Mercredi 15 avril 2015
- Présidence commune de M. Hervé Maurey, président, et de M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales -Santé environnementale - Communication
La réunion est ouverte à 11 h 20.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. - Mes chers collègues, nous poursuivons notre matinée de travail pour une réunion conjointe avec la commission du développement durable.
Avec son président, Hervé Maurey, nous avions été saisis d'une demande conjointe d'Aline Archimbaud et de Chantal Jouanno, en vue de mener une mission sur les liens entre santé et environnement, visant notamment à identifier les maladies et les problèmes de santé ayant un lien avec les pollutions environnementales, les facteurs d'exposition et les populations concernées.
Nous avons estimé, avec Hervé Maurey, qu'il s'agissait là, effectivement, d'une problématique importante, ouvrant cependant un champ d'investigation très vaste sur lequel plusieurs agences sanitaires ont reçu mission d'expertiser les travaux scientifiques et de conseiller les pouvoirs publics.
Nous avons donc demandé à nos collègues de présenter à nos deux commissions un point sur l'état des travaux des organismes publics concernés et des administrations compétentes en matière de santé environnementale.
Celles-ci ont mené une douzaine d'auditions et ce sont les conclusions de ce travail qu'elles ont souhaité nous présenter aujourd'hui.
Nous pourrions ainsi apprécier si certains sujets soulèvent des questions d'ordre législatif et méritent une étude plus précise dans la perspective de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la santé.
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. -C'est la première fois que nous réunissons ensemble nos deux commissions et j'en suis très heureux.
Nos collègues Aline Archimbaud et Chantal Jouanno connaissent bien ce sujet particulièrement important de la santé environnementale. Plusieurs de ces sujets ont déjà été étudiés par ailleurs par le Sénat : je pense par exemple aux travaux entrepris par l'Office des choix scientifiques et technologiques sur les pesticides, les nanotechnologies, les lignes à haute tension, les ondes électromagnétiques ou les perturbateurs endocriniens. Je pense aussi aux missions d'information sur l'amiante ou les pesticides. Je pense enfin aux travaux en cours de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air.
Mais il nous manque, il est vrai, une vision d'ensemble. C'est l'intérêt de ce que nos deux collègues ont souhaité faire et je les en remercie plus spécialement dans la perspective du projet de loi relatif à la santé. Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait intégré un volet de santé environnementale au projet de loi.
Nos concitoyens aussi sont de plus en plus attentifs à ces sujets : ils se posent des questions et se soucient plus qu'avant de l'impact sur leur santé et celle de leurs enfants d'un certain nombre de risques auxquels ils sont exposés.
Aussi, il y a un vrai paradoxe à constater le faible engagement du Gouvernement sur la santé environnementale. Les sommes consacrées à la recherche sont inférieures à ce qu'elles sont dans d'autres pays. Les politiques de prévention sont nettement insuffisantes voire inexistantes et, comme souvent dans notre pays, on réagit trop tard.
Le travail de nos collègues va éclairer ce constat et je leur cède bien volontiers la parole.
Mme Aline Archimbaud. - Nous avons été mandatées par les présidents des deux commissions des affaires sociales et du développement durable afin de mener une série d'auditions sur le thème de la santé et de l'environnement. L'objectif était de faire un bilan des connaissances scientifiques à ce jour et un état des politiques publiques existant en France sur le sujet, dans la perspective de l'examen du projet de loi santé. Nous avons rencontré une dizaine de structures officielles en un mois et demi, dont l'Anses, l'Inserm, l'Inca, l'Académie de médecine, le Haut conseil en santé publique, ou encore, du côté des services, le directeur général de la santé et la direction générale de la prévention des risques.
Nous avons également pu nous appuyer sur les nombreux rapports parlementaires ayant approfondi ces questions ces dernières années. Sans tous les citer, il s'agit notamment du rapport de Gilbert Barbier sur les perturbateurs endocriniens de 2011, du rapport de Sophie Primas et Nicole Bonnefoy sur l'impact des pesticides sur la santé de 2012, du rapport de Daniel Raoul sur les nanotechnologies de 2006, ou encore du rapport de Daniel Raoul également sur les effets des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute tension.
Au terme de nos auditions, il ressort avant tout un constat assez marquant : il y a eu une véritable prise de conscience et une profonde évolution des connaissances en un laps de temps très court. Le premier plan national santé environnement (PNSE) ne date que de 2004. Il y a quelques années, les chercheurs parlaient un peu de l'impact sur la santé de l'exposition tout au long de la vie à de faibles doses de polluants. Ils parlaient aussi un peu des produits qui, comme les perturbateurs endocriniens, ont un impact particulièrement important sur les personnes qui y sont exposées à un âge précis de la vie (c'est l'effet dit « fenêtre » sur les foetus notamment). Aujourd'hui, ces notions se sont précisées, documentées. Elles sont admises par l'ensemble de la communauté scientifique. Nous ne sommes plus dans la vision linéaire pasteurienne qui identifiait une cause pour une maladie. Les pathologies chroniques qui représentent la majorité de nos dépenses ont des origines multifactorielles. Elles résultent aussi de l'impact à long terme de faibles doses, de l'exposition à des pollutions à des périodes précises de la vie, de l'exposition à des cocktails de pollution.
