S'agissant du calendrier, nous sommes en « courte finale » pour les décrets d'application. Dans les différents domaines comme le transport, la défense, il y en a environ 18, nous allons définir des règles de sécurité et les différentes modalités d'application de la loi en coopération avec les opérateurs. L'ANSSI définit avec les différents opérateurs des règles applicables et soutenables, notamment sur le plan humain et financier. Ce travail est à même de rassurer les opérateurs qui voient que l'on travaille à leur sécurité en même temps qu'à celle de la Nation. Les arrêtés fixant ces règles sortiront au fil de l'eau en 2015. C'est un gros travail, mais je suis optimiste sur son issue. Nous sommes le premier pays au monde à entreprendre cette démarche, mais cet article de loi suscite l'intérêt en Allemagne, qui rédige actuellement une loi en ce sens, et plus largement en Europe. En termes de diffusion de ces questions de cyber, nous nous sommes intéressés d'abord aux réseaux des ministères et de l'administration - et c'est toujours le cas -. L'article 22 a permis l'extension aux opérateurs d'importance vitale et donc aux entreprises privées, mais il va falloir aller plus loin et protéger toutes les cibles potentielles contre les attaques cyber, le domaine industriel et le domaine de la recherche. Le domaine croît de manière exponentielle et il va falloir y adapter nos moyens. On ne peut pas travailler avec les opérateurs d'importance vitale comme avec les PME. Nous avons un lien direct avec les opérateurs, alors que nous sommes davantage dans une démarche de conseils à l'égard des PME, auxquelles nous diffusons déjà des guides de bonnes pratiques et des conseils. Nous sommes également dans une stratégie de démultiplication de l'effort avec la qualification de prestataires privés capables de détecter des incidents et de sécuriser des réseaux. Nous créons ce faisant de nouveaux métiers liés à la cybersécurité, pour permettre aux gens de se défendre et de se trouver en situation de cybersécurité acceptable. Je signalerai que l'ANSSI n'est pas le seul acteur, c'est une démarche interministérielle. Nous avons des liens étroits avec le ministère de la défense, de l'intérieur, des affaires étrangères et de l'économie. S'agissant de la sécurité des ministères en général, il y a une très forte hétérogénéité dans le traitement des menaces informatiques. Le ministère de la défense est un des seuls à atteindre un niveau « mature ». Nous travaillons avec eux au quotidien, puisque leur centre opérationnel est co-localisé avec le nôtre. Des arbitrages devront être pris en termes d'allocation de ressources dans certains ministères car la cybersécurité a un coût. S'agissant du format, nous avons aujourd'hui les moyens de répondre à notre mission. Pour moi, ce sont les hommes qui comptent. Nous gérons le turnover mais nous n'avons pas de marge. S'agissant de la coopération, c'est un domaine de souveraineté. La matière à échanger est très sensible, si bien qu'elle prend plutôt la forme de liens bilatéraux dans lesquels peut s'installer une relation de confiance. Nous en avons par exemple avec le Royaume-Uni et nous y travaillons avec l'Allemagne. Il faut un intérêt à se défendre ensemble.
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.- Vous m'avez interrogé sur la modernisation des procédures en matière d'exportations d'armements. J'ai déjà évoqué les 400 dossiers examinés par mois et les 2 500 licences déjà notifiées depuis la mise en place du nouveau régime. A ce stade, le bilan sur la mise en oeuvre de SIGALE (Système de gestion et d'administration des licences d'exportation) est en demi-teinte. SIGALE doit être amélioré pour corriger certains dysfonctionnements (moteurs de recherche, traitement des rectificatifs demandés par les industriels), de finaliser les fonctionnalités attendues (signature électronique, etc.). Des améliorations sont donc nécessaires en termes de sécurisation du système et de rapidité. Sur la radicalisation, vous venez de voter un texte qui devrait faire avancer les choses de manière substantielle. En ce qui concerne l'aspect de la prévention et de la détection, la mise en place du numéro vert a été une bonne chose. Par la chaîne des préfets, des recteurs, nous avons fait passer des messages pour intervenir suffisamment en amont dans le traitement des cas individuels de radicalisation. De la même façon, l'administration pénitentiaire est très sensibilisée au problème. Nous avons également développé des actions de coopération internationale avec les pays de départ et les pays de transit. Mais nous avons conscience des difficultés dues à la diffusion de la propagande sur Internet. Les idées combattent les idées et la meilleure arme est sans doute la force des convictions qui animent les éducateurs et les responsables à tous niveaux.
M. Robert del Picchia. - Il y a aussi l'intelligence économique, mais ce problème de cyberdéfense concerne toutes les entreprises. Vous avez évoqué la question de la santé. Je sais qu'actuellement une association de chercheurs hollandais envisage de stocker des informations sur l'ADN d'une personne sur une carte à puce en vue de permettre la découverte de maladies de son titulaire. C'est un vrai problème d'éthique et de sécurité. S'agissant des drones, vous avez parlé de réponses capacitaires. On n'a pas le droit de tirer sur un objet volant à un mètre du sol. Faut-il modifier la loi pour pouvoir tirer ? Que pensez-vous du laser chinois qui détruit des drones, mentionné dans la presse ?
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je vous remercie pour votre présentation. Je souhaite revenir sur le plan Vigipirate et sur sa refonte que vous avez évoquée. Quelles sont les grandes modifications pour le rendre plus efficace et plus accessible ? Par ailleurs, en tant qu'ancienne auditrice de l'IHEDN, je me demande où seront réalisées les 2% d'économies annoncées tant à l'IHEDN qu'à l'INHESJ.
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.- Certaines choses ont été modifiées, notamment le contrôle dans les aéroports a été renforcé. Pour Vigipirate, c'est surtout la philosophie qui a changé. On est passé d'un système horizontal qui ne couvrait pas tout le spectre des risques à un système vertical qui est décliné désormais par domaine ministériel et chez les grands opérateurs comme la SNCF, EDF. L'important toutefois, c'est de mieux coordonner les actions, notamment au niveau du département. On sait bien que l'efficacité des dispositifs de contrôles renforcés ne peut être absolue. Cependant, ils sont utiles et dissuasifs, je pense aux grands magasins à la veille des fêtes. Les modes du terrorisme ont changé depuis les années 80. La lisibilité des actes terroristes ne passe plus nécessairement par des actions toujours ciblées, de revendications et un message politique clairs. Notre rôle est de veiller à ce que tous les scénarios soient prévus, que les mesures soient réversibles. L'implication du réseau préfectoral est absolument primordiale car les préfets connaissent bien leur département et la situation de terrain. S'agissant de l'IHEDN et de l'INHESJ, l'économie programmée porte sur la réduction planifiée de deux emplois équivalents temps plein par an dans chacun de ces établissements, mais leur plafond d'emploi, respectivement de 96 et 75 ETP, est relativement important. Il s'agit d'une rationalisation de tâches et des fonctions. Pour contenir, voire réduire les charges de fonctionnement de ces deux établissements situés sur le même site, je prête une attention à la mutualisation de leurs fonctions supports. Est-il choquant de centraliser l'agence comptable, par exemple ?
M. Yves Pozzo di Borgo. - En me rendant au Conseil de l'Europe récemment, j'ai découvert que celui-ci travaillait sur une règlementation de l'utilisation des drones. Suivez-vous ce texte ? Même s'il n'a pas de valeur normative, cela peut peut-être avoir des conséquences.
M. Alain Gournac. - Ma question porte sur le plan Vigipirate. Ne pensez-vous pas que le citoyen devrait mieux connaître et comprendre ce plan ? Ne serait-il pas encore mieux que le citoyen soit intégré au plan, comme au Japon, même si certaines choses doivent, je le comprends bien, rester secrètes. Tout comme vous, je trouve très bien d'avoir la possibilité de descendre le niveau d'alerte.
M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. - Vous avez tellement raison M. Gournac. Nous avons déclassifié environ 200 des 300 mesures Vigipirate pour qu'elles soient communicables immédiatement à certains élus et responsables. Le plan Vigipirate est désormais accessible sur le site Internet du SGDSN, que nous allons revoir, et sur le site du service d'information du Gouvernement. D'une façon générale, ces plans de gestion des crises ont vocation à être connus mais il doit y avoir des éléments d'adaptation en fonction des publics visés. La pédagogie est différente selon qu'il s'agit de scolaires ou de sportifs par exemple. Il faut préparer la population à la possible survenue de dangers graves tout en évitant que la communication ait des effets anxiogènes. Les mesures doivent être expliquées. Il y a une éducation à faire. M. Pozzo di Borgo, vous attirez mon attention sur une information que je ne connaissais pas et je vais y regarder de très près.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Certains membres de la commission reviennent de New York et d'autres d'Asie. Nous faisons le même constat d'une mobilisation autour d'Ebola. Nous sommes surpris de voir que ce sujet a une importance très faible en France, du moins ce sont nos impressions. M. le Secrétaire général, je vous remercie ainsi que votre équipe.
Loi de finances pour 2015 - Audition du Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air
La commission auditionne le Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2015.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances pour 2015 se poursuit. Nous accueillons le Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air.
Mon Général, soyez le bienvenu au sein de notre commission, que vous connaissez déjà, même si vous la retrouvez aujourd'hui dans une composition renouvelée. Ses membres, croyez-le, ont été profondément émus à l'annonce de la mort du sergent-chef Thomas Dupuy, la semaine dernière, dans l'exercice de la mission qu'il effectuait dans le cadre de l'opération Barkhane. Nous nous associons aux souffrances de ses proches, et nous connaissons la solidarité que savent témoigner, dans ces occasions tragiques, les forces armées. Notre commission et, au-delà, l'ensemble du Sénat s'y associent de tout coeur.
C'est aussi en pensant aux sacrifices des hommes qui composent les armées que nous menons nos travaux. Outre les aspects budgétaires qui justifient cette audition, nous serons bien sûr attentifs à ce que vous pourrez nous dire des opérations extérieures (OPEX) pour lesquelles l'armée de l'air se trouve actuellement mobilisée.
L'année 2015, chacun en est désormais bien conscient, sera une année difficile pour la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire. Comment apprécier-vous cet horizon, dans un contexte marqué par les restructurations ? Par avance, je vous remercie pour les éclairages que vous allez nous donner.
Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air. - Je suis heureux, en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air, de pouvoir partager devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, une fois de plus, certes, mais toujours avec la même fierté, une vision du travail accompli par les aviateurs et des enjeux auxquels ils doivent faire face, particulièrement pour cette année 2015, année charnière pour la mise en oeuvre du plan stratégique de l'armée de l'air.
L'armée de l'air est engagée en permanence et avec une grande réactivité dans les trois missions qui lui sont assignées dans le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale: dissuader, protéger, intervenir. Sa réactivité se mesure en minutes pour la permanence opérationnelle. Elle se compte en heures pour intervenir n'importe où, n'importe quand, sur un large spectre d'opérations allant de la mission humanitaire à la haute intensité, y compris pour la composante aéroportée de la dissuasion. Et ce, avec la possibilité de conduire et d'exécuter depuis la métropole toutes les missions de la troisième dimension sur, hors, et à partir du territoire national pour atteindre l'ensemble des zones d'intérêt définies par le LBDSN.
Elle parvient à réaliser ses engagements car ses capacités, ses structures, et ses ressources humaines forment un ensemble cohérent, centré sur des compétences éprouvées au quotidien.
Fort de ce modèle, et pour garantir le maintien de la cohérence générale dans un contexte de réformes successives, l'armée de l'air a construit un plan stratégique visant l'horizon 2020 et qui s'inscrit dans les principes du projet CAP 2020 du chef d'état-major des armées. Cette vision s'appuie sur quatre piliers synergiques : la modernisation des capacités de combat, la simplification des structures, le développement des partenariats et la valorisation de l'aviateur. La démarche est volontariste, alors que l'armée de l'air a rarement été autant engagée sur de nombreux théâtres selon des modes d'action très divers, tout en assurant les missions permanentes sur le territoire national. Elle place au premier chef le volet humain, primordial dans cette période dense combinant engagements opérationnels multiples et restructurations profondes.
C'est la cohérence d'ensemble de cette architecture qui permet à l'armée de l'air de prendre des mesures innovantes et de renforcer l'adhésion du personnel pour continuer sa transformation, tout en assurant les engagements opérationnels qui lui sont fixés.
1. Une armée de l'air opérationnelle
L'armée de l'air continue d'honorer ses contrats opérationnels, couvrant un très large spectre de missions, coïncidant avec la maîtrise de l'ensemble des opérations dans la troisième dimension.
L'actualité vous le montre une fois de plus. Les missions intérieures ou extérieures sont toujours déclenchées sous très faible préavis. La zone d'opérations s'étend sur des surfaces considérables du Mali à l'Irak en passant par la République centrafricaine (RCA), alors même que de nombreux aviateurs continuent d'assurer des fonctions essentielles sur la base de Kaboul. Le spectre d'actions est toujours plus large.
Le 10 août dernier, seulement 24 heures après l'ordre présidentiel, le premier avion transportant de l'aide humanitaire se posait à Erbil, en Irak. Le 15 septembre, nos Rafale basés au Moyen Orient débutaient les missions de reconnaissance au-dessus de l'Irak et le 19 septembre, sur ordre présidentiel, les frappes sur les troupes de Daech débutaient. Depuis, notre mission en Irak visant à assurer la liberté de mouvement des forces irakiennes et garder la maîtrise des espaces terrestres sans occupation du terrain se poursuit sans discontinuer. Les efforts de renseignement de la coalition auxquels contribuent quotidiennement les avions français portent leurs fruits. Par ailleurs, la situation complexe sur le terrain voit alterner les phases de basse et haute intensité. J'en veux pour preuve les frappes successives des 23 et 24 octobre derniers au cours desquelles nous avons détruit de nombreuses installations utilisées par Daech pour préparer notamment des engins explosifs ou neutralisé des combattants sur le terrain.
Au cours du mois d'octobre dernier, plusieurs opérations interarmées combinées avec les forces spéciales mettant en oeuvre nos drones Reaper et des avions de chasse Rafale ou Mirage 2000D ont permis de poursuivre l'action contre AQMI. Je tiens à ce titre à rendre hommage à l'adjudant Thomas Dupuy, sous-officier du Commando Parachutiste Air numéro 10 d'Orléans, décédé la semaine dernière dans des combats au nord Mali.
De la mission humanitaire à l'opération aéroportée, du soutien aux opérations spéciales au renseignement, ces quelques exemples illustrent la diversité et le niveau d'engagement de l'armée de l'air actuellement.
En parallèle, l'armée de l'air assure sans discontinuer les missions permanentes sur le territoire national. En 2014, l'activité de sûreté aérienne (chasseurs et hélicoptères confondus) a été augmentée de 80% de par rapport à 2013, une recrudescence expliquée en partie par l'implication de l'armée de l'air dans les dispositifs particuliers de sûreté aérienne qui ont jalonné les commémorations du débarquement et du 14 juillet (640 HDV, 290 sorties). Dans le cadre des missions de sauvegarde, 43 opérations héliportées ont été conduites pour sauver 47 victimes. C'est par exemple le triplé du 27 mars avec une évacuation sanitaire et deux sauvetages en mer par nos hélicoptères de Solenzara. Et je vous rappelle que l'alerte de sûreté aérienne concerne aujourd'hui 8 avions de chasse répartis sur 4 plots, 5 hélicoptères, 4 centres de détection et de contrôle et 9 bases aériennes, un AWACS, un avion ravitailleur, sans oublier les systèmes de défense sol-air, et les systèmes de détection et de contrôle tactique.
En ce qui concerne la dissuasion, des opérations de montée en puissance intégrant un vol de réaction simulant un raid nucléaire, mettent en oeuvre quatre fois par an l'ensemble des forces aériennes stratégiques, des moyens offensifs et défensifs de l'armée de l'air dans un contexte de haute intensité atteignant un niveau de réalisme quasiment unique. Je porte une grande admiration à l'égard des aviateurs engagés dans cette mission si complexe et si vitale. C'est une admiration que j'ai vue partagée par le chef d'état-major des armées, et qu'il a signifiée lors de la cérémonie du cinquantenaire des FAS à Istres le 3 octobre. Il a pu constater l'abnégation, la maîtrise et la fierté du personnel de l'armée de l'air au service de la dissuasion aéroportée, engagés par ailleurs sur tous les fronts conventionnels, car je le souligne, les contrats opérationnels intègrent maintenant les moyens des forces aériennes stratégiques.
Mais les aviateurs sont également en alerte pour d'autres missions que les deux volets de la posture permanente de sûreté. Des avions de transport tactiques sont en alerte en permanence pour les plans nationaux, mais aussi pour se projeter n'importe où en Europe, ou en zone Afrique. L'armée de l'air est également prête à évacuer des ressortissants depuis la métropole ou depuis les détachements outre-mer ou prépositionnés. D'autres avions médicalisés sont en alerte 24h/24 et assurent à n'importe quel militaire en opération qu'il sera rapatrié vers la France pour être pris en charge dans un hôpital spécialisé dans les plus brefs délais.
L'excellence développée au quotidien pendant cinquante années d'alerte ininterrompue de défense aérienne et de dissuasion a façonné nos structures de commandement, nos bases aériennes, l'activité d'entrainement, les compétences de nos aviateurs et enfin nos capacités. Et c'est bien parce que cette culture opérationnelle est partagée par tout le personnel de soutien des bases aériennes, et des bases de défense, avec le même niveau de réactivité que l'armée de l'air est en mesure de répondre dans un tempo de plus en plus rapide à tous ses engagements.
2. Le C2, clé de voûte de nos engagements
La première clef du succès des engagements sous commandement français dans leur diversité, qu'ils soient intérieurs ou extérieurs, je ne le dirai jamais assez, c'est la capacité de commandement et de conduite des opérations aériennes. La réactivité, la réversibilité et l'adaptabilité caractéristiques des dernières opérations résultent d'une chaîne de commandement claire dont les moyens matériels et humains ont été rassemblés. Le commandement et la conduite des opérations aériennes en Afrique ont été regroupés avec les structures permanentes du CDAOA sur la base aérienne de Lyon Mont-Verdun. Ce dispositif est pleinement opérationnel depuis cette année qui a vu l'installation du commandement du CDAOA sur ce site.
