Mardi 14 avril 2020
- Présidence de M. Jean Bizet, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Économie, finances et fiscalité - Audition de M. Benoît Coeuré, directeur du pôle innovation de la Banque des règlements internationaux, ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne (par téléconférence)
M. Jean Bizet, président. - Monsieur le directeur, merci d'avoir accepté cette audition de la commission des affaires européennes du Sénat.
Vous avez été membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE) pendant huit ans. Quelques-uns d'entre nous ont eu l'occasion de vous rencontrer à Francfort, à l'occasion de déplacements. Votre mandat a pris fin en décembre dernier. Nous espérons que cela vous permettra de nous faire profiter de votre expertise et de votre expérience.
L'Union européenne traverse une crise inédite, brutale et profonde. L'épidémie de Covid-19 impose un confinement durable qui paralyse l'économie européenne et provoque nécessairement une violente récession. Cela change profondément la donne.
Vous avez vécu de près, au sein du board de la BCE, la colère des « faucons », lorsqu'il a été décidé de réactiver, il y a six mois, le quantitative easing.
Ces querelles intestines ont été balayées par le virus, qui a déjà conduit la BCE à s'engager à soutenir l'économie « quoi qu'il en coûte » - clin d'oeil à Mario Draghi : plan de rachat de dettes de 750 milliards d'euros, déplafonnement du quota de dette souveraine racheté par État, prêts aux banques à un taux d'intérêt négatif, extension du champ des titres acceptés en collatéral et réduction de leur décote.
Le débat s'est déplacé au Conseil européen, où une ligne de fracture connue entre les États du nord et ceux du sud a ressurgi. Lors de leur réunion du 26 mars, les chefs d'État et de gouvernement n'ont pas réussi à s'accorder sur la mise en place d'un instrument commun de solidarité financière face au choc symétrique dont Jacques Delors, sortant de sa réserve habituelle, a jugé à juste titre qu'il faisait courir un danger mortel à l'Union européenne.
L'Eurogroupe, chargé de trouver une issue, s'est rassemblé jeudi dernier autour d'un plan d'urgence de 540 milliards d'euros, s'appuyant à la fois sur la Banque européenne d'investissement (BEI) pour 200 milliards d'euros, sur le dispositif d'aide au chômage partiel pour 100 milliards d'euros et sur le mécanisme européen de stabilité (MES) pour le reste.
Le mécanisme d'aide au chômage partiel est adossé au budget de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas du dispositif de la BEI, dont les États sont actionnaires. Le cas du MES apparaît différent, dans la mesure où il bénéficie de la garantie des États sous forme de capital appelable. Pour autant, il n'existe pas de mutualisation des risques, dans la mesure où chaque État contribue au prorata de sa participation.
De fait, aucun accord n'a été trouvé sur l'émission de titres de dettes mutualisées, trop vite appelés à notre goût « coronabonds », permettant aux États bénéficiaires d'accéder à des taux d'intérêt inférieurs à ceux qu'ils auraient obtenus en empruntant directement.
La balle a été renvoyée au Conseil européen concernant la possible création d'un fonds commun pour financer la reprise. Au moment de quitter la BCE, il y a trois mois, vous aviez souligné que, partageant la même monnaie, nous sommes tous « dans le même bateau ». Vous croisiez les doigts en espérant qu'il n'y aurait pas de crise tant que la zone euro ne se serait pas dotée d'institutions ad hoc au service de l'intérêt collectif.
Or la crise est déjà là, nous surprenant par son ampleur redoutable. Aussi souhaiterions-nous connaître votre analyse. Quelle issue vous semble possible dans ce contexte difficile ? Quels seraient les avantages d'une mutualisation du risque par le biais de titres de dette émis en commun ou d'un fonds de relance temporaire ? Quels en seraient les dangers ? Comment les limiter pour les pays qui ne bénéficieraient pas de financement dans ce cadre ?
Enfin, si une issue positive est trouvée à cette question, peut-on espérer qu'il en résulte une accélération de la marche vers l'union des marchés de capitaux ? C'est un horizon que nous appelons de nos voeux depuis déjà pas mal de temps, mais qui est loin d'être aujourd'hui la réalité.
Monsieur le directeur, vous avez la parole.
M. Benoît Coeuré, directeur du pôle innovation de la Banque des règlements internationaux (BRI). - Merci, monsieur le président.
Je me réjouis de cet entretien et serai volontairement assez court dans mon propos liminaire pour laisser tout le temps nécessaire à la discussion.
Je précise - ce qui va sans dire - que mes propos n'engagent pas la BRI, qui n'a aucune compétence en matière européenne, ni la BCE, dont je ne fais plus partie. Je m'exprime donc à titre personnel.
Je commencerai par une remarque assez générale : je crois que si l'on veut bien raisonner sur les instruments disponibles et les possibilités qu'offre cette crise, il faut s'inscrire dans le temps long, résister à l'urgence et replacer ce débat dans la perspective de la construction de l'union budgétaire en Europe.
Cette union se construit petit à petit, en partant d'un traité signé en 1992 qui ne la prévoyait pas et instaurait seulement une monnaie unique, qui coexiste encore aujourd'hui avec une collection de budgets nationaux seulement régis par des règles.
Il est important de comprendre que la capacité budgétaire de la zone euro se construit petit à petit, de manière pragmatique, et qu'aucun big bang ne conduira à la construction d'une union budgétaire avec une dette fédérale. Ceci nécessiterait en effet un changement profond des traités dont les Européens ne veulent manifestement pas.
Il faut donc se résoudre à cette approche par petits pas. Le fait est que, depuis la crise de la zone euro de 2010, on a accompli de tels pas avec la construction du Mécanisme européen de stabilité et d'un fonds de sauvetage des banques - le fonds de résolution unique.
Cette crise est une étape supplémentaire dans un processus nécessairement incrémental et pragmatique, qui doit concilier les contraintes et les aspirations politiques de tous les États membres. L'idée que cette crise puisse nous projeter tout de suite dans un monde avec des eurobonds et un budget fédéral me semble tout à fait irréaliste.
Par ailleurs, par son engagement fort et rapide, la BCE a donné à l'Eurogroupe et aux chefs d'État ou de gouvernement le temps de bien construire la réponse à la crise. On aurait souhaité que l'Eurogroupe puisse apporter une réponse d'urgence dès début mars. Il ne l'a pas fait et a laissé la BCE s'en charger.
Celle-ci a agi avec beaucoup de force grâce à son nouveau programme, le Programme d'achat urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP). Ceci a modifié les termes du débat à l'Eurogroupe.
Ce débat, qui aurait en effet pu initialement avoir à porter sur les moyens de calmer les tensions sur les marchés de dette souveraine, notamment italienne, a pu, grâce à l'intervention de la BCE, se concentrer sur des sujets de plus long terme et l'Eurogroupe a pu prendre un peu plus de temps pour construire sa réponse.
C'est une bonne nouvelle car certains des instruments dont on parle ont des conséquences profondes qu'il faut penser jusqu'au bout. Il faut ainsi peser toutes les conséquences d'une mutualisation de la dette.
Les règles qui encadrent les politiques budgétaires nationales et l'absence de mutualisation des risques budgétaires sont les deux faces d'une même médaille : si on touche à l'une, il faut toucher à l'autre. Il ne serait pas raisonnable d'aller vers des eurobonds sans avoir une réflexion de fond sur les règles budgétaires, ce qui nécessiterait, sous une forme ou une autre, des transferts de souveraineté budgétaire vers l'échelon européen, ce qui doit être discuté politiquement et contrôlé démocratiquement. On ne peut partager le risque budgétaire sans également en partager la responsabilité.
C'est ce débat que l'Eurogroupe n'a pas pu ou voulu traiter, ce qui explique le relatif manque d'ambition des solutions retenues à ce stade.
Ces solutions reflètent les préférences assez diverses des États membres. Il est normal qu'elles soient temporaires. Le débat n'est pas terminé.
À titre personnel, je serais favorable à ce que le fonds destiné à soutenir la reprise, tel que proposé par la France, dispose d'une capacité d'emprunt et puisse gager des ressources futures. Ce ne seraient toutefois pas des eurobonds, mais simplement une modalité d'un financement de court terme, dans des circonstances exceptionnelles et temporaires. Cela ne devrait pas avoir d'impact en soi sur les fondamentaux de l'Union monétaire.
À plus long terme, vouloir changer ces fondamentaux constitue un bon débat. Les règles budgétaires ont en effet mal fonctionné : elles étaient mal conçues dès l'origine et les États membres se sont mis d'accord, par facilité politique, pour les vider progressivement de leur contenu et accorder des flexibilités toujours plus grandes. Résultat :on se retrouve régulièrement dans des situations où la Banque centrale doit fournir l'essentiel des instruments de stabilisation et de gestion de crise. Ce n'est pas normal. C'est, à long terme, mauvais pour la légitimité de la construction européenne et pour la confiance des citoyens dans leur banque centrale, qu'ils tiennent pour responsable de décisions qui sont fondamentalement politiques.
Pour résumer, il faut selon moi scinder la question du financement de l'action qui est aujourd'hui nécessaire face au virus et celle, de long terme, concernant l'organisation budgétaire de la zone euro.
M. Jean Bizet, président. - Merci, monsieur le directeur.
La parole est aux commissaires.