De fait, la notion d'exposome s'est imposée en matière d'évaluation des risques. Elle a été intégrée par les députés à l'article 1er du projet de loi relatif à la santé. L'exposome tend à donner une vision globale et complète de l'ensemble des expositions aux agents chimiques, physiques et infectieux auxquels un individu est soumis, tout au long de sa vie. La perspective, à terme, est de pouvoir superposer les différentes cartes de lecture du vivant (génome, exposome) afin d'améliorer la prévention et de délivrer une médecine prédictive personnalisée.
La meilleure connaissance de l'impact de l'environnement sur la santé se heurte pourtant à la logique encore profondément curative de notre système. Je prendrai un seul exemple : le projet de loi santé ne prévoit pas, à ce stade, de réduire les expositions auxquels sont soumis les foetus ou les adolescents, alors que ce sont là des étapes identifiées par toutes les agences comme critiques pour le développement. Ce serait pourtant une mesure de prévention ayant un impact direct sur la santé humaine.
La question de la prévention est donc cruciale aujourd'hui pour la sécurité sociale. Les expositions environnementales, tout au long de la vie, ont un impact direct établi par de grandes études internationales et françaises sur les pathologies, souvent chroniques, les plus répandues : allergies et asthme, maladies cardiovasculaires, diabète, Parkinson et Alzheimer, cancers. L'incidence des affections de longue durée a doublé en France en 20 ans, dans une progression qui ne peut pas s'expliquer uniquement par le vieillissement ou l'amélioration de la prévention et du dépistage. En 2009, les maladies chroniques touchaient plus de 23 millions de personnes et représentaient 83 % des dépenses d'assurance maladie. À titre d'exemple, la seule pollution de l'air, qui est à l'origine de nombreuses maladies de l'appareil respiratoire, représenterait un coût pour le système de soins évalué entre 0,9 et 1,8 milliard d'euros par an.
Pour effectuer une présentation aussi complète que possible de ces risques, nous allons procéder en deux temps, en distinguant, d'une part, les risques connus, d'autre part, les risques émergents.
Pour faire une typologie des risques santé-environnement, il convient tout d'abord en effet de se pencher sur les risques connus depuis de nombreuses années. Pour ces risques, il ne s'agit plus de déterminer s'il y a un impact sur la santé mais de le prévenir afin de protéger les populations. L'objectif n'est pas ici de dresser un panorama exhaustif des problématiques avérées en matière de santé environnementale, mais simplement de donner un aperçu des éléments que nous avons pu recueillir en un temps très limité. Il faut également garder à l'esprit que les scientifiques reconnaissent eux-mêmes que la liste exhaustive des polluants environnementaux et de leur hiérarchie n'est pas connue aujourd'hui.
Concernant les polluants liés à l'exploitation de matières premières ou liés à l'activité humaine, le sujet est globalement celui du respect des normes existantes ou de leur renforcement. L'un des risques les mieux documentés, mais toujours présent, est celui de l'exposition à l'amiante. Il a été envisagé, lors de l'élaboration du projet de loi santé, de prévoir des sanctions administratives en matière de gestion du risque amiante. Selon les informations que nous avons pu recueillir, cette option, qui aurait permis de mettre en oeuvre des sanctions plus légères et plus effectives que des sanctions pénales, s'est heurtée à des oppositions au niveau des arbitrages interministériels. Il faudra y réfléchir quand la loi santé nous arrivera.
En matière d'amiante, le principal défi reste aujourd'hui le désamiantage, ainsi que l'avait relevé l'année dernière le comité de suivi créé au sein de la commission des affaires sociales, composé de membres issus de l'ensemble des groupes politiques du Sénat. Le groupe de suivi a formulé dans son rapport 28 propositions tendant notamment à améliorer le pilotage de la politique de désamiantage, renforcer la qualité du diagnostic amiante, mieux protéger les travailleurs et les populations.
Par ailleurs, en matière d'amiante, une problématique a récemment émergé : celle de l'actinolite.
En juillet 2013, à l'occasion d'opérations de repérage d'amiante industriel avant travaux dans le département des Deux-Sèvres, des analyses ont identifié, dans les granulats des enrobés routiers, des traces d'amiante actinolite. L'actinolite est une roche naturelle dont l'une des variétés présente des caractéristiques amiantifères. Cette découverte a conduit à suspendre de nombreux chantiers en France. Dans l'attente de la définition d'un protocole de test fiable et partagé, les méthodes d'expertise sont aujourd'hui en débat. Un groupe de travail réunissant l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et les organisations professionnelles a été mis en place par le ministère de l'écologie pour travailler à cette définition, dont les conséquences seront lourdes. Le sujet mériterait en tout état de cause d'être approfondi dans le cadre de nos travaux.