Sous les ordres du CEMA, cette structure réalise la mutualisation des aéronefs au profit de plusieurs opérations extérieures. Un exemple : le 5 août dernier, nos Rafale déployés dans le cadre de l'opération Barkhane sont intervenus en RCA au profit de troupes de l'opération Sangaris qui étaient prises à partie par des groupes armés en très grand nombre. La mutualisation, ce sont également nos Transall et nos Hercules - une ressource toujours plus comptée mais grandement sollicitée - qui interviennent indifféremment à la fois au profit de différentes opérations nationales - Sangaris, Barkhane, Sabre - ou d'une opération menée au profit de l'Union Européenne, EUFOR RCA.
Simultanément, le CNOA conduit au quotidien un éventail très large d'opérations dans la troisième dimension sur le territoire national : permanentes (missions de sauvegarde : sauvetage en mer, PO), ou ponctuelles (DPSA, mais aussi HEPHAISTOS, participant à la lutte interministérielle contre les feux de forêts).
Cette densification participe aussi et surtout à l'optimisation de la ressource humaine rare en expertise C2. C'est cette expertise qui permet à la France d'être nation-cadre comme ce sera le cas en janvier 2015 pour la NATO Response Force (l'exercice Noble Arrow qui s'est déroulé du 13 au 29 et a vu la participation de 14 nations a permis de qualifier notre structure de commandement), ou de s'intégrer immédiatement dans les structures de commandement de la coalition évoluant au-dessus de l'Irak. Je souligne enfin qu'à Lyon, le personnel impliqué dans la conduite des opérations n'est pas permanent et intègre un fort pourcentage d'aviateurs prélevé sur nos unités qui sont engagées par ailleurs sur les théâtres intérieurs ou extérieurs.
3. La base aérienne, au coeur du système de combat
La base aérienne représente la deuxième clef du succès des opérations aériennes. C'est le système élémentaire de combat de l'armée de l'air qui permet l'exécution des opérations depuis les bases métropolitaines ou les bases prépositionnées.
Après la guerre froide, la détente à nos frontières et la multiplicité des engagements lointains avaient réorienté l'organisation des bases aériennes vers des tâches plus organiques. Aujourd'hui, la nouvelle donne stratégique en Europe, mais aussi l'allonge des nouveaux vecteurs nous incitent à replacer la base aérienne au centre de l'action opérationnelle. Je veux d'abord rappeler que les missions permanentes dévolues à l'armée de l'air s'effectuent sans relâche sur et à partir de nos bases aériennes. Mais nos bases sont aussi le point de départ des opérations extérieures interarmées. La Libye, puis le Mali et l'Irak ont démontré toute la pertinence qu'il y a à positionner nos bases en systèmes de combat toujours prêts à projeter de la puissance sous très court préavis pour un large spectre de missions. De même, les missions de réassurance conduites dans le cadre de l'OTAN suite à la crise ukrainienne ont mobilisé un système de commandement et de conduite aéroportés AWACS opérant depuis sa base aérienne de stationnement à Avord.
Le système « base aérienne » se trouve ainsi au coeur d'un réseau activable 24h/24 et 7 jours/7, 365 jours par an. Ses ramifications sont interarmées, mais aussi interministérielles et interalliées. L'interaction avec ce réseau s'étend ainsi à la mise à disposition des installations et du personnel des bases aériennes pour accueillir des missions urgentes de transport d'organes, par exemple, d'assistance aux populations en cas de catastrophe naturelle, ou de stationnement d'aéronefs étrangers. Hors de nos bases aériennes, aucun aérodrome n'est activé H24 en France.
La structure des bases aériennes est en cours d'adaptation pour assurer l'intégration optimale des soutiens interarmées dans cette quête perpétuelle de réactivité et des missions opérationnelles sous l'autorité du commandant de base. Cette réorganisation doit aboutir à un nouveau modèle, dit Base Aérienne XXI. Cette réorganisation permet aux bases aériennes de se recentrer sur leur activité opérationnelle dans un esprit de subsidiarité alors même que les structures de commandement de l'armée de l'air diminuent leurs effectifs. En 2015, la quasi-totalité de nos bases aériennes adoptera un format type BA XXI.
4. L'activité, moteur et condition de la performance
Sur les bases aériennes s'exerce l'activité, essentielle à la réalisation de nos missions et à l'entraînement de nos forces. C'est la troisième clef du succès des opérations aériennes, mais aussi la condition pour qu'elles s'effectuent en toute sécurité.
Les efforts financiers consentis par la LPM sur l'entretien programmé du matériel avec une augmentation en volume de +4,3% en moyenne par an sur 2013-2015 vont participer à l'arrêt de la chute de l'activité constatée depuis 2012, et causée en partie par la sous-dotation chronique du MCO. Dans cette enveloppe, nous avons déterminé 3 leviers permettant de remonter l'activité au niveau requis.
Premier levier, la réduction des formats.
Voulue par le Livre Blanc, elle conduit à diminuer le nombre d'heures de vol effectuées sur avion de combat. Par exemple en 2014, l'escadron 2/33 « Savoie » a fermé, coïncidant avec le retrait définitif du service de la flotte des Mirage F1.
Second levier, l'amélioration des performances du MCO aéronautique.
Nous sommes engagés aujourd'hui dans une approche nouvelle. Je veux saluer ici le travail remarquable de la SIMMAD dans la mise en oeuvre du projet CAP 16 visant à structurer les contrats du MCO autour de l'activité en lieu et place de la notion très relative de disponibilité, en créant notamment des partenariats innovants avec les industriels. Les résultats sont déjà là, avec par exemple pour le Rafale, un gain acquis pour 2015 de près de 14% sur le coût à l'heure de vol. Ce projet a conduit le ministre à confier à l'armée de l'air, par délégation du CEMA, la performance du MCO aéronautique pour l'ensemble des armées. Sous mon autorité directe, un secrétariat permanent auquel participent les autres armées et la DGA a été créé cet été pour me permettre d'exercer cette responsabilité. En parallèle de ce premier chantier, l'armée de l'air s'engage aussi dans le projet interarmées visant à optimiser la fonction logistique au travers de la réorganisation de la supply chain.
Troisième levier, l'entrainement différencié.
Remonter l'activité aérienne est nécessaire pour maintenir les unités de première ligne au plus haut niveau de polyvalence capable d'entrer en premier quelles que soient la nature et les menaces du théâtre. Pour les équipages de chasse, cela passe par un entrainement complet et de haut niveau qui nécessite une activité de 250 heures par an, dont 70 heures peuvent être réalisées sur simulateur. La réalisation des contrats de l'aviation de chasse fixés par le LBDSN requiert 290 équipages.
Mon objectif est d'assurer l'aptitude de l'armée de l'air à réagir immédiatement dans un large spectre d'environnements et de missions, tout en préservant la capacité à durer. Sur les 290, nous constituerons un réservoir de 50 équipages dédié aux phases moins complexes d'une opération. Leurs compétences seront entretenues à un niveau différent, notamment en volume d'heures de vol sur avion de chasse, mais seront réactivées en tant que de besoin pour assurer la continuité des opérations. Le projet COGNAC 2016, tout en répondant à ces exigences, permet par ailleurs de moderniser la formation des équipages chasse. Sa mise en oeuvre conditionne la fin de la réduction du format de l'aviation de combat.
Si ces trois leviers sont actionnés dans les faits et si la LPM est respectée, la reprise d'activité pourrait intervenir progressivement dès 2016. Le glissement du projet COGNAC 2016 à 2017 pourrait réduire la portée des efforts engagés, qui dépendent par ailleurs des résultats du chantier supply chain.
Concernant l'activité de nos équipages, en 2014, nous en sommes à 150 heures pour les équipages de chasse pour une norme de 180, 260 pour une norme de 400 pour les équipages de transport et 170 pour une norme de 200 pour les hélicoptéristes. Nous visons le maintien de cette activité en 2015. Si ce déficit venait à durer, c'est la capacité de l'armée de l'air à remplir ses contrats opérationnels qui se verrait dégradée, ainsi que la sécurité aérienne. Afin de ne pas aggraver cette situation, les surcoûts OPEX doivent bénéficier d'une couverture budgétaire complète.
5. Les aviateurs, au centre des opérations et du projet
Si l'activité est structurante pour assurer la performance de l'armée de l'air à l'entraînement comme en opérations, le facteur humain demeure au centre de mes préoccupations. La richesse, la force, la réactivité, les compétences, l'esprit et le coeur de l'armée de l'air, ce sont les aviateurs. Nos efforts d'organisation, s'ils ont permis de maîtriser la masse salariale allouée à l'armée de l'air, doivent aussi les aider à faire face aux défis opérationnels.
Mais aujourd'hui, la gestion des ressources humaines peut constituer notre vulnérabilité. Je mesure les conséquences des réductions fonctionnelles déjà engagées lors de la précédente LPM et celles à venir plus en termes de cohérence que de volume. La difficulté n'est donc pas tant la déflation que le rythme qui lui est imprimé. Entre 2008 et 2014, je vous rappelle que l'armée de l'air a diminué ses effectifs de 16 000 personnes, fermé 12 bases aériennes et 15 unités majeures. Dans les deux dernières années, c'est près de 5 000 postes qui ont été supprimés.
Pour 2014, la déflation représente sur une seule année 5% des effectifs du BOP AIR. Ceci est un défi car cette réduction se fait parfois au détriment du maintien de certaines compétences et de la préparation de l'avenir. Ce qui nous attend en 2015, c'est une réduction supplémentaire de plus d'un millier de personnel, dont 200 officiers.
Les rationalisations fonctionnelles ayant été réalisées lors des précédentes LPM, les déflations d'effectifs sur la période 2014-2018 nécessitent des restructurations, qui se traduisent par des fermetures de bases aériennes ou l'arrêt de l'activité de certaines plateformes aéronautiques. Le plan de l'armée de l'air approuvé par le ministre de la défense est décliné autour de plusieurs objectifs : réalisation des missions opérationnelles, création de pôles fonctionnels, et densification quand c'est possible. Son exécution est indispensable à la réalisation des objectifs de déflation sur la période. Les restructurations annoncées le 15 octobre s'inscrivent dans ce cadre.
Toujours en termes de gestion, je reste attentif au personnel de l'air intégré dans les services et directions interarmées en pleine période, eux aussi, de restructurations.
Enfin, des risques pèsent sur la population des officiers. La contrainte sur cette catégorie de personnel vise à s'aligner sur un taux d'officiers similaire à celui de la période précédant la RGPP. La forte rationalisation conduite depuis, la structure de l'armée de l'air (1500 personnels navigants), et les priorités affichées en matière de cyber défense, de renseignement et de C2, ne permettront probablement pas de tenir les objectifs de déflation actuellement envisagés de cette catégorie de personnel.
C'est pour toutes ces raisons que le plan stratégique de l'armée de l'air place l'humain au coeur de notre action :
- par une gestion des compétences plus dynamique, personnalisée et accompagnée. Nous avons engagé, par exemple, un projet permettant à tout aviateur de sortir avec un diplôme supérieur par rapport à celui avec lequel il est entré ;
- par une refonte de la mobilité, prenant mieux en compte les aspirations du personnel, et leur donnant plus de visibilité sur l'avenir ;
- par un travail sur l'identité, importante dans un format où de plus en plus d'aviateurs arment des structures interarmées, et la reconnaissance. Je porte une attention particulière à la reconnaissance de la valeur et de l'engagement de tout le personnel de l'armée de l'air ;
- par le dialogue entre toutes les catégories de personnel en dynamisant les structures de concertation ;
- par, enfin, le maintien d'un recrutement de qualité car malgré les diminutions d'effectifs, nous devons continuer de recruter des aviateurs pour près de cinquante métiers. Une campagne de recrutement a d'ailleurs été lancée fin septembre.
6. Une démarche capacitaire globale et cohérente
Après avoir évoqué les opérations, les structures de commandement, les bases aériennes, l'activité et les ressources humaines, je termine volontairement par les capacités qui sont indispensables pour moderniser notre aptitude à réaliser nos missions. Je veux vous montrer que la démarche capacitaire menée par l'armée de l'air est tout sauf une liste de courses mais repose sur un socle de cinq domaines majeurs issus du retour d'expérience et intégrant une vision de l'avenir : le commandement et la conduite, le renseignement, l'intervention immédiate, la projection et enfin la formation et l'entrainement. Chaque capacité regroupe des équipements qui ont tous un impact sur nos structures, nos doctrines d'emploi et les compétences de nos aviateurs.
L'année 2015 est une année charnière pour les capacités de l'armée de l'air. Sans être exhaustif, je souhaite attirer votre attention sur les points suivants:
La poursuite du programme système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) conformément au calendrier prévu est indispensable pour la protection du territoire du territoire national et l'interopérabilité avec l'OTAN. A ce titre, le lancement de sa version 4.2 constitue l'une de mes priorités. C'est tout d'abord l'acquisition de radars de nouvelle génération, qui doit être lancée en deux phases (2014 et 2015). C'est aussi la commande du troisième centre ACCS en 2015 et la rénovation du système GRAVES (pour la surveillance des objets spatiaux). Toujours en 2015, SCCOA intègre la rénovation de la composante C2 mobile, qui sera l'un des piliers pour la tenue de l'alerte NRF 2015. Enfin, nous attendons aussi la livraison de deux AWACS rénovés.
Ces programmes s'inscrivent dans la réflexion plus lointaine sur le système de combat aérien du futur dont le cerveau est bien le C2, qui offre par ailleurs à la France un niveau de souveraineté inégalé en Europe.
S'agissant du renseignement et de la surveillance, le retour d'expérience confirme tous les jours l'importance de cette capacité. La commande d'un troisième vecteur Reaper d'ici la fin de l'année et d'un second système Reaper au plus tôt, ainsi que l'a réaffirmé récemment le CEMA, s'inscrivent dans cette priorité, tout comme l'acquisition d'avions ISR légers. Ces programmes intègrent une réflexion plus lointaine sur le concept de fusion des capteurs provenant de tous nos équipements.
Concernant l'intervention immédiate, les Rafale, dont sept exemplaires seront livrés à l'armée de l'air en 2015, puis trois en 2016, sont indispensables à la montée en puissance du deuxième escadron de Rafale à vocation nucléaire, dont la mise en service opérationnelle est prévue en 2018. Le développement en cours du standard F3R entretient la dynamique de la modernisation permanente du Rafale, pour faire face aux multiples missions dans lesquelles cet appareil est engagé. Le retour d'expérience opérationnel me permet de souligner notamment l'importance de l'intégration au plus tôt du PDL NG (baptisé TALIOS). Nous réfléchissons déjà à la suite car nous continuerons à remplacer, au-delà de 2020, les Mirage 2000 par des Rafale.
Mais d'ici là, le traitement des obsolescences techniques et opérationnelles des Mirage 2000D permettra à l'armée de l'air de compenser en partie le retrait des flottes anciennes, d'assurer la cohérence de l'aviation de combat et d'honorer les contrats opérationnels. Le Mirage 2000D rénové continuera à jouer un rôle majeur dans l'armée de l'air. Le dossier de lancement de la réalisation sera proposé au ministre en 2015, pour une commande en 2016 et des premières livraisons en 2019, ce qui est déjà tard.
L'armement air-sol modulaire (AASM), arme inégalée qui confère au Rafale des possibilités de tir air-sol uniques, est une capacité clé utilisée dans toutes les opérations récentes qu'il est essentiel de pérenniser et de continuer à moderniser. Des livraisons sont attendues en 2015.
En ce qui concerne la projection, je veux souligner deux enjeux majeurs.
Le premier est la poursuite des livraisons des A400M Atlas (4 en 2015) qui démultiplie notre capacité de projection. Mais le retard de la montée en puissance de l'A400M entraîne un déficit capacitaire. C'est la raison pour laquelle j'attache une importance particulière à la notification en 2015 de la rénovation du C130.
Le second enjeu, qui est le plus important et que vous connaissez tous, concerne les avions ravitailleurs. Je ne vois pas une opération où ne sont pas engagés les ravitailleurs, alors que la flotte C135 est à bout de souffle. Qui souhaiterait voyager aujourd'hui dans un Boeing contemporain de la Caravelle? Alors que l'annonce de la commande du premier MRTT est intervenue la semaine dernière, la commande des huit suivants est attendue en 2015. L'enjeu concerne l'affermissement au plus tôt de la tranche suivante de trois.
Ces appareils s'inscrivent dans une large réflexion relative aux concepts d'emploi de flottes à long rayon d'action.
Dans le domaine de la formation et de l'entraînement, COGNAC 2016 est le principal projet. Ce projet performant ne se réduit pas à la simple acquisition d'un avion d'entrainement et de formation. Sa portée est globale, car il envisage une fermeture de plateforme aéronautique, la densification de l'activité école sur une autre, tout en participant à l'optimisation du MCO et de l'activité aérienne. Il conditionne, comme je vous l'ai dit, la réalisation du format du Livre Blanc. Ce projet permet d'économiser près de 110 millions d'euros par an, en entretien programmé du matériel et en carburant. Le passage au stade de réalisation en 2015 est indispensable pour une mise en oeuvre au plus tôt en 2017. Peut-on se permettre de perdre 110 millions d'euros par an ?
Vous voyez au travers de ce programme que la démarche capacitaire est globale et touche équipements, gestion des compétences, MCO, ressources humaines, et j'ajouterais les restructurations.
Ces capacités sont toutes liées, et amènent toutes de nouvelles opportunités de partenariats internationaux, notamment pour la construction de l'Europe de la défense.
Le budget de 2015 constitue en enjeu majeur pour la construction du plan stratégique de l'armée de l'air.
L'ensemble du modèle que nous construisons avec « Unis Pour Faire Face » est optimisé sur les quatre axes : capacités, organisation, ressources humaines, et partenariats. Cette transformation est taillée au plus juste et optimisée. Elle requiert l'obtention de la totalité des ressources prévues par la LPM.
Cette cohérence missionnelle, financière et humaine garantit l'aptitude de l'armée de l'air à accomplir les contrats qui lui sont fixés par le Livre Blanc. Elle offre cependant une fragilité vis-à-vis des ajustements ponctuels qui ne prendraient pas en compte la globalité des conséquences sur les 4 axes du projet.
Le Livre Blanc et la LPM qui en découle, ont été construits sur une ambition qui, dans un cadre contraint, permet de continuer la modernisation de nos armées. Pour l'armée de l'air, toute encoche reviendrait à remettre en cause notre capacité à exécuter nos missions de façon souveraine, car l'enjeu est bien la souveraineté.
L'année 2015 représente à ce titre une année clef. C'est au prix de sa réalisation que je garantis une armée de l'air opérationnelle, modernisée, ouverte aux partenariats et portée par ses aviateurs, et donc prête à combattre pour les années à venir.
