Mardi 25 novembre 2014
- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -Audition de Mme Marylise Lebranchu, Ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, et de M. André Vallini, Secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale
M. Jean-Marie Bockel, président. - Madame la Ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir. Je sais que Monsieur Vallini devrait nous rejoindre en cours de réunion. Au-delà des textes législatifs bientôt à l'ordre du jour de notre assemblée, l'ensemble de vos compétences nous intéresse. En outre, je viens d'avoir un entretien avec le Président Gérard Larcher sur ce qu'il attend de notre délégation. Cet après-midi, un questionnaire aux maires sur la simplification des normes a été présenté dans la salle des conférences du palais du Luxembourg, à l'occasion du congrès des maires. Près de 7 000 élus locaux qui assistent au congrès viennent au Sénat, ce qui leur laisse la possibilité de répondre à ce questionnaire. Le Président Larcher a montré, à travers la présentation de cet outil, sa volonté de s'impliquer dans cette démarche et de donner pleinement sa place à nos délégations. La simplification des normes est une nouvelle mission de notre délégation, avec notre premier vice-président Rémi Pointereau.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique. - Je vous remercie, Monsieur le Président. André Vallini va tout faire pour nous rejoindre le plus rapidement possible. J'ai été préalablement entendue avec lui par la commission des Lois pour présenter les axes majeurs du projet de loi NOTRe. Je ne reviens pas sur l'expérience du premier projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), même si nous pourrons en parler en abordant le dossier du Grand Paris, qui est extrêmement intéressant pour l'ensemble des 36 000 communes de France. En effet, les maires de toutes ces communes sont naturellement intéressés par la métropole du Grand Paris.
Nous avons créé, avec l'aide du Sénat, la conférence territoriale de l'action publique. Je la cite de nouveau car elle signifie la reconnaissance par l'État de la diversité des territoires et la confiance que nous faisons aux élus, y compris pour opérer des délégations expérimentales de compétence. Cet outil doit permettre aux différentes strates de collectivités territoriales d'interagir.
Par exemple, les collèges, qui relèvent actuellement de la compétence des départements, pourraient être transférés aux régions, comme nous l'avons écrit dans le texte. Une région qui aurait la compétence sur les collèges pourrait subdéléguer la gestion des lycées et collèges à un département ou une métropole. La situation peut différer selon les territoires à condition de passer par la conférence territoriale de l'action publique qui permet d'assurer la transparence des situations. Forts de cette conférence territoriale de l'action publique, nous proposons - ce qui a fait débat - de supprimer la clause générale de compétence pour les départements et les régions dans la mesure où la conférence territoriale permet de rechercher la coordination des compétences. L'objectif consiste à clarifier l'ensemble des compétences de chaque niveau, le bloc communal conservant seul la clause générale.
Le contenu majeur du projet de loi NOTRe porte sur le renforcement des compétences des régions. Vous avez assisté au débat organisé le 8 janvier 2014 au Sénat sur le rapport Krattinger-Raffarin. Ce document présentait un certain nombre d'hypothèses, notamment la possibilité de limiter le nombre des régions à sept ou huit et d'envisager l'éventualité d'une évolution des départements. Nous évoluons aujourd'hui dans ce cadre. Avant d'en venir à la question récurrente des départements, l'essentiel est bien la compétence économique et le redressement du pays. Ce sujet est lié à ceux de l'enseignement supérieur et de la formation permanente. Les régions renforcées seront les seules en droit de porter les aides directes aux entreprises, à pouvoir entrer au capital d'entreprises en difficulté ou en croissance, et à porter des garanties avec la Banque publique d'investissement (BPI), la Banque européenne d'investissement (BEI) ou un système bancaire plus complexe, par exemple à partir d'OSEO.