Concernant le radon, gaz radioactif d'origine naturelle auquel l'exposition régulière accroît le risque de développer un cancer du poumon, la problématique est très localisée. Il existe une carte des départements dans lesquels la gestion du risque radon est prioritaire (essentiellement le centre de la France, la Bretagne et la Corse). Des mesures de prévention existent afin de diminuer la présence de radon dans les bâtiments, avec des aides financières de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour réaliser les travaux nécessaires.
Troisième risque avéré, et considéré comme prioritaire pour le ministère de l'écologie : la pollution de l'air. On dispose aujourd'hui d'évaluations précises des morts prématurées causées par la pollution de l'air extérieur et intérieur : l'OMS les a chiffrées à 7 millions pour l'année 2012. La commission d'enquête créée à l'initiative du groupe écologiste doit permettre de faire le point sur le coût économique et financier de cette pollution.
Nous n'avons pas pu creuser le champ de la pollution de l'air intérieur au cours de nos auditions. Il semble pourtant qu'il y ait là une marge importante en matière d'évaluation des risques et de prévention.
La pollution de l'air est par ailleurs assez emblématique du décalage qui existe en matière de réglementation entre milieu professionnel et milieu général. Un exemple, abordé au cours des débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique : l'exposition aux particules fines. Alors que le taux d'exposition autorisé pour les travailleurs dans les locaux à pollution spécifique, comme le métro, est encadré par le code du travail, il n'existe pas de normes pour la population générale en matière d'air intérieur. Or, on sait que le métro, notamment, est l'endroit où l'exposition aux particules fines est la plus forte.
Concernant les UV, là aussi, le risque est avéré et bien connu et documenté par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'Académie de médecine recommande depuis de nombreuses années l'interdiction pure et simple des cabines de bronzage. Chantal Jouanno l'avait proposé avec Bernard Cazeau au cours de la mission sur les dispositifs médicaux. Il faudra aborder cette question au cours de l'examen de la loi santé.
Pour finir, concernant l'impact des pesticides sur la santé, une expertise collective de l'INSERM a fait le point en 2013 sur l'ensemble des risques sanitaires connus et avérés. D'après les données de la littérature scientifique internationale des 30 dernières années, il apparaît qu'il existe une association positive entre l'exposition professionnelle aux pesticides et certaines pathologies chez l'adulte : maladie de Parkinson, cancer de la prostate et certains cancers (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples). Par ailleurs, les expositions aux pesticides intervenant au cours des périodes prénatale, périnatale et durant la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l'enfant. Les études se multiplient et réduisent à chaque fois l'étendue des doutes scientifiques. Une décision du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le 20 mars dernier, a classé le glyphosate, molécule à la base du Roundup, l'herbicide le plus utilisé au monde, dans la catégorie 2A de son classement, c'est-à-dire comme cancérogène probable.
Mme Chantal Jouanno. - Notre deuxième axe de réflexion au cours de ces travaux a été d'identifier et de faire le bilan des connaissances en matière de risques émergents. Plutôt que de parler de risques émergents, il nous a d'ailleurs été suggéré de parler de « risques à forte incertitude scientifique ».
L'enjeu central qui ressort des auditions menées sur ce sujet est le soutien de la recherche. En matière de santé environnementale, la preuve épidémiologique arrive bien souvent trop tard. Comme nous l'ont rappelé nos interlocuteurs, le lien entre corrélation épidémiologique et causalité médicale n'est pas toujours évident à établir. À titre d'exemple, en matière d'ondes électromagnétiques, la corrélation entre exposition aux basses fréquences et leucémies chez les enfants est présente et étudiée depuis 1979 mais le lien de causalité n'est toujours pas établi. Dans son avis de 2013 sur l'effet des radiofréquences sur la santé, l'Anses relève une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables. Cette conclusion est cohérente avec la position du CIRC qui classe les radiofréquences comme cancérogène possible pour les utilisateurs intensifs des téléphones mobiles.
Il apparaît donc nécessaire de favoriser les recherches multidisciplinaires sous l'égide des grands regroupements comme Avicent : cela permet d'allier recherche épidémiologique, recherche biologique et recherche médicale.
Les études épidémiologiques requièrent des financements pérennes afin de mesurer l'impact des expositions multiples sur la santé des populations. La cohorte Estéban, actuellement en cours de suivi, nécessite 8 millions d'euros pour fonctionner mais n'a pas de garanties de pérennité.
Sur ce sujet du financement, plusieurs points nous semblent devoir être approfondis. Le financement des appels d'offres mais aussi leur forme devraient être adaptés à la prise en compte des problèmes spécifiques de santé environnementale. Les acteurs du secteur ont souligné la perte de structuration voire de mobilisation des chercheurs français compétents dans ces secteurs, à la suite de la modification des appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche. L'enjeu est véritablement celui du maintien d'une compétence de la recherche française en santé environnementale.
