Jeudi 20 janvier 2022
- Présidence de Madame Françoise Gatel, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 00.
Examen du rapport d'information sur le thème « Numérique, protection des populations et territoires ».
Mme Françoise Gatel, présidente. - Bonjour à tous. Nous avons aujourd'hui un moment essentiel, avec l'examen du rapport portant sur les territoires connectés et la protection des populations, sujet dont se sont saisis nos trois collègues, Anne-Catherine Loisier, Antoine Lefèvre, vice-président de la délégation, et Jean-Yves Roux. Je les remercie d'avoir investi ce sujet auquel les élus sont de plus en plus sensibles et qu'il nous convient de valoriser et d'approfondir, puisqu'il s'inscrit dans la thématique qui nous est chère : les élus inventeurs de solutions. De manière générale, les élus qui sont confrontés régulièrement à des sujets complexes et des difficultés de toute nature ont cet art exceptionnel, souvent méconnu par l'État, d'inventer des solutions. Nous pensons que ce sujet des territoires connectés y contribue très fortement. Cette délégation souhaite valoriser, faire connaître et diffuser des bonnes pratiques qui peuvent inspirer d'autres collectivités, mais aussi nourrir les propositions de loi. Je souhaite donc les remercier pour ce rapport flash, qui a le mérite de se concentrer sur l'essentiel et de formuler des propositions qui interpellent le gouvernement. Nous souhaitons en effet pouvoir communiquer ces rapports aux ministres concernés, considérant que le travail réalisé par la délégation est un travail de fond très important, qui n'est pas soumis à des contingences de processus législatif ou de contexte électoral. Nous avons vu l'intérêt du rapport des déserts médicaux, lui aussi un rapport flash.
Je ne peux que faire mention du risque cybersécurité. Nous avons conduit un travail avec la délégation aux entreprises. Nous avons organisé une table ronde extrêmement intéressante et pertinente à ce sujet. Tout établissement public, y compris une commune, quelle que soit sa taille, peut être gravement paralysé par un problème de cybersécurité.
Je vous remercie, au nom de la délégation et en mon nom personnel, et vous cède la parole. La présentation de ce rapport sera suivie d'une conférence de presse.
M. Antoine Lefèvre, vice-président. - Merci, Madame la Présidente.
En 2017, notre délégation rendait public le rapport intitulé « Les nouvelles technologies au service de la modernisation des territoires ». Les rapporteurs Jacques Mézard et Philippe Mouiller soulignaient d'ailleurs, exemples concrets à l'appui, les nombreux apports du digital : efficacité de l'action publique, meilleur service aux usagers, économies budgétaires, développement durable, attractivité des territoires. Notre délégation a souhaité, cinq ans plus tard, porter son attention sur cette même thématique, mais en circonscrivant son périmètre à la protection des populations, dans la mesure où, d'une part, le numérique apporte dans ce domaine une plus-value très significative, et où, d'autre part, les potentiels de développement sont très élevés. Deux axes ont été étudiés : la protection de l'ordre public ainsi que la sécurité civile. Deux objectifs ont présidé à cette mission flash : à la fois identifier les bonnes pratiques locales dans ces deux champs de l'action publique locale, en milieu rural comme dans les zones urbaines, et formuler des recommandations vivant à encourager et sécuriser ces initiatives locales, mais aussi supprimer ou limiter l'éventuelle entrave à leur réalisation.
Nous allons avant tout évoquer les bonnes pratiques locales en matière de protection de l'ordre public, en rappelant que les maires, pivots de la sécurité dans leur commune, sont au coeur du continuum de sécurité. Afin d'accomplir au mieux leurs missions de protection de l'ordre public et de prévention de la délinquance, ils peuvent tirer un grand profit du numérique. Le rapport en fournit trois exemples. D'abord, les centres de supervision urbains (CSU) peuvent être mutualisés entre plusieurs collectivités. Il s'agit de salles équipées d'écrans affichant en direct les images filmées par des caméras de vidéo-protection. Les CSU ont pour objectif de prévenir les atteintes aux biens et aux personnes, d'identifier les auteurs, de réguler la circulation urbaine et de sécuriser les bâtiments et les sites communaux. La mission a d'ailleurs salué l'exemple d'un CSU de ville moyenne, Charleville-Mézières, qui bénéficie d'une unité vidéo et d'un poste de commandement. De même, le CSU du département des Yvelines possède, depuis 2019, un dispositif de vidéo-protection avec une connexion aux images des communes qui le souhaitent depuis l'entrée en vigueur de la loi sécurité globale. En outre, les écrans noirs utilisent une technologie fondée sur l'intelligence artificielle. Ils ne s'allument que lorsque les algorithmes détectent une situation anormale dans l'un des lieux surveillés. Les drones constituent également une pratique locale intéressante en matière de protection de l'ordre public. À titre d'illustration, la ville d'Istres (43 000 habitants), qui a acquis deux drones au début de l'été 2020, est la première commune de France à doter sa police municipale de tels outils. Les drones sont équipés de caméras de haute définition et permettent à la police l'identification des auteurs de méfaits en temps réel. Bien sûr, il y a également le dispositif « Voisins vigilants ». Le rapport salue l'efficacité du dispositif fonctionnant via un site web permettant de mettre en relation les habitants d'un même quartier pour lutter ensemble contre les cambriolages de manière simple et gratuite. Il compte aujourd'hui 700 mairies adhérentes chargées de deux missions principales : d'une part financer la signalétique et, d'autre part, conduire des opérations de communication et de sensibilisation auprès des habitants, notamment dans les zones exposées aux risques de cambriolage ou de violence. Ce procédé simple et peu coûteux fonctionne essentiellement par une application intuitive et par l'envoi de SMS. De plus, son efficacité est avérée, puisqu'une baisse des cambriolages de 40 % par an a été constatée par le ministère de l'Intérieur.