Les régions deviennent ainsi responsables en matière de développement économique, d'enseignement supérieur, de recherche, d'innovation et d'internationalisation des entreprises ; elles élaborent en outre le schéma régional d'aménagement du territoire, des mobilités et du développement durable. Nous avons constaté, en interrogeant de nombreux élus lors de la préparation de ces textes, que les régions étaient mobilisées sur un grand nombre de schémas peu utilisés du fait qu'ils ne sont pas opposables. Il est important que le schéma d'aménagement du territoire et des infrastructures soit opposable au schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il faudra naturellement discuter des régimes transitoires. Le schéma sera opposable au SCOT, mais il devrait aussi l'être de manière plus positive. Le schéma régional des infrastructures dans le cadre de l'aménagement du territoire devra comporter par exemple un pôle Gares, du fait qu'un train à grande vitesse implique l'intermodalité.
Nous avons proposé que la compétence transport, interurbain et scolaire revienne à la région pour qu'il y ait une seule autorité organisatrice des transports. Les régions expriment leur intérêt pour une cohérence totale entre tous les modes de transport. J'ai la chance d'aller demain en Normandie pour prendre connaissance d'une innovation de politique publique territoriale où le bus, le train et le tramway seront sur un ticket unique de transport pour l'usager. Il convient d'éviter autant que possible le doublon entre une ligne de TER et une ligne de car, et d'engager des discussions porteuses de simplification, d'efficacité et d'économie d'échelle.
De la même manière, les cités scolaires s'interrogent beaucoup parce que les personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) ou non enseignants dépendent de trois niveaux : la région, le département et l'État, ce qui soulève un certain nombre de difficultés. Il serait bon de rattacher ces cités à une seule collectivité territoriale. Cette compétence peut être subdéléguée ou non à un autre échelon, département, intercommunalité ou métropole, puisque nous sommes essentiellement attachés à l'efficacité et à une simplification de la gestion du personnel, notamment sur la question du remplacement.
L'animation des pôles de compétitivité est confiée aux métropoles. Je discute actuellement avec le Premier ministre pour donner une mission à un ancien élu sur le sujet. Cette mission pragmatique viserait à clarifier la relation entre régions et métropoles sur les pôles de compétitivité et les transferts de technologie. Ce ne serait pas de l'ordre de la loi, mais du code de bonne conduite.
Les pouvoirs réglementaires figureront dans le projet de loi à l'aune de ce que nous avons connu avec la Corse. Quarante-deux demandes d'adaptation locale ont été formulées auprès de l'État. Aucune n'a reçu de réponse positive. Nous en avons identifié deux aujourd'hui. M. Bizet a lancé le sujet de l'adaptation de l'urbanisme du littoral. Nous sommes favorables à la densification des bourgs ruraux, littoraux et des petites villes pour éviter de livrer chaque année à l'urbanisation de très vastes surfaces. Il est fondamental de protéger les surfaces agricoles et l'environnement.
Le renforcement des intercommunalités suppose de rationaliser les syndicats de communes. Leur budget s'élève à 17 milliards d'euros de budget, pour 9 milliards d'euros de frais de fonctionnement. Des économies importantes doivent être réalisées en termes de gestion. Ces syndicats sont essentiellement appelés à un rôle d'investissement, même si le ramassage des ordures ménagères fait souvent partie aussi de leurs compétences.
Nous voulons diminuer le nombre de syndicats intercommunaux, même si la réalisation de cette ambition ne passera pas par une prescription législative. Nous fixerons un délai pour cette évolution. Le texte reste indicatif et non opposable.
Pour les intercommunalités, l'objectif est un seuil maximal de 20 000 habitants, avec des dérogations fondées sur la densité démographique et la distance entre le « chef-lieu » de l'intercommunalité et les points extérieurs. En effet, la durée de transport au sein de l'intercommunalité ne doit pas être excessive. Pour cette raison, le temps de déplacement serait un critère plus pertinent que le kilométrage.
Nous ne nous interdisons pas d'adopter une approche nouvelle plus qualitative, fondée sur les services et les équipements de proximité. Nous répondons en cela à une demande des citoyens. Nous encouragerons également les groupements qui dépassent le seuil de 20 000 habitants, en soutenant le travail des commissions départementales et des préfets.
Nous voulons également parler dans cette loi d'équité territoriale. Ce sujet est abordé à travers l'aspect des finances locales. Nous trouverons de nombreux accords sur ce point sur les bancs du Sénat.