M. Jean-Yves Leconte. - Monsieur le directeur, pourquoi n'évoque-t-on jamais le cadre financier pluriannuel, qui constituerait la meilleure manière de mettre en place des obligations européennes pour financer les besoins de l'ensemble de l'Union européenne ? Il ne serait alors plus nécessaire de savoir si la responsabilité est celle d'un pays ou d'un autre, puisqu'il s'agirait de dépenses communes.
Or j'ai l'impression que, depuis le début de cette crise, on réfléchit plus à des mesures d'urgence qu'au prochain cadre financier pluriannuel, l'actuel étant trop contraint pour répondre aux défis communs.
M. Pascal Allizard. - Monsieur le directeur, il n'existe pas de mutualisation des risques budgétaires en ce moment, on l'a dit. La solidarité, pour l'instant, s'exerce a minima, mais le surendettement va devenir bien réel pour un certain nombre d'États.
Une solution de portage, un fonds de défaisance, seraient-ils envisageables, avec une durée et des proportions déterminées, voire une titrisation ?
M. Olivier Henno. - Monsieur le directeur, pensez-vous qu'il existe à court ou moyen terme un vrai risque d'inflation pour la zone euro, ce qui pourrait notamment expliquer la crainte de l'Allemagne et des Pays-Bas ?
M. Jean-François Rapin. - Monsieur le directeur, peut-on imaginer que la BCE, comme la réserve fédérale américaine (FED), intervienne directement auprès des entreprises ?
M. Benoît Coeuré. - D'ores et déjà, la BCE peut intervenir directement auprès des entreprises. Elle peut en effet acheter des obligations émises par les entreprises sur le marché primaire, ce qu'elle ne peut faire dans le cas d'obligations publiques, car ceci se heurterait à l'interdiction du financement monétaire inscrite dans les traités.
Elle essaie cependant de ne pas trop y recourir, car il est toujours préférable de fonder sa décision sur un prix de marché. Les prix à l'émission sont des prix déterminés par le syndicat de banques qui assiste l'entreprise et par l'entreprise elle-même. C'est un marché très particulier.
Par ailleurs, la BCE peut refinancer des prêts bancaires aux entreprises. Ces possibilités ont été étendues la semaine dernière, notamment en faveur des PME - mais il s'agit là de financements indirects.
S'agissant du cadre financier pluriannuel, je suis d'accord avec vous. Je pense que l'instrument de référence pour l'action de l'Union européenne devrait être le budget communautaire. L'Union européenne devrait disposer de possibilités de réallocation rapide sous les plafonds du budget communautaire afin de faire face à des crises comme celle que nous rencontrons aujourd'hui.
C'est malheureusement difficile aujourd'hui. On l'a déjà vu lors des dernières crises. On a pu prêter des sommes importantes à la Grèce, au Portugal et à l'Irlande grâce au Mécanisme de stabilité mais faute d'instruments adéquats, il n'a pas été possible de réaliser des transferts budgétaires significatifs au profit de ces pays, notamment pour un soutien social atténuant l'impact des réformes structurelles demandées en contrepartie des prêts. On devrait pour cela pouvoir procéder à des réallocations internes au budget communautaire.
M. Jean-Yves Leconte. - Un certain nombre de mesures de soutien prises par les États, différentes d'un État à l'autre, mériteraient d'être prises par l'Union européenne.
Toutes ces mesures de garantie ou de soutien à l'activité sont à la limite de la distorsion de concurrence. Les États s'endettent parce que l'Union européenne ne répond pas aux besoins.
M. Benoît Coeuré. - Je suis d'accord avec vous, mais c'est le résultat d'un choix d'architecture qui date du début de l'Union monétaire et consiste à laisser la responsabilité budgétaire aux États. La taille du budget communautaire n'a pas été accrue lorsqu'on a créé l'Union monétaire. La zone euro est la seule union monétaire dans le monde qui ne soit pas adossée à un budget fédéral significatif.
La capacité d'action de l'Union européenne se heurte aussi à ses propres compétences. Dans le domaine où les besoins sont les plus urgents, comme le domaine sanitaire, l'Union européenne n'en a pas. Il est donc logique que les États entrent prioritairement en action en cette matière.
Les questions sur le surendettement et l'inflation sont liées d'une certaine manière. Ce sont des questions d'après-crise. Je ne pense pas qu'il existe aujourd'hui de danger inflationniste, l'inflation étant très nettement inférieure à l'objectif de la BCE. Nous vivons aujourd'hui un intense choc de demande. Cela peut changer à l'avenir, mais l'impact à court terme est désinflationniste. À court terme, et compte tenu de son mandat, la BCE a donc raison d'augmenter son bilan et de miser sur la création monétaire.
D'autres questions se poseront pour le long terme, mais je pense qu'il est trop tôt pour avoir cette discussion.
On ne sait pas encore quel sera le régime économique de l'après-crise. On sait que la dette des États sera bien plus élevée, c'est malheureusement inévitable, mais on ne sait pas dans quelle proportion. Cela dépendra notamment de la quantité de dette privée qui aura dû être transformée en dette publique, c'est à dire de la mesure dans laquelle la crise de liquidité actuelle se transformera en une crise de solvabilité. Cela concerne par exemple les garanties publiques qui pourraient être appelées et les prises de participation en capital qui se révèleraient nécessaires.
On ne connait pas encore non plus l'ampleur du ralentissement économique. On peut avoir une idée du numérateur du ratio de dette par rapport au PIB - la dette -, mais on a encore une très mauvaise idée du dénominateur - le PIB...
Enfin, on sait très peu de choses sur le régime de l'inflation après la crise. Il dépendra de l'équilibre entre, d'une part, le ralentissement très fort de la demande qu'on observe aujourd'hui et, d'autre part, des contraintes d'offres qui peuvent apparaître à la sortie de la crise parce que des entreprises auront disparu, contraintes qui dépendront elles même de la structure sectorielle de la consommation et de l'investissement en sortie de crise, sur laquelle on sait peu de choses.
Or si l'on veut raisonner de façon rigoureuse sur la manière de résorber les dettes publiques après la crise, il faut se demander quelle sera la bonne combinaison entre croissance de l'économie, inflation, rythme de retour à l'équilibre budgétaire - qui ne pourra être qu'extrêmement lent, un retour prématuré à l'équilibre budgétaire étant économiquement contre-productif - voire envisager, en dernier ressort, un besoin de restructuration des dettes publiques sous forme par exemple d'échéances de refinancement plus longues...
Les instruments sont bien connus, les possibilités en nombre assez limitées, mais on ne connaît pas les termes de ce débat faute d'avoir une idée du régime de croissance d'après la crise. On en saura plus dans quelques mois.
M. Claude Raynal. - Monsieur le directeur, pour poursuivre sur votre propos, vous avez contourné la question de l'annulation de la dette mondiale. Or vous êtes bien placé pour en parler. Alors que toutes les banques centrales vont être confrontées à cette question, un accord international pour en effacer une partie est-il imaginable ?
M. Jean Bizet, président. - C'est une question fondamentale.
M. Franck Menonville. - Monsieur le directeur, je souhaiterais revenir sur le projet de plan unique de 540 milliards d'euros. Pouvez-vous nous dire quels seraient les axes opportuns à développer grâce à ce plan ?
M. Didier Marie. - Monsieur le directeur, la situation est telle que les agences de notation vont vraisemblablement dégrader la note de certains États membres de l'Union européenne.
À quel niveau situez-vous le risque d'attaque de ces Etats sur les marchés ? Quelles réponses complémentaires la BCE pourrait-elle mettre en oeuvre ? Ces réponses pourraient-elles aller jusqu'à des annulations partielles de la dette des États membres pour leur permettre de résister ?
M. Jean Bizet, président. - Monsieur le directeur, compte tenu de l'ampleur de la politique de quantitative easing annoncée par la BCE, pourrait-on imaginer - question provocatrice - que cette dernière puisse être elle-même attaquée par les marchés ?
Par ailleurs, on sait que les conditions de sollicitation du MES seront assouplies à l'entrée. Qu'en sera-t-il de la sortie ? Ne craignez-vous pas certaines turbulences pour certains Etats, y compris le nôtre ?
M. Benoît Coeuré. - J'ai évoqué le défaut et la restructuration lorsque j'ai parlé des questions qui ne pourraient être résolues qu'au sortir de la crise et des différentes manières de réduire le ratio de dette par rapport au PIB. Cela inclut la problématique de l'annulation.
Il faut différencier deux questions. D'une part, la question de l'annulation ou d'un moratoire sur les dettes publiques des pays émergents et en développement - le Président de la République s'est exprimé hier soir au sujet des pays africains- qui sera abordée lors des assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale. Ce débat concerne principalement la communauté des créanciers publics. D'autre part, la question de l'annulation générale des dettes souveraines qui est plus compliquée, car les dettes sont détenues par des opérateurs privés, qui sont eux-mêmes souvent les intermédiaires ou les mandants des épargnants. Annuler les dettes représente un transfert de richesse au détriment des détenteurs ultimes de ces dettes que sont les épargnants nationaux ou internationaux. Il n'y a rien de magique à l'annulation d'une dette : c'est une manière de transférer le fardeau à quelqu'un d'autre, de faire payer quelqu'un d'autre. Ce débat redistributif doit être instruit par des moyens politiques.
