Mercredi 20 mai 2020
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La téléconférence est ouverte à 9 h 30.
Communications (en téléconférence)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Avant de passer à l'ordre du jour de notre réunion et en attendant que chacun puisse se connecter, je vous informe que le Président du Sénat a invité ceux qui le souhaitent à faire part de leur intérêt pour participer à la deuxième session du Cycle des hautes études de la culture (CHEC), consacré cette année au thème « Écologie et culture ».
Cette session débutera en septembre prochain et prendra la forme de neuf modules de deux à trois jours par mois - généralement les jeudis et vendredis, organisés à Paris et en province.
Je vous invite à prendre connaissance du programme détaillé de cette session et, si cette formation vous intéresse, à faire acte de candidature auprès du Directeur général des missions institutionnelles avant le 15 juin prochain.
Conséquences de l'épidémie de Covid-19 - Travaux des groupes de travail sur les secteurs « Presse », « Industries culturelles » et « Enseignement supérieur » - Communications (en téléconférence)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'ordre du jour de notre réunion appelle à présent la présentation des conclusions de quatre des douze groupes de travail créés par le bureau le 14 avril dernier et chargés d'étudier les conséquences de la crise sanitaire sur l'ensemble des secteurs d'activité relevant des compétences de notre commission.
Pour cette première séance de restitution, je donnerai la parole successivement à Michel Laugier pour le groupe « Presse », Françoise Laborde pour le groupe « Industries culturelles », Stéphane Piednoir pour le groupe de travail « Enseignement supérieur » et Jacques-Bernard Magner pour le groupe « Jeunesse et vie associative ».
Avant de leur céder la parole et de débattre ensemble de leurs préconisations, je tenais à remercier les animateurs et l'ensemble des membres des groupes pour leur disponibilité, leur assiduité et leur investissement au cours des semaines écoulées.
Le travail accompli par chacun est d'autant plus remarquable qu'il est transpartisan. Il mérite à présent d'être rendu public dans la perspective de l'examen des prochaines mesures d'urgence mais aussi et surtout du projet de loi de finances rectificative programmé en juin.
Je vous propose que chaque animateur procède dans un premier temps à la présentation des conclusions de son groupe de travail pendant une dizaine de minutes, son propos pouvant être bien entendu complété par les membres du groupe.
À l'issue de chaque présentation, nous pourrons échanger sur les propositions réalisées avant d'autoriser, de manière consensuelle, la mise en ligne de la note de synthèse sur la page internet de la commission.
Monsieur Laugier, vous avez à présent la parole pour le groupe de travail « Presse ».
M. Michel Laugier. - Le groupe de travail sur la presse est composé de Max Brisson, Céline Brulin et David Assouline. Je les remercie au passage pour la qualité de notre travail commun et de nos échanges durant cette période.
C'est un constat que nous allons tous partager dans nos secteurs respectifs, et au-delà, dans l'ensemble des commissions : la situation de la presse est critique. Pas dans toute la presse, certaines familles s'en sortant mieux que d'autres, notamment en fonction de leur plus ou moins grande dépendance à la publicité et de la part d'abonnements, mais dans une partie significative du secteur.
Le groupe de travail sur la presse a procédé à plusieurs auditions, qui ont ainsi toutes souligné les difficultés du secteur.
Cependant, si on observe les choses avec un peu de recul, on constate que la presse ne vit pas la crise unique de la Covid, mais trois crises simultanées qui, toutes ensemble, ne font que souligner ses faiblesses structurelles.
Tout d'abord, la transition numérique en cours peine à déboucher sur un équilibre économique viable. En dépit des efforts des titres pour concevoir et alimenter des sites internet et promouvoir les consultations en ligne payantes ou rémunérées par la publicité, l'habitude de la gratuité comme la captation massive de valeur opérée par les plateformes en ligne ont détérioré les comptes au point de mettre en danger l'existence de nombreuses publications. La loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, adoptée sur la base d'une proposition de loi sénatoriale de notre collègue David Assouline, n'a pas encore pu produire ses fruits en raison de l'opposition ferme de Google et Facebook. La décision de l'Autorité de la concurrence du 9 avril 2020, qui enjoint aux plateformes de négocier avec les éditeurs la rémunération qui leur est due, ainsi que les transpositions en cours dans les autres pays européens, pourrait cependant, dans les prochaines semaines, permettre de déboucher sur une solution, si l'on veut bien être optimiste.
Ensuite, « l'éternelle question » de Presstalis s'est de nouveau imposée dans les débats. Je ne reviens pas sur le feuilletonnage presque quotidien des annonces, alliances et revirements, on est plus dans « Games of Thrones » que dans une discussion sérieuse. Le vote de la loi d'octobre 2019 de modernisation de la distribution de la presse, dont nous avions été saisis en premier lieu, offre un cadre adapté pour le futur, mais n'a jamais eu pour objet de solder le passif financier, et oserais-je dire moral, d'une entreprise qui survit depuis des années grâce à des transferts publics massifs et au soutien « à bout de bras » des grands éditeurs qui sont aussi ses actionnaires et qui paient aujourd'hui des errements de gestion dont ils sont, en partie au moins, comptables. Dernièrement, et alors même que la situation syndicale semblait constructive, la grève portant sur la distribution des quotidiens nationaux dans certaines régions illustre la crispation d'un dossier qui attend maintenant son règlement judiciaire sans cesse repoussé. Pour résumer, nous sommes dans un marais, la seule certitude étant que la solution coûtera certainement cher, une nouvelle fois, à l'État.
Enfin, les conséquences du confinement impactent durement un secteur déjà largement fragilisé. La diffusion a diminué de 20 % en moyenne, les recettes publicitaires de 80 %. Les activités de diversification dans l'évènementiel sont pour leur part au point mort. Les titres sont donc confrontés à une chute simultanée de l'ensemble de leurs sources de revenus. Cette situation est d'autant plus paradoxale que la fréquentation des sites a plus que doublé la première semaine de confinement et demeure à un niveau très élevé. Cependant, ce regain d'intérêt, signe au demeurant positif de la confiance que les Français accordent à leur presse, ne se traduit pas par des revenus suffisants, loin s'en faut.
Il faut donc envisager, et appeler à une prise de conscience de ce triple étau qui enserre la presse, une action de soutien concertée, qui ne se limite pas à des réponses purement conjoncturelles à la crise actuelle, mais offre également un cadre clair et stabilisé pour le monde « post-covid ».
Premièrement, un soutien financier urgent doit être envisagé.
Frappant un secteur déjà largement fragilisé, la crise de la covid appelle un soutien financier d'ampleur. Si je parle « d'ampleur », c'est évidemment au regard du secteur, d'une taille finalement modeste par rapport à tant d'autres, je pense à l'aviation ou au transport. Cette aide peut prendre plusieurs formes :
Tout d'abord, il est possible de monter un fonds de soutien spécifique, mais aussi de s'appuyer sur les outils déjà existants comme le Fonds stratégique pour apporter dès le prochain collectif budgétaire un soutien financier aux titres de presse.
Ensuite, il est possible de concentrer sur la presse les campagnes de communication institutionnelle du Gouvernement, de préférence aux plateformes numériques. C'est une mesure finalement simple et, oserais-je dire, de souveraineté, un terme qui revient à la mode !
Enfin, et c'est plus complexe, il y a l'outil fiscal. Plusieurs mesures fiscales destinées à soutenir la presse sont à l'étude, certaines évoquées dans le plan filière présenté par la presse IPG (Information de politique générale) en avril 2019. Pour l'heure, nous ne disposons ni d'évaluations financières, ni d'études d'impact, sur des mesures comme un crédit d'impôt sur les abonnements à la presse, ou bien une TVA à 0 % sur les publications de presse, une mesure par ailleurs déjà appliquée en Belgique.
La question d'un crédit d'impôt spécifiquement destiné à relancer le marché de la publicité est plus complexe. Elle s'est imposée dans les débats et reçoit aujourd'hui un large soutien, qui dépasse le cadre de la presse puisque les médias audiovisuels sont également intéressés, ce que Jean-Pierre Leleux pourra nous confirmer.
Je note cependant deux types de problèmes.
Le premier est que si l'initiative semble soutenue par le ministère de la culture, elle ne l'est pas encore, loin s'en faut, par Bercy. Je peux comprendre au passage cette position : chaque secteur recherche activement à obtenir telle ou telle mesure.
Second problème, et d'après les échanges que nous avons eus, la mesure ne fait en réalité pas consensus sur ses contours, ni même sur sa pertinence, au sein même de la profession. Son champ est incertain : faut-il une mesure large qui rassemble tous les médias, au risque de la diluer et d'en faire profiter certains acteurs moins légitimes que d'autres, ou bien la resserrer sur les médias d'information - qu'il faudrait alors circonscrire, une telle définition n'existant pas dans notre droit - ? En tout état de cause, il faudra veiller à ce que cette mesure ne bénéficie pas en premier lieu aux grands vainqueurs de la période que sont les plateformes en ligne. Son mécanisme enfin n'est pas encore clair : faut-il une mesure ciblée sur les annonceurs, qui déduiraient alors une fraction des dépenses de publicité de leurs impôts, ou bien centrée directement sur les diffuseurs, suivant des modalités qui restent à définir ?
Comme vous le voyez, la définition de ces paramètres occasionnera sans nul doute des incompréhensions entre, d'un côté, les tenants de l'orthodoxie budgétaire et de l'autre, ceux d'un soutien massif, mais également au sein même de la profession, entre différents types de médias (presse écrite, télévision, radio...) et au sein même des familles, où chacun estimera qu'il doit en bénéficier.
Deuxièmement, il faut donc s'attaquer aux difficultés structurelles de la presse.