Enfin, le Premier ministre a été très précis lorsqu'il est venu au Sénat sur la nécessaire évolution des départements, en insistant sur le fait que cette évolution ne devait pas être accélérée. Le ministère a reçu un mandat pour étudier la façon dont les départements doivent évoluer. Les compétences sociales et de solidarité envers les personnes et les territoires sont essentielles. Notre pays a eu moins de difficultés que d'autres à traverser une crise extrêmement grave grâce à ses collectivités territoriales. Nous allons créer une compétence de solidarité territoriale en vue de soutenir les communes les plus fragiles, étant donné que les citoyens n'ont pas beaucoup d'encadrement pour répondre à des appels à projets ou des manifestations d'intérêt des collectivités et de l'État, ce qui constitue une injustice.
L'évolution des départements n'est pas abordé dans la loi NOTRe, qui porte sur les compétences. Les compétences sociales devront être situées au coeur du débat public. La compétence économique est facile à exercer, alors que la compétence sociale est beaucoup plus complexe. Il faut un médiateur entre l'élu et les populations concernées, ainsi que du personnel ayant une connaissance de ces populations. On ne s'improvise pas gestionnaire de l'action sociale.
La généralisation des mutualisations de SDIS peut constituer un sujet de discussion. J'ai parlé de l'adaptation de la loi sur le littoral de Jean Bizet. La question de la décentralisation des ports reste en suspens.
Quelques demandes portent sur l'expérimentation en matière d'emploi. La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC a donné à ce dossier un caractère très national qui implique les partenaires sociaux, ce qui rend une décentralisation extrêmement compliquée. En effet, il est difficile d'imaginer comment les partenaires sociaux pourraient nous accompagner dans la décentralisation. Il serait absurde de chercher à distinguer de nouveau l'ANPE des ASSEDIC, du fait des efforts accomplis par le personnel après la fusion. Le Premier ministre envisage de mettre en place une expérimentation dans ce domaine, de même qu'il est preneur de tout projet de fusion de communes, de nouveaux départements ou de nouvelles régions.
Notre réforme est structurelle, mais nous assumons avec André Vallini qu'elle donne lieu à débat avec les métropoles. Il convient désormais de se demander quel niveau de compétence ne fait plus quoi. C'est une manière plus simple d'aborder le sujet. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Nous sommes un certain nombre autour de cette table à avoir voté sans état d'âme - et même avec satisfaction - la nouvelle carte des régions. Il fallait une certaine audace pour traiter ce sujet auquel beaucoup de gouvernements avaient pensé sans s'y atteler. C'est une bonne chose de faite, qui n'a de sens qu'avec un objectif : créer des régions ayant une force de frappe européenne, voire mondiale, et contribuant à la relance dans notre pays. Cela n'a de sens que si ces grandes régions dégagent un certain nombre d'économies. Le Premier ministre a affirmé, lors du congrès de l'Assemblée des départements de France à Pau, que la France avait besoin des départements.
Je pense qu'il aurait fallu étudier la question des compétences avant le reste. Le débat se fait dans un autre ordre, mais ce n'est pas si grave. Quelles compétences permettront d'avoir des régions de taille européenne ayant une force de frappe supplémentaire ? Un certain nombre de présidents de région affirment qu'ils ne souhaitent pas certains transferts, notamment celui des collèges et des routes.
Je souscris à votre analyse s'agissant du nécessaire renforcement de l'intercommunalité, même si je considère qu'il faut lâcher la bride sur le cou des élus locaux, qui ont besoin de confiance et de stabilité. Ils sortent d'une première phase de regroupements intercommunaux qui ne sont pas totalement achevés. Ce sujet est devenu un leitmotiv de la récente campagne sénatoriale. Je vous invite à nous laisser absorber cette première phase de regroupements. Nous ne voulons pas d'un seuil dogmatique. Je me félicite des évolutions que j'ai cru entendre dans le propos de madame la ministre. Je voudrais que l'on laisse respirer la réalité de chaque territoire.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Je souhaite m'associer à votre propos sur la nécessité de laisser respirer les territoires. Je parlais ce matin, au cours d'une réunion, de « géométrie variable » selon les territoires.
