- Mardi 12 novembre 2019
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Sécurités » - Programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale », « Sécurité et éducation routières » et CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « Sécurité civile » - Examen des rapports spéciaux
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial
- Mercredi 13 novembre 2019
- Projet de loi de finances pour 2020 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Aide publique au développement » et compte de concours financiers (CCF) « Prêts à des États étrangers » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale (CAS) « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Travail et emploi » (et articles 79 à 82) - Examen du rapport spécial
- Jeudi 14 novembre 2019
- Projet de loi de finances rectificative pour 2019 - Examen du rapport
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Médias, livres et industrie culturelle » et compte de concours financiers (CCF) « Avances à l'audiovisuel public » (et communication sur le contrôle budgétaire sur le financement de l'audiovisuel extérieur) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances rectificative pour 2019 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
Mardi 12 novembre 2019
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 14 h 35.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Sécurités » - Programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale », « Sécurité et éducation routières » et CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et « Sécurité civile » - Examen des rapports spéciaux
M. Vincent Éblé, président. - Nous examinons maintenant les rapports spéciaux de la mission « Sécurités ».
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial (programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités »). - C'est à nouveau un budget en hausse que nous soumet le Gouvernement, puisque les crédits de paiement demandés pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » augmentent de 1,91 %, tandis que l'augmentation des autorisations d'engagement (AE) atteint 1,84 %. Il y a deux mesures de périmètre importantes : la création de la direction du numérique (DNum) et du SAILMI, qui entraînent des transferts de crédits sortants, empêchant une comparaison claire des crédits avec ceux de l'année précédente.
Je dénonce, depuis plusieurs années maintenant, l'augmentation constante de la part des dépenses de personnel dans l'ensemble des dépenses des deux forces. Le budget connaît les mêmes travers que ceux des années précédences, de manière particulièrement aggravée cette fois-ci : la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses va dépasser les 90 % pour la police nationale, ce qui laisse un peu moins de 10 % pour le fonctionnement et l'investissement. C'est une situation qui m'a conduit à proposer le rejet. Si en termes d'emploi, l'objectif du gouvernement est tenu, il se fait au détriment des moyens et de l'investissement.
Avant d'évoquer les crédits de personnel, je voudrais parler du climat social. Cette année 2019, nous avons atteint un niveau record en matière de suicides, puisqu'ils s'élèvent à 54 dans la police nationale. 2019 fût également marquée par l'émergence d'un malaise particulièrement fort, qui s'est exprimé au cours de la grève intersyndicale du 2 octobre, dont l'ampleur était inédite. C'est la première fois depuis 20 ans que toutes les organisations syndicales ont manifesté ensemble. La question des retraites cristallise une bonne part des préoccupations. Le taux d'absentéisme remonte également en 2019, et s'élève à 7,7 % dans la police nationale, contre 4 % en moyenne dans le reste de la fonction publique de l'État.
Ce budget prévoit donc une hausse importante des dépenses de personnel, en augmentation de 3,6 % pour la police nationale et de 2,5 % pour la gendarmerie nationale. Cette hausse s'explique principalement par le niveau important des recrutements et l'ampleur des mesures indemnitaires. Une augmentation de 1 398 emplois à périmètre constant est prévue pour la police nationale en 2020, contre 1 735 en 2019. Pour la gendarmerie nationale, l'évolution des emplois devrait être de 490 ETP, contre 643 l'an dernier. Ces augmentations sont conformes aux annonces présidentielles du début de quinquennat.
Le coût de ces recrutements (2019 et 2020) en 2020 devrait s'élever à 47,45 millions d'euros pour la police nationale et 16,36 millions d'euros pour la gendarmerie nationale. L'année 2020 devrait également être marquée par le poids budgétaire des mesures catégorielles prises en faveur des policiers et des gendarmes (PPCR et primes « gilets jaunes »), qui s'élèveront à 192,36 millions d'euros pour les premiers et 91,22 millions d'euros pour les seconds.
L'année 2019 est également marquée par l'abandon de la vacation forte. Cet abandon était, je le dis depuis 2016, inévitable. Il est donc regrettable que les difficultés liées à ce nouveau cycle de travail aient fait perdre trois années à l'institution policière, cristallisant de nombreuses crispations et générant des tensions entre les unités bénéficiant de ce dernier et les autres. Cette perte de temps apparaît d'autant plus dommageable que le caractère insoutenable, en raison de son coût en effectifs, condamnait la vacation forte avant même son expérimentation. En remplacement de ce dernier cycle de travail, la police nationale devrait généraliser un nouveau cycle en 2020 (le 2/2/3/2/2/3), qui comprend de longues vacations de 12h08, qui apparaît davantage adapté aux exigences opérationnelles. Ce cycle fait actuellement l'objet d'une expérimentation qui, je l'espère, en confirmera la pertinence.
Le dernier point relatif aux personnels porte sur les heures supplémentaires de la police nationale. Ces dernières s'élèvent à 23 millions et leur coût budgétaire de rachat serait de l'ordre de 230 millions d'euros. Pour la première fois, le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle visant à diminuer l'augmentation du flux, à hauteur de 26,5 millions d'euros et une mesure visant à contingenter ces heures supplémentaires.
Pour la gendarmerie nationale, à périmètre constant, les dépenses d'investissement et de fonctionnement seront quasi-stables en CP et connaîtront une hausse de plus de 6 % en AE. Pour la police nationale, les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont en diminution, de 8,8 % en AE et de 0,8 % en CP par rapport à l'an dernier.
Les crédits affectés au renouvellement des véhicules, qui constituent à mes yeux un bon indicateur de la volonté de restaurer la capacité opérationnelle des forces de l'ordre, apparaissent cette année très insuffisants. 40 millions d'euros supplémentaires auraient été nécessaires pour empêcher le parc des deux forces de vieillir ou de voir son format réduit, alors même que son état est d'ores et déjà préoccupant, et que les véhicules constituent un des principaux outils des agents, notamment en gendarmerie nationale. Pour la gendarmerie nationale, la moyenne d'âge du parc est de 7 ans et le kilométrage moyen de 110 000 km. De même, 8320 véhicules de la police nationale sont maintenus en service alors qu'ils ont dépassé les critères de gestion.
Je rappelle que sur les dix dernières années, les dépenses de personnel ont augmenté de 25 % tandis que le reste n'a augmenté que de 8 %. Le présent budget perpétue ce déséquilibre, et je proposerai donc à la commission des finances de le rejeter.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial (programmes « Sécurité routière » et CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » de la mission « Sécurités »). - En 2018, la mortalité a atteint son plus bas niveau, il n'y a jamais eu aussi peu de décès sur les routes de France, 3392 en France et dans les DOM, 96 dans les COM, soit 200 de moins qu'en 2017.
De même l'accidentalité a enregistré une baisse de 3 % et le nombre de blessés hospitalisés diminue de plus de 20 %.
Si l'on doit se réjouir de ces bons chiffres il ne faut pas crier victoire trop vite et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, cette baisse doit être encore confirmée sur l'année 2019, or les premiers éléments dont nous disposons laissent entrevoir une année légèrement moins bonne que la précédente.
Ensuite à échelle de l'Union européenne, la France se situe seulement à la moyenne des pays de l'Union européenne, plusieurs de nos voisins, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse, affichent de meilleurs résultats : la France doit donc encore faire mieux.
Enfin, les DOM, les COM et certaines régions de France restent particulièrement touchés, une inégalité territoriale dont on ne peut se satisfaire.
Concernant l'impact de l'abaissement de la vitesse à 80 km/h, le projet de loi de finances lui attribue un gain de 206 vies. Je pense qu'il faut rester prudent sur ce chiffre et observer sur la durée l'évolution de la mortalité sur ce réseau routier ce que permettra le nouvel indicateur créé à cet effet « nombre de tués hors agglomération, hors autoroutes ».
Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », augmentent de nouveau légèrement - de 2,3 % par rapport à 2019 pour s'établir à 42,64 millions d'euros.
L'action principale de ce programme concerne le permis de conduire, dont les coûts d'organisation représentent plus de la moitié des crédits.
La réforme de cet examen, initiée en 2014, devrait connaître un second souffle suite aux dix mesures annoncées le 2 mai 2019 par le Premier ministre dont l'objectif est de rendre le permis moins cher et plus accessible : deux mesures (l'extension de la formation sur simulateur et la conversion facilitée du permis boîte automatique) sont déjà entrées en vigueur en juillet 2019. Les autres le seront après la promulgation de la loi d'orientation sur les mobilités (LOM).
Par ailleurs, devant les indicateurs de performance qui stagnaient, le PLF 2020 a remplacé le délai moyen d'attente par le délai médian ce qui devrait mieux refléter la baisse des délais pour la majorité des candidats.
Enfin, l'opération « permis à un euro par jour », m'apparaît, depuis son lancement, surbudgétée, et plus largement l'aide au financement du permis de conduire doit sans doute être repensée.
S'agissant du « CAS Radars », l'estimation, en projet de loi de finances, du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement reste à un niveau élevée, soit 1 837 millions d'euros.
Il s'agit là à mon sens d'une estimation plutôt optimiste : le montant du produit réalisé en 2019, estimé à 1700 millions d'euros, devrait se situer très en-dessous des prévisions de la loi de finances initiale, 1867 millions d'euros, donc en retrait d'environ 10 %.
En effet, comme vous le savez, de nombreux radars ont été vandalisés, plus de 10 000 dégradations ont été constatées en 2018, 7 500 au 1er septembre 2019 et le taux moyen de disponibilité des radars est passé de 93 % en 2017 à 88 % en 2018, pour s'établir à seulement 75 % en 2019.
L'impact sur les recettes de l'État s'est immédiatement fait sentir pour les amendes forfaitaires radars dont le produit sera encore inférieur en 2020 à son niveau de 2017.
En conséquence, et contrairement à 2019, les crédits du programme 751 devraient être consommés en 2020, notamment pour faire face aux réparations et investissements nécessaires à la restauration et à la modernisation du parc.
Par ailleurs, si l'objectif de déploiement a certes été revu à la baisse passant de 4 700 à 4 400 équipements d'ici fin 2020, il comptera en revanche des équipements plus modernes, et notamment environ 1200 radars tourelles contre 400 fin 2019, permettant un contrôle plus étendu et moins prévisible. Sur ce point, le délégué à la sécurité routière nous a confirmé lors de son audition la capacité technique à installer 800 nouveaux radars tourelles durant l'année 2020.
S'agissant des collectivités locales, je constate que les crédits du programme 754, augmentent sensiblement (d'environ 29 %) en 2020 malgré l'entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant. Cette hausse s'explique par le dynamisme des amendes forfaitaires majorées et abonde directement la section 2 du CAS.
Enfin, j'aimerais terminer sur la complexité de ce CAS. Alors que les recettes sont stables par rapport à la prévision de la LFI 2019, la part attribuée au désendettement de l'État a bondi de plus de 10 points en 2019 passant de 8,8 % à 20,9 % des recettes totales. Cette ventilation se fait au détriment de l'AFITF qui ne percevrait plus que 193 millions d'euros en 2020.
Le manque de lisibilité et de cohérence de ce système est devenu tellement contreproductif que l'État a présenté il y a quelques jours dans le PLFR un article visant à réaffecter une partie du flux en provenance des AF Radars, initialement destiné à l'État et aux collectivités territoriales, vers le budget de l'AFITF. Sans quoi cette dernière ne pourrait faire face à ses engagements financiers qui portent sur des investissements de long terme.
Au lieu de continuer à apporter ainsi des correctifs à un système aussi complexe, je réitère ma préconisation d'une refonte complète de ce CAS.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial (programme « Sécurité civile »). - En 2020, le programme 161 « Sécurité civile » sera doté de 493 millions d'euros en autorisations d'engagement et 519,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution par rapport aux crédits ouverts en 2019. Cette diminution s'explique essentiellement par une réduction du périmètre du programme 161, avec le transfert d'environ 15 millions d'euros de ses crédits vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». À l'instar des autres programmes de la mission « Sécurités », ce transfert fait suite au regroupement des fonctions d'achat et de développement numérique au niveau du secrétariat général du ministère de l'intérieur.
Si l'on neutralise les conséquences de ce transfert, les CP du programme 161 sont en légère baisse, et sont inférieurs à la programmation triennale de près de 10 millions d'euros.
Je tiens à évoquer la situation des SDIS, particulièrement tendue ces derniers mois. Ils font en effet l'objet d'une sollicitation croissante alors que leurs moyens stagnent.
Leurs dépenses d'investissement ont même connu une baisse importante, de près de 18 % en dix ans. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que le soutien de l'État pour leurs investissements s'amoindrit. La dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, qui s'élevait à 25 millions d'euros en 2017, ne représente plus que 7 millions d'euros en 2020. Cette faible dotation est d'autant plus incompréhensible que les crédits prévus par le PLF sont inférieurs à la programmation pluriannuelle.
Par ailleurs, cette dotation n'accordera plus aucun crédit en faveur des projets locaux des SDIS en 2020, et financera exclusivement le projet NexSIS 18-112. Le développement de ce projet, qui consiste à mutualiser les systèmes d'information des SDIS, a été confié à un opérateur spécifique, créé fin 2018 : l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC). Une première version de NexSIS 18-112 devrait être livrée fin 2020, et sera mise en place début 2021 dans le département de Seine-et-Marne. Outre son intérêt sur le plan opérationnel, ce projet permettrait d'engager des économies de plus de 250 millions d'euros sur 10 ans.
J'évoque enfin un dernier motif de préoccupation au sujet des SDIS : leur soutenabilité financière demeure menacée par les suites de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne de 2018 - l'arrêt Matzak -, considérant que la directive européenne de 2003 sur le temps de travail doit s'appliquer aux sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Pour garantir une capacité opérationnelle constante, l'application de la directive supposerait une hausse de 2,5 milliards d'euros, soit la moitié des dépenses des SDIS. La préservation d'un statut dérogatoire pour les SPV appelle donc une initiative forte du Gouvernement français vis-à-vis de la Commission européenne. Pourtant, ce dernier semble camper sur une position attentiste alors que plusieurs recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs.
Le PLF pour 2020 marque aussi la seconde période de financement du SAIP. Ce projet continue de concentrer les crédits sur la rénovation des sirènes, et il fait donc l'impasse sur le développement d'un volet mobile. Ce dernier est pourtant vivement souhaitable :
D'une part, les moyens d'alerte par téléphone se font de plus en plus nécessaires, comme l'illustre l'exemple récent de l'accident de l'usine de Lubrizol : une technologie de diffusion cellulaire - ou Cell Broadcast -, aurait été bien plus efficace et aurait permis une alerte claire et immédiate.
D'autre part, une directive européenne adoptée fin 2018 impose aux États membres la mise en place d'une transmission des alertes par téléphone. Cette obligation doit être transposée en droit interne au plus tard en 2022. D'ici là, le ministère de l'intérieur affirme que sa mise en oeuvre est en cours. Pourtant, pas un seul euro n'est prévu pour le développement d'un quelconque volet mobile dans ce PLF, ni pour 2021 et 2022.
Pour finir, je ferai une dernière remarque à la suite à mon rapport d'information sur la lutte contre les feux de forêts, que j'ai présenté fin septembre devant vous. J'avais estimé nécessaire de garantir l'avenir de nos moyens de lutte, et particulièrement nos moyens aériens. Le PLF pour 2020 prévoit toujours la poursuite de l'acquisition de nouveaux Dash, en remplacement des Tracker vieillissants. Leur livraison me paraît toutefois tardive et j'avais donc recommandé de l'accélérer, afin d'éviter tout risque de rupture capacitaire ces prochaines années.
Or, depuis ce constat, les 7 Tracker restants sont immobilisés à la suite d'une défaillance technique. Pour l'heure, la mise en oeuvre du guet aérien armé ne peut donc s'appuyer que sur 3 Dash. Cette situation est très inquiétante, même si la période automnale est moins propice aux départs de feux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les années se suivent et se ressemblent sur l'insuffisance des crédits d'investissement. Philippe Dominati nous rappelait que la France faisait partie des pays qui avaient le plus d'effectifs policiers par habitant. Ceci nous rappelle que tout n'est pas qu'une question d'effectifs, puisqu'il y a des questions d'organisation, ou encore de procédure qui peuvent permettre d'améliorer la disponibilité des forces. La question de la police aux frontières me paraît éloquente : les files d'attentes à l'aéroport Charles-de-Gaulle peuvent dépasser une heure, alors que ces délais sont bien moindres dans certains aéroports européens, comme à Londres, qui recourent aux contrôles automatiques. Je pense qu'il serait pertinent de suivre la même voie en France. Je me pose également la question de l'externalisation de certaines fonctions, comme l'entretien des véhicules, qui ne me semblent pas relever du coeur de métier des forces de l'ordre. La question du sous-investissement concerne également la sécurité civile, et le SAIP constitue un bon exemple d'écueil lié au manque d'ambitions.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis (programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités »). - Comme Philippe Dominati, j'observe une très forte dégradation du budget de la gendarmerie. Alors qu'il faudrait acquérir 3000 véhicules pour empêcher le vieillissement du parc, seules 1600 acquisitions sont prévues, ce qui me paraît préoccupant. L'autre problème est l'immobilier : on parle parfois de fermeture pour des raisons d'hygiène de certaines casernes.
Mon dernier point porte sur le risque de fermeture de certaines petites gendarmeries, qui fait actuellement l'objet d'études par le ministère de l'intérieur, qui toucherait notamment celles dont les effectifs sont inférieurs à 10 personnes. Pour faire face à ce risque, la gendarmerie souhaiterait que ses antennes menacées soient transformées en maisons France Service.
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis (programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités »). - Après les derniers attentats, les forces de sécurités étaient les « bien aimées de la République », mais, elles sont devenues depuis les « mal aimées de la démocratie ». Philippe Dominati évoquait le chiffre terrible de 54 suicides. Il faut aussi évoquer le nombre de blessés, du fait des manifestations des gilets jaunes, mais pas uniquement. De manière générale, il y a beaucoup moins de respect et d'attention vis-à-vis de ceux qui représentent l'ordre. Ceci est un sujet majeur. Certes, il y a une augmentation des dépenses de personnel, mais l'absence corrélative de moyens, au niveau administratif, des logements, des véhicules, voire des carburants, est particulièrement grave. De la même manière que nous avons eu une loi de programmation militaire, il me paraît indispensable qu'il y ait une loi de programmation relative à la sécurité intérieure afin de garantir les moyens des forces de l'ordre. Je rappelle que 60 % de nos gendarmes ne sont pas satisfaits de leur logement : il y a donc un malaise auquel il faut apporter une attention sérieuse. Ce budget ne répond pas aux attentes.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis - . Le budget de la sécurité civile reste le parent pauvre de la mission « Sécurités », alors que les interventions sont de plus en plus importantes, à tous les niveaux.
En complément de ce que vient d'exposer Jean Pierre Vogel, je tiens à souligner que la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) a fait gagner 32 millions d'euros à l'État. En contrepartie l'État aurait dû contribuer d'autant aux investissements des SDIS, via la dotation de soutien aux investissements structurants (DSIS). En 2019, une partie des 10 millions d'euros de cette dotation avait financé les projets locaux d'investissement des SDIS. L'an prochain, plus aucun crédit de cette dotation n'abondera les SDIS. C'est assez extraordinaire, l'État a réalisé une économie nette au détriment des SDIS, et nous ne savons même pas à qui elle bénéficie.
J'étais vendredi dernier au Parlement européen, et à cette occasion, j'ai pu échanger sur l'application de la directive européenne sur le temps de travail. Jean Pierre Vogel a rappelé que, si aucune solution n'était trouvée, les SDIS devront dépenser 2,5 milliards d'euros de plus. Plusieurs autres pays sont concernés par ce problème. Notre collègue Jean Bizet, et ceux de la commission des affaires européennes, qu'il préside, sont particulièrement impliqués sur ce sujet. L'adoption d'une nouvelle directive doit être envisagée, un projet est déjà prêt. Nous sommes hélas confrontés à l'ambiguïté du ministère de l'intérieur, qui travaille encore sur la possibilité d'une dérogation à la directive européenne sur le temps de travail. Il ne faut pas s'engager dans cette voie, autrement, je crains que la situation ne s'envenime. Mais j'ai bon espoir que les parlementaires puissent peser sur ce sujet, d'autant plus avec l'appui des autres pays européens qui sont prêts à nous soutenir.
La situation de nos avions, avec les Tracker qui sont cloués au sol, est inacceptable ! Il faut résoudre au plus vite ce problème technique, et accélérer la commande de nouveaux avions. Autrement, nous serons en grande difficulté pour faire face aux feux de forêts l'an prochain.
M. Antoine Lefèvre. - À l'écoute de l'intervention de Philippe Dominati, on ne peut que souscrire à sa proposition de rejet des crédits. Le constat qu'il dresse a de quoi nous abasourdir, après une année où nos forces de sécurité ont été particulièrement sur la brèche. La profondeur du malaise est bien traduite par notre collègue rapporteur, ainsi que ses conséquences dramatiques, notamment les suicides. Ne serait-ce que pour ces raisons humaines, il nous faut être davantage à la hauteur des besoins. La hausse non maitrisée des dépenses de personnel ne va hélas pas dans ce sens. Le problème des heures supplémentaires non réglées et le tour de passe-passe sur le plan financier qu'il engendre sont difficilement compréhensibles. Je suivrai donc la proposition de rejeter les crédits.
S'agissant de la sécurité civile, le renouvellement de la flotte d'avions rappelé par notre collègue Jean Pierre Vogel lors de la présentation de son rapport sur la lutte contre les feux de forêts me semblait satisfaisant. Mais ce qui vient d'être dit sur la situation des Tracker est atterrant et anxiogène. Alors que les catastrophes naturelles se multiplient dernièrement, nos forces de sécurité civile devraient avoir les moyens d'y faire face. Encore une fois, ce budget n'est pas à la hauteur.
Je m'interroge sur le numéro unique. Ce sujet revient souvent alors que dans d'autres pays, en Europe, ou à travers le monde, un tel numéro unique existe déjà. L'accident récent de l'usine de Lubrizol a montré qu'il y avait encore des trous dans la raquette et des dysfonctionnements dans l'organisation des secours qui font perdre un temps précieux.
Qu'en est-il de la prime de feu ? Des mesures sont très attendues à cet égard. Savez-vous s'il y a d'ores et déjà des résultats d'évaluation sur l'utilisation de caméras individuelles embarquées pour les sapeurs-pompiers, afin d'éviter des agressions ?
M. Roger Karoutchi. - Je m'interroge sur la réforme de la préfecture de police de Paris, qui me semble particulièrement inadaptée aux enjeux de la capitale.
M. Philippe Dallier. - Le Gouvernement a annoncé vouloir remettre les services de l'État à niveau en Seine-Saint-Denis. À ce titre, il a dit prévoir de recruter 100 officiers de police judiciaire et 50 postes de reconquête républicaine, ainsi que la rénovation de deux commissariats et la création d'une prime de 10 000 euros pour tout fonctionnaire d'État qui resterait plus de 5 ans en Seine-Saint-Denis. Il faut savoir que c'est un département où les fonctionnaires restent entre 2 et 3 ans. J'aimerais savoir sur quelle action budgétaire je pourrai suivre de telles annonces, et m'assurer de leur bonne exécution. Ma seconde question concerne les amendes de police. Je vais vous donner un exemple : ma commune percevait 100 120 euros sur les amendes de police, Nous sommes passés au forfait post stationnement (FPS), les amendes de police ne génèrent donc plus de recettes, tandis que de son côté le FPS donne un rendement inférieur à ce que nous percevions précédemment. Admettons. Mais on m'a expliqué que la commune serait peut-être appelée à contribuer pour compenser les sommes affectées aux transports de la région Ile de France ? On va demander aux communes qui percevaient la recette et qui en ont moins avec le FPS de contribuer pour aller compenser les sommes affectées à la région IDF. Je voudrais comprendre.
M. Sébastien Meurant. - Nous voyons que les budgets concernant les effectifs des forces de l'ordre augmentent, j'aimerais savoir où elles se trouvent sur le terrain. Car moi qui suis du 95 j'ai encore vu récemment un commissariat où pour une population d'un peu plus de 250 000 habitants il y a avait un seul fonctionnaire de police pour prendre les plaintes, et malheureusement elles sont nombreuses. Donc que sont conduits à faire les agents ? Ils découragent au maximum la prise de plainte. Et pour les plaignants qui vont prendre le temps de le faire, c'est plusieurs heures d'attente. Concernant les implantations des différents postes de police et de gendarmerie, je peux témoigner que, dans une ville de 16 000 habitants, qui devait avoir douze fonctionnaires, ils n'ont jamais été plus de sept. Il y a quelques années on avait dit aux maires que l'on allait fermer le poste car ils n'étaient pas assez nombreux, mais qu'on allait renforcer le poste de Taverny, qui n'était pas aux normes. Désormais le poste de Taverny est fermé et c'est celui d'Ermont qui couvre six circonscriptions dans le Val d'Oise. Par rapport au redécoupage des circonscriptions de police avez-vous une vision sur l'amélioration du service rendu au public ? Combien au final consacre-t-on aux polices municipales et polices municipales intercommunales qui complètent les forces de police nationale ?
Ma seconde question concerne les amendes. Le val d'Oise vient de perdre un investissement privé de trois milliards d'euros qui représente douze fois tous les investissements du département. Dans le même temps, si j'ai bien compris, les amendes de police vont servir à financer les transports en Île de France ? Concernant l'externalisation de la sécurité publique à des sociétés privées sur des véhicules banalisés, a-t-on une évaluation ? Ma position de principe est que la sécurité publique relève de la collectivité nationale, et donc dans ce cas elle doit rester dans le giron de l'État, faire passer un certain nombre de missions au secteur privé me heurte au plus haut point. Sur la sécurité civile il est bien sûr inquiétant d'avoir des avions au sol. Dernier point sur les véhicules qui ont huit ans en moyenne dans la police et gendarmerie. Qu'en est-il de la saisie des véhicules des trafiquants ? Des lois ont été votées mais la difficulté est qu'il faut au minimum trois ans pour récupérer un véhicule qui ne roule pas, si cela se faisait plus rapidement on résoudrait un problème pour nos forces de l'ordre.
Mme Christine Lavarde. - Je viens de trouver un premier co-signataire à l'amendement que j'ai rédigé jeudi matin, c'est parfait. En effet, la page 51 du rapport de Jean-Marc Gabouty expose très bien la situation qui est celle qui résulte au 1er janvier 2018 de la mise en oeuvre de la loi MAPTAM. La question qui se pose est que précédemment le Stif et la région Île-de-France avaient un reversement de recettes, proportionnel au montant réel collecté au niveau communal ou intercommunal quand la compétence a été déléguée. La loi MAPTAM a eu pour conséquence de figer le montant reversé au Stif et à la région au niveau du montant constaté en 2018, en dépit du fait que la dynamique n'est plus du tout la même. En effet, nous constatons que les recettes de stationnement ont fortement chuté avec la mise en place du FPS. Et je pense que dans l'esprit du législateur en 2016 il y avait l'idée que les communes et intercommunalités s'y retrouveraient car le montant des FPS serait supérieur au montant précédemment encaissé avec les amendes. Mais cela n'est pas vrai, Philippe Dallier a raison. J'ai les données à l'échelle du Grand Paris Seine Ouest qui compte 330 000 habitants, en 2020 la prévision est une baisse de 3,3 millions d'euros de recettes. En conséquence, les communes vont être prélevées sur leurs recettes fiscales pour venir abonder le Stif et la région Île-de-France. Comment peut-on en même temps demander aux collectivités territoriales dans la loi d'orientation des mobilités de développer les transports collectifs, pistes cyclables, etc., financés par ces anciennes recettes d'amendes de police et de stationnement qui n'existent plus ?
M. Philippe Dallier. - C'est délirant !
Mme Christine Lavarde. - L'amendement que je déposerai reviendra simplement à proposer un reversement proportionnel. Si nous collectons moins il est logique que tout le monde perçoive moins, la commune, la région, et le STIF.
J'avais une question spécifique à Jean-Marc Gabouty, afin qu'il m'explique l'augmentation des recettes du programme 754 pour lesquelles vous soulignez 30 % d'augmentation, est-ce dû uniquement à une revalorisation du point ? Question qui est sous-jacente. J'ai du mal à comprendre, sur le terrain on constate moins de recettes, et dans le rapport on peut lire que le programme 754 passe de 478 millions d'euros en LFI 2019 à 620 millions d'euros dans le PLF 2020.
M. Gérard Longuet. - Ma première question s'adresse au rapporteur Philippe Dominati que je remercie pour la qualité de son intervention. On comptabilise 23 millions d'heures supplémentaires, ce qui représente 15 000 équivalents temps pleins, soit environ 10 % des effectifs de la police nationale. Est-ce une politique salariale ou une politique d'effectifs ? Ou les deux et dans quel esprit ? Deuxième question pour notre rapporteur Jean-Marc Gabouty. Tout le monde se réjouit de la diminution du nombre d'accidents mortels sur la route. Disposez-vous de chiffres plus précis sur l'accidentologie ? Entre les types de véhicules, les lieux de circulation, les heures, le comportement, les conditions climatiques, et enfin l'état physique du chauffeur. J'ai des doutes sur l'impact des 80 km/h au sein de cette accidentologie.
M. Patrice Joly. - En ce qui concerne la gendarmerie, vous avez évoqué une insuffisance des besoins, pour ce qui relève à la fois de l'immobilier, des matériels et du personnel, surtout avec cette diminution importante de l'allocation à la réserve opérationnelle. Sur le terrain, j'ai pu constater que les gendarmeries investissent pour témoigner de leur présence sur le territoire. La perspective des maisons France Service ne va pas rassurer les élus de territoires ruraux que nous sommes, bien au contraire. Il y a un enjeu de maillage et de présence territoriale, nos concitoyens sont très sensibles et inquiets quant à leur sécurité, c'est un sentiment qui n'a peut-être pas beaucoup à voir avec la réalité de l'insécurité, mais il est réel. Cette insuffisance de moyens perdure depuis plusieurs années. Sur certains territoires, en pleine nuit, le temps d'une intervention peut dépasser une heure. On constate que les plaintes de nos concitoyens mais aussi des élus peinent à être enregistrées. On me rapporte également des réorientations des problématiques relevant de la police vers les maires. Ceux des communes de petite taille n'ont ni les moyens ni les compétences, ni la disponibilité pour assurer ces missions qui relèvent très clairement des services de gendarmerie.
En ce qui concerne la sécurité civile, je constate également un effet de ciseaux que subissent les territoires. Les SDIS sont sur-sollicités et des moyens complémentaires devraient donc leur être accordés. Mais les départements, qui sont les principaux financeurs des SDIS, mais aussi les plus à mêmes de leur donner des marges de manoeuvre financières, se trouvent plafonnés dans l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, à 1,2 %, selon le dispositif mis en place par les contrats de Cahors. Vous avez évoqué l'épée de Damoclès qui pèse sur les SDIS avec l'application de la directive européenne sur le temps de travail au cas des sapeurs-pompiers volontaires. Les conséquences financières ont bien été mises en avant, elles sont loin d'être négligeables, en particulier pour les SDIS de taille plus modeste qui ne pourraient pas faire face à une telle situation. Je crains aussi l'impact d'une telle application de la directive sur la philosophie de notre sécurité civile en France, qui repose sur le volontariat. Il importe que cette philosophie ne soit pas remise en cause !