Au-delà de cet enjeu global en matière de recherche, deux sujets d'attention sont ressortis de cette première série d'auditions en matière de risques émergents : les perturbateurs endocriniens et les nanoparticules.
Les perturbateurs endocriniens sont une bonne illustration de la dimension fortement européenne de la problématique santé-environnement. Ainsi que l'indiquait notre collègue Gilbert Barbier dans son rapport, les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle, étrangères à l'organisme, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système hormonal et induire des effets délétères sur l'individu ou sur ses descendants.
L'Europe a adopté en 1999 une stratégie communautaire sur les perturbateurs endocriniens. L'enjeu à court terme était d'établir une liste, au niveau européen, des substances reconnues prioritaires. Quinze ans plus tard, il n'existe toujours pas de définition des perturbateurs. Le poids du lobbying des industriels européens sur cette question a été décisif. En effet, en fonction de la définition retenue, une liste plus ou moins longue de produits tombe sous le coup de la définition.
En France, le bisphénol A, perturbateur endocrinien reconnu, a été interdit. Selon les informations qui nous ont été fournies, cette interdiction risque de placer la France sous le coup d'un contentieux communautaire. La législation européenne est en effet très stricte sur ce type de moratoires : il faut avoir démontré la proportionnalité de l'interdiction, ainsi que son caractère non discriminatoire. Or, les négociations au niveau européen se heurtent souvent à la difficulté pour les pouvoirs publics de chiffrer les bénéfices économiques attendus d'une mesure de santé publique, tandis qu'il est facile pour les industriels d'évaluer le manque à gagner provoqué par une telle interdiction.
Pour autant, là aussi, la recherche progresse. Plusieurs études récentes ont chiffré le coût des perturbateurs endocriniens pour la société, avec d'importantes variations dans les chiffres, qui tiennent à l'instabilité de la définition :
- selon le rapport de l'Alliance pour la santé et l'environnement (Health and Environment Alliance, HEAL) du 18 juin 2014, ce coût serait de 5 milliards d'euros pour le système de santé allemand, de 4 milliards d'euros par an pour le système français et de 31 milliards d'euros au niveau européen ;
- un rapport encore plus récent, de 2015, paru dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism évalue à plus de 150 milliards d'euros le coût sanitaire pour l'Union européenne de l'exposition des populations à ces substances, dont 45 milliards pour la France.
Là encore, vous le voyez, des approfondissements de nos travaux seraient utiles sur les perturbateurs endocriniens.
Autre risque émergent qu'il conviendrait d'étudier en détail : les nanoparticules. Nous n'avions pas prévu, à l'origine, de soulever cette question. Mais nos interlocuteurs, tous membres d'instances officielles, ont manifesté le souhait de le voir inscrit dans nos débats. La France est relativement pionnière sur cette question, dans la mesure où elle impose une déclaration aux pouvoirs publics pour les entreprises important et fabriquant des produits à base de nanomatériaux. Ces déclarations ont permis de constater l'importation ou la fabrication de 400 000 tonnes de nanomatériaux, dans des secteurs qui vont des peintures aux cosmétiques, en passant par l'alimentation et le textile.
Il faut développer la recherche sur ces matériaux, ce qui implique de les définir et de mettre en place un protocole d'étude adapté. À ce jour, il nous a été indiqué que la définition des nanoparticules se fonde sur leurs dimensions, et non sur des notions de risque.
Aux États-Unis, un programme de recherche fédéral, le National Nanotechnology Initiative (NNI), regroupe les travaux relatifs aux nanomatériaux de 20 départements et agences gouvernementales. Son budget 2015 s'élève à 1,5 milliard de dollars, dont 105 millions sont consacrés aux questions sanitaires et environnementales... On mesure facilement le retard considérable pris en Europe dans la recherche sur ce sujet, et les conséquences que cela implique ensuite en termes de prévention des risques. L'Ineris nous a indiqué l'écart particulièrement important qui existe entre les budgets alloués par les entreprises pour développer des nanoparticules et les budgets de recherche en France ou en Europe qui ne dépassent pas le million d'euros.
Les personnes auditionnées ont particulièrement insisté sur l'importance d'une prise en compte des risques liés aux nanoparticules qui se trouvent désormais dans un nombre considérable de produits de consommation mais dont le suivi est incomplet et l'évaluation encore insuffisante. Vous serez probablement comme nous surpris d'apprendre qu'on retrouve des nanomatériaux jusque dans les enrobages en dragée de nos chewing-gums...
De manière générale, après ce bref état des lieux des connaissances en matière de santé environnementale, il ressort des auditions qu'il est urgent de trouver les moyens de sortir du modèle « crise sanitaire - réaction des pouvoirs publics ». Ce n'est pas un mode d'action efficace, surtout quand la santé de la population est en jeu.
Il nous semble nécessaire de poursuivre les travaux débutés : de nombreuses pistes de travail intéressantes restent à explorer. Après ce point d'étape, il nous semble important de réaliser un rapport d'information. De nombreux amendements santé-environnement ont d'ores et déjà été adoptés à l'Assemblée nationale, de manière transpartisane, dans le cadre de la loi santé. Le Sénat pourrait utilement compléter et enrichir cette démarche par la réalisation d'un travail de fond sur le sujet.