M. Philippe Dallier. - Je souhaite vous interroger sur la métropole du Grand Paris, qui ne figure pas dans le texte. Je suis très perplexe et inquiet. J'ai voté la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPAM) prévoyant la création du Grand Paris. Le texte n'était pas parfait en raison de l'incertitude sur le positionnement du personnel, mais il a été adopté. La boîte de Pandore a été ouverte en indiquant à la majorité des élus qui ne voulaient pas du texte qu'ils pourraient modifier son article 12. Les élus ont considéré qu'ils pouvaient supprimer la métropole et revenir sur la décision du Parlement, ce qui m'inquiète.
Le Conseil des élus créé par la loi s'est réuni. À la majorité de 82 ou 86 %, ceux-ci ont demandé que le Gouvernement, revenant sur l'esprit de la loi, garantisse le maintien des compétences actuelles, dote le Grand Paris de moyens dérisoires, soit les 75 millions d'euros de dotations supplémentaires. De mon point de vue, la proposition des élus correspond à tout sauf à une vraie métropole.
Le Gouvernement se prononcera sur la proposition du Conseil des élus. Je pensais qu'il présenterait par voie d'amendement une proposition tenant compte des propositions des élus. Or, il se limiterait à accorder la personnalité juridique aux territoires pour régler le problème du personnel. Les autres sujets seraient déterminés par le Parlement par voie d'amendements. Dans quelles conditions pourrons-nous débattre au Sénat et à l'Assemblée nationale si le Gouvernement ne présente pas ses positions ? Je redoute que l'article 12 ne soit détricoté, ce qui aboutirait à la création d'une métropole molle, dépourvue de moyens financiers. Une telle situation qui durerait 15 ou 20 ans serait préjudiciable, nous avons suffisamment tardé à créer la grande métropole parisienne.
M. Christian Favier. - Je partage au moins une interrogation commune avec Philippe Dallier, elle concerne la position du Gouvernement à l'égard des propositions formulées par le Conseil des élus de la région parisienne sur la réécriture de l'article 12. Philippe Dallier a eu raison de souligner que cette démarche est très largement majoritaire au sein de Paris Métropole et du Conseil des élus, qui est plus large que l'association Paris Métropole. L'article 12 est de fait pratiquement inapplicable dans sa rédaction actuelle, ce qui a conduit les élus à souhaiter sa réécriture, le Premier ministre a accepté cette demande. Nous attendons la réponse du Gouvernement sur cette proposition des élus de la métropole. Celle-ci ne peut pas tout faire ; elle ne peut se retrouver chargée de fonctions opérationnelles et exécutives.
Le Grand Paris doit être principalement doté de fonctions très stratégiques sur des sujets limités, et s'attaquer aux sujets les plus complexes comme celui du logement. Les élus s'accordent sur la nécessité d'accélérer le travail sur ce sujet pour répondre aux besoins de logements dans notre région.
La création de seuils de territoires de 300 000 habitants me semble un peu rigide. Paris sera un territoire à lui-seul, alors que la ville compte plus de 2 millions d'habitants, contre 300 000 à 400 000 habitants dans les autres territoires. Il aurait été possible d'imaginer des territoires réunissant Paris et sa banlieue, afin de franchir le périphérique et faire travailler ensemble certains arrondissements parisiens avec des communes de première couronne.
Je souhaite poser deux questions complémentaires sur le calendrier. Il semblerait, contrairement à ce que le Premier ministre a indiqué à Pau, qu'il n'y aurait pas une lecture de la loi NOTRe dans chaque chambre avant les élections cantonales, alors que le Gouvernement s'était engagé sur ce point. Cette décision signifierait que les élections départementales seraient confirmées au mois de mars, à la suite d'une lecture au Sénat, mais sans connaître l'avis de l'Assemblée nationale, ce qui serait problématique compte-tenu de l'importance du sujet.
En outre, il a été confirmé qu'il y aurait des élections au mois de mars 2014. Pouvez-vous confirmer que les élus qui seront désignés siégeront 6 ans quels que soient les départements ? C'est une question de respect du suffrage universel et des électeurs. Nous devons expliquer aux électeurs si les candidats qui se présenteront assumeront un mandat complet ou partiel. J'aimerais une réponse de la Ministre sur ce point.