M. Rémi Féraud. - Sur la question des personnels et de l'ensemble de la mission, Philippe Dominati écrit dans son rapport que l'évolution n'apparaît ni soutenable ni maîtrisée .Je le rejoins sur le fait qu'elle n'est pas suffisante. Les recrutements peuvent être inutiles s'il n'y a pas les crédits d'investissement et de fonctionnement à la hauteur. S'ils n'ont pas les véhicules adaptés, en effet c'est inutile. Mais je me demande si cette augmentation des dépenses de personnel n'est pas en réalité nécessaire. Nous souffrons toujours des 10 000 effectifs supprimés dans la cadre de la RGPP. De fait, il est regrettable que ce retard soit rattrapé par un sous-investissement. C'est cette absence d'approche globale qui est préjudiciable. J'aurais deux questions : y-a-t-il des perspectives d'amélioration ? Ma deuxième question portera sur les heures supplémentaires de la police nationale : y-a-t-il des perspectives de règlement de cette crise ?
M. Jérôme Bascher. - Sur le forfait post stationnement, Jean-Marc Gabouty, est-ce que nous disposons en fonction des collectivités d'une information sur le système le plus efficace en termes de recettes ? A Philippe Dominati, vous savez, l'institut économique Molinari a expliqué que dorénavant on dépensait plus que ce qu'on avait comme recette. Pour les gendarmes c'est la même chose, ils n'ont plus de crédits pour réparer ou mettre de l'essence dans les voitures alors que c'est leur pic d'activité. Donc avant de parler du PLF 2020 est-ce que vous avez eu connaissance que les crédits seraient dégelés pour finir l'année ?
M. Marc Laménie. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Les suicides de policiers et gendarmes sont très alarmants. Concernant la répartition des moyens humains, avons-nous une idée de ce que représente l'administration centrale ? Il y a de moins en moins de moyens humains dans les brigades. Certains départements n'ont plus d'argent pour entretenir les véhicules. De même, pouvez-vous m'indiquer la part de la réserve opérationnelle dans l'ensemble des effectifs ?
M. Victorin Lurel. - J'aimerais poser ma question à Jean-Marc Gabouty dont le rapport m'a vraiment éclairé, et je lui soumets une situation. Il y a au moment où je parle une situation explosive, je n'ose pas dire insurrectionnelle, en Guadeloupe à cause des radars tourelles. Il a été décidé après signature d'un document général d'orientation (DGO) prévoyant de passer de 33 morts en 2018 à 26 morts en 2020, d'installer 100 radars tourelles, sans davantage de discussion que le DGO signé avec les élus mais ne précisant pas la densification, c'est-à-dire le nombre de radars au kilomètres. Le réseau routier de la Guadeloupe est d'un peu plus de mille kilomètres, il va donc y avoir un radar tous les 10 km en moyenne. Dans ma commune, à Vieux-Habitants, il y a deux radars, nous avons donc saisi la CNIL pour comprendre. Notre collègue Vincent Delahaye, ancien rapporteur des crédits au CAS, avait fait plusieurs préconisations : « impliquer plus étroitement tous les acteurs de la sécurité routière, anticiper les nouvelles technologies de la sécurité routière, publier sur internet une carte des équipements de contrôle automatisé intégrant la carte de l'accidentalité ». Mais je veux mieux ! C'est que nous avons déjà en Guadeloupe avec Trafikera, c'est moi-même qui l'ai installé quand j'étais président du conseil régional de Guadeloupe. L'objectif était de fluidifier la circulation, mais cela sert plutôt à la police et à la gendarmerie et on ne sait pas ce que l'on fait des images...Le Préfet nous promet des drones, des voitures banalisées, des radars mobiles mobiles, mais cela devient liberticide ! Un radar tous les 10 kilomètres, cela dépasse la question de la sécurité. Je suis pour la sécurité mais en excès cela devient liberticide. Est-ce qu'il y a des exemples de cette nature dans d'autres départements ? Pourquoi ne pas mettre plus de radars pédagogiques ? Nous sommes proches de la saturation.
M. Jean Bizet. - Je confirme les propos de Catherine Troendlé au sujet du volontariat pour le secours d'urgence aux personnes. Il n'est pas question de rouvrir la directive sur le temps de travail. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker l'a répété, tant au Président Gérard Larcher qu'à moi-même, depuis plus d'un an. Je suis surpris que le ministère fasse preuve de léthargie et d'entêtement en ce qui concerne un éventuel porter-à-connaissance ou une lettre de confort sur ce point. La solution, à mon avis, est la proposition d'une nouvelle directive sur le volontariat, son écriture est d'ailleurs en cours. Nous aurons des nouvelles intéressantes sur ce sujet début décembre, à l'occasion de la prochaine réunion de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC). Cela dit, une fois que cette directive serait présentée, la procédure d'adoption peut durer au minimum 18 mois à deux ans. Il faut relever que plusieurs autres pays tiennent au volontariat des sapeurs-pompiers et approuvent le portage français d'une nouvelle directive, c'est la meilleure solution.
M. Michel Canévet. - Ayant participé aux travaux de la mission d'information sur le sauvetage en mer, j'ai pu constater une pluralité de moyens entre la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) et les SDIS. Des actions pourraient-elles êtres entreprises pour optimiser les activités de ses acteurs ? Pourrait-on ainsi éviter que les SDIS ne se dotent de moyens matériels nautiques alors même que la SNSM est en capacité de réaliser une bonne partie des missions dans le milieu nautique ?
Une seconde question à Jean-Marc Gabouty, concernant les amendes de police. Est-ce que la perspective financière pour l'année prochaine ne lui semble pas trop optimiste, au regard des évolutions observées depuis deux ans ?
L'unification des numéros d'appel d'urgence ne permettrait-elle pas d'optimiser les moyens correspondants dans les territoires ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial (programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités »). - Je constate que c'est une triste journée dans la mesure où l'ensemble des rapporteurs spéciaux dressent en réalité le même constat. On s'aperçoit que tous les interlocuteurs ont relayé les inquiétudes du terrain. Ce constat est très largement partagé. Le problème de sous-investissement et de manque de dépenses de fonctionnement a des conséquences opérationnelles directes. En termes d'armement et de formation, il y a de réelles raisons d'être inquiets. Pendant de nombreuses années, les gendarmes bénéficiaient d'une dotation d'agrément, appelée dotation de fonctionnement des unités élémentaires, qui devait servir à acheter des équipements pour la vie de la caserne. Aujourd'hui, cette dernière est détournée de son usage, pour acheter des biens professionnels, comme des ordinateurs, faute de crédits suffisants. Sur l'externalisation du parc de véhicules ; il n'existe pas d'autres moyens aujourd'hui, mais cette solution peut être également utilisée pour éviter d'avoir à investir et masquer une certaine misère. Néanmoins, l'externalisation me paraît utile, surtout dans un contexte de vieillissement du parc et de dépenses contraintes. D'autres moyens de rajeunir le parc d'automobiles existent, comme l'attribution aux unités de véhicules saisis. Je regrette néanmoins que cela se développe lentement, en raison notamment du manque d'engagement des magistrats. En plus, cela a un coût, car les véhicules saisis ne rentrent pas toujours dans les standards du parc des deux forces. En réalité, ces voitures saisies ne sont utilisées que par des unités spécialisées, comme les BAC ou la police judiciaire, ou servent de véhicules de liaison. Ils demeurent toutefois assez difficiles à intégrer à la gestion courante des services de sécurité.
S'agissant des heures supplémentaires au sein de la police nationale ; elles ont toujours existé, mais elles ont connu un pic particulièrement important ces dernières années lié, notamment, à la mobilisation des forces dans le contexte terroriste et au maintien de l'ordre public. C'est la première fois qu'il y a un début de réponse de la part du ministère. La mission « Sécurités » comprend en effet des crédits visant à limiter le flux pour l'année prochaine, tandis que des mesures réglementaires vont être prises pour limiter le recours aux heures supplémentaires par les chefs de service. Il y a donc un début de perspective sur ce sujet. Ce problème est colossal, car les heures supplémentaires non remboursées sont compensées par des départs à la retraite anticipés, parfois de plusieurs mois, qui entrainent de véritables trous opérationnels.
J'attends de ce ministère des réformes de structure et notamment en Ile-de-France. Le développement des polices municipales fournit un point de comparaison parfois inquiétant, face à une police nationale qui n'a plus de moyens. À titre d'exemple, mes interlocuteurs m'ont indiqué que le fonctionnaire qui a abattu le terroriste lors de l'attentat à la préfecture de police de Paris sortait de formation, sinon il aurait eu du mal à le neutraliser, car les formations au tir sont très largement déficitaires, faute de crédits suffisants.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial (programmes « Sécurité routière » et CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » de la mission « Sécurités »). - Concernant l'accidentologie et la typologie il y a un certain nombre d'éléments dans le rapport, pages 16 et 17, selon la catégorie d'usagers, la classe d'âge, la région, les facteurs comportementaux, le sexe etc. néanmoins ce qui est toujours sujet à interprétation ce sont les raisons multifactorielles des accidents. Quand une personne a un accident en dépassant 80 km/h, et en même temps a consommé de la drogue, il peut être difficile de distinguer la part de chaque cause. Or, nous sommes bien souvent sur du multifactoriel. Ensuite, le dispositif actuel sur les 80 km/h ne doit pas être encore pleinement satisfaisant puisque nous aurons un nouvel indicateur à compter de 2020 afin de disposer d'une vision différenciée des accidents « hors agglomération, hors autoroutes ». Cela montre par ailleurs que l'on peut toujours approfondir notre information. La baisse des accidents et des décès a principalement concerné comme vous le verrez les véhicules légers et les poids lourds. Alors que sur les autres catégories, nous constatons une baisse moins importante, notamment sur les piétons, et il y a, par ailleurs, une augmentation sur les cyclos. Nous n'avons pas encore de statistiques sur les trottinettes.
Concernant la question de Victorin Lurel sur le territoire de la Guadeloupe, ce qui m'étonne dans ce que vous dit le préfet, c'est que 100 radars tourelles c'est énorme, vous auriez 8 % des radars tourelles pour 0,8 % de l'accidentalité, ce qui ne paraît pas plausible. Je vais interroger le délégué à la sécurité routière. Surdensifier à ce point ce territoire serait démesuré.
À Michel Canévet, sur l'optimisme des perspectives financières, je l'ai effectivement souligné dans mon rapport. Nous sommes sur un exercice paradoxal, d'un côté nous souhaitons augmenter les recettes mais en même temps tarir leurs sources que sont le manque de discipline et le nombre d'accidents, comme d'ailleurs sur d'autres taxes, les tabacs ou l'alcool.
Sur l'expérimentation de la sous traitance, question posée par Sébastien Meurant, l'expérience a été menée dans des départements de Normandie et doit être étendue à sept régions. Il n'y a pas assez de recul sur ce début d'expérience. Je rappelle que l'itinéraire, le véhicule, le matériel et les trajets restent sous contrôle et détermination de l'État, seul le chauffeur n'est plus un agent de l'État. Les premières années, un problème matériel a fait perdre du temps, la nécessité de disposer de locaux de garage à proximité des parcours, ce dernier est désormais réglé. Nous n'avons pas encore assez de recul mais il semblerait en réalité que ce système n'est pas aussi efficace qu'espéré, cela demande néanmoins confirmation.
Concernant la structure par type de commune non il n'y a pas cette précision. Sur l'incidence de la décentralisation du stationnement payant, j'ai posé la question au délégué à la sécurité routière, j'ai eu une réponse pour le moins complexe d'une page et demie. Entre l'AFITF, le STIF et cette partie du CAS il y a des liens mais qui sont à géométrie variable selon que vous vous situez dans la région Ile-de-France ou dans le reste de la France. Il y a une affectation de 53 % en direction des collectivités territoriales, l'AFIFT est vraiment la variable d'ajustement, ce qui n'est pas un bon système puisque l'État doit apporter un correctif en PLFR. En 2018 il était prévu que l'AFITF perçoive 450 millions d'euros, alors qu'en 2020, le PLF prévoit 193 millions d'euros. Je rappelle que l'AFITF est l'organisme qui finance l'ensemble des infrastructures en France soit en co-financement dans le cadre des Contrats de plan État-Région, soit en direct sur des aménagements ferroviaires, fluviaux et routiers. Le budget total, de 2,4 milliards d'euros, est financé par les droits sur les sociétés autoroutières à hauteur de 700 millions d'euros, une part de la TICPE pour 1,2 milliard d'euros et 450 millions d'euros des amendes des radars. Ensuite, je rappelle que la loi d'orientation des mobilités a porté l'objectif du budget de l'AFITF à 3,6 milliards d'euros. Or nous procédons à cette augmentation avec des recettes budgétaires qui sont pour partie des variables d'ajustement. C'est pourquoi je propose de réformer complètement ce compte d'affectation spécial, qui est beaucoup trop alambiqué, qui manque de lisibilité et même de logique.
Au niveau de l'Île-de-France, la part qui revient au Syndicat des transports d'Île-de-France est prioritaire ce qui pénalise potentiellement les communes selon leur situation et la politique qui a été décidée. On n'a pas un état des lieux collectivité par collectivité sur l'ensemble de la France, certaines ont été gagnantes et d'autres perdantes.
Le dispositif qui nous est indiqué est qu' « à compter de la répartition du produit des amendes de police effectuée en 2019, le Stif et la région Île-de-France percevront les mêmes sommes au titre des amendes de police que celles perçues en 2018. Ces sommes correspondaient à 75 % du produit des amendes destinées aux communes d'Île-de-France en 2018. Par conséquent, en application de l'article L. 2334-25-1 du code général des collectivités territoriales, les communes franciliennes percevront l'intégralité du produit correspondant aux amendes de police dressées sur leur territoire mais acquitteront une contribution fixe correspondant exactement aux montants de la contribution de la commune en 2018 destinée au Stif et à la région Île-de-France ». Certaines communes d'Île-de-France sont soumises à un prélèvement sur douzième de fiscalité, pour un montant total de 13,9 millions d'euros.
Mme Christine Lavarde. - En 2019 on percevait encore des recettes au titre des années antérieures, donc en 2020 cela va être l'effet en année pleine de la réforme.
M. Jean-Marc Gabouty. - Nous avons les résultats de 2018, or ce n'est pas une bonne année de référence car la mise en place du stationnement payant s'est faite progressivement. 2019 sera une meilleure année de référence. Je pense que la revendication principale doit être l'augmentation de la part des collectivités au sein du CAS, surtout pour celles qui sont perdantes, car le fait que la part État augmente du même niveau n'est pas logique.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - En réponse à Antoine Lefèvre, le numéro unique est effectivement un projet attendu et une volonté affichée par le président de la République. L'annonce récente de la ministre de la santé relative à la création du service d'accès aux soins (SAS) serait un facilitateur pour l'émergence d'un tel numéro unique, alors que nous avons aujourd'hui le 15, le 17, le 18, le 112, le 115...
M. Jérôme Bascher. - C'est le numéro unique avec un « S » !
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial (programme « Sécurité civile). ... Le SAS permettrait d'orienter les patients soit vers une consultation en ville, soit vers une téléconsultation, ou alors vers les urgences. La Fédération des sapeurs-pompiers de France considère qu'il faudrait que le 112 soit le numéro unique pour les secours d'urgence et le 116-117 pour orienter vers les médecins généralistes de garde. La vraie question que soulève ce numéro unique est celle des plateformes communes de traitement des appels d'urgence. De telles plateformes favoriseraient encore davantage une meilleure coordination des secours.
La question de la prime de feu est bien intégrée dans les réflexions menées par les différents groupes de travail de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS), à la suite des revendications exprimées par les sapeurs-pompiers professionnels. Nous en saurons davantage sur les suites qui y seront données dans les mois qui viennent. Nous n'avons pas encore de retour sur l'expérimentation récente de l'utilisation des caméras individuelles par les sapeurs-pompiers.
Au sujet de la flotte, des crédits sont toujours prévus pour le maintien en condition opérationnelle (MCO). Les sept Tracker sont en fait arrêtés à la suite d'un problème sur le train d'atterrissage, survenu début septembre. Aussi, par précaution, ces avions ne peuvent pas voler tant que l'origine de cette défaillance technique n'est pas connue.
Patrice Joly a bien fait de rappeler les conséquences du pacte de Cahors sur les départements. Ces derniers sont en effet la variable d'ajustement dans le financement des SDIS, les contributions des autres collectivités étant contraintes. Il revient donc aux départements de financer les dépenses nouvelles de SDIS.
La baisse de la dotation de soutien aux investissements structurants ne fait que compliquer la situation financière des SDIS.
Vous avez été nombreux à vous inquiéter de l'avenir du volontariat chez les sapeurs-pompiers. Il faut le marteler : le volontariat est la colonne vertébrale des secours en milieu rural. Les casernes majoritairement professionnalisées ne se retrouvent que dans le milieu urbain, même si bien sûr, il y a des sapeurs-pompiers professionnels en milieu rural. Le volontariat ne doit pas être remis en cause ! Le coût qu'entrainerait l'application de la directive pour les SDIS en France, à la suite de l'arrêt « Matzak » de la Cour de justice de l'Union européenne, a donc été évalué à 2,5 milliards d'euros. Les départements seraient incapables d'y faire face.
Quant à la question de Michel Canévet, relative à d'éventuelles mutualisations entre les SDIS et la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), je ne suis pas certains qu'il y ait des redondances entre les moyens de la SNSM, qui par ailleurs en manque, et ceux des SDIS. Ce sujet mérite d'être creusé.
M. Vincent Éblé, président. - Je vous propose de passer au vote sur l'ensemble de la mission « Sécurités ».
La commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Sécurités ».
M. Vincent Éblé, président. - Nous examinons à présent l'article 78 septdecies, rattaché à la mission « Sécurités », et l'amendement n°1 présenté par le rapporteur Jean Pierre Vogel sur cet article.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. Cet article prévoit de généraliser la possibilité de réaliser des évacuations d'urgence de victimes par les associations agréées de sécurité civile. Cette possibilité est actuellement circonscrite dans le ressort de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille.
Que les choses soient claires : je partage complètement l'objectif poursuivi par cet article, qui est d'assurer sur l'ensemble du territoire la continuité de la prise en charge des victimes secourues par ces associations, jusqu'à leur transfert vers un établissement de santé. Mais cette mesure n'a aucune incidence directe sur les charges de l'État, et ne doit dès lors pas figurer dans la présente loi de finances, dont le domaine est encadré par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001. Son adoption dans le texte définitif l'exposerait à une censure du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, la rédaction de cet article soulève plusieurs difficultés et mériterait d'être améliorée, afin de garantir notamment la pleine maîtrise des services d'incendie et de secours dans le recours aux moyens complémentaires qu'offriraient les associations agréées de sécurité civile dans leurs opérations de secours d'urgence aux personnes.
Ainsi amélioré, cet article pourrait être repris dans un texte spécifique.
L'amendement n°1, présenté par le rapporteur spécial, est adopté. En conséquence, la commission décide de proposer au Sénat la suppression de l'article 78 septdecies.
M. Vincent Éblé, président. - Je vous propose de passer au vote sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - Depuis l'an dernier, le budget de la mission AGTE a changé d'échelle. Avec près de 4 milliards d'euros de crédits, elle bénéficie d'un supplément de crédits de 1,1 milliard d'euros.
La plupart d'entre vous savent qu'il s'agit de l'effet d'attraction exercé apparemment par le ministère de l'intérieur sur d'autres budgets puisqu'en dehors des transferts en provenance de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et d'une série d'autres missions allant de la mission sécurité à la mission agriculture, alimentation forêt et affaires rurales, je serais amené à vous présenter un budget à peu près stabilisé : 50 millions d'euros de plus que les 2,8 milliards de l'an dernier.
Je centrerai mon propos sur quelques sujets.
Le ministère de l'intérieur est censé incarner l'ordre, du point de vue budgétaire il manque à ce devoir. Le budget proposé est affecté d'un défaut de lisibilité qui me semble confiner à l'irrégularité constitutionnelle. Nous avons affaire au sein du programme 354, issu de la fusion des programmes 307 « Administration territoriale de l'État» et 333 « Moyens mutualisés des services déconcentrés du Premier ministre » à des reclassements d'emplois et de crédits entre les différentes actions du programme qui ne sont accompagnés d'aucune sorte de justification. C'est ainsi, par exemple, que d'un exercice à l'autre les emplois dédiés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales font l'objet d'un rebasage tel que le contingent prévu pour 2019 se réduit d'un coup de baguette magique de 174 ETPT, soit à peu près 8 % des emplois comptés jusqu'à présent comme concourant au contrôle de légalité.
En ce qui concerne l'administration territoriale de l'État, je vous ai indiqué que le programme 333 auparavant porté par le Premier ministre est transféré au ministère de l'intérieur. Celui-ci bénéficie en outre du transfert d'autres moyens, à savoir les emplois affectés par différents ministères à des fonctions de support au service des directions départementales interministérielles. Cette opération est présentée comme découlant d'une analyse conduite par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration afin de rechercher les voies d'une meilleure mutualisation. Cette présentation me paraît assez révisionniste dans la mesure où ce dont il était question alors c'était de transférer des emplois et des crédits vers le programme 333 du Premier ministre, évolution à laquelle précisément le ministre de l'intérieur s'était vigoureusement opposé. La force fait l'union et finalement le ministre de l'intérieur aura eu gain de cause. Ce n'est peut-être pas le plus important, encore que les préoccupations du ministère de l'intérieur peuvent être un peu idiosyncratiques. Nous verrons bien.
Il est sans doute plus utile de relever que l'opération visant à constituer de grands états-majors, machines à mutualiser les moyens, manque d'aboutissement : les crédits de fonctionnement et d'investissement ne sont transférés que dans le cadre de l'apport fusion du programme 354 et certaines administrations ou agences restent à l'écart du processus. C'est en particulier le cas du ministère des finances, qui décidément n'aime que modérément s'appliquer à lui-même les recettes d'efficience qu'il préconise pour les autres, sauf bien entendu quand il s'agit d'abandonner des missions de proximité au service de nos compatriotes déjà soumis aux restrictions des services de proximité des banques. Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan de la mission confiée au ministère de l'intérieur de rationaliser les coûts d'administration territoriale de l'État. Le passé ne plaide pas pour un pari sur la réussite.
Je rappelle le bilan du plan préfecture nouvelle génération. 4 000 emplois de proximité ont été supprimés sans que les redéploiements vers les missions prioritaires ne soient tous intervenus. Les guichets des préfectures sont fermés aux usagers, les seuls restant ouverts étant ceux destinés à l'accueil des étrangers. Le projet de budget prolonge les suppressions d'emplois (678 pour le programme 354) qui porteront donc sur des missions considérées comme prioritaires. Un processus de nécrose du réseau est de longue date identifié. Il s'aggrave au risque d'affecter un peu plus la qualité des missions. Les sous-préfectures demeurent en nombre inchangé mais les emplois se réduisent à nouveau. En 2017, 58 sous-préfectures disposaient de moins de 10 emplois. En 2019, elles sont au nombre de 82. Il y a fort à parier que le projet Maisons France Service annoncé par le Premier ministre à la suite des annonces du président de la République censé sublimer les maisons de services au public, les MSAP, en les disséminant dans chaque canton et devant satisfaire à des exigences renforcées de qualité entraînera une nouvelle attrition du réseau préfectoral, notamment celui de proximité. Nous avons les annonces, nous n'avons pas les financements. Cela se terminera par des coupes sombres dans le réseau préfectoral et par la sollicitation des financements des collectivités territoriales pour un bouquet de services impalpable et d'une qualité dont on frémit
Au demeurant c'est l'habitude de reporter les charges sur les autres au ministère de l'intérieur...
J'y reviens tout de suite mais je veux vous faire part de deux sujets de préoccupation : d'abord, la crise du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales, ce dernier laissant sans moyens les petites municipalités. Allons-nous étonner que les maires renoncent ! Deuxième mission dont les conditions d'exercice sont préoccupantes, je l'avais exprimé dans ma contribution à la loi de règlement pour 2018, la mise en oeuvre des missions de sécurité des populations. Depuis, nous avons réappris ce que pouvait représenter un accident Seveso. Il est temps de redresser la barre.
J'en reviens aux transferts de charges. De nombreuses communes sont appelées à se doter d'une application dite Comedec de télétransmission des données d'état civil censée accompagner la lutte contre la fraude documentaire. L'État les défraye à hauteur de 2 millions d'euros. Cette application rapporte plus de 13 millions d'euros à l'Agence nationale des titres sécurisés. Quant aux frais liés à la prise en charge des bornes de demande de titres sécurisés je ne suis pas du tout sûr qu'ils soient correctement couverts. Mais l'essentiel est ailleurs.
Vous savez que l'État ne traite plus qu'à peu près 5 % des demandes de certificats d'immatriculation, s'étant délesté de cette mission. Le reste revient aux opérateurs privés qui demandent environ 30 euros à leurs clients pour obtenir leurs cartes grises. Ceci crée un marché pour un titre sécurisé obligatoire. Le ministère de l'intérieur agrée les opérateurs mais il dit ne rien savoir du chiffre d'affaires correspondant. Je vous rappelle que plus de 11 millions de cartes grises sont délivrées par an. Faites le calcul. Cela fait tout de même une belle charge supplémentaire pour les Français.
Il est vrai que les délais de délivrance des titres demeurent très insatisfaisants, la dématérialisation et la création de cellules spécialisées en lieu et place des mairies et des sous-préfectures n'ayant pas eu d'impact favorable sur ce point.
Un mot sur l'accueil des étrangers pour faire ressortir que l'armement des préfectures constaté ces dernières années est apparemment interrompu et qu'on constate des dysfonctionnements sérieux auxquels il faut remédier très vite.
Le programme 232 concerne le financement de la vie politique. Les élections municipales sont budgétées pour 132 millions d'euros mais devraient coûter 155,7 millions d'euros. Peut-être cela préservera-t-il le programme de transferts contestables comme celui qui l'a ponctionné en 2019 pour boucler une opération immobilière sans aucun lien avec lui. Nous ne disposons toujours d'aucune indication sur la niche fiscale pour dons et cotisations qui devrait figurer dans le bleu mais n'y est même pas mentionnée. Mais je vous apporterai des précisions sur ce point prochainement. Enfin nous voyons inscrits 60 000 euros au titre du médiateur du crédit aux candidats et aux formations politiques. Institution nouvelle qui me paraît assez peu susceptible de remplir son office en surmontant le refus des banques de prêter aux politiques, sauf à y imaginer que ce soit précisément sa mission d'y échouer...
Deux mots sur les crédits du programme soutien 216. L'agence nationale de la cohésion des territoires y bénéficie de 30 ETPT et les moyens des cabinets des ministres y sont renforcés. Le programme reconduit le niveau des crédits inscrits au titre des dépenses de contentieux. Dans le passé cette ligne a été souvent sous-budgétée. Les gilets jaunes coûteront au moins 80 millions d'euros au titre de la responsabilité de l'État pour attroupements nous dit le ministère. Ce sera sans doute beaucoup plus et il faudra compter avec d'autres titres de responsabilité.
Parmi les mouvements considérables qui concernent ce programme figure la création d'une direction du numérique. On peut s'en féliciter si elle permet de conduire correctement les projets informatiques et des systèmes de communication qui régulièrement coûtent in fine des sommes considérablement plus élevées que celles envisagées.
Compte tenu de mes observations, je devrais vous proposer le rejet des crédits de la mission. Mais, ce budget 2020 est une un budget de transition qui peut, si tout se passe bien, permettre de remettre des moyens sur les territoires. Prenons donc le Gouvernement au mot. Pour ne pas ajouter du désordre au désordre je vous propose donc de rendre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits.
M. Marc Laménie. - Merci au rapporteur pour son travail de grande qualité. J'éprouve les mêmes sentiments que le rapporteur spécial devant les évolutions de ces dernières années. L'État est moins présent dans les territoires et les liens avec les élus sont distendus. Ma question porte sur les perspectives de répartition des emplois entre l'administration centrale et le terrain.
M. Jérôme Bascher. - Je voudrais savoir à combien de personnes le rapporteur spécial estime les besoins de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. On a ôté des personnels dans le réseau préfectoral qui pouvaient servir par leurs compétences et on en crée à Paris. Est-ce qu'il y aura des économies d'échelle. Est-bien utile d'avoir des effectifs dans cette agence ?
M. Thierry Carcenac. - Ma question concerne le plan préfecture nouvelle génération. J'ai cru comprendre que cet été il y avait eu de nouvelles concentrations au niveau régional, par exemple dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. A-t-on une idée des évolutions prévues ? Les transferts d'emploi prévus cette année depuis les services du Premier ministre ne contribuent pas, pour le moment, à clarifier les choses. Il y a un second problème avec l'immobilier. Souvent les préfectures occupent des locaux appartenant à des collectivités territoriales et, en particulier, aux départements. Dans le cadre des schémas de suppressions de postes, les collectivités territoriales ne sont pas informées et l'État essaye de conserver des locaux où il n'y a pas de loyers significatifs à payer. Ce sont ceux mis à disposition par les collectivités, qui sont conduites à porter une part croissante de l'immobilier du réseau. De plus en plus de sous-préfectures passent sous des seuils d'emploi minimaux, cela conduit à excéder les normes de taux d'occupation des locaux. A-t-on une idée de ces dépassements ?
M. Philippe Dallier. - Toujours dans la suite de la visite du Premier ministre en Seine-Saint-Denis, sur le sujet de la sécurité, même s'il n'y a pas beaucoup de policiers supplémentaires déployés dans le département, une annonce a été faite selon laquelle on aiderait les communes à s'équiper de vidéo surveillance avec un recours accru au fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD. Je lis dans le document que des engagements ont été pris pour rééquilibrer les interventions du FIPD des zones de police vers celles de gendarmerie. Il sera intéressant de suivre dans les années qui viennent la façon dont les crédits seront consommés. Comment conciliera-t-on les engagements pris ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je suivrai l'avis de sagesse du rapporteur spécial en espérant que les mutualisations seront fructueuses et en regrettant le mouvement général qui voit les capacités de coordination des préfets céder devant une administration en silos, qui perd la vision d'ensemble. Nous n'avons pas besoin de plus de fonctionnaires dans les agences ou en administration centrale mais nous pouvons en avoir besoin sur le terrain. Il faut une meilleure déconcentration et pas de décentralisation.
M. Patrice Joly. - Je voudrais comprendre pourquoi les crédits du programme 232 consacrés à la vie politique servent à réaliser une opération immobilière.