Nous pensons notamment à la réalisation d'une étude de droit comparé qu'il nous a été impossible de mener faute de temps. Un pays comme la Suède, qui a pris des mesures de réduction de l'exposition de certaines catégories de la population aux facteurs de risques environnementaux, semble constituer un bon exemple.
M. René-Paul Savary. - Je remercie vivement nos deux collègues pour leur communication. Je souhaite revenir sur le problème de l'amiante, notamment dans les enrobés des routes. En France, les normes sont tellement drastiques comparées à celles des autres pays d'Europe que nous sommes extrêmement pénalisés dans nos investissements routiers. La toxicité des hydrocarbures aromatisés, utilisés depuis plusieurs années, engendre également des coûts majeurs de retraitement, sans compter les mesures de protection nécessaires pour les personnels travaillant sur les routes : les répercussions économiques sont donc très importantes.
Il faut absolument réaffirmer le principe d'innovation, pour encourager les investissements sans compromettre la santé de nos concitoyens : faisons donc avancer la recherche, avant d'interdire ! Si on ne trouve pas de solutions de substitution de moindre impact sur la santé, tout en restant financièrement supportables, on est dans une impasse.
M. Louis Nègre. - Je tiens à souligner que nous sommes très nombreux aujourd'hui : cela prouve que la santé environnementale est un sujet important qui touche tous les Français.
M. Hervé Poher. - Je remercie à mon tour Chantal Jouanno et Aline Archimbaud pour leur état des lieux des connaissances, des certitudes, mais aussi des incertitudes en matière de santé environnementale.
Vice-président en charge de la santé et de l'environnement pendant 18 ans au conseil général du Pas-de-Calais, j'ai pu constater trois réalités : tout d'abord, mon département est le premier touché en termes de cancers et de maladies cardio-vasculaires. Triste record qu'on impute de manière un peu simpliste à un tropisme pour la bière et les frites...
Ensuite, il existe des poches de pathologies qui, d'après les experts, correspondent à la carte du chômage. Je note qu'elles coïncident aussi, étrangement, avec celle des bassins industriels...
Enfin, les analyses de l'eau en Pas-de-Calais sont très mauvaises : on y trouve tellement de substances qu'on pourrait rédiger un catalogue de La Redoute ! Cela m'avait d'ailleurs malheureusement poussé à demander à Jean-Louis Borloo de reculer à 2021, puis 2027, l'application de la directive-cadre sur l'eau. Le bassin Artois-Picardie doit assumer un passé industriel et de champs de batailles, et un présent agricole : inutile de vous en détailler les conséquences !
Je suis donc persuadé que la mauvaise santé des citoyens du Pas-de-Calais est liée à un environnement néfaste. D'où ma question : a-t-on vraiment encore besoin de certitudes scientifiques, ou le silence sur les questions de santé environnementale est-il dû à une omerta pour raisons économiques ?
J'en profite pour rappeler que le problème posé par l'amiante avait déjà été soulevé en France en...1904 !
Mme Laurence Cohen. - Je remercie à mon tour nos collègues pour les informations qu'elles nous ont fournies, et je précise d'emblée que je souscris tout à fait à leur proposition de poursuivre ce travail : beaucoup de pistes sont à approfondir.
Alors que la prise de conscience des effets de l'environnement sur la santé s'affirme, on constate que les mesures prises ne sont pas à la hauteur des enjeux. J'ai d'ailleurs récemment interrogé Ségolène Royal sur la baisse de 15 % de la subvention d'Airparif. Son action est pourtant essentielle : le 18 mars dernier, Paris a été la capitale européenne la plus polluée, et l'alerte a justement été lancée par Airparif !
Le rapport de Chantal Jouanno et Aline Archimbaud et les interventions de mes collègues vont dans le même sens : il faut plus de moyens pour la recherche et la prévention. Comment peut-on débloquer des fonds alors même que le gouvernement annonce des budgets de plus en plus contraints ?
Je me demande également où en est la recherche. Que font les industriels ? On a montré que les sels d'aluminium migraient vers le cerveau, mais on continue de les ajouter dans de nombreux produits utilisés au quotidien. Le même débat avait déjà eu lieu avec l'amiante et le bisphénol A. Il faut développer des produits alternatifs, moins dangereux, et pour cela il faut soutenir la recherche, qui pour l'instant n'aboutit pas.
Mme Évelyne Didier. - Je joins ma voix aux remerciements déjà exprimés.
L'un des facteurs de difficulté est l'exposition multiple. Cela va d'ailleurs devenir un problème dans tous les domaines lorsqu'il s'agira d'établir la responsabilité des uns et des autres.
Il semble évident qu'on ne pourra pas résoudre le problème sans une politique de prévention solide sur l'ensemble de la population, et pas seulement sur les personnes fragiles - les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées...