En conclusion, je souhaite à nouveau souligner, alors que je viens de rendre visite aux aviateurs engagés dans le Golfe et en Afrique aux côtés de leurs camarades des autres armées, l'admiration que je leur porte pour leur engagement sans faille, alors que nombre d'entre eux m'ont avoué effectuer plusieurs OPEX dans la même année, tout en continuant d'assurer les missions permanentes sur le territoire national lorsqu'ils reviennent en France.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Merci, mon Général, pour cet exposé clair et cohérent. Nous apprécions les convictions que vous exprimez. Et nous savons bien que les équilibres de la LPM sont menacés par les impératifs budgétaires... Passons aux questions.
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Le maintien en condition opérationnelle des aéronefs a fait l'objet ces dernières années de diverses réformes et a bénéficié d'un effort financier conséquent. L'organisation du MCO Aéronautique par milieu, plutôt que par armée, est particulièrement importante puisque les matériels sont utilisés par les trois armées, l'armée de l'air en utilisant tout de même un peu plus de la moitié. Pourtant, la disponibilité des aéronefs s'est à nouveau dégradée et est parfois qualifiée de préoccupante (tout le monde pense naturellement aux hélicoptères mais ce ne sont pas les seuls) : le taux global de disponibilité se situe autour de 40 % dans chacune des armées après avoir dépassé 63 % en 2005. La disponibilité a chuté de 20 points dans l'armée de l'air entre 2008 et 2013. Le ministre et le chef d'Etat-major des armées ont décidé au printemps dernier une réorganisation du MCO Aéronautique et vous en ont confié sa responsabilité. Quels sont vos objectifs ? Comment se met-elle en place concrètement ?
Dans son dernier rapport sur le MCO, la Cour des comptes estime que le nombre de plateformes aéronautiques demeure élevé, ce qui entraîne complexité logistique et coûts fixes importants. Elle propose de les diminuer de moitié (18 à 9). Qu'en pensez-vous ?
Elle estime également que les administrations centrales et les fonctions support ont peu participé aux réductions d'effectifs jusqu'alors. Quels sont vos projets en la matière ?
Enfin, la LPM prévoit une nette augmentation des dépenses d'entretien programmé des matériels (+4,3 % en valeur par an). Pensez-vous que cet effort sera suffisant pour faire face aux difficultés (vétusté de certains matériels, coûts en maintenance des appareils modernes, hétérogénéité des parcs...) ? Sera-t-il suffisant en particulier si l'engagement en OPEX reste au niveau que nous connaissons en 2014 ?
M. Robert del Picchia, rapporteur du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». - Concernant les réductions d'effectifs, comment allez-vous faire pour supprimer des postes d'officiers et comment pouvons-nous vous aider face à la difficulté que représente le dépyramidage pour l'armée de l'air ? S'agissant des drones, combien en avez-vous actuellement, combien comptez-vous en acquérir et comment entendez-vous les utiliser : en accompagnement des avions ou en tant que tels pour tirer ?
M. Gilbert Roger, rapporteur du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». - Les restructurations récemment annoncées posent-elles des problèmes sur un plan technique et humain ? Faut-il s'attendre à d'autres restructurations après celles-ci ? Comment se prépare l'accueil des MRTT sur la base d'Istres ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Défense ». - Vous avez indiqué que vous collaboriez avec des partenaires d'autres pays, notamment l'Espagne. Est-ce par choix ou par nécessité ? Nous savons qu'une partie des recettes exceptionnelles, notamment celles tirées de la vente des fréquences hertziennes, ne seront pas au rendez-vous et que cela appelle des solutions de substitution comme les sociétés de projets. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces sociétés de projets ? Quelles en seraient les implications pour l'armée de l'air ?
Général Denis Mercier. - En ce qui concerne le MCO, le taux de disponibilité de 40 % est une moyenne, le parc d'aéronefs étant composé de matériels différents. Ainsi, depuis quelques mois, la disponibilité du Rafale est bonne, permettant d'assurer les opérations et l'entraînement de manière satisfaisante. Ce n'est pas le cas de toutes les flottes. Mais la sous-activité est un paramètre plus pertinent que la sous-disponibilité. Ce qui importe, même si la disponibilité se trouve de temps en temps diminuée, c'est de pouvoir maintenir à la fois les opérations extérieures et l'entraînement. L'engagement en OPEX, compte tenu de la priorité qui lui est donnée, peut en effet conduire à dégrader l'activité en métropole. En OPEX, la disponibilité des matériels est supérieure à 85 % et permet de réaliser toutes les opérations essentielles demandées.
La sous-disponibilité des matériels résulte d'un sous-investissement d'un milliard d'euros hérité des précédentes programmations. Pour y remédier, nous avons obtenu une augmentation en volume (+4,3%) de l'entretien programmé du matériel, qui nous permet de maintenir la sous-activité à 20 %. En complément, nous nous efforçons d'avoir de vrais leviers d'action, comme le plan demandé à la SIMMAD, appelé « Cap 16 », qui vise à renégocier l'ensemble des contrats existants sous un angle différent. C'est ainsi que tous les contrats optroniques sont regroupés dans un contrat unique avec Thales. Les nouveaux contrats ont une dimension transverse et génèrent des économies d'échelle. L'installation de la SIMMAD à Bordeaux a permis la création de plateaux techniques avec les industriels qui s'y trouvent, permettant des échanges et la recherche de solutions. Les industriels comme Thales et Dassault ont également ouvert des guichets sur les bases aériennes, grâce auxquels il est possible de commander selon les besoins, donc de faire moins de stocks et d'économiser. Il existe quelques difficultés avec les hélicoptères et avec les avions patrouilleurs Atlantique de la Marine. Il faut aussi que nous soyons attentifs au rôle du SIAé.
En ce qui concerne les réductions des effectifs, nous allons y procéder, conformément à la LPM. La difficulté concerne en grande partie les officiers. Sur les 6 000 que compte l'armée de l'air, 1 500 relèvent du personnel navigant, sans fonction d'encadrement. En trois ans, le nombre de nominations de généraux de brigade a été divisé par deux, le nombre de colonels a diminué de 30 %, celui de lieutenant-colonel de 20 % et pour la première fois, 30 % de l'effectif d'une promotion de l'école de l'air ne passera jamais le grade de lieutenant-colonel. Nous en sommes là et on nous demande encore plus d'efforts. La baisse de moral est forte chez les officiers. Pour nous adapter, au lieu d'avoir une progression de la carrière des officiers en forme de pyramide inversée, nous tendons vers une progression en forme de « Y » : nous maintenons un recrutement de qualité relativement important et nous préparons les jeunes recrutes à l'idée que certains effectueront leur deuxième partie de carrière dans la défense et d'autres à l'extérieur. C'est ainsi que des stages en entreprises sont organisés à l'école de l'air. Des passeports de compétences « aux normes civiles » sont en train d'être mis en place. Et la formation continue est davantage tournée vers le monde de l'entreprise, avec par exemple des stages dits de « réserve inversée » permettant de mettre des officiers à la disposition des entreprises. C'est un autre modèle qui se met en place. Les jeunes officiers le comprennent assez bien. La difficulté subsiste avec ceux qui sont aujourd'hui lieutenants-colonels et qui ne sont pas préparés à cette évolution. Il est nécessaire de traiter leur situation au cas par cas.
En ce qui concerne les drones, nous avons aujourd'hui 4 Harfang et 2 Reaper, la capacité du Reaper étant nettement supérieure. Il est envisagé d'acquérir un troisième Reaper prochainement et un troisième système aérien de trois Reaper dès que possible, la LPM prévoyant 4 systèmes de 3, soit 12 aéronefs au total. En ce qui concerne les opérations à distance des drones, nous les avons testées, cela fonctionne bien mais nous avons décidé de ne pas les utiliser, non pour des raisons d'éthique, mais parce que nous préférons pouvoir apprécier les conditions localement. Je souligne que le pilotage des drones à distance est tout aussi contraignant pour les pilotes, qui sont mobilisés 24 heures sur 24. On ne gagnerait pas forcément d'argent à utiliser des drones depuis Cognac plutôt que depuis l'Afrique. Concernant le dépyramidage, je le répète, la contrainte pour les officiers est trop forte, je ne suis en mesure de réduire le nombre des officiers que de 180 par an. Et c'est déjà trop.
A propos des restructurations, il s'agit avant tout de faire de la densification. La fermeture de la base aérienne de Dijon, très emblématique pour l'armée de l'air, a été douloureuse, mais elle était pertinente car sa piste était trop enclavée. Le commandement des forces de soutien de l'armée de l'air et le commandement des forces organiques de l'armée de l'air seront fusionnés et transférés à Bordeaux, où sont déjà implantés la SIMMAD et de nombreux industriels de l'aéronautique. Désormais l'armée de l'air n'aura plus qu'un seul commandement organique (CFA, commandement des forces aériennes), un commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS) et un commandement opérationnel (CDAOA, commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes). Par ailleurs, les deux autres unités que sont le CPA20, qui est un commando parachutiste de l'armée de l'air, et l'école de formation des fusiliers commando de l'air, seront regroupées dans un centre unique de formation militaire installé à Orange dans les locaux de la Légion étrangère. Ce regroupement génère des économies notables pour la défense en comparaison aux réaménagements qui auraient été nécessaires pour rénover les locaux respectifs de ces deux unités. La dissolution de la base aérienne de Balard s'inscrit dans le projet d'installation de l'état-major des armées sur ce site. Le transfert des escadrons d'avions de transport Casa de la plateforme aéronautique de Creil vers la base aérienne d'Evreux répond à un souci de regroupement des flottes de transport. Après ces restructurations, il ne restera plus grand-chose à restructurer au sein de l'armée de l'air. On demande beaucoup au personnel qui est las des réformes. Nous souhaitons une stabilisation à compter de 2018.
En ce qui concerne la base d'Istres, l'infrastructure pour les MRTT fait partie du projet. Elle sera réalisée en plusieurs phases, dans la mesure où les MRTT montent en puissance progressivement.
M. Gilbert Roger, rapporteur. - La base d'Istres n'est-elle pas confrontée au même problème d'enclavement que celle de Dijon ?
Général Denis Mercier - Non, la base d'Istres n'est pas enclavée, elle est au milieu de la plaine de la Crau. Je souligne qu'une des limites qui s'opposeront à l'avenir à la densification est le bruit. En matière de logistique, les besoins sont importants notamment sur les théâtres extérieurs. C'est pourquoi nous faisons appel à des partenaires, notamment européens, de la même manière que nous recourons à des avions ravitailleurs américains en Afrique. Concernant le retard des MRTT, je confirme que le calendrier est tendu. Enfin, s'agissant du financement, il est essentiel que nous puissions disposer des 31,4 milliards d'euros prévus par la LPM. Si les sociétés de projets peuvent être le moyen d'y parvenir, tant mieux.
Mme Christiane Kammermann. - Je rends hommage à vos aviateurs qui affrontent le danger avec courage et tout spécialement à l'adjudant Thomas Dupuy, tué récemment au Mali. Il est difficile de venir à bout de l'ennemi avec seulement des frappes aériennes. Ne faudra-t-il pas aussi faire intervenir des hommes au sol ? Je rentre de Beyrouth où j'ai fortement ressenti la peur que Daech inspire aux habitants. Où en sont les livraisons d'armes aux Libanais ? Que fera-t-on si Daech, qui est déjà présent au Liban, atteint Beyrouth ?
Général Denis Mercier - Il est vrai que l'armée de l'air ne peut pas tout, de même que les autres armées. La solution est avant tout politique. Les militaires créent les conditions pour une résolution politique. Par ailleurs, toutes les opérations militaires sont interarmées. Pour éviter que Daech avance sur Beyrouth, il faut l'arrêter maintenant. Mais n'oublions pas que ce sont les troupes irakiennes qui doivent reprendre le terrain à l'ennemi. Nos frappes doivent les aider à reprendre l'avantage. La difficulté est que Daech se positionne dans les villes, ce qui rend les frappes délicates. A cet égard, il faut rappeler qu'avant toute frappe, un juriste (legal advisor, ou LEGAD) se prononce au regard du droit international et du risque de dommages collatéraux, depuis le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) à Lyon ou depuis la base au Qatar pour les tirs en Irak.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Mon Général, merci pour cette audition passionnante, qui nous a permis d'aller bien au-delà de l'examen du projet de loi de finances.
La réunion est levée à 18 h 05.
Mercredi 5 novembre 2014
- Présidence de M. Christian Cambon, vice-président -La réunion est ouverte à 11 heures.
Loi de finances pour 2015 - Programme « Diplomatie culturelle et d'influence » - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Audition de Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la direction générale de la mondialisation du développement et des partenariats
La commission auditionne Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, sur le projet de loi de finances pour 2015.
M. Christian Cambon, président. - Vous êtes à la tête de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, qui est l'une des trois directions générales du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI). Elle comprend la direction des entreprises et de l'économie internationale, la direction du développement et des biens publics mondiaux, la direction de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche et la direction des programmes et du réseau. Nous avons le plaisir de vous accueillir aujourd'hui pour que vous nous présentiez les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».
Le budget destiné au programme 185, qui représente 745,5 millions d'euros pour 2015, est en augmentation apparente cette année (+2,7 %) du fait du rattachement de la subvention de fonctionnement et d'une partie de la masse salariale destinée à l'opérateur touristique Atout France, pour un montant de 34,18 millions d'euros. Si l'on fait abstraction de ce transfert, les crédits du programme 185 sont en baisse (-2 %) et participent à l'effort de réduction des dépenses publiques.
Je rappelle que plusieurs opérateurs contribuent à l'application de ce programme : outre Atout France, que j'ai cité, il y a l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont la subvention de fonctionnement représente plus de la moitié des crédits du programme, l'Institut français, qui intervient dans le domaine de l'action culturelle extérieure, et Campus France, qui est chargé de la promotion à l'étranger de l'enseignement supérieur français et de l'accueil en France des étudiants et chercheurs étrangers.
Le champ couvert par le programme 185 comprend ainsi l'action culturelle extérieure, mise en oeuvre par le réseau public des instituts français, avec la participation des alliances françaises, l'enseignement français à l'étranger, la coopération scientifique et universitaire, la promotion de la langue française, mais aussi - et c'est une dimension nouvelle - le développement du tourisme. Néanmoins, les seuls crédits spécifiques dont vous disposez à ce titre sont constitués par la subvention de fonctionnement versée à Atout France. Vous nous direz donc comment votre direction générale participe concrètement à la mise en oeuvre de cette diplomatie économique qui est l'une des grandes priorités du ministre des affaires étrangères et du développement international.
Mme Anne-Marie Descôtes. - Outre les quatre directions que vous avez citées, deux délégations sont rattachées à ma direction générale, l'une consacrée à l'action extérieure des collectivités territoriales, l'autre aux relations avec la société civile et aux partenariats (ONG de l'humanitaire et du développement). Concernant le programme 185, sur lequel portera mon propos, les crédits qui lui sont destinés s'élèveront pour 2015 à 745,5 millions d'euros, soit 668 millions d'euros hors titre 2. Par rapport à 2014, ils augmentent de 3,5 %, du fait du rattachement de la subvention pour charge de service public d'Atout France, avec la création d'une action dédiée « Développement du tourisme » dotée de 30 M€ auxquels s'ajoutent 3,8 M€ pour financer la mise à disposition de 38 agents. Cette subvention représente environ la moitié du budget d'Atout France, l'autre moitié provenant des collectivités locales en vue réaliser des opérations de promotion touristique. Atout France est un groupement d'intérêt économique de 400 agents avec un réseau de bureaux présents dans 32 pays qui doit trouver à s'articuler avec notre réseau diplomatique et ses opérateurs.
Un sujet important de satisfaction est la stabilisation des moyens alloués à l'attractivité et à la recherche (106 M€), ainsi qu'à la coopération culturelle et au français (67 M€) après d'importantes baisses en 2013 et 2014.
Au titre de la contribution à la réduction des déficits publics, les subventions aux opérateurs sont réduites de 2 %, selon la norme interministérielle définie par la direction du Budget. Le ministre s'est assuré avec les trois établissements concernés (AEFE, Institut français et Campus France) de la faisabilité de cette mesure et étudie d'ores et déjà avec eux la mise en oeuvre dans leur budget 2015. Cette mesure va pousser les opérateurs et notamment l'Institut français à rechercher de cofinancements et des soutiens extérieurs.
Les effectifs de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) sont également relativement préservés à hauteur de 2 910 ETP pour ceux relevant du plafond d'emplois ministériel, en baisse limitée de 73 ETP soit -2,5 %, et à 3 489 ETP pour les agents de droit local des établissements à autonomie financière (EAF), avec une mesure d'abattement technique des emplois vacants de 75 ETP, sans impact sur les effectifs réels. Au total, le réseau de coopération et d'action culturelle comptera 6 399 agents en 2015, tous statuts confondus.
Ce programme 185 est un instrument essentiel de notre diplomatie globale. Il nous permet de mener en synergie diplomatie culturelle et diplomatie économique, qui se recouvrent souvent largement, comme l'illustre le secteur des industries culturelles et créatives.
La diplomatie économique ne doit pas être portée par la seule direction des entreprises et de l'économie internationale mais par l'ensemble des directions du ministère, et au premier chef par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, de manière transversale. Ainsi, la politique des visas intéresse aussi bien les acteurs économiques que les étudiants et les chercheurs. De même, la notion d'influence culturelle a des répercutions concrètes sur l'image de la France et sur son attractivité. Enfin, il y a des liens évidents entre l'action conduite dans le domaine de la culture et du patrimoine et ce que nous pouvons faire en matière de tourisme.
Dans ce dernier domaine, la principale innovation réside dans la création, cet été, d'un pôle dédié au tourisme au sein de la direction des entreprises et de l'économie internationale, dont le rôle est de suivre, pour le MAEDI, le volet international de la politique du tourisme, en collaboration avec la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances, qui reste compétente en matière de tourisme ; nos deux administrations s'attacheront à mettre en oeuvre les trente mesures décidées en conclusion des Assises du tourisme et les pistes que devrait bientôt définir le Conseil de promotion du tourisme récemment installé.