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - Il y a aura plus de suppressions sur le terrain que dans les administrations centrales. Sur l'agence nationale de cohésion des territoires, on crée une énième agence. Nous verrons bien le service que ça rendra à la population et aux collectivités territoriales. Je me souviens avec une certaine nostalgie de l'élan donné à l'aménagement du territoire par la DATAR. Encore une fois, nous verrons ce qu'il en sera et si les 30 ETPT prévus apportent un plus. Sur l'immobilier du réseau, vous avez vu juste. Il y a un problème d'articulation entre les suppressions d'emplois et l'occupation des locaux. Par ailleurs, je relève que le ministère s'occupe beaucoup plus de son immobilier parisien que de l'immobilier du réseau. Les crédits en témoignent. Il faudra bien entendu suivre comment on concilie les différents engagements pris au titre du FIPD. Il y a de plus en plus de communes, même dans les territoires ruraux, qui demandent de la vidéo surveillance même quand certains responsables locaux y étaient au début très hostiles. Il sera important de vérifier que les équipements ne sont pas vandalisés. Le transfert de crédits à partir du programme 232 n'est pas totalement contraire à la lettre de la loi organique relative aux lois de finances. Mais quant à son esprit...
La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
M. Vincent Éblé, président. - Nous passons aux articles rattachés. Il y a un article 73 B.
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - L'article 73 B concerne l'expérimentation des cercles de jeu qu'on propose de prolonger. On peut se demander pourquoi rattacher cet article à la mission même si le ministre de l'intérieur suit les questions relatives aux jeux. S'agissant d'une simple prolongation destinée à l'évaluation, je préconise l'adoption.
La commission propose au Sénat l'adoption sans modification de l'article 73 B.
M. Vincent Éblé, président. - Maintenant sur l'article 73 C, quel est votre avis ?
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - Je propose de supprimer cet article additionnel qui porte sur une demande de rapport sur l'opportunité de maintenir la carte d'électeur. C'est un rapport de plus et un rapport qui pourrait ne pas trouver grâce aux yeux du Conseil constitutionnel.
M. Vincent Éblé, président. - Un rapport sur l'utilité de la carte d'électeur ? Y a-t-il besoin d'une loi pour que l'exécutif commette un rapport ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je suggère un rapport sur l'opportunité de faire des rapports.
La commission propose au Sénat de supprimer l'article 73 C.
La réunion est close à 17 h 10.
Mercredi 13 novembre 2019
La réunion est ouverte à 8 h 35.
Projet de loi de finances pour 2020 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général
M. Vincent Éblé, président. - Nous examinons ce matin les amendements présentés par le rapporteur général sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2020.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je vous propose 60 amendements à ce stade, dont un nombre important concerne l'article 5, relatif à la suppression de la taxe d'habitation.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.1 prévoit de relever le plafond du quotient familial de 1 567 à 1 750 euros par demi-part pour l'impôt sur le revenu de 2020, afin de redonner du pouvoir d'achat aux familles qui sont oubliées dans ce PLF. Ce plafond avait été abaissé à deux reprises sous le quinquennat de François Hollande.
L'amendement FINC.1 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.2 prévoit d'étendre à l'ensemble des agents publics le principe selon lequel les agents de l'État exerçant leurs fonctions à l'étranger ont leur domicile fiscal en France s'ils ne paient pas, dans leur pays d'affectation, un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus. L'Assemblée nationale a étendu ce critère de domiciliation fiscale aux agents territoriaux. Notre amendement l'étend à l'ensemble des agents publics, couvrant ainsi les agents hospitaliers. Le coût de cette mesure est tout à fait modique.
L'amendement FINC.2 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'article 2 septies précise les modalités de détermination du prix d'acquisition des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BCPCE). Cet article pourrait pénaliser les entreprises : notre amendement FINC.3 propose donc de le supprimer et de renvoyer à la doctrine le soin de sécuriser les mesures applicables.
L'amendement FINC.3 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.4 revient sur la hausse du taux minimum d'imposition des revenus de source française des non-résidents. Celui-ci est en effet passé de 20 à 30 % en loi de finances initiale pour 2019. Dans un rapport, l'Assemblée nationale préconisait une amélioration de l'imposition des résidents, or ceux-ci ont finalement été surimposés avec la réforme du Gouvernement. Nous proposons de revenir à un régime plus équitable pour les Français demeurant à l'étranger.
L'amendement FINC.4 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.5 prévoit de supprimer l'article 2 nonies qui proroge d'un an le taux bonifié de la réduction d'impôt dite Madelin, car ce dispositif relève de la seconde partie du PLF.
L'amendement FINC.5 est adopté.
Article additionnel après l'article 2 nonies
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.6 propose de porter à 70 000 euros le montant de l'abattement applicable aux donations. Cet amendement est directement inspiré du rapport que notre commission a consacré en novembre 2017 à la rente immobilière. Il a de surcroît été adopté par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du XXIe siècle.
L'amendement FINC.6 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avec mon amendement FINC.7, je propose de restreindre le champ d'application de l'article 3 aux seuls dirigeants exerçant des fonctions exécutives afin qu'il ne touche pas les membres du directoire des entreprises. Dans sa rédaction actuelle, l'article 3 risquerait en effet de les soumettre, non pas forcément à l'impôt sur le revenu français, car il existe de nombreuses conventions fiscales en la matière, mais à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et aux droits de succession français. Maintenir une telle disposition accélérerait probablement le mouvement de délocalisation de nos sièges sociaux.
Mme Christine Lavarde. - Ne pourrait-on pas revenir à la rédaction initiale de cet article, qui fixait un seuil de chiffre d'affaires plus élevé ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Libre à vous de déposer un tel amendement. Je suis favorable au principe de l'article, mais mon objectif est d'éviter que cette disposition, certes séduisante et populaire, ne crée de dommages collatéraux. D'autant que cette mesure ne devrait pas rapporter grand-chose au budget de l'État, car les situations sont déjà traitées par la jurisprudence du Conseil d'État.
M. Claude Raynal. - Les entreprises françaises n'ont pas attendu cette disposition pour s'installer aux Pays-Bas ... Il faudrait que Renault, Airbus et consorts relocalisent leurs sièges sociaux en France !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'article 3 vise bien les entreprises dont le siège social est en France, mais il pourrait, dans sa rédaction actuelle, contribuer à accélérer le mouvement de délocalisation. C'est ce que nous ne souhaitons pas.
L'amendement FINC.7 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.8 décale l'entrée en vigueur de l'article 3 au 1er janvier 2020, afin d'éviter qu'il ne soit rétroactif.
L'amendement FINC.8 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avec mon amendement FINC.9, je vous propose d'élargir aux propriétaires bailleurs, sous conditions de ressources, le bénéfice du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Le coût de cette mesure devrait être peu élevé, de l'ordre de 15 millions d'euros.
L'amendement FINC.9 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Dans sa rédaction actuelle, l'article 4 permet aux ménages des neuvième et dixième déciles de revenus de bénéficier du CITE en 2020 pour leurs dépenses relatives aux matériaux d'isolation thermique des parois opaques. Cela ne suffit pas. L'amendement FINC.10 prévoit d'inclure toutes les dépenses de rénovation globale dans le dispositif.
M. Julien Bargeton. - Quel serait le coût de cette extension ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je l'estime à 10 millions d'euros.
M. Philippe Dallier. - Ces amendements sont les bienvenus. Le coût de ces mesures reste toutefois délicat à estimer.
L'amendement FINC.10 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'article 5 prévoit la suppression totale de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023. Pour compenser les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la perte de cette recette, un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales est proposé à compter de 2021. Il consiste notamment à attribuer aux communes la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) - avec les bases de 2020 et les taux de 2017 -, en corrigeant les différentiels de compensation par l'application d'un coefficient correcteur ; à attribuer aux départements une fraction de TVA correspondant au montant de leurs recettes de TFPB en 2020 ; à attribuer aux EPCI, ainsi qu'à la Ville de Paris, une fraction de TVA équivalente au montant de leurs recettes de taxe d'habitation en 2020 ; et à accorder aux régions une dotation budgétaire équivalente à la fraction des frais de gestion de la taxe d'habitation qui leur est transférée par l'État.
Afin de nous permettre d'apprécier les effets de cette réforme, l'administration fiscale a fourni des simulations qui reposent sur les bases et les taux de 2018 alors que le projet de loi retient, respectivement, les années 2020 et 2017 pour les communes et les EPCI, et les années 2020 et 2019 pour les départements.
En outre, rien ne permet de savoir comment vont évoluer ni les ressources financières des communes surcompensées et sous-compensées, ni le différentiel de compensation assumé par l'État, aujourd'hui évalué à 375 millions d'euros.
Enfin, les conséquences de cette réforme sur les indicateurs financiers des collectivités territoriales et de leurs groupements ne peuvent pas non plus être pleinement appréciées.
Avec l'amendement FINC.14, je vous propose tout d'abord de décaler d'un an l'entrée en vigueur du nouveau schéma de financement des collectivités territoriales, c'est-à-dire en 2022. Cela ne remettra pas en cause l'allégement de fiscalité pour le contribuable, mais un délai supplémentaire est nécessaire pour mieux apprécier les effets de cette réforme pour les collectivités et prévoir les mesures de compensation adéquates concernant le calcul des indicateurs de péréquation. Les auditions que nous avons menées ont bien montré que les services de l'État ne sont actuellement pas capables de mesurer les effets de la réforme sur le calcul du potentiel fiscal et donc sur la péréquation entre collectivités. Ils nous renvoient à d'éventuels correctifs en 2021, mais, plutôt que de bricoler des rustines l'an prochain, je suggère que nous prenions le temps de bien penser la réforme en la décalant d'un an.
Ce décalage dans le temps permettrait la remise par le Gouvernement d'un rapport en 2020 puis en 2021 sur les conséquences financières de la mise en oeuvre de cette réforme avec des simulations « à blanc » et permettrait de travailler sur l'ajustement des indicateurs de péréquation avant l'entrée en vigueur du nouveau schéma de financement des collectivités territoriales. C'est l'objet de mon amendement FINC.18.
Cette proposition sera sans incidence sur le contribuable puisqu'il n'est proposé de remettre en cause ni la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023 ni le dégrèvement total en faveur des 80 % des ménages les moins favorisés en 2020.
L'amendement FINC.11 prévoit un dégrèvement équivalent à un tiers de la cotisation des ménages faisant partie des 20 % les plus favorisés en 2021. L'amendement FINC.12 prévoit que cet allégement sera transformé en exonération à compter de 2022, comme le propose le Gouvernement dès 2021. L'amendement FINC.13 supprime des dispositions rendues sans objet par le prolongement de ce dégrèvement et prévoit des mesures de coordination avec le décalage.
Plusieurs amendements permettront par ailleurs d'améliorer le dispositif prévu pour accompagner la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, d'une part, et le nouveau schéma de financement des collectivités territoriales, d'autre part.
Il est ainsi proposé, dans l'amendement FINC.32, de supprimer le mécanisme proposé par le Gouvernement de remise à la charge des communes et des EPCI, pour 2020, des augmentations de taux de la taxe d'habitation depuis 2017. L'amendement FIN.16 prévoit que, lors de l'affectation transitoire du produit de la taxe d'habitation à l'État, ce dernier percevra un montant déterminé en référence aux taux applicables en 2017, par symétrie avec le dispositif de compensation des communes et des EPCI. L'amendement FINC.15 prévoit de revenir sur la revalorisation des valeurs locatives, introduite à l'Assemblée nationale, mais limitée à + 0,9 %, au profit d'un retour au droit en vigueur qui devrait permettre une revalorisation autour de + 1,2 %.
Une série d'amendements prévoit une plus juste compensation des communes, des EPCI, des départements et des autres collectivités territoriales concernées en supprimant les effets de l'« année blanche ». L'amendement FINC.19 majore le montant des recettes de taxe d'habitation retenu pour la fraction de TVA affectée aux EPCI tandis que l'amendement FINC.21 majore les allocations compensatrices afférentes. Les amendements FINC.23 et 25 font de même s'agissant des recettes de TFPB des départements et les amendements FINC.27 et 29 également s'agissant des recettes de taxe d'habitation de la Ville de Paris. Les amendements FINC.17, FINC.20, FINC.24 et FINC.28 modifient les formules de calcul des rôles supplémentaires retenues pour la compensation des collectivités, afin de les rendre plus justes.
L'amendement FINC.52, qui introduit un article additionnel après l'article 21 et que nous examinerons plus tard, prévoit une compensation intégrale des exonérations de TFPB en matière de logement social. Issu d'une initiative de notre collègue Philippe Dallier, il s'agit d'un amendement désormais traditionnel de notre assemblée puisqu'il est voté chaque année.
Les amendements FINC.22, FINC.26 et FINC.30 prévoient un mécanisme de garantie de ressources relatif au montant des fractions de TVA affectées, respectivement, aux EPCI, aux départements et à la Ville de Paris, plus protecteur de ces derniers en cas de retournement conjoncturel : le montant versé ne pourrait être inférieur à celui de l'année précédente.
Enfin, l'amendement FINC.31 prévoit que les collectivités ne peuvent être pénalisées si le montant de TVA encaissé est finalement inférieur à la prévision fixée en loi de finances initiale.
Pour résumer cette longue série d'amendements, retenons que, même si cette réforme nous paraît mal calibrée et extrêmement coûteuse pour l'État, nous ne la remettons pas en cause pour le contribuable. En revanche, nous refusons de voter à l'aveugle le dispositif de financement des collectivités qui est manifestement inabouti sur les logements sociaux, les revalorisations, les potentiels fiscaux, etc. Donnons-nous une année supplémentaire pour mesurer les effets de la réforme et en corriger les faiblesses. Nous avons entendu les associations d'élus en audition.
M. Philippe Dallier. - Ce décalage d'un an est une sage décision, a fortiori à la veille des élections municipales ! Les amendements sur l'« année blanche » sont-ils liés à ce décalage d'un an ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Non, ils auraient été nécessaires même en l'absence de décalage, afin que l'« année blanche » ne soit pas une année sans revalorisation.
M. Philippe Dallier. - Pour les communes sous-compensées, la part départementale de TFPB évoluera-t-elle comme les bases de la commune, l'État prenant peut-être un risque ...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le coefficient correcteur est fixe et le produit évoluera bien comme les bases.
M. Philippe Dallier. - La question de la compensation des exonérations de TFPB en matière de logement social est un sujet majeur, et je remercie le rapporteur général d'avoir repris ma proposition à son compte. Son coût est d'environ 450 millions d'euros.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement aura du mal à nous opposer son coût maintenant que l'on sait que le critère des 3 % est obsolète, comme vient de l'affirmer le président de la République récemment !
M. Philippe Dallier. - Quelle solution de repli pourrions-nous imaginer afin que notre proposition prospère au-delà de son passage à l'Assemblée nationale ? Si, au final, le PLF ne comportait aucune disposition en ce sens, ce serait catastrophique.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Si les maires n'ont plus ni taxe d'habitation ni TFPB, comment voulez-vous qu'ils soient incités à construire des logements sociaux ? En outre, cela rend les réformes totalement inéquitables entre les communes selon qu'elles ont beaucoup ou peu de logements sociaux.
M. Philippe Dallier. - L'Assemblée nationale ne s'est absolument pas saisie de ce problème lors de son examen du PLF en première lecture, alors que c'est un problème évident !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'an dernier, l'Assemblée nationale ne s'était pas non plus saisie de la question de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ! Heureusement que le Sénat était là !
M. Claude Raynal. - Si nous rencontrons tant de difficultés, c'est qu'il nous manque un projet de loi spécifique sur le financement des collectivités locales ; il nous avait pourtant été promis ! La question du potentiel fiscal est un vrai sujet et l'on ne peut pas se contenter de voter puis de voir venir. Nous avons déjà connu des réformes fiscales sur lesquelles il nous a fallu revenir plusieurs années de suite ; je pense notamment à la réforme de la taxe professionnelle et à la création de la contribution foncière des entreprises (CFE) minimale.
Globalement, nous partageons l'esprit de vos amendements. Il est fondamental que le décalage d'un an soit adopté par le Parlement. Comment entrer en dialogue rapidement avec les ministres afin d'y travailler ? Cet objectif n'est pas inatteignable si nous y travaillons ensemble.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est en cours. Si la question des logements sociaux n'est pas résolue, ce sera un vrai problème. Mais l'unanimité du Sénat montrera au Gouvernement que c'est un sujet partagé qui concerne toutes les communes. Les demandes du Sénat ne sont pas déraisonnables et nous avons montré notre sens des responsabilités, dans un contexte de crise, au moment d'adopter le PLF pour 2019. Je me suis promis de ne plus jamais accepter de voter de réforme inaboutie. Nos propositions sont raisonnables et de bon sens.
M. Jean Pierre Vogel. - Le coefficient correcteur est fixe ; or, taux et bases peuvent évoluer. Imaginons une collectivité qui percevait 75 de taxe d'habitation et de TFPB ; si, après la réforme, elle perçoit 100 de TFPB, son coefficient correcteur sera de 0,75. Mais si, grâce à son action volontariste - nouvelles installations ou hausse des taux - ses recettes passent à 130, le coefficient de 0,75 s'appliquera-t-il à ces 130 ? La collectivité risque de perdre une partie du bénéfice de son action.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Il faut distinguer l'effet base et l'effet taux. La collectivité pourra bénéficier du plein effet des taux.
M. Jean Pierre Vogel. - Imaginons que l'augmentation de 30 du produit soit due pour 20 à l'augmentation des bases et pour 10 à l'augmentation des taux. Qu'en sera-t-il ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le coefficient correcteur s'applique uniquement au produit résultant de l'évolution des bases.
M. Jean Pierre Vogel. - J'en déduis que les augmentations de fiscalité propre des collectivités dont le coefficient correcteur est inférieur à un vont servir à financer les collectivités dont le coefficient correcteur est supérieur à un.
M. Claude Raynal. - Voici ce que j'ai compris : la commune gardera le produit lié à l'augmentation des taux ; s'il y a augmentation des bases physiques, le coefficient correcteur ne s'appliquera pas. En revanche, il s'appliquera à l'augmentation annuelle des bases selon le pourcentage fixé par l'État.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce n'est pas exactement cela : les anciennes bases reconstituées conserveront leur plein dynamisme. En revanche, le coefficient minorera le produit de TFPB résultant de l'évolution des bases qui excèderait la stricte compensation nécessaire.
M. Philippe Dallier. - Peut-être les services de la commission pourraient-ils nous présenter quelques situations types afin de nous éclairer ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous trouverez dans le rapport général un commentaire de l'article 5 très complet, assorti d'exemples.
M. Marc Laménie. - C'est un sujet complexe. Quel montant les fractions de TVA transférées représentent-elles ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Elles représenteront 22 milliards d'euros et évolueront comme la TVA perçue au niveau national. C'est pourquoi l'un de mes amendements instaure un mécanisme de sécurisation en cas de baisse du produit de la TVA constaté au niveau national.
M. Jacques Genest. - Tout cela promet d'être bien compliqué à comprendre et mettre en oeuvre pour les maires et même les fonctionnaires territoriaux ! Le boni de 10 000 euros octroyé aux communes légèrement surcompensées est-il définitif ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Oui. Une franchise aurait peut-être été plus adaptée pour éviter les effets de seuil, mais cela aurait constitué une situation tout aussi injuste au regard des communes sous-compensées.
M. Jacques Genest. - En Ardèche, 255 communes, essentiellement rurales, n'auront pas le boni. J'envisage de déposer un amendement pour qu'elles en bénéficient si elles ont moins de 1 000 habitants.
Les amendements FINC.11, FINC.12, FINC.13, FINC.14, FINC.15, FINC.16, FINC.17, FINC.18, FINC.19, FINC.20, FINC.21, FINC.22, FINC.23, FINC.24, FINC.25, FINC.26, FINC.27, FINC.28, FINC.29, FINC.30, FINC.31 et FINC.32 sont adoptés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.33 supprime cet article, qui propose de créer une nouvelle zone avec un tarif renforcé de 20 % pour la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et de stockage et les surfaces de stationnement en Île-de-France (TSBCS). Une mesure semblable figurait déjà dans le PLF pour 2019.
Cet article soulève des interrogations sur le plan juridique puisqu'il concerne certains arrondissements seulement. Je ne suis pas certain qu'une telle disposition soit conforme à la Constitution. Pourquoi toucherait-elle en effet seulement certains arrondissements et pas d'autres alors que leur niveau de service est exactement le même et sans critères précis ?
M. Roger Karoutchi. - Je souscris totalement à l'argumentation du rapporteur général. Je rappelle que l'année dernière, sur les mêmes zones, la TSBCS avait déjà été augmentée de 10 %. Cela n'a pas de fin.
En réalité, comme je le répète depuis des années dans cette commission, la Société du Grand Paris (SGP) sous-évalue le coût de l'ensemble des travaux du Grand Paris Express. Il faudrait se décider à en contrôler le coût réel.
Je rappelle que lors de sa première présentation, il y a sept ou huit ans, ce projet avait été estimé à 19 milliards d'euros. Cette estimation est passée ensuite à 23 milliards d'euros, puis à 27 milliards d'euros, à 30 milliards d'euros et, enfin, à 34 milliards d'euros. Actuellement, elle avoisine les 40 milliards d'euros. Et, comme je le dis depuis deux ou trois ans, nous finirons par atteindre les 50 milliards d'euros.
La situation est très simple. Tous ceux qui veulent réunir des financements pour la SGP se demandent où trouver cet argent au fur et à mesure que le coût du projet progresse. Et l'on en vient à augmenter la TSBCS. Cette augmentation a été de 10 % l'an passé, elle est proposée à 20 % cette année, mais elle pourra être de 30 % l'année prochaine. Cela n'en finit plus !
Il faudra donc se pencher sur la façon dont les coûts du Grand Paris Express ont été estimés par la SGP, sur la façon dont elle dépense l'argent, et réfléchir à la situation où tout cela nous conduit. Un coût initial à 19 milliards d'euros qui finit à 50 milliards d'euros, cela commence à faire beaucoup !
Je rappelle que seule l'Île-de-France est concernée par le financement de ce projet, ce qui est normal. Nous ne demandons pas que cela change, mais nous souhaitons qu'à tout le moins les Franciliens soient informés de son coût réel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je souscris pleinement à ce qui vient d'être dit. J'ai reçu le président de la SGP qui a confirmé qu'une hausse de la TSBCS risquait bien de survenir au cours des prochaines années.
Lorsque l'on prend le boulevard périphérique, on ne peut que constater l'ampleur du problème que représente le passage des poids lourds étrangers en Île-de-France. Ce problème est loin d'être résolu. Or il pourrait s'agir d'une source de contributions, au moyen de l'installation d'une vignette par exemple. Au lieu de cela, nous continuons d'augmenter la TSBCS. Cette année, cette augmentation a été de 10 %. Bientôt, elle sera de 15 %. C'est de la folie. Il faut dire : « Stop. »
Mme Christine Lavarde. - Je soutiens également cet amendement.
Pour répondre à M. Roger Karoutchi, nous attendons toujours le rapport prévu à l'article 167 de la loi de finances pour 2019, relatif à l'évolution des dépenses et des ressources de la Société du Grand Paris. Le mercredi 6 novembre, M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, était auditionné par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je l'ai alors interrogé sur ce sujet. Il a commencé par me dire qu'il ne voyait pas de quoi il était question. Puis, il a annoncé que le rapport serait publié au Journal officiel le 7 ou le 8 novembre. Or, sauf erreur de ma part, ce rapport n'est toujours pas public.
Comment pouvons-nous statuer sur une augmentation des recettes de la SGP alors même que nous ne savons pas comment ont été dépensées les sommes votées l'année dernière ?
Les représentants de la SGP m'ont par ailleurs dit la semaine passée qu'ils n'avaient aucune visibilité réelle sur les recettes perçues au titre des dispositions votées l'année dernière. En effet, les collectivités et les concessionnaires de parkings n'ont toujours pas payé ce qu'ils devaient. Nous ne disposons donc que d'une base prévisionnelle pour l'année dernière, à partir de laquelle nous élaborons des suppositions de nouveaux besoins.
Ce fameux rapport que nous ne connaissons pas devrait démontrer mathématiquement que le fait de donner 40 millions d'euros ou 50 millions d'euros supplémentaires à la SGP lui permet de lever 3 milliards d'euros d'investissements supplémentaires. Mais aujourd'hui, il nous est demandé de légiférer sans savoir.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Raison de plus pour voter l'amendement. Au moins, cela obligera le Gouvernement à fournir quelques chiffres.
M. Philippe Dominati. - Je remercie le rapporteur général de proposer cet amendement.
Pour ma part, j'ai toujours refusé ce genre de taxe. Malheureusement, cela n'a pas toujours été le cas de tout le monde dans cette assemblée. Il est trop facile de s'appuyer uniquement sur des taxes spécifiques sur les bureaux ou sur les aéroports pour financer le retard accumulé sur le financement du Grand Paris Express. J'espère que cet amendement nous permettra de revenir sur les taxes votées l'an dernier.
M. Arnaud Bazin. - Je soutiendrai également cet amendement.
Sur la question de la dérive des coûts, je souhaiterais attirer votre attention sur le fait que certaines structures sont dotées d'un conseil de surveillance qui ne dispose d'aucun pouvoir de contrôle réel, surtout lorsque l'État y dispose de la majorité des voix. Or c'est le cas de la SGP. Je peux vous en parler, car j'ai été membre de son conseil de surveillance en tant que président du conseil départemental du Val-d'Oise. Ce conseil regardait les trains passer, ou plutôt espérait les voir passer, mais n'avait en réalité aucun pouvoir de contrôle.
Au-delà des désagréments présents, il serait bon de réfléchir au sujet plus large des conseils de surveillance où l'État occupe ainsi une position majoritaire.
M. Julien Bargeton. - Le zonage proposé par l'article est effectivement un peu baroque. Les raisons de fond de la hausse de la TSBCS sont en outre peu étayées. Un besoin supplémentaire soudain ne justifie pas la création d'une nouvelle taxe. Je voterai également cet amendement.
L'amendement FINC.33 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous passons à l'amendement FINC.34, qui prévoit de remettre à la charge de l'État le coût de l'allégement de la taxe d'habitation prévu pour 2019 en faveur des contribuables qui bénéficiaient en 2018 du dispositif de sortie « en sifflet ».
L'amendement FINC.34 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'article 6 prévoit la suppression de plusieurs taxes à faible rendement, notamment la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière. Or cette taxe est perçue par les collectivités de façon facultative, sur délibération.
Nous maintenons sur ce point la ligne de conduite de notre assemblée. Dès lors qu'il s'agit de fiscalité locale dépendant de décisions des collectivités, il n'incombe pas à l'État de supprimer ces ressources si les collectivités veulent les voter et les assumer. Je suis pour la liberté locale. Cette taxe ne concerne pas l'État, d'autant qu'elle n'implique aucune compensation de sa part. Elle peut, en outre, être importante pour certains secteurs. Je propose donc son maintien.
L'amendement FINC.35 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.36 propose, quant à lui, le maintien de la taxe sur les spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique, affectée à l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), sans coût de recouvrement pour l'État.
L'amendement FINC.36 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.37 est rédactionnel.
L'amendement FINC.37 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.38 est également un amendement de correction et de coordination.
L'amendement FINC.38 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.39 est un amendement de coordination et vise l'entrée en vigueur du dispositif.
L'amendement FINC.39 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.40 supprime la demande de remise annuelle par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) d'un rapport d'évaluation des crédits d'impôt dont il a la gestion. Toutes les informations nécessaires paraissent en effet figurer déjà dans le document stratégique de performance du CNC ainsi que dans le rapport transmis chaque année au Parlement. Un rapport supplémentaire ne semble pas utile.
L'amendement FINC.40 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.41 supprime, pour sa part, le bornage dans le temps de l'exonération d'impôt sur le revenu des gains nets réalisés lors des cessions à titre onéreux de titres de sociétés de capital-risque.
L'amendement FINC.41 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.42 inscrit à l'article 163-0 A du code général des impôts la possibilité de recourir au système du quotient pour les indemnités de départ en retraite. Auparavant, il était possible d'étaler la perception de ses indemnités de départ en retraite sur plusieurs années. Cette possibilité est supprimée par l'article 7. Mais le système du quotient est maintenu comme cela est communément admis aujourd'hui. Cela revient donc à inscrire dans la loi une pratique administrative devenue courante pour plus de sécurité et alors que l'étalement ne sera plus possible.
L'amendement FINC.42 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.43 rétablit l'exonération d'impôt sur le revenu des dividendes perçus par l'associé unique d'une société unipersonnelle d'investissement à risque (SUIR).
L'amendement FINC.43 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.44 supprime le bornage dans le temps de l'application du crédit d'impôt innovation (CII) afin de donner de la visibilité aux entrepreneurs.
L'amendement FINC.44 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.45 supprime, quant à lui, le bornage dans le temps introduit par l'Assemblée nationale qui, sur la forme, ne vise pas le bon article du code général des impôts.
L'amendement FINC.45 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.46 augmente le plafond des recettes d'exploitation des activités lucratives des organismes non lucratifs exonérées de la TVA. Il propose de le revaloriser à 72 000 euros, par coordination avec ce que l'Assemblée nationale a voté.
L'amendement FINC.46 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.47 propose la suppression de cet article, qui augmente de 12 % à 13,29 % le taux de la quote-part pour frais et charges dans le cadre de la « niche Copé ». L'instabilité fiscale, cela suffit ! Il faut arrêter de modifier les dispositifs en permanence.
L'amendement FINC.47 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.48 élargit le champ du dispositif de suramortissement prévu par le Gouvernement pour aider les entreprises des secteurs industriels qui utilisaient jusqu'ici du gazole non routier (GNR) et qui perdront le bénéfice de leur taux réduit de TICPE à acquérir des matériels et des moteurs utilisant du gaz naturel, de l'énergie électrique ou de l'hydrogène.
Pour rappel, le Gouvernement supprime l'avantage fiscal applicable au GNR, mais étale cette réforme sur plusieurs années. Le coût pour le secteur serait de 200 millions d'euros cette année. Par ailleurs, le Gouvernement crée un dispositif de suramortissement applicable aux matériels de substitution. Je propose donc d'élargir ce mécanisme, qui va dans le bon sens, mais semble aujourd'hui trop restrictif, à d'autres dispositifs comme les moteurs hybrides.
M. Gérard Longuet. - Au moment où le Gouvernement se propose de diminuer les impôts de production, il paraît tout à fait étonnant de frapper ainsi l'avantage fiscal applicable au GNR.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En effet, il y a là un double langage.
M. Gérard Longuet. - La valeur écologique de cette mesure est nulle, et elle se trouvera de toute façon noyée dans le déficit de l'État. Pour ma part, je voterai contre la suppression de l'exonération de taxe sur le GNR.
M. Jacques Genest. - Une nouvelle fois, le Gouvernement démontre qu'il est pour les grosses entreprises. En effet, toutes les grandes entreprises multinationales s'en sortiront, alors que les petits artisans ne pourront pas acquérir de matériels utilisant de l'hydrogène ou modifier leurs matériels en ce sens. Une nouvelle fois, ce sont les « petits » qui vont trinquer.
L'amendement FINC.48 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je pense par ailleurs - c'est l'objet de l'amendement FINC.49 - que la durée du suramortissement prévue est trop courte. À titre d'exemple, les principaux loueurs de groupes électrogènes qui louent ces groupes aux entreprises commencent à développer des groupes fonctionnant au gaz naturel ou à l'hydrogène. Mais il faut du temps pour que ces recherches aboutissent et pour que ces appareils soient produits.
Prévoir un amortissement sur trois ans uniquement me semble donc trop court. Je propose que l'on prolonge ce délai de deux ans pour parvenir à une durée totale de cinq ans.