Avez-vous pu aborder les conséquences de la radiation ionisante des aliments ? C'est une pratique de plus en plus courante qui doit nous alerter.
Mme Chantal Jouanno. - Je tiens à préciser que notre rapport n'évoque que les points soulevés par les agences auditionnées : c'est la raison pour laquelle on a abordé les nanoparticules, mais pas les radiations ionisantes. Nous ne voulions pas orienter les débats ; nous avons choisi de laisser les agences nous parler librement des problèmes qu'elles avaient identifiés.
Je crois que la vraie difficulté tient au fonctionnement de notre système de santé, pensé pour les maladies « transmissibles ». Pour chaque symptôme, on a une cause identifiée. Les effets de l'environnement sur la santé se déclinent eux sous trois formes : l'impact à long terme de l'exposition répétée à de faibles doses ; un effet cocktail, lorsque les conséquences de plusieurs pollutions ou perturbateurs se cumulent ; et un effet-fenêtre, qui fait beaucoup débat aujourd'hui, et qui consiste en l'exposition à des produits néfastes à certains moments-clés de la vie, au stade foetal ou à l'adolescence par exemple. Le cumul de ces trois effets rend difficile l'isolement d'une cause unique aux problèmes de santé de chaque bassin de vie. Je suis peut-être trop bienveillante, mais je pense qu'il s'agit d'une difficulté réelle, et pas d'une omerta.
Nous devons objectiver le rapport coût/bénéfices des politiques de prévention, notamment des réductions d'exposition : pour le moment, nous ne disposons pas de données chiffrées des bénéfices, et les efforts qui seraient pourtant nécessaires peuvent paraître coûteux et démesurés. On est tous très surpris de la baisse de dotation à Airparif, à un moment où les crises médiatiques sur les pics de pollution se multiplient. Là aussi, c'est une décision liée à l'absence d'estimation économique des bénéfices. D'ailleurs, pourquoi les études d'impact sont-elles toujours menées par le Gouvernement ? Je suis très critique vis-à-vis de cette autojustification... Mener ces études pourrait être une mission confiée à notre Haute assemblée.
Enfin, concernant l'amiante, je crois que l'excès de normes incite à créer des stratégies de contournement qui débouchent sur les problèmes que René-Paul Savary a évoqués.
Mme Aline Archimbaud. - Sur l'amiante, je souhaite préciser à nos collègues de la commission du développement durable que la commission des affaires sociales a créé en 2013 un comité de suivi de l'amiante. Les nombreuses auditions ont été suivies d'un rapport au Gouvernement contenant 28 propositions. L'une des principales recommandations concernait la création d'un comité de pilotage gouvernemental, sous l'autorité du Premier ministre, pour coordonner et prioriser les actions de désamiantage. Aujourd'hui, tous les acteurs privés et publics sont démunis face à l'ampleur de la tâche. L'union sociale pour l'habitat nous précisait par exemple qu'il faudrait 2,3 milliards d'euros par an pour mener à bien le désamiantage... c'est faramineux !
Nous recommandions également la mise en place d'une filière économique du désamiantage, avec un pôle de recherche et développement important et le soutien à la formation, notamment dans le domaine du bâtiment, pour éviter les erreurs de diagnostic. Le désamiantage est aujourd'hui un véritable défi.
Nous avons également rencontré des chercheurs désemparés : la recherche dans le domaine santé et environnement subit une baisse dramatique des effectifs, et les appels à projets récompensent systématiquement des projets plus « créatifs ». Or, il faut qu'on soutienne cette recherche dans la durée : c'est notre responsabilité de législateur, et il faudra y revenir lors de l'examen du projet de loi de santé. Les chercheurs ont d'ailleurs vivement insisté sur leur souhait de travailler sur des solutions de substitution : aujourd'hui, rien n'est fait dans ce domaine. Ils ont également souligné le manque d'économistes pour établir les bénéfices des actions de prévention.
S'il est évident que des pressions ont empêché jusqu'aujourd'hui d'établir une liste des perturbateurs endocriniens, il apparaît que les industriels ont peu de moyens pour établir les risques sanitaires de certains produits. Là encore, il faut encourager la recherche.
M. Dominique Watrin. - Un colloque s'est tenu lundi sur le sujet de l'amiante. Certaines normes ont des implications économiques, notamment pour les enrobés routiers. Le principe de précaution peut être remis en cause, mais ce n'est pas toujours ce principe qui prévaut dans la réalité. Je prendrai un exemple : l'Anses préconise d'abaisser le seuil d'exposition à l'amiante de la population à 0,47, alors que la norme est aujourd'hui de 5 fibres par litre d'air. Or, l'avis de la Haute Autorité de Santé est que dans la mesure où l'on n'arrive pas à faire respecter la norme actuelle, il est inutile d'aller plus loin. Le problème de l'amiante est toujours devant nous. Nous sommes face à un véritable drame sans avoir toujours conscience de cette réalité. Il faut punir lorsque les règles ne sont pas respectées : la punition, lorsqu'elle est sévère, est aussi de la prévention. Il faut également de la transparence. Quand les règles ne sont pas respectées, par exemple pour les diagnostics techniques dans le bâti, la publication de l'état réel sur un site internet permettrait une prise de conscience de la population des manquements dans ce domaine et créerait peut-être des mobilisations citoyennes.