Notre commission mène depuis plusieurs années une action déterminée pour faire évoluer la législation en faveur de l'indépendance éditoriale, mais également économique de la presse, que ce soit en anticipant l'adoption de la directive sur les droits voisins, que la France a été la première à transposer, qu'en amendant en profondeur la loi sur la modernisation de la distribution.
Sur ces deux dossiers cependant, qui constituent les deux défis les plus structurels du secteur, il reste encore du chemin à parcourir, ce qui est rendu d'autant plus criant que la crise actuelle agit comme un révélateur de faiblesses plus anciennes.
Les deux orientations suivantes devraient donc être suivies.
Tout d'abord responsabiliser les acteurs du dossier « Presstalis ».
Nous assistons ces derniers jours à un véritable festival de déclarations, contre-déclarations et jeux de rôle. A la clé, cependant, il y a le sort de près de 1 000 salariés et la distribution de la presse dans le pays. Dans les jours prochains, les négociations devraient aboutir à une solution dont on connait déjà finalement les grandes lignes, à savoir la constitution d'une messagerie unique autour des MLP, messagerie à laquelle les quotidiens nationaux sous-traiteraient la distribution de leurs flux. La non-distribution des quotidiens nationaux dans certaines régions suite à une grève constitue une épreuve supplémentaire dont la filière aurait pu faire l'économie.
Il faut cependant conditionner toute aide supplémentaire de l'État à l'émergence d'une solution acceptée par une grande majorité des éditeurs et qui règle enfin pour les prochaines années la question de la distribution. Cette solution ne doit cependant pas reposer exclusivement sur des financements publics, mais faire contribuer les actionnaires.
Ensuite, il faut durcir le rapport de force avec les grandes plateformes en ligne.
Il est impératif de soutenir, au besoin par de nouvelles dispositions législatives, les efforts des éditeurs pour obtenir des plateformes la juste rémunération de leurs publications, en application de la loi sur les droits voisins. L'attitude non coopérative de Google et Facebook a été une première fois fragilisée par la prise de position récente de l'Australie qui a décidé d'imposer des droits voisins, ainsi que par la décision de l'Autorité de la concurrence, qui constitue une défaite pour les plateformes en leur imposant d'ouvrir sans tarder des négociations.
Il est de notre devoir, aujourd'hui, de poursuivre notre mobilisation et surtout, de maintenir une saine pression sur les géants du numérique.
Voilà, mes chers collègues, les principales conclusions de notre groupe de travail. La presse est plus que jamais nécessaire à notre équilibre démocratique, et doit être protégée, mais avec discernement !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie monsieur Laugier pour cet excellent rapport et invite à présent les autres membres du groupe de travail à prendre la parole. Souhaitent-ils s'exprimer ?
M. David Assouline. - Je salue à mon tour la qualité de ce rapport qui recense l'ensemble des problématiques du secteur. Il démontre que la situation est catastrophique et de surcroît sans perspectives très positives.
Les abonnements par internet ont augmenté - la mutation en cours s'en trouve ainsi accélérée - mais le problème majeur est que pour compenser les pertes financières, alourdies par les pertes publicitaires, il faudrait trois abonnements internet pour un abonnement « papier ». Nous en sommes loin.
Le secteur de la presse attend également beaucoup de l'application de la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Je rappelle que sous l'injonction de l'Autorité de la concurrence, les négociations entre Google et les éditeurs de presse devraient enfin reprendre.
A défaut de résultats, faut-il durcir la loi, sachant que j'avais jusqu'à présent miser sur leur bonne volonté ? Et dans quelle mesure pourra-t-elle l'être sans atteindre par ricochet des sites beaucoup moins prédateurs ?
Il conviendrait de transposer sans tarder les autres articles de la directive relative aux droits d'auteur et aux droits voisins afin d'imposer aux plateformes de contribuer au financement de la création. Nous aurons donc l'occasion d'en discuter dans les semaines à venir. Cela est d'autant plus important aujourd'hui que les nouveaux moyens financiers de la presse sont représentés en grande partie par ces revenus du numérique.
La presse papier, et avec elle sa diffusion sur le territoire, représente dans notre pays un grand acquis démocratique et une garantie du pluralisme d'expression y compris politique. Sa disparition est en jeu.
M. Max Brisson. - Je tiens à remercier à mon tour Michel Laugier pour la qualité de son animation du groupe et pour celle de son rapport très fidèle à l'esprit de nos travaux.
J'avoue avoir été impressionné par l'ampleur de la crise. Le Président du syndicat de la presse magazine a parlé d'un « infarctus Covid-19 sur un corps particulièrement malade et aux pathologies extrêmement nombreuses » et a communiqué les chiffres alarmants de la trésorerie du groupe Bayard presse. Je pense que nous devons alerter sur cet effondrement et insister sur l'urgence des mesures à prendre pour sauvegarder la trésorerie des principaux groupes de presse.
Le Gouvernement doit définir un modèle économique juste, qui ne bénéficie pas aux seuls prédateurs. Ce qui m'a surpris finalement, c'est que le constat est assez partagé. Les mesures à prendre obligent à des choix politiques forts et seront difficiles à mettre en oeuvre.
Nous devons poursuivre nos travaux pour continuer à être force de proposition.
M. André Gattolin. - Bravo pour ce rapport particulièrement intéressant. Je voudrais revenir sur quelques points soulevés par Michel Laugier. Concernant les aides à la presse, on se rend compte, au travers de la mission « remboursements et dégrèvements » qui représente le premier budget de l'État, que l'efficacité des crédits d'impôt est faible, surtout lorsqu'elle est généralisée.
Ainsi, le crédit d'impôt Annonceurs ne permettrait pas d'améliorer la trésorerie des quotidiens à très faibles ressources publicitaires, dont les revenus demeurent par définition presque exclusivement issus de la vente au numéro. L'exemple du Canard Enchaîné vient immédiatement à l'esprit.
Les crédits d'impôt n'ont de sens que s'ils sont ciblés. A l'instar du Président du groupe M6, Nicolas de Tavernost, auditionné par le groupe de travail « médias audiovisuels » dirigé par Jean-Pierre Leleux, je crois beaucoup à un crédit d'impôt « éditeurs » plutôt qu' « annonceurs », auprès desquels le risque d'une déperdition en ligne est réel. Les plans médias vont-ils rester identiques ? Vont-ils considérer la presse ou son volume, et à l'intérieur de la presse ? Quelles versions privilégieront-ils, internet ou papier ?
Une analyse en profondeur est nécessaire. Personnellement, je crois plus aux aides aux personnes, à la condition qu'elles soient ciblées - les journalistes, les intermittents, etc. - qu'aux aides aux structures.
Enfin, concernant les plateformes, une approche globale du secteur de la culture me paraît primordiale, même si elle revêt des logiques différentes selon que l'on parle musique ou production audiovisuelle et filmique. Pourtant, la question des plateformes se pose tout aussi bien pour une plateforme souveraine pour la presse écrite que pour le livre et l'édition.
C'est un peu le sens du travail que je mène avec mon collègue, Jean-Marie Mizzon, sur le livre numérique. Si nous sommes sous la domination des grands opérateurs, nous serons à la fois évincés en termes de référencement et les supports seront aspirés en termes de marge.
Par exemple, l'idée d'une plateforme souveraine pour l'écrit ne serait-elle pas plus puissante à l'échelle francophone - France, Belgique, Suisse, Québec - qu'à l'échelle nationale ?
Considérons aussi ce qui se passe dans d'autres pays : certains dirigeants de grands groupes de presse refusent toute aide directe du Gouvernement, comme en Suisse avec le groupe Ringier Axel Springer ?
Le développement de plateformes s'accompagnera du problème des réseaux de distribution physique. Si on développe une plateforme d'abonnements et de consultations internet aussi bien de la presse écrite que des livres, quid des diffuseurs de presse ? Quid de la librairie ? Il faudrait articuler tout cela, pour parvenir à faire des propositions ni trop globales ni trop incantatoires.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je salue à mon tour le rapport fort exhaustif qui vient d'être présenté par Michel Laugier. Je voudrais souligner deux points d'ordre général. Le premier porte, comme vous l'avez dit, sur la spécificité du secteur de la presse par rapport aux autres secteurs frappés par l'épidémie : il était déjà malade avant la crise laquelle lui assène le coup de grâce.
Et pour ce secteur également, l'enjeu n'est pas uniquement économique et social, il est démocratique. L'effondrement du pluralisme de la presse au travers des faillites qui risquent de s'ensuivre est un enjeu crucial dans les temps à venir. Ce premier point mérite une attention particulière.
Le deuxième point concerne les différentes mesures de soutien proposées. Elles sont légitimes, notamment dans le cas gravissime de Presstalis, mais elle m'inquiète de par leur volume non estimé, et ce dans tous les secteurs. Il me semble nécessaire et pragmatique de faire l'addition de ces mesures et d'estimer le volume de toutes les aides préconisées. Il en va de notre responsabilité budgétaire.
Plus particulièrement, je voudrais saluer l'initiative de l'audiovisuel public, et notamment France 2 qui chaque soir, au journal télévisé de 20 heures, invite un rédacteur en chef de la presse écrite pour promouvoir la lecture d'un journal particulier en présentant son édition du lendemain.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie chers collègues pour ce travail. L'accélération de la digitalisation du monde évoquée par André Gattolin doit en effet nous projeter dans une large réflexion sur notre écosystème. Je pense que Françoise Laborde évoquera des problématiques similaires liées à la dépendance des plateformes qui sont aujourd'hui incontournables, dans le domaine de la culture en général et de notre économie en particulier.