Ce débat n'a rien de tabou. Il a eu lieu dans le cas de la Grèce. Une reconfiguration significative des termes de la dette grecque a été discutée en 2012 puis en 2015 par l'Eurogroupe, puis par les chefs d'État ou de gouvernement et votée par les parlements nationaux. Ce n'est pour moi qu'une modalité d'un débat plus vaste sur le partage des coûts d'après-crise. Ce n'est pas une solution miracle. Il faudra bien que quelqu'un paye. Et la nécessité de ce débat, si elle existe, n'apparaîtra qu'après la crise.
La dette peut-elle être annulée par la BCE ? Une grande partie des dettes émises en ce moment par les États membres de l'union monétaire sont certes achetées par la BCE dans le cadre de ses programmes, qu'il s'agisse de l'assouplissement quantitatif classique ou du programme exceptionnel lié à la pandémie. Ces dettes ne peuvent être annulées parce que ce serait contraire aux traités, mais elles seront détenues par la BCE pour une période longue, voire très longue, en accord avec les objectifs monétaires. Cela fait donc également partie de la solution même si cela ne peut être la seule solution.
La BCE peut-elle être attaquée par les marchés ? Non. La BCE n'est pas cotée en bourse, elle est détenue à 100 % par les banques centrales des États membres et elle ne dépend pas des marchés pour son financement, puisqu'elle crée la monnaie. En revanche, il est important que ses actions restent crédibles auprès des marchés si on veut qu'elles soient efficaces et que la crédibilité de son engagement à défendre l'intégrité de la zone euro et à remplir son mandat ne soit pas mise en cause. Je n'ai pas le sentiment que ce soit aujourd'hui le cas. La BCE est très crédible, notamment après ses actions des dernières semaines.
Quant à l'emploi des 540 milliards d'euros, je ne me sens pas qualifié pour répondre à cette question, qui dépend de l'impact sectoriel de la crise dans les différents États membres et qui relève également de la stratégie industrielle.
M. Claude Raynal. - Monsieur le directeur, vous avez évoqué trois outils pour résoudre la crise, dont le premier est l'inflation. Le rôle des banques centrales étant de limiter celle-ci et de conserver de la valeur à la monnaie, cela ne peut jouer que marginalement.
Le second outil, la croissance, est un vrai sujet. Elle connaîtra forcément un rebond mais, contrairement à ce qui se passe après une guerre, il n'y aura pas à reconstruire. L'outil monétaire va donc, de mon point de vue, demeurer extrêmement important.
Vous dites que, d'après les traités, les banques centrales ne peuvent monétiser. Toutefois, si on reconduit les interventions de la banque centrale sur le très long terme, cela revient au même : les États ne remboursent pas, et la partie de dette concernée est de fait effacée.
M. Benoît Coeuré. - Cela revient au même, vous avez raison, mais j'émettrai deux réserves.
En premier lieu, cela ne peut concerner qu'une fraction des dettes. En effet, la BCE ne peut absorber toute la dette émise par les États. Cette question est allée jusqu'à la Cour européenne de justice, qui a jugé - même si elle n'a pas fixé de chiffres - qu'il était sain que la BCE mette des limites à la quantité de dettes publiques qu'elle peut acheter, pour préserver le bon fonctionnement des marchés et éviter le financement monétaire. Rien ne permet de préciser aujourd'hui quelle est cette limite, mais ce ne peut être qu'une réponse partielle.
En outre, cette réponse est conditionnée aux objectifs monétaires de la BCE. Autrement dit, si le monde de l'après-crise est un monde où l'inflation reste très faible pendant de nombreuses années pour des raisons structurelles préexistantes, peut-être amplifiées par la crise, alors la BCE gardera naturellement les dettes publiques à son bilan très longtemps et conservera des taux d'intérêt très bas qui faciliteront le refinancement des États et la soutenabilité de la dette publique. C'est un scénario assez bénin et favorable à la soutenabilité de la dette.
Si, à l'inverse, la crise affecte l'offre productive plus sévèrement que ce qu'on pensait et que l'on assiste à terme à une reprise de l'inflation, la BCE devra adapter son bilan ainsi que ses taux d'intérêt en fonction de son mandat monétaire.
Je ne pense pas qu'il soit sage, indépendamment même du texte des traités, de subordonner le mandat monétaire de la BCE aux besoins budgétaires des États. Ce n'est pas ainsi que l'Union monétaire a été construite et ce n'est pas comme cela que l'on assurera la confiance des citoyens européens dans leur monnaie.
Ainsi que je le disais, la discussion sur la soutenabilité de la dette doit être fondamentalement politique, et je ne pense pas qu'il soit raisonnable de s'en défausser sur la BCE.
M. Benoît Huré. - Monsieur le directeur, parmi tous les leviers destinés à accélérer la reprise - qui n'exigera sans doute pas des investissements au niveau de ceux qui ont dû être engagés pour la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale -, figure le fameux Green Deal, programme soutenu par Mme von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, pour promouvoir le développement durable et la décarbonation de l'économie.. Ce levier, ne peut-il contribuer au redémarrage de l'économie et, en même temps, accélérer l'atteinte de ces objectifs que nous partageons tous au niveau de l'Union européenne ?
Ne pourrait-on, dans le cadre de la discussion budgétaire pour les sept ans à venir, augmenter les ressources propres de l'Union européenne afin de conduire toutes ces actions de façon coordonnée ? On sait en effet que toutes les politiques de santé et de souveraineté européennes exigent des investissements faits au niveau européen.
M. Jean Bizet, président. - Permettez-moi de revenir sur les eurobonds. Bien que le budget de la zone euro ne soit pas pour demain, peut-on imaginer qu'ils puissent être mis en oeuvre par un nombre restreint d'États et au service d'investissements identifiés ?
M. Benoît Coeuré. - Ce n'est pas simple. Je vois bien l'intérêt tactique de ce genre de proposition pour mettre la pression sur un certain nombre de partenaires.
En termes économiques, tout dépend si ces eurobonds sont destinés à financer la relance, pour stabiliser économiquement l'Union européenne, ou à financer des projets. Même si ce n'est pas nécessairement incompatible, il s'agit de deux angles économiquement différents.
S'il s'agit de financer des projets, cela peut se faire avec des pays en dehors de l'Union monétaire, en recourant à n'importe quelle combinaison entre les 27. Par exemple, cela peut faire sens de financer des biens publics de nature régionale, mais cette discussion n'a pas de rapport particulier avec l'euro et l'Union monétaire.
En revanche, je ne pense pas qu'il soit approprié de créer des instruments de stabilisation dans des sous-ensembles de l'Union monétaire. Il existe une banque centrale, une monnaie partagée par dix-neuf États. S'il doit y avoir une politique budgétaire à des fins de stabilisation, elle doit être menée à dix-neuf.
La croissance d'après-crise doit-elle être verte ? Oui, je le pense. Je suis entièrement d'accord. On peut être face à une contradiction dans la stratégie d'après-crise : on aura besoin d'une croissance plus forte, notamment au regard des niveaux de dettes publiques, mais aussi, plus généralement, parce qu'il faudra remobiliser les entreprises, recréer du revenu, réparer les dommages infligés par la crise au tissu productif et au tissu social...
En même temps, la croissance d'avant la crise n'était pas soutenable. Certains mouvements d'opinion assez forts peuvent d'ailleurs réclamer moins de croissance dans ce monde d'après la crise. On serait alors face à une contradiction.
La solution est d'avoir des stratégies de croissance d'après-crise explicitement soutenables. Certaines conclusions ont déjà été tirées en ce sens. En particulier, on a besoin de programmes d'actions publiques qui amènent l'argent directement aux entreprises, notamment aux PME et aux citoyens. La présidente de la BCE, Mme Lagarde, l'a dit la semaine dernière. C'est pourquoi les prêts aux PME sont désormais plus facilement pris en refinancement par la BCE.
La stratégie de croissance peut intégrer des objectifs de soutenabilité climatique. Je pense aux programmes de rénovation urbaine ou énergétique. C'est une manière de rendre soutenables des programmes qui ont une vocation microéconomique. Je pense que c'est à cela qu'il faut réfléchir dès aujourd'hui.
M. Claude Raynal. - Monsieur le directeur, vous êtes en charge des monnaies numériques à la BRI. Où en est-on à propos de l'e-euro ?
M. Benoît Coeuré. - Je suis très heureux de répondre à cette question. La crise ne doit en effet pas empêcher de réfléchir à plus long terme.
Je suis convaincu, au-delà de la France et de l'Europe, que cette crise va accélérer des mutations technologiques, en particulier dans le domaine financier. Elle va donner un coup d'accélérateur à la finance numérique, aussi bien dans le domaine bancaire que s'agissant des paiements.
On voit la méfiance que le virus provoque aujourd'hui à l'égard des billets. Cette méfiance est anecdotique et temporaire - et au demeurant injustifiée, mais la crise va plus généralement encourager le travail à distance et la dématérialisation. On aura besoin d'instruments de finance numérique pour faire fonctionner ce monde nouveau.
Ces instruments doivent-ils inclure une monnaie numérique banque centrale (MNBC) ? Je ne peux répondre pour l'euro. C'est à la BCE de le faire. Elle a ses propres travaux sur le sujet. La BRI essaye de coordonner la réflexion mondiale.
Je copréside un groupe de travail sur ce sujet avec le sous-gouverneur de la Banque d'Angleterre, Jon Cunliffe. Un premier rapport sera prêt en septembre. Il dégagera une approche commune entre la zone euro, l'Angleterre, la Suède, le Canada, le Japon, la Suisse et les États-Unis.