Notre diplomatie culturelle ou d'influence s'appuie sur un réseau à l'étranger qui reste l'un des plus importants au monde, sur des opérateurs et sur des instruments financiers, comme les bourses, qui demeurent pertinents dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
S'agissant de notre réseau culturel à l'étranger, il a fait l'objet en 2013 d'une étude approfondie menée par la Cour des comptes, prolongée par un rapport d'information de l'Assemblée Nationale. 17 propositions ont été énoncées qui ont été reprises dans notre travail d'ajustement, de rationalisation et de modernisation de ce réseau, dont la cartographie continuera d'évoluer en 2015. Nous le réorganisons en fonction de zones - pays émergents en particulier - et de thématiques - diplomatie économique, climat, gouvernance - prioritaires. Il est allégé dans les postes de présence diplomatique à format resserré et certaines antennes, dont la plus-value n'était pas démontrée, feront l'objet de fermetures.
S'agissant de nos opérateurs d'influence, je souhaite m'arrêter sur l'Institut français qui est aujourd'hui dans une phase de transition après la décision prise il y a un an de ne pas lui rattacher le réseau de coopération et d'action culturelle et la perspective du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2015-2017. A ce sujet, les travaux sont largement engagés et la finalisation de ce COM interviendra au début de l'année prochaine, après l'entrée en fonction, le 1er janvier 2015, du nouveau Président exécutif de l'Institut français ; ce COM vous sera, comme il se doit, soumis pour avis.
Le bilan de ces premières années de l'Institut français est tout à fait positif, notamment la création d'une marque « Institut français » qui renforce la visibilité des actions du réseau, l'organisation des Saisons comme celles qui se déroulent actuellement en Chine ou celles qui sont en préparation avec la Corée du Sud, le développement de partenariats culturels entre professionnels dans des champs nouveaux comme les arts visuels, le design, l'architecture, ou encore le développement de programmes innovants destinés à des publics jeunes, comme « SafirLab », qui vise à accueillir et former pendant quelques semaines les futurs acteurs du développement de la rive Sud de la Méditerranée dans le champ des médias, du numérique ou de la société civile. L'Institut français s'est ainsi imposé dans le paysage culturel international : nos services culturels à l'étranger s'appuient sur son expertise, ses programmes, ses innovations technologiques et ses relations avec les alliances françaises sont désormais bonnes et complémentaires, le nouveau Président de la Fondation Alliance Française, M. Jérôme Clément, ayant fait de ces bonnes relations l'une de ses priorités.
Le COM 2015-2017 devrait être l'occasion de conforter l'Institut français dans son rôle d'opérateur pivot de notre action culturelle extérieure, au service de l'ensemble du réseau, selon des priorités bien définies : priorités géographiques (les pays émergents et les pays prescripteurs, l'Afrique francophone et la rive Sud de la Méditerranée) et thématiques (industries culturelles, climat, animation du débat d'idées...). L'Institut français est aussi invité à travailler en synergie avec les opérateurs professionnels en charge de l'exportation des industries culturelles (Unifrance Films, TVFI, BUREX, etc.). Compte tenu du caractère durable de la contrainte budgétaire, il devra s'attacher à trouver des cofinancements, y compris européens, et à susciter des mécénats.
S'agissant de notre politique d'attractivité à l'attention des élites étrangères, c'est aujourd'hui une priorité réaffirmée par le ministre : la défense des intérêts académiques et scientifiques est inséparable de nos intérêts économiques et participe de notre diplomatie d'influence, dans un contexte très concurrentiel. Nous avons engagé une réflexion stratégique avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, en vue de renforcer l'articulation entre la diplomatie scientifique et la stratégie nationale de recherche et d'enseignement supérieur.
Campus France est aujourd'hui un opérateur reconnu de la mobilité étudiante : il est le point de contact pour tous les étudiants et chercheurs bénéficiaires d'une bourse du gouvernement français. Les « Espaces campus France », au sein des Instituts français à l'étranger, assurent la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et sont les interlocuteurs privilégiés des futurs boursiers, avant leur départ en France. Nous construisons, depuis quelques années, une chaîne de l'accueil étudiant en France, visant à permettre l'accompagnement et le suivi des étudiants et des chercheurs d'un bout à l'autre de leur parcours, de la demande de visa à la fin de leurs études, avec un suivi a posteriori afin que le lien avec eux perdure. Depuis la rentrée 2014, Campus France propose sur son site internet une nouvelle page web qui recense les dispositifs de « guichets uniques » d'accueil en région et présente les actions spécifiques des collectivités territoriales en matière d'accueil et de logement des étudiants. Pour la rentrée 2015, il prévoit de mettre en place, en partenariat avec le réseau ESN France, un parrainage international, afin d'offrir aux étudiants étrangers primo-arrivants un accueil et un accompagnement par des étudiants locaux (nationaux ou étrangers déjà en France).
Au-delà de notre action de promotion de l'enseignement supérieur et de la gestion de bourses, nous avons également ouvert un chantier prioritaire : la création de la plateforme numérique « Alumni », qui a vocation à recenser tous les anciens étudiants et chercheurs étrangers en France. La mise en place de cet outil représente un travail lourd et complexe, qui est mené en liaison avec les postes diplomatiques et les établissements d'enseignement supérieur. Par la suite, il sera nécessaire de trouver des relais dans les différents pays afin d'animer cette plateforme. Elle sera lancée à la fin du mois de novembre 2014 et fonctionnera dans un premier temps de manière expérimentale avec dix postes, avant d'être étendue. L'enjeu n'est pas seulement la création de liens amicaux, il est aussi économique. Ainsi, Alumni sera ouverte à d'autres opérateurs comme Ubifrance ou l'AFII, qui peuvent avoir intérêt à s'appuyer sur d'anciens étudiants pour pénétrer des marchés.
Je terminerai, enfin, par rappeler toute l'importance que nous accordons à notre offre d'éducation française dans le monde ainsi qu'à la promotion de notre langue.
Le réseau de l'AEFE, qui est un outil essentiel de notre politique culturelle et d'influence, ne cesse de progresser. Il a encore enregistré à la rentrée 2014 une progression de 2 % de ses effectifs d'élèves sur l'ensemble des zones, avec plus de 320 000 élèves. L'année 2015 sera rythmée par plusieurs échéances importantes qui s'appuieront sur les résultats de la concertation interministérielle sur l'enseignement français qui aura lieu le 20 novembre prochain. Il s'agira de définir les axes d'évolution de ce réseau, qui fêtera ses 25 ans en 2015, dans le prolongement des travaux lancés par Mme Hélène Conway-Mouret lorsqu'elle était ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.
S'agissant de la langue française, le récent rapport de Jacques Attali « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable » nous conforte dans l'idée que le monde francophone - on songe naturellement à l'Afrique, mais il comprend beaucoup d'autres pays, y compris en Europe - doit rester une priorité de notre diplomatie, y compris d'influence. Ce rapport comporte beaucoup de propositions intéressantes, dont certaines trouvent d'ores et déjà un écho dans les actions que nous menons, et d'autres sur lesquelles nous avons engagé un travail sous l'autorité du Ministre et de la Secrétaire d'Etat en charge du Développement et de la Francophonie.
M. Jacques Legendre. - Le rôle de l'Institut français n'est pas conforme à ce qui était initialement prévu. Lors de sa création, dont je rappelle qu'elle a procédé d'une réflexion commune de deux commissions du Sénat (la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères), l'Institut français avait vocation à prendre la tête du réseau culturel public. La décision ayant été prise l'an passé de ne pas rattacher les services culturels extérieurs à l'Institut français - décision qui, personnellement, ne m'a pas convaincu - les instituts français demeurent sous l'autorité des ambassades et indépendants de l'Institut français. Pouvez-vous, dès lors, nous préciser les missions désormais dévolues à cet opérateur ? Nous serons en tous cas très attentifs à ce qui figurera dans le contrat d'objectif et de moyens (COM), dont nous attendons la transmission.
D'après les informations recueillies au cours de nos auditions, il semblerait que les conseillers de coopération et d'action culturelle, qui sont devenus les directeurs des instituts culturels locaux, aient tendance à privilégier ces derniers, au détriment des alliances françaises locales. Avez-vous eu connaissance de ce type de problème ? A cet égard, il avait été question de spécialiser chacun de ces réseaux, celui des instituts français d'une part, celui des alliances françaises d'autre part, dans les zones où ils sont d'ores et déjà implantés, afin d'éviter qu'ils ne se fassent concurrence. Comment voyez-vous cette répartition géographique ? Enfin, pourriez-vous préciser les relations entre Atout France et le programme 185, auquel ce groupement d'intérêt économique a été rattaché ?
M. Gaëtan Gorce. - Je m'interroge sur le terme de diplomatie d'influence - à une certaine époque on parlait de rayonnement - : qu'est-ce que cela veut dire et qu'est-ce que la France en attend ? Poursuivons-nous des objectifs précis ou s'agit-il seulement de préserver les moyens relativement importants (établissements, services culturels...) que la France finance à l'extérieur ? Les grandes entreprises françaises implantées à l'étranger sont-elles suffisamment mobilisées autour de cette thématique de l'influence de la France ? Enfin, le plan d'action pour l'enseignement français à l'étranger adopté à l'automne 2013 prévoyait notamment de « mieux adapter notre offre éducative aux priorités stratégiques, de notre diplomatie - notamment économique ». Sur quelles évolutions cette ligne directrice doit-elle déboucher ?
Mme Anne-Marie Descôtes. - Concernant le rattachement du réseau culturel à l'Institut français, il y a eu un large débat, trois rapports sur l'expérimentation ayant, en outre, été rendus. Se posaient à la fois un problème de coût (de l'ordre de 50 millions d'euros) dans un contexte budgétaire contraint, et un problème d'opportunité à un moment où de nouvelles missions dans des domaines divers (sport, tourisme...) étaient confiées au réseau culturel. Il faut souligner que celui-ci est d'une grande polyvalence et constitue un interlocuteur non seulement pour l'Institut français, mais aussi pour les autres opérateurs que sont l'AEFE et Campus France. Le rattachement aurait conduit à privilégier l'opérateur culturel au détriment des autres.
En ce qui concerne le lien du programme avec Atout France, la diplomatie économique ne doit pas être l'objectif premier des services culturels et de l'Institut français, néanmoins, l'action culturelle doit aussi aider les industries culturelles, qui sont des secteurs porteurs sur le plan économique, à se faire connaître et à se développer. Par ailleurs, il faut favoriser des synergies entre le tourisme, le patrimoine et l'action culturelle, Atout France y travaille, en nouant des partenariats avec l'Institut français mais aussi de grands établissements culturels comme le Château de Versailles ou le Musée d'Orsay.
Concernant les alliances françaises, le MAEDI soutient ce réseau, à la fois par une dotation, dont le montant est maintenu pour 2015, et par la prise en charge des emplois des 300 directeurs d'agence. Nous souhaitons une bonne articulation de ce réseau avec celui des instituts français ; l'Alliance française, qui est une institution plus que centenaire et reconnue, n'a rien à craindre du réseau public. Nous nous attachons à éviter qu'une préférence soit donnée localement à l'Institut français. S'il y a des doublons, nous devons nous interroger et, le cas échéant, faire évoluer le réseau public. La coexistence doit également pouvoir se faire de manière constructive dès lors que les tâches entre les deux établissements sont bien réparties.
Concernant le terme de diplomatie d'influence, il recouvre tous les moyens d'action permettant à la France de se projeter à l'international, non pas simplement pour rayonner, mais avec une visée opérationnelle, consistant à mener, avec l'ensemble de nos partenaires actifs au plan international, des actions dans tous les domaines (éducation, formation, action culturelle...). Cette politique doit avoir un effet sur l'image de la France à l'étranger et contribuer à son attractivité, en vue d'attirer des investisseurs, des talents...
A propos des grandes entreprises, il me semble qu'elles évoluent et soutiennent les actions que nous menons en matière d'enseignement, de formation d'excellence, de stages, de bourses, certaines sont même prêtes à créer des fondations. Il est dans leur intérêt de pouvoir s'appuyer sur des personnels qui, ayant bénéficié de tels dispositifs, ont acquis une double culture, française et internationale.
S'agissant de l'éducation et de l'adaptation du réseau français d'enseignement à l'étranger, il s'agit d'une question sensible, ce réseau étant l'un des outils les plus puissants en termes d'influence. Nous faisons face, à la fois, à une croissance de la demande d'une éducation de qualité, et à des moyens limités à consacrer à l'enseignement à l'étranger. Il nous faut donc être inventifs pour répondre à cette demande. L'enseignement numérique, auquel le Centre national d'enseignement à distance (CNED) s'ouvre depuis peu, est par exemple une piste.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je me réjouis des avancées dont vous nous avez fait part, notamment la mise en place de la plateforme Alumni. Concernant les bourses, comment celles prévues à l'action n° 3 du programme « Enjeux globaux » s'articulent-elles avec celles figurant à l'action n° 4 « Attractivité et recherche », qui bénéficient d'un budget beaucoup plus conséquent ? Concernant l'AEFE, des économies ont été trouvées l'année dernière sur le fonctionnement, notamment grâce au déménagement du siège. Où les économies vont-elles être trouvées cette année ? S'agissant de l'évolution des effectifs, du programme, vous allez devoir rendre 17 emplois en 2015 mais intégrer les 38 emplois destinés à être mis à la disposition d'Atout France. Dans ces conditions, pourquoi le plafond passe seulement de 911 ETPT en 2014 à 918 ETPT ?
M. Alain Néri. - Il est nécessaire de développer la culture et la langue française à l'étranger car elles constituent un socle pour y développer l'influence française dans d'autres domaines, notamment l'économie. D'autant plus qu'il y a une grande envie de France dans le monde, en Amérique latine, par exemple, mais aussi en Afrique, qui constitue un « réservoir de francophonie ». La première avancée en ce sens serait que nos représentants à l'étranger s'expriment en français, notamment dans les instances internationales comme le comité international olympique, pour lequel le français est en principe la langue de travail. En ce qui concerne l'aide publique au développement, la loi sur du 7 juillet 2014 réorganise nos services et associe davantage le Parlement au mode de gestion, ce qui est positif. Néanmoins, la répartition des compétences entre les services des ambassades et les bureaux de l'Agence française de Développement (AFD) n'est pas toujours très claire, il serait souhaitable de supprimer les doublons. Quel est votre point de vue à ce sujet et quelles améliorations pourraient-être apportées ?
M. Robert del Picchia. - Il est vrai que les grandes entreprises à l'étranger, qui dépendent de grands groupes financiers, sont assez réticentes à soutenir financièrement les actions menées par vos services, jusqu'à présent, les fondations sont rares et leurs résultats modestes.
J'attends de voir ce que va donner la réunion du 20 novembre prochain entre le MAEDI et le ministère de l'Education nationale ; cela fait des années qu'il n'y a pas d'avancée car aucun des deux ne veut céder à l'autre ses prérogatives. Il serait légitime que le budget de l'Education nationale aide davantage l'AEFE. Je constate avec regret que le budget de cette dernière baisse en 2015, ce qui n'est pas le cas du budget de l'Education nationale, il s'agit d'une discrimination à l'égard de l'éducation des enfants français qui se trouvent à l'étranger. Concernant le tourisme, il y a chez nous deux fois plus de touristes qu'en Espagne mais ils rapportent deux fois mois. L'Autriche développe, quant à elle, un tourisme de qualité, qui rapporte plus que le tourisme de masse. Quels sont vos objectifs en la matière ?
Mme Christiane Kammermann. - La politique des visas est très importante. Dans ce domaine, il faudrait mettre davantage l'accent sur l'accueil. Le personnel dans les consulats, qu'il soit français ou étranger, manque souvent de savoir-vivre. Il faut prévoir des formations. S'agissant des instituts français, je me suis rendue récemment à celui de Madagascar, qui manquait cruellement de moyens, à tel point que j'ai décidé de lui apporter une aide. Enfin, il est tout à fait nécessaire d'améliorer l'accompagnement des étudiants, en mettant à leur disposition toutes les informations dont ils ont besoin.
Mme Gisèle Jourda. -Le ministère procède-t-il à un suivi des actions menées par les alliances françaises locales ?
Mme Anne-Marie Descôtes. - Il existe plusieurs types de bourses, avec des dénominations différentes selon le niveau d'études et l'objectif poursuivi. Toutes sont gérées par l'opérateur Campus France. Concernant celles qui figurent dans l'action « Enjeux globaux », je vous apporterai des précisions par écrit. Les économies de l'AEFE proviendront cette année d'efforts de rationalisation sur le fonctionnement des établissements en gestion directe et de la poursuite de la transformation de postes d'expatriés en postes de résidents. La baisse de l'enveloppe destinée à l'AEFE, qui peut sembler incohérente au regard de l'augmentation de la demande d'éducation à l'étranger, est une règle qui s'applique à tous les opérateurs de l'Etat. La seule marge de manoeuvre pour l'AEFE est de pouvoir choisir elle-même les postes sur lesquelles elle entend réaliser les économies demandées. Concernant les effectifs, pour des raisons techniques, les personnels d'Atout France ne sont pas encore comptabilisés dans le plafond d'emploi, alors qu'ils le sont dans les crédits, cela explique la différence que vous trouvez. Pour ce qui est de l'utilisation du français dans les enceintes internationales, nous essayons d'y inciter le plus possible.
Concernant la répartition des tâches entres les services des ambassades et les agences de l'AFD, nous prenons en compte cette question dans le cadre de notre rôle de tutelle de celle-ci. Les orientations pour le tourisme sont celles retenues lors des Assises du tourisme qui se sont déroulées en juin dernier. Si beaucoup de ces orientations ont une portée sur le territoire national, certaines concernent notre action à l'étranger. En complément, le ministre des affaires étrangères a récemment installé un « conseil de promotion du tourisme », dans lequel siègent des représentants des professionnels du secteur, des médias, des grands établissements culturels, et qui élabore des propositions opérationnelles dans différents domaines identifiés, comme la gastronomie française. Ce conseil rendra un rapport en janvier 2015. En ce qui concerne l'accueil, il faut l'améliorer dans les services consulaires et généraliser les mesures visant à accélérer la délivrance des visas, à l'instar de ce qui est fait en Chine. J'ai bien noté l'observation concernant la situation de l'Institut français de Madagascar. En ce qui concerne les alliances françaises, nous n'exerçons pas de contrôle direct sur leur activité, car elles ne font pas partie du réseau public. Leur nouveau président, Jérôme Clément, devrait être très impliqué auprès des différentes alliances françaises locales. Il est vrai que ce réseau est très hétérogène et que certaines alliances auraient besoin d'être redynamisées. Enfin, pour ce qui est de l'accueil en France des étudiants français résidant à l'étranger, je note la demande, que je transmettrai à Campus France, d'un document synthétique présentant le dispositif d'accompagnement et les démarches à accomplir, qui pourrait leur être remis avant leur départ.