Je suis tout à fait favorable à ce que nous menions une large réflexion sur ce sujet, tout secteur confondu, dont celui de l'audiovisuel, Jean-Pierre Leleux le sait bien. Face à ces grands bouleversements, nous devons être fermes face aux géants du numérique, faire appliquer les différentes directives et trouver des partenaires européens pour faire avancer notre cause. La réouverture de la directive e-commerce peut constituer une des solutions.
Dans mon département, les quotidiens écrits, pas seulement Paris Normandie, m'ont alertée ces derniers jours sur le fait qu'ils étaient au bord de la rupture. Les difficultés préexistantes s'accélèrent et nous sommes projetés dans le monde d'après avec un nouveau modèle économique à imaginer, plus vertueux, tout en tentant de sauver l'existant.
Je soutiens pleinement les conclusions du rapport.
Au regard de ce que je viens d'évoquer et pour rester dans une certaine cohérence d'un point de vue diagnostic, j'aimerais que l'on aborde maintenant les industries culturelles. Je donne donc la parole à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. - Notre groupe de travail a procédé à plusieurs auditions dans l'ensemble des secteurs des industries culturelles. Je remercie chaleureusement mes collègues - Marie-Thérèse Bruguière, Laure Darcos, Colette Mélot, Jean-Marie Mizzon, Michel Laugier et André Gattolin - pour la qualité de nos échanges et la richesse des questions posées aux différents intervenants.
Du fait des problématiques similaires au sein des différents secteurs, comme vient de le souligner notre présidente, j'ai transmis le rapport aux animateurs des autres groupes de travail.
Mon propos va tenir en trois points, qui sont autant d'impératifs pour le monde des industries culturelles : anticiper, compenser, se projeter.
Anticiper tout d'abord : la levée partielle du confinement depuis le lundi 11 mai ne signifie pas, vous le savez, la reprise du cours normal de nos vies. Cela est encore plus vrai dans le domaine des industries culturelles. Si les librairies ont pu ouvrir leurs portes, les salles de cinéma sont encore dans l'expectative et confrontées à un défi majeur.
Dès lors, et c'est sa première préconisation, le groupe de travail souhaite qu'un message clair et univoque soit porté sur la réouverture des salles, afin d'éviter qu'elles ne soient vides - ce qui accentuerait encore les difficultés des exploitants - ou qu'elles doivent fermer de nouveau si des cas de contamination y étaient enregistrés. Cela sera d'autant plus facile que des conditions sanitaires claires auront été posées et acceptées et surtout, que la décision aura été prise avec au moins cinq semaines d'avance. Cela implique également l'édiction, par les professionnels, de règles sanitaires claires, qui doivent être validées, comme cela a été le cas pour les librairies, par les pouvoirs publics.
Ensuite, du côté des tournages, le Président de la République a annoncé le 6 mai la mise en place d'un fonds d'indemnisation. Il est essentiel que ses contours et son financement, en lien avec les collectivités locales et les assurances, soient rapidement définis. De même, il faut encourager les travaux actuellement menés pour permettre aux tournages d'être assurés. Au passage, je pense que l'on peut souligner l'attitude décevante des assureurs sur l'ensemble de l'épisode, ils ne se sont clairement pas montrés à la hauteur et, là encore une réflexion devra avoir lieu.
Après l'épisode d'anticipation de la reprise d'activité, il est temps de passer à la compensation pour éviter la débâcle.
Les premières estimations de pertes évaluent la destruction de valeur due à la crise à 8 à 10 milliards d'euros pour les industries culturelles et créatives. Ces pertes sont pour une bonne partie irréversibles : les festivals déprogrammés ne pourront pas être organisés, des livres et des films ne pourront pas sortir, entraînant des revenus nuls pour les exploitants comme pour les auteurs.
La crise a des conséquences financières dramatiques pour toute la chaîne de valeur. Il faut fortement attirer l'attention sur ce fait, et prendre conscience que la relance passera tout d'abord par des mesures massives de compensation.
Ce cas n'est pas unique : le tourisme, l'aéronautique, l'automobile, tous vont recourir à des capitaux publics, dans des proportions d'ailleurs considérables - sept milliards d'euros pour Air France par exemple.
Il faut cependant prendre en compte la spécificité des industries culturelles, dont le coeur d'activité, qui est le contact, la création, les sorties, est spécifiquement fragilisé.
Pour donner un ordre d'idée : les libraires estiment les mesures nécessaires entre 40 et 50 millions d'euros jusqu'en septembre ; dans le domaine de la musique, la SACEM évalue sa perte à 250 millions d'euros, soit environ 170 millions de droits qui ne seront pas versés aux auteurs ; le CNC, qui prend une part active pour soutenir les entreprises du secteur, estime à 120 millions d'euros ses pertes, essentiellement en raison de l'arrêt de la perception de certaines taxes. Ce chiffre pourrait encore augmenter en fonction de la date de réouverture des salles de cinéma.
Pour lors, le Président de la République a annoncé une dotation de 50 millions d'euros au Centre national de la Musique, ce qu'il faut saluer pour cette institution portée sur les fonts baptismaux cette année, notamment suite au travail de notre commission et du rapporteur Jean-Raymond Hugonet.
Ces données encore très partielles illustrent, selon le groupe de travail, l'ampleur des efforts budgétaires qu'il faudra très vraisemblablement consentir, simplement pour ne pas voir des pans entiers de l'économie française s'effondrer.
Il faut également, en matière de soutien, tenir compte du décalage dans le temps de l'impact de la crise.
Il se fera durablement sentir durant plusieurs mois ou années. Par exemple, les revenus des auteurs et des ayants droits seront plus particulièrement affectés en 2021, au moment d'une répartition des droits qui couvrira la période de confinement.
Le groupe de travail appelle donc les pouvoirs publics à considérer sur le temps long les effets de la crise, et à agir de manière concertée et massive le plus rapidement possible pour rassurer le secteur et conforter la viabilité de son modèle économique.
Enfin, mon dernier point porte là où nous devons aussi intervenir : se projeter dans l'après.
Les mesures provisoires prises notamment avec la loi du 23 mars 2020 ont permis au secteur de ne pas connaître un effondrement. La situation étant pour encore longtemps loin de la normalité, il convient d'ores et déjà d'en prévoir et d'en annoncer la prolongation, en particulier en ce qui concerne la capacité des Organismes de gestion collective à utiliser les crédits d'action culturelle pour venir en aide à leurs sociétaires ou les mesures dérogatoires de la chronologie des médias.
Il faut aussi organiser une sortie progressive des mesures de chômage partiel. Les différentes industries culturelles en contact avec le public ne pourront en effet pas retrouver un niveau d'activité comparable à la période précédente en quelques semaines.
Plus fondamentalement, la crise du coronavirus a accentué des déséquilibres déjà existants et accéléré des évolutions. Je ne reviens pas sur le sujet très largement débattu dans notre commission, notamment sous l'impulsion de notre Présidente, de la place absolument menaçante prise par les géants du numérique, qui ont encore renforcé leur emprise. Je ne voudrais cependant pas adopter une attitude dogmatique : nous avons tous été heureux de pouvoir conserver un lien entre nous et avec nos familles par le biais des outils numériques, et nombre d'entre nous ont pu se détendre en profitant des plateformes en ligne. Simplement, il faut aussi prendre conscience que le revers de cette médaille peut être la captation de nos données et la constitution de monopole qui menacent à terme nos démocraties.
Il serait dès lors grand temps, probablement en lien avec nos collègues des autres commissions, de travailler à un rééquilibrage des conditions de concurrence, je pense par exemple aux tarifs postaux pour le livre, qui ne permettent pas aux libraires de lutter contre Amazon, ou bien à l'absence d'une plateforme souveraine de livres numériques, un sujet sur lequel travaillent nos collègues André Gattolin et Jean-Marie Mizzon.
Dans ce contexte particulier, il nous faut prendre position sur un élément déterminant pour la reprise du secteur à moyen terme. Comme vous le savez, la transposition des directives « Service Médias audiovisuel » (SMA) et « droits d'auteur » est prévue au titre premier du projet de loi « audiovisuel », avec une réforme de l'audiovisuel public et de l'ensemble de la régulation. La première de ces directives permet d'imposer aux plateformes en ligne des obligations d'investissement dans la production nationale et la diversité. Cet apport de financement serait d'autant plus utile que l'industrie souffre énormément, alors que les plateformes comme Netflix ont engrangé les succès.
Dès lors, la question d'une transposition rapide se pose, et est réclamée par l'ensemble de la profession. A ce stade, et compte tenu de son volume, il semble illusoire d'imaginer que l'examen du projet de loi puisse reprendre en l'état, car il occuperait la quasi-totalité de l'ordre du jour restant. Dès lors, l'idée d'une ordonnance de transposition des directives parait séduisante à beaucoup, mais ne peut que nous frustrer d'un débat que nous attendons tous depuis des années pour enrichir, compléter, améliorer le texte. Il y a là une ligne de crête complexe.
Voici ma position, que je soumets au débat : depuis près d'un an, la profession, je parle des producteurs, des chaînes, des réalisateurs, n'est pas capable de se mettre d'accord sur certains grands équilibres, qui sont en réalité autant de paramètres nécessaires avant d'aller mener les réelles négociations avec les grandes plateformes. Une accélération de la procédure législative ne permettrait donc de faire contribuer rapidement les plateformes que si les positions se sont rapprochées. Or l'exemple de l'interminable débat sur la chronologie de médias ne nous incite pas à l'optimisme quant à la capacité des professionnels à travailler ensemble... Dès lors, je pense que nous ne devrions accepter d'être d'une certaine manière privés d'un débat passionnant que si notre renoncement est utile à tous et permet, dès le 1er janvier prochain, au nouveau système de se mettre en place. Telle est la position que je soumets à votre appréciation.