M. Ronan Dantec. - Le lien de confiance avec le citoyen usager consommateur est rompu. C'est un problème économique. Les habitants de ce pays sont informés et conscients du scandale de l'amiante : pendant un siècle, la puissance publique a été incapable d'assumer un scandale sanitaire connu. Ils découvrent actuellement que le Roundup leur a été vendu comme un produit miracle et que ce produit est cancérogène. Les publicités de l'époque disaient pourtant qu'on pouvait le boire sans danger... La puissance publique a dans cette affaire brillé par son absence totale. Le citoyen ne lui fait donc plus confiance en matière sanitaire, ce qui n'est qu'un symptôme d'un manque de confiance global dont on voit les conséquences politiques.
Dans ce contexte, les citoyens se rabattent sur des luttes qu'ils pensent pouvoir gagner ; je pense aux pylônes de téléphonie, alors même que le risque sanitaire relève probablement plus du téléphone portable. En termes économiques, cela induit des coûts réels. La question qui se pose à nous est donc celle de la restauration de la confiance entre la puissance publique et le citoyen.
Or, la puissance publique, avec le soutien de parlementaires très perméables aux lobbies industriels, aime casser les thermomètres. Au moment de la crise de la viande de cheval, les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été réduits. La question n'est donc pas tant de flécher un risque plutôt qu'un autre mais de construire la crédibilité de l'action publique.
Pourquoi l'État n'applique-t-il pas la loi, votée ici au Sénat, sur la mise en place d'une commission indépendante de suivi de l'expertise et des lanceurs d'alerte ? C'est un exemple parmi d'autres du refus de l'État d'aller au bout de la transparence. Si on n'agit pas, les coûts économiques induits par les mobilisations citoyennes au nom d'un principe de précaution parfois mal compris seront considérables.
M. Yves Daudigny. - Les premiers résultats de ces travaux sont passionnants, inquiétants et au coeur des problématiques de santé de notre époque.
Faut-il considérer que le « tout génétique » a vécu ? J'ai longtemps pensé que tout était inscrit dans les gènes, et qu'un stade ultérieur de la médecine consisterait à les modifier. Les facteurs environnementaux sont-ils devenus les plus déterminants en matière de santé publique ?
Faut inclure l'alimentation dans l'environnement ? Je pense aux produits alimentaires industriels et aux nouveaux modes de consommation.
Je suis favorable à l'idée d'effectuer des comparaisons internationales. J'ai en tête le développement moindre des maladies chroniques au Japon, de l'ordre de 25 % en moins par rapport aux pays européens. Il serait intéressant d'essayer d'en connaître les causes. Il semblerait que les populations japonaises, lorsqu'elles vivent de longues périodes aux États-Unis ou en Europe, rejoignent les statistiques des pays européens, ce qui serait un élément de réponse.
M. Rémy Pointereau. - Je voudrais féliciter les deux rapporteurs. L'impact des pesticides dans le milieu agricole, et de l'exposition des professionnels, est un vrai sujet. Avez-vous des cartes indiquant les maladies professionnelles recensées par département ?
Nous posons ici les bonnes questions, mais je ne suis pas sûr que nous apportions les bonnes réponses. Un travail important de prévention a été fait dans le monde agricole. Nous constatons moins de problèmes qu'il y a trente ou quarante ans avec les organophosphorés. L'agriculture et l'industrie ne sont pas responsables de tous les maux.
Que faut-il faire ? Supprimer l'agriculture intensive et même raisonnée et se diriger vers l'agriculture biologique ? On connaît le problème des mycotoxines. L'industrie est de moins en moins présente dans notre pays. L'espérance de vie augmente en France, du fait des progrès de la médecine, mais probablement aussi de l'alimentation. La recherche et l'innovation sont des priorités.
Mme Hermeline Malherbe. - Vous nous avez indiqué avoir traité les sujets proposés par les agences. Qu'en est-il de la pollution de l'eau ? On parle des pesticides, sur lesquels beaucoup a été fait. Je suis surprise que les médicaments ne soient pas évoqués, en particulier les antibiotiques, et leur impact sur l'eau.
M. Pierre Médevielle. - Lors des auditions sur mon avis budgétaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, j'avais entendu l'Anses qui m'avait fait part de problèmes de fonctionnement : ils ont du mal à traiter dans les temps les dossiers en matière de pesticides. La France est aujourd'hui le premier consommateur européen de pesticides, avec près de 65 000 tonnes, sur lesquelles la viticulture représente 20 % pour seulement 3 % de la surface agricole utile.