Il ne conclura pas à l'opportunité de mettre en place une monnaie électronique car c'est une décision politique qui vous reviendra, à vous parlementaires nationaux, ainsi qu'au Parlement européen et au Conseil européen, dans le cadre de l'euro, mais nous allons dégager des principes communs, en particulier d'interopérabilité entre MNBC, afin d'assurer le bon fonctionnement du système monétaire international.
Cette transition prendra le temps qu'il faudra car le choix du type de monnaie électronique mis en place peut avoir des conséquences assez fortes sur l'intermédiation financière.
Pour prendre un exemple quelque peu extrême et caricatural, si la BCE décidait d'ouvrir des comptes de dépôt à 340 millions de citoyens de la zone euro pour pouvoir les abonder avec des euros électroniques, cela pourrait tuer l'activité de dépôt bancaire commerciale et, par là, le financement d'une partie des banques européennes.
Il faut réfléchir de manière cohérente au mode d'instruction de la monnaie électronique, aux moyens de la sécuriser en termes de cybersécurité, de fraude, etc. et à l'impact que cela peut avoir sur l'activité de banque de dépôt et l'intermédiation financière en général. On va y venir, mais cela prendra sans doute un peu de temps. Tout ceci n'est qu'un avis personnel.
M. Jean Bizet, président. - Monsieur le directeur, ma collègue Anne-Catherine Loisier, qui ne parvient malheureusement pas à se connecter à notre échange pour intervenir en direct, m'a fait parvenir la question suivante : « La Banque d'Angleterre et la FED ont décidé de faire fonctionner la planche à billets. Quelles en seront les conséquences sur la reprise économique et la compétitivité des produits de l'Union européenne ? ».
M. Benoît Coeuré. - Chaque banque centrale opère dans un environnement juridique et institutionnel différent. On ne peut donc comparer directement les instruments utilisés. Faire fonctionner la planche à billets n'est qu'une expression.
Ce qui compte d'un point de vue monétaire, c'est l'augmentation de la taille du bilan des différentes banques centrales et la quantité de monnaie créée. Or, de ce point de vue, on observe exactement la même tendance aux États-Unis, en Angleterre et dans la zone euro. Je ne pense donc pas que la BCE soit plus timide que les autres quand il s'agit de mettre son bilan au service de l'économie.
S'agissant de la compétitivité, elle se juge à l'aune du taux de change. Or les taux de change entre l'euro, le dollar et la livre sterling ont été relativement stables depuis le début de la crise. Je ne pense donc pas que la compétitivité extérieure soit le principal objectif de la FED, de la Banque d'Angleterre ou de la BCE. Leur priorité est d'assurer la continuité de l'activité et le financement des entreprises, chacune dans leur pays. Elles ne sont pas, Dieu merci, dans une situation de guerre monétaire.
M. Jean Bizet, président. - Monsieur le directeur, merci pour vos réponses.
Certains points restent en suspens. Je pense au dernier sujet abordé par notre collègue Raynal. C'est une question qu'on ne pourra occulter. Le monde d'après sera en la matière différent.
La crise du Covid-19 étant malheureusement loin d'être terminée et la relance n'étant pas encore là, nous nous permettrons de revenir vers vous pour bénéficier de votre expertise et de vos expériences en la matière.
La réunion est close à 10 heures 10.
Vendredi 17 avril 2020
- Présidence de M. Jean Bizet, président -
La réunion est ouverte à 11 heures.
Institutions européennes - Audition de M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne (par téléconférence)
M. Jean Bizet, président. - Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur, d'avoir accepté d'être auditionné par la commission des affaires européennes du Sénat en direct de Bruxelles. La téléconférence est devenue notre mode de travail essentiel. Nous sommes une bonne quinzaine à vous écouter. Cette modalité de travail est un peu paradoxale pour le service que vous dirigez, dont la raison d'être est d'être physiquement au coeur des institutions et des négociations.
Vous poursuivez malgré tout votre mission de défense des positions françaises, particulièrement décisive aujourd'hui pour s'accorder à vingt-sept sur une réponse commune à la crise sanitaire qui frappe l'Europe tout entière - et même la planète.
Après des réflexes nationaux de repli sur eux-mêmes, les États membres semblent avoir pris la mesure de leur interdépendance et ont progressivement convergé pour construire avec les institutions européennes une réponse plus cohérente. Ce mouvement reste fragile et limité. Jacques Delors est sorti de sa réserve, ce qui est assez rare, pour alerter sur le risque mortel que l'attitude des chefs d'État ou de gouvernement fait peser sur le projet européen. Partagez-vous ce sentiment ?
Au Sénat, nous avons bien conscience que l'Union européenne est appelée à une refondation à l'issue de cette crise. L'heure est aux mesures d'urgence, et la commission des affaires européennes du Sénat assure un suivi régulier de cette réaction au Covid-19 à la fois en matière de santé publique et de soutien à l'économie, laquelle est éprouvée par le confinement qui s'est imposé pour enrayer l'épidémie.
Nous percevons à nouveau la résurgence d'une tentation du chacun pour soi dans les pays dont la situation sanitaire permet de lever le confinement. La Commission européenne vient de publier une feuille de route pour tenter de tracer une stratégie coordonnée dans ce domaine. Cela suffira-il à éviter la dispersion ?
Par ailleurs, alors que l'économie européenne traverse la plus grande dépression qu'elle ait connue depuis un siècle et que l'enjeu d'une reprise rapide et forte apparaît comme vital, comment appréhendez-vous l'évolution des positions du Conseil européen concernant la possible création d'un fonds commun pour financer la reprise économique ?
Nous avons observé avec beaucoup d'attention la première phase de la mobilisation d'environ 500 milliards d'euros au travers de trois leviers : mécanisme dénommé SURE, Banque Européenne d'Investissement et Mécanisme Européen de Stabilité. Nous attendons avec impatience un fonds de relance ou de rebond.
Enfin, percevez-vous un risque d'atteinte aux libertés publiques avec les nouvelles solutions techniques envisagées pour accompagner la levée du confinement ?
Monsieur l'ambassadeur, vous avez la parole.
M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne. - Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, merci de me donner l'occasion d'échanger avec vous sur des sujets qui nous occupent depuis plusieurs mois.
L'ambiance générale à Bruxelles est très particulière. Les modalités de travail ont dû être adaptées aux circonstances. Un très grand nombre de collègues et d'agents au sein des institutions européennes sont désormais en situation de télétravail.
Les réunions physiques essentielles à notre fonctionnement, en particulier au Conseil européen, ne peuvent plus avoir lieu. Seuls les représentants permanents se réunissent encore pour négocier et assurer la cohérence des préparations et du suivi des décisions. Ceci nous amène à nous réunir encore plus souvent, tout en essayant de mobiliser les équipes en télétravail au sein de la représentation permanente, elle-même soumise à un rythme intense.
Nous avons dû réorganiser profondément les dossiers. L'essentiel de nos travaux est désormais consacré à la crise, à ses conséquences et aux moyens de gérer l'urgence et ses suites. Nous traitons ce qui ne peut être repoussé du fait des échéances ou des priorités, et nous assurons que certaines décisions sont prises malgré tout.
Cette ambiance de travail est particulière, mais l'esprit de mobilisation et de solidarité demeure pour que l'Europe, dans la mesure du possible, puisse jouer son rôle.
Votre première question concernait l'alerte de M. Delors et d'autres grandes personnalités. Elles ont évidemment raison, et le Président de la République l'a souligné avec force : l'enjeu, aujourd'hui, c'est l'avenir du projet européen. Le choc est considérable en termes politiques. Il faut surmonter les difficultés et le défi que cela représente dans l'espace européen en matière de solidarité. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que l'Europe puisse se relever. Les questions qui se discutent entre les chefs d'État ou de gouvernement sont majeures. Chacun voit bien que les institutions européennes peuvent, si elles sont mobilisées, surmonter une série de chocs économiques et matériels tenant à l'organisation des pays ou à la gestion des frontières, mais aujourd'hui, le choc auquel elles sont confrontées est fondamentalement politique.
S'agissant de la stratégie de sortie de crise et de la manière de l'organiser pour éviter la désorganisation, vous avez sans doute relevé qu'au début de la propagation de l'épidémie, les décisions avaient été prises au niveau national. Depuis début mars, les institutions ont compris l'enjeu, et les chefs d'État ou de gouvernement ont, le 10 mars, à l'initiative du Président de la République, fixé le cadre d'ensemble et la nécessité politique d'une action européenne. Beaucoup a été fait depuis : près de soixante textes ont été mis en place, certains majeurs, politiques, économiques, d'autres très techniques. Ils permettent aux États d'agir et aux populations de recevoir un soutien européen.
Comment gérer les mesures de déconfinement qui commencent à être anticipées ? C'est très délicat. La Commission européenne a prévu un cadre qui a fait l'objet de consultations. Il comporte des principes, des moyens, des critères, et un certain nombre de mesures concrètes. Dans l'ensemble, ceci devrait a priori permettre de trouver des solutions.
Toutefois, la situation est très complexe, car les mesures, même si elles sont comparables, seront désynchronisées, en partie du fait des stades variés de l'épidémie dans les différents États. Cela suppose, aux frontières, d'anticiper et de mettre en place des mesures de coordination pour les activités transfrontalières, les chaînes d'approvisionnement, le déplacement des personnes.