Loi de finances pour 2015 - Mission « Aide publique au développement » - Audition de Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement (AFD)
La commission auditionne Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement (AFD), sur le projet de loi de finances pour 2015.
M. Christian Cambon, président. - Dans le cadre de nos auditions budgétaires, nous recevons Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. Madame la directrice générale, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous vous avions auditionnée juste avant l'été, le 17 juin exactement, à propos du projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'agence que vous dirigez. Peut-être pourrez-vous, à un moment ou à un autre de votre intervention, nous donner quelques indications sur ce COM : où en est-il ? Et comment l'avis que la commission a adopté à l'unanimité a-t-il été pris en compte ?
Mais nous avons principalement souhaité vous auditionner aujourd'hui sur le projet de loi de finances pour 2015. Dans le cadre des contraintes budgétaires, les crédits de la mission « Aide publique au développement » baissent de 2,9 %, -1,7 % si l'on inclut l'augmentation des financements dits innovants. Quelles sont les conséquences de cette évolution sur les crédits que gère l'AFD au nom de l'Etat ?
Nous souhaitons également recueillir votre sentiment sur l'amendement adopté par l'Assemblée nationale visant à réduire de 35 millions d'euros les crédits liés aux bonifications d'intérêt du programme 110 au profit des dons-projets du programme 209.
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Je vous remercie de votre invitation et saisis l'occasion pour vous préciser que je suis à votre entière disposition pour évoquer plus longuement des sujets structurels pour l'AFD, par exemple les thèmes d'actualité de 2015 comme les financements liés au climat et au développement durable.
En ce qui concerne le budget pour 2015, je dois rappeler qu'il s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation que vous avez adoptée avant l'été et du COM que nous concluons avec l'Etat. La loi a ancré les objectifs de l'aide dans les enjeux du XXIe siècle avec une vision intégrée du développement allant jusqu'à la promotion d'un modèle de développement plus respectueux des normes sociales et environnementales.
Un objectif de croissance modérée des engagements nous a été assigné : nous devrons passer de 7,8 milliards d'euros en 2013 à 8,5 milliards d'euros en 2016. Nous avons surtout une priorité africaine puisque le Président de la République a fixé l'objectif de consacrer 20 milliards d'euros à l'Afrique sur cinq ans (2014-2018). Nous consacrons aujourd'hui environ un milliard par an à la Méditerranée, zone importante mais sur laquelle nous avons rencontré des difficultés. Elles sont propres aux crises rencontrées par certains pays mais elles sont aussi de notre fait puisque les règles prudentielles et le niveau de nos fonds propres ont limité notre capacité de financements dans certains pays où nous étions déjà très engagés. Nous consacrons entre 1 et 1,2 milliard par an à l'Asie et à l'Amérique latine avec un objectif clairement affirmé de développement durable et de croissance verte.
La loi et le COM fixent des objectifs de concentration de l'aide : plus des deux tiers des dons-projets sont destinés aux seize pays pauvres prioritaires (PPP) ; 85 % de l'effort financier de l'Etat à l'Afrique et à la Méditerranée. En 2014, nous concentrons bien 67 % des subventions aux PPP. Je signale aussi que 14,5 % de nos engagements sont destinés aux pays en crise (Afghanistan, Haïti, Territoires palestiniens et Syrie).
Le COM exige également que 50 % de nos projets aient un « co-bénéfice climat » ; nous avons élaboré une méthodologie pour évaluer cet objectif et nous en faisons la promotion auprès des autres bailleurs de fonds.
Concrètement, ces statistiques qui peuvent être abstraites correspondent à des réalisations effectives que je souhaite mentionner ici : par exemple en ce qui concerne les impacts des projets livrés en 2013, 900 000 exploitations agricoles familiales supplémentaires soutenues, 35 millions de passagers supplémentaires dans les transports en commun, 1,2 million de personnes supplémentaires ayant accès à l'eau potable...
Au-delà du niveau d'activité, le COM nous fixe un objectif de maîtrise de nos charges et de résultat, sujet qui est lié à celui du renforcement des fonds propres pour nous permettre de continuer à travailler dans certains pays comme le Maroc, la Tunisie ou l'Afrique du Sud.
En ce qui concerne le débat « prêts-dons » que vous mentionniez, je voudrais réussir à vous convaincre que le prêt n'est pas l'ennemi du don et qu'il est utile pour l'Afrique. Le prêt est utile économiquement pour les pays avec lesquels nous travaillons, en particulier les pays à revenus intermédiaires mais aussi en Afrique. L'outil du prêt est un moteur de la croissance économique générale ; il apporte un effet de levier, y compris dans les PPP. Nous prêtons aussi au Sénégal, au Niger ou au Burkina-Faso. En 2013, les 16 PPP ont bénéficié de 600 millions d'euros d'engagements, dont 215 millions en dons et C2D, le reste en prêts. Outre cet effet direct, le prêt a un intérêt indirect pour nos activités en Afrique : si nous n'avions pas l'activité de prêt, nous ne pourrions maintenir le réseau et l'expertise que nous avons en France et dans ces pays. L'Etat nous rémunère à hauteur de 10 % pour la gestion des dons-projets : quand nous sommes passés progressivement de 400 à 200 millions, nous n'avons pas diminué notre réseau de moitié, alors que notre rémunération a diminué de moitié ! Ainsi, le modèle de fonctionnement de l'agence fait en sorte que les prêts bénéficient aussi, directement ou indirectement, à l'Afrique. Enfin, le développement des prêts nous donne une taille suffisante, à même de peser dans les discussions internationales et dans la mobilisation de fonds additionnels au bénéfice de projets en Afrique (fonds de l'UE, du Partenariat mondial pour l'éducation...). Je serais bien entendu la première à souhaiter, dans un monde idéal, que les dons se situent à un niveau plus élevé, comme cela a été le cas dans le passé, mais ce rééquilibrage ne devrait pas se faire au détriment d'un autre outil bilatéral ; il serait plutôt à rechercher dans un rééquilibrage bi-multi.
M. Christian Cambon, président. - Au Sénat, nous avons toujours estimé que les deux outils étaient utiles et complémentaires, mais le développement des prêts a pour conséquence une moindre implication dans les PPP qui peuvent moins consommer cette ressource au risque de tomber ou retomber dans le surendettement. Je vous interrogeais précisément sur l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. Quelle est votre position ?
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Il ne me paraît pas souhaitable, ne serait-ce que d'un point de vue technique : les crédits de paiement sur les bonifications de prêts correspondent à des prêts déjà engagés par l'agence.
Nous avons besoin de stabilité pour nos ressources, tant en dons qu'en bonifications de prêts, car nous gérons des projets de long terme qui s'étalent sur dix ou vingt ans, souvent avec des différés de remboursement pour les bénéficiaires. Le COM et les objectifs de renforcement des fonds propres de l'agence sont bâtis sur une hypothèse de stabilité du coût-Etat. De ce point de vue, nous ne pourrons pas continuer de gérer sur plusieurs années des gels de crédits aussi conséquents qu'en 2014.
A cet égard, je me félicite que l'enveloppe de dons-projets (programme 209) annoncée pour l'AFD dans le budget initial 2015 soit stabilisée. Par ailleurs, le budget 2015 en sa version initiale permet de respecter l'engagement du Président de la République de doubler à terme l'aide qui transite par les ONG. En revanche, amputer les autorisations d'engagement (AE) relatives aux bonifications allouées à l'AFD remettrait en cause sa capacité à satisfaire l'objectif présidentiel de consacrer 20 milliards d'euros pour l'Afrique et le contrat d'objectifs et de moyens.
M. Henri de Raincourt, rapporteur. - Je vous remercie. Vous connaissez notre attachement à cette grande politique que constitue l'aide au développement. Notre commission a utilisé l'expression « fer de lance » pour évoquer l'AFD ; j'avais l'habitude, lorsque j'exerçais des responsabilités ministérielles, de parler de « joyau »... En tout cas, l'AFD est un exemple remarquable d'un établissement de l'Etat efficace et réactif. Il faudrait certes que son activité soit mieux connue...
M. Jeanny Lorgeoux. - Tout à fait !
M. Henri de Raincourt, rapporteur. - Je souscris pleinement aux différents propos sur les prêts qui constituent avec les dons deux leviers complémentaires et indispensables. L'utilisation des prêts a permis à l'agence de dégager des ressources. Tout est une question d'équilibre, comme entre le bilatéral et le multilatéral.
Je souhaiterais vous interroger sur trois sujets. Tout d'abord, les relations financières entre l'Etat et l'AFD. Vous avez évoqué la question des fonds propres qui a été une difficulté importante ces dernières années. L'agence ne reçoit pas de subvention pour charge de service public mais des rémunérations selon les projets qu'elle réalise au nom de l'Etat. Pouvez-vous nous présenter rapidement comment s'organisent ces relations financières et nous transmettre par écrit un tableau récapitulatif plus complet ?
L'agence est souvent critiquée sur son manque de transparence, débat qui révèle surtout une complexification croissante des montages de projets, en particulier lorsque plusieurs bailleurs de fond interviennent. Quelles actions avez-vous mises en oeuvre pour améliorer la transparence de l'AFD ?
Enfin, on a parfois l'impression que la France a beaucoup de scrupules lorsque des entreprises françaises sont susceptibles de bénéficier de projets financés par l'AFD. Cela pose la question de l'aide liée ou déliée. De manière concrète, comment faire en sorte que les entreprises françaises soient plus largement bénéficiaires de financements ?
Un dernier mot sur l'amendement adopté par l'Assemblée nationale : à vous entendre, on a le sentiment qu'il déstabilise plus qu'il ne renforce...
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur. - Je partage les interrogations et les propos d'Henri de Raincourt. J'ajoute que nous avons décidé de travailler sur l'organisation du paysage multilatéral qui nous semble perfectible...
J'aurai deux questions à vous poser plus particulièrement. D'abord, en ce qui concerne la coordination des bailleurs de fonds, quelles actions l'AFD met-elle en oeuvre pour améliorer l'efficacité de l'aide, notamment entre acteurs européens ? Ensuite, nous avons été étonnés de voir, à la lecture des documents budgétaires, que le Trésor utilise l'AFD comme intermédiaire pour prêter des sommes - importantes - à la Banque mondiale et au FMI. Il nous semble que, si le Trésor empruntait directement sur les marchés, le coût final des opérations pour la France serait moindre. Comment justifier ce type de montages qui vous est demandé par le Trésor ?
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Je vous remercie tout d'abord pour vos encouragements qui iront au coeur des agents de l'AFD. En ce qui concerne les prêts aux organismes multilatéraux de développement, il est arrivé - et cela va en effet se reproduire en 2015 - que le Trésor demande à l'AFD de jouer un rôle d'intermédiaire. Il s'agit souvent de prêts en devise (ex : panier de DTS pour le FMI...). Il s'agit d'une simple prestation d'ingénierie financière, le Trésor mettant à profit notre expertise d'intermédiation bancaire et notre capacité à construire des solutions techniques non exposées aux risques de change et de taux. Nous ne faisons pas de bénéfice sur ces opérations, nous couvrons juste nos coûts et nous travaillons en pleine transparence, la construction de ces coûts étant connue de l'Etat. A la différence d'un opérateur privé, l'AFD n'ajoute pas de marge bénéficiaire à ses interventions.
M. Robert del Picchia. - Il s'agit tout de même de 26 millions d'euros en 2015, uniquement au titre des bonifications d'intérêts !
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - C'est le Trésor qui nous demande cette prestation, nous ne sommes pas particulièrement demandeurs. Aujourd'hui, elle n'impacte pas notre capacité à agir, car les mouvements sont comptabilisés à part et on ne souhaite pas qu'ils empiètent sur nos capacités de financement bilatérales et les objectifs du COM.
Je reconnais que les documents budgétaires ne sont pas toujours d'une grande clarté sur les relations financières entre l'agence et l'Etat car les informations sont éclatées en divers endroits. Comme vous le disiez, nous ne recevons pas de subventions mais des crédits d'intervention que nous sommes chargés de répartir et des rémunérations de mise en oeuvre de nos actions. Par exemple, nous percevons une rémunération égale à 10 % du montant des dons que nous distribuons, ce qui d'ailleurs ne couvre pas nos coûts pour cette activité. Ainsi, ce sont les autres activités, notamment les prêts, qui permettent de couvrir l'ensemble des charges, y compris celles du réseau. Sur les prêts, nous appliquons des marges pour couvrir nos coûts et le risque, mais nous restons bien évidemment un organisme à but non lucratif et nous ne facturons pas une marge supplémentaire destinée à faire un bénéfice.
Sur la transparence, nous progressons et nous devons continuer de le faire. Un récent classement publié par un organisme nous fait progresser en nous plaçant 44e, alors que nous étions 48e l'an passé...
Mme Nathalie Goulet. - ... mais sur combien ?
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Une soixantaine...
M. Alain Gournac. - On peut donc encore progresser...
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Oui, et d'ailleurs cet organisme nous place dans une perspective positive. Je note aussi que le ministère des affaires étrangères a également beaucoup progressé dans ce classement qui se base principalement sur la publication des informations dans un certain standard international. Notre amélioration ne peut être que progressive car de nouvelles modalités peuvent s'appliquer plus aisément sur le flux de nos activités, plus lentement sur le stock. Par exemple, une publication d'informations doit être mentionnée dans les contrats de prêts pour être acceptée par l'autre partie contractante. Depuis cet été, une clause a donc été systématiquement incluse à cet effet dans les nouvelles conventions de prêt.
Par ailleurs, nous publions nos différentes stratégies et nous les discutons avec les acteurs du secteur. Il est vrai que les projets deviennent plus complexes du fait que nous allons chercher des co-financeurs, par exemple pour les projets importants d'infrastructures. Nous avons mis en place, avec nos homologues allemand et britannique, une reconnaissance mutuelle de nos procédures pour en simplifier l'application par les pays partenaires.
La complexité est en outre parfois inévitable dans d'autres secteurs, comme le financement du secteur privé qui fait régulièrement l'objet de questionnements. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en parler avec les membres de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, et je pourrai le faire devant vous à une autre occasion si vous le souhaitez. Ainsi, pour les fonds d'investissements, qui permettent de canaliser l'épargne vers des PME ou TPE en Afrique, il n'existe pas à l'international, pour l'Afrique, d'équivalent du FCPR en France qui assure une neutralité fiscale : les entreprises paient leurs impôts localement, les investisseurs - dont PROPARCO - paient les leurs sur les dividendes perçus, mais s'il y a une troisième couche d'imposition au niveau intermédiaire du fonds, cela pénalise l'investissement. C'est ce que la France a bien compris pour elle-même, avec le FCPR qui est « transparent » ou neutre fiscalement. C'est pourquoi, quand nous finançons des fonds d'investissements, ils sont logés dans des pays qui les taxent peu ou pas, pour ne pas ajouter cette troisième couche de taxes qui empêcherait des financements très utiles au développement. Ce sont ainsi environ 120 000 emplois qui ont été créés ou maintenus par les investissements de PROPARCO dans de tels fonds.
En outre, nous avons une politique stricte de sécurité financière et nous n'investissons pas dans des juridictions non coopératives.
L'AFD a adopté un plan d'action pour participer à la diplomatie d'influence, à l'intérieur de notre mandat lié au développement. Lier l'aide est une fausse bonne idée. Sauf à s'extraire des règles de l'OCDE qui concernent d'abord, en fait, les crédits à l'exportation, l'aide liée doit être très bonifiée pour être conforme aux règles de l'OCDE.
M. Aymeri de Montesquiou. - Pourquoi un tel axiome !
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Ces règles, anciennes maintenant, ont été mises en place par l'OCDE pour éviter une concurrence entre Etats qui coûterait au final de plus en plus cher. Mais certains pays comme la Chine n'adhèrent pas à ces règles.
M. Christian Cambon, président. - C'est justement la question !
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - En outre, les crédits d'aide liés ne sont pas autorisés pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, catégorie dans laquelle il y a de plus en plus de pays, la Tunisie par exemple. Nous devons donc utiliser des outils indirects avec de l'aide déliée, le faire intelligemment et se mobiliser pour cela. Nous avons par exemple engagé des partenariats avec Ubifrance, les services économiques et les milieux d'affaires français à l'étranger pour éclairer le choix des secteurs d'intervention. Nous avons aussi organisé une conférence sur la ville durable avec des entreprises françaises. Nous augmentons les exigences sociales et environnementales dans les contrats que nous passons. Et nous avons besoin de financer de l'expertise française ; je rappelle que nous disposons pour cela, depuis un an, d'un budget de 20 millions d'euros tandis que l'Allemagne ou le Japon y consacre plus d'un milliard.
Mme Nathalie Goulet. - La récente loi d'orientation sur le développement, qu'on peut qualifier de ... bavarde, contient une disposition qui nous tient à coeur sur l'évaluation. Où en êtes-vous de la mise en place du nouveau dispositif ?
Par ailleurs, travaillez-vous avec les grandes fondations privées qui caractérisent maintenant le secteur de l'aide au développement ? Je pense entre autres à la fondation Bill et Melinda Gates.
Enfin, pouvez-vous nous donner des informations sur vos interventions et projets en Tunisie et au Yémen ?
M. Alain Joyandet. - Je salue aussi le travail des équipes de l'AFD. Pourrez-vous nous transmettre des statistiques sur longue période des fonds engagés par l'agence, selon les différents outils utilisés ? Je souscris à vos propos sur les prêts et les dons qui sont complémentaires ; il est peut-être nécessaire de remettre en perspective l'utilité des prêts. Et peut-être de proposer un amendement pour revenir sur celui adopté par l'Assemblée ?
Surtout, il me semble que l'AFD pourrait être le bras armé d'une politique beaucoup plus ambitieuse. Son modèle économique permettrait de faire beaucoup plus dans les pays émergents et, pourquoi pas ?, faire des bénéfices sur certains contrats pour mieux financer les pays pauvres prioritaires. Nous pourrions trouver un juste équilibre entre le taux du marché auquel emprunteraient les pays concernés sur les marchés internationaux et le taux que consentirait l'AFD. Profitons du faible loyer de l'argent pour l'AFD aujourd'hui ! Le développement économique est un facteur essentiel de la lutte contre la pauvreté.