Voilà, mes chers collègues, les principaux enseignements que tire le groupe de travail de ses auditions. Nous mesurons bien l'ampleur du chemin à parcourir !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie pour cet excellent travail. Je vais à présent donner la parole aux membres du groupe.
Mme Colette Mélot. - Je tiens simplement à féliciter Françoise Laborde et les membres du groupe pour la qualité du travail accompli. Je souscris entièrement aux propos de Françoise Laborde.
Mme Laure Darcos. - J'ai pu assister à la moitié des auditions de ce groupe de travail auquel j'ai été ravie de participer et je souscris également aux propos de Françoise Laborde.
Je tiens à souligner que, dès le début du confinement, les industries culturelles ont été très réactives pour mettre en place un plan d'urgence, dans le secteur du livre, mais aussi avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Les organismes de gestion collective ont en effet été très présents auprès des auteurs et acteurs qu'ils représentent. Par contre, comme l'a dit David Assouline hier dans l'hémicycle, ils sont tous en attente d'un vrai plan de relance de la part du Gouvernement, à l'instar de celui proposé pour le tourisme, et il serait dramatique qu'il ne voie pas le jour.
En ce qui concerne le livre, que je connais particulièrement, le livre numérique, cher à André Gattolin, a été un palliatif, les éditeurs le confirment, uniquement pour les lecteurs déjà adeptes de cette pratique. La crise n'a pas ouvert de public supplémentaire et ce secteur continue de stagner. Réouvrir les librairies, en conformité avec la sécurité sanitaire, est donc essentiel, décision qui a provoqué de grands débats au sein du syndicat de la librairie française.
Je soutiens la proposition de Françoise Laborde, plébiscitée par les acteurs concernés, de voir le tarif postal Fréquencéo appliqué aux livres. Il est inadmissible qu'ils n'en aient pas bénéficié alors que d'autres secteurs ont pu l'utiliser, notamment de grands fournisseurs comme Amazon.
Je précise que la petite librairie du coin n'a pas les moyens de s'équiper en gels hydro-alcooliques et en matériels sanitaires, indispensables pourtant dans un commerce où l'acheteur est amené à feuilleter et donc touché la marchandise. Certaines régions vont heureusement pouvoir les aider.
Je partage également l'avis relatif aux assurances, notamment pour les tournages, qui n'ont pu reprendre faute de garanties de la part des assureurs. Même chose pour les enregistrements musicaux, interrompus alors que les studios auraient pu être désinfectés, notamment par les artistes.
Je suis plus dubitative quant à la chronologie des médias et sur le retour dans les salles de cinéma. Autant les spectacles vivants et les livres sont dans notre ADN, autant je crains que le confinement ait habitué les gens à regarder les films en VOD. Beaucoup de professionnels du secteur estiment que le retour dans les salles de cinéma pourrait entrainer certaines réticences.
S'agissant de la chronologie des médias, je note que les acteurs du secteur ont jusqu'à présent toujours réussi à se mettre d'accord pour éviter que le Parlement ne se saisisse du sujet, même le couteau sous la gorge. Mais la situation aujourd'hui nous amènera peut-être à arbitrer vis-à-vis de certains acteurs du secteur, Netflix par exemple, Canal+ ayant l'air de vouloir se désengager complètement des financements à venir sur la production cinématographique, d'autant plus qu'ils risquent d'être rachetés par des Américains ou des Chinois.
Mme Françoise Laborde. - Je voudrais préciser que Canal+ ne réagit également que lorsque ses dirigeants ont le couteau sous la gorge, pour reprendre l'expression de Laure Darcos.
M. Michel Laugier. - Je salue l'excellent travail réalisé par ce groupe.
Pour revenir sur la question des mesures financières évoquée par Jean-Pierre Leleux, on va se heurter là aussi aux mêmes difficultés. Toute aide représente un coût et nécessite une estimation.
M. André Gattolin. - Je ne partage pas l'avis de Laure Darcos sur le fait que le livre numérique n'aurait été, pendant le confinement, qu'un palliatif.
J'auditionne beaucoup d'éditeurs actuellement, et Antoine Gallimard nous a fait part d'une progression de 40 % durant cette période. Le transfert du physique vers le numérique est lié aux pratiques des lecteurs c'est vrai, mais aussi au fait que les éditeurs, après avoir investi dans la numérisation des livres, s'en sont largement retirés depuis cinq ans. C'est parce que l'offre est limitée que le transfert est faible. L'inverse aurait cependant pour conséquence le risque de voir disparaître les petits éditeurs indépendants et surtout les petites librairies indépendantes.
Par ailleurs, je suis assez agacé d'entendre parler uniformément des plateformes : certaines sont pourtant monothématiques et d'autres plurithématiques. Concernant l'usage des données personnelles, il faut dissocier Netflix qui ne vend pas ses données personnelles, qu'il n'exploite qu'en interne conformément à sa charte, d'une société comme Amazon qui, au travers d'Amazon Prime, utilisent les données de son offre cinéma et de son offre marchande générale pour constituer une base de données globales.
En matière de plateforme souveraine, je rappelle que la première proposition remonte au rapport que j'avais réalisé avec Bruno Retailleau sur le jeu vidéo en 2013, où nous préconisions aux pouvoirs publics de créer une plateforme indépendante du jeu vidéo français ou francophone. C'était le seul moyen de résister à Steam, l'équivalent de Netflix, Apple ou Amazon dans le jeu vidéo, mais nous n'avons pas été suivis. J'appelle donc à plus de transversalité dans notre réflexion.
Je terminerai avec le cas du Centre national du cinéma (CNC) : le cinéma continue à être très bien financé. En comparaison, le système belge dépense moins d'argent et est beaucoup plus efficace aujourd'hui. Le CNC a fait des coupes sombres dans le domaine de la production audiovisuelle, cela nous a été dit par les représentants du groupe Newen : les séries sont moins financées ainsi que l'animation qui est pourtant l'un des grands secteurs de réussite dans l'exportation.
Le CNC préserve le cinéma, la directive SMA le lui permettra en bénéficiant de l'argent d'Amazon ou de Disney+ pour la production cinématographique. Mais il faut rester vigilant sur l'impact financier et sur la répartition du CNC pour soutenir les autres domaines.
Mme Laure Darcos. - Il est faux d'affirmer que les éditeurs se sont retirés de la numérisation : toute l'offre est maintenant simultanément proposée en papier et en numérique. J'ai exercé neuf ans dans ce secteur, les ventes numériques « plafonnent », on l'a constaté aux Etats-Unis.
Par contre, l'offre numérique progresse au niveau des prêts en bibliothèque ou médiathèque et a été davantage sollicitée durant le confinement, cela m'a été confirmé par les acteurs de ces structures. A l'achat, le livre numérique étant moins cher, la répercussion sur les ventes évoquée par Antoine Gallimard reste faible en termes de chiffres d'affaires. Le livre traditionnel a encore de beaux jours devant lui !
M. André Gattolin. - Mais je défends également le livre papier ! L'objet de mon étude est juste de comprendre pourquoi un secteur de la culture résiste à la numérisation,
Mme Sonia de la Provôté. - Mon intervention porte sur la question de l'animation qui vient d'être évoquée. Concernant le CNC, j'ai pu constater lors de nos auditions que l'animation et notamment l'animation française représente une part extrêmement importante des soutiens. Et j'ai eu des informations récentes démontrant qu'il s'agit d'un domaine où l'activité peut être maintenue, au niveau de la création comme au niveau de la production puisque les contraintes diffèrent de celles de la réalisation de films. Un certain nombre de studios sont en mesure de produire tout en respectant le protocole sanitaire.
Il me semble que ce domaine-là, où la France excelle, mériterait d'être accompagné, y compris dans le cadre d'un plan d'actions dans le domaine de la culture, à l'instar de celui pour le tourisme. Il représente un des facteurs de relance.
Quant au livre numérique, j'avais aussi entendu parler d'une augmentation de son accès, notamment chez Gallimard, mais le retour qui m'a été fait par les librairies qui ont rouvert dans mon département montre une présence accrue des clients. Il semble donc que la progression du livre numérique est plus une parenthèse que le fait d'un usage définitif en défaveur du livre papier.
M. David Assouline. - Françoise Laborde a soulevé dans son rapport une question que l'on aborde également dans notre groupe sur les médias audiovisuels, celle de la transposition de la directive afférente aux médias.
L'appréciation sur la conduite à tenir est selon moi la suivante : un grand débat semble compromis, la loi audiovisuelle est globalement enterrée, mais la question reste urgente et elle doit être traitée très rapidement, nous y avons tous intérêt.
La date du 1er janvier, annoncée par le Président de la République, déroge aux dispositions de la directive qui spécifie une transposition en France d'ici le mois de septembre. Il nous faut rester sur ce mois de septembre pour qu'elle puisse effectivement être adoptée au 1er janvier, on a pu le constater avec la loi que j'ai initiée sur les droits voisins, restée sans application un an après.
Plus la contribution des plateformes au financement des oeuvres audiovisuelles entre tardivement en application, plus nous aurons perdu de l'argent. Je suis prêt à soutenir l'adoption d'une ordonnance, le fait est assez rare, si et seulement si, en amont, nous sommes associés aux négociations, au sein des commissions des deux chambres, et avec toutes les forces politiques.
Ma seconde question porte sur l'animation et sur l'éventuelle fermeture de France 4. Faisant partie du conseil d'administration du CNC, je confirme que des initiatives ont eu lieu, notamment avec la SACD qui a ouvert un fonds de solidarité en faveur des auteurs.