Ces principes paraissent adaptés, de notre point de vue. Il faut maintenir un confinement strict jusqu'à ce que la situation épidémiologique et les capacités des systèmes de santé permettent d'envisager un déconfinement, mettre en place des moyens destinés à assurer le suivi, disposer d'une capacité de tests et d'équipements de protection puis, au fur et à mesure, des traitements qui permettront de faire face à la situation de manière durable.
Enfin, la sortie du confinement devrait partout être graduelle, et réversible en cas de reprise de la pandémie. Elle devrait également prendre en compte les différentes catégories de personnes concernées, notamment les plus fragiles et les plus âgées, les différents types d'activités économiques, la spécificité des grands rassemblements et des manifestations sportives, en s'assurant qu'il existe une coordination.
Le cadre a été bien posé en ce qui concerne les principes et les critères. Nous allons nous assurer, la semaine prochaine, lors d'une réunion, que nous disposons des bonnes structures d'information et de coordination, que nous tirerons toutes les leçons de ce qui s'est passé de la fin février à mi-mars, et qu'il existe surtout derrière tout cela une volonté politique. Une visioconférence entre les chefs d'État ou de gouvernement aura lieu le 23 avril. On y évoquera sans doute le plan de relance, mais on devra également valider l'engagement politique de tous les États.
S'agissant du plan de relance, vous l'avez dit, un premier jeu de décisions et de mesures a été élaboré par les ministres des finances à la demande des chefs d'État ou de gouvernement. Ceci s'ajoute aux mesures prises pour faire face à l'immédiat, notamment les initiatives de la Banque centrale européenne (BCE) pour assurer la stabilité financière et garantir que les banques soient en mesure de jouer tout leur rôle.
Trois mesures ont déjà été entérinées mais, pour nous, ce plan de relance comportera quatre outils. Le premier concerne les États - MES - le deuxième les entreprises - BEI - en particulier les PME, le troisième les enjeux sociaux et les travailleurs - SURE - et le dernier, qui figure dans les conclusions de l'Eurogroupe, l'ensemble du pôle économique.
Le premier outil a trait à la mobilisation du mécanisme européen de stabilité, qui se fera exceptionnellement sans conditionnalités supplémentaires et sera ouvert à tous les États, contrairement à ce qui s'était passé lors de la crise financière. Aucune faiblesse n'est pointée d'avance. Il s'agira de couvrir les coûts liés à la crise sanitaire, directs et indirects, ce qui laisse une marge d'interprétation et permet d'envisager des financements adaptés aux enjeux auxquels les États font face. On ne sait si certains États vont la solliciter, mais cette ligne constitue une mesure de précaution. Ceci est très important pour la BCE qui a besoin de la solidarité des États en complément de sa propre action, ainsi que vis-à-vis des marchés financiers.
Le deuxième instrument qui concerne les entreprises a été proposé par la BEI et vient s'ajouter à ce qu'elle avait déjà mis en place à hauteur de 40 milliards d'euros. Il s'agit d'un instrument supplémentaire, qui permettra d'aider les entreprises et les PME jusqu'à 200 milliards d'euros, grâce à une garantie de 25 milliards d'euros fournie par les États. C'est un instrument très important pour assurer la liquidité et le soutien aux PME.
Le troisième instrument, qu'on appelle SURE, proposé par la Commission européenne, permet des prêts aux États à des conditions très favorables grâce à un emprunt de la Commission sur les marchés. Il s'agit d'accorder un soutien au dispositif d'accompagnement au chômage partiel mis en place dans beaucoup d'États, dont la France, et ainsi d'alléger la charge budgétaire afférente. Politiquement, il est également important de montrer que l'Union européenne est prête à accompagner les États pour que les emplois et les entreprises puisque redémarrer.
Le quatrième outil, un fonds de relance, est acté comme tel, mais n'est pas encore défini dans ses modalités. Il a fait l'objet d'une mobilisation très forte de la France, et de tous pays les plus frappés par l'épidémie, comme l'Italie, l'Espagne, la Belgique, le Luxembourg ou certains pays de l'est. Les chefs d'État ou de gouvernement sont déjà convenus que le plan de relance devrait être coordonné par des investissements sans précédent et reposer sur la solidarité.
C'est sur cet enjeu de solidarité que la discussion doit encore porter. Nous proposons que ce fonds soit financé par une capacité d'emprunt collective, mutualisée, aux meilleures conditions et dans la durée. Ce serait un outil puissant, destiné à éviter que la relance ne se fasse de manière inéquitable. On comprend en effet que les tensions politiques et économiques pourraient créer un grand décalage en matière de relance sur le marché intérieur ou de niveaux de dettes. C'est donc une proposition à la fois politique et économique pour s'assurer que l'Union européenne sortira de la crise avec plus de cohésion économique.
Certains pays comme les Pays-Bas ou l'Allemagne émettent toutefois de fortes réserves sur le degré de mutualisation. Nous devons donc y travailler encore. La Commission européenne, pour sa part, soutient cette ambition en termes de moyens et de solidarité. Elle réfléchit à intégrer un tel outil dans la refonte du cadre financier pluriannuel qu'elle prépare pour la fin du mois.
Nous avons identifié un certain nombre d'objectifs pour ces investissements. Ils sont destinés à permettre la reprise et la relance économique, à tirer toutes les leçons de la crise et aussi à réfléchir à une stratégie industrielle afin d'apporter plus d'autonomie à l'économie européenne, ainsi qu'un soutien aux secteurs particulièrement affectés pour renouer avec les grands objectifs de l'Union européenne que sont la transition verte et la transformation numérique.
Ainsi que je l'ai dit, le débat entre les chefs d'État ou de gouvernement sur ce quatrième outil aura lieu le 23 avril prochain.
M. Jean Bizet, président. - Concernant le marché unique, n'avez-vous pas le sentiment qu'on s'oriente, compte tenu de la réactivation de certaines frontières intérieures, vers une distinction en matière de liberté de circulation entre les biens et les personnes ?
M. Philippe Léglise-Costa. - Toute mesure trop stricte ou désordonnée aux frontières crée immédiatement des difficultés sur les chaînes d'approvisionnement, avec des files de camions à certaines frontières et un risque pour les biens essentiels, alimentaires ou médicaux.
On s'est immédiatement rendu compte qu'il était illusoire, même en période de crise majeure, de penser que chaque État puisse se refermer sur son marché intérieur, les chaînes d'approvisionnement étant totalement intégrées. Ceci suppose toutefois de prendre certaines mesures. C'est pourquoi la Commission européenne a proposé de mettre en place des voies vertes aux frontières afin de s'assurer, même en cas de contrôle sanitaire ou de contrôle d'identité, que les marchandises essentielles puissent traverser de manière fluide. C'est aujourd'hui ce qui se passe.
Cela a été l'occasion de constater la très grande mobilité des Européens entre les États membres. Quand il a fallu mettre en place des contrôles spécifiques, beaucoup ont souhaité rentrer dans leur pays par crainte du confinement.
À cela s'est ajouté, au moment où on a fermé les frontières extérieures de Schengen et de l'Union européenne, le fait qu'on a rapatrié des centaines de milliers d'Européens qui se trouvaient à l'étranger, qui atterrissaient souvent dans un autre État membre que leur État de résidence. Il fallait donc aussi leur permettre de circuler.
Aujourd'hui, les choses se sont organisées pour les marchandises et les personnes. Nous sommes parvenus, grâce au travail de la Commission européenne, à mettre en place à chaque frontière des mesures de coordination transfrontalières qui permettent d'assurer que les travailleurs frontaliers puissent continuer à exercer leur métier et que les professions médicales, les transporteurs, les pompiers, activités essentielles, puissent circuler.
Si on a l'impression qu'il existe une distinction entre la circulation des biens et des personnes, c'est parce que l'immense majorité des Européens vit aujourd'hui confinée. La circulation des personnes n'existe plus au sein des États. Il n'est pas évident de pouvoir faire coexister des mesures facilitant le transport des marchandises et des mesures très strictes concernant la circulation des personnes.
Nous manquons de moyens pour gérer ce type de crise. Il faudra pouvoir l'anticiper, parce qu'il y aura malheureusement sûrement d'autres crises de différentes natures. On l'a vu lors de la crise migratoire, après les attentats terroristes... La Commission européenne, qui y réfléchit déjà, proposera de tirer les leçons de la crise en matière de circulation des personnes et de prévoir des mesures de coopération et de coordination aux frontières permettant de réintroduire des contrôles adaptés, sans remettre en cause l'ensemble des principes.
La dernière leçon, s'agissant de Schengen, réside dans le fait que le caractère opérationnel de nos frontières extérieures est évident. On le voyait déjà auparavant. Nous avons des moyens de contrôles, des bases de données et d'autres outils qui sont ceux d'une frontière extérieure classique. La décision simultanée, à notre initiative, de mettre en place des interdictions d'entrée sur le territoire à toutes les frontières extérieures de l'Union européenne pour tous les ressortissants des pays tiers résidant en Europe est exceptionnelle. Nous ne l'avions jamais fait et nous ne savions pas si c'était possible. Cela s'est fait sous l'empire d'une crise énorme, mais cela montre à tous qu'il existe une frontière extérieure et qu'elle est capable de nous protéger. C'est une leçon qu'il faudra tirer lorsqu'on réfléchira à l'avenir de Schengen.