M. Robert del Picchia. - J'aurai trois brèves questions. L'AFD est-elle concernée par les tests de résistance que pratiquent régulièrement la BCE et les autorités nationales de contrôle sur les banques ? Dans les documents budgétaires, il existe une différence entre les 430 millions d'euros que la France doit prêter au groupe de la Banque mondiale et les 360 millions inscrits en crédits de paiement. D'où vient ce décalage ? Enfin, pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur du résultat annuel de l'AFD ?
Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD. - Nous avons un objectif de résultat de 120 millions pour 2014, ce qui représenterait un dividende de 24 millions pour l'Etat.
Nous ne sommes pas soumis aux « crash-tests » des banques, mais nous sommes contrôlés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR). Nous n'avons plus aujourd'hui de capital sous-utilisé, notre encours ayant beaucoup augmenté ces dernières années, d'où la question des fonds propres : je rappelle que notre bilan s'élève à environ 25 milliards. D'ailleurs, nous passerons dans quelque temps la limite des 30 milliards qui déclenche le contrôle par la BCE plutôt que par les autorités nationales. Selon notre modèle historique, nous conservions le résultat pour construire et consolider nos fonds propres. Or, sur les dix dernières années, l'Etat avait décidé de prélever une partie, voire la totalité de ce résultat ; ce 1,4 milliard d'euros au total nous manquait pour respecter les nouvelles règles prudentielles de « Bâle III », c'est pourquoi le gouvernement a renforcé nos fonds propres en 2013, par les mesures que vous connaissez et qui sont évoquées dans le COM.
Si l'on s'orientait vers la facturation de certaines prestations dans les grands émergents au-delà de nos coûts et des risques, nous aurions du mal à être compétitifs, en particulier au regard des conditions proposées par les autres bailleurs souvent déjà plus avantageuses (ou bonifiées) que les nôtres. Qui plus est, si nous nous dirigions vers un statut lucratif, nous perdrions notre statut d'organisme de développement, ce qui nous poserait des problèmes dans de nombreux pays.
En ce qui concerne la coordination entre les bailleurs de fonds évoquée par Mme Conway-Mouret, nous y travaillons beaucoup. Nous allons de plus en plus chercher des cofinancements. Nous essayons de trouver une complémentarité entre nos financements et ceux de l'Union européenne ; nous avons ainsi mobilisé plus de 700 millions d'euros de fonds européens depuis 2008. Il y a aussi l'exemple du Fonds Bekou en République centrafricaine, idée que nous avons proposée et promue. Le Fonds s'est mis en place, c'est une excellente occasion d'avancer plus avant vers une meilleure coordination et une plus grande mobilisation de l'aide.
Sur l'évaluation, nous sommes à la disposition de nos tutelles pour la mise en oeuvre du nouvel observatoire qui devrait augmenter la cohérence des travaux. J'ai eu l'occasion d'expliquer ici que, en tant que directrice générale de l'AFD, j'ai besoin d'un service interne pour respecter mes engagements auprès des partenaires internationaux et vis-à-vis du conseil d'administration de l'agence.
En Tunisie, nous étions plus bloqués par nos difficultés de fonds propres que par la situation du pays. De fait, nous reprenons nos activités.
Au Yémen, les activités ont été suspendues depuis quelques années pour des raisons sécuritaires et par la difficulté à travailler localement. Pour les reprendre, il faudrait mettre en place de nouveaux modes opératoires.
Loi de finances pour 2015 - Audition du Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre
La commission auditionne le Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2015.
M. Christian Cambon, président. - Nous vous souhaitons la bienvenue au sein de notre commission qui vous rencontre pour la première fois en votre qualité de chef d'état-major, fonctions que vous occupez depuis deux mois seulement - le 1er septembre dernier.
L'année 2015, chacun en est désormais bien conscient, ne sera pas seulement la deuxième année de mise en oeuvre de la loi de programmation militaire pour 2014-2019. Au sein de cette programmation - qui a été faite, du point de vue financier, au plus serré -, il s'agit d'une année, comme le Général de Villiers nous l'a dit sans détour lors de son audition, extrêmement délicate ; ce sera peut-être, suivant son expression, « l'année de vérité » de la LPM.
Comment appréciez-vous cet horizon, dans un contexte marqué par des restructurations auxquelles l'armée de terre, l'année prochaine, paiera un lourd tribut ? Le ministre de la défense vous a chargé d'élaborer un nouveau projet en la matière, s'inscrivant dans le plan stratégique présenté par le chef d'état-major des armées, « Cap 2020 » ; pouvez-vous nous faire part de l'état d'avancement de vos réflexions sur ce projet ?
Par avance, je vous remercie pour les éclairages que vous allez nous donner.
Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre. - C'est pour moi un immense privilège de m'exprimer devant vous ce matin. C'est aussi, après deux mois de fonctions, un exercice que j'aborde avec humilité et infiniment de gravité.
Je voudrais d'abord rendre hommage à mon prédécesseur le général d'armée Bertrand Ract Madoux. Ses succès opérationnels sont nombreux et le mérite de l'excellence des forces terrestres lui revient en grande partie. Le retrait réussi d'Afghanistan, la fulgurance de l'intervention aéroterrestre au Mali et la réactivité du déploiement de la force Sangaris en RCA doivent beaucoup à la clairvoyance de ses choix en matière de préparation opérationnelle et d'équipements futurs. La portée des enjeux et les risques encourus par nos soldats, et de plus en plus par nos concitoyens, justifient la tonalité un peu grave que vous percevrez dans mes propos. En tout cas, elle traduit le niveau d'exigence qui m'anime et qui va de pair avec la transparence que j'adopterai tout au long de nos rencontres. Je vous parlerai, comme le chef d'état-major des armées l'a fait avant moi, de façon directe et avec franchise. Ce langage de vérité est d'autant plus simple à tenir qu'avec votre commission et son nouveau président, je sais que nous partageons la même ambition pour la défense de la France, le même attachement pour nos soldats et que nous poursuivons le même objectif pour nos Armées.
A un moment où elles sont plus que jamais au coeur de l'intérêt, et du débat national, mon devoir, notre devoir consiste à nous assurer qu'elles pourront continuer à être à la hauteur des enjeux sécuritaires de notre pays. Il est aussi de ma responsabilité de vous alerter de mes difficultés à remplir la mission qui m'est confiée, tout comme vous pouvez être sûrs de ma détermination à y parvenir. Toutefois, quelle que soit ma volonté, le niveau de ressources mis à la disposition de l'armée de terre reste le facteur-clé qui détermine ma capacité à remplir ma mission. Ce dont je vais vous parler maintenant.
Je considère que la loi de programmation militaire constitue le meilleur point d'équilibre possible entre l'objectif de redressement des comptes publics et l'impérieuse nécessité de conserver une défense forte. L'économie générale de la LPM repose en partie sur des hypothèses de ressources volontaristes et innovantes et sur des équilibres budgétaires fragiles. L'effort que la Nation consent sur la période 2015-2019 est réel tandis que la situation économique de la France se durcit. Dans l'attente d'un retour à meilleure fortune, elle accentue la tension sur nos finances publiques en contrariant parfois le plan d'économie de l'Etat. Pour autant, la concrétisation de notre effort de défense passe par le respect scrupuleux du « juste équilibre » instauré par la LPM avec, pour enjeu commun aux armées, le rendez-vous des moyens dévolus aux capacités militaires avec les besoins opérationnels, du présent et de l'avenir.
Je tiens d'ailleurs à saluer le rôle capital joué dans ce sens avant l'été par les membres de cette commission. Je tiens à ce titre à saluer l'engagement personnel et l'implication de votre ancien président Jean-Louis Carrère.
L'année 2015 constitue un jalon capital pour la défense et l'armée de terre. Elle traduira la volonté politique, très attendue de nos hommes, de respecter une trajectoire de ressources tendues à la limite de la rupture mais dont dépend la défense de notre pays. Ce qui est directement en jeu pour l'armée de terre en 2015 : la concrétisation des priorités affichées en matière de renouvellement des équipements aéroterrestres et de capacités de remontée de l'activité opérationnelle. L'annualité 2015 constitue donc une année de vérité car elle conditionne l'aptitude de l'armée de terre à répondre à la fois à ses engagements opérationnels du moment et à s'inscrire dans la durée. En outre, les charges très importantes de déflations d'effectifs et la dégradation des conditions d'exercice du métier constituent des défis dont les conséquences s'amplifient d'année en année.
Je me propose de développer ces sujets devant vous maintenant. En qualité de chef militaire, je commencerai, dans une 1ère partie, par vous parler des missions et des engagements opérationnels de l'armée de terre. J'aborderai en 2e partie les moyens que j'estime raisonnablement nécessaires pour les remplir avant de conclure par le moral de l'armée de terre.
L'état du monde donne raison, de façon assez dramatique, à l'analyse stratégique du Livre blanc. La situation nous conforte dans la nécessité de disposer de moyens militaires complets et cohérents permettant de dissuader d'éventuels agresseurs, de protéger et de défendre nos concitoyens et d'intervenir rapidement en cas de crise. Le choix d'un modèle d'armée équilibré reposant sur la complémentarité des composantes terrestres, aériennes et navales reste le bon. C'est d'ailleurs la conjugaison des moyens et leur emploi combiné sur le terrain qui permettent à nos forces de couvrir l'ensemble du spectre des opérations, comme l'attestent les opérations Barkhane et Sangaris ou Daman. Chacune d'elles montre aussi l'autonomie stratégique que procurent à nos autorités politiques ces équilibres internes de capacités, qui leur offrent la liberté de choisir la réponse militaire la mieux adaptée parmi plusieurs options différenciées.
Je n'exposerai pas dans le détail les principaux fronts d'insécurité auxquels notre pays fait face aujourd'hui, ils l'ont été par le ministre de la défense. Vous avez donc une compréhension parfaite de la « menace de la force » qui plane très proche de nous en Europe. En RCA et en Libye, les « risques de la faiblesse » alimentent des situations chaotiques tandis que le terrorisme transnational expose désormais directement la France, les Français et l'Europe aux plus grands dangers.
Pour ma part, je voudrais vous exposer les quatre constats que je tire des engagements opérationnels de l'armée de terre et des évolutions prévisibles des menaces. Le premier concerne la liberté et l'autonomie qu'offre un modèle d'armée qui conserve toute la gamme de capacités. Le deuxième est lié à ce qui garantit la réactivité de nos forces. Le troisième a trait à leur protection. Enfin, le dernier porte sur la dégradation généralisée de la situation sécuritaire. Ce sont ces réflexions qui orienteront l'architecture de la réforme à venir et mes choix en matière d'efforts à maintenir et d'inflexions à apporter dans les domaines de notre entraînement, des équipements et de l'organisation.
Premier constat, l'armée de terre contribue de façon globale à la défense et à la sécurité des Français parce qu'elle dispose d'une gamme complète de capacités très complémentaires et très polyvalentes qui couvrent l'ensemble du spectre stratégique. Ses capacités conventionnelles concourent à crédibiliser la force de frappe nucléaire et constituent en quelque sorte un premier échelon de la dissuasion. En outre, environ 12 000 soldats de l'armée de terre assurent la protection de leurs concitoyens en remplissant des missions de sécurité intérieure, de sécurité civile ou de service public, en plus du contrat qui prévoit un engagement minimum de 10 000 hommes sur le territoire national. 12 000 autres sont déployés chaque jour hors de métropole, dont plus de la moitié en opérations extérieures. Ce sont en réalité près de 22 000 soldats et plus de 3 000 matériels majeurs qui sont tous les 4 mois en posture opérationnelle, sur une Force que le Livre blanc en 2019 fixe à 66 000 hommes projetables. Nous sommes donc à l'équilibre.
Cette photographie n'est d'ailleurs pas figée. L'armée de terre évolue pour répondre aux priorités fixées dans le Livre blanc. Sur les 1 000 postes prévus dans le Livre blanc pour renforcer les forces spéciales, l'armée de terre contribuera à hauteur de 225 postes en 2015. Une première étape qui sera poursuivie les années suivantes, portant notre contribution totale à 355 postes. Dans le domaine de la cyberdéfense, nous contribuerons à hauteur de 20% des 350 postes supplémentaires à créer. Vous mesurez aisément les efforts que ces renforcements, pourtant indispensables, demandent dans un contexte de suppressions d'effectifs.
Deuxième constat, l'urgence s'impose désormais comme une probabilité commune de nos interventions, impliquant une capacité réactive de mobilisation et de mise en mouvement de nos forces. Le déclenchement de l'opération Harmattan s'est traduit pour l'armée de terre par l'appareillage en 4 jours et sans préavis de 18 hélicoptères de combat sur le BPC Tonnerre. Pour Serval, quelques heures seulement après l'ordre présidentiel, les unités pré-positionnées en Afrique convergeaient en direction du Mali pour repousser, dès le lendemain, avec les forces spéciales et l'armée de l'air, l'offensive djihadiste. En moins de 10 jours, nous avons déployés 4 000 hommes et 10 000 tonnes de matériel, soit l'équivalent de ce que nous avions fini de désengager d'Afghanistan quelques mois auparavant au terme d'une manoeuvre de plus d'un an et demi. Cette réactivité dont dispose la France de pouvoir basculer ses efforts et d'agir avec ses forces terrestres partout où elle l'estime nécessaire reste un atout de premier ordre et même un facteur de puissance. Notre dispositif outre-mer et à l'étranger ainsi que notre dispositif d'alerte GUEPARD intégré depuis le mois de septembre dans l'échelon national d'urgence décrit dans le Livre blanc, jouent un rôle éminemment crucial dans cette réactivité. On va essayer de les préserver ! J'observe d'ailleurs que l'OTAN, avec la crise ukrainienne, a perçu tout l'intérêt de disposer d'une force de réaction rapide offrant des capacités assez similaires à celles dont nous disposons.
Troisième constat. Au durcissement des opérations militaires que les soldats de l'armée de terre vivent au quotidien, répond une exigence individuelle et collective que je porte, en qualité de chef d'état-major, en termes de protection de la force. Je voudrais d'ailleurs saisir cette occasion pour saluer le courage et le dévouement dont nos soldats font preuve en opération. Quels que soient les théâtres, ils exécutent leur mission avec le sens du devoir et un savoir être exceptionnel que vous leur connaissez.
La première protection de nos combattants repose sur la qualité de leur préparation opérationnelle. Son niveau d'exigence conditionne directement leur aptitude à faire face à des conditions d'engagements qui combinent l'extrême diversité des situations et la dure brutalité des combats, les yeux dans les yeux. Le Mali en a apporté la preuve éclatante. C'est l'entraînement, l'aguerrissement, enrichis par l'expérience, la qualité des structures de commandement, qui permet aux soldats français de prendre l'avantage tactique et de surclasser les forces morales de l'adversaire. La seconde protection, c'est la qualité des équipements, qui joue aussi un rôle déterminant, grâce à la puissance et à la précision des armements et à l'indispensable protection qu'ils procurent à nos hommes. Pour mémoire, entre 2008 et 2013, 109 véhicules terrestres ont subi des dommages de guerre lourds dont la moitié par IED, et 10 hélicoptères ont été touchés par des tirs directs. Tous nos soldats qui sont sortis indemnes d'attaque par explosif ou de tirs directs savent ce qu'ils doivent à la qualité de leurs équipements individuels de protection et à la qualité de leurs engins blindés.
Quatrième et dernier constat. S'il peut paraître prématuré de parler de rupture ou de surprise stratégique, je suis convaincu que nous assistons bien à une dégradation brutale de la situation sécuritaire internationale et nationale. Il me semble que nous sommes bien loin du monde pacifié que certains imaginaient se dessiner au moment de la chute du mur de Berlin, tombé il y a exactement 25 ans. Il est temps de réinvestir dans notre défense, ce qui nous reste des dividendes de la paix que nous avons, un peu imprudemment, avec optimisme, consommés depuis tant d'années. La menace terroriste, devenue transnationale, fait tache d'huile. Elle modifie la nature des dangers qui pèsent sur la France, les Français et sur l'Europe. Elle accroit donc en conséquence l'ampleur des défis à relever pour y faire face.
Dans la bande sahélo-saharienne, l'ennemi s'affranchit des frontières du Sud de la Libye aux confins de la Mauritanie. C'est la raison pour laquelle Barkhane adopte en miroir un dispositif transnational qui prend appui sur un partenariat élargi avec les cinq pays de la BSS. Barkhane apporte certes une réponse originale qui crée les conditions du succès. Mais l'extrême mobilité de nos adversaires, dans un espace incontrôlable en raison de son immensité, grande comme dix fois la France, soit la taille de l'Australie, pose en réalité des défis colossaux. La clé de la réussite repose sur la complémentarité entre les hommes et la technique ainsi que sur la combinaison dynamique des capacités classiques, des moyens de renseignement et de forces spéciales. Enfin, il ne faut pas perdre de vue l'existence des autres menaces comme celle de Boko Haram.
Au Levant, Daech ne constitue pas qu'un groupe terroriste mais bien une armée qui manoeuvre, qui communique, qui s'appuie sur des équipements performants et poursuit des objectifs stratégiques, avec une volonté expansionniste affichée. La rapidité avec laquelle ce mouvement parvient à accroître ses effectifs et à diversifier son matériel est très préoccupante. La problématique n'est pas seulement militaire. Elle porte également sur les flux financiers qui viennent alimenter de véritables mercenaires appointés.
Enfin, le nombre de combattants européens enrôlés dans ses rangs et revenus depuis dans l'espace Schengen constitue une nouvelle forme de menaces. Ma connaissance de ce sujet me persuade de la nécessité d'intégrer encore plus dans notre réflexion le retour de l'armée de terre sur son milieu naturel, celui du sol national, pour pourvoir y faire face, avec les forces de sécurité, à tous types de menaces dont celles que ces vingt dernières années avaient confinées à l'extérieur. Il ne faut d'ailleurs pas exclure que cette menace agisse en utilisant des modes d'actions de nature militaire, et se concrétise par des actions armées contre des militaires. Ne perdons pas de vue qu'il s'agissait d'un des objectifs poursuivis par Mohammed Merah. Outre-Atlantique, des attaques isolées ont déjà été perpétrées. Nous avons hélas vécu à deux reprises en France et une fois en Belgique des attaques assez similaires. L'adversaire n'est plus seulement aux portes de l'Europe, il en a franchi le seuil.