Dans le cadre des auditions menées par le groupe de travail médias audiovisuels, Delphine Ernotte nous a indiqué que le ministre lui avait demandé de prévoir deux scénarios pour l'avenir de l'animation sur les chaînes du service public : l'un avec France 4, l'autre sans. Dès le lendemain, elle a envoyé les grilles de programmes correspondantes. Or, le ministre reporte de plusieurs semaines sa décision alors que la chaîne doit fermer dans onze semaines !
Serait-il envisageable que notre commission, représentée par notre présidente mais aussi par chacun de ses membres investis sur cette question de façon importante, interpelle publiquement le ministre pour lui demander le maintien France 4 ?
Ce serait un signal fort en direction de l'animation et de l'éducation des jeunes publics. Samia Ghali, maire adjointe à Marseille, m'a dit que dans certains quartiers de sa ville, où des élèves défavorisés sont dépourvus d'internet ou même d'ordinateurs, la chaîne a été un vecteur essentiel en matière d'éducation grâce aux cours qu'elle a diffusés dont la qualité a été constatée par tous.
Il nous faut à mon sens hausser le ton, non de manière vindicative, mais de façon à faire ressortir nos positions et peser dans la balance.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je partage cet avis sur France 4 et nous y reviendrons. Les problématiques qui viennent d'être soulevées correspondent à celles du groupe de travail sur les médias audiovisuels, je donne donc la parole à Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. - Le rapport présenté par Françoise Laborde, très exhaustif, met en exergue les passerelles qui existent entre les différents groupes de travail et j'adhère à votre suggestion, madame la présidente, de prévoir dans le rapport définitif une annexe réunissant les points transversaux traités par l'ensemble des groupes de travail.
Parmi ceux-ci, la reprise des tournages est un élément très important qui nécessite la création, comme l'a annoncé le Président de la République, d'un fonds auquel contribueraient les assureurs. Je partage en effet l'avis selon lequel ils sont défaillants, malgré les quelques centaines de millions d'euros qu'ils ont versés au fonds de solidarité globale. Il apparaît important que la création de ce fonds soit très rapidement engagée.
Cette reprise des tournages, que tous les producteurs et toutes les professions concernées souhaitent ardemment, inquiète du point de vue du chômage partiel. En effet, ils n'en bénéficieront plus à compter du 1er juin prochain. Or, si une seule personne est contaminée par le Covid-19 sur un tournage, c'est tout le plateau qui s'arrête.
Je ne reviendrai pas sur la notion de crédit d'impôt, qui mérite d'être étudiée même si sa mise en oeuvre est difficile. La presse en attend beaucoup. Avec un encadrement judicieux, le crédit d'impôt annonceurs pourrait être proposé dans le cadre du plan de relance.
Je partage l'avis de David Assouline sur les points relatifs à la directive SMA et à France 4. L'urgence de la transposition de la directive SMA mérite peut être d'être traitée par ordonnance, aux conditions exposées, en s'assurant d'être associés à sa rédaction et à sa validation ultérieure. L'urgence de sa production est patente et attendue par tous les acteurs de l'audiovisuel et du cinéma.
Enfin, concernant France 4, la chaîne a manifesté son utilité lors de la période de confinement et, sous réserve d'un certain nombre d'améliorations, demeure nécessaire dans le paysage audiovisuel dédié à la pédagogie et aux enfants. Je suis donc favorable pour mener une forte action de pression en direction du Président de la République, car c'est bien au plus haut niveau de l'État que la suppression de cette chaîne a été décidée.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Avant de conclure, je donne la parole à Françoise Laborde qui souhaite peut-être réagir sur l'ensemble des propos formulés.
Mme Françoise Laborde. - J'ajouterai peu de choses. Les propos tenus font bien ressortir la nécessité d'une transversalité, nous en sommes tous conscients. Concernant la chronologie des médias et la transposition nous sommes d'accord sur leur urgence, et sur le fait d'y travailler de façon constructive et efficace. Avec ou sans ordonnance ? Cela reste un important sujet à traiter, comme celui du passage dans l'hémicycle et le travail en totale concertation comme conditions impératives.
Je voudrais aussi remercier tous les membres de la commission, car nous n'avons pas travaillé chacun dans notre coin, les préconisations transversales en sont la preuve. J'avais d'ailleurs transmis en amont nos conclusions à chaque animateur des groupes de travail.
Je suis entièrement d'accord pour mettre la pression sur le Président de la République qui me paraît en effet être le véritable interlocuteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie. Notre conversation fait ressortir des sujets majeurs en résonnance avec les groupes de travail de notre commission mais aussi avec ceux d'autres commissions permanentes, comme celle des affaires économiques.
Vous avez évoqué la nécessité d'un rééquilibrage des règles de la concurrence ; il me paraît en fait qu'il faut avant tout les refonder, et ce au niveau européen. Aujourd'hui, les conditions du marché ne sont pas loyales et des abus de positions dominantes sont avérés.
André Gattolin a eu raison de souligner qu'il existe différentes sortes de plateformes et que l'on peut donc en promouvoir certaines, dès lors qu'elles respectent la protection des données. Nous espérons pour les autres, qu'elles finiront par verser à la création son juste dû, reverser une part de la valeur ajoutée captée par la circulation des contenus sur internet, s'acquitter de l'impôt, etc...
Concomitamment à la réouverture de la directive e-commerce, ces règles de la concurrence nécessitent d'être revues. Aujourd'hui, au niveau européen, dans des cas d'abus de positions dominantes, il n'existe pas de procédure de règlement des litiges, qui ne se règlent qu'après des années de procédures pour notifier les griefs et condamner certaines plateformes, comme Google. Ces mesures doivent d'ailleurs être définies en partenariat avec la commission des affaires économiques.
André Gattolin le sait car il faisait partie de la mission commune d'information sur la gouvernance d'internet dont j'étais rapporteure en 2015 : nous avions déjà énoncé tous les sujets et préconisations évoqués aujourd'hui. La régulation souhaitée se doit d'être offensive, pour voir appliquées les directives et ses transpositions, couplée à une politique industrielle puissante qui nous a fait défaut. Nous n'avons pas su investir dans les années 90, comme l'ont fait les Etats-Unis ou d'autres. La crise nous a fait prendre davantage conscience de cette situation, on a pu le constater avec l'épisode de l'application Covid-19.
J'ajoute que nous avons toujours bien travaillé avec la commission des affaires européennes. J'ai régulièrement des conversations sur ce sujet avec leur président, Jean Bizet, avec qui nous envisageons de reprendre un travail transversal, en lien encore une fois avec la commission des affaires économiques.
Par ailleurs, dans le cadre des plans d'urgence et d'accompagnement, voire de réflexions à la relance, le rôle des grandes collectivités territoriales n'a pas beaucoup été évoqué dans le rapport. Je rappelle que de par leurs compétences, les régions ont pris des mesures très importantes pour accompagner le secteur économique, y compris pour le secteur culturel. Il est vrai que les salles de cinéma et les librairies se situent entre les deux mais dans certaines régions, elles vont pouvoir bénéficier de l'accompagnement des dispositifs à la fois économiques et culturels.
La prise en charge des gels hydro-alcooliques et autre matériel de protection sanitaire, évoquée par Laure Darcos, est aussi l'exemple de ce soutien régional, tout comme leur accompagnement pour la reprise des tournages, leurs fortes contributions à la production cinématographique, aux résidences d'écriture, etc. Il me paraît important de rendre justice aux collectivités que nous représentons en intégrant ce point au rapport.
Mme Françoise Laborde. - Ce rôle essentiel sera largement évoqué dans le rapport.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - D'autant que toutes nos régions, villes et intercommunalités, vont veiller à ce que nos salles de cinémas ne ferment pas, après tout le travail entrepris pour les numériser. Je rappelle d'ailleurs que le Sénat a été l'initiateur de cette loi qui a permis cette numérisation. Ce maillage a été exceptionnel et nous allons être très attentifs à la réouverture des salles et de nos librairies.
Pour ma part, j'ai regretté que les librairies ne restent pas ouvertes durant la période du confinement ; elles me paraissent être plus faciles à gérer qu'un grand supermarché. En contingentant les clients qui entraient, on aurait pu les maintenir ouvertes.
Mme Laure Darcos. - Bruno Le Maire l'a également dit !
Mme Françoise Laborde. - Malheureusement le syndicat des libraires a pris cette décision de fermeture, à notre grand étonnement.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite que l'on puisse maintenant énoncer des propositions fortes que notre commission pourrait faire.
Concernant France 4, nous nous sommes tous mobilisés dès l'annonce de sa suppression par Françoise Nyssens et lors d'un récent conseil d'administration de France télévisions, dont je fais partie, ce sujet a été à nouveau évoqué avec la présentation de la nouvelle grille liée à la période de confinement. Delphine Ernotte a précisé que « l'écran allait être noir le 9 août » et que cela ne dépendait pas d'elle.
Je partage la position de David Assouline et de Jean-Pierre Leleux à ce sujet : il faut lancer une action forte, peut-être une lettre au Président de la République. J'ai trouvé regrettable à l'époque qu'on annonce la suppression d'une chaîne sans réflexion cohérente sur l'impact de cette décision, notamment sur le bouquet de chaînes et sur toute la filière animation, comme l'a dit Sonia de la Provôté. Je ne veux pas m'appesantir sur le sujet mais je pense en effet qu'il faut agir de manière forte.
Je pense par ailleurs que la transposition des dispositions de la directive SMA doit être réalisée de manière urgente. J'ai été sollicitée par l'ARP, société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs, et nous les avons entendus avec Françoise Laborde. Ils militent quant à eux pour l'adoption d'une ordonnance.