M. Christian Manable. - Le projet de réforme territoriale s'est-il penché sur le sort des gestionnaires de collège, qui dépendent actuellement d'une double autorité ? Cette situation n'est satisfaisante ni pour le chef d'établissement, ni pour le gestionnaire, ni pour le président du conseil général.
M. Alain Richard. - Le ministère et la DGSE peuvent-ils faire le point juridique sur la délégation de l'exercice de compétence entre collectivités territoriales ? Une partie significative des débats sur le rattachement de compétence peut être synthétisée à travers le mécanisme de délégation par la collectivité en principe compétente, département et région, ou entre grandes intercommunalités et communes. Il existe de nombreuses conventions de délégation d'exercice de compétence. Il serait précieux que le ministère présente le bilan de cette initiative et indique si une mise au point législative de cette pratique est requise, et si elle a trouvé son équilibre et sa sécurité juridique.
La seconde observation concerne la réduction du nombre des syndicats de communes. Tout dépend de ce que l'on estime pouvoir faire de leurs compétences. L'intégration de certains syndicats départementaux pourrait constituer une bonne affaire pour certains départements qui intégreraient leurs compétences et leurs ressources. Ces syndicats de communes peuvent devenir départementaux, mais je redoute une démarche d'aubaine de la part des conseils généraux. En outre, ces syndicats perdurent car leur ressort et leur type de compétence n'est pas aisément réductible à celui des communautés existantes.
Si des préfets font une politique du chiffre, je redoute que certaines compétences se retrouvent orphelines. La réforme de 1996 permet de créer des syndicats à la carte. Certains syndicats peuvent exercer certaines compétences pour une partie de leurs membres. Il existe une solution consistant à transférer les compétences aux communautés, mais je voudrais m'assurer que ce système est correctement testé. Un syndicat à la carte est doté de deux budgets. Le fait d'intégrer ce type de syndicat risque de générer des inconvénients supérieurs aux avantages. En l'absence de solution pratique pour l'inclusion des compétences des syndicats dans les communautés, il faut se demander s'il est intéressant de les supprimer.
Enfin, en ce qui concerne la métropole du Grand Paris, je comprends la préoccupation de Philippe Dallier. Vaut-il mieux une évolution praticable et acceptée plutôt qu'un bouleversement dont de nombreuses conséquences ne sont pas connues, et qui sont largement écartées par les collectivités composantes ? La mise en commun d'un nombre limité, mais praticable, de compétences métropolitaines constituerait un progrès important. La construction telle qu'elle résulte de la loi de janvier 2014 fonctionnerait difficilement.
Avant que le Gouvernement se prononce sur le sujet, je rappellerais une phrase de Michel Rocard, affirmant qu'il n'est pas très efficace de tirer sur une pousse de blé pour la faire pousser plus vite.
M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale. - Le débat est ouvert sur les compétences départementales. Le projet de loi ne recueille pas l'assentiment unanime des conseils généraux sur les collèges et les routes. En ce qui concerne les transports, certains présidents de conseils régionaux, notamment Martin Malvi, comme il l'a indiqué hier en Midi-Pyrénées, estiment pertinent de conserver la compétence des cars et des trains plutôt que celle des routes.
Un élément très important de la loi portée par Marylise Lebranchu concerne la conférence territoriale de l'action publique (CTAP). Il est possible de transférer de nombreuses compétences aux régions, mais celles-ci pourront être déléguées ou subdéléguées aux départements. La loi apportera beaucoup de souplesse, même s'il convient d'attendre le débat parlementaire pour voir comment évolue la situation.
Le débat relatif au seuil des intercommunalités est passionnant. La situation diffère selon les départements. Dans les Hautes-Pyrénées, de nombreux élus pensent que le seuil de 5 000 habitants est suffisant. Dans d'autres départements, le seuil de 20 000 habitants est jugé trop petit. Certains élus envisagent de déposer un amendement à l'Assemblée nationale portant le seuil minimal à 50 000 habitants. La souplesse dépendra des dérogations accordées dans chaque commission départementale. Tout le monde se réclame de la notion de bassin de vie, mais sa définition varie selon les départements et les organismes.