À ce propos, vous savez que la boîte mail du rapporteur général constitue un bon indicateur. Or, cette année, elle n'a pas constaté la même fronde que l'année dernière sur la question du GNR. Cela tient précisément à la décision qui a été prise de lisser la suppression de cet avantage fiscal sur trois ans, contre l'application très brutale prévue initialement, et aux mesures d'accompagnement associées.
Je rappelle que c'était exactement ce que nous avions préconisé l'année dernière. Encore une fois nous avons eu raison trop tôt.
L'amendement FINC.49 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'article 19 prévoit la diminution du remboursement de la TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandises. Concrètement, les transporteurs routiers subiront de ce fait une hausse de deux centimes d'euros du prix du gazole. Or cette hausse n'est absolument pas destinée à accompagner la transition écologique. En Allemagne, une portion d'autoroute d'une dizaine de kilomètres a été récemment équipée de pantographes et de tractions électriques pour les camions.
En l'occurrence, la hausse de deux centimes d'euros est simplement destinée à alimenter le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
Cette mesure touchera exclusivement les entreprises françaises, singulièrement les PME. Je vous rappelle qu'il est possible de traverser la France sans faire le plein. Or nous comptons un différentiel de taxe d'environ dix euros par hectolitre entre l'Espagne, le Luxembourg et la Belgique. Les transporteurs routiers internationaux font donc leur plein à l'étranger. Mais les transporteurs de proximité français seront, eux, touchés par la diminution du remboursement de la TICPE.
C'est la raison pour laquelle l'amendement FINC.50 propose la suppression de l'article 19.
L'amendement FINC.50 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je vous propose de réserver notre position sur l'article 20, qui prévoit une hausse de la taxe sur les billets d'avion.
Il s'agit d'un sujet très compliqué. L'avion électrique n'est pas pour tout de suite. Le meilleur moyen d'éviter la pollution consiste donc à accélérer le renouvellement des flottes. Un avion moderne consomme en effet 40 % de moins qu'un avion vieux de dix ans et émet 60 % de bruit en moins. Or ce n'est pas en taxant Air France que cette compagnie pourra procéder à ce renouvellement. Nous risquons même de la détruire. Il faudrait donc réfléchir de manière un peu plus intelligente à cette question.
M. Jacques Genest. - La hausse de cette taxe ne touchera pas seulement Air France, mais aussi les petites compagnies. Il faut y penser.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Bien sûr.
L'article 20 est réservé.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.51 propose l'augmentation du plafond du prélèvement sur recettes compensant les pertes de recettes de versement transport (VT).
M. Philippe Dallier. - Le sujet n'est pas anodin !
L'amendement FINC.51 est adopté.
Article additionnel après l'article 21
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.52, dont j'ai déjà parlé lors de l'examen de l'article 5, institue un prélèvement sur les recettes de l'État destiné à compenser la perte de recettes supportée par les communes, les EPCI, les départements et la métropole de Lyon du fait de la minoration des compensations des exonérations en matière de logement social. Il s'agit d'un amendement très important.
L'amendement FINC.52 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.53 est rédactionnel.
L'amendement FINC.53 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.54 est également rédactionnel.
L'amendement FINC.54 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.55 apporte une correction.
L'amendement FINC.55 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.56 limite le plafond d'affectation du produit de la taxe affectée à France compétences au produit prévisionnel de cette taxe augmenté de 5 %. Cela revient à appliquer à France compétences l'article 18 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui dispose que le niveau du plafond de ce type d'imposition ne peut excéder de plus de 5 % le rendement prévisionnel de la taxe concernée. Cette disposition avait été votée à notre initiative. Je propose donc de l'appliquer à France compétences. Cela n'induit en réalité aucune perte de recettes, je vous rassure.
L'amendement FINC.56 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.57 est, quant à lui, un amendement de coordination avec l'amendement FINC.33.
L'amendement FINC.57 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'article 27 bis instaure une contribution à l'accès au droit et à la justice, qui fait beaucoup parler. L'amendement FINC.58 propose de le supprimer.
Il s'agit d'une taxe à laquelle seraient soumises les personnes titulaires d'un office ministériel ou nommées dans un office ministériel, comme les notaires, et celles exerçant à titre libéral l'activité d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire. Tout le monde y est opposé. Si vous trouvez une personne qui y est favorable, je vous invite à me le dire !
M. Vincent Éblé, président. - Gérald Darmanin !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Cela n'est même pas sûr. Le Gouvernement était en effet défavorable à cette disposition.
L'amendement FINC.58 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.59 propose le rétablissement du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique ». Nous avons longuement parlé de ces sujets. Je ne suis pas opposé à la fiscalité énergétique, mais je considère que son visage doit être davantage tracé pour qu'elle soit acceptée. Or le CAS garantissait une traçabilité. En outre, aucun suivi n'est prévu. En supprimant le CAS, nous ne savons pas où va l'argent.
L'amendement FINC.59 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement FINC.60 propose, de même, le rétablissement du CAS sur l'aide à l'acquisition de véhicules propres, supprimé par cet article, dans le même esprit que le précédent.
L'amendement FINC.60 est adopté.
M. Vincent Éblé, président. - Mes chers collègues, l'article 20 ayant été réservé, la position de la commission sur l'ensemble de la première partie du PLF pour 2020 sera fixée le mercredi 20 novembre prochain.
La réunion est ouverte à 8 h 35.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Aide publique au développement » et compte de concours financiers (CCF) « Prêts à des États étrangers » - Examen du rapport spécial
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Nous examinons désormais les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » pour 2020.
L'année dernière, nous avions souhaité insister sur le fait que l'exercice 2019 était déterminant pour notre politique d'aide publique au développement (APD) : les engagements pris détermineront si notre pays respectera l'objectif, maintes fois réaffirmé par le Président de la République, d'une aide représentant 0,55 % de notre revenu national brut (RNB) en 2022. Nous analysons le budget pour 2020 avec la même boussole : ce budget est-il à la hauteur de l'ambition fixée depuis 2017 ?
Ce budget nous est présenté au terme d'une année marquée par le volontarisme du Gouvernement en matière d'aide publique au développement. Ainsi, la France a accordé une place centrale à la politique de développement lors du G7 que nous avons présidé en août dernier, ou encore lors du G20 qui s'est tenu au Japon en juin dernier. Ces deux rendez-vous internationaux ont permis de réaffirmer notre attachement aux objectifs du développement durable (ODD) et à la place centrale que doit occuper l'Afrique dans notre aide.
M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - En premier lieu, le budget pour 2020 poursuit la montée en charge des moyens budgétaires pour l'aide publique au développement, même si l'essentiel de la hausse intervient après 2020.
Les autorisations d'engagement de la mission s'élèvent à 7,3 milliards d'euros, soit une hausse très importante de près de 63 %. Les crédits de paiement s'établissent à 3,3 milliards d'euros, soit une hausse de près de 7 % par rapport à 2019.
La forte progression des autorisations d'engagement résulte en réalité du cycle de reconstitution des ressources de plusieurs fonds et organisations multilatéraux en 2020, en particulier l'Association internationale de développement, le Fonds vert pour le climat, et le Fonds africain de développement. Ces reconstitutions suivent un rythme triennal, dont une hausse similaire avait été observée en 2014 et 2017.
Les contributions qui relèvent du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) augmentent également, de près de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, recouvrant à la fois les contributions volontaires aux Nations unies et les contributions volontaires à d'autres fonds.
Le produit des taxes affectées au développement est stable, à hauteur de 738 millions d'euros. La taxe sur les billets d'avion et une part de la taxe sur les transactions financières sont affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Le budget 2020 est marqué par une évolution notable, mentionnée ce matin par le rapporteur général : la taxe sur les billets d'avion est augmentée, et le surplus de recettes est affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Il faudra veiller à l'avenir que cette nouvelle utilisation de cette taxe ne détourne pas les ressources dédiées au développement.
Concernant le compte de concours financiers, deux des quatre programmes sont mis en sommeil. Le programme 851 porte les prêts concessionnels et non concessionnels qui associent nos services et entreprises françaises. Comme pour 2019, les autorisations d'engagement s'élèvent à 1 milliard d'euros en 2020, et les crédits de paiement diminuent légèrement, et s'établissent à 367 millions d'euros.
Nous souhaitons exprimer un point d'inquiétude concernant le programme 852, qui recouvre les crédits liés aux restructurations de la dette accordées par la France. L'indicateur de soutenabilité de la dette des pays concernés se dégrade, traduisant une aggravation de leurs perspectives macroéconomiques. L'accentuation de la vulnérabilité de ces pays interroge la pertinence de notre politique de prêts à long terme.
Après avoir mené plusieurs auditions, il nous a semblé que ce budget était encourageant pour atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement.
D'après les statistiques provisoires de l'OCDE, l'aide publique au développement de la France a progressé en 2018, de l'ordre de 2 % pour s'établir à plus de 10 milliards d'euros. L'année 2018 a coïncidé avec la mise en oeuvre d'une nouvelle méthodologie de comptabilisation de notre APD. En conservant l'ancienne méthodologie, notre APD aurait progressé de 9 % environ. Toutefois, en rapportant notre APD à notre revenu national brut (RNB), la France n'est toujours classée que dixième au monde, derrière la Belgique, la Suisse, ou encore les Pays-Bas.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Néanmoins, les efforts budgétaires portent leurs fruits. Alors que la part de notre APD dans notre RNB était de 0,38 % en 2016, elle devrait être de 0,43 % en 2019, soit seulement 0,01 point de pourcentage en dessous de la trajectoire fixée par le Gouvernement en février 2018. C'est pourquoi, il nous semble légitime d'accorder une nouvelle fois une confiance prudente au Gouvernement.
Notre vigilance doit toutefois être maintenue sur les points suivants.
D'une part, alors que l'année 2019 se termine, nous regrettons de ne pas examiner le prochain budget après le projet de loi de programmation de l'aide publique au développement, dont le dépôt a été plusieurs fois repoussé. L'insertion du budget 2020 dans un cadre stratégique rénové, que la commission a appelé de ses voeux à plusieurs reprises, nous aurait semblé plus pertinente.
D'autre part, il nous semble que le budget pour 2020 aurait dû marquer la poursuite d'un effort particulier en matière de dons, par rapport à l'octroi de prêts. En effet, la France se caractérise par une certaine préférence pour les prêts, qui représente un peu moins du tiers de notre aide publique au développement. Les plus grands donneurs, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis accordent presque la totalité de leur aide publique au développement sous forme de dons.
Cette spécificité française entraîne un décalage entre la liste des pays que nous définissons comme « prioritaires », et les principaux bénéficiaires de notre aide, qui sont surtout des pays à revenu intermédiaire, ou même des pays émergents.
Pour y remédier, le Gouvernement s'est engagé à augmenter la part des dons. En 2019, l'AFD s'est vue attribuer 1 milliard d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement pour concrétiser cette promesse. Toutefois, le budget 2020 prévoit une réduction des ressources permettant à l'AFD d'accorder des dons, à hauteur de 594 millions d'euros en autorisations d'engagement, et de 35 millions d'euros en crédits de paiement. À l'inverse, la capacité de l'Agence à octroyer des prêts progresse légèrement.
Les auditions ont fait état d'un arbitrage du ministère de l'Europe et des affaires étrangères visant à revaloriser le rôle des ambassades dans le versement de subventions. Dans cette perspective, les crédits des fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) ont progressé de 36 millions d'euros.
Même si la hausse des moyens des ambassades n'égalise pas la réduction de ceux de l'AFD, la volonté de les impliquer davantage dans le versement de subventions est claire. Ce choix nous interroge, car la masse salariale des réseaux consulaires et diplomatiques est appelée à se contracter dans le cadre de la réforme de l'État à l'étranger.
Comment les ambassadeurs vont-ils absorber cette charge supplémentaire ? Pourquoi avoir choisi de réduire la voilure pour les dons accordés par l'AFD après lui avoir fait confiance en 2019 ? La déconcentration de cette enveloppe ne risque-t-elle pas d'entraîner un effet de saupoudrage ?
Cette perspective questionne les relations futures entre l'AFD et le ministère des affaires étrangères. Le projet de loi de programmation devrait comporter des dispositions à ce sujet.
Cela étant dit, nous vous invitons à proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.
M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - Par ailleurs, l'article 73 D, rattaché à la mission, prévoit la remise d'un rapport annuel par le Gouvernement au Parlement sur l'activité du FMI et de la Banque mondiale, notamment sur les actions entreprises pour améliorer la situation économique des États qui font appel à leurs concours, ainsi que sur la position de la France au sein de ces instances, et des opérations financières entre la France et ces deux organisations internationales.
Cet article reprend des dispositions introduites par la loi de finances rectificative pour 1998, puis supprimées en 2014 par la loi de programmation de l'aide publique au développement.
En effet, le Gouvernement avait alors considéré que le rapport annuel de synthèse de l'aide publique au développement, prévu par la loi de 2014, permettait de fournir des informations sur l'APD de la France dans un cadre bilatéral et multilatéral.
En tant que rapporteurs spéciaux, nous ne sommes habituellement pas favorables au foisonnement de rapports au Parlement, d'autant que certaines des informations demandées sont facilement accessibles dans les rapports d'activité de ces deux institutions. Les rapporteurs spéciaux peuvent toujours exercer leurs pouvoirs de contrôle sur place et sur pièces pour obtenir des informations supplémentaires.
Néanmoins, il s'avère que le rapport prévu par la loi de 2014 n'est pas toujours transmis de façon régulière et que les documents budgétaires n'éclairent pas en profondeur sur le rôle du FMI et de la Banque mondiale en matière d'aide publique au développement. Cette demande de rapport pourrait nous renseigner sur les effets de notre politique multilatérale.
C'est pourquoi nous nous en remettons à la sagesse de la commission quant à l'adoption de cet article.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Merci à Yvon Collin et Jean-Claude Requier de leur intervention. Je suis favorable à la taxe de solidarité instaurée par Jacques Chirac au profit du développement que partagent certains pays. En revanche, je suis défavorable à la dérive consistant à affecter les taxes à autre chose que ce pour quoi elles ont été créées.
S'il y a trop de produits par rapport aux besoins, on doit diminuer le taux de la taxe. La dérive française qui consiste à en faire une taxe générale est très malsaine et pourrait même, à terme, se retourner contre son objectif, qui est l'aide aux pays en développement.
M. Jean-François Husson. - Le Gouvernement a annoncé vouloir porter la contribution de la France au Fonds vert pour le climat à 1,5 milliard d'euros. C'est un Fonds qui doit être abondé à hauteur de 9 milliards d'euros en comptabilisant l'ensemble des contributions. Or un peu plus de 700 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement (AE), et seulement 23 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
Comment se traduit la trajectoire des crédits dédiés au Fonds par rapport aux engagements du Gouvernement ?
Mme Nathalie Goulet. - Le fait que le budget soit en hausse est une bonne chose. Il faut mettre ceci en parallèle avec le besoin exprimé partout dans le monde d'une aide de la France, qui est toujours très attendue. Cependant, qu'en est-il de l'évaluation de cette politique ?
Les acteurs du développement sont nombreux. Les budgets de certains d'entre eux, comme les fondations américaines, sont parfois eux-mêmes plus importants que les États qu'ils aident. Comment fonctionne aujourd'hui notre coopération dans ce domaine et comment coordonnons-nous notre aide avec eux ?
Enfin, au Burkina Faso, où je me suis rendue il y a quelques mois, notre ambassade réalise un travail formidable en matière de sécurité, sujet plus que nécessaire autour duquel elle réunit tous les acteurs du secteur.
M. Roger Karoutchi. - Je ne voterai pas les crédits de la mission. Je considère que, depuis plusieurs années, l'AFD dérape, dérive, investissant parfois à l'intérieur du territoire national, ce qui n'est pas son rôle. L'AFD est en effet bien plus politisée qu'auparavant.
En outre, on établit une comparaison avec les États étrangers, qui réalisent plus de dons que de prêts, mais c'est totalement illusoire : l'État français efface bien des prêts tous les deux ou trois ans au nom de la coopération, et ils deviennent ainsi des dons.
Enfin, ce ne sont pas les États les plus pauvres qui reçoivent une aide au développement, mais souvent des États intermédiaires qui, en réalité, n'ont pas besoin de l'AFD. On a le sentiment que l'AFD mène de manière autonome une politique différente de celle du Quai d'Orsay.
Qui plus est, quand on demande à l'AFD, qui obtient des moyens supplémentaires considérables, d'investir dans l'audiovisuel extérieur de la France en Afrique, où cela peut avoir du sens, on reçoit une fin de non-recevoir catégorique. Je ne comprends pas pourquoi l'État français continue d'augmenter les moyens de l'AFD sans lui imposer des règles bien plus strictes et des missions bien plus claires.
M. Philippe Dominati. - Comment se traduisent les programmes sur le terrain pour les principaux bénéficiaires de notre APD ? La Turquie est en deuxième position, l'Indonésie est bien placée, la Chine également...
M. Philippe Dallier. - J'ai la même position que Roger Karoutchi. Il est difficile de comprendre pourquoi certains pays figurent dans la liste des pays bénéficiaires.
Je voudrais en outre revenir sur les subventions accordées à des organismes qui, en France, peuvent soulever des questions.
Certaines régions du monde sont plus compliquées que d'autres - Moyen-Orient, Israël, territoires palestiniens. Or les positions de quelques organisations non gouvernementales (ONG) subventionnées sont parfois plus qu'ambiguës, puisqu'elles favorisent le boycott d'Israël, qui est interdit par la loi française.
J'aimerais avoir plus de transparence sur l'utilisation de ces fonds. Certes, la France doit augmenter son niveau d'aide au développement, mais il y a beaucoup à dire concernant l'utilisation des moyens. C'est pourquoi je ne voterai pas ces crédits.
M. Victorin Lurel. - Je pense qu'une mission d'évaluation et de contrôle de l'AFD est nécessaire afin de mieux cerner ses actions et ses critères d'intervention.
À une certaine époque, on intervenait de moins en moins dans les pays dits corrompus. J'en ai fait l'expérience en tant que ministre. On avait ainsi écarté Haïti, en pleine crise politique, pour donner la priorité à la Syrie. On établissait alors un distinguo entre les pays dits corrompus et les autres. Aujourd'hui, je ne comprends plus les critères d'intervention de l'AFD.
Enfin, l'Afrique représente environ 30 % des engagements de l'AFD. Or le Parlement n'est pas informé sur ce point, ou avec beaucoup de réticences. J'ai demandé à la commission des finances et à son président un rapport d'information sur la zone franc, suivant des formes à trouver. Je crois qu'il existe un tabou à ce sujet et qu'on ne veut pas en parler. Or il existe de véritables turbulences en Afrique. C'est une atteinte à l'image de la France à travers le monde, et on ne dispose d'aucune réponse parlementaire.
Le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, reçoit quinze ministres de l'économie et des finances d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale : on n'a aucune réaction. On nous dit de circuler, qu'il n'y a rien à voir, que cela relève des affaires étrangères ou de la diplomatie.
C'est un sujet que nous refusons de considérer, chacun ayant sa propre vision de nos rapports avec l'Afrique. Le présent rapport, au-delà de sa qualité, se cantonne à son strict périmètre. Il n'y a rien sur la politique de développement, sur ses critères d'intervention, sur les choix qui sont faits, sur nos rapports avec la zone franc.
Cela fait plus d'une année que je demande une mission à ce sujet. Je ne tiens pas à être absolument le président ou le rapporteur de cette structure, mais on dirait qu'on redoute que le Parlement s'exprime sur la politique étrangère et monétaire du Gouvernement. Je demande qu'on clarifie tout cela !
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Jérôme Bascher. - Je m'étais déjà posé les mêmes questions l'année dernière au sujet des pays qui bénéficient de notre APD.
Depuis, j'ai fait mon enquête : un rapport a été commandé par l'ancien Gouvernement à Rémy Rioux pour définir les missions de l'AFD. Il a ensuite été nommé directeur général de l'Agence et s'est concocté son propre menu, sans aucune réforme. On est aujourd'hui proche du scandale d'État !
M. Roger Karoutchi. - C'est une honte !
M. Jérôme Bascher. - L'AFD fait des choses extrêmement utiles. Il y a partout beaucoup de petits projets très profitables mais, à côté de cela, l'AFD apporte des financements parfois plus élevés que le MEAE partout à travers le monde. Cela suffit !
C'est un véritable scandale. Des réformes doivent être menées au sein de l'AFD. À l'exemple de Roger Karoutchi, je ne voterai pas ces crédits.
M. Emmanuel Capus. - Mon interrogation porte sur le pilotage de cette politique. J'entends dire que ce n'est pas nécessairement en lien avec les affaires étrangères. On est là dans un domaine extrêmement sensible. Il y va de l'image de la France et de notre politique.
L'AFD évolue-t-elle en électron libre ou est-ce le Gouvernement qui pilote, sous le contrôle du Parlement ? On peut se poser des questions lorsqu'on voit que le deuxième pays en 2017 à percevoir le plus d'aides de notre part est la Turquie, et que la Chine perçoit des aides extrêmement importantes. Ce ne sont pas des choix que je soutiens en tant que parlementaire.
M. Jean Bizet. - Mon propos sera de la même tonalité que les intervenants précédents, précisément au sujet de la Turquie. La Turquie occupe un des États membres de l'Union européenne, Chypre, dont elle n'a nullement l'intention de quitter la partie nord. Elle s'éloigne de plus en plus des valeurs européennes et va à l'encontre de toutes les règles internationales en ce qui concerne les forages dans la zone exclusive économique de la région. C'est un véritable scandale d'imaginer que l'AFD concourt au développement de la Turquie. Ce n'est pas convenable !
Tout comme Roger Karoutchi, Philippe Dominati et d'autres, je ne voterai pas ces crédits.
M. Alain Houpert. - L'AFD finance, accompagne et accélère les transitions vers un monde plus juste et durable. Je suis d'accord avec Victorin Lurel pour réclamer une évaluation des financements de l'AFD. Nous voyageons tous en tant que parlementaires et nous nous apercevons qu'on marche parfois sur la tête. Auparavant, nous disposions d'un ministère de la coopération et d'un ministère de la francophonie. Quel est le rapport de la francophonie avec l'AFD ?
M. Jean-François Rapin. - Je voudrais attirer votre attention sur un point à ne pas oublier : il fera l'objet d'une discussion prochainement au sein de la délégation à l'outre-mer et concerne les crédits complémentaires que l'AFD peut y apporter, notamment en matière de reconstruction, à la suite des cataclysmes climatiques que nous avons subis.
Au-delà du courroux et de l'exaspération ressentie par bon nombre de mes collègues, que je partage, je vous demande d'être attentifs à ce point.
M. Michel Canévet. - Je salue l'excellent travail de nos deux rapporteurs spéciaux, qui provoque de nombreuses réactions. Leurs observations ont permis d'engager le débat, et il est particulièrement passionnant s'agissant d'un sujet extrêmement important.
J'observe, en complément de ce qui a été dit, que les dépenses de personnel du programme augmentent significativement de 5,4 %. S'agit-il uniquement des dépenses de personnels dédiés à l'AFD ou d'agents qui occupent d'autres fonctions ? Je pense en particulier au renforcement du réseau sur le terrain. Une telle augmentation est-elle logique d'une année sur l'autre ?
M. Marc Laménie. - L'AFD est mal connue dans nos départements et territoires respectifs, mais on est frappé par les montants financiers que cela représente.
Face aux diminutions de certaines missions, comme la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE), on peut par ailleurs se poser des questions au sujet de l'augmentation des effectifs entre 2014 et 2018, qui sont passés de 1 683 personnes à 2 209 personnes. Quelle est l'utilité de tels opérateurs ?
M. Didier Rambaud. - J'ai pour habitude de défendre les crédits budgétaires présentés par le Gouvernement.
Toutefois, j'aimerais comprendre pourquoi des pays comme la Turquie, la Chine, voire le Brésil, bénéficient de l'aide publique au développement de la part de la France. J'attends donc des explications des rapporteurs. Mon vote variera en fonction de leurs réponses.
M. Philippe Adnot. - Je souhaiterais savoir si les rapporteurs disposent d'éléments pour apprécier le retour sur investissement de l'aide publique au développement. Est-on attentif à ce que des entreprises françaises participent aux opérations lors des différentes actions de développement ? Êtes-vous à même de le quantifier ? Dans le cas contraire, pourquoi ?
M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - Je vois que ce rapport vous a passionnés et interpellés.
Monsieur le rapporteur général, la taxe sur les billets d'avion instituée en faveur du développement, qui dérive, est affectée à l'AFITF dans le projet de loi de finances pour 2020. Nous signalons, dans notre rapport, qu'il ne faut pas que cette taxe soit dévoyée. Il nous faut être vigilant.
Je rejoins par ailleurs ce qui a été dit concernant les taxes sur les avions : ce n'est pas le moment de les alourdir, alors que deux compagnies sont déjà en difficulté.
Jean-François Husson, s'agissant du Fonds vert pour le climat, les décaissements vont s'étaler sur quatre ans.
Pour ce qui est de la Turquie, j'ai été également surpris de constater que ce pays constitue le deuxième bénéficiaire des aides de la France. Il faut toutefois faire la distinction entre les dons et les prêts. Or, il nous a été indiqué que la Turquie bénéficie essentiellement de prêts en vertu de l'accord sur les migrations de 2016. Tous les États membres de l'Union européenne y participent, même si on peut le regretter.
Par ailleurs, la loi de programmation comportera des dispositions sur le pilotage et la transparence de l'aide publique au développement ce qui permettra de renforcer l'évaluation de cette politique. Six millions d'euros de crédits au titre des bonifications de prêts sont destinés à l'outre-mer en 2020.
En outre, n'oublions pas que l'AFD ne pilote pas la totalité des crédits.
Enfin, le ministère des affaires étrangères aurait l'intention de « reprendre la main » sur le pilotage de cette politique et d'associer davantage les ambassadeurs sur le terrain. Ils disposeront d'une enveloppe de 60 millions d'euros destinée aux fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) par lequel ils pourront intervenir. En outre, la loi de programmation à venir comportera une nouvelle définition des rapports entre l'État et l'AFD. Nous espérons que le dialogue pourra se poursuivre. Il faudra toutefois veiller à préserver l'expertise de l'AFD en la matière.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Jean-Claude Requier a répondu à un certain nombre de questions qui font polémique, notamment concernant la Turquie. Je n'y reviendrai pas, mais ce sont des raisons éminemment politiques. On a cotisé au pot commun, et cela entre dans l'aide au développement, à tort ou à raison.
Pour ce qui est de la Chine, au-delà de la diplomatie d'influence à laquelle participe l'AFD, qui est indiscutable, il faut reconnaître que l'Agence gagne de l'argent sur les prêts qui sont accordés...
M. Roger Karoutchi. - Elle n'a qu'à en accorder aux États-Unis aussi !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - L'AFD, compte tenu de la notation qui lui est attribuée, obtient de l'argent à un faible coût et prête à un autre taux, intéressant pour le pays concerné, qui ne peut avoir accès à des prêts concessionnels.
Je pense qu'il serait bon que notre commission reçoive le directeur général de l'AFD, Rémy Rioux, pour répondre aux interrogations qui sont nombreuses.
M. Vincent Éblé, président. - La commission des finances l'a entendu en février dernier, mais une audition peut être programmée à nouveau, après l'examen du projet de loi de finances, en début d'année prochaine.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - On a beaucoup parlé d'évaluation. J'aimerais qu'on évalue également d'autres politiques, comme celle de l'éducation. C'est un sujet complexe, mais il faudrait, à l'image du Royaume-Uni, que l'AFD mette en place un dispositif d'évaluation permanent. Au Royaume-Uni, les politiques d'aide au développement sont évaluées en permanence par un organisme indépendant. Ceci manque certainement en France.
Je rappelle que l'AFD intervient également dans les territoires d'outre-mer. Il semble que cette aide devrait s'accentuer dans les années qui viennent.
En ce qui concerne les interventions dans l'hexagone, Roger Karoutchi faisait peut-être allusion au fameux congrès de Grenoble. Nous avons interrogé Rémy Rioux sur ce point. Il nous a indiqué qu'aucune intervention de ce type n'avait eu lieu cette année. Il faut toutefois être vigilant.
M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - Pour l'évaluation, le Comité de développement de l'OCDE a évalué notre politique de développement en 2018 et a souligné « le succès de l'aide française tant sur le plan de la mise en oeuvre de mécanismes innovants de financement du développement que dans l'usage d'une large palette d'instruments ». L'OCDE a donc donné un avis assez positif sur l'utilisation des fonds par l'AFD.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Quant aux relations entre aide au développement et francophonie, cette question ressort de notre politique en matière d'affaires étrangères. Il n'y a pas que l'AFD qui mette en place les financements.
Mme Nathalie Goulet. - J'étais à la commission des affaires étrangères à l'époque où on a voté la loi dite « Canfin » sur la loi de programmation de l'aide au développement en 2014. On avait obtenu des évaluations sur le respect de critères liés au travail des enfants, aux droits de l'homme, etc. Tout cela a disparu.
Restait la question de la coopération avec les autres acteurs. Ceci doit également faire l'objet d'une audition ou d'un rapport. On ne peut continuer à travailler sans les évaluations qui figurent dans la loi de programmation.
Enfin, comment fait-on avec les autres acteurs ? La politique de développement n'est pas un sujet neutre. Elle est très attendue et constitue un marqueur de la France.
M. Victorin Lurel. - L'aide publique au développement intégrait autrefois des interventions outre-mer. Avec Henri Emmanuelli, nous avions fait extraire cette partie de l'aide publique au développement.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - En effet, elle n'entre plus en ligne de compte.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je me demande si l'on ne devrait pas réserver le vote sur ces crédits. Des questions fortes ont été posées. Peut-être pourrait-on se donner le temps d'avoir des réponses plus construites. Il me semble que cette mission revêt un caractère symbolique. Rejeter ces crédits pourrait être mal interprété.
M. Vincent Éblé, président. - Nous ne manquons d'aucune information pour apprécier cette mission sur le fond. Je ne suis donc pas favorable à la réserve. La commission peut parfaitement décider maintenant : rien ne changera d'ici la semaine prochaine !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Enfin, l'augmentation du personnel de 5 % présentée dans les documents budgétaires est celle des agents participant au programme 209 qui relève du MEAE. La hausse du budget a participé à la hausse des dépenses de personnel. Nous pourrons vous fournir la ventilation entre le personnel en centrale ou au plan local.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les problèmes migratoires sont insurmontables. Par ailleurs, nous n'en sommes qu'au début compte tenu des projections démographiques en Afrique. La protection des frontières ne suffit pas. La seule réponse réside dans l'aide au développement. Or ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi je m'associe au vote défavorable - ce qui n'enlève rien à la qualité du travail des rapporteurs.
M. Vincent Éblé, président. - Je vous propose de passer au vote.
Quel est l'avis des rapporteurs spéciaux ?
M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - Nous émettons un avis favorable sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » et nous en remettons à la sagesse de la commission pour ce qui est de l'article 73 D.