Un rapport récent a été remis sur la viticulture, par un médecin toxicologue dans le cadre de l'association santé travail interprofessionnelle avec des médecins de la médecine du travail de la région Midi-Pyrénées. Le rapport fait état de risques de tumeurs cérébrales et de maladies de Parkinson multipliées par 11. Ce rapport a été remis à l'Anses, sans nouvelles à ce jour.
Mme Evelyne Yonnet. - Je salue également le rapport qui a été présenté. Dans mon département, les questions de santé-environnement ne sont pas des priorités. Nous avons un passé très industriel, beaucoup de sols pollués. Il nous faut quand même construire. Nous avons également des problèmes de peinture au plomb, qui a fait beaucoup de dégâts sur les enfants atteints de saturnisme. Il y a un cumul de problématiques. Nous avons demandé une étude de santé, qui a permis de constater la présence de pathologies très ciblées, comme dans la région Nord-Pas-de-Calais, avec notamment des cancers de la plèvre, des arrêts cardiaques. Nous avons une moins bonne espérance de vie qu'ailleurs. Il faut imaginer un nouveau mode de vie et de respect de notre planète. C'est une prise de conscience majeure. Le discours sur l'environnement est assez récent.
Où en est-on sur le dossier de l'hôpital Bichat, qui contient beaucoup d'amiante ? On a entendu parler d'un déménagement de l'hôpital à Saint-Ouen parce que le désamiantage coûterait trop cher. Pourrait-on suivre ce dossier test en matière de désamiantage ?
Mme Annick Billon. - Concernant les pesticides, il faut trouver des produits de substitution, donc investir dans la recherche. En matière de politique des déchets, des filières de responsabilité élargie des producteurs ont été mises en place. Est-ce la solution pour les pesticides ?
Nous imposons toujours davantage de normes et de contraintes en France. Les nanoparticules sont présentes dans de nombreux produits de consommation. Si l'on décide de mesures de restrictions sur ces produits, valables uniquement en France, nous allons pénaliser nos entreprises par rapport au marché mondial.
Mme Chantal Jouanno. - Beaucoup de vos questions portaient sur les réponses à apporter à ces problèmes de santé. Cela montre l'intérêt qu'il y aurait à poursuivre nos travaux, sur le lien de confiance, sur la responsabilité, sur l'application des dispositions existantes. L'objet de notre mission, défini par les présidents des deux commissions, était de faire un état des lieux des connaissances. Il serait intéressant d'aller voir ce qui se fait dans les autres pays européens, dans la mesure où ces sujets sont généralement traités au niveau européen.
L'espérance de vie augmente certes, mais pas celle sans handicap et sans incapacité. Certaines problématiques sanitaires se développent fortement. L'asthme et les allergies touchent 30 % de la population, et en toucheront 50 % en 2030. La fertilité, notamment masculine, est régulièrement évoquée en lien avec les pesticides. Un lien serait également établi entre les particules et les accidents vasculaires cérébraux. La question se pose de limiter le coût pour le système sanitaire de ces nouvelles pathologies.
Le sujet des résidus médicamenteux dans l'eau a été identifié en 2009 dans le précédent plan national santé-environnement, avec un programme de recherche dédié. La question du plomb est bien documentée : il s'agit désormais d'appliquer correctement les normes.
Sur le lien entre l'alimentation, la génétique et l'environnement, un colloque récent a rappelé que l'interaction entre l'homme et son environnement est permanente : c'est la question de l'anthropocène. Cela ne supprime pas les questions liées à la génétique et à l'alimentation. Il est difficile de séparer les différents sujets, d'où l'intérêt d'une loi de santé publique, qui devrait les traiter de manière cohérente et systémique.
Mme Aline Archimbaud. - Les interactions entre génétique et environnement sont effectivement multiples et dans la durée.
Les pesticides dans la viticulture n'ont pas été évoqués lors des auditions ; il s'agira d'un sujet à approfondir.
L'Ineris dispose d'une carte des départements et des maladies professionnelles. Il serait intéressant d'identifier les pathologies présentes dans les régions agricoles ainsi que dans les zones urbaines. Il y a un lien à faire avec les inégalités sociales et territoriales. Des études danoises et suisses montrent par exemple une corrélation claire entre les pathologies pulmonaires et le fait de résider à côté d'une zone à grande circulation.
L'objectif de notre rapport n'était pas de proposer des solutions, mais bien de faire un état des connaissances au moment où la loi de santé publique arrive en débat. C'est l'occasion, pour nous législateurs, d'approfondir d'ici là. Les pistes de réponse consistent à investir plus dans la recherche, dans les produits de substitution, à mettre en place plus de transparence et, enfin, à appliquer mieux la loi. Les stratégies de contournement des règles parfois constatées s'expliquent par le manque d'accompagnement des acteurs, qui se trouvent démunis face aux problèmes.
Il s'agit maintenant de savoir si l'on peut approfondir ce travail.
M. Louis Nègre. - Les sujets soulevés sont passionnants. Avec du pragmatisme et de la transparence, il serait utile de poursuivre les travaux.
La réunion est levée à 12 h 50.