Par exemple, l'INSEE identifie 1 700 bassins de vie en France, regroupant 38 000 habitants en moyenne. Le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) considère que le seuil de 20 000 habitants est optimal. Le seuil de 3 000 à 5 000 habitants semble préférable dans certaines zones de montagne des Midi-Pyrénées.
Le mandat des conseillers généraux a été porté à 6 ans lors de l'examen de la carte au Sénat. L'Assemblée nationale a laissé ce délai de 6 ans, fixant la fin du mandat de 2021.
La question des gestionnaires de collège est pertinente. Il paraît logique rétrospectivement d'avoir transféré les TOS aux conseils généraux, même si le sujet ne faisait pas l'unanimité. Il convient de se demander s'il faut faire de même pour les gestionnaires.
En ce qui concerne les délégations de compétence, il existe la délégation de l'État vers les collectivités locales, conformément à l'article L. 1111-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), et d'autre part l'article L. 1111-8-1 de la loi MAPTAM prévoit des délégations entre collectivités. Des expériences sont menées, y compris dans mon département. Pour cette raison, la présentation d'un bilan serait prématurée.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique. - Je vous remercie pour vos questions. Le Premier ministre a affirmé qu'il restait du temps pour réfléchir à l'avenir des départements. C'est notre responsabilité. L'objectif est de clore les réflexions d'ici 2020 au plus tard. Il faudrait arrêter les idées au début de l'année 2017.
Le Grand Paris représente 0,3 point de PIB pour la France. Nous perdons des installations parce que notre système d'installation des entreprises est extrêmement complexe. Le maire de Gennevilliers explique qu'il reçoit quinze demandes de création d'entreprises et que la plupart des autres se sont installées en dehors d'Ile-de-France parce qu'il est plus simple de demander à Orléans, Blois ou Reims d'accueillir des entreprises. Il est important de garder ce sujet en tête en ce qui concerne le redressement de la France.
Le travail de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris suppose de répondre favorablement à un certain nombre de ses propositions. Les territoires doivent gérer du personnel et des ressources transférées. Le processus doit être progressif à condition que la date de départ soit inchangée. Le taux de cotisation foncière des entreprises (CFE) s'étend de 5 à 30 % en Ile-de-France. Ce dumping en matière d'installation des entreprises impose de lisser les taux, éventuellement sur plusieurs années ou à l'horizon de dix ans. Il est important d'apporter des réponses pour répondre aux préoccupations des entreprises installées dans les territoires.
Le projet n'avancera pas si nous maintenons la possibilité pour les territoires de lever l'impôt. Si la CFE demeure de la responsabilité des territoires, rien ne les obligera à lisser les taux, et le dumping économique restera extrêmement fort dans la région parisienne, laissant subsister le côtoiement de l'hyper richesse et de l'hyper pauvreté. Des réserves de 90 millions d'euros dans certaines communes soulèvent des questions sur la pertinence des transferts de l'État utilisés pour constituer ces réserves.
Je défends les territoires sans fiscalité propre car je pense que celle-ci serait dangereuse. La population, un certain nombre d'acteurs économiques, les organisations, les créateurs et la métropole font leur chemin plus vite que les élus. Nous ne savons pas ce que sera la version définitive de cet article puisque la responsabilité de fixer son texte incombe au Parlement. Les élus des autres territoires français n'accepteront pas que la métropole perçoive dans n'importe quelles conditions 80 millions d'euros de dotation supplémentaire dans un contexte de baisse des dotations. Nous avons un souci de justice vis-à-vis de l'ensemble des territoires français, cela implique le bon fonctionnement de la métropole parisienne.
Je serais très déçue pour mon pays si nous reculions à ce point. Nous n'avons peut-être pas été assez attentifs aux impôts économiques dans la mission de préfiguration, car le transfert de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à la métropole concerne un impôt sur lequel nous n'avons pas de pouvoir de taux. Il serait regrettable de laisser la CFE aux territoires puisque cet impôt est lié à un taux. La CVAE peut plus facilement que la CFE être laissée aux territoires.