Enfin, nous émettons un avis favorable sur les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
À l'issue du débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », de ne pas adopter l'article 73 D rattaché à la mission et d'adopter les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
M. Vincent Éblé, président. - Je vous remercie.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale (CAS) « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. - Le projet de budget de la mission agriculture pour 2020 me semble devoir être apprécié à l'aune de trois ordres de considération : le contexte général de l'activité agricole, sa capacité à accompagner l'agriculture française comme elle va, la gestion des interventions agricoles.
Le contexte général de l'activité agricole c'est du point de vue économique pour l'année 2018, la dernière dont les résultats sont connus, une embellie conjoncturelle pour certains secteurs, en particulier pour la viticulture qui m'est chère, mais l'approfondissement des difficultés pour d'autres, dont l'élevage, dans un contexte marqué par une réduction considérable et inquiétante des volumes de production. Sans doute faut-il y voir l'effet de la sécheresse mais il est temps de se pencher sur une analyse approfondie de cette évolution. Elle ferait apparaître des faiblesses structurelles, illustrées notamment par la dégradation de nos échanges extérieurs. La France a besoin de renouveler sa stratégie agricole pour pouvoir exprimer tout son potentiel et nous ne voyons rien venir de ce côté. Au contraire, le contexte général de l'activité agricole est marqué par des accords de libre- échange, je parle ici du CETA mais le Mercosur viendra sans doute un jour, malgré les pas de clerc du Président de la République, conclus sans considération de la capacité de notre production à faire face aux chocs qu'ils supposent. À l'heure où les États-Unis d'Amérique appliquent à notre agriculture une loi du talion agressive nous leur ouvrons les portes de notre marché à travers le petit frère canadien. Le contexte c'est enfin la négociation de la nouvelle politique agricole commune. Le Gouvernement nous indique juger inacceptable qu'elle puisse programmer une baisse de la valeur réelle des interventions agricoles.
Le Sénat partage ce sentiment. Aussi, cohérent avec lui-même, ne pourra-t-il que rejeter un projet de budget agricole pour 2020 proposé par un Gouvernement, moins conséquent, qui ne respecte pas cette exigence minimale et nous propose de réduire les crédits destinés aux exploitations agricoles de 1 % en valeur réelle.
Accompagner la vie agricole comme elle va, c'est-à-dire dans ses difficultés et dans ses transitions, la programmation budgétaire proposée par le Gouvernement ne le permettra pas. Bien sûr le calibrage général des crédits que je viens de rappeler est en cause mais il y a plus. Je voudrais en premier lieu faire ressortir le déficit de dotations ouvertes par rapport à la loi de programmation des finances publiques. 127 millions d'euros manquent par rapport au sous-jacent de la programmation pluriannuelle, programmation qui, du reste, exerçait une contrainte déjà très forte sur les interventions agricoles. Je reviens dans un instant sur les facteurs qui expliquent cette situation mais je veux en dégager certaines conséquences. La première d'entre elles c'est que des charges certaines ne sont pas financées de sorte qu'il faudra puiser sur des lignes appelées à être sous-consommées pour combler une partie des impasses. La seconde c'est que les risques environnementaux, sanitaires et climatiques ne sont pas davantage financés. La trésorerie du fonds national de garantie des risques en agriculture a été siphonnée ; les charges qu'il devra financer ne sont pas provisionnées. On reconnaît là les caractéristiques d'un budget manquant à l'exigence de sincérité, thématique largement explorée ces dernières années par notre commission des finances, rejointe sur ce point par la Cour des comptes. Le problème revient. Il accompagne une programmation budgétaire qui ne protège pas contre les risques.
Un point emblématique, je dirais presque symbolique, doit être évoqué, celui de la protection des élevages pastoraux contre les prédateurs. L'extension des zones traversées par la population lupine, en hausse de 20 % ne cesse de gagner : sept départements de plus. Or, les soutiens budgétaires, qui je le dis au passage devraient être parfaitement repérables dans le projet annuel de performances au lieu d'être noyés dans un agrégat de crédits, ne suivent pas.
Dans ces conditions, les transitions de l'agriculture française ne sont pas prises en charge par le budget. Les crédits pour la modernisation des exploitations progressent un peu mais ils sont gérés de telle manière qu'aucune conséquence appréciable ne peut être tirée de cet affichage. La dotation aux jeunes agriculteurs progresse mais moins que les économies liées au réaménagement de l'abattement fiscal aux jeunes agriculteurs. L'ICHN est gelée en valeur et la question des compensations accordées aux agriculteurs qui ont été exclus de son bénéfice après la réforme des zonages n'est pas réglée. Les lignes agro-écologiques sont renforcées mais cela correspond à des arriérés de paiement sur les années antérieures qui restent à solder. Au demeurant, le ministère de l'agriculture a reporté le financement de l'agriculture biologique sur les agences de l'eau et in fine sur les agriculteurs et les collectivités territoriales. Tour de passe-passe qui fait suite au transfert de crédits du premier pilier de la PAC vers le second pilier. Quant aux crédits de la pêche, ils sont si mal exécutés que le projet de loi de finances rectificative motive les 46,9 millions d'euros d'annulation de crédits sur le programme 149 par le constat de sous consommation sur ce point. Quand on considère l'impact d'un Brexit sur les pêcheurs tout cela n'est pas sérieux.
Un mot pour conclure sur les difficultés récurrentes rencontrées par la gestion des interventions agricoles. Rien n'est réglé quant aux problèmes d'organisation que nous avons exposés ici il y a peu dans notre rapport sur la chaîne des paiements agricoles. Pèsent encore sur nous des risques très importants d'apurement de la part de la Commission européenne. Incidemment je voudrais que le Gouvernement se penche sérieusement sur l'action de le Commission dans ce domaine, en particulier pour garantir nos intérêts financiers face à certains détournements des fonds européens. Je voudrais juste ajouter ma stupéfaction devant les délais de traitement des dossiers d'indemnisation agricole et surtout devant le taux de rejet des demandes, plus de 20 %. Tout cela accroît la désolation qu'inspirent la gestion des paiements agricoles et les retards inadmissibles subis par les exploitants, notamment ceux qui s'appliquent à concrétiser la communication autour de l'agriculture biologique.
Cette dernière m'amène à conclure mon propos pas un commentaire sur deux sujets. La réduction des crédits de l'INAO consécutive au renoncement du Gouvernement de supprimer les droits perçus auprès des professions. C'est vraiment là la marque de Bercy sur ce budget. Une initiative totalement déconnectée des réalités suivie d'un ajustement comptable dérisoire. Je voudrais ici tout de même indiquer que la loi Egalim a été fondée sur un renforcement des signes de qualité comme armes de compétitivité de l'agriculture française. Peut-être est-ce un peu optimiste mais, en tout cas, on devrait traduire cette orientation dans le budget. Il n'en est rien. Par ailleurs mais j'anticipe sur l'exposé de notre rapport sur l'agriculture biologique, il est très remarquable de constater combien l'INAO qui est son principal pilote dispose de peu de moyens pour cette mission ? Il se trouve obligé de déléguer les certifications à des organismes extérieurs qui paraissent réaliser un miracle de productivité : traiter les demandes qui montent en flèche et leur valent quelques dizaines de millions d'euros de chiffre d'affaires sans augmenter les moyens.
Pour cet ensemble de motifs je vous recommande le rejet des crédits de la mission AAFAR. En revanche malgré sa perfectibilité, afin de donner un signal positif à la recherche en agriculture je vous recommande l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale pour le développement rural, le CASDAR.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. - Je voudrais ajouter quelques observations sur le projet de budget.
En premier lieu, je voudrais faire ressortir que le programme 149 de la mission constitue le vecteur du modèle agricole français d'une agriculture très diversifiée et qui anime l'espace rural français. En ce sens il dépend beaucoup du budget agricole européen, du FEADER, en particulier. Nous devons nous attacher à défendre celui-ci, qui ne fait pas l'unanimité partout en Europe, il faut en avoir conscience. Cela suppose d'abord que notre programmation budgétaire donne un signal d'élan et, en effet, il n'est pas bon que nous fassions le contraire de ce que nous plaidons à Bruxelles, en affichant une décroissance réelle des crédits. Cela suppose aussi que nous exécutions bien ce budget et, de fait, les considérables problèmes rencontrés les dernières années, l'annulation déconcertante des crédits pour 2019 proposée par la loi de finances rectificative également posent problème.
La note de présentation fait ressortir l'état d'exécution de la maquette FEADER. Certaines lignes sont déjà consommées. Il s'agit de celles qui avaient été sous-budgétées. D'autres sont très en retard. Tout cela n'est pas satisfaisant et le projet de budget pour 2020 ne témoigne pas d'un effort suffisant pour remédier à ces situations.
Les régions sont autorités de gestion du FEADER mais l'État a conservé la quasi-totalité des moyens de la programmation et de l'exécution. Il y a là un hiatus dont les différents budgets que nous avons examinés ces dernières années se ressentent. Il faudra réorganiser tout cela.
Le FEADER n'est pas le seul fonds à subir des programmations et des exécutions budgétaires approximatives. Le fonds européen pour les affaires maritimes et de la pêche a tardé à être mis en place et en oeuvre. Des paiements importants sont à réaliser dont le projet de budget ne porte pas la trace concrète. Il faut ajouter que le Brexit aura des impacts considérables qui ne sont pas budgétés.
Une partie de plus en plus importante des concours à l'agriculture passe par des niches fiscales et sociales. Ce choix traduit une certaine aversion pour la dépense publique. Il a des limites. Les crédits budgétaires qui peuvent financer des interventions pour tous les agriculteurs qui répondent aux objectifs de la politique agricole viennent à manquer. Les transferts réalisés par la voie de la fiscalité ne peuvent offrir un équivalent. Par hypothèse, quand ils ne concernent pas des impôts de production, ils ne touchent que ceux qui ont des revenus suffisants pour en bénéficier. Or, les exploitations soutenues par le FEADER et par le programme 149 de la mission AAFAR ne relèvent souvent pas de cette catégorie.
La question des financements des chambres d'agriculture a été réglée en première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement faisant volte-face, une volte-face peut-être pas définitive du reste. Il se dit que les 45 millions d'euros en cause qui accroissent les dépenses publiques sont insupportables au ministère des finances qui entend les récupérer sur des crédits de la mission ou d'autres. Si tel était le cas, ce serait une double-peine pour les agriculteurs : un ressaut de fiscalité de 45 millions d'euros et une baisse des subventions de cet ordre.
Sur la forêt, nous manquons d'une politique résolue. Ce n'est pas tout à fait nouveau mais cela s'aggrave. La réduction de la subvention pour charges de service public du Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui gère 75 % des espaces forestiers français et à qui ces dernières années des efforts déjà importants ont été demandés est très regrettable. C'est 7 % de moins et cela représente 17 emplois. L'état de la forêt privée demande du conseil et le CNPF exerce ses missions dans un contexte de plus en plus complexe. L'état sanitaire de la forêt se dégrade. Les soutiens au fonds stratégique forêt bois rétrogradent de 2 millions d'euros. Quant à l'opérateur de l'État, l'office national des forêts (ONF), il connaît une crise, selon moi moins financière que culturelle. On sent que le Gouvernement a préparé une réforme structurelle avec la séparation des activités commerciales et des activités forestières traditionnelles. Je ne crois pas que ce soit la bonne issue. Il faudra interroger le ministre.
Sur la politique de sécurité sanitaire des aliments, je relève la création de 300 ETPT pour traiter le Brexit, ce qui a quelque chose d'étonnant au vu du nombre des emplois habituellement mobilisés aux frontières (97 au total). Peut-être y aura-t-il des sous-consommations ou des réaffectations puisque le CETA va sans doute accroître les échanges extérieurs. Dans le cadre de cet accord, nous avons fait un assez grand nombre de concessions sur les normes sanitaires et phyto. Dans le même temps nous sommes confrontés à des périls sanitaires très sérieux. Le Gouvernement indique avoir un plan de 18,3 millions d'euros au titre de la surveillance de la peste porcine africaine et de la tuberculose bovine. C'est sans doute assez peu et cela n'apparaît pas dans le projet de budget pour 2020. C'est très structurellement que les moyens de la politique de sécurité sanitaire manquent. Des réorganisations de process pourraient permettre de réduire les besoins mais le Gouvernement ne veut pas les mettre en oeuvre. Je pense à la communication systématique des tests de laboratoire réalisés dans le cadre des autocontrôles. Apparemment il a également renoncé à instaurer une taxe sanitaire permettant de financer les contrôles qu'appelle la maîtrise des risques sanitaires. C'était une recommandation de CAP 2022 qu'on nous oppose si souvent par ailleurs.
Le projet de budget comporte une innovation avec un indicateur de suivi du plan de sortie du glyphosate. C'est en soi louable mais l'indicateur est construit de telle sorte qu'on ne percevra pas les évolutions concernant la diffusion réelle de ce produit. Au demeurant, l'évaluation dont a été saisie l'ANSES devrait être plus ouverte et participative.
Ce budget débouche sur un constat d'atonie. La conclusion peut paraître dure mais les faits sont là. Il s'agit d'un budget de l'accompagnement du moment, et encore pas toujours, là où nous serions en droit d'attendre des perspectives et une vision d'avenir pour l'agriculture. À l'instar d'Alain Houpert je voterai contre l'adoption des crédits de cette mission et je voterai favorablement pour l'adoption de ceux du compte d'affectation spéciale.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Merci de m'accueillir pour la troisième année consécutive. J'axerai mon propos autour de trois points. Un satisfecit puisque le Gouvernement est revenu sur sa décision catastrophique de diminuer de 45 millions d'euros les budgets des chambres d'agriculture par la suppression d'une partie de la taxe affectée et sur la régionalisation du réseau. Je pense que nous n'avons jamais eu plus besoin de proximité et que c'était une vue de l'esprit de vouloir économiser ces 45 millions d'euros dans le sens où ce n'était ni une économie pour la structure ni une économie pour l'État. Il s'agissait d'une baisse de l'imposition des propriétaires qui peut se résumer par le constat d'une baisse de 50 centimes à l'hectare, pour les seuls hectares en propriété soit moins de la moitié des terres exploitées par les agriculteurs. L'économie était dérisoire. Par contre, il faudra être vigilant. Bercy souhaitera récupérer cette somme et voudra ponctionner le budget qui nous est présenté. Deuxième point, une « fake news » propagée par le ministère de l'agriculture qui se vante d'avoir augmenté le budget. En réalité l'augmentation découle du rattrapage des paiements dus pour des engagements financiers du passé sur les mesures agroenvironnementales et climatiques ; elle est donc subie. Troisième point, ce budget est une erreur stratégique. Il n'y a pas d'efforts pour soutenir l'innovation alors que l'agriculture n'en a jamais eu tant besoin pour répondre à la demande sociétale. Rien sur la sortie du glyphosate. Un rapport parlementaire vient d'établir qu'elle conduirait à des impasses et même que pour certains adventices le seul moyen serait de travailler à la main. Tous les agriculteurs sont favorables à la réduction des produits phytosanitaires sans en faire un dogme. Veut-on les renvoyez aux travaux des champs manuels ? Rien non plus sur les nouvelles technologies qui pourraient permettre de réduite l'utilisation des phyto. Ayant auditionné les représentants du syndicat des entreprises de machinisme agricole j'en retiens que grâce à des techniques évoluées et de précision, nous pourrions réduire l'emploi des phytosanitaires de 70 % à 80 %. Rien sur la problématique du réchauffement climatique, sur les retenues collinaires et l'hydraulique agricole. Rien sur les déserts vétérinaires. Rien non plus sur la gestion des aléas. Le seul message que nous envoyons c'est une réduction de la provision pour aléas qui est devenue une réserve pour couvrir les aléas de gestion des aides agricoles par le ministère de l'agriculture, les apurements. En conclusion, nous avons un budget de l'agriculture qui suit un rythme de croisière alors que l'agriculture ne suit pas un tel rythme. Nous étions en droit d'attendre un budget capable de répondre aux attentes de la société civile, d'aider l'agriculture à innover et à défendre sa compétitivité. En conséquence, je recommanderai un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. Je me pose une question sur les crédits du compte d'affectation spéciale. L'habitude de la commission des affaires économiques est de rendre un avis de sagesse. Je pense que je proposerai l'adoption cette année en ayant conscience que le risque existe que le Gouvernement, après avoir échoué dans sa tentative contre les chambres d'agriculture, puisse souhaiter prendre sa compensation sur les moyens du compte, ce qui serait un très mauvais signal pour les efforts mis en oeuvre pour la recherche et l'innovation en agriculture.
M. Bernard Delcros. - L'agriculture est en souffrance avec des conséquences dramatiques pour les agriculteurs eux-mêmes et pour les territoires. En ce qui concerne le CETA, il va fragiliser considérablement certaines filières, notamment l'élevage. Il ne correspond pas aux attentes de la société. Avez-vous une idée de la date où le projet de ratification de l'accord sera soumis au Sénat ? Deuxième interrogation, le projet de budget du FEADER prévu en forte baisse est incompatible avec la situation du secteur agricole et de la ruralité. Où en est-on de la négociation ? J'ai cru comprendre que la France s'opposait au projet de la Commission mais...Troisième question, en ce qui concerne le réchauffement climatique vous semble-t-il que l'accompagnement des agriculteurs mais aussi des forestiers est à la hauteur des enjeux ? Quelles propositions concrètes sur ce point ?
Mme Sylvie Vermeillet. - Merci aux rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur analyse. Vous avez dit que ce budget était un budget du moment. C'est très inquiétant compte tenu des enjeux du réchauffement climatique, en particulier dans le domaine de la politique de la forêt. Vous indiquez que l'Office national des forêts (ONF) traverse une crise sans doute moins financière que culturelle et morale. On le ressent sur nos territoires. Si le budget de l'ONF est à peu près maintenu, je suis préoccupée par la dégradation de la santé de nos forêts avec les scolythes notamment. Les ressources de l'ONF sont soutenues par des ventes de bois. Mais la mise sur le marché de bois secs fait baisser les cours. On s'attend à une chute des recettes des communes mais aussi de l'ONF. On prépare un drame en délaissant nos forêts.
Mme Nathalie Goulet. - C'est un budget qui s'occupe de l'agriculture mais pas des agriculteurs. On peut être très inquiet de la situation dans de nombreux territoires. Il y a le malaise et la tristesse avec des suicides qui s'accélèrent. Il y a aussi le problème des fins d'exploitation. Qu'est-ce-que ça représente sur le nombre des exploitations et sur les surfaces agricoles ? En ce qui concerne l'enseignement agricole, comment est-il traité cette année ?
M. Antoine Lefèvre. - Merci aux rapporteurs spéciaux. L'agriculture ne va pas bien mais nos agriculteurs vont encore moins bien ; ce budget en faux semblant fait craindre le pire. Je me réjouis que les chambres d'agriculture aient été finalement préservées. Nous avons besoin de proximité. Sur la forêt nous avons beaucoup travaillé au Sénat. Je n'ai pas le sentiment que le Gouvernement prenne la mesure de la crise.
M. Michel Canévet. - Merci et félicitations aux trois rapporteurs pour la qualité de leurs analyses. L'agriculture est importante pour la France et pour les territoires ruraux. Pour les aides européennes que nous avons largement évoquées ces dernières années, la situation s'est-elle réellement améliorée ? Nous arrivons au bout de la programmation en cours et nous sommes encore à des niveaux d'engagement et de paiement qui peuvent apparaître faibles. Aurons-nous le temps de consommer les enveloppes ? Nous plaidons pour un maintien au minimum de l'effort et il serait gênant de ne pas consommer nos crédits. Pour la pêche, le problème est le même encore accentué. C'est particulièrement inquiétant. Nous avions formulé des recommandations sur l'agence de services et de paiement (ASP), ont-elles été prises en compte ? Pour la prochaine programmation, il faut sérieusement songer à régionaliser la gestion des fonds. Ce n'est pas l'orientation actuelle mais nous devons gérer au plus près du terrain. Sur les crédits de la pêche, il est plus que regrettable que nous ne soyons pas en mesure de consommer une enveloppe pourtant limitée alors que le secteur est confronté à de grandes difficultés. Nous importons de plus en plus. Où en sommes-nous s'agissant des recrutements de vétérinaires inspecteurs ? Dans la perspective du Brexit, il semble n'y avoir pas de difficultés pour recruter des douaniers. Mais pour les vétérinaires inspecteurs c'est apparemment beaucoup plus difficile. Enfin, sur l'investissement, il est indispensable d'accélérer l'investissement. Des aides sont-elles ménagées à cette fin qu'elles passent par des crédits ou des avantages fiscaux.
M. Arnaud Bazin. - Sur la question de l'administration des aides, je lis que dans le passé la mauvaise gestion des aides surfaciques a été responsable d'une proportion considérable des refus d'apurement européens. L'administration a-t-elle réagi ? Les effectifs dédiés au Brexit, qui pose un problème sanitaire et un problème de transport des animaux, sont-ils suffisants ? Avons-nous dû recruter à l'étranger des personnels compétents vu la situation de rareté constatée en France ?
M. Marc Laménie. - Il y a un mal-être profond chez les agriculteurs. Ils exercent un métier difficile et participent à l'animation des zones rurales. Ils méritent beaucoup d'écoute et de reconnaissance. Sur l'administration territoriale, les directions départementales ont vu leurs effectifs fondre. Où en est-on ? Quant aux forêts, le constat est partagé d'une sous-exploitation de la ressource. L'avenir de l'ONF est-il stabilisé ? Quant aux crises sanitaires, l'ardennais que je suis est particulièrement sensible au problème. La peste porcine africaine a entraîné le déploiement d'une impressionnante clôture entre la France et la Belgique. A-t-on une idée du coût de cette opération ? Sur le changement climatique, sait-on si les aléas climatiques sont correctement provisionnés ? Quant à l'apiculture, l'Etat est-il à la hauteur du défi ? Les crédits européens sont mal gérés par la France. Peut-on améliorer la situation ?
M. Jean Bizet. - Merci aux rapporteurs. Ce budget n'est pas un budget pour les agriculteurs. Ce budget est d'autant plus nécessaire que nous allons subir une réduction drastique des crédits de la politique agricole commune (PAC). Nous ne parvenons pas à convaincre nos partenaires de soutenir l'agriculture européenne ? Alors que les autres continents accroissent leurs soutiens, nous nous apprêtons à les baisser. L'objectif de convergence entre les États européens va être difficile à assumer. Les crédits du FEADER devraient baisser de 25 %. Tant que l'Europe ne renforcera pas son budget compte tenu des politiques qu'il faut obligatoirement mettre en place, notamment dans le domaine de la sécurité et de la défense, on ne parviendra pas à boucler la programmation agricole. Du reste on nous invite à augmenter les concours nationaux à hauteur de 10 %. La fongibilité entre le premier et le deuxième pilier ouvre à des distorsions de concurrence. La France fera plus pour l'environnement que d'autres pays, notamment de l'est européen, qui soutiendront leur agriculture par le premier pilier. L'on se dirige vers un glissement de l'élaboration du cadre financier européen pour le fixer une fois les élections derrière nous. On constatera alors une réduction des crédits de la PAC et la messe sera dite. Sur les emplois annoncés pour le Brexit, je crains que ce ne soit insuffisant. Si le futur accord de libre-échange se conforme à ce qui a été annoncé, il n'y aura pas d'union douanière entre le Royaume-Uni et l'Irlande. La tentation existera pour le Royaume-Uni de passer par l'Irlande. Il faudra des contrôles douaniers. Or ce n'est plus dans notre culture. Je rappelle que les barrières non tarifaires coûtent 15 % du coût d'une transaction. Si l'ANSES peut apparaître un peu léthargique à certains sur le dossier du glyphosate, je le comprends puisque l'ANSES a toujours dit qu'il n'y avait pas de problème avec le glyphosate, faisant partie des dix agences européennes sur onze ayant tenu cette position. Je rejoins les propos de Laurent Duplomb. Pourquoi se priver des solutions existantes pour surmonter ce problème ? Yannick Botrel est chargé d'une étude avec Daniel Gremillet sur les « new breeding technologies ». Il faudra bien trouver une solution pour contourner, et je pèse mes mots, l'avis de la Cour de justice européenne qui n'a pas rendu service à la recherche française et européenne.
M. Thierry Carcenac. - Je partage le constat que font nos rapporteurs sur ce budget. Quand on est sur le terrain, on voit bien qu'il correspond à la réalité. Sur le contrôle sanitaire, nous sommes face à un vrai problème. Dans le service actuel il n'y a que 97 agents. On en recrute 300 pour le Brexit mais il n'y a pas de nouveaux moyens pour les autres opérations. C'est un vrai problème compte tenu des risques sanitaires. Je souhaite évoquer le coût de la protection de nos troupeaux contre le loup et l'ours. Vous indiquez une estimation. Consolide-t-elle les interventions du ministère de l'environnement ? Tout compris nous sommes face à des montants qui peuvent paraître disproportionnés avec les enjeux de la réintroduction du loup et de l'ours.
M. Sébastien Meurant. - Sans reprendre les mots de Sully, cet ami d'Henri IV soulignait les enjeux de l'agriculture et la portée de son message demeure. La France a des atouts extraordinaires. Nous avons des terroirs diversifiés. Or année après année, notre position se dégrade et hors vins et spiritueux, notre balance commerciale serait déficitaire. Je ne sais si on mesure le choc que cela représente. Nous gâchons nos atouts. A-t-on une stratégie de reconquête ? Nous importons du miel de Chine contrefait. L'importation de tomates chinoises a ruiné des exploitants qui ont été rachetés par des opérateurs venant de Chine. J'ai une question sur le label bio. J'ai pu constater quelques incompréhensions sur ce label avec la concurrence de labels bio non européens. Est-il possible de promouvoir des labels « fait en France » afin de donner une visibilité à des produits qui ne sont pas issus de l'éclatement de la chaîne de production ?
M. Jean-Marc Gabouty. - Un mot sur la forêt. Qu'elle soit publique ou privée, la forêt est un investissement à long terme d'autant plus à risque qu'elle est inassurable. La maturation d'une forêt c'est quarante ou cinquante ans. Le problème de la forêt ce n'est pas un problème financier ni fiscal. Il y a des avantages significatifs. Actuellement on assiste plutôt à une pression sur la forêt française qui favorise les prix. Mais nous avons un problème de filière avec des capacités de transformation insuffisantes. Il faut éviter d'exporter des bois bruts qui nous reviennent en produits finis que nous importons. Comment améliorer la structuration de la forêt ? L'environnement physique et juridique doit être amélioré. Les groupements forestiers n'arrivent pas à fonctionner dans la stricte légalité dès lors qu'il y a plus de vingt porteurs de parts. La forêt est trop morcelée. Il faut parfois soixante parcelles pour faire dix hectares. Vous avez des chevelus totalement ingérables de ce fait. Des maladies apparaissent. Des issues commerciales contestables conduisent à l'utilisation du bois pour produire de l'énergie. Il vaudrait mieux l'éviter et réserver cet emploi aux déchets de scieries ou aux sous-produits forestiers vraiment non utilisables. Attention à ne pas stigmatiser le bois papier. Bien entend il faut veiller sur l'ONF. Mais n'est-ce pas plutôt un problème d'organisation ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - On a typiquement l'exemple avec cette mission d'un problème de mauvaise administration. Il faut des effectifs sur les vrais problèmes, les problèmes sanitaires par exemple. Mais nous ne devons pas cultiver les doublons. Je me souviens de la description assez désolante qui avait été exposée lors de nos travaux sur la chaîne de paiements agricoles. Il faut améliorer la gestion du ministère.
M. Alain Houpert. - Merci à Laurent Duplomb de partager nos analyses. Sur l'inscription du projet de loi de ratification, je n'ai pas d'informations. Peut-être cela sera-t-il après les élections municipales. Je ne sais pas... On ne peut pas défendre un FEADER constant à Bruxelles et présenter un budget en baisse en euros réels en France. Il faut bien entendu veiller à une meilleure consommation de nos enveloppes. Le budget est sans élan alors que nous prétendons nous situer dans une transition vers une autre agriculture. Les surfaces agricoles demeurent pour le moment en étendue inchangée malgré la forte diminution du nombre des exploitations. Le besoin de nouvelles installations va se renforcer et s'il n'est pas satisfait, nous allons aboutir à des grosses fermes. L'agriculture marginale est en danger. Sur les aides européennes, nous avons un peu de temps pour payer. Mais, les problèmes d'exécution budgétaire révèlent des difficultés structurelles. L'ASP voit ses crédits informatiques renforcés. Mais, il y a un problème non résolu d'articulation avec les effectifs d'instruction et de contrôle des aides. Sur le Brexit, il y aura des difficultés de recrutement pour les vétérinaires. Ce problème a été souligné par Arnaud Bazin. Il y a un problème de proximité des services. Une partie de la réduction du FEADER tient à la sortie du Royaume-Uni mais une partie seulement et nous devons rester attentif à l'ambition agricole européenne et au maintien d'une PAC vraiment commune. Les mesures concernant le loup et l'ours sont prises en charge par le ministère de l'agriculture pour la protection contre la prédation et par le ministère de l'environnement pour les indemnisations. De fait, l'alourdissement des charges pour les exploitants et pour les finances publiques interroge. Merci d'avoir évoqué Sully. Je rappellerai Voltaire. Rien n'est pire que d'affamer ceux qui nous nourrissent. Sur le bio il faut veiller à l'intégrité de l'information des consommateurs. Il faut également s'interroger sur la biocompatibilité des circuits du commerce international. Nous importons trop de produits en bio pour respecter un objectif légitime de développer des circuits courts.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. - La question de la PAC est évidement centrale et il faut s'opposer à la réduction proposée. Le calendrier me semble figé au moins jusqu'à la fin de l'année. Cela s'accélérera après. Le risque c'est une renationalisation des politiques agricoles. Ce serait alors du « chacun pour soi ». Personne n'en veut. Mais il est difficile de s'opposer à la renationalisation des politiques agricoles et de promouvoir en même temps des mesures très protectionnistes à l'intérieur de l'Europe contre les autres pays européens. Malgré la détérioration de nos performances commerciales, nous sommes aussi exportateurs. Sur la reconquête des filières, on cite fréquemment la filière volailles. J'ai une petite histoire qui illustre les problèmes qu'on rencontre lorsqu'on veut améliorer la situation. On indique que les industriels n'ont pas assez investi. Or, à supposer qu'on trouve des investisseurs, il arrive plus souvent qu'à son tour que les populations s'opposent au développement des élevages qui conditionne les projets. Il y a quand même quelques contradictions. Sur la forêt, nous avions réalisé un rapport qui cernait les enjeux avec, alors, un chiffre d'affaires de l'ordre de 70 milliards d'euros et un déficit commercial de 7 milliards. Il y a un débat assez régulièrement constaté d'ailleurs entre les producteurs qui équilibrent leurs comptes par des exportations et les scieurs qui souhaitent réduire le coût d'achat de la matière première. C'est difficile à surmonter autrement que par une meilleure valorisation des produits finis. Vient se greffer par ailleurs sur cette problématique le développement d'usages concurrents du bois. Le développement de chaufferie bois de grande jauge tarit la ressource. L'état sanitaire de la forêt inquiète. Mais on prétend que le boisement va se modifier dans un sens susceptible d'atténuer les problèmes. Actuellement la demande se porte sur l'épicéa. Le volume des résineux devrait représenter 60 % des apports. Or, la situation est inverse. Offre et demande ne coïncident pas. Nous avons fait des progrès en matière d'innovation. Nous en connaissons de bons exemples en Bretagne. C'est pour l'essentiel le fruit d'initiatives décentralisées. Oui le morcellement est excessif. Certains de nos concitoyens doivent ignorer être propriétaires de parcelles forestières. Sur les apurements on est autour de 125 millions d'euros inscrits cette année. Les apurements ne sont pas constants. Il peut y avoir des ressauts en fonction du déroulement des procédures avec une forte variabilité annuelle des sanctions. Par ailleurs, quand les corrections financières dépassent un certain niveau, des discussions s'ouvrent avec la Commission européenne. Il y a quelques années, nous étions parvenus à réduire notre dette d'apurement passée de 5 milliards d'euros à un peu plus d'un milliard d'euros lorsque Stéphane Le Foll était ministre de l'agriculture. Les aides surfaciques ont posé de graves problèmes. La rénovation du registre parcellaire graphique avec des orthophotographies plus satisfaisantes a coûté cher mais des progrès ont été réalisés. Il n'empêche qu'il faut actualiser tout cela en permanence et gérer les autres conditionnalités. Sur la consommation des fonds européens, il y a une caractéristique générale qui est qu'on consomme peu en début de période. Il est difficile de se prononcer sur l'issue de la programmation d'autant que des transferts financiers peuvent intervenir. La réduction du nombre des exploitations se solde par une concentration des terres. Cela peut déboucher à terme sur un problème de valorisation de la reprise. Nous allons avoir un nouveau recensement agricole en 2020. Nous pourrons être plus précis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Sur la PAC, nous avons besoin de chiffres stabilisés. La PAC c'est 408 milliards d'euros. Le Royaume-Uni c'est 46 milliards de contributions et 27,3 milliards de retours, soit un solde net de 19 milliards d'euros. On devrait être pour la PAC, Royaume-Uni exclu, autour de 390 milliards d'euros. Quand la Commission européenne annonce un budget de 365 milliards d'euros, il manque 24 milliards d'euros sans doute destinés à d'autres politiques. Cela correspond aux annonces faites par le Président de la République dans son discours de La Sorbonne vers une réorientation des politiques européennes et davantage de subsidiarité. Nous savons quels problèmes cela pose. Quand les Français passeront des crédits du premier pilier vers le second et inversement les polonais du second vers le premier, notre compétitivité sera encore affectée. Dans mon récent rapport, j'ai indiqué que les Français ne consommaient que des produits importés pendant un jour et demi par semaine. Notre balance commerciale devrait être négative en 2023. Sur les vétérinaires, 43 % des primo vétérinaires ont été formés à l'étranger la moitié en Belgique, le reste en Roumanie et en Espagne. Les nouveaux vétérinaires sont à 20 % des étrangers. Ce pourcentage doit être nettement supérieur en milieu rural.