Je vais demander au secrétariat de travailler sur le sujet. La chronologie des médias reste un sujet sensible. J'en veux pour preuve l'action qu'avait menée Jean-Pierre Leleux, dans le cadre de la loi LCAP au travers d'un amendement qui a permis de retrouver un équilibre entre distributeurs et producteurs s'agissant des droits.
J'avais moi-même émis un rapport sur ce sujet, bien avant que le ministère de la culture s'en empare, mais malheureusement les travaux du Sénat n'ont pas été considérés. La médiation a été relancée et les acteurs concernés, comme Canal+ ou les exploitants cinématographiques qui sont les plus durs en termes de négociations, en ont profité pour faire traîner les choses.
Il convient que les acteurs se rendent compte que l'heure n'est plus aux chicaneries mais à la solidarité, sous peine de voir le système entier s'effondrer face à la concurrence extra-européenne, représentée notamment par Disney.
Accepter que cela puisse se faire sous forme d'ordonnance pourrait être conditionné au fait que les acteurs de la chronologie des médias se mettent rapidement d'accord.
Nous avons des pistes d'intervention et de travail très intéressantes qui regroupent le diagnostic de plusieurs groupes de travail.
M. David Assouline. - Je propose de nous en tenir à réclamer une transposition rapide des directives. Si le Gouvernement envisage l'adoption d'une ordonnance, nous en négocierons les conditions le moment venu.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - En effet. Je souhaiterais avoir l'avis de Jean-Pierre Leleux sur la démarche à suivre.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je suis par nature méfiant à l'égard des ordonnances et des lois d'habilitation. Mais si le Gouvernement nous associe à la rédaction du texte, nous pourrons en rediscuter.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous propose d'inviter le Gouvernement à transposer rapidement les dispositions de la directive.
Mme Françoise Laborde. - Je suis d'accord.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je donne maintenant la parole à Stéphane Piednoir qui va nous exposer la situation du secteur de l'enseignement supérieur.
M. Stéphane Piednoir. - Il me revient donc de vous rendre compte de cette partie des douze travaux herculéens de notre commission, preuve de la transversalité de ses prérogatives.
Le groupe de travail, que j'ai eu l'honneur d'animer, est composé de Mireille Jouve, Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Pierre Ouzoulias, Olivier Paccaud et Sylvie Robert. Il a mené un travail d'audition auprès des principaux acteurs du secteur, centré sur trois grandes problématiques : la continuité pédagogique, l'organisation des examens et des concours, l'accompagnement sanitaire et social des étudiants.
Fort de ces échanges et des remontées d'informations dont ses membres ont été destinataires dans leurs départements respectifs, il constate que la gestion de la crise sanitaire s'est caractérisée par une réponse globalement réactive et concertée de la part du ministère de l'enseignement supérieur.
S'agissant de la continuité pédagogique, apparue comme une priorité absolue, le groupe de travail salue l'incroyable mobilisation et la capacité d'adaptation des équipes tant pédagogiques qu'administratives pour accompagner les étudiants dans ce passage au « tout virtuel ». Ce constat ne doit évidemment pas masquer ni la diversité des situations ni les difficultés rencontrées.
Compte tenu de la fermeture des établissements jusqu'après l'été et des dernières déclarations de la ministre indiquant la poursuite d'un enseignement « hybride » à la rentrée de septembre, on peut s'attendre à une modification durable et en profondeur des pratiques pédagogiques, qui s'appuient davantage sur les outils numériques. J'ai eu l'occasion d'insister sur ce point lors du débat qui s'est tenu hier au Sénat, à l'initiative de notre commission.
S'agissant de l'organisation des examens et des concours, des adaptations étaient nécessaires au regard du contexte. La ministre a invité les universités, qui organisent traditionnellement des contrôles de connaissances au printemps, à procéder à des adaptations dans le cadre de trois orientations : la réduction du recours aux épreuves en présentiel ; en cas de maintien d'épreuves en présentiel, la nécessité de les organiser entre le 20 juin et le 7 août afin de limiter les perturbations sur l'année universitaire 2020-2021 ; le respect de règles très strictes d'organisation pour assurer la sécurité sanitaire des étudiants et des personnels mobilisés. Le groupe de travail approuve ces orientations qui posent un cadre général et national.
Le remplacement des concours post-baccalauréat par un examen des dossiers constitue sans doute la moins mauvaise des solutions en raison des protocoles sanitaires difficilement tenables, tout en préservant les chances de réussite des candidats.
Quant à la réorganisation des concours post-classes préparatoires, il faut saluer le bon travail du comité de pilotage, teinté d'un pragmatisme évident, pour parvenir à une vision concertée et convergente. Toutefois, la suppression des oraux d'admission, essentiels pour détecter les qualités et compétences des candidats, ne sera pas neutre sur les caractéristiques de la cohorte 2020 et devra être prise en compte durant le cursus en école.
S'agissant des concours externes de recrutement de l'éducation nationale, pour lesquels les épreuves orales d'admission ont été supprimées et remplacées par un oral de titularisation à l'issue de l'année de stage, le groupe de travail s'interroge sur la pertinence d'une telle mesure pour des personnes qui s'apprêtent à enseigner dès la rentrée prochaine.
Sur le volet sanitaire, la présidente du Cnous nous a indiqué qu'environ 50 000 étudiants avaient été confinés en résidence étudiante et qu'aucun foyer épidémique n'était à déplorer. Le groupe de travail salue la très forte mobilisation des personnels du Cnous, des Crous, des services de santé universitaires, des bénévoles associatifs, ainsi que des collectivités locales, qui ont continué à assurer leurs missions dans un contexte très anxiogène.
Sur le volet social, quatre leviers ont été activés pour venir en aide aux étudiants : les aides d'urgence des Crous ont été abondées de 10 millions d'euros ; les ressources issues de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) ont été mobilisées à hauteur de 80 millions, à destination des étudiants boursiers ou non ; le versement de bourses a été effectué dans les temps : se pose maintenant la question de leur éventuel maintien en juillet ; l'aide exceptionnelle de 200 euros, annoncée par le Premier ministre concernera 800 000 jeunes ayant perdu leur stage ou leur emploi, les étudiants ultramarins et les jeunes précaires ou modestes.
Ce constat général dressé, le groupe de travail appelle à la vigilance sur les points suivants :
- la transition entre le second degré et le supérieur qui pourrait s'avérer plus compliquée, compte tenu des bouleversements de l'année scolaire 2019-2020 - la crise sanitaire bien sûr, mais aussi les manifestations des gilets jaunes et d'autres évènements sociaux de l'hiver dernier - ;
- les limites de l'enseignement supérieur à distance au regard de la fracture numérique qui prive une part non négligeable d'étudiants de la continuité pédagogique, pour des raisons principalement techniques ;
- la mise en place des examens en distanciel qui interroge tant sur le plan de l'équité entre les candidats que des modalités de surveillance à distance au regard du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) ;
- l'organisation des concours en présentiel qui pose un vrai défi en termes de nombre de centres d'examens, des modalités de surveillance, des mesures sanitaires, des déplacements et de l'hébergement des candidats ;
- la clarification des moyens dédiés aux mesures d'aide aux étudiants, qui pourraient s'avérer sous-calibrés face à l'ampleur des besoins ;
- les conséquences financières de la crise sur les Crous qui vont accuser une forte baisse de leurs recettes d'exploitation, du fait du gel des loyers pendant le confinement.
Le groupe de travail formule aussi sept préconisations complémentaires pour une gestion des effets de la crise à moyen terme :
- étudier la mise en place d'une période de remédiation en début de première année universitaire ;
- inciter les universités à se préoccuper davantage de l'équipement informatique individuel des étudiants ;
- soutenir les formations professionnalisantes et accompagner les jeunes diplômés 2020 à s'insérer sur le marché du travail déjà fortement dégradé, au moyen de mesures incitatives à l'embauche, d'aides ciblées en faveur de la recherche d'emploi, de facilités pour le remboursement des prêts bancaires ;
- financer le prolongement des contrats doctoraux et postdoctoraux, dont il faudra préciser les conditions d'octroi, par une augmentation de la subvention pour charges de service public des établissements d'enseignement supérieur et de recherche ;
- encourager et adapter l'accueil des étudiants internationaux en communiquant davantage, en envisageant des mobilités plus courtes et plus ciblées, en simplifiant les procédures d'obtention de visa, en clarifiant la question d'une éventuelle mise à l'isolement de ces étudiants à leur arrivée ;
- mieux considérer les études de santé en assouplissant les critères de sélection en première année commune aux études de santé (Paces) pour cette année, en valorisant les stages effectués dans les services hospitaliers pendant la crise, en attribuant une prime exceptionnelle à l'ensemble des étudiants en médecine, étudiants infirmiers et étudiants techniciens de laboratoire mobilisés durant cette période ;
- réfléchir à la mise en place d'un plan ambitieux de rénovation des bâtiments universitaires comme facteur de relance économique.
Je tiens à remercier mes collègues qui ont participé aux auditions et qui ont nourri les conclusions de ce rapport de manière très consensuelle et très complémentaire.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci pour cette présentation très complète. Je vais maintenant donner la parole aux membres de ce groupe de travail.
M. Guy-Dominique Kennel. - Je remercie notre président de groupe dont vous aurez remarqué sa présentation synthétique et pédagogique.
Les auditions ont été très intéressantes et les préconisations émises, notamment pour la rentrée universitaire, mériteraient d'être mises en exergue auprès de la ministre en charge de l'enseignement supérieur. Les universités connaissent et vont encore connaître d'énormes problèmes, notamment au niveau sanitaire et social. D'un point de vue pédagogique, les cadrages réalisés et les préconisations empreintes de bon sens que nous faisons seront, je pense, probablement entendus.