Il me semble raisonnable de considérer que la nature des opérations et l'envergure des défis sécuritaires inscrivent l'action militaire, hors et désormais à l'intérieur de nos frontières, durablement. Ils confortent ainsi le contrat opérationnel de l'armée de terre qui est réaliste et structurant. Le corollaire implique d'entretenir à son meilleur niveau une capacité d'action terrestre réactive et apte au combat de contact, c'est le but de SCORPION, alors qu'elle est déjà éprouvée par deux décennies d'opérations et qu'elle ne bénéficie pas toujours des niveaux de ressources pour s'entraîner et se moderniser au rythme prévu. C'est tout l'enjeu du strict respect de la LPM, dont le costume est taillé au plus juste et dont le projet de loi de finances 2015 contribue à assembler toutes les pièces.
La capacité de l'armée de terre à remplir son contrat opérationnel dans la durée repose sur le respect des priorités affichées par la LPM. Le projet de loi de finances 2015 a plus particulièrement vocation à concrétiser les efforts qui portent sur le renouvellement des équipements aéroterrestres et sur la remontée de l'activité opérationnelle, dans la limite des incertitudes qui subsistent encore sur la construction du budget 2015.
S'agissant des équipements, les prochaines années sont déterminantes puisqu'elles doivent permettre d'achever le renouvellement de la gamme d'équipements entrés en service dans les années 70. Cette gamme vous la connaissez bien puisqu'il s'agit des VAB, des AMX 10 RC, des GAZELLE et des PUMA qui sont encore engagés en opération. Ces dernières années, l'arrivée de nouveaux équipements a renforcé la capacité opérationnelle de l'armée de terre. Le système FELIN fait de notre infanterie une des plus modernes au monde. Le déploiement en RCA du VBCI (16), (Véhicule Blindé de Combat d'Infanterie), confirme son extraordinaire plus-value tactique, déjà établie au Mali, en Afghanistan et au Liban. L'arrivée dans les régiments d'artillerie du CAESAR (Camion Equipé d'un Système d'Artillerie) a considérablement accru nos capacités d'appui feu mobiles et rapides, largement employées en Afghanistan et au Mali. La livraison des 5 premiers Lance-Roquettes Unitaire (LRU) au 1er régiment d'artillerie de Belfort donne à l'artillerie française une capacité de frappe ciblée à 70 km de distance quelles que soient les conditions météorologiques. Enfin, l'hélicoptère Tigre s'est imposé comme une pièce maîtresse d'appui par le feu dans nos engagements en Afghanistan, en Libye, en Somalie et dans toute la bande sahélo-saharienne.
Je n'oublie pas, au titre des nouvelles programmatiques, la commande en 2013 du missile moyenne portée le MMP, successeur du Milan. Toutefois, ce moyen de lutte anti-char d'une portée comprise entre 2 500 et 4 000 mètres n'a de sens qu'une fois intégré dans une trame complète qui est composée par la roquette NG, pour le combattant débarqué et la roquette Hellfire, pour le Tigre HAD. Ces armements sont indispensables pour permettre aux forces terrestres d'agir efficacement contre une menace embarquée et surtout blindée.
Les perspectives de livraison pour 2015 confirment cette dynamique positive avec notamment la fin du plan d'équipement VBCI (25 engins en 2015) et FELIN (310 systèmes en 2015) et la poursuite de l'arrivée des hélicoptères nouvelle génération Tigres et NH 90 Caïmans, dont deux premiers exemplaires viennent d'être projetés dans la bande sahélo-saharienne.
Je voudrais au passage en profiter pour souligner la pertinence de nos choix capacitaires, confirmés par leur mise à l'épreuve systématique en opération. Nous n'avons jamais connu d'échec ou d'impasse dans nos choix programmatiques. Je crois que nous pouvons collectivement saluer la performance de notre industrie d'armement terrestre qui associe à des industriels innovants, des armées exigeantes et une DGA compétente. Nos choix capacitaires privilégient une gamme de moyens médians et compacts reposant sur un compromis mobilité, agressivité, projection, protection parfaitement adapté à nos opérations actuelles. Toutefois, ce bilan positif ne doit pas masquer les conséquences physiques des économies budgétaires des trois années passées. Les reports de commande et de livraison qui en découlent étirent la période de recouvrement entre deux générations de matériels vers un écart trop important pour plusieurs raisons. D'un point de vue opérationnel d'abord, nous sommes contraints d'employer des équipements d'ancienne génération qui sont arrivés en limite d'évolutivité. Le VAB, par exemple, conçu en 1970 pour porter 12 tonnes, en porte dans sa toute dernière version ultima presque 16. La version ultissima n'est pas techniquement imaginable. D'un point de vue économique ensuite, l'allongement de la période de recouvrement représente un surcoût majeur à la fois humain et financier. La coexistence des parcs de nouvelle génération et des parcs anciens imposent de doubler les moyens de soutien. La bonne maîtrise du vieillissement de ces matériels hors d'âge, qui devra être assurée pour encore une quinzaine d'années, a un coût qui peut devenir prohibitif. En tout état de cause, un coût qui justifie que l'on réfléchisse à la façon de ne plus différer l'arrivée de nouveaux matériels, quitte à en acquérir certains de façon accélérée.
Voilà pourquoi il est capital que la programmation de la LPM soit respectée et qu'elle concrétise en 2015 le lancement de nos programmes prioritaires.
L'approbation par le ministre du lancement de l'étape 1 du programme SCORPION, intervenue tout récemment, constitue évidemment une grande satisfaction. Elle couronne 15 années de travail pour concevoir des systèmes d'armes protégés, intégrés, au MCO maîtrisé. Mais la LPM 2014-2019 ne suffira pas pour atteindre les objectifs capacitaires visés puisque l'étape 1 ne portera que sur moins de 50% du besoin et qu'elle prévoit seulement la livraison de 92 VBMR sur 980, repoussant à 2020 celle des 4 premiers EBRC sur 110 ainsi que la rénovation des 12 premiers XL sur 200. L'année 2015 restera donc l'année de SCORPION et de la mise en dynamique industrielle !
2015 portera en complément deux opérations majeures. La première concerne la mobilité des forces spéciales dont la modernisation repose sur le lancement, comme prévu, du programme des véhicules des forces spéciales en remplacement de la P4 et du VLRA. Le second programme dimensionnant porte sur le successeur du système de drone tactique intérimaire (SDTI). Les obsolescences incompatibles avec le maintien en service du SDTI au-delà de 2017 nécessitent le lancement de son successeur dès 2015, pour lequel le financement est programmé. Ce moyen de renseignement de l'avant a confirmé sur les théâtres d'engagement son importance au niveau tactique et pour la protection rapprochée de la force. Une approche par les coûts, trois fois inférieurs au MALE, à l'achat et en soutien, me porte à penser que son acquisition est justifiée. D'un point de vue opérationnel, la nécessité, déjà avérée en Afghanistan, vérifiée à Serval, de disposer de drones tactiques se confirme dans la BSS.
S'agissant de la remontée de l'activité opérationnelle, le projet de budget 2015 confirme l'effort indispensable envisagé sur la LPM au profit de l'entretien programmé des matériels terrestres et aéroterrestres. Cela constitue une vraie source de satisfaction ainsi qu'un véritable challenge à relever par toute la chaîne de maintenance, industrielle et opérationnelle.
La priorité marquée à l'EPM dans le projet de loi de finances 2015 matérialise la volonté de remonter le niveau de l'activité en l'inscrivant toutefois dans un processus de long terme.
En effet, compte tenu de l'augmentation des coûts de soutien, la disponibilité des parcs terrestres et aéroterrestres restera encore contrainte en 2015 et en 2016.
Ceci s'explique en partie par le fait que les crédits d'EPM couvrent à la fois les coûts d'entretien des équipements utilisés en métropole dans le cadre de la préparation opérationnelle, ainsi que les coûts d'entretien des matériels employés en opération. Or, l'enchaînement de nos engagements et les conditions d'emploi extrêmes soumettent nos matériels à des taux d'usure hors norme. La dispersion géographique des théâtres et l'immensité des zones d'engagement compliquent, quant à elles, la mission du soutien dont les moyens sont d'ailleurs comptés et fortement contraints. Une tendance qui n'a d'ailleurs pas vocation à fléchir sous l'effet des déflations d'effectifs.
La régénération des matériels revenant d'opérations extérieures constitue, depuis le retour d'Afghanistan pour la chaîne de la maintenance, un défi à la mesure de l'enjeu qu'elle représente pour l'armée de terre. A ce jour, environ 1 500 engins rentrés d'Afghanistan et du Liban et 500 du Mali doivent être remis en état (dont 600 VAB -pour 1/2 de l'INF-, 300 camions et 140 VBL). Cela représente l'équivalent du matériel en service dans 23 régiments. La reconnaissance d'une bonne partie de ce besoin et son financement à hauteur de 113 millions d'euros sur la période de la LPM permet de procéder à une première étape de la régénération, portant sur environ 300 VAB pour un montant de 50 millions d'euros d'ici à 2015 (dont 24 millions d'euros au titre du PLF 2015).
A la date d'aujourd'hui, 102 VAB sur les 620 concernés sont déjà retournés dans les forces, vous permettant de mesurer le chemin qu'il reste à parcourir.
En dépit des difficultés, le niveau d'entraînement de l'armée de terre lui a permis en 2014 de répondre à une nouvelle période de fort engagement. Mais l'excellent niveau de nos soldats dissimule en fait un paradoxe auquel nous devons prendre garde. En effet, c'est le capital d'expérience constitué en opération qui permet de compenser, pour le moment, des insuffisances de ressources destinées à l'instruction et à l'entraînement. De fait, les objectifs fixés dans la LPM à 90 journées de préparation opérationnelle (JPO) et à 180 heures de vol, hors simulation, ne sont pas atteints. Concrètement, ces insuffisances se traduisent par des renoncements en termes de capacités opérationnelles. Afin de pallier le déficit en heures de vol, l'armée de terre a fait le choix de catégoriser ses équipages ALAT en 3 familles. Celle qualifiée de 1er rang (60% des équipages), dont les équipages disposent des heures de vols qui leur permettent d'être engagés en opération d'emblée. Celles de 2e et 3e rangs, qui requièrent une remise à niveau des équipages pouvant nécessiter un délai de 6 mois à 1 an avant d'être aptes à s'engager en mission opérationnelle. Dans un autre registre, environ 25% de nos unités s'entraînent dans nos centres de préparation sur des structures incomplètes, avec des matériels manquants ou des capacités qui ne sont pas totalement réalisées, dégradant donc la qualité de leur préparation opérationnelle. Il s'agit d'un enjeu capital puisqu'au combat le niveau d'entraînement du soldat participe autant que son casque et que son gilet de protection à sa sauvegarde.
Les incertitudes classiques qui pèsent encore sur la fin de gestion 2014, donc sur l'exercice budgétaire 2015 m'incitent à la prudence.
Je souhaite enfin vous parler de celles et de ceux qui remplissent au quotidien les missions de l'armée de terre. Leur moral constitue à mes yeux un enjeu capital pour des raisons opérationnelles et humaines évidentes. C'est la raison pour laquelle je voudrais faire de son redressement un objectif majeur consistant à amener le niveau du moral en métropole à la hauteur de celui qui règne sur les théâtres d'opérations. La hausse de l'EPM y contribuera.
Alors que nos soldats affichent un remarquable état d'esprit en opération, leur moral en garnison ne parvient pas à s'élever au-dessus d'un niveau qui reste moyen, fragile et qui confirme d'année en année sa lente érosion. En cause, le manque de visibilité sur l'avenir, l'empilement des réformes et la dégradation des conditions de vie et d'exercice du métier, générant mécontentement, lassitude et inquiétudes. Il s'agit d'un sujet qui ne concerne pas seulement le chef d'état-major de l'armée de terre car c'est aussi à travers leurs conditions de travail que nos soldats apprécient la reconnaissance que la Nation leur porte et qu'ils mesurent la solidité de son lien avec les Armées. L'état d'esprit de nos soldats pourrait être synthétisé par une phrase : parce qu'ils ne vivent pas bien le présent et parce qu'ils n'y voient pas assez clair, ils ne peuvent pas correctement se projeter dans l'avenir. Leurs inquiétudes sont celles de personnes qui doutent et qui s'interrogent.
Ils doutent encore de la pertinence des réformes qui leur semblent s'imposer selon un mode technocratique dicté essentiellement par des enjeux économiques de court terme. Ils s'interrogent sur leur propre devenir professionnel et donc personnel et familial compte tenu des volumes de déflation dont ils n'ont d'ailleurs pas une vision d'ensemble pluriannuelle. Le « point positif » est qu'ils éprouvent encore le besoin fort de faire remonter ces inquiétudes par la voie du commandement dont ils reconnaissent la légitimité et sur lequel ils savent pouvoir s'appuyer pour porter l'intérêt collectif.
S'agissant des conditions d'exercice du métier, le domaine de l'infrastructure offre une illustration des difficultés auxquelles nos hommes sont confrontés, parce qu'ils y vivent jour et nuit au quotidien. Les renoncements imposés sur la période 2014-2019 portant sur environ 30% des besoins de l'armée de terre, et le niveau historiquement bas des ressources dédiées à la maintenance immobilière, accentuent les difficultés ressenties sur le casernement. Initié à partir d'une visite du ministre dans un régiment d'Ile-de-France, et déclenché à sa demande, le plan d'urgence sur l'amélioration des conditions de vie et de travail a permis de prendre toute la mesure de la situation. 697 points noirs ont été identifiés dans les Armées, dont plus de 50% des cas recensés concernent des formations de l'armée de terre. Le déclenchement de ce plan d'urgence infrastructure, tout comme celui des bases de défense de novembre 2013, montre que les limites sont atteintes. Dans le fonctionnement courant, il n'y a plus d'économies possibles. Les tensions qui existent dans le domaine du soutien sont directement et quotidiennement perçues par l'ensemble de l'armée de terre comme nuisant au bon fonctionnement. Elles cristallisent le ressentiment contre la réforme et elles tirent vers le bas un moral déjà fragilisé par les dysfonctionnements du système Louvois. Outre le juste niveau de ressources, les solutions qui peuvent être apportées résident dans l'amélioration de la gouvernance du soutien. Il s'agit d'un objectif commun parfaitement partagé par les Armées et derrière lequel les chefs militaires avancent sous la direction du chef d'état-major des armées. C'est un enjeu majeur qui conditionne en grande partie l'adhésion de la communauté militaire au changement.
S'agissant de Louvois, environ 59 000 terriens en ont été victimes, ce qui signifie qu'un militaire sur 2 a été touché au moins une fois, souvent plusieurs fois dans la même année, avec les dommages que vous imaginez en termes de moral et de confiance dans l'administration du ministère de la défense. Les effets des dysfonctionnements du calculateur entraînent des difficultés familiales et génèrent dans certains cas des situations de stress prononcé.
Cette réalité est encore moins bien admise lorsque le militaire est engagé en opérations extérieures, éloigné de sa base arrière. Je mesure tous les jours les effets destructeurs de cette situation. Pour lutter contre ce logiciel qui n'est toujours pas stabilisé, l'armée de terre s'est organisée depuis 2011, groupée derrière le ministre de la défense qui a très tôt mobilisé tout le ministère sur Louvois. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail remarquable des agents et des militaires du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) de la direction des ressources humaines de l'armée de terre, auquel j'ai rendu visite début octobre. Ses effectifs, aujourd'hui d'environ 700 personnes (soit deux fois plus que prévu), ont été augmentés de 128 militaires, de 257 vacataires et de 10 réservistes entre 2011 et 2014 pour corriger les dysfonctionnements. Dans les régiments et dans les groupements de soutien de Base défense, le commandement et l'administration de proximité mettent tout en oeuvre pour détecter et aider prioritairement les victimes de moins perçus.
Enfin, concernant les déflations d'effectifs, cette deuxième année de la LPM marque une rupture franche avec les années précédentes. L'année 2015 se traduit par une hausse de 25% des déflations pour l'armée de terre par rapport aux années antérieures, faisant passer le nombre de suppressions de postes de l'ordre de 3 000 à environ 4 000 terriens. L'effort est considérable en quantité et en qualité. L'objectif est d'autant plus ambitieux que cette déflation doit être réalisée en 4 ans et que les suppressions effectuées depuis 2008, à hauteur d'environ 25 000 postes, amenuisent le vivier de candidats à un départ aidé. Dans le même temps, l'allongement de la durée des services consécutif aux réformes des retraites diminue le nombre de départs naturels jusqu'en 2017. Vous constatez donc que l'exercice est très compliqué. L'objectif de dépyramidage, qui concerne prioritairement les officiers sur cette LPM, accentue les difficultés dont celle de l'acceptabilité et de la faisabilité. Cet objectif suscite auprès d'eux, sur qui repose d'ailleurs la mise en oeuvre de la réforme, une certaine incompréhension quant aux motivations profondes du dépyramidage. D'autant plus qu'ils ne peuvent s'empêcher de constater, comme nos concitoyens, que les effectifs militaires diminuent au moment même où le niveau de menace augmente. Ayant déjà optimisé les écoulements de ses flux RH en réduisant les volumes de recrutements et d'avancement (notamment pour les officiers, de l'ordre de 30% en 2 ans), l'armée de terre va devoir dynamiser encore davantage sa politique d'aide au départ volontaire, en sélectionnant, en identifiant et en accompagnant plus qu'aujourd'hui les départs. Pour être franc, je ne sais pas si nous parviendrons à atteindre les déflations qui nous sont imposées dans le temps imparti. L'enjeu de la réussite consiste dans l'adaptation et le maintien minimum des flux d'avancement et de recrutement qui sous-tendent autant notre efficacité opérationnelle que le moral de nos hommes. En contrepoint, le constat d'un échec mettrait en évidence les limites atteintes par la logique de réduction des effectifs, à l'oeuvre depuis 2008. Mon prédécesseur, le général Ract-Madoux avait d'ailleurs pensé à juste titre qu'il pourrait atteindre les objectifs de la LPM 14-19 avec le modèle d'armée hérités de cette période. La charge de déflation ne le permettra pas.