M. Vincent Éblé. - Les deux corapporteurs sont convergents pour le rejet des crédits de la mission et pour l'adoption des crédits du CASDAR.
La commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La réunion est close à 12 h 15.
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Travail et emploi » (et articles 79 à 82) - Examen du rapport spécial
M. Vincent Éblé, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial sur la mission « Travail et emploi ».
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial (mission « Travail et emploi »). - Ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même vous présenterons ce rapport à deux voix. Comme les années précédentes, nos avis divergent pour l'essentiel, ce qui ne nous empêche pas de porter certaines appréciations communes sur ce budget.
La première caractéristique de ce budget est sa stabilité par rapport à l'année précédente, faisant suite à plusieurs années de forte baisse des crédits de la mission. Les autorisations d'engagement se stabilisent à 13,5 milliards d'euros, tandis que les crédits de paiement, portés à 12,8 milliards d'euros, connaissent une légère augmentation.
La diminution des crédits de la mission constatée les années précédentes respecte strictement la programmation triennale 2018-2020 et traduit la nécessaire contribution du ministère du travail et de ses opérateurs au redressement des finances publiques. La stabilisation des crédits prévue pour 2020 et les années suivantes doit permettre de concentrer les efforts sur l'accès à l'emploi et sur la formation des publics qui en sont aujourd'hui le plus éloignés.
Cette trajectoire est également à replacer dans le cadre d'une amélioration de la situation de l'emploi. En effet, selon l'Insee, au deuxième trimestre 2019, le chômage s'établit à 8,5 % de la population active, soit 0,6 point sous son niveau de 2018 et 2 points sous son niveau de 2015. Le chômage de longue durée - au moins un an - continue de baisser, s'établissant à 3,1 % de la population active.
La baisse constatée des effectifs du ministère - moins 226 ETP - s'inscrit dans le cadre plus large de la réforme de l'État et de son organisation territoriale. Celle-ci devrait aller de pair avec une revue des missions et des redéploiements d'effectifs cohérents avec les priorités de la politique de l'emploi, avec un renforcement des moyens humains sur la formation et l'apprentissage. Cette baisse doit enfin être appréhendée dans le cadre global, évoqué lors de la présentation du tome I par le rapporteur général la semaine dernière, d'une hausse du schéma d'emploi de l'État de 196 ETP en 2020, concentrée sur les missions régaliennes.
À l'inverse, les effectifs de Pôle emploi augmentent de près de 1 000 ETP en 2020. Cette évolution permettra un renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, mais aussi des entreprises. On sait les difficultés que certains chefs d'entreprise rencontrent pour recruter dans certains secteurs industriels en tension, comme la construction ou la métallurgie.
Une diminution importante des effectifs est en revanche à prévoir à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui poursuit un plan de transformation, indispensable pour redresser sa situation financière.
Ce budget, comme je l'évoquais, s'adresse prioritairement aux publics les plus éloignés de l'emploi.
Les parcours emploi-compétences (PEC), lancés en 2018, constituent un progrès qualitatif par rapport aux anciennes formules de contrats aidés, qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes. Les faibles performances de ces dispositifs en termes de sortie dans l'emploi durable sont là pour en attester. Le niveau des PEC se stabilise en 2020 autour de 100 000 contrats.
Peut également être relevé l'effort important au profit du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui dépasse le milliard d'euros en 2020. C'est un enjeu important de ce budget. Les structures de l'IAE accueillent les publics les plus éloignés de l'emploi, souvent peu qualifiés ou chômeurs de très longue durée. L'objectif visé est la création de 100 000 nouveaux postes dans ce secteur en 2022 par rapport à 2017, soit 230 000 personnes accompagnées. Il s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et va donc au-delà de la politique de l'emploi stricto sensu. Le principal enjeu désormais, pour les structures de l'IAE, est d'être en mesure d'absorber cette hausse de leurs moyens et de leurs effectifs.
Les moyens alloués en faveur de l'emploi des personnes handicapées augmentent également, portés en 2020 à 407 millions d'euros.
Le Plan d'investissements dans les compétences (PIC) constitue un autre volet important de ce budget. Il se fixe pour objectif de former un million de jeunes décrocheurs et un million de chômeurs de longue durée, en mobilisant près de 14 milliards d'euros sur cinq ans. Une grande partie de sa mise en oeuvre relève des régions. Près d'1,5 milliard d'euros d'AE et 1 milliard de CP devaient lui être consacré en 2020 sur les crédits de la mission, auxquels s'ajoutera un concours de France compétences à hauteur de 1,6 milliard d'euros.
Depuis son lancement, le PIC a permis la formation de 475 000 demandeurs d'emploi et l'accompagnement de 200 000 jeunes. L'ensemble des conventions avec les régions ont été signées en 2019, même s'il est à noter que deux régions ont décidé de ne pas s'associer à cette démarche. L'année 2020 constituera la première année de pleine mise en oeuvre du plan.
Comme vous l'avez vu, les crédits qui lui seront consacrés seront en réalité diminués de 120 millions d'euros. Il était en effet nécessaire, pour préserver l'équilibre de ce budget, de compenser financièrement la suppression de l'article 79 du présent projet de loi de finances qui entendait recentrer le bénéfice des exonérations applicables aux aides à domicile. L'impact de cette décision sur le bon déroulement du PIC devra être évalué à l'aune d'une probable sous-consommation des crédits.
Une difficulté qui ressort des auditions que nous avons conduites concerne le pilotage du Plan. On peut déplorer un déficit de coordination entre l'État et les régions. Il convient par ailleurs de s'interroger sur la pertinence d'un découplage des compétences d'accompagnement des jeunes, qui relèvent des missions locales, et des compétences de formation professionnelle, qui relèvent des régions.
Sophie Taillé-Polian et moi-même regrettons l'absence de ligne de crédit consacrée aux maisons de l'emploi. Ces structures, auxquelles nous avions consacré un rapport de contrôle l'année dernière, jouent un rôle très important de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences. Comme l'année dernière, l'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant le maintien d'une ligne de crédit à hauteur de 5 millions d'euros pour les maisons de l'emploi. Comme l'année dernière, notre analyse de leurs besoins nous porte à juger ce montant insuffisant et nous proposerons donc à la commission d'adopter un amendement portant ce financement de l'État à 10 millions d'euros.
Dans l'ensemble, ce budget me paraît toutefois sérieux, en phase avec la situation de nos finances publiques et avec les enjeux actuels de la politique de l'emploi. Je vous proposerai donc d'adopter les crédits de la mission.
J'ajoute que nous serons également amenés à examiner trois articles rattachés.
Comme je l'ai rappelé, l'article 79 recentrant les exonérations en faveur de l'emploi des aides à domicile a bien été supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale. Son coût de 203 millions d'euros pour les finances publiques a été compensé à hauteur de 120 millions d'euros par les crédits de la mission « Travail et emploi ».
L'article 80, qui, lui, nous sera bel et bien transmis, concerne le recentrage de l'Aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) sur son public-cible, c'est-à-dire les publics prioritaires de la politique de l'emploi. L'article soulève toutefois toute une série de problèmes ; c'est pourquoi nous vous proposerons de l'amender.
Enfin, deux articles additionnels ont été adoptés lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. Le premier est purement technique et ne devrait pas soulever de difficulté. Le second prend la forme d'une demande de rapport sur l'impact de la réforme de l'apprentissage sur les finances du Centre national de la fonction publique territoriale.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale (mission « Travail et emploi »). - Mon analyse de ce budget diffère de celle de mon collègue. Certes, les crédits se stabilisent en 2020, mais cette stabilisation fait suite aux deux années de très importante baisse. Depuis 2017, ils ont en effet connu une diminution de près de 25 %.
Les statistiques du chômage sont à prendre avec précaution. Certaines catégories d'actifs restent très éloignées de l'emploi. Je rappellerai quelques chiffres : le taux de chômage des jeunes s'établit à 19,2 % en 2019, soit 0,6 point de plus qu'un an plus tôt. Le taux de chômage des travailleurs handicapés s'élève également à 19 %. Les publics très spécifiques sont encore massivement touchés.
Ces évolutions s'inscrivent également dans un contexte d'augmentation constante des emplois précaires, qui est une tendance de fond du paysage social français liée aux politiques de flexibilisation du marché du travail. Entre 2001 et 2017, le nombre d'entrées annuelles en CDD a été multiplié par 2,5, de sorte que celles-ci représentent près de 84 % des créations d'emploi pour les entreprises de plus de 50 salariés. La part des CDD de moins d'un mois est passée de 57 % en 1998 à 83 % en 2017. L'on assiste également à une très forte hausse de l'emploi intérimaire. Cela crée des besoins nouveaux en matière d'accompagnement des personnes privées d'emploi.
La traduction la plus regrettable de ces orientations budgétaires est la baisse constante des effectifs du ministère du travail. Les emplois sous plafonds ont diminué de près de 10 % depuis 2017, alors même que la situation de l'emploi nécessite plus que jamais un renforcement de l'accompagnement et des moyens humains. L'inspection du travail a besoin d'agents, car le droit se complexifie et le nombre d'entreprises augmente. La hausse des effectifs de Pôle emploi cette année a été annoncée, en contrepartie de la transformation des règles d'accès à l'Unedic. Si elle est louable, elle ne compense pas les importantes réductions d'effectifs de ces deux dernières années.
L'on ne saurait de surcroît attribuer le mérite de cette hausse au Gouvernement, qui a décidé cette année une nouvelle diminution, à hauteur de près de 10 %, de la subvention pour charges de service public de Pôle emploi. Au contraire, celle-ci est bien financée par une hausse de 1 point de la contribution de l'Unédic, ainsi portée à 11 % de ses ressources. L'État, qui a par ailleurs imposé une réforme de l'assurance chômage restreignant considérablement les droits des demandeurs d'emploi dans le seul but de générer 4,5 milliards d'euros d'économie pour l'Unédic à l'horizon 2022, fait ainsi supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi. C'est bien là, et non dans une prétendue générosité excessive du système d'assurance chômage, qu'il faut chercher la cause de la dette de l'Unédic.
Les réelles difficultés financières de l'AFPA sont la conséquence aisément prévisible de l'intégration dans le champ concurrentiel des missions de service public qu'elle exerce. Le plan de transformation affaiblira encore l'opérateur et se traduira par une baisse de la qualité du service rendu, ainsi que par une diminution de sa présence sur le territoire : dans certains départements, on ne compte aujourd'hui plus aucun centre AFPA. Le plan de transformation emporte également de lourds risques sur la santé des personnels de l'AFPA. La forte dégradation des indicateurs socio-sanitaires traduit en effet une situation alarmante à laquelle il convient que les autorités apportent une réponse. L'AFPA a pourtant par le passé su combiner qualité de la formation et accès à la formation pour tous et ainsi démontrer une efficacité sociale élevée, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation.
Je partage pour partie l'analyse de mon collègue concernant les PEC, qui constituent bien un outil intéressant en termes d'accompagnement qualitatif des demandeurs d'emploi. Cependant, la stabilisation des crédits ne compense pas la baisse très importante des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années : le nombre de contrats aidés, tous dispositifs confondus, s'élevait à 453 000 en 2016, contre 100 000 PEC seulement attendus en 2020.
L'argument selon lequel les anciens contrats aidés seraient inefficaces eu égard aux faibles taux d'insertion dans l'emploi constatés ne tient pas dans la mesure où les publics auxquels ils s'adressent sont précisément des publics éloignés du marché du travail. En outre, la baisse du taux de prise en charge de ces contrats n'a pas favorisé leur maintien, notamment dans le tissu associatif où ils accomplissaient des missions diverses et très utiles socialement.
Je considère également que le soutien au secteur de l'IAE va dans le bon sens. Ces structures accompagnent les personnes qui sont les plus éloignées de l'emploi. J'émettrai toutefois un point de vigilance quant au modèle de structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) que le Gouvernement semble promouvoir. Ainsi, le modèle associatif représenté par les associations d'insertion (AI), qui cible les personnes les plus en difficulté, voit son enveloppe diminuer. L'expérimentation lancée cette année d'une « insertion par le travail indépendant » me laisse dubitative, mais elle révèle bien la philosophie de ce Gouvernement.
S'agissant du PIC, je remarque que le montant affiché de 14 milliards d'euros inclue plusieurs dispositifs préexistants et n'est atteint que grâce à des financements issus de fonds de concours.
Je partage le constat d'une certaine déficience de pilotage du PIC, avec des risques sérieux de concurrence entre les dispositifs mis en place par les régions et ceux mis en place par l'État. Les auditions nous ont confirmé que le PIC peine encore à attirer les personnes les plus éloignées de l'emploi. L'explication réside sans doute dans l'approche qui a été retenue, trop centrée sur les qualifications. Trop de personnes renoncent encore à se former, pour se tourner à la place vers des emplois précaires.
Enfin, la diminution de 120 millions d'euros constitue évidemment un mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme l'une des priorités du Gouvernement, elle se révèle être sa variable d'ajustement.
Je conclurai d'un mot sur l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Elle est le fruit d'une proposition de loi votée à l'unanimité : dans dix territoires pilotes, des entreprises à but d'emploi (EBE) ont pour charge de recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d'emploi volontaires du territoire au chômage depuis plus d'un an. Les entreprises doivent dans ce cadre développer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.
Je porte un jugement positif sur cette expérimentation, qui commence à porter ses fruits. Le fait d'inclure dans l'emploi des chômeurs de longue durée non par des contrats précaires ou aidés, mais bien par des CDI, génère une dynamique très positive pour leur parcours de vie comme pour leur territoire. On constate en effet que cela permet de redynamiser l'économie locale, qui bénéficie du pouvoir d'achat accru de ces personnes.
Le dispositif devait démontrer que le coût du dispositif ne dépassera pas la dépense directe et indirecte de la collectivité liée au chômage de longue durée.
Si l'évaluation de l'expérimentation est donc bien nécessaire, force est de constater que son extension et sa généralisation tardent. Pas moins de trois rapports doivent tirer le bilan de ce dispositif, ce qui contraste quelque peu avec la précipitation du Gouvernement à généraliser le dispositif des « emplois francs », annoncée avant même la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation prévu par la loi et en dépit des forts risques d'effets d'aubaine liés à ce dispositif. L'heure est maintenant à l'accélération du calendrier législatif. Une centaine de territoires sont dans les starting-blocks pour créer leur EBE.
Ce budget ne me semble donc pas répondre aux attentes de nos concitoyens les plus en difficulté, ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail ou ceux qui sont contraints d'enchaîner les emplois précaires et les périodes de chômage. La très importante baisse des moyens du ministère du travail et de ses opérateurs depuis 2017 est en net décalage avec les ambitions affichées en matière d'inclusion.
Aussi, je vous propose de rejeter les crédits de la mission. S'ils venaient à être adoptés, je vous inviterais à adopter l'amendement que j'ai cosigné avec Emmanuel Capus visant à augmenter les moyens des maisons de l'emploi.
M. Antoine Lefèvre. - Je remercie les rapporteurs spéciaux de ces précisions. Je partage certaines de leurs analyses, notamment la défense des maisons de l'emploi. En 2007, lorsque le mouvement des maisons de l'emploi et la formation a été constitué, 82 millions d'euros de crédits étaient prévus. La dotation actuelle est de 5 millions d'euros. Même si les collectivités étaient amenées à abonder, on serait loin du compte ! Je voterai l'amendement.
On attendait beaucoup de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », mais il n'y a rien de tangible.
Y aura-t-il des dispositifs plus poussés pour les seniors ? En effet, 64 % des chômeurs de longue durée sont des seniors. Le Conseil économique, social et environnemental a formulé un certain nombre de pistes, mais des pistes nouvelles sont-elles prévues pour améliorer cette situation ?
M. Philippe Dallier. - Les rapporteurs spéciaux nous ont démontré que les mêmes chiffres pouvaient être appréciés de façon radicalement différente !
La situation financière de l'AFPA a été calamiteuse dans le passé. Où en est-on ? Va-t-elle retrouver un équilibre financier ? Je constate que les crédits de paiement ont augmenté de façon importante.
Les emplois francs n'ont pas atteint leur objectif premier. Pourtant, l'idée me semble tout à fait intéressante. On a l'impression que presque personne ne sait que ça existe : c'est ce qui ressort de mes rencontres avec les entrepreneurs de Seine-Saint-Denis. Il y a un défaut d'information considérable, alors que la mesure est bonne.
M. Jean-Claude Requier. - Je connais la mission « Travail et emploi », car j'en ai été corapporteur pendant trois ans. Quid des écoles de la deuxième chance ? Il n'en est pas question dans le rapport. Existent-elles toujours ? Font-elles toujours partie de la mission?
M. Éric Jeansannetas. - Ces regards croisés sont très intéressants.
Les missions locales suscitent quelques inquiétudes. D'ailleurs, le rapport d'information de François Patriat et Jean-Claude Requier indiquait qu'il fallait stabiliser leurs modes de financement. Nous en sommes à l'an 1 de ces nouvelles modalités de financement. Des inquiétudes demeurent-elles ou une stabilisation à moyen long et termes est-elle possible pour ces opérateurs importants pour les jeunes dépourvus de qualification et éloignés de l'emploi ?
Sur l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », il y a eu un appel à projets qui a suscité de l'espérance et de l'enthousiasme sur le terrain. Dans les territoires ruraux et très ruraux, les résultats sont intéressants. Y a-t-il des éléments permettant une accélération de la formalisation de l'élargissement de l'expérimentation ? Je le confirme : certains territoires sont dans les starting-blocks !
Mme Sylvie Vermeillet. - Quels sont les territoires retenus dans le cadre de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » ? Quel est le statut des EBE ? Ces entreprises ont-elles absorbé des entreprises d'insertion par l'économique ? Comment cela s'est-il mis en place ? Quels types d'emploi sont concernés ?
M. Didier Rambaud. - Je salue le contraste entre les deux rapporteurs spéciaux. Cela pourrait faire jurisprudence !
Tous les quinze jours, je visite une entreprise dans mon département et suis sidéré par le nombre d'emplois non pourvus. Combien de temps cette situation va-t-elle durer ? Les réformes en cours en matière d'apprentissage, de formation professionnelle et l'assurance chômage sont bien nécessaires. Dans le supermarché de ma commune, cela fait deux samedis consécutifs que le gérant et son épouse remplissent les rayons. Ils ne reçoivent pas de CV.
Pourquoi faut-il une deuxième loi pour poursuivre le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » ?
M. Jean-Marc Gabouty. - C'est expérimental !
M. Marc Laménie. - Les crédits de paiement dévolus à cette mission sont importants. Le montant global pour tout ce qui est lié à l'emploi atteint 130 milliards d'euros, car d'autres financeurs interviennent. Comment se fait la répartition entre l'État, les autres partenaires et la dépense fiscale ?
Pourquoi une si forte augmentation des effectifs pour Pôle emploi ? Dans tous les départements, on note le décalage de ce premier opérateur par rapport aux propositions d'emploi : c'est malheureusement souvent disproportionné pour répondre aux attentes des entreprises. Actuellement, les artisans, commerçants, chefs d'entreprise ne trouvent pas de main-d'oeuvre, alors qu'il existe des structures, notamment Pôle emploi. Il y a aussi un décalage avec l'éducation nationale. On se retrouve dans un système paradoxal sur l'efficacité duquel on s'interroge.
Les missions locales pour les jeunes apparaissent-elles bien dans cette mission ?
M. Jean-Marc Gabouty. - Mon intervention vaudra aussi explication de vote sur les amendements.
Je voterai l'amendement sur les maisons de l'emploi. On sauve ce dispositif d'une année sur l'autre, mais on reste au milieu du gué. Si certaines maisons de l'emploi fonctionnent bien, pourquoi ne pas les renforcer et les généraliser un peu plus ? Cette situation intermédiaire n'est pas totalement satisfaisante.
Sur l'ACRE, j'adhère à toute l'argumentation de l'objet de l'amendement, sauf à la conclusion. Les personnes démissionnaires ayant un projet qui pourront bénéficier d'une couverture dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage rejoindront-elles les publics visés à l'article L. 5141-1 du code du travail ? Cela paraîtrait logique.
En revanche, je suis plus que réservé sur l'exonération sur trois ans. Je rappelle que cela concerne des publics ayant des projets de petites ou de micro-entreprises. Sur un an, cela les aide à démarrer, mais, sur trois ans, cela risque de les installer dans un faux équilibre d'exploitation. C'est a pour conséquence des prix en dessous du prix de revient réel, donc des prix cassés, donc une concurrence déloyale pour les artisans et les TPE. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, tout en étant favorable au dispositif.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. - En ce qui concerne les maisons de l'emploi, la problématique est similaire à celle de l'an dernier. Nous cherchons à sauver leur budget et à faire en sorte que celles qui fonctionnent bien et ont fait la preuve de leur efficacité puissent continuer à exister sans que les collectivités territoriales soient contraintes d'intervenir pour les sauver.
L'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée » concernait initialement dix territoires. Le nombre de chômeurs de longue durée y a fortement baissé. Le modèle économique des entreprises à but d'emploi (EBE), statut très particulier, a été conforté. Il est complémentaire de celui des entreprises de l'insertion par l'activité économique. Les deux structures coexistent, sans fusion. Dans les futurs « Territoires zéro chômeurs », il est possible que des entreprises de l'insertion par l'activité économique créent une EBE à côté. L'association « Territoires zéro chômeurs » ne demande pas une généralisation immédiate du dispositif mais plutôt un élargissement et une prolongation de l'expérimentation pour continuer l'évaluation. Une seconde loi serait alors nécessaire.
L'expérimentation est un succès dans la plupart des cas. Des retours d'expérience ont eu lieu, avec des échanges entre les dix EBE qui existent et les territoires qui se sont portés candidats en vue d'un élargissement de l'expérimentation. Les contacts entre l'association et le ministère sont étroits. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), ainsi que le rapport d'un groupe d'experts devraient être réalisés. L'association « Territoires zéro chômeur de longue durée » rédigera aussi un rapport d'évaluation.
Pour éviter d'entrer en concurrence avec le secteur concurrentiel, on étudie la situation des territoires et les compétences des demandeurs d'emploi volontaires pour intégrer le dispositif. Un travail au cas par cas est mené. Dans la Nièvre, par exemple, une ressourcerie ainsi qu'un atelier de réparation des machines agricoles ont été créés, car il n'y en avait pas dans le département. L'expérience consiste donc, au fond, en une mobilisation de tous les acteurs, publics comme privés, élus comme entreprises, ce qui permet d'éviter de créer une concurrence financée par des fonds publics avec des entreprises existantes. Il s'agit de s'inscrire dans des niches d'activité tout en permettant à des chômeurs de retrouver un statut de salarié dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. L'idée est de privilégier les dépenses actives à l'indemnisation passive du chômage, même si cela coûte un peu plus cher, car les bénéfices sont plus importants.
Les contrats de génération ont été supprimés, car l'évaluation n'avait pas été concluante. Depuis, il n'y a pas eu de politique particulière à l'égard des séniors, ce qui est problématique dans la mesure où la moitié des personnes entre 55 et 65 ans ne sont pas en activité. L'AFPA a été mise en grande difficulté, car on lui a demandé de passer par la procédure des marchés publics. Contrainte par le statut de ses personnels et la nécessité d'entretenir des plateaux techniques toute l'année, elle s'est retrouvée pénalisée par rapport aux entreprises de formation classiques qui emploient des vacataires et louent des plateaux techniques ponctuellement en fonction de leurs besoins. L'AFPA a perdu des parts de marché et un plan de redressement a été élaboré. Celui-ci a été attaqué devant le tribunal de grande instance et la procédure a pris du retard. Beaucoup de suppressions d'emplois sont prévues même si le Gouvernement espère que les suppressions sèches seront rares, grâce aux départs volontaires ou aux départs à la retraite. En attendant, l'AFPA est entre deux eaux. Le budget comporte pourtant des éléments positifs, car certains crédits seront fléchés vers l'association dont la mission de service public sera reconnue et l'État ne passera plus par des appels d'offres pour certaines formations. L'AFPA deviendra donc un opérateur reconnu comme tel.
Le Gouvernement a décidé de généraliser les emplois francs même s'il n'a pas encore reçu le rapport d'évaluation prévu. Il est parvenu tant bien que mal, au prix d'une communication à outrance, car le dispositif patinait, à créer 17 000 emplois francs. Le dispositif aurait deux inconvénients potentiels : le risque d'effets d'aubaine et l'émergence d'un sentiment de discrimination chez les bénéficiaires. Le Gouvernement restera attentif au résultat des évaluations.
Avec le succès de la garantie jeunes, dont les crédits continuent d'augmenter, les missions locales ont vu leur place confortée. Les modalités de gestion des crédits de la garantie jeunes vont évoluer. Auparavant les missions locales étaient financées par un forfait au contrat, et une part variable conditionnée à l'entrée effective du jeune dans le parcours et à une sortie positive. Une correction a été apportée, avec une hausse de la rémunération forfaitaire et une diminution de la part indexée sur les résultats pour donner plus de visibilité aux missions locales. Le Gouvernement semble aussi avoir renoncé à sa volonté de procéder à des fusions à marche forcée, privilégiant le volontariat.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Un recours a été déposé en justice contre le plan de sauvegarde de l'emploi de l'AFPA, ce qui a retardé la réorganisation prévue de six mois. Les suppressions de postes prévues n'ont pas encore eu lieu. La subvention à l'AFPA pour charge de service public est maintenue à 110 millions d'euros en 2020.
Angers a été en pointe pour expérimenter les emplois francs. Il a fallu beaucoup de temps, tant aux candidats potentiels qu'aux entreprises, pour s'approprier le mécanisme. On a dû faire beaucoup de publicité. On est allé jusqu'à diffuser des brochures dans les cages d'escalier des immeubles pour trouver des candidats, ce qui n'est pas toujours simple, car beaucoup des candidats potentiels ne sont pas inscrits à Pôle emploi et ne sont donc pas éligibles ! Je doute que l'on atteigne l'objectif de 40 000 personnes qui est visé si l'on poursuit à ce rythme.
Jean-Claude Requier, nous n'avons pas évoqué les écoles de la deuxième chance, car leur situation ne change pas. Elles continuent de percevoir des crédits du programme 102, avec un budget de 24 millions d'euros permettant le financement de 15 000 parcours. Comme les établissements pour l'insertion dans l'emploi, dotés de 56 millions d'euros et qui relèvent également du ministère de la défense, elles visent à donner une deuxième chance à des jeunes sans diplôme.
Pourquoi certains chefs d'entreprises ne trouvent-ils pas de salariés ? On peut se réjouir qu'un millier de postes aient été créés à Pôle Emploi - alors que la subvention reste stable. Des missions spécifiques sont mises en place pour recruter les profils adéquats, en se fondant sur les compétences plus que les diplômes. Les situations sont très hétérogènes selon les territoires. Dans certains départements, on approche du plein-emploi. Il est donc également nécessaire de favoriser la mobilité.
Sur les maisons de l'emploi, l'amendement est le même que l'an dernier. Nous pensons qu'il faut 10 millions d'euros ; chaque année, le Gouvernement met zéro, l'Assemblée obtient 5 millions d'euros, et nous demandons 10...
L'article 80 parle de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE), un ancien dispositif, datant de 1979, et qui était réservé à un public-cible. Depuis le 1er janvier 2019, le Gouvernement l'a étendue à tous les créateurs d'entreprises - en vertu d'une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Le succès a été massif : 45 % des créations entreprises en 2018 sont le fait de micro-entrepreneurs. Le coût du dispositif, qui était de 446 millions d'euros en 2018, sera de 800 millions d'euros en 2020, et risquerait à droit constant d'atteindre 1,4 milliard d'euros en 2022. Avec l'article 80, le Gouvernement propose d'en revenir au public-cible initial. Pourquoi pas ? Il y a sans doute un effet d'aubaine, et nous n'avons pas les moyens d'aller à 1,4 milliard d'euros - sans compter qu'il y a du salariat déguisé derrière de nombreuses micro-entreprises. Pour les micro-entreprises, l'ACRE correspondait à une exonération de 75 % du taux global applicable en chiffre d'affaire la première année, 50 % la deuxième et 25 % la troisième. On nous propose de supprimer la possibilité de maintenir par décret l'exonération les deux années suivantes. Le Gouvernement nous demande de lui interdire, par la loi, d'exonérer par voie réglementaire. Qu'il prenne ses responsabilités ! Nous vous proposons donc de supprimer l'alinéa 7 de cet article. Il a également été annoncé qu'un décret viendrait diminuer les taux d'exonération dont auraient dû bénéficier en 2020 et 2021 les micro-entrepreneurs entrés dans le dispositif en 2019. Il nous parait difficile de revenir sur la parole donnée l'an dernier, en changeant la règle du jeu. Cela pose un problème de sécurité juridique.