J'ajoute que les difficultés sanitaires et sociales toucheront fortement les étudiants étrangers, qui sont assez nombreux - sur Strasbourg, ils représentent plus de 27 % des étudiants - et tous les étudiants en général. La crise a révélé un point inquiétant : la fracture existante entre les jeunes qui ont les moyens de pouvoir se procurer un certain nombre de supports et ceux qui ne les ont pas, qui doivent travailler pour se les procurer et donc consacrer moins de temps à leurs études. Nos préconisations à ce sujet nécessitent des moyens financiers supplémentaires, mais les étudiants en difficulté me paraissent constituer une priorité.
M. Laurent Lafon. - Je salue également le travail de rédaction et de présentation de Stéphane Piednoir qui restitue parfaitement nos constats et nos recommandations.
Si, dans le débat public, l'on a moins parlé du supérieur que du scolaire, c'est que la pédagogie par le numérique est plus facile pour des étudiants qui ont déjà l'habitude de ces outils. Or il connaît aussi de vraies problématiques dont deux que je souhaite souligner.
La première concerne l'orientation et plus particulièrement Parcoursup dont il a relativement peu été question, considérant sans doute qu'une plateforme numérique ne pouvait que continuer de fonctionner en cette période. Si cela est vrai techniquement, l'accompagnement dans la réflexion de l'élève de terminale par ses professeurs principaux, par le CIO ou lors des journées portes ouvertes, pour le guider dans ses choix, a été en revanche affecté par le confinement. Je crains que l'orientation des jeunes s'en trouve moins affinée que les années précédentes et qu'elle soit source pour eux de beaucoup de déceptions.
À cela s'ajoute un autre phénomène également évoqué, à savoir que les élèves de terminale ont vu leur année scolaire tronquée par la crise sanitaire et les différents mouvements sociaux et qu'ils vont se retrouver à la rentrée universitaire prochaine dans un environnement complètement différent auquel ils auront été mal préparés, et avec un certain retard scolaire. Une remédiation apparaît donc nécessaire pour tenter d'amoindrir l'augmentation du nombre d'échecs en première année qui pourraient en découler, qui sera perçu comme un échec personnel par les étudiants. Nous devons être attentifs à ce point de fragilité.
M. Pierre Ouzoulias. - Je remercie à mon tour Stéphane Piednoir pour avoir restitué avec autant de précisions notre travail commun. La crise exacerbe les dysfonctionnements mais lorsqu'on a l'habitude de travailler ensemble, ce qui avait déjà été le cas sur le dossier de suivi de Parcoursup, les méthodes de travail s'avèrent très efficaces en période de crise.
En ce qui concerne Parcoursup, je note que l'impossibilité de tenir des oraux a engendré un recours massif aux algorithmes pour trier les dossiers. Au regard de la décision du Conseil constitutionnel et de l'impératif de protection des libertés individuelles, il me paraît important de vérifier ce que ces algorithmes contiennent et de les rendre transparents.
En complément des propos tenus un peu plus tôt ce matin par notre collègue Jean-Pierre Leleux, relatifs au risque budgétaire, et dans le cadre de notre rôle de contrôle de l'utilisation des crédits votés, je précise que cette année, il a été constaté une faible consommation de certains crédits, notamment dans l'enseignement supérieur et la recherche, et une surconsommation d'autres. Nous avons besoin que le ministère fasse un bilan très précis des postes sur lesquels une rallonge substantielle sera nécessaire.
Je rappelle aussi l'enjeu majeur que représentent les thèses. Beaucoup d'étudiants ont été obligés d'arrêter la préparation de leurs thèses, faute d'accès aux bibliothèques et aux laboratoires. S'ils se trouvent dans l'incapacité de reprendre leur travail de thèse, on va continuer à perdre des docteurs et affaiblir l'influence de la recherche française dans le monde. Je regrette que dans le cadre de la loi, le ministère n'ait pas été capable de fournir une étude d'impact du nombre de docteurs arrêtés dans leurs travaux de recherche. Nous allons avoir besoin de poursuivre notre propre travail d'évaluation, initié par Stéphane Piednoir, pour mesurer l'ampleur des dégâts qui apparaissent d'ores et déjà considérables, aux dires de mes collègues. On ne redémarre pas aussi aisément certaines études, comme celles portant sur le vivant, qui nécessitent par exemple de reconstituer les cohortes d'animaux utilisés.
Les douze travaux d'Hercule ont été évoqués, je pense qu'il va nous falloir aussi rapporter les pommes d'or du jardin des Hespérides !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous venons un peu d'anticiper sur le groupe de travail « Recherche » animé par Laure Darcos en évoquant cet arrêt de certaines recherches. Nous serons sans doute amenés à approfondir ce sujet ultérieurement. Je donne maintenant la parole à Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. - Je m'associe aux compliments adressés à l'ensemble des membres du groupe de travail et souhaite vous soumettre trois réflexions.
La première concerne la question des examens passés en distanciel et des outils numériques de télésurveillance. Certaines universités n'ont en effet pas respecté le RGPD en la matière. Je vous informe que j'en ai saisi la CNIL et qu'une information va être publiée aujourd'hui. J'en ferai également une communication lors de la prochaine commission plénière de la CNIL pour rappeler qu'au regard du RGPD, les dispositifs de surveillance qui prennent le contrôle à distance de l'ordinateur personnel de l'étudiant ou ceux qui reposent - et c'est le plus grave - sur des traitements biométriques, ne sont pas admis. Il est important d'en informer les présidents d'université et leur rappeler que les étudiants sont en droit de refuser ces dispositifs ne reposant sur aucune base légale.
Ma deuxième réflexion porte sur la réactivité des collectivités territoriales et leur contribution importante à la question de l'enseignement supérieur, au niveau des logements étudiants notamment. Un recensement des aides d'urgence en faveur des étudiants octroyées par les régions me paraît important à réaliser, comme l'a déjà fait la Bretagne.
Enfin, je souhaite insister sur la précarisation assez importante de certains étudiants dont certains vont devoir - j'en ai eu l'écho récemment - abandonner leurs études pour des raisons économiques. La directrice du Cnous que nous avons auditionnée nous avait fait part de cette préoccupation et des moyens dont elle aimerait disposer pour compenser les millions qui ont été réinjectés en faveur de ces étudiants en grande précarité. Il nous faut rester vigilants à ce sujet et évaluer à la rentrée prochaine dans quelles conditions certains pourront ou pas reprendre leurs études.
Mme Mireille Jouve. - Je remercie également notre brillant rapporteur et tous mes collègues qui ont participé à ce groupe. Je pense que nous devons rester attentifs à ce que les étudiants, compte tenu des bouleversements qu'ils vivent, ne souffrent pas outre mesure de diplômes dévalorisés. Beaucoup d'entre eux vont devoir essayer d'intégrer un marché du travail profondément dégradé et devront donc pouvoir être soutenus.
En ce qui concerne le soutien financier et le suivi social des étudiants les plus précaires, même si les situations de chacun sont aussi singulières et nombreuses, ils nous ont paru être à la hauteur de l'enjeu, c'est en tout cas ce qu'il est ressorti de nos auditions.
Je crois également qu'il nous faut rester très vigilants sur les conditions dans lesquelles la procédure Parcoursup se déroule cette année. Le satisfecit affiché par le ministère pourrait peut-être être relativisé.
Nous demeurons en outre conscients que l'enseignement à distance, même si nos universités ont su faire preuve d'une grande capacité d'adaptation, demeure un amplificateur des inégalités existant entre les étudiants.
M. Jacques Grosperrin. - Je félicite Stéphane Piednoir et son équipe pour ce travail exceptionnel réalisé en peu de temps. Notre équipe, au sein du groupe de travail sur l'enseignement scolaire, a également abordé les problématiques liées à la continuité pédagogique, l'organisation et l'accompagnement sanitaire.
S'agissant de la continuité pédagogique, elle a pu se mettre en place, pas seulement grâce au fait que le numérique ne pose pas de souci aux étudiants, mais aussi parce qu'ils se sont fortement engagés, tout comme les professeurs.
Ma deuxième remarque concerne l'organisation des écrits des grandes écoles. La question a été posée hier au ministre de l'éducation nationale, mais il n'a pas pleinement répondu car cela concerne davantage sa collègue du supérieur. Certaines académies pensent faire passer ces concours à Paris, notamment du fait des consignes sanitaires à respecter et de la fermeture actuelle des lycées. Des réponses à ces difficultés-là ont-elles été apportées ?
Enfin, la Covid a modifié beaucoup de choses, dont l'abandon de l'année de césure. On a aussi le sentiment que pour certains étudiants, les universités de proximité ont joué peut-être un rôle plus important et qu'au travers de Parcoursup, les uns et les autres vont vouloir poursuivre leurs études dans des lieux plus sécurisants ou plus en lien avec le sanitaire et le social. En témoignent les 600 000 voeux formulés en direction des écoles d'infirmières et les quelques 250 000 pour la Paces.
Je terminerai par la question du travail de réhabilitation, voire d'évolution, à mener dans les résidences universitaires, dont l'état actuel ne facilite pas la vie de nos étudiants.
M. Max Brisson. - Je salue également la qualité du rapport présenté par Stéphane Piednoir. Je souhaite tout d'abord demander à notre rapporteur comment il analyse le fait qu'il y ait eu finalement peu de polémiques dans l'enseignement supérieur, contrairement à l'enseignement scolaire, où les tensions et angoisses ont été nombreuses. Est-ce dû à un système beaucoup plus déconcentré ou à l'autonomie des universités ?