M. Jean-Yves Roux. - Le rapport met en exergue certaines bonnes pratiques locales en matière de prévention des risques. En premier lieu, il salue quelques actions exemplaires menées par les élus locaux dans la gestion du risque inondation, qui constitue le premier risque naturel en France et concerne plus de 17 millions d'habitants permanents. Le rapport cite ainsi le dispositif d'évaluation et de suivi des pluies en agglomération pour devancer l'alerte (« ESPADA ») mise en place par la ville de Nîmes. Il permet la surveillance de l'évolution des précipitations et du ruissellement par réseaux de stations de mesure hydrométéorologiques et de caméras de surveillance. De même, le sophistiqué dispositif numérique d'alerte des crues, géré par le Pays de Lourdes et des Vallées des Gaves, permet d'alerter les habitants par téléphone, via internet ou directement sur leur application mobile. En outre, la mise en place d'outils d'observation grâce à des galets équipés de puces RFID contribue à étudier les déplacements des sédiments à l'origine des crues. Ce projet expérimental a constitué une précieuse aide à la décision pour les élus. Enfin, la commune de Sommières, dans le Gard, a mis en place un système d'alerte au moyen de technologies plus rudimentaires.
En deuxième lieu, le rapport cite, s'agissant du risque incendie, l'action du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, qui s'est muni, en partenariat avec le SDIS, depuis 2014, de drones de seconde génération dotés de capteurs infrarouges détectant de façon plus précise les départs de feu, constituant un dispositif préventif de surveillance des incendies.
Concernant le risque avalanche, l'exemple des drones utilisés à Val Thorens, le plus grand domaine skiable au monde, démontre la performance du recours à ces aéronefs dotés de caméras très performantes : l'une est thermique et l'autre dotée d'un zoom grossissant 200 fois. En assurant des missions de secours aux personnes, ces caméras permettent d'analyser le terrain en cas d'avalanche et, hors saison, participent aux opérations de maintenance de la station. Les drones n'ont pas vocation à se substituer aux interventions humaines, mais constituent un précieux moyen de soutien aux équipes du service des pistes. Le rapport souligne la constante augmentation du rapport performances/coûts des drones et leur immense potentiel d'utilisation dans les années à venir par les élus locaux.
Enfin, le rapport met en avant la possibilité, à travers l'exemple de la commune d'Ajaccio, de mettre en place un dispositif numérique multirisques. En effet, cette commune exposée à de multiples risques naturels et technologiques a su pleinement tirer profit du numérique pour répondre à ces défis. En premier lieu, la ville s'est dotée de divers outils d'observation et de contrôle, afin notamment de prévenir les risques incendie et inondation. En second lieu, elle a déployé en 2019 une plateforme multicanale de télé-alerte afin de prévenir sa population en cas de crise. Ce dispositif qui repose sur une démarche volontaire d'inscription permet aux usagers résidents permanents ou ponctuels de recevoir une alerte en cas de situation d'urgence liée à divers risques majeurs. Cette bonne pratique locale serait transposable dans d'autres communes.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous arrivons aux recommandations, au nombre de cinq, que nous avons pu tirer de ces différents témoignages et expériences. La première consiste à préconiser de recourir aux technologies numériques suivant une démarche rigoureuse, c'est-à-dire après un bilan coûts/avantages actualisé, partagé et rendu public. L'enjeu est de mettre en valeur la plus-value numérique et de légitimer le recours à la démarche numérique. Les solutions numériques doivent être lancées par les élus avec des objectifs clairement définis et s'accompagner d'une communication attentive auprès des habitants, selon une démarche rigoureuse, fondée sur une réflexion préalable et approfondie. Il est essentiel d'informer en amont les populations concernées par les risques majeurs, l'état des risques auxquels elles sont exposées et le bilan coûts/avantages d'une démarche numérique.