M. Jean Bizet, président. - La parole est aux commissaires.
M. Jean-François Rapin. - Monsieur l'ambassadeur, je m'inquiète d'un potentiel rebond de l'épidémie. Même si l'on constate quelques signes d'amélioration qui nous permettent d'envisager le bout du tunnel, on voit néanmoins certains foyers repartir, comme en Autriche ou en Chine, où sont intervenues des tentatives de déconfinement.
L'Union européenne prévoit-elle de réagir plus fortement et plus rapidement dans cette hypothèse afin de permettre une meilleure garantie sanitaire et sécuritaire ?
M. André Reichardt. - Monsieur l'ambassadeur, s'agissant de la sortie du confinement, qui n'est pas à l'ordre du jour en France, permettez au sénateur alsacien que je suis de vous faire part de mon inquiétude concernant les zones transfrontalières.
L'Alsace se préoccupe naturellement de ce qui se passe en Allemagne, qui va progressivement sortir du confinement. Une vraie structure de coordination est nécessaire à cet égard.
Par ailleurs, j'aurais aimé que le compromis de l'Eurogroupe soit plus clair en ce qui concerne la question des assurances. Cela ne peut se régler que par une réflexion à l'échelon européen.
Enfin, en tant que président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'ouest au Sénat, je m'inquiète énormément de la situation sanitaire en Afrique, compte tenu des remontées qui me sont faites. Le partenariat entre l'Union européenne et l'Afrique est faible. Quelle est la position adoptée par la France pour renforcer le plus vite possible - avec force chloroquine - l'intervention de l'Union européenne sur ce continent, notamment afin d'éviter que les futurs migrants ne soient porteurs du coronavirus ?
M. André Gattolin. - Monsieur l'ambassadeur, il conviendrait de mettre en place une structure européenne permanente dotée de réels moyens concernant les infections émergentes. Il existe en France une structure coordonnée par l'INSERM, « REACTing », qui ne travaille pas seulement en réaction aux grandes pandémies, mais qui vise à assurer la coordination entre laboratoires français de recherche. Son budget est notoirement insuffisant. Une telle structure est-elle à l'étude à l'échelon européen?
Par ailleurs, un grand nombre de parlementaires, certains ici présents, ont signé un appel demandant à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de collaborer davantage avec Taiwan, dans des termes qui n'accusaient pas la Chine. Nous avons fait l'objet d'attaques d'une violence inouïes, totalement infondées, de la part de l'ambassadeur de Chine à Paris. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a réagi. Le Président de la République, hier encore, rappelait ses doutes sur la communication des autorités chinoises. Quelle est aujourd'hui la situation dans les autres pays d'Europe ? Existe-t-il un consensus vis-à-vis de l'information très discutable en provenance de Chine, quand elle n'est pas extrêmement agressive ?
M. Didier Marie. - Monsieur l'ambassadeur, mes questions porteront sur le plan de relance que nous souhaitons tous, véritable plan Marshall pour l'Europe.
Tout d'abord, les discussions engagées sur le fonds de relance proposé par la France et quelques autres pays doivent conduire à mutualiser l'emprunt et le remboursement de ces fonds. Au-delà, envisagez-vous la possibilité d'un relèvement du plafond des ressources de l'Union européenne dans le cadre des discussions sur son budget pluriannuel ? La France est-elle prête à remettre en discussion la question de ressources propres supplémentaires pour l'Union européenne ?
Par ailleurs, s'agissant du contenu du plan Marshall, un certain nombre de pays membres ont expliqué que la priorité n'était plus nécessairement celle du Green Deal. Plusieurs chantiers en faveur de la biodiversité, d'une agriculture plus écologique ou contre la déforestation ont été retardés. On entend dire que l'exécutif européen pourrait repousser la date à laquelle il doit proposer de nouveaux objectifs de réduction du CO2.
La France compte-t-elle s'en émouvoir lors du Conseil européen du 23 avril prochain ?
M. Benoît Huré. - Monsieur l'ambassadeur, n'est-il pas temps, en vue d'autres catastrophes sanitaires ou écologiques auxquelles on pourrait être confrontés, de réactiver l'idée d'un centre de management de crise européen, que portait Michel Barnier quand il exerçait des responsabilités européennes dans ce domaine ?
Ma deuxième question ira dans le sens de celle posée par mon prédécesseur. Ne peut-on effectuer une relance effective autour des programmes du Green Deal ? Certaines choses ne peuvent attendre et il existe des investissements verts porteurs d'emplois.
M. Jean Bizet, président. - Monsieur l'ambassadeur, vous avez la parole.
M. Philippe Léglise-Costa. - Le rebond de l'épidémie, Monsieur Rapin, est un sujet qui préoccupe les institutions européennes. Nous y travaillons.
La Commission européenne, dans sa feuille de route, envisage ce risque à différents niveaux, le premier par la définition de la gradualité de l'approche de la date de sortie du confinement, avec des délais suffisants entre chaque étape, de manière à vérifier l'absence d'accélération au regard de l'épidémie.
En deuxième lieu, il faut s'assurer que l'analyse épidémiologique, les capacités des systèmes de santé et les moyens disponibles en termes de protection de la population sont bien réunis pour procéder à chaque nouvelle étape de déconfinement.
Enfin, la Commission européenne estime, en cas de résurgence de l'épidémie, qu'il conviendrait de prévoir la réversibilité des mesures de déconfinement.
Malheureusement, l'épidémie se répand dans le reste du monde, ce qui a déjà amené les États membres à prolonger l'interdiction d'entrée sur le territoire des personnes en provenance des pays tiers d'un mois, jusqu'au 15 mai. Il est probable que cette interdiction soit prolongée, de manière à éviter tout rebond, comme on le voit en Chine aujourd'hui.
Monsieur Reichardt, concernant la sortie du confinement et les enjeux transfrontaliers, nous avons plaidé en faveur de dispositifs de coordination et d'échanges d'informations spécifiques, ce que la Commission européenne a pris en compte. Nous savons par avance que les mesures nationales ne seront pas toutes synchronisées. Il vaut mieux l'anticiper et s'assurer qu'il y aura bien coordination sur tous les sujets : travail transfrontalier, approvisionnement de l'autre côté de la frontière....
Nous avons deux types de réunions plusieurs fois par semaine, d'une part avec le Comité des représentants permanents (COREPER), qui instruit les dossiers de manière classique, et d'autre part avec les mêmes, mais dans le format différent du mécanisme de réactions aux crises (IPCR), que nous avons activé le 2 mars pour régler les questions urgentes.
La Commission européenne a mis en place sa propre task force pour gérer les questions matérielles et pratiques, ainsi que les enjeux qui remontent des États et des régions dans la réponse à la crise. C'est dans ce cadre que nous essaierons d'avoir une coordination d'ensemble.
Enfin, nous avons mis en place une task force entre la France et l'Allemagne pour pouvoir anticiper des décalages en termes de déconfinement.
S'agissant de l'Eurogroupe, un échange a eu lieu hier entre les ministres des finances, qui se sont réunis en vue du Conseil européen. Nous n'en sommes qu'au début, mais votre remarque concernant les assurances est clairement prise en compte.
Enfin, pour ce qui est de l'Afrique, nous avons demandé à la Commission européenne de mettre en place une initiative globale pour prendre en compte le développement de la pandémie dans des pays vulnérables, qui risquent de faire face à des défis encore plus graves qu'en Europe étant donné la faiblesse de l'État, les difficultés que connaissent les structures sanitaires ou les conflits en cours. La Commission européenne et la BEI ont débloqué 15,6 milliards d'euros, en essayant d'apporter une réponse très rapide à ces pays.
Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dans une visioconférence, a soutenu avec force la priorité africaine, pour des raisons évidentes au regard des vulnérabilités d'un très grand nombre de pays africains et de leur proximité avec l'Europe.
La Commission européenne a identifié quatre enjeux.
Le premier est un enjeu humanitaire. Nous travaillons à l'acheminement très rapide d'une aide humanitaire vers les pays africains.
Le deuxième enjeu est sanitaire et porte à la fois sur les structures et la fourniture d'équipements médicaux, de médicaments ou de personnels soignants.
Le troisième enjeu est économique. Une grande partie de l'économie de ces pays est informelle. Certaines personnes risquent par ailleurs de ne pas accepter les mesures de confinement parce qu'elles ne seront plus en mesure d'assurer la survie de leur foyer.
Le dernier enjeu est politique et concerne la sécurité dans différentes régions d'Afrique, en particulier au Sahel ou en Libye.
L'Europe - et la France au premier chef - agit aussi au niveau international et au G20 en faveur d'un moratoire sur les dettes et d'un déblocage de droits de tirage spéciaux du FMI.
Une dernière action a enfin été engagée par la Commission européenne et de grands partenaires afin d'avancer ensemble en termes de recherches de traitements, de vaccin et de tests au niveau mondial. La Commission européenne a annoncé que cette conférence internationale, qui rassemblera les principales puissances mondiales et les acteurs comme l'OMS, l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), la fondation Gates, aurait lieu le 4 mai prochain par visioconférence. Nous essayons donc d'ordonner l'action internationale et multilatérale, et de mobiliser des moyens, avec l'Afrique comme priorité.
Monsieur Gattolin, la recherche fait partie des cinq axes que les chefs d'État ou de gouvernement ont retenus pour ordonner l'action européenne dans cette période de crise. C'est l'une des grandes priorités. Nous réfléchissons, au-delà de l'initiative internationale dont je viens de parler, à coordonner les moyens européens de façon à être mieux préparés. Ceci vaut pour les vaccins, les tests, la collecte de données, les traitements.