La main appartient au Parlement. La commission des Lois se réunit le 10 décembre prochain. Nous devons déposer notre amendement, dont j'ai présenté l'esprit. Je ne pense pas que le Premier ministre présentera un autre point de vue, mais je ne sais pas ce qu'il dira. Il faut faire attention de ne pas inciter à une remise en question du rôle du conseil des territoires sur la métropole de Lyon. Certaines métropoles refusent de porter des compétences départementales, même si les départements le leur demandent.
Après la négociation conduite avec les syndicats sur les formations, je confirme que les régions participeront à la conception du schéma des formations. Les formations de type CFA/Alternance viennent en concurrence des formations dispensées dans les lycées techniques, professionnels ou agricoles. Les personnels seraient mis à disposition des régions.
M. Philippe Dallier. - Je me réjouis de ce propos, en espérant que nous irons au bout de ce projet. Vous êtes en train de demander aux élus de tracer le périmètre des territoires sans connaître les compétences respectives de la métropole et des territoires et encore moins les ressources qui leur seront attribuées. Les projets de territoire des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis sont très impressionnants pour atteindre de 600 000 à 800 000 habitants dans un territoire qui en compte actuellement 1,6 million. Les maires qui ne comprennent pas grand-chose au sujet s'intéressent à la problématique des territoires sans en maîtriser les tenants et aboutissants.
Je suis inquiet : dès lors que le pouvoir fiscal resterait du ressort des territoires, ceux-ci se constitueraient pour des raisons fiscales. Les périmètres des territoires de région parisienne peuvent être extrêmement différents selon les choix. La méthode du Gouvernement me perturbe. La mission de préfiguration travaille dans ce sens. Les élus se positionnent dans plusieurs directions sans savoir quoi faire.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique. - La première lecture du texte dans les deux assemblées aura lieu avant les élections cantonales prévues en 2015. Nous connaîtrons la tendance des amendements à la suite de ces lectures.
Nous sommes confrontés par ailleurs au fait que de nouveaux élus qui ont bâti un programme purement communal font face à une intercommunalité qu'ils connaissent peu ou mal.
J'ai réuni tous les présidents d'intercommunalité qui le souhaitaient. D'une manière générale, je félicite tous les élus qui avancent vite et qui vont assez loin. Quelques-uns voudraient revenir à un fonctionnement plus convivial, mais ils ont largement compris que l'efficacité doit être à l'ordre du jour. Certaines oppositions restent affirmées. Le maintien de grandes intercommunalités autour des métropoles passe assez bien si l'on considère que de grands éléments de développement comme Roissy, Saclay et Marne-la-Vallée restent en dehors de la métropole.
J'ai le sentiment d'avancer rapidement malgré les affirmations de polycentrisme autour de la grande couronne. La discussion progresse, mais elle nécessite beaucoup d'engagement personnel. Il est plus facile de prendre des risques en tant qu'élu qu'en tant que représentant de l'État, mais c'est le propre d'un ministre que de se mettre en danger.
M. Georges Labazée. - Il me semble important de faire acte de prudence. Je suis pour ma part très respectueux des représentants de l'État dans les départements. Je pense néanmoins que leur hâte crée parfois des confusions alors que la loi n'est pas votée et que la disposition fixant la taille des intercommunalités ne sera probablement pas adoptée en l'état. En écoutant André Vallini, j'ai la confirmation que la souplesse apportée par le législateur gommera des annonces qui ont inutilement raidi les élus et les populations.
M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale. - La situation diffère selon les préfets. De nombreux élus souhaitent une adoption rapide de la loi NOTRe car la période d'incertitude est pesante.
M. Jean-Marie Bockel, président. - Au cours de l'été 2014, les élus posaient de nombreuses questions sur le texte qui arrive à présent au Sénat.
Nous avons eu un échange intéressant et fructueux. Je voudrais vous dire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, que le bureau du Sénat a travaillé sur la question de l'inflation normative. Le premier vice-président de notre délégation, Rémi Pointereau, aura un engagement particulier sur cette question, qui sera suivie par plusieurs collègues au sein d'un groupe de travail que nous allons créer. Il serait intéressant que l'exécutif tienne compte de ce sujet important. Je vous remercie infiniment pour cet échange.