Le projet de modèle de la future armée de terre sur lequel je travaille vise à redonner aux femmes et aux hommes de l'armée de terre la visibilité qu'ils attendent. Mon objectif consiste aussi à rompre le cycle ininterrompu de transformation perçue comme compliquant le fonctionnement courant, dégradant le soutien et nourrissant finalement le sentiment d'une détérioration de leurs conditions d'exercice du métier et d'une déconstruction progressive de leur instrument de travail. C'est pourquoi j'ai entamé depuis la rentrée une réflexion poussée, avec mes grands subordonnés. Nous avons conclu à la nécessité de faire évoluer l'organisation de l'armée de terre vers une architecture à la fois plus lisible et plus pérenne, qui présente une chaîne de commandement plus simple et plus verticale. Elle s'appuiera sur trois maillons indissociables et parfaitement intégrés que sont les ressources humaines, la maintenance logistique et les forces terrestres, aptes à conduire des opérations spéciales, des opérations aéroterrestres et des opérations sur le territoire national. Trois pôles d'excellence seront valorisés dans ce but : les forces spéciales, l'aérocombat et notre expertise du territoire national. La réflexion va maintenant être approfondie pour étudier ces pistes plus en détail. L'étape suivante consistera à proposer les grandes lignes consolidées de cette armée de terre nouvelle au chef d'état-major des armées et au ministre de la défense avant la fin de l'année. J'aurai besoin de votre soutien pour porter ce projet, il en va de notre responsabilité commune à conserver pour la France une armée de terre à la hauteur de son besoin.
En conclusion, je crois pouvoir dire que nous portons tous ici un regard très proche sur la qualité de l'engagement de nos soldats. Je sais que vous ressentez la même fierté que celle qui est la mienne lorsque vous les voyez à l'oeuvre sur le terrain. Je tiens d'ailleurs à vous remercier de l'attachement que vous leur témoignez par vos visites et pour les paroles élogieuses que vous leur adressez. Sachez qu'ils apprécient d'autant plus ces marques de considération quand elles proviennent, non seulement de leurs chefs, mais aussi de la représentation nationale.
La reconnaissance que nous devons à leur sens du bien commun, qu'ils mettent au service de l'intérêt supérieur de la Nation avec un dévouement sans égal, doit aussi se manifester de façon tangible. Elle passe d'abord et avant tout par les moyens qu'ils sont légitimement en droit d'attendre pour remplir leurs missions.
C'est tout l'enjeu du PLF 2015 qui marquera de façon concrète le volontarisme que notre pays et sa représentation nationale affichent pour soutenir sur la période 2015-2019 l'ambition stratégique qu'il poursuit. Cet enjeu repose d'une part sur une fin de gestion 2014 équilibrée et d'autre part sur la mise à disposition d'un niveau de ressources 2015 cohérent, nous l'espérons, avec l'ambition de la LPM.
M. Christian Cambon, président. - Je souhaite vous exprimer notre attachement à l'armée de terre. Nous avons montré notre vigilance lors de l'examen de la LPM 2014-2019 et nous sommes également attentifs à son exécution.
Nous mesurons, notamment lors de nos déplacements, et encore récemment en République Centrafricaine, lors d'une visite du dispositif Sangaris, le professionnalisme, l'engagement, le dévouement de ses soldats. Nous avons pu constater que, même dans des conditions difficiles, le moral des troupes en OPEX était bon. Je tenais à leur rendre hommage.
Mais nous sommes conscients également de la distorsion qui pourrait s'instaurer entre les moyens et le niveau de sollicitation avec la multiplication des opérations extérieures.
M. Xavier Pintat, co-rapporteur du programme 146. - La compétition pour le marché du système de drone tactique (SDT) pérenne de l'armée de terre est ouverte, pilotée par la DGA, pour le remplacement des Sperwer actuellement en service. La commande doit être effectuée en 2015. Avez-vous des préférences, parmi les compétiteurs annoncés - notamment entre le Watchkeeper de Thales et le Patroller de Sagem ? Les performances de ce système ne feront-elles pas double emploi avec celles des systèmes de drone MALE, qui en paraissent assez proches ?
La livraison de 8 nouveaux hélicoptères NH 90 est prévue pour l'année prochaine. Pour mémoire, cet appareil de transport et de surveillance se décline en deux versions très différentes : une version terrestre, pour le transport tactique pour l'armée de terre, et une version marine. Cet équipement donne-t-il satisfaction à l'armée de terre ?
La signature des marchés du programme Scorpion a été annoncée le 29 octobre dernier par le ministre de la défense. Ce programme, après une longue attente, est enfin lancé. L'étape 1 du programme comprend un système d'information (le SICS), l'acquisition de véhicules blindés multi-rôle (VBMR) destinés à remplacer les VAB actuels, une rénovation du char Leclerc et l'acquisition d'engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC). Qu'attendez-vous de cet ensemble ? À quelles échéances, pour chaque composante ?
Mme Michelle Demessine, co-rapporteur du programme 178. - Depuis de nombreuses années, la disponibilité des matériels de l'ALAT (aviation légère de l'armée de terre) pose des difficultés importantes. Elle disposera de 305 hélicoptères en 2015, dont 51 Tigre qui sont des appareils récents (4,5 ans d'âge moyen). Or, la disponibilité générale des Tigre plafonne à un niveau très bas : 22% en 2013. Comment améliorer la disponibilité des matériels de l'ALAT ?
En outre, on peut s'interroger sur les différences très importantes de coût d'entretien selon les hélicoptères : on constate par exemple un coût unitaire allant du simple au double entre NH90 et Tigre. Bien sûr, ces hélicoptères ont une mission et une conception différentes. Mais lorsqu'on regarde les seuls NH90, ceux de l'armée de terre coûtent environ 2,6 millions d'euros d'entretien par an, ceux de la marine environ 2,15 millions. Leur engagement en Opex, dans des conditions abrasives, explique-t-il cette différence ? La réforme du MCO aéronautique permettra-t-elle d'améliorer la situation ?
La LPM prévoit une augmentation sensible des dépenses d'entretien programmé des matériels (+4,3% en valeur par an). Qu'attendez-vous de cette progression ? Sera-t-elle suffisante pour faire face à l'hétérogénéité du parc, au coût élevé en MCO de nombreux matériels ?
Qui plus est, les matériels terrestres sont particulièrement affectés par leur utilisation en OPEX, par exemple les véhicules de l'avant blindé : les coûts logistiques sont élevés et surtout le taux d'usure et la remise aux standards demandent une maintenance lourde. Comment s'adapter à cette situation ? Et là aussi, la progression prévue des crédits de MCO sera-t-elle suffisante pour faire face ?
La Cour des comptes estime que le nombre des implantations du MCO Terrestre demeure élevé, même si d'importants efforts ont déjà été accomplis. Tout en soulevant la difficulté des restructurations, elle précise que « la réduction du nombre d'emprises, la densification et la spécialisation des infrastructures existantes doivent être recherchées pour améliorer l'efficacité d'ensemble ». Qu'en pensez-vous ?
- Présidence de M. Xavier Pintat, vice-président -
M. Robert del Picchia, co-rapporteur du programme 212. - Le ministre a annoncé des restructurations dont nombre touchent l'armée de terre. Elles consistent en deux suppressions d'unités de Châlons-en-Champagne, mais surtout des adaptations capacitaires qui touchent un grand nombre d'unités. Le terme « de régiment d'infanterie de nouvelles génération » est employé. Qu'est-ce que cela signifie ? Quel est l'impact de ces transformations sur le plan opérationnel et sur le plan capacitaire ?
Y aura-t-il d'autres annonces au cours de l'exécution de la LPM ? Ne serait-il pas plus simple et pour les militaires et pour les collectivités qui vont perdre des implantations d'avoir une visibilité à moyen terme ?
Nous avons compris que le dysfonctionnement de LOUVOIS avait des conséquences lourdes sur le budget de la défense. On avait beaucoup parlé jusqu'ici des soldes négatives et des soldes à zéro qui suscitaient des difficultés pour les militaires et leurs familles. Le problème s'est-il réduit dans son ampleur ? Il semble qu'aujourd'hui la principale difficulté soit les sommes indues qui ont été versées et qu'il faut récupérer auprès des militaires et des anciens militaires, plus de 200 millions d'euros. L'armée de terre a-t-elle entrepris une action spécifique auprès de ses cadres pour accélérer le recouvrement de ces sommes ? Je sais que cela est difficile pour certaines familles ; des solutions sont-elles mises en place ?
L'année 2015 va être marquée par le déménagement de l'EMAT à Balard. Comment se prépare ce déménagement ? Avez-vous des inquiétudes à cet égard ?
Mme Christiane Kammermann. - Vous avez exprimé le ressenti des militaires et perçu un sentiment de dégradation dans l'exercice du métier. Pour ma part, je regrette l'abandon du service militaire, vous pourriez disposer, grâce à celui-ci, de la capacité de former des hommes prêts à servir dans les armées. Pourrait-on y revenir ?
Dans certaines opérations extérieures, nous mesurons combien nos soldats sont exposés à l'agressivité d'un ennemi qui connaît le terrain et sait se protéger. Pour autant, l'intervention au sol est nécessaire et nous mesurons le risque et le dévouement de nos soldats.
Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre. - Les armées disposent de trois types de drones qui ont chacun leur place. Les DRAC sont des petits aéronefs lancés à la main qui permettent à une unité de voir ce qui se passe dans son environnement immédiat, derrière la ligne de crête. C'est l'outil de la compagnie de tête. Le SDTI permet quant à lui d'éclairer la situation tactique du GTIA plus loin et plus longtemps. C'est typiquement le moyen qui précède un convoi, sur une distance plus importante, qui reconnaît son itinéraire, préparera l'intervention des hélicoptères pour appuyer, couvrir ou dégager cet itinéraire. C'est l'outil du chef de corps. Le drone MALE pour sa part est un drone stratégique qui permet de surveiller un vaste territoire, pendant de longues heures, pour détecter des cibles qui seront traitées le plus souvent par frappe aérienne. Ces trois types de drones ne sont pas substituables car ils sont complémentaires. Très logiquement, et l'expérience l'a d'ailleurs montré, les priorités d'emploi du niveau stratégique « écrasent » les besoins vitaux en renseignement du chef tactique. Au bilan, affecter à un emploi tactique un moyen tel que le drone MALE irait à l'encontre du principe de différenciation et de la logique d'économie des coûts. Le drone tactique est donc le drone de la subsidiarité et de la complémentarité car il remplit à coût plus réduit des missions de renseignement et de protection aux profits des unités au contact, réservant l'emploi des drones MALE, plus performant et onéreux, à des opérations d'un niveau d'intérêt supérieur.
S'agissant du choix du SDTI, l'armée de terre s'est intéressée au Watchkeeper qui est en service dans l'armée britannique qui en est satisfaite. Une mise en concurrence a été décidée. Dans ce cas, les offres qui seront présentées avec de bons rapports coût-efficacité seront étudiées avec attention.
Avant de répondre sur les hélicoptères, je voudrais faire une remarque sur l'usure des matériels qui dépend des conditions dans lesquelles ils sont mis en oeuvre. Le Mali nous en apporte une illustration éclatante : en presque deux ans d'emploi dans le désert malien, les VAB présentent les mêmes symptômes de fatigue et le même taux d'usure que ceux utilisés en 10 ans d'Afghanistan.
Nous avons aussi ce type de problèmes s'agissant des hélicoptères. Pour le Tigre, le niveau de disponibilité peut paraître faible, mais il résulte du choix du commandement et de la maintenance de procéder à des visites régulières d'entretien. Le NH90 a été projeté pour la première fois en opérations extérieures cette semaine. Il est encore tôt pour en tirer des enseignements. Concernant les différentiels de coûts de maintien en condition, ils s'expliquent par le fait que l'armée de terre vient de recevoir ses premiers NH90. Nous supportons donc les coûts d'entrée de programme (commande de pièces, lot d'outillage) qui augmente mécaniquement le coût du MCO. J'observe que l'on nous a fait le même faux procès l'an dernier à propos des Caracals. Or sur des flottes stabilisées et comparables, le coût à l'heure de vol dans l'armée de terre est le plus faible : 7 000 € pour le Puma et de 13 000 € pour le Cougar. Le Tigre a été déployé dans des conditions très différentes en Afghanistan, dans la bande saharo-sahélienne et en RCA dans des périodes à hygrométrie défavorable. Il a montré son efficacité et sa polyvalence. Nous espérons que le NH90 sera aussi robuste. Je note que ces matériels ont fait l'objet de programmes d'armement. Le Caracal a, quant à lui, été acheté pour un emploi spécifique, il n'a pas fait l'objet d'un programme. Il n'est donc pas si étonnant qu'il soit moins polyvalent lorsqu'il est employé dans d'autres conditions que celles pour lesquelles il a été conçu.
La première phase du programme Scorpion a été lancée, nous devrions recevoir, avant 2019, 92 VBMR sur les 980 attendus avant 2025. L'objectif qui consiste à pouvoir projeter en 2021 un groupement tactique interarmes sur VBMR, et disposer en 2023 d'une première brigade interarmes SCORPION projetable est ambitieux. Pour l'atteindre, il faudra faire preuve de la plus grande vigilance année après année. En sachant que SCOPRION vise en réalité à renouveler les capacités de combat médianes de 3 brigades interarmes, ce qui nous projette bien au-delà de 2025. Le plan d'équipement va donc être étalé dans le temps, nécessitant de prolonger les matériels toujours en service. Ce qui distingue ce programme, c'est sa cohérence d'ensemble, il s'agit non seulement de produire un véhicule mais d'y intégrer d'emblée plusieurs fonctions : un système d'information qui s'interface et communique avec les autres éléments du champ de bataille, mais aussi des capacités de simulation grâce à son optique embarquée. Le matériel sera livré équipé en coût complet. Nous aurons un devoir de mise en cohérence en matière de livraison des équipements.
S'agissant de la question des emprises militaires, je pense que l'armée de terre, dont le milieu naturel est le territoire national, doit y conserver une empreinte équilibrée. Ceci contrevient à l'idée d'un regroupement de ses unités sur quelques grandes bases pour réduire le volume des soutiens. Il faut arriver à définir le seuil critique entre la permanence sur le territoire national et la réduction des coûts du soutien. Il faut trouver un juste milieu, d'autant que le maintien d'une certaine présence me parait répondre à un vrai besoin.
Concernant la question des régiments d'infanterie de nouvelle génération, c'est une expérimentation qui vise à tester une nouvelle organisation des appuis (tireurs d'élite, mortiers, antichars). Le choix d'organisation final du RI NG et son extension aux autres régiments sera décidé à l'issue de cette expérimentation. S'agissant des restructurations, les militaires et leur famille, comme les élus souhaiteraient avoir plus de visibilité. C'est bien sûr une préoccupation que je partage pour des raisons humaines évidentes d'abord mais aussi car c'est un gage de sérénité pour accompagner le changement. Ce principe est également valable pour bâtir un modèle d'armée pérenne qui puisse d'inscrire dans la durée.
Permettez-moi à ce sujet de partager une réflexion. Lorsque le premier Livre blanc sur la défense a été publié en 1972, il a débouché sur la mise en place d'un modèle d'armées adapté aux menaces de l'époque. Vingt ans plus tard, le Livre blanc suivant publié en 1994 entérinait un nouveau schéma. L'armée mixte de conscription et d'unités professionnelles répondait à la situation jusqu'à ce que la décision soit prise d'adopter un schéma de rupture en passant à une armée de professionnels en 1996. Le même modèle alors est resté en application pendant 14 ans, jusqu'au Livre blanc de 2008 qui en a initié à son tour un nouveau. En 2013, cinq ans plus tard, le Livre blanc prend acte du changement de paysage géostratégique et resserre encore notre format d'armée. Nous pensions pouvoir prolonger le modèle 2008 jusqu'en 2019, mais cela va être difficile. Aujourd'hui, l'évolution des menaces, mais aussi la charge de déflation qui nous est imposée nécessitent de réfléchir une organisation qui redonne à l'armée de terre de la stabilité et de la profondeur.
S'agissant des dysfonctionnements de LOUVOIS, je voudrais rappeler que l'armée de terre en est d'abord victime. Nous avons du mal à nous extraire des difficultés, qui vont d'ailleurs perdurer dans l'attente du nouveau système ; et qui posent de vrais problèmes administratifs à nos personnels. Des systèmes ont été mis au point pour prévenir les dysfonctionnements par identification des moins et des trop-perçus. Toute solde qui sort en deçà de 1 000 euros ou au-delà de 10 000 euros est recalculée manuellement. Cela nécessite la mobilisation d'un important dispositif au CERHS de Nancy, mais cela n'évite pas les erreurs du calculateur. 59 000 personnes, soit environ 50% des personnels de l'armée de terre, ont été touchées au moins une fois cette année par un dysfonctionnement de LOUVOIS. C'est une réelle difficulté, pour toute les catégories de personnel et pour nos familles, surtout ceux déployés en OPEX, car suivre de près ces questions à distance, loin de son régiment et loin des proches compliquent les choses. C'est d'ailleurs pourquoi l'aide apportée par les commandants d'unité, les chefs de sections et de groupe, bref l'investissement du commandement de proximité, est aussi capitale.
M. Yves Pozzo di Borgo, co-rapporteur du programme 178. - Je suis très étonné de l'absence d'identification des responsables de ces dysfonctionnements qui dans n'importe quelle organisation seraient sanctionnés. C'est aussi une question de crédibilité pour nos armées.
Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre. - Il n'y a aucune inquiétude s'agissant de notre déménagement à Balard qui devrait avoir lieu en juin 2015. Nombre de nos collaborateurs seront mieux logés que dans l'îlot Saint-Germain, et la proximité avec les autres armées sera une plus-value.
Un retour au service national obligatoire me semble impossible. D'autant qu'il faudrait prévoir ce service pour les hommes et pour les femmes. En l'état de leur ressources, les armées ne disposent plus des capacités d'incorporer, instruire, héberger, habiller et nourrir toute une classe d'âge entière. En revanche, si le service civique volontaire connaissait une extension sous une forme militaire, l'armée de terre serait tout à fait disposée à accueillir des jeunes gens et des jeunes filles dans ce cadre. Ne perdons pas de vue le rôle positif que notre institution peut jouer en direction de la jeunesse, et en particulier vers celles et ceux qui ont besoin de retrouver des repères et qui veulent prendre un nouveau départ. Nous disposons de l'expérience pratique et surtout des compétences pour transmettre des valeurs, former et instruire. Pour ma part, je regrette que les déflations d'effectif nous conduisent à supprimer des postes et à nous séparer d'une force humaine qui pourraient être utilement mis au service de notre jeunesse, que ce soit pour leur emploi ou pour leur insertion, qui pourrait d'ailleurs être aussi une forme de pré-recrutement pour certains d'entre eux.
La séance est levée à 18 h 25.