Nous avons pu débloquer en quelques semaines près de 284 millions d'euros sur le budget européen en faveur de la recherche appliquée, de la recherche fondamentale, de la coopération avec l'industrie et du soutien à des entreprises européennes ayant la capacité de développer des vaccins ou des traitements.
Le Parlement européen, en particulier Mme Trillet-Lenoir, a porté ce sujet à Bruxelles dans une résolution sur la réponse à la crise. Il est proposé de mettre en place un fonds pour lutter contre le coronavirus prenant en charge le soutien à la recherche.
J'ai pris bonne note de votre observation s'agissant de ce que fait l'INSERM en France.
M. André Gattolin. - Les 280 millions d'euros émanent-ils du budget européen, sans apport des États ou des entreprises privées ?
M. Philippe Léglise-Costa. - Sur 280 millions d'euros, 45 millions d'euros proviennent d'entreprises privées, qui interviennent dans le domaine du médicament innovant, dans le cadre d'un partenariat entre les autorités publiques et les entreprises.
Nous avons par ailleurs contribué, avec la BEI, au soutien d'entreprises comme la société allemande dont les États-Unis semblent avoir cherché à s'approprier le projet de vaccin.
Enfin, entre 60 millions d'euros et 100 millions d'euros pourront être apportés à la Coalition pour les innovations en préparation aux épidémies (CEPI).
S'agissant du cadre financier pluriannuel, étant en fin de programmation, nous faisons avec les moyens dont nous disposons. Il faudra, dans le cadre du programme Horizon Europe, réfléchir à ce que nous pourrons consacrer à la recherche, en particulier concernant les pandémies.
La préoccupation concernant la Chine prévalait déjà avant la crise. Elle est encore plus aiguë à présent. Les masques tombent - sans jeu de mots. Les Chinois se révèlent très agressifs alors même, comme l'a dit hier le Président de la République dans une interview au Financial Times, que nous ne savons pas tout de ce qui s'est passé là-bas. Nous observons aussi la mise en scène autour des livraisons chinoises de matériels et de masques en Europe, dans les Balkans et en Afrique.
Les intuitions européennes fonctionnent sur le droit. Elles n'agissent pas sur le même terrain, mais elles sont de moins en moins naïves et se dotent de certains outils. Deux axes ont été définis par les ministres des affaires étrangères en début de mois, puis validés par les chefs d'État ou de gouvernement.
Le premier axe concerne la lutte contre la désinformation, criminelle s'agissant d'enjeux sanitaires. Nous avons mis en place un système d'alerte rapide qui réunit la Commission européenne et les renseignements extérieurs des États membres pour échanger des informations, vérifier les faits et réagir de manière ordonnée. Nous fondons bien évidemment nos réactions sur l'alerte, la dénonciation ou des mesures de retrait quand la propagation des informations devient sérieuse, et veillons à rétablir les faits sur des données scientifiques et objectives s'agissant de la pandémie.
Le second axe est celui de la communication afin que l'Europe qui, dans le monde, est le premier donateur, le premier investisseur, le premier fournisseur d'aide humanitaire, soit plus visible et que la vérité soit rétablie dans l'opinion publique.
Ce travail est engagé. Ce n'est pas naturel pour les institutions européennes, qui agissent généralement de manière plus discrète, mais qui prennent conscience que ce n'est plus possible étant donné l'approche d'autres puissances.
Monsieur Marie, s'agissant du plan de relance, le président de l'Eurogroupe a indiqué hier qu'il existait deux options. Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Lemaire, a proposé de mettre en place, avec les autres gouvernements, un fonds sur la base d'un remboursement mutualisé permettant d'offrir des conditions de financement très favorables.
Les fonds pourraient aussi être prélevés sur le budget européen. Nous sommes prêts à examiner toute option qui apporterait les mêmes résultats. La Commission européenne y réfléchit.
Les moyens disponibles comprennent le budget européen - mais on a vu la difficulté à relever le niveau des dépenses et les ressources provenant des États. Pour ce qui est de la période 2014-2020, le niveau des dépenses est fixé à 1 % du PIB européen, et le niveau des ressources qui peuvent être appelées à 1,2 %. Cet écart est utilisable pour que la Commission européenne puisse emprunter avec la garantie des États, puis prêter.
L'idée serait de relever significativement le plafond des ressources propres. La Commission européenne réfléchit à la manière d'élargir cet écart pour pouvoir emprunter de manière massive.
Cela pose toutefois beaucoup de questions juridiques, politiques et techniques.
Non seulement il n'y a pas encore d'accord, mais l'intégrer dans le budget européen pose encore d'autres questions. Il faut reconnaître que cette solution serait néanmoins la plus simple. C'est à la Commission européenne d'en démontrer la faisabilité. Ce sera l'enjeu de la visioconférence des chefs d'État ou de gouvernement de la semaine prochaine avant la proposition annoncée à la fin du mois.
S'agissant des ressources propres supplémentaires, nous avons suspendu la négociation du cadre financier pluriannuel en février, lors d'un Conseil européen extraordinaire des chefs d'État ou de gouvernement qui, sans aboutir, avait cependant permis d'avancer. On a vu comment trouver un compromis, mais deux points restent épineux.
Le premier, c'est la volonté des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de l'Autriche et de l'Allemagne de conserver des rabais après 2020, alors que ceux-ci tombent en principe, le rabais britannique étant appelé à disparaître. Cela fait néanmoins augmenter leur contribution nette.
Le deuxième, c'est justement celui de l'introduction de ressources propres nouvelles. Le Président de la République, lors du Conseil européen, a insisté sur cet impératif. Nous avons en effet besoin de moyens supplémentaires. La capacité des États a des limites, et il faut bien trouver d'autres sources.
Nous avons proposé d'utiliser la ressource ETS, le système d'échange de permis d'émissions négociables en matière climatique, qui est un cadre européen aujourd'hui redistribué entre les États.
Il en existe d'autres. Ce peut être la taxe sur les services numériques ou le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. La Commission européenne a proposé d'autres moyens, mais cette discussion a été suspendue face à l'opposition de certains pays de l'est et de l'Allemagne. Il faudra la reprendre dans le cadre politique renouvelé dans lequel nous sommes. Cela nous paraît aujourd'hui plus indispensable encore qu'en février.
Quant au plan Marshall et au verdissement, le Conseil européen a adopté des conclusions d'ensemble le 26 mars. Elles ont été estompées par le débat qui s'engageait sur le fonds de relance et la mutualisation des dettes. Il n'en reste pas moins qu'elles sont importantes.
Elles définissent les objectifs du plan de relance et les investissements massifs qui doivent l'accompagner. Ces objectifs concernent la reprise économique et l'emploi, notamment dans les secteurs les plus affectés, les leçons à tirer de la crise en matière de relocalisations industrielles et de garanties d'approvisionnement et la cohérence à retrouver autour du Green Deal et de la transformation numérique.
Le Premier ministre tchèque a estimé que la crise économique dans laquelle nous allons entrer nécessite de repousser le Pacte vert aux calendes grecques. Ce n'est pas l'avis de la majorité des chefs d'État ou de gouvernement.
La ministre Élisabeth Borne et un certain nombre de ses collègues ont signé une déclaration pour soutenir cette nécessité. Il faudra la réintégrer dans une stratégie économique différente, préciser les calendriers, les réglementations et les investissements afin de retrouver les trajectoires prévues, que ce soit en termes de lutte contre le changement climatique, de biodiversité ou d'économie circulaire.
Il est bien dans l'intention de la Commission européenne de le proposer dans les prochaines semaines. Le Parlement européen l'a répété, et la présidente de la Commission européenne l'a dit elle-même hier à la télévision française.
Monsieur Huré, concernant le centre de gestion de crise européen, on retrouve, certaines des idées portées par Michel Barnier il y a un certain temps dans le mécanisme de protection civile qui avait fait l'objet d'une proposition de sa part, dans le contexte des feux de forêt, et qui fonctionne maintenant à plein régime pour aider à rapatrier des Européens bloqués dans des pays tiers. Des centaines de vols sont organisés et financés à 75 % grâce à ce mécanisme. Ce mécanisme est également utilisé par la Commission européenne pour acquérir des stocks stratégiques d'équipements médicaux, voire de médicaments. C'est un des outils les plus utiles dans ce domaine.
Les chefs d'État ou de gouvernement nous ont demandé de réfléchir à ces mécanismes de crise et à la façon dont on peut les doter des moyens de réactivité et de coordination suffisants pour une prochaine fois. Nous avons commencé à y travailler. Nous ne partons pas de rien. Un certain nombre d'outils existent, comme le mécanisme européen de protection civile.
La Commission européenne dispose de son propre outil de coordination, le Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC). Le Conseil européen bénéficie de l'IPCR, que j'ai déjà évoqué. L'enjeu est de consolider voire de fusionner certaines structures, de les doter de moyens et de les préparer.
Le Parlement européen joue le rôle d'aiguillon à ce sujet. Je pense que des propositions seront faites dans les prochaines semaines.
Mme Gisèle Jourda. - Monsieur l'ambassadeur, je souhaiterais savoir quelle réponse sera apportée aux demandes des vignerons qui ont été touchés par la crise sanitaire. Ils ont subi d'énormes pertes du fait de la mise en place des droits à l'importation aux États-Unis et des droits de douane imposés par la Chine. L'écoulement des stocks n'ayant pu se faire, la crise que nous subissons a un impact dramatique sur la situation des exploitations.