M. Jean-Marc Gabouty. - Vous êtes un bon avocat, je vais rejoindre votre position.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. - Une mauvaise décision a été prise : celle d'élargir à outrance.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Nous revenons au mécanisme antérieur, et attirons l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il nous paraît dangereux de revenir par décret sur l'exonération octroyée l'an dernier pour les deux prochaines années.
M. Vincent Éblé, président. - Sur la mission, vous nous présentez un amendement de crédits n° 1 portant le financement des maisons de l'emploi à 10 millions d'euros.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Travail et Emploi », sous réserve de l'adoption de son amendement.
M. Vincent Éblé, président. - L'article 79 a été supprimé à l'Assemblée nationale. Vous nous proposez le maintien de sa suppression.
La commission décide de proposer au Sénat de confirmer la suppression de l'article 79.
M. Vincent Éblé, président. - Sur l'article 80, vous nous présentez un amendement n° 2.
L'amendement n° 2 est adopté. La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 80 ainsi modifié.
M. Vincent Éblé, président. - Vous nous proposez d'adopter conforme l'article 81.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Il prévoit la correction d'une anomalie juridique entraînant, pour les chefs d'entreprise artisanale affiliés au régime générale de la sécurité sociale, une double obligation de versement de la cotisation « formation professionnelle » aux URSSAF et aux OPCO.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 81 sans modification.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 82 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er septembre 2020, un rapport évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les collectivités territoriales. Depuis la loi du 6 août 2019 de modernisation de la fonction publique, le CNFPT finance les contrats d'apprentissage dans les collectivités territoriales à hauteur de 50 %. Cela constitue un réel problème pour son équilibre financier et risque de l'empêcher de se concentrer sur sa mission première, qui est de former les agents publics territoriaux. Nos collègues de la commission des lois avaient conscience de ce problème. Alors que l'Assemblée nationale avait prévu un financement à hauteur de 75 %, ils l'avaient ramené à 20 %. Le texte issu de la CMP a abouti au compromis de 50 %. Le Gouvernement semble avoir pris conscience de ces risques, et a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, qui propose un rapport sur l'impact de cette réforme sur les finances du CNFPT. Je m'en remets donc à la sagesse.de la commission sur cet article
M. Philippe Dallier. - Nous pouvons voter pour...
M. Vincent Capo-Canellas. - Certains rapports sont utiles !
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 82 sans modification.
La réunion est close à 17 h 40.
Jeudi 14 novembre 2019
La réunion est ouverte à 14 h 35.
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 - Examen du rapport
M. Vincent Éblé, président. - Je cède immédiatement la parole au rapporteur général pour nous présenter ses conclusions sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d'année, qui remplace par la même occasion le traditionnel décret d'avance de fin de gestion, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Tout cela explique le calendrier particulièrement resserré dans lequel nous devons examiner ce texte, le lendemain même de son passage en séance à l'Assemblée nationale. En somme, nous n'avons pas davantage de temps pour examiner ce projet de loi qu'un décret d'avance !
Je n'ai pas reçu les réponses aux dix « petites » questions que j'avais posées vendredi dernier à la suite de la présentation du PLFR en conseil des ministres. Et depuis, je m'interroge sur un certain nombre d'annulation de crédits et je compte poser de nouvelles questions sur ce point. Je vous l'indique, car cela justifiera la position que je vous proposerai de prendre à la fin de mon intervention.
En tout cas, le PLFR se concentre sur les mesures ayant un impact sur l'année fiscale en cours, comme nous l'avions demandé.
Le scénario de croissance est inchangé par rapport au projet de loi de finances pour 2020. L'hypothèse de croissance reste fixée à 1,4 %. Comme je l'avais signalé la semaine dernière, cela semble un peu optimiste au regard du rythme de croissance de l'économie française au cours des derniers mois. En effet, la croissance de trimestre à trimestre varie autour de 0,3 % depuis le début de l'année. Or un tel rythme aboutirait à une croissance annuelle de 1,3 % à l'issue de l'exercice, soit un niveau inférieur de 0,1 point à la prévision du Gouvernement.
L'hypothèse gouvernementale supposerait, pour être atteinte, un rythme de croissance supérieur à 0,5 % au dernier trimestre, ce qui n'a pas été observé depuis 2017 et paraît difficilement compatible avec le contexte international.
Les enjeux restent néanmoins modestes pour les finances publiques, dans la mesure où une croissance inférieure de 0,1 point à la prévision se traduit en moyenne par une augmentation du déficit public de seulement 0,06 point de PIB. C'est l'épaisseur du trait...
Venons-en maintenant aux grands objectifs budgétaires, eux aussi inchangés.
Le Gouvernement confirme les prévisions de solde nominal et de solde structurel pour 2019 qui figuraient dans le projet de loi de finances pour 2020. Le solde structurel s'améliorerait de 0,1 point de PIB, tandis que le solde effectif se dégraderait de 0,6 point de PIB, sous l'effet du surcoût temporaire lié à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
La décomposition de l'ajustement structurel fait toutefois apparaître une légère évolution par rapport aux estimations données dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. L'ajustement structurel serait porté non plus par un effort structurel de redressement des comptes publics, mais par la composante non discrétionnaire du solde structurel. Autrement dit, des recettes plus fortes qu'escompté devraient venir compenser un léger dérapage des dépenses.
Le constat d'une absence de redressement de la situation structurelle des comptes publics et de réforme de l'État confirme nos craintes.
Le déficit budgétaire serait de 97,6 milliards d'euros, ce qui fait de 2019 la pire année depuis les plans massifs de relance qui ont suivi la crise financière de 2008. L'État ne parvient pas à résorber son déficit, contrairement à d'autres États européens qui réussissent à se désendetter.
Certes, le déficit est moins élevé que celui prévu en loi de finances initiale, avec 107,7 milliards d'euros. Mais je vous ai montré la semaine dernière comment l'exécution 2019 avait bénéficié de recettes plus élevées et d'une charge de la dette plus modérée que prévu. Ce qui est nouveau, c'est que le déficit qui était estimé à 96,3 milliards d'euros en septembre est désormais de 97,6 milliards d'euros.
Les recettes sont donc toujours plus élevées, mais les dépenses augmentent.
Du côté des recettes, comme l'an dernier, l'État bénéficie d'un complément de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s'élevant à 530 millions d'euros. Il profite ainsi du fait que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a calculé que les besoins du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » étaient moins élevés que prévu, le surplus étant dès lors reversé au budget général.
La fiscalité du patrimoine a également produit plus de recettes que ne le prévoyaient les estimations de septembre dernier.
S'agissant des dépenses, on constate un montant élevé d'ouvertures et d'annulations de crédits, de plus de 7 milliards d'euros sur les remboursements et dégrèvements.
Les politiques publiques les plus touchées en montant absolu sont celles de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont les dépenses consacrées à la prime d'activité connaissent l'augmentation non seulement du champ des bénéficiaires potentiels, mais aussi du taux de recours effectif de ceux qui y ont droit.
Sur la mission « Cohésion des territoires », l'ouverture était en grande partie prévisible parce que la mise en place du versement « contemporain » des aides au logement a été repoussée à janvier 2020.
S'agissant des annulations de crédit, hors remboursements et dégrèvements et charge de la dette, le montant total des annulations, hors masse salariale, est de 1,7 milliard d'euros sur des crédits mis en réserve et de 0,7 milliard d'euros sur des crédits non mis en réserve. Nous aimerions obtenir des explications plus précises sur ce point.
Il s'agit, par exemple, de projets immobiliers qui seraient devenus sans objet sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » - Philippe Adnot pourra peut-être nous apporter des précisions - et de décalage de marchés publics sur la mission « Défense ». Les annulations sur la mission « Action et transformation publiques » témoignent du retard pris par ce programme qui doit accompagner le processus « Action publique 2022 », que je croyais enterré ! S'agissant enfin de la mission « Aide publique au développement », le Gouvernement explique que l'environnement de taux bas diminue les charges de bonification de prêts de l'Agence française de développement : cette annulation semble justifiée.
Nous n'avons pas nécessairement d'informations précises sur toutes les mesures d'annulation. Nous évoquerons le programme « Patrimoines » de la mission « Culture », qui peut nous alerter, par exemple, à l'heure où les communes ont besoin de financement pour restaurer leur patrimoine.
Il faut également souligner que le programme d'investissements d'avenir (PIA) procède à d'importants redéploiements de fonds, à hauteur de plus de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagements et 640 millions d'euros en crédits de paiement, afin de financer des annonces sur le projet européen de batteries électriques ou le plan Nano 2022. C'est un exemple contestable de débudgétisation, car je rappelle que l'autorisation parlementaire n'a réellement porté que sur les autorisations d'engagement accordées lors du lancement du projet dans le cadre de la loi de finances pour 2017.
Enfin, les emplois de l'État, exprimés en équivalents temps plein travaillés (ETPT), restent assez proches de ce qui était présenté en loi de finances initiale. On observe toutefois quelques mouvements de titularisation de personnels des opérateurs de la mission « Culture ». Certains personnels ont également été transférés au ministère de l'agriculture pour assurer des contrôles liés à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, ainsi que pour l'instruction de différentes aides, je préférerais pour ce dernier point que les régions s'en occupent.
Du côté des opérateurs, le nombre toujours croissant de demandeurs d'asile a nécessité de renforcer les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Le déficit budgétaire est moins élevé qu'on ne le craignait en loi de finances initiale, malgré les mesures prises à la suite du mouvement des « gilets jaunes », mais la cible à atteindre était bien moins ambitieuse que ce qui avait été prévu en début de quinquennat. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Le Gouvernement pourra se targuer d'une bonne exécution...
Globalement, le PLFR n'apparaît, à ce stade, pas trop contestable du point de vue de la sincérité budgétaire, au-delà des positions que nous avons déjà défendues lors de l'examen de la loi de finances initiale. Les mouvements opérés sont relativement importants et peut-être légitimes, mais il faudrait que le Gouvernement nous apporte des explications sur les annulations de crédits d'ici à la séance de lundi.
En conséquence et dans l'attente, je vous propose, mes chers collègues, de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2019. J'espère que le Gouvernement répondra à nos questions. Cela ne préjuge pas de ma position finale lundi prochain.
M. Victorin Lurel. - le Gouvernement affiche un déficit prévisionnel de 3,1 % du PIB. Si l'on tenait compte uniquement du budget de l'État, ce taux serait plutôt de 4 %. Si je ne me trompe pas, les concours des collectivités territoriales et, peut-être, des organismes de sécurité sociale, améliorent donc le solde.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est bien cela.
M. Victorin Lurel. - J'avais calculé que le montant des annulations s'élevait à 302 millions d'euros pour l'aide publique au développement, alors qu'il est de 85,5 millions d'euros : la différence vient peut-être de la bonification d'intérêts.
Pour la défense, le montant est de 1,4 milliard d'euros. Est-ce dû à des marchés qui n'ont pas été conclus ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Il est indiqué qu'il s'agit d'annulations de commandes.
M. Victorin Lurel. - Sur les outre-mer, le montant est de 176 millions d'euros, soit près de 10 % du budget qui n'est pas exécuté. On est passé de la défiscalisation au crédit d'impôt, qui n'est pas financé. Manifestement, les opérations prennent du retard.
Sur la ligne budgétaire unique qui finance le logement dans les outre-mer, j'entends dire que les opérateurs et les collectivités ne seraient pas prêts. Mais pour avoir été ministre, je sais qu'une autorisation d'engagement se consomme sur sept ans, compte tenu des délais et des obstacles bureaucratiques mis par l'État. Que ce dernier se défausse de sa responsabilité sur les opérateurs de terrain n'est pas très satisfaisant...
La pratique des réserves de précaution me pose problème. En apparence, c'est une méthode plus sincère, mais que fait-on de ce qui a été engrangé ? Il me semble que l'on assiste là à un désengagement de l'État qui ne dit pas son nom.
M. Roger Karoutchi. - J'ai du mal à comprendre qu'on gèle des crédits dans certains secteurs : l'enseignement supérieur et la recherche, alors que les étudiants sont dans la rue ; la santé, alors que le personnel hospitalier défile ; la justice, alors qu'elle va mal...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - On ne gèle pas les crédits, on les annule !
M. Roger Karoutchi. - On ne voit pas très bien où veut aller le Gouvernement.
Le déficit en 2019 sera supérieur à ce qui était prévu en raison des mesures exceptionnelles prises à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Mais n'y aura-t-il pas d'autres mesures exceptionnelles qui seront prises en 2020 après les mouvements sociaux de cette fin d'année ? Je ne sais pas où l'on va si l'on gère le pays de cette façon !
M. Jean-Claude Requier. - Vous avez évoqué les « équivalents temps plein travaillés » : y a-t-il des temps « pleins » non travaillés ?
Le déficit, tout le monde s'en fiche ! J'ai beaucoup de mal à expliquer à mes interlocuteurs, même éclairés, que le déficit de notre pays est inquiétant. C'est à se demander s'il faut continuer à lutter contre...
Je suivrai la position d'attente proposée par le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce n'est pas une position d'attente. On ne peut pas ne pas se prononcer : c'est soit oui, soit non. Pour l'instant, c'est non !
Mme Christine Lavarde. - A-t-on voulu nous vendre un trop beau redressement des comptes dans la présentation du projet de loi de finances pour 2020 ? On aurait alors volontairement surestimé les prévisions de recettes et sous-estimé les dépenses de 2019. Comment avons-nous pu avoir 2 milliards d'euros de dépenses supplémentaires entre fin septembre et maintenant ?
M. Philippe Adnot. - Puisque vous m'avez interpellé sur l'enseignement supérieur, je veux vous demander s'il s'agit d'une remise en cause de la dépense ou d'un report.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les crédits mis en réserve sont annulés.
M. Philippe Adnot. - Mettre en réserve des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d'investissement, ce n'est pas la même chose !
J'ai reçu des réponses contradictoires du ministère de l'enseignement supérieur sur le gel de crédits concernant l'enseignement supérieur privé. Avez-vous des informations ?
M. Thierry Carcenac. - De nombreuses annulations concernent le solde non affecté des comptes d'affectation spéciale, comme ceux du contrôle de la circulation et du stationnement routier, de la transition énergétique, de l'immobilier de l'État. Cela pose problème en termes de sincérité.
Sur l'immobilier de l'État, on décale la création de places de prison en arguant du fait que les dossiers ne sont pas prêts faute de l'accord des communes. De même, on annule 93 millions d'euros de crédits pour les cités administratives ; dans le même temps, le ministre annonce 160 millions d'euros de travaux en 2020...
M. Vincent Éblé, président. - En tant que rapporteur des crédits de la mission « Culture », je m'étonne du démontage de 25,5 millions d'euros de crédits pour le patrimoine, un montant qui correspond à ce qu'a rapporté le Loto du patrimoine... On n'est pas là dans l'épaisseur du trait sur ce secteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les personnes qui ont joué au Loto du patrimoine ne savaient pas que le Gouvernement diminuerait d'autant les crédits du patrimoine... L'imagination de Bercy est sans limites !
Victorin Lurel, les collectivités locales et la sécurité sociale contribuent effectivement à l'amélioration du déficit budgétaire. Du côté de l'État, seuls les taux d'intérêt permettent de faire une économie de constatation.
Roger Karoutchi, je partage totalement votre analyse.
Jean-Claude Requier, un ETP dépend de la date de recrutement : une personne à temps plein recrutée en juillet équivaut à 0,5 ETPT.
Philippe Adnot, les éléments dont je dispose sur les annulations de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont : annulation sur réserves, sur des crédits de projets immobiliers de 40 millions d'euros, sur des crédits du CNES, et l'abandon de certaines actions de soutien à l'innovation technologique.
Thierry Carcenac, je suis d'accord s'agissant des CAS : la situation est inquiétante. Sur l'immobilier, nous avons fait ce constat depuis longtemps.
On nous répond que les annulations de crédits pour la défense correspondent à des marchés devenus sans objet. Mais lesquels ?
Avant, il existait les décrets d'avance. Il est légitime de constater davantage de besoins sur telle ou telle prestation. Il faut reconnaître que le Gouvernement a réduit le taux de crédits en réserve, lequel avait atteint 8 %.
Christine Lavarde, le plus important, c'est le renoncement à une partie des économies de dépenses. On attend toujours les 1,5 milliards d'euros annoncés pour compenser les annonces de l'État.
Mes chers collègues, je vous conseille de lire l'article des Échos d'aujourd'hui sur la France des hard discount. L'enquête des journalistes a montré que les clients n'étaient pas nécessairement les très modestes, mais des personnes appartenant à la classe moyenne, notamment soumise au coût très lourd des dépenses énergétiques. Les questions de fiscalité énergétique, qui vont nous occuper lors de l'examen du projet de loi de finances, sont essentielles.
M. Victorin Lurel. - Je le rappelle, pour que la dette n'atteigne pas 100 % du PIB, le Gouvernement a prévu que le CAS « Participations financières de l'État » participe au désendettement de l'État à hauteur de 2 milliards d'euros en 2020.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je serai certainement amené à vous proposer des amendements lundi prochain et à revoir ma position. J'attends les réponses du Gouvernement.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2019. En conséquence, elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
- Présidence de M. Charles Guené, vice-président -
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial (mission « Culture »). - Le montant des crédits demandés pour la mission « Culture » en 2020 s'élève à 2,99 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,96 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit, concernant ces derniers, une augmentation de près de 1 % par rapport à 2019. La mission devrait respecter la trajectoire retenue dans la loi de programmation des finances publiques.
En y agrégeant les crédits dédiés au livre, aux industries culturelles et aux bibliothèques, le niveau atteint par les crédits budgétaires en faveur de la culture s'élève à 0,97 % du budget de l'État. Ce taux, proche de l'objectif dit du « 1 % culturel », ne saurait pour autant résumer l'action de l'État en matière culturelle.
Une appréciation plus large, incluant l'audiovisuel public, l'ensemble des taxes affectées et des dépenses fiscales ayant trait au champ culturel, permet d'estimer l'effort de l'État dans ce domaine à 14,2 milliards d'euros, soit 4,2 % du budget de l'État.
Mais revenons à la mission « Culture » et à ses spécificités. Seuls 17,2 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, sont gérés au niveau central. Le taux de déconcentration des crédits de paiement de la mission devrait s'élever en 2020 à 38,5 %. Les sommes directement versées aux opérateurs atteignent 44,3 % du total.
La mission est composée de trois programmes.
Le premier, le programme 131, dédié à la création et doté de 817 millions d'euros, devrait traduire un soutien renouvelé aux oeuvres et aux artistes. J'insiste sur les artistes, car le programme devrait intégrer en 2020 les crédits dédiés au soutien à l'emploi culturel. La priorité accordée à celui-ci se traduit par une majoration des crédits de 8 millions d'euros, destinée à accompagner la réforme du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Cette majoration peut apparaître prématurée, compte tenu de la sous-exécution constatée au 31 août dernier des crédits dédiés au Fonpeps. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement de crédits minorant la dotation de ce fonds.
Le reste du programme ne laisse que peu de marges de manoeuvre au niveau central, l'essentiel des crédits étant déjà fléché vers les opérateurs ou les structures déconcentrées. Le projet de loi de finances table d'ailleurs sur une poursuite de la déconcentration, puisqu'en application de deux circulaires de juin 2019, 8,5 millions d'euros en AE et en CP sont transférés des crédits centraux vers les crédits déconcentrés. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette déconcentration de la politique culturelle. Il convient cependant de laisser une certaine marge de manoeuvre au niveau central, sauf à émietter les crédits entre 19 régions.
Près de 20 millions d'euros au sein du programme 131 seront orientés vers les travaux, en particulier ceux concernant l'Opéra Bastille, le Centre national de la danse et la Cité du théâtre. La fin de la plupart de ces chantiers devrait intervenir en 2022 et 2023, sauf retards. Nous serons très vigilants sur l'évolution des coûts face au risque d'inflation des tarifs dans la perspective des Jeux olympiques de 2024.
Notre suivi sera d'autant plus exigeant au regard des montants en jeu : le coût du projet « Bastille » est évalué à 59 millions d'euros, celui de la Cité du théâtre, qui réunirait sur un même lieu le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, la deuxième salle du théâtre national de l'Odéon et deux salles de la Comédie française, atteindrait 86 millions d'euros. Il faudra la plus grande transparence en matière de choix de la maîtrise d'oeuvre, de la maîtrise d'ouvrage et de la répartition des coûts entre acteurs publics. S'agissant de la Cité du théâtre, elle ne doit pas déboucher sur une concentration des troupes à Paris. Il faudra en effet veiller à accroître les tournées en province des pièces montées dans ces salles.
Le deuxième programme, le programme 224, recense les crédits affectés à la promotion des politiques transversales du ministère - enseignement supérieur de la culture, démocratisation de la culture, action internationale, politique linguistique - et ceux dédiés aux fonctions de soutien. Il devrait être doté de 1,27 milliard d'euros en AE et 1,17 milliard d'euros en CP en 2020.
L'étude des crédits du programme appelle deux réflexions. La première concerne le Pass culture. Le projet de loi de finances prévoit une montée en charge de ce dispositif dont les crédits seraient portés de 34 à 39 millions d'euros. Je vous rappelle que le Pass culture est une application gratuite dédiée aux jeunes de 18 ans, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. L'année de ses 18 ans, jusqu'à la veille de ses 19 ans, chaque jeune résidant en France pourra demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques...
Nous ne remettons pas en cause le bien-fondé de ce dispositif, mais comme l'an dernier, nous ne souhaitons pas qu'il résume l'objectif affiché d'irrigation culturelle du territoire. Le dispositif est encore expérimental et la communication doit être renforcée. Dans ces conditions, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts en faveur du « 100 % Éducation artistique et culturelle » qu'il promeut par ailleurs et qui doit permettre à 100 % des élèves du premier et du second degré d'avoir accès aux arts et à la culture.
Ma deuxième remarque portera sur les programmes de modernisation du système informatique du ministère de la culture et de réduction de ses sites parisiens. Ils participent d'un effort de rationalisation de dépense publique qui est bienvenu. Ils devraient permettre de compenser les coûts liés à la nécessaire revalorisation de la grille indemnitaire des agents du ministère de la culture, qui doit permettre de renforcer son attractivité et éviter des vacances de postes prolongées.
J'ai rédigé des observations complémentaires, notamment sur le Pass culture, la taxe affectée pour les théâtres parisiens et le dispositif relatif au mécénat. Elles sont contenues dans le rapport et je les défendrai en séance.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial (mission « Culture »). - Je concentrerai mon intervention sur le programme 175, dédié à la protection des patrimoines, qui devrait être doté de 972 millions d'euros en CP en 2020.
L'examen des crédits du programme fait apparaître une diminution de l'ordre de 5 % des subventions accordées aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés en vue de la restauration de monuments historiques.
Les crédits de paiement sont ainsi minorés de 7 millions d'euros entre la loi de finances pour 2019 et le présent projet de loi de finances. Si 5 millions d'euros viennent financer le fonds partenarial et incitatif pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, 2 millions d'euros vont, en revanche, abonder le plan de mise en sécurité des cathédrales, lancé à la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris. Je rappelle que les cathédrales sont des monuments historiques appartenant à l'État depuis la loi de séparation de 1905.
M. Antoine Lefèvre. - Pas toutes !
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - 86 d'entre elles ainsi que 2 basiliques et 1 église appartiennent en tous cas à l'État ! La prise en compte d'un risque pesant sur l'État se retrouve de fait financée par des crédits destinés à d'autres monuments qui ne lui appartiennent pas. Une telle option traduit un manque d'ambition. C'est pourquoi je vous soumettrai un amendement majorant les crédits dédiés à la protection du patrimoine dans les territoires.
Ce manque d'ambition s'inscrit dans la continuité de la position adoptée par le Gouvernement concernant la cathédrale de Notre-Dame de Paris : ce chantier ne donnera lieu à aucun geste budgétaire spécifique de l'État mais j'y reviendrai. Si la reconstruction de l'édifice est intégralement financée par le don privé, la sécurisation des cathédrales passera, quant à elle, par les collectivités territoriales et les propriétaires privés.
S'agissant de la cathédrale Notre-Dame de Paris, je m'interroge sur l'éventuelle réaffectation des fonds avancés pour les travaux de sécurisation, de déblaiement des gravois et d'enlèvement des échafaudages : 40 millions d'euros auraient déjà été avancés avant le versement à l'État des premiers dons. Le projet annuel de performances pour 2020 n'indique pas la ligne de crédits sur laquelle cette somme a été prélevée ni les modalités de réaffectation vers d'autres projets.
Je rappelle que 922 millions d'euros de promesses de dons ont été enregistrés par les différentes fondations collectrices, 67 millions d'euros ayant déjà été versés à l'État. Le ministère de la culture nous a indiqué que l'établissement public administratif chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, institué par la loi du 29 juillet 2019, devrait entrer en fonction dans les prochaines semaines. La totalité de son budget serait couverte par les dons.
Le ministre de la culture s'était engagé au Sénat sur une participation de l'État. Il avait, en effet, indiqué que « l'État [devait] prendre sa part de financement dans la restauration de Notre-Dame de Paris » et qu'« il y [aurait] quoi qu'il en soit des subventions budgétaires du ministère de la culture à l'établissement public ». Quelques mois plus tard, il ne reste rien de cette volonté dans l'actuel projet de loi de finances.
Une telle évolution rend indispensable la recherche de financements alternatifs, qu'il s'agisse du Loto du patrimoine, dont les recettes doivent être exonérées des prélèvements obligatoires, ou de dispositifs fiscaux dédiés.
La faiblesse des crédits budgétaires dédiés à la restauration des centres-villes rend ainsi indispensable une rénovation du dispositif fiscal Malraux, qui présente l'avantage d'associer objectifs de soutien au logement, de valorisation du patrimoine et de revitalisation des centres urbains et produit environ 130 millions d'euros de dépenses de travaux chaque année. Cette somme est à comparer aux 338 millions d'euros prévus dans le projet de loi de finances pour l'entretien et la restauration des monuments historiques. Nous appuyons donc les conclusions allant en ce sens de l'inspection générale des affaires culturelles et de l'inspection générale des finances, et nous invitons à proroger le mécanisme et à simplifier ses conditions d'utilisation.
La révision de ce dispositif est soutenue par le ministère de la culture. Elle pourrait constituer une première étape en vue d'une meilleure combinaison avec le plan « Action coeur de ville ».
Je suis par ailleurs inquiet du mauvais signal envoyé par la réforme du mécénat d'entreprise prévue dans le présent projet de loi de finances. Cette réforme a suscité une inquiétude légitime dans le milieu associatif, mais aussi au sein des organismes culturels, dont une partie de l'activité dépend du mécénat.
Soyons clairs, le mécénat n'est pas une véritable niche fiscale. Comme l'avaient relevé les participants au colloque que nous avions organisé en septembre dernier au Sénat, le don vient parfois compléter, voire se substituer à l'action de l'État, dans un contexte de réduction de ses marges de manoeuvre budgétaires. Le cas est particulièrement patent pour les opérateurs publics. L'État conditionne la reconduction des subventions à des résultats sur divers critères, d'ordre artistique, qualitatif, social ou sociétal, sur lesquels le soutien du mécénat est essentiel.
Les travaux d'ampleur menés pour le Grand Palais, la Cité du théâtre ou l'aménagement de l'Opéra Bastille s'appuient d'ailleurs sur mécénat, à la demande de l'État. Il existe donc une forme de schizophrénie de la part du Gouvernement à inciter les opérateurs publics à recourir au mécénat tout en limitant le plein développement de celui-ci par un rabot des dispositifs fiscaux existants.
Le seuil annoncé de 2 millions d'euros au-delà duquel le taux de réduction passerait de 60 à 40 % peut apparaître tout à la fois contournable et fragilisant. Dans tous les cas, le signal négatif envoyé par une telle réforme est bien tangible. Elle laisse en effet entendre que toute opération supérieure à 2 millions d'euros est assimilable à une forme d'optimisation fiscale. Elle pourrait donc brider les intentions des mécènes face au risque en matière d'image.
Nous savons que le Gouvernement a lancé une réflexion générale sur la philanthropie, qu'il a confiée à deux collègues députées. Il aurait sans doute fallu attendre leurs conclusions sur les contreparties ou le régime juridique des fondations avant de procéder à ce coup de rabot fiscal.
Sous réserve de ces observations, des suites qui leur seront données, et de l'amendement que je soumets à votre vote, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Culture ».
M. Antoine Lefèvre. - Merci aux rapporteurs pour leur présentation de ce secteur important. Je partage leurs inquiétudes concernant le très mauvais signal qui pourrait donner la réforme du mécénat. Je défendrai un amendement en séance sur ce point.
Le président de la République a confirmé l'engagement qu'il avait pris lorsqu'il était candidat de créer la Cité internationale de la langue française, dans mon département de l'Aisne. L'ouverture devrait intervenir en 2022, pour un montant estimé des travaux à 110 millions d'euros. Avez-vous des informations sur ce dossier ?
Par ailleurs, pouvez-nous nous apporter des précisions sur les conséquences du litige entre l'architecte Jean Nouvel et la Philharmonie, qui lui réclame 170 millions d'euros ?
M. Marc Laménie. - Je remercie nos rapporteurs pour ce travail qui nous permet de voir l'importance de la culture et du patrimoine sur l'ensemble de nos territoires.
Dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui sont les interlocuteurs des élus et les acteurs de la culture, les moyens humains ont-ils été maintenus ?
M. Michel Canévet. - Je remercie les rapporteurs pour leur présentation tonique de ce budget important pour nous tous !
Je me réjouis, moi aussi, de la création de la Cité internationale de la langue française, en espérant que ce soit l'occasion de nous conformer à l'ordonnance de Villers-Cotterêts. Je pense à l'utilisation du « ò », qui n'est pas autorisé dans les patronymes - seul un membre du Gouvernement le porte.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Et le « Ø » !
M. Michel Canévet. - Des crédits sont-ils prévus pour soutenir les langues et cultures régionales ?
Dans le rapport, il est écrit que le programme 131 se caractérise par l'absence de réelle marge de manoeuvre pour l'administration centrale et que la logique de déconcentration semble trouver une certaine limite. C'est une approche extrêmement jacobine de la situation, que je ne comprends pas ! Il faut faire confiance aux territoires. Arrêtons de recentraliser les décisions et les crédits à Paris.
M. Thierry Carcenac. - Le rapport indique que le coût du projet Camus serait de 36,6 millions d'euros. J'en étais resté à 43,1 millions d'euros. Pour utiliser le CAS, on anticipe des cessions futures, dont le nombre ni le prix ne sont certains. Faut-il continuer à céder de bons immeubles ? Cela renvoie à la politique immobilière de l'État. Outre l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), il y a l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), qui travaille sur l'île de la Cité.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Sur la Conciergerie et la Sainte-Chapelle.
