Mercredi 13 janvier 2016
- Présidence de Mme Josette Durrieu, présidente d'âge -La réunion est ouverte à 13 h 35
Réunion constitutive
Mme Josette Durrieu, présidente d'âge. - Il m'incombe d'ouvrir les travaux de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, dont la Conférence des Présidents a acté la création le 9 décembre 2015 et dont le Sénat a désigné les 24 membres le 16 décembre 2015. Elle résulte d'une initiative du groupe UDI-UC, dans le cadre du droit de tirage prévu par l'article 6 bis du Règlement. Cet article dispose que les fonctions de président et de rapporteur sont partagées entre la majorité et l'opposition ; si le groupe à l'origine de la mission le demande, la fonction de rapporteur est attribuée de droit à l'un de ses membres. En l'occurrence, le groupe UDI-UC souhaite exercer cette faculté. La présidence revient donc de droit à un membre de l'opposition sénatoriale. Le groupe Socialiste et républicain présente la candidature de Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret est désignée présidente de la mission d'information.
Ma mission de présidente d'âge est accomplie. Cette mission d'information est utile et nécessaire. Je lui souhaite bon travail !
- Présidence de Mme Corinne Féret, présidente -
Mme Corinne Féret, présidente. - Merci de votre confiance. Ce sujet sensible est au coeur de l'actualité. Nous devons désigner les membres du bureau de la mission, en commençant par le rapporteur. Le groupe UDI-UC propose la candidature de Mme Nathalie Goulet. Aux termes de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, cette demande est de droit.
Mme Nathalie Goulet est désignée rapporteur de la mission d'information.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Merci pour votre confiance. Je suggère que M. André Reichardt, membre du groupe Les Républicains, avec qui j'ai déjà travaillé sur ces sujets et qui a co-signé la demande de création de cette mission d'information, soit nommé co-rapporteur.
M. André Reichardt. - J'accepte.
M. Philippe Bonnecarrère. - Très bien.
M. Jacques Bigot. - Renseignements pris, une telle dualité n'est pas de tradition au Sénat. Et quand on recourt à cette formule, les deux co-rapporteurs ne sont pas du même bord politique. Nous nous étonnons donc de cette demande. Peut-être la majorité a-t-elle besoin de cet expédient pour trouver un accord en son sein sur ce sujet ? Le groupe socialiste n'est pas favorable à cette double désignation - mais n'en fera pas un casus belli.
Mme Corinne Féret, présidente. - Dont acte.
M. André Reichardt est désigné co-rapporteur de la mission d'information.
Mme Corinne Féret, présidente. - Mme Esther Benbassa m'a fait savoir que son groupe ne souhaitait pas siéger au bureau. En conséquence, le respect de l'équilibre entre majorité et opposition conduit à un bureau de sept postes. Le groupe Les Républicains propose les candidatures de Mme Jacky Deromedi et de M. Roger Karoutchi comme vice-présidents, en sus du poste de co-rapporteur attribué à M. André Reichardt. Le groupe Socialiste et républicain a, outre le poste de présidente, un poste de vice-président, pour lequel il propose la candidature de M. Jacques Bigot. Le groupe UDI-UC a un poste de rapporteur, attribué à Mme Goulet. Le groupe RDSE, enfin, a un poste de vice-président, qui reviendra naturellement à M. Michel Amiel, seul représentant de son groupe.
Le bureau est ainsi constitué.
Mme Corinne Féret, présidente. - Sur ce sujet sensible, au coeur de l'actualité, je veillerai à ce que nous travaillions dans la sérénité et dans le respect de nos différences politiques. Nous devrons rendre notre rapport avant la fin du mois de juin. Je souhaite que notre travail soit collectif. En particulier, vos suggestions sont les bienvenues pour établir la liste des personnes à auditionner, ou pour déterminer où nous devrons effectuer des déplacements. Les auditions seront publiques et feront l'objet d'une captation audiovisuelle, sauf si nous décidons de les tenir à huis clos. Pour que nous puissions travailler dans la sérénité, je pense qu'il vaudra mieux ne pas trop communiquer sur nos travaux avant la remise du rapport, quelles que puissent être les sollicitations des médias. Je vous propose de nous réunir chaque semaine au même horaire, sauf exception. En tenant compte des contraintes de la séance publique et des réunions des commissions permanentes, nous pourrions fixer cet horaire au mercredi après-midi : si vous en êtes d'accord, le bureau tiendrait une première réunion mercredi prochain à 13 h 30 et notre mission, à 15 h. Notre première audition pourrait être celle des responsables du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Mme Nathalie Goulet, co-rapporteur. - Tout à fait.
Mme Corinne Féret, présidente. - Nous leurs présenterions notre mission, son objet, ses membres et son calendrier. C'est une question de courtoisie. Si ces personnes sont disponibles, nous pourrions les entendre dès mercredi prochain.
M. Roger Karoutchi. - Je ne suis pas tout à fait d'accord. Bien sûr, nous devrons les rencontrer rapidement. Mais dans un premier temps, mieux vaudrait rencontrer les responsables du ministère de l'Intérieur en charge des cultes, car ils connaissent parfaitement le cadre financier et organisationnel. Avant d'entendre le point de vue - légitime - du CFCM, nous devons connaître celui des pouvoirs publics, qui n'hésiteront pas à souligner les problèmes, à dire ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Mme Corinne Féret, présidente. - Cette audition sera aussi incontournable.