Les vignerons privés, le secteur de la coopération et les syndicats réclament la mise en place de mesures exceptionnelles, portées par notre ministre de l'agriculture, et surtout l'activation des articles 219 et 222 du règlement relatif à l'organisation commune des marchés agricoles du 17 décembre 2013.
La profession demande aussi d'un commun accord le stockage des vins excédentaires. A-t-on bon espoir de voir ces demandes aboutir au niveau européen ? Plusieurs pays européens formulent la même demande et sont solidaires, comme l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie et la Slovénie.
La situation de toutes les régions viticoles est critique, non seulement en Occitanie, mais également en Alsace.
M. Philippe Léglise-Costa. - Madame la sénatrice, parmi tous les sujets économiques, l'agriculture est l'une des grandes priorités, non seulement parce que la situation est très grave dans certaines productions, mais aussi parce que c'est une responsabilité directe de l'Union européenne.
Nous avons mobilisé les États membres pour faire pression sur la Commission européenne et l'alerter sur ces situations très graves. Vous avez mentionné le secteur viticole, mais d'autres filières, comme le lait, la viande, les fruits et légumes ou l'horticulture connaissent de sérieuses difficultés. Elles touchent la France, mais aussi d'autres États membres. Vous avez mentionné l'Italie ou la Slovénie pour la filière viticole. Nous avons également mobilisé l'Autriche, le Portugal et l'Espagne.
La crise de la production laitière touche également beaucoup d'États. Aux Pays-Bas, c'est le secteur horticole qui est concerné, en Irlande, la filière bovine.
Nous avons donc voulu mobiliser les États membres collectivement et sommes parvenus à rassembler hier les Vingt-Sept autour d'une même position pour augmenter la pression sur la Commission européenne. Il faut reconnaître que si la Commission européenne est allée assez vite pour mettre en place des mesures d'allégement des charges administratives en faveur des agriculteurs - même si nous pensons qu'il faut faire plus -, elle est très réticente s'agissant des mesures de marché, ce qui nous paraît inacceptable.
Elle est rétive pour plusieurs raisons. Vous avez suivi d'autres crises. On avait eu beaucoup de mal, il y a trois ou quatre ans, à mobiliser la Commission européenne pour qu'elle prenne des mesures concernant le marché du lait. Il existe en quelque sorte une réticence doctrinale, mais aussi budgétaire, même si on peut encore dégager des moyens.
Il existe aussi une réticence politique. Nous travaillons à toutes les surmonter, mais cela demande du temps.
Le Président de la République est intervenu
auprès de la présidente de la Commission européenne. Le
ministre de l'agriculture est mobilisé sur tous les fronts. Il s'est
encore entretenu avec le commissaire polonais il y a quelques jours. Nous
demandons à la
Commission européenne de prendre un certain
nombre de mesures très concrètes pour mobiliser les instruments
dont vous avez parlé, qui peuvent être du stockage privé,
des mesures de retrait, de compensation ou de coordination.
S'agissant de la filière viticole, nous avons demandé la mise en place d'un dispositif de distillation de crise.
Mme Gisèle Jourda. - Pour nous, le dispositif de distillation constitue l'outil majeur. Toutes les caves sont pleines. C'est une urgence, car la récolte se profile.
M. Benoît Huré. - Le dogmatisme de la Commission européenne va peut-être fléchir face à la nécessité de rendre certaines productions souveraines. On l'a vu pour les masques. On peut le voir demain pour l'alimentation. Or, cela passe par un système de stockage. C'est vieux comme le monde !
M. Jean Bizet, président. - Je voudrais revenir sur la problématique agricole et le verrou idéologique de la gestion de crise, notamment sur le fameux article 222 de l'OCM unique, sur lequel avait travaillé Michel Dantin, ancien député européen, concernant la possibilité des ententes.
La commission des affaires européennes du Sénat déposera une proposition de résolution européenne à ce sujet dès que les circonstances lui permettront de le faire dans le respect du Règlement du Sénat, mais elle entend sans attendre adresser un avis politique aux institutions européennes.
Pour les crises qui s'annoncent, en matière alimentaire, j'imagine mal, comme l'a dit Benoît Huré, qu'on limite la production pour « maintenir les prix ». Même s'il n'est pas question de revenir à la politique des années 1960, avec des montagnes de lait, de beurre ou de viande, une politique encadrée destinée au stockage constituerait humainement et économiquement une bonne réponse. Je me permets d'insister à nouveau sur ce point.
Enfin, l'état d'esprit des États membres et des institutions européennes a-t-il fondamentalement changé en ce qui concerne le projet de cadre financier pluriannuel ? En d'autres termes, en restera-t-on à un budget européen limité à 1,074 % du PIB, dans la proposition annoncée pour les semaines qui viennent ?
M. Philippe Léglise-Costa. - S'agissant de la remarque de M. Huré, il faut reconnaître, sans chercher à être complaisant, que la Commission européenne a remarquablement évolué.
Elle va en effet très au-delà de son habitude sous l'effet de la crise, y compris par rapport à ses doctrines fondamentales. En matière de médicaments ou d'équipements de protection, elle a ainsi admis des dérogations aux règles de concurrence et a accepté des ententes et des coopérations entre entreprises pharmaceutiques ou autres.
Ce qu'elle a fait en matière d'aides d'État est exceptionnel. Certes, toutes les évolutions ne sont pas synchronisées mais, malgré tout, c'est une autre Commission européenne qui voit le jour. Deux versions se présentent dorénavant, une version que portent certains Allemands, qui considèrent que cette crise est une parenthèse, et une autre, qui est la nôtre, selon laquelle on ne reviendra pas à la normale et qu'il faut adapter l'Europe car le monde a changé. On le verra sur le budget et sur d'autres sujets. Ce sera l'un des éléments de la discussion politique des prochains mois.
J'aimerais revenir sur l'aspect doctrinal. J'ai moi-même été critique sur la manière dont le commissaire à l'agriculture a résisté face aux outils d'intervention, mais la politique d'ensemble de la Commission européenne n'est plus celle-là. Il y a là un verrou qui est en train de sauter.
Ma deuxième remarque ne porte pas seulement sur l'alimentation et l'agriculture, mais vaut de manière générale. Comment faire pour s'assurer que l'Europe a la maîtrise de certains biens essentiels - alimentaires, médicaux ou autres ? Il faut pour cela combiner un certain nombre d'outils. L'outil central consiste à retrouver des capacités de production en Europe.
Thierry Breton est extrêmement actif sur ce sujet. Il rencontre les industriels et travaille avec eux pour s'assurer qu'ils sont capables de reprendre des productions ou de reconvertir certaines lignes. Il faudra faire figurer tous les outils nécessaires dans le plan de relance, y préciser les règles et la manière de financer les investissements pour que l'Europe retrouve la maîtrise de ses biens essentiels.
Cet objectif figurait déjà dans le programme de la Commission européenne, mais très centré sur les technologies avancées - défense, intelligence artificielle, 5G. Aujourd'hui, on voit qu'il faut revenir à l'essentiel et garantir la souveraineté de manière beaucoup plus large. Le Président de la République est très investi sur ce sujet.
Je reviens sur les questions agricoles, pour remarquer que la Commission européenne a agi de manière réactive concernant la pêche et accepté des mesures de stockage.
Vous avez, concernant l'article 222 de l'OCM, rappelé le rôle joué par Michel Dantin. La France avait également apporté sa contribution à l'époque. Il faudra voir, à l'avenir, s'il faut renforcer la PAC et faciliter la mobilisation de cet instrument.
Le projet de cadre financier pluriannuel, monsieur le président, a connu plusieurs versions. Nous sommes aujourd'hui dans une phase de réflexion et de concertation avec la Commission européenne et le président du Conseil européen, Charles Michel.
La présidente de la Commission européenne voudrait que le cadre financier pluriannuel soit adapté dès mai ou juin de façon à ce qu'il entre en vigueur dans les temps, ce qui implique de régler les difficultés restées en suspens fin février et revoir profondément ce budget pour qu'il soit adapté à la relance et à l'après-crise.
La Commission européenne propose de regrouper les négociations dans un cadre intégré qui serait adopté dans les prochaines semaines. C'est très ambitieux. Ce serait la meilleure solution. Il faut savoir si cela recueillera l'accord de tous.
On peut aussi prévoir, comme le suggère le Parlement européen, de fonctionner avec des budgets annuels en dehors du nouveau cadre financier. C'est possible. Le cadre financier n'est pas indispensable. Il avait été inventé à l'époque par Jacques Delors pour permettre une prévisibilité en matière de cohésion, mais les règles permettent de fonctionner avec des budgets annuels. C'est toutefois plus incertain. Cela pose des questions de reprogrammation, de prolongation des instruments existants. La règle veut, dans ce cas, que les plafonds atteints en 2020 constituent les plafonds de dépenses en 2021.
Par ailleurs, les rabais disparaîtraient s'agissant des recettes. Ceci avait été prévu en 2013, lorsqu'on avait adopté le cadre actuel. Il y aurait donc une négociation à mener avec les pays qui en sont actuellement bénéficiaires.
Cette possibilité permettrait à l'Union européenne de fonctionner et de tirer des leçons de la relance sans nouveau cadre financier pluriannuel. Elle peut se combiner avec notre idée d'un fonds de relance qui viendrait en complément.
M. Jean Bizet, président. - Merci.
La réunion est close à 12 heures 35.