M. Thierry Carcenac. - On nous avait dit que certains locaux pourraient être récupérés. Mais pour l'instant, les AE sont insuffisantes, notamment pour des ouvertures au public.
M. Jean-Claude Requier. - Grâce au programme « Action coeur de ville », 222 collectivités territoriales bénéficient d'une aide pour redynamiser leurs centres.
Je m'interroge sur le recours au PIA pour financer la rénovation du château de Villers-Cotterêts, pour 13,3 millions d'euros, ou celle du Grand Palais, pour 160 millions d'euros. Ces rénovations sont bienvenues, mais relèvent-elles du PIA ? D'ailleurs, pourquoi avoir choisi ces deux bâtiments ?
M. Patrice Joly. - Les crédits du fonds de développement de la vie associative sont importants, par rapport aux montants des projets associatifs, surtout dans les territoires ruraux. Relèvent-ils de cette mission ? Le Premier ministre avait annoncé l'implantation de 200 microfolies sur ces territoires. Où figurent les moyens correspondants ?
M. Roger Karoutchi. - Tous les crédits liés à la langue française ou à la francophonie disparaissent ou sont réduits, dans tous les domaines. Même les aides de l'Agence française pour le développement (AFD) sont en baisse dans les zones francophones. Est-ce le reflet d'une décision du Gouvernement, qui aurait baissé les bras ? Il y a eu un ministère de la Francophonie ! Or celle-ci devient le parent pauvre du budget de la Culture.
Mme Christine Lavarde. - Jean Bizet aurait pu vous interroger, comme je vais le faire, sur le financement de la rénovation du Grand Palais par le PIA - sans parler de la deuxième opération évoquée...
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Le château de Villers-Cotterêts.
Mme Christine Lavarde. - C'est d'autant plus surprenant que ces crédits ne sont pas fléchés dans le PIA. Ils sont donc fictifs.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - J'ai relevé comme vous dans la presse des doutes sur l'usage des dispositifs de défiscalisation par les entreprises pour des fondations qu'elles contrôlent. Le plafonnement à 2 millions d'euros du bénéfice de la déductibilité à 60 %, et sa réduction à 40 % au-delà, ne régleraient pas ce problème. Cela ne ferait que contraindre d'importants mécènes à disperser leur aide. Le milieu concerné est très inquiet.
Vous avez été plusieurs à évoquer la francophonie. Concernant Villers-Cotterêts, les crédits de restauration du château proprement dit figurent au programme « Patrimoines » de la mission. Ceux du PIA sont affectés à la Cité internationale de la langue française, qui s'installera dans les locaux. Le Centre des monuments nationaux est destinataire de 13,3 millions d'euros en CP pour la rénovation. S'ajoutent 30 millions d'euros versés dans le cadre du troisième PIA, pour la Cité internationale de la langue française - cela nous a été confirmé par le directeur du Patrimoine. Ces fonds bénéficieront aussi à tout un territoire affecté par la désindustrialisation. Ils peuvent ainsi répondre à la logique inhérente aux investissements d'avenir. Pour le Grand Palais, le président de la RMN-Grand Palais nous a confirmé que les crédits du PIA étaient bien programmés. Rien de fictif, donc !
Pour les langues régionales, il y a un transfert de crédits du programme 175 vers le programme 224. Près de 1 % des crédits de ce programme sont consacrés à la promotion de la langue française - dont plus de la moitié pour la promotion à l'étranger. Le rattachement de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) au programme 224 ne s'est pas cependant accompagné d'une majoration de crédits. Ceux-ci restent au niveau de 2018, soit 3,22 millions d'euros en AE et en CP.
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. - S'agissant du programme 131, pour répondre à Michel Canévet, il ne reste environ que 5 millions d'euros de crédits au niveau central qui ne sont pas fléchés, ce qui est peu, sur 817 millions d'euros. Je salue cet approfondissement de la déconcentration. La plupart des crédits centraux sont ainsi orientés vers des festivals ou des organismes installés dans les territoires. Nous souhaitons simplement que le ministère puisse conserver un minimum de marges de manoeuvre.
Au sujet du mécénat, certains disent qu'en dépenses fiscales, la fondation Vuitton a coûté l'équivalent de la Philharmonie ; mais quand l'État paie directement, c'est lui qui fait les choix ! Nous aurons ce débat. En tous cas, il faut tirer des leçons pour l'avenir.
Pour répondre à Thierry Carcenac, oui, il faudrait un récapitulatif de la politique immobilière. Le ministère de la Culture passe de sept sites à trois. Je rappelle que Beaubourg, c'est deux millions d'euros de loyer qui seront bientôt économisés... La vente du siège du Conservatoire national devra être suivie de près.
Le PIA prévoit 160 millions d'euros pour le Grand Palais, et 30 millions d'euros pour la Cité internationale de la langue française. N'oublions pas que le grand projet culturel du quinquennat concerne la langue française. Et il ne se situe pas à Paris...
Patrice Joly, le fonds pour le développement de la vie associative relève de la mission sport, jeunesse et vie associative.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - En effet.
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. - Le ministre fait des microfolies une priorité, et 3 millions d'euros de crédits sont prévus dans le présent projet de loi de finances.
M. Victorin Lurel. - Où en est-on de la rénovation de Notre-Dame ? Il n'y a rien dans le PLF. Quid de la souscription nationale ?
La Fondation pour la mémoire de l'esclavage signera vendredi une convention à Matignon : le Gouvernement s'était engagé à aider la région Guadeloupe à transformer le musée du Mémorial ACTe en établissement public de coopération culturelle (EPCC), en prenant en charge 2,5 millions d'euros sur les 4,5 millions d'euros du budget de fonctionnement - mais il ne met que 500 000 euros en capital. Il est très réticent, aussi, sur l'achat des collections, alors qu'il avait promis 300 000 euros. Peut-on assurer un suivi de ces engagements ?
On s'est battus pendant des années pour le dispositif Malraux, mais les niches et les dépenses fiscales n'ont plus la cote...
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Je vous proposerai, par un amendement, de renforcer l'attractivité du dispositif Malraux, pour redynamiser les centres-villes historiques. Sinon, ce dispositif va mourir, car il n'est plus utilisé que par des institutions, en fonction du prix d'acquisition du bien : s'il n'est pas dévalorisé, le retour sur investissement est trop faible. Je vous proposerai donc d'unifier la réduction d'impôts à 30 %, pour mettre fin aux sous-zonages. Pour accroître le taux de rendement interne, il pourrait également être envisagé une diversification des usages du bâti, afin de faciliter le retour des commerces et des services. Ainsi, la condition d'usage en résidence principale imposée au locataire pourrait être supprimée et la possibilité serait alors ouverte à la transformation de locaux d'habitation en locaux commerciaux, de services ou d'activité. L'élargissement du bénéfice du dispositif Malraux aux locations à des ascendants et des descendants ferait également sens. Il conviendrait également de réviser les conditions imposées aux sociétés communes de placements en immobilier (SCPI). La décomposition 30 % foncier - 65 % travaux apparaît en effet dirimante tant elle peut induire un coût d'acquisition important. Or un prix d'achat élevé est désincitatif. Il pourrait donc être envisagé de remplacer par un seuil minimum de 95 % de travaux et foncier, dont 65 % minimum de travaux. La date limite d'éligibilité pour les immeubles situés dans les quartiers anciens dégradés (QAD), fixée au 31 décembre 2019, pourrait également être supprimée. La condition de déclaration d'utilité publique pour certains sites patrimoniaux remarquables (SPR) peut par ailleurs, apparaître superfétatoire. Sa suppression n'exclura pas le contrôle par un architecte des bâtiments de France. Le rapport de l'IGF et de l'IGAS sur ce sujet est resté sans suite : d'où mon amendement.
M. Jean-Claude Requier. - Je ne vois toujours pas en quoi la rénovation du Grand Palais relève du PIA.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Sa rénovation, non, mais son affectation, si ! Celle-ci est prévue pour des évènements internationaux que nos concurrents rêvent de nous ravir... Préféreriez-vous voir le Grand Palais transformé en immeuble d'HLM ? Il faudra bien trouver quelque part les 470 millions d'euros nécessaires à sa rénovation.
Je vous propose un amendement n° 1 majorant de 5 millions d'euros les crédits de l'action « Monuments historiques et patrimoine monumental » du programme 175 « Patrimoines », dans laquelle sont inscrites les subventions pour travaux sur des monuments historiques appartenant à des collectivités territoriales ou des personnes privées. Il est gagé sur les crédits du Pass culture, qui sont sous-exécutés en 2019 - 17 millions d'euros sur 34 millions d'euros disponibles.
M. Victorin Lurel. - Peut-on avoir la répartition par département ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Par région, en tous cas. Malgré cette sous-consommation, la dotation sera augmentée de 5 millions d'euros en 2020, à 39 millions d'euros. Commençons par rattraper le retard ! Le ministère, lui, veut aussi affecter les 10 millions d'euros non-consommés en 2019 - pas sûr qu'ils restent disponibles, toutefois.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat, sous réserve de l'adoption de son amendement, l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Médias, livres et industrie culturelle » et compte de concours financiers (CCF) « Avances à l'audiovisuel public » (et communication sur le contrôle budgétaire sur le financement de l'audiovisuel extérieur) - Examen du rapport spécial
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial (Mission « Médias, livres et industrie culturelle » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »). - Mon rapport, comme l'an dernier, couvre deux sujets, fort différents.
S'agissant de la mission « Médias, livres et industries culturelles », le montant global des crédits s'élève à 580 millions d'euros en AE et à 590 millions en CP. Il y a deux ou trois ans, j'avais indiqué que l'Agence France Presse (AFP) ne s'en sortait pas financièrement, parce qu'elle devait faire face à des procédures judiciaires de requalification des emplois de ses correspondants à l'étranger. Elle a fait de gros efforts pour sa numérisation, aussi. Sa dotation, cette année, est majorée de 6 millions d'euros pour atteindre environ 140 millions d'euros. Son président dit que c'est suffisant, car il compte sur les ressources des ventes et abonnements. Pour le moment, toutefois, l'AFP n'est pas totalement concurrentielle face aux grandes agences anglo-saxonnes.
S'agissant de la presse écrite, l'aide au portage diminue. C'est normal : les volumes expédiés sont de moins en moins importants. Les aides à la presse se concentrent sur la numérisation et la modernisation, notamment à travers le Fonds stratégique pour le développement de la presse et le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse. Quels critères devraient être retenus pour les aides à la diversité de la presse ? Ceux qu'on utilise datent de plusieurs décennies... Il faudra les repenser.
L'aide au livre est plus large que cette mission, qui se concentre sur les bibliothèques, et notamment - 210 millions d'euros sur 283 - la Bibliothèque nationale de France, dont les travaux semblent avoir été repris en main et devoir s'achever - enfin ! - dans deux ans.
Nous avons voté la création d'un centre national de la musique (CNM). Le financement complémentaire apporté par l'État dans le cadre du présent projet de loi de finances est de 7,5 millions d'euros, alors qu'il s'était engagé sur 20 millions d'euros. Le Gouvernement a promis une montée en charge progressive... Compte tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il paraît indispensable, à moyen terme, de conserver le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) et le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV). L'Assemblée nationale a précisé dans un article additionnel les conditions d'affectation de la taxe sur les spectacles de variétés versée au CNM. Aux termes de cet amendement, la taxe devrait ainsi être, jusqu'au 31 décembre 2022, spécifiquement dédiée au financement des actions aux spectacles de chansons, de variétés et de jazz. Au 1er janvier 2023, le principe de solidarité collective de la filière tendra à s'imposer. Je vous propose de ne pas revenir sur cet article.
Abordons maintenant le cinéma. Je ne pleure pas sur les crédits du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui se porte bien. L'harmonisation des taux de la taxe sur les services de télévision - éditeurs (TST-E) et de la taxe sur la diffusion en vidéo physique (TSV), qui vise notamment Youtube et Netflix - fait oeuvre utile en prenant en compte les nouveaux modes de diffusion d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, tout en garantissant des revenus constants pour le CNC. Celui-ci est demandeur d'une réforme de la fiscalité qui lui est affectée. Mais il n'est pas en crise, et aide beaucoup à la production cinématographique, grâce à des ressources conséquentes.
Venons-en aux concours financiers à l'audiovisuel public. Je vais tenter de rester plus modéré que l'année dernière ! La redevance, la contribution à l'audiovisuel public (CAP), devrait atteindre 3,79 milliards d'euros en 2020. Le Gouvernement a annoncé la baisse d'un euro de cette redevance. Je ne parviens toujours pas à comprendre le système. On attend un grand texte sur la réforme de l'audiovisuel public. Les premières annonces laissent un peu sceptique pour le moment, puisque le périmètre ne serait presque pas changé et que l'on ne revient pas sur les missions de service public de l'audiovisuel : on va en fait mettre en place une holding qui conservera les chaînes et leurs directeurs, mais qui sera une structure avec plusieurs directions. Je ne comprends pas en quoi cette structure permettrait de faire des économies. Je redoute qu'il s'agisse d'une structure chapeau supplémentaire aux directions qui ne fasse qu'ajouter des dépenses de fonctionnement. Je ne suis pas convaincu par la réforme, car je n'y vois pas de vision stratégique. Le souhait du ministre est de baisser progressivement les crédits, puis de voir ensuite, avec cette holding, comment réaliser des économies. Je pense qu'il eût été préférable de redéfinir l'ensemble préalablement.
Globalement, c'est France Télévisions qui, avec 60 millions d'euros de moins de dotation, doit faire l'effort maximum. Je défendrai un amendement pour réorienter une partie de sa subvention sur l'audiovisuel extérieur. Les économies demandées peuvent apparaître conséquentes. C'est toutefois un effort maximum à partir de peu d'efforts ! Simultanément, on demande à Radio France de faire un effort qui me semble plus important puisqu'elle a déjà restructuré et rationalisé ses programmes et réduit le service. Je rappelle que dans le PLF 2019, on parlait d'un financement ad hoc pour le chantier de Radio France, qui n'est toujours pas terminé. Le ministre m'a répondu il y a quelques jours que je verrais bien quand ce financement ad hoc arriverait... En attendant, Radio France doit poursuivre le chantier sur ses propres crédits.
J'ai axé cette année ma mission de contrôle sur l'audiovisuel extérieur. Le Gouvernement avait confié à Olivier Courson une mission sur l'audiovisuel extérieur pour établir une cartographie des activités, voir les pistes d'économie et le développement. On peut distinguer deux maillons, avec France Médias Monde (FMM), d'un côté, et TV5 Monde, de l'autre. Le caractère multilatéral de la gouvernance de TV5 Monde rend délicate toute appréciation. FMM, créée en 2008, rassemble une chaîne de télévision et deux radios : France 24, qui émet en quatre langues - le français, l'anglais, l'arabe et l'espagnol -, Radio France International (RFI), qui émet en français et en treize autres langues, et Monte Carlo Doualiya (MCD), une radio généraliste qui émet en langue arabe. L'agence Canal France International (CFI), est, par ailleurs, devenue, depuis le 27 juin 2017, une filiale de FMM. CFI reste financée dans le cadre de l'aide publique au développement afin de favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est.
En revanche, je suis inquiet concernant le financement de France Médias Monde. Elle connaît pourtant un accroissement de spectateurs ou d'auditeurs considérable. France 24 a vu par exemple le nombre de ses contacts hebdomadaires progresser de 55 millions en 2016, à 79,8 millions en 2018. Par ailleurs, 46,3 millions de personnes - soit une progression de 8,4 % par rapport à 2017 - accèdent chaque semaine aux chaînes de FMM via Internet.
Les dépenses annuelles de la holding FMM représentent 268 millions d'euros. Le Gouvernement a diminué progressivement les crédits ces dernières années. FMM a réalisé beaucoup d'efforts en termes de réduction des coûts, en fermant certaines stations - notamment en Afrique orientale -, en réduisant ses programmes. L'année prochaine, la dotation s'établirait à 255,2 millions d'euros, en diminution de 1 million d'euros par rapport à l'exercice précédent.
Lorsque nous protestons contre cette baisse des crédits, le Gouvernement nous répond : « en proportion, FMM baisse moins ses crédits que France Télévisions ». La comparaison n'est pas valable : FMM ne peut y arriver. Je vous rappelle que FMM est en concurrence avec l'audiovisuel extérieur des États-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. La Chine consacre 1,3 milliard d'euros à son audiovisuel extérieur, les États-Unis 720 millions d'euros, le Royaume-Uni, 380 millions et l'Allemagne 400 millions. En France, nous sommes à 255 millions. Les Européens, les États-Unis, la Russie et la Chine mettent nettement plus de crédits sur leur audiovisuel extérieur que la France. Nous sommes très en retard et nous demandons à FMM de se débrouiller pour trouver des recettes supplémentaires, dans la publicité, les budgets locaux, etc.
L'année dernière, nous avions fait voter, au Sénat, un amendement - certes peu révolutionnaire - tendant à lui octroyer des crédits supplémentaires à hauteur de deux millions d'euros, mais le Gouvernement l'a fait supprimer à l'Assemblée nationale.
Nous ne comprenons pas : le chef de l'État dit qu'il souhaite rehausser notre ambition en matière de promotion de la langue, des contenus français, en s'appuyant sur notre puissance de feu médiatique, citant même « l'institution puissante que représente FMM » et, en parallèle, on baisse les crédits d'une structure qui a fait beaucoup d'efforts. Ce n'est pas avec 1,2 million d'euros de l'AFD pour RFI que cela peut fonctionner. Par exemple, les Britanniques versent des crédits assez conséquents de l'aide au développement à leur système audiovisuel extérieur. Pourquoi refuser de le faire en France ?
Il faut faire en sorte que dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel, il y ait une sanctuarisation des crédits de l'audiovisuel extérieur. L'idéal, si le Gouvernement l'acceptait, serait de proposer un pourcentage constant de la CAP, qui serait consacré à l'audiovisuel public extérieur. Je vous proposerai en attendant un amendement pour France Médias Monde, visant à majorer les crédits de 9,9 millions d'euros, au détriment de France Télévisions. Les crédits de FMM sont en effet inférieurs de 9,9 millions à ce que prévoyait le contrat d'objectifs et de moyens.
La course à l'audimat n'est pas conforme à la mission de service public confiée à France Télévisions. On voit France Télévisions acheter des films américains à des prix extravagants pour battre TF1 certains soirs. Je peux comprendre que cela fasse plaisir à France 2, mais s'agit-il là d'une mission de service public ? Sur ce sujet, le ministre ne souhaite pas bouger, car il ne voit pas comment s'en sortir. Mais si l'on dit que France Télévisons a une mission de service public, que l'on revoit et définit le périmètre, faudrait-il soumettre France Télévisions à l'audimat ? Le service public ne doit pas proposer exclusivement des programmes ennuyeux, que personne ne regarde. On ne doit pas pour autant le mettre constamment en concurrence avec TF1, ce qui conduit à n'avoir comme unique repère que la bataille de l'audimat. Là, ce n'est plus du service public.
France Télévisions demande à avoir des pages publicitaires supplémentaires jusqu'à 21 h 15 ; j'y suis défavorable. Sur France Télévisions, il n'y a plus de publicités après 20 h 30, mais il y a de la promotion avec des émissions parrainées jusqu'à 21 h 10. Il faut donc redéfinir le périmètre.
Pour en revenir à cet amendement de crédits, s'il est adopté, j'émettrai un vote positif sur les crédits du compte de concours financiers à l'audiovisuel public. Je rappelle que je suis favorable à l'article rattaché 76 quaterdecies sur les conditions d'affectation de la taxe sur les spectacles de variétés au Centre national de la musique et invite à voter les crédits de la mission « Médias, livres et industrie culturelle ».
Mme Sylvie Vermeillet. - Quel est l'avenir de la CAP avec la suppression de la taxe d'habitation ? Ce sujet semblait séduire Gérald Darmanin qui avait envisagé de la supprimer. Comme l'ensemble des Jurassiens, je suis excédée par les programmes télévisés qui commencent à 21 h 15.
M. Victorin Lurel. - Connaît-on la date de parution du rapport que devait fournir le Gouvernement sur l'avenir de la CAP ?
Avec l'article 31 du PLF, le Gouvernement a décidé de déroger à la règle en vigueur d'indexation de la CAP sur l'inflation. Je trouve cela hypocrite, car le gain de pouvoir d'achat est insuffisant : il est de l'ordre de 0,25 centime d'euro par personne et par an pour une famille de quatre personnes.
Le Gouvernement souhaite imposer au secteur public une économie de 70 millions d'euros. Nous avions déjà consenti 36 millions d'euros l'année dernière et en 2017, soit 72 millions d'euros sur les deux dernières années. Le pire est à venir puisqu'à l'horizon, de 2022, l'audiovisuel public verra sa dotation publique baisser de 190 millions, dont 160 millions imputables sur la seule dotation de France Télévisions et 20 millions sur celle de Radio France. La totalité des 70 millions serait portée par France Télévisions selon l'amendement de notre collègue. C'est là que nous avons quelques divergences, car c'est le personnel qui va porter cet effort. France Télévisions doit faire des efforts de rationalisation et trouver un nouveau modèle économique bien entendu, mais là, c'est une véritable saignée pour France Télévisions !
Le Gouvernement engage France Télévisons dans une stratégie qui me paraît relever de l'idéologie. La suppression des deux chaînes France 4 et France Ô représente 25 millions d'euros d'économies, mais, en même temps, on crée France Info Tv, chaîne d'information en continu, à laquelle on octroie 50 millions d'euros. Je souhaiterais que le rapporteur m'éclaire sur le total des économies réalisées et sur ce qu'il adviendra des canaux libérés ? Seront-ils supprimés du bouquet TNT, vendus à d'autres chaînes ?
Par ailleurs, depuis 2002, France Télévisions a dû supprimer 1 000 ETP. Il faudra en supprimer autant d'ici à 2022, ce qui représente 20 % des effectifs en moins en dix ans. Pouvez-vous m'indiquer combien vont coûter à court et à moyens terme le plan de départs volontaires, les ruptures conventionnelles et les nombreux contentieux ?
Enfin, dans le CAS « Participations financières de l'État », l'État a décidé de participer à l'augmentation du capital de France Télévisions à hauteur de 115 millions d'euros libérés sur quatre ans pour permettre au groupe de s'adapter à la révolution numérique. Mis en perspective avec le plan social imposé à l'entreprise, j'ai du mal à croire à l'intérêt de ces 115 millions d'euros. Le rapporteur peut-il nous dire à quoi correspond véritablement cette somme ? Je ne crois pas à l'utilité de la holding, dont nous ignorons tout du périmètre.
Depuis 2009, on interdit aux chaînes de commercialiser des espaces publicitaires en soirée. L'interdiction a été étendue aux programmes jeunesse, y compris pendant les jeux Olympiques de 2024. Comment France Télévisions pourrait-il donc à l'avenir diversifier ses sources de financement ? Le groupe fera donc face à une baisse massive des dotations publiques sans capacité de développer ses propres ressources via la publicité ou la production interne de programmes, à l'inverse de la BBC. Parallèlement, France Télévisions sera toujours obligée de financer la production externe audiovisuelle et cinéma à hauteur de 480 millions d'euros par an. Toute l'entreprise réalise des économies massives sauf les sociétés de production privées qui continue de disposer d'une enveloppe garantie de la CAP. Je rappelle que le groupe France Télévisions ne possède que des droits limités lorsqu'il achète en externe des productions : passé le délai de sept jours, il n'a plus le droit de diffuser gratuitement les programmes qu'il a financés. L'oligopole des producteurs privés fait cofinancer ses productions par le secteur public et garde le bénéfice des droits de diffusion.
Quel est donc l'avis du rapporteur sur ce point ? Comment permettre à France Télévisions de reprendre le contrôle sur des programmes qu'elle finance avec de l'argent public et sur lesquels elle est aujourd'hui dépossédée de tous ses droits ?
Notre groupe devrait voter contre l'adoption de cette mission.
M. Patrice Joly. - Je partage l'avis du rapporteur sur les enjeux diplomatiques, culturels, économiques et politiques que constitue l'audiovisuel extérieur. Nous avons la chance d'avoir une histoire qui a constitué ce réseau de la francophonie.
Par ailleurs, j'ai beaucoup d'inquiétudes sur la diffusion de la presse, compte tenu de la situation du groupe Presstalis. Sur mon territoire, la Nièvre, la diffusion des quotidiens n'est assurée qu'un jour sur deux. Le numérique n'est cependant pas accessible à tous et, sur les territoires ruraux, il n'apporte qu'une réponse partielle aux besoins. pourtant, il importe de ne pas négliger cet enjeu démocratique et culturel au regard de ce que l'on observe dans les sondages et les résultats électoraux.
M. Jean-Claude Requier. - Radio France dispose de deux orchestres : l'Orchestre national de France et l'Orchestre philharmonique de Radio France dont les dépenses de fonctionnement représentent 7,4 millions d'euros. Je ne suis pas musicien, mais, ne pourrait-on pas se contenter d'un seul orchestre ?
La CAP baisse d'un euro symbolique. Comment va-t-on la prélever à l'avenir puisqu'elle ne sera plus couplée avec la taxe d'habitation ?
Je partage le point de vue du rapporteur sur les missions du service public. Par exemple, il y a peu de sports populaires diffusés sur les chaînes publiques. Comment faire pour acheter ces prestations onéreuses quand on a peu d'argent ?
Je vous rejoins également sur la publicité et les sponsors qui me semblent excessifs.
M. Marc Laménie. - Je m'intéresse particulièrement au programme 334, notamment à ses parties consacrées à la lecture et au livre ainsi qu'aux industries culturelles. Des crédits non négligeables sont fléchés vers trois opérateurs bien connus à Paris, mais peu en province : la Bibliothèque nationale de France, la Bibliothèque publique d'information (BPI) et le Centre national du livre. Les personnels de ces établissements ainsi que la culture sont concentrés sur Paris. Toutefois, je rappelle que la province a également des besoins importants.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Concernant l'avenir de la CAP, nous ignorons quel sera le niveau de la taxe et comment elle sera perçue avec la disparition de la taxe d'habitation. Gérald Darmanin n'a pas été suivi par le Gouvernement et le projet actuel est de l'intégrer à l'impôt sur le revenu, mais nous ne savons pas comment les choses vont se passer, notamment pour la moitié des Français qui ne paie pas cet impôt. Le Gouvernement essaie de trouver un système qui redonne environ 4 milliards d'euros. Une réflexion est engagée à Bercy. Le rapport que cite Victorin Lurel n'a toujours pas été remis.
Si elle se limite à la holding, la réforme de l'audiovisuel ne sera qu'une réforme de gouvernance qui n'abordera donc pas la publicité, le début des programmes ou la ressource. Le Gouvernement semble, pour l'heure, ne pas vouloir engager de réflexion sur le financement de l'audiovisuel avant d'avoir réformé la gouvernance. C'est peu logique. Cela signifie que nous allons avoir en mai-juin 2020 un texte sur la holding et les directions générales, mais nous ne saurons pas comment tout cela sera financé, et je doute que nous en sachions davantage à ce moment sur le prélèvement de l'audiovisuel.
Sur l'indexation de la CAP, qui était prévue sur l'inflation, la baisse d'un euro par an est inintéressante. C'est surtout symbolique et démagogique.
Concernant la baisse des crédits, j'entends régulièrement que l'on demande trop d'efforts à l'audiovisuel public. Oui et non ! Le chaînes publiques comme Radio France se sont mises d'accord il y a maintenant trois ans sur un programme sur cinq ans avec un contrat d'objectifs et de moyens qui comporte une rationalisation des services, une réduction du personnel, une révision de la grille et des programmes, etc. Radio France doit encore rationaliser, mais a fait un très gros effort. Aujourd'hui, il a d'ailleurs été annoncé que la chaîne se séparerait d'ici à 2022 à nouveau de 200 collaborateurs - 150 départs en retraite non renouvelés et 50 départs volontaires. Pour autant, les chaînes de Radio France - France Inter, France Info - sont en progression.
À France Télévisions, il y a eu des secousses en 2018 et début 2019. Les deux ministres successifs ont en effet signifié au groupe qu'il ne s'était pas pleinement engagé dans les efforts demandés depuis deux ans. En réalité, sous la présidence précédente, on avait déjà demandé à Delphine Ernotte depuis longtemps de réaliser des efforts : elle avait bloqué le système en disant que les tensions sociales étaient trop fortes et que les efforts ne pouvaient pas être aussi importants qu'à Radio France ! On ne voit pas pourquoi !
La réduction des coûts ne passe pas uniquement par la diminution des charges de personnel. Aujourd'hui, l'achat par France Télévisions de séries ou films américains représente plus de 57,8 millions d'euros par an. L'objectif poursuivi n'est pas le bon. En revanche, quand France Télévisions fait des efforts pour proposer des séries françaises historiques ou politiques de qualité, cela s'apparente à la mission de service public. Tous les accords signés avec les producteurs précisaient que l'aide visait à aider la production française et les PME. Il faut désormais trouver un équilibre.
France Télévisions - et ce groupe n'est pas le seul - réduit les marges des producteurs, diversifie, et a mis en place un système dit de maximum pour chaque société de production. Il y a encore cinq ans, certaines sociétés de production avaient jusqu'à 200 millions d'euros de commandes dans l'année. Pour rester à recettes constantes, il faut envisager soit une réforme du périmètre soit trouver de recettes complémentaires avec, notamment, des partenariats.
Je ne crois pas que France Télévisions soit mal traitée. Quand je vois les efforts consentis par d'autres chaînes, je constate qu'elle a encore des marges de progression. Il faudra, à un moment, redéfinir son financement. Cela sera plus difficile lorsque la CAP sera associée à l'impôt sur le revenu.
Pour répondre à Patrice Joly, le groupe Presstalis est en crise. On l'a réformé et refinancé, mais cela ne fonctionne pas. Les responsables de la Fédération nationale de la presse spécialisée que j'ai reçus il y a quelques jours ont indiqué que la grande presse nationale avait des systèmes de portage plus faciles. Des marges de progression demeurent à destination des zones rurales et de certaines zones de province.
Concernant les deux orchestres de Radio France, j'avais déjà posé la question l'an dernier. On m'a répondu : « Ce sont deux orchestres magnifiques. » L'idée de parvenir à un seul orchestre Radio France est dans toutes les têtes, mais, dans l'immédiat, Radio France nous demande de les conserver en arguant qu'ils sont excellents.
La dotation budgétaire pour les bibliothèques dans les territoires ne relève pas de la mission « Médias, livres et industrie culturelle ». Le plan « Bibliothèques » lancé par le Gouvernement donne, cela étant, d'excellents résultats.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de la mission « Médias, livres et industrie culturelle », et de l'article 76 quaterdecies qui lui est rattaché.
L'amendement n° 1, présenté par le rapporteur spécial, est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat, sous réserve de l'adoption de son amendement, l'adoption du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Jean-François Husson, Mmes Christine Lavarde, Nathalie Goulet, MM. Claude Raynal, Didier Rambaud comme membres titulaires ; et de MM. Philippe Dallier, Philippe Dominati, Sébastien Meurant, Bernard Delcros, Thierry Carcenac, Jean-Claude Requier, Éric Bocquet comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019.
La réunion est close à 17 h 00.