M. René Vandierendonck. - Je partage entièrement l'avis de Roger Karoutchi. Nous devrons très rapidement préciser nos intentions, car l'Islam a déjà fait l'objet d'un rapport au Sénat, sous la plume de M. Hervé Maurey, dans le cadre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Son auteur en résumait ainsi les préconisations : « La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 ». Dès lors, nos interlocuteurs ne manqueront pas de se demander quels sont nos objectifs.
Mme Corinne Féret, présidente. - Cette réunion est simplement constitutive. Le bureau, lors de sa première réunion, débattra des objectifs de la mission. Mais la question se pose, en effet.
M. René Vandierendonck. - J'exorcise mes craintes...
Mme Corinne Féret, présidente. - Nous y répondrons rapidement.
M. Michel Amiel. - La question du financement ne doit pas phagocyter les autres : nous devons nous intéresser aussi à la place et à l'organisation de cette religion, qui a pour particularité son absence de hiérarchie. En particulier, nous devrons veiller à la représentativité des personnes que nous auditionnerons. Le CFCM n'en a pas le monopole, et plusieurs autres courants de pensées existent au sein de l'Islam en France.
Mme Nathalie Goulet, co-rapporteur. - Cette demande de mission d'information a été mûrement réfléchie. L'organisation de l'islam, ses différentes formes, son financement, la filière hallal, la formation des imams et des aumôniers sont autant de questions qui ont été soulevées devant une récente commission d'enquête du Sénat. De nombreuses pistes esquissées alors n'ont pu être suffisamment explorées, alors qu'elles devaient absolument l'être. Faut-il des prêches en français, par exemple ? Les textes l'autorisent, les Anglais ont des prêches en anglais, est-ce opportun chez nous ? Avant de formuler des propositions, nous avons besoin de recueillir les avis et de nous forger une opinion. D'où cette mission d'information, qui n'a pas l'aspect inquisitorial des commissions d'enquête - ce qui serait discourtois à l'égard de la communauté musulmane. Le Président du Sénat lui-même a donné son accord à la création de cette mission, modifiant simplement son intitulé en remplaçant les mots « l'Islam de France » par « l'Islam en France ».
M. Roger Karoutchi. - Il a tort !
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Il a forcément raison, puisqu'il est Président !
Parler d'islam, de terrorisme, de formation des imams, de financement, ce n'est ni stigmatiser ni faire des amalgames. Parlementaires, nous souhaitons simplement obtenir des réponses à certaines questions. Avons-nous à faire des préconisations ? La loi de 1905 s'y oppose. L'organisation pour les oeuvres de l'Islam de France, créée par Dominique de Villepin, ne fonctionne pas. Faut-il la ressusciter, pour assurer la traçabilité des flux financiers ? On nous a dit que la taxation du hallal pourrait financer la formation des imams et des aumôniers en France, dans le respect de nos traditions. Le chiffre de 5 milliards d'euros est avancé pour le hallal. Qu'en penser ? Nous devons obtenir des éclaircissements. On peut parler d'Islam sans stigmatiser et sans faire d'amalgames. Moi-même, je suis mal informée sur le sujet, alors que je connais bien le monde arabo-musulman.
Je suggère que nos réunions soient fréquentes et même parfois bi-hebdomadaires, car le délai de six mois est très court ! Nous n'avons aucune arrière-pensée politique, et souhaitons simplement faire la lumière sur plusieurs questions. Si nous devons pour cela entendre des voix dissonantes, tant mieux !
M. André Reichardt, co-rapporteur. - En effet, j'ai participé aux travaux de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, et nous avons souvent buté sur un manque d'informations sur l'islam. Je remercie le Président du Sénat d'avoir autorisé la création de cette mission d'information, qui déplaira à tous ceux qui ont intérêt à ce que l'on en sache le moins possible, notamment sur les flux financiers.
Mme Colette Giudicelli. - Sur certains points, l'objet de notre mission me paraît ambigu, en particulier sur la notion de financement. Nous devrions commencer par établir un programme de travail, car le sujet est vaste. M. Karoutchi a raison : commençons par entendre les représentants de l'État.
M. Michel Amiel. - L'Islam est-il compatible avec la laïcité ? Cette question qui fâche pourrait être notre point de départ. Si l'on prend les textes à la lettre, la réponse est non. Cette religion a évolué depuis son apparition au VIIème siècle, peut-elle s'adapter à la laïcité ? Cela n'a rien d'évident.
Mme Corinne Féret, présidente. - Ce sont des questions essentielles, que les auditions auront vocation à éclairer.
Mme Nathalie Goulet, co-rapporteur. - Il serait tout de même courtois d'auditionner d'abord le CFCM - quitte à l'entendre de nouveau ensuite.
M. Roger Karoutchi. - Nous ne sommes pas là pour une mission de courtoisie, mais pour comprendre les réalités. Nous devons défendre l'État.
Mme Corinne Féret, présidente. - Je souhaite que notre mission travaille dans la sérénité et le respect des uns et des autres. Bien sûr, le ministère de l'Intérieur est lui aussi incontournable. Le bureau de la mission réglera cette question.
La réunion est levée à 14 h 25