Quant à la continuité pédagogique, fort justement saluée, il me semble malgré tout qu'il y a bien dû y avoir des pertes en ligne et des décrochages. Il ne peut y avoir autant de différences entre un étudiant de deuxième année de faculté et un élève de terminale. Hier, j'ai évoqué dans l'hémicycle devant Jean-Michel Blanquer, ces élèves pas forcément décrocheurs mais en perte de contact avec leurs enseignants alors qu'ils ne l'étaient pas en présentiel. A-t-on une idée des dégâts causés par cet enseignement à distance, jusqu'au niveau de la licence ?
Pour ce qui concerne les étudiants en master, beaucoup d'établissements pratiquent des stages en entreprises et leur configuration en distanciel - c'est-à-dire par le télétravail - a dû également provoqué des dégâts et à tout le moins une perte des connaissances fondamentales acquises dans le monde professionnel.
S'agissant des examens en distanciel, et au-delà du discours que tout le monde a voulu très positif, on peut se poser la question de la pertinence de certaines évaluations et donc de la fiabilité de la validation d'un certain nombre d'acquis, de connaissances et de compétences.
J'ai par ailleurs posé la question au ministre hier de la remédiation pour le scolaire, et elle me semble tout aussi importante pour le supérieur lorsqu'on accepte l'idée que, au-delà du décrochage, il y a malgré tout des connaissances qui ne seront pas acquises. Les établissements se préparent-ils à cette difficulté, dans le cadre d'une réflexion stratégique concertée ?
Mme Sonia de la Provôté. - Je souhaite rebondir sur le souhait qui vient d'être évoqué, d'avoir un bilan très précis du nombre d'étudiants décrocheurs, d'en évaluer les raisons ainsi que les professeurs pour lesquels la continuité pédagogique a été plus difficile à assurer - je pense aux Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), où le présentiel est indispensable. Un bilan objectif me paraît essentiel en vue des réévaluations des validations à la rentrée prochaine.
La priorité donnée aux études liées à la santé reste relative. Les chiffres 2020/2021 - + 47 places en médecine au niveau national, + 10 en dentaire, + 6 pour les sages-femmes et + 4 pour les pharmaciens - ne permettront pas de pallier les carences en accompagnement sanitaire sur le territoire.
A l'approche de la rentrée scolaire, et au regard du fait que les universités n'ont pas rouvert, un protocole sanitaire précis a-t-il été défini ? Car de nombreux établissements s'interrogent... Il serait souhaitable qu'il soit communiqué et mis en place avant fin juillet, ne serait-ce que pour rassurer les étudiants.
Quant à la CVEC, à l'aune de la crise sanitaire, il me paraît justifié d'en avoir un bilan et surtout d'avoir un certain nombre d'exigences sur son usage.
Enfin, concernant la précarisation, le fait que la situation économique va se compliquer, et qu'un nombre important d'étudiants travaillent pour pouvoir financer leurs études, un accompagnement financier supplémentaire apparaît primordial. Je rejoins l'avis de mes collègues sur ce volet social de la précarisation - pouvant conduire à l'abandon des études - qui risque de prendre une dimension particulièrement prégnante à la rentrée.
Mme Laure Darcos. - Merci pour ce brillant rapport. J'ai une remarque relative aux examens. Dans mon entourage personnel, j'ai eu connaissance d'élèves qui, pour répondre à un QCM en ligne en une heure, se sont tous connectés à Zoom pour s'échanger les réponses, ils vont donc tous avoir vingt sur vingt !
À l'inverse, l'examen de fin de première année de Paces va devoir être organisé en présentiel. Il s'agit d'un examen regroupant 900 candidats, tous très inquiets du fait que les examinateurs et surveillants de ces concours sont âgés de 55/60 ans - il s'avère très difficile d'en trouver de plus jeunes -, donc plus « à risque », et de l'organisation logistique. En effet, quelle salle va pouvoir accueillir 900 candidats permettant la distanciation obligatoire ? Et combien de temps faudra-t-il avant qu'ils soient tous installés en temps et en heure ?
Mme Françoise Laborde. - Je rejoins l'avis de mes collègues concernant Parcoursup et le fait que cela va être compliqué pour les étudiants qui étaient indécis dans leurs choix.
J'insiste sur les conditions d'examen en Paces, sujet qui fait beaucoup de remous dans mon département de Haute-Garonne. Pour toutes les raisons évoquées par Laure Darcos, mais aussi pour le fait que passer de nombreuses épreuves écrites à des QCM est très difficile à vivre. Je vais questionner à nouveau la ministre à ce sujet. Et comme vous tous, mon groupe a interpellé le ministère par rapport aux concours internes et externes des enseignants.
Enfin, je vais parler pour une fois des outre-mer, où pour certains concours, les élèves sont isolés dans des loges, car les épreuves écrites ne se déroulent pas aux mêmes heures qu'en métropole. Les résidences du Crous et internats étant fermés, les élèves ne pourront pas être isolés et ils passeront le concours en même temps que les autres, c'est-à-dire à trois heures du matin ! Je tenais à vous le signaler.
M. Stéphane Piednoir. - Je vais apporter quelques réponses aux questions qui viennent d'être posées.
Sur la question de l'organisation des examens en présentiel, souvent posée, et plus particulièrement pour les concours des grandes écoles, certaines académies envisageaient effectivement de ne pas les organiser dans les lycées habituels. Jean-Michel Blanquer a renvoyé cette question à son homologue de l'enseignement supérieur mais il n'empêche qu'elle relève bien de la réouverture des lycées, dont on ne connaît toujours pas la date.
Dans mon académie de Nantes, le recteur avait envisagé de supprimer tous les centres et d'envoyer les candidats sur Paris, ce qui en termes de transports, de logements et de coûts supplémentaires posait beaucoup de problèmes, notamment pour les boursiers fort nombreux de ces filières. Il a fait machine arrière mais je ne sais pas si c'est le cas pour toutes les académies.
Concernant les épreuves en Paces et plus globalement pour les centres qui vont accueillir plusieurs centaines de candidats, il nous a été répondu qu'ils allaient être multipliés pour diviser les effectifs, permettant ainsi de réduire les temps d'attente pour entrer. Mais cela nécessite plus de surveillants, et si possible plus jeunes, ce qui va être très difficile à trouver. La question n'est donc pas réglée et les examens auront lieu dans un mois !
Sur l'absence de polémique évoquée par Max Brisson, il s'avère que le ministère a su prendre des décisions rapides, et notamment celles de ne pas ré-ouvrir. Les universités sont toutefois ouvertes à 50 % de leur capacité pour les activités autres que l'enseignement ; tous les cours ont été suspendus jusqu'à la rentrée de septembre. Les étudiants ont donc su très vite que l'année en présentiel était terminée, ce qui a coupé court aux interrogations qu'a dû par contre se poser l'enseignement scolaire quant à la date de réouverture des écoles.
Concernant la continuité pédagogique et le décrochage, nous ne disposons pas encore de remontées chiffrées, mais il est très probable qu'il y aura des décrocheurs, potentiellement en fin d'année scolaire universitaire. Les partiels ont pu donner toutefois des signaux d'alerte pour certains.
S'agissant de la vigilance sur la valeur des examens, je précise que la triche existe aussi en présentiel, selon des procédés ancestraux ! Zoom facilite cependant bien les choses. Et en même temps nous sommes coincés par ce refus des applications de surveillance des candidats lors des épreuves - certains logiciels peuvent scruter le visage d'un candidat et veiller à ce qu'il ne regarde pas ailleurs... La valeur du diplôme se testera de toute façon à la rentrée. Il en va donc aussi de la responsabilité des étudiants.
Sur l'évolution très relative du numerus clausus dans les filières de la santé, j'avais adressé un courrier à Frédérique Vidal pour demander sa réévaluation. En réalité, nous n'avons obtenu que 67 places supplémentaires à l'échelon national. Je regrette qu'un geste plus fort n'ait pas été fait en faveur des jeunes en Paces. Je rappelle que certaines académies, dont la mienne, organisaient cette année le PluriPass ; les oraux ayant été supprimés, l'admission en deuxième année va se faire uniquement sur les épreuves écrites. Certains candidats qui avaient basé leur réussite sur l'oral vont en pâtir. J'aurais aimé que la prise en compte de ces modifications passe par l'assouplissement du numerus clausus.
En ce qui concerne Parcoursup, la plateforme numérique a en effet fonctionné, mais l'accompagnement des candidats dans leur réflexion a pu être affecté.
Pour répondre à Françoise Laborde sur l'horaire de passation des épreuves en outre-mer, le numérique nous oblige à ce que les épreuves aient lieu simultanément. Les candidats concernés vont donc devoir se lever très tôt !
Enfin, s'agissant du protocole sanitaire évoqué par Sonia de la Prôvoté, il a été publié récemment et est accessible sur le site du ministère.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci beaucoup pour ces éléments de réponses. Je tiens à m'excuser auprès des membres du groupe de travail animé par Jacques-Bernard Magner, car nous avons été un peu gourmands en imaginant pouvoir passer quatre rapports en une matinée. Pour permettre de mettre en valeur les travaux du groupe « Jeunesse et vie associative », nous allons donc reporter, si vous en êtes d'accord, la restitution de leur rapport.
M. Jacques-Bernard Magner. - - Tout à fait.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie tous pour votre participation active et rappelle que les groupes de travail n'ont pas vocation à se réunir pendant la réunion de commission du mercredi matin, à l'instar des groupes d'études.
La commission a autorisé la mise en ligne des notes de synthèse des groupes de travail sur la page Internet de la commission.
La téléconférence est close à 12 heures.