La deuxième recommandation consiste à sensibiliser les élus et le personnel aux enjeux de la cybersécurité. L'efficacité de la démarche numérique repose sur un numérique de confiance, donc sécurisé, qui doit s'appuyer sur une montée en compétence des élus, mais aussi des services en responsabilité. Les usagers doivent également être assurés d'un niveau optimal de protection et de mise à jour permanente des systèmes de protection de leurs données. Le développement des usages du numérique doit aller de pair avec la prévention et le renforcement du bouclier de protection. Ces deux piliers sont essentiels pour que les communes locales se préservent de ce qui pourrait autrement devenir un colosse numérique aux pieds d'argile, à savoir un système avec des failles numériques grandissantes et donc une vulnérabilité non maîtrisée. Pour ce faire, il convient de sensibiliser les acteurs et d'assurer une veille permanente, qui doit associer véritablement les élus et les services à ces enjeux de cybersécurité. Ceci passe par un travail d'information des opportunités, mais aussi des menaces numériques et des potentielles conséquences en cas d'attaque. Il s'agit donc de familiariser l'ensemble des acteurs aux bonnes pratiques ainsi qu'aux procédures de continuité et de reprise d'activité en cas de survenance d'une crise d'origine numérique. En cela, nous insistons sur le rôle du responsable sécurité des systèmes d'information (RSSI), et nous conseillons vivement aux élus de positionner le RSSI comme un véritable directeur stratégique de la sécurité numérique, en lien direct et permanent avec les élus et les directeurs des services stratégiques, afin d'assurer une veille décisionnelle efficace en matière de cyberattaque.
La troisième préconisation serait de développer ces usages numériques en privilégiant le principe de subsidiarité et de mutualisation. Il apparaît pertinent de confier la compétence numérique à l'échelon en capacité d'assurer à la fois cette veille technologique, mais aussi la veille de sécurisation et d'adaptation, à savoir la collectivité ou l'échelon de collectivité qui dispose des compétences les plus adaptées et qui sera donc le plus efficace en termes d'ajustement et de prévention. Il s'agit souvent des niveaux intercommunal ou départemental, qui sont également les plus pertinents pour mutualiser. Nous avons été frappés par l'exemple des agents de police municipale dans le cadre des CSU mutualisés. Ces derniers permettent en effet d'amortir les coûts d'investissement, de fonctionnement et de mise à jour de ces centres, et d'utiliser les bénéfices, en l'occurrence les images, dans un périmètre géographique plus étendu, et donc plus pertinent au regard de conséquences qui ne s'arrêtent pas aux frontières de nos communes.
M. Jean-Yves Roux. - La quatrième recommandation concerne le recours aux drones par les services de police municipale. Nous avons vu combien les drones pouvaient être utiles dans le cadre de la protection des populations. Il s'agit toutefois d'une technologie par nature intrusive. Il convient donc de donner une base juridique solide à cette pratique en garantissant un équilibre satisfaisant entre opérationnalité de l'usage des caméras aéroportées et protection du droit au respect de la vie privée, tout en prévoyant l'existence d'une convention de coordination des interventions de police municipale et des forces de sécurité de l'État.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Enfin, la cinquième et dernière recommandation consiste à s'appuyer davantage sur une coopération entre les collectivités et les services déconcentrés de l'État dans le domaine de la protection des populations. Cette coopération mérite en effet d'être renforcée pour optimiser les atouts des deux entités, à la fois proximité et supervision. Elle s'impose même en matière de sécurité publique, pour des raisons pratiques, réglementaires, voire juridiques, notamment dans l'usage des drones ou de la vidéo-protection, mais également en matière de prévention des risques ou d'alerte des populations. Je pense par exemple au déploiement, en juin 2022, du système d'alerte dit cell broadcast, ou diffusion cellulaire, qui nécessitera une parfaite coordination entre les collectivités locales et l'État. Ce système devra rester à la main de l'État pour des raisons opérationnelles et techniques mais, pour son efficacité, reposera sur un partenariat et une communication étroite et réactive avec les élus locaux, les seuls à même de garantir la réelle couverture et le message jusqu'à la population.
M. Antoine Lefèvre, vice-président. - Je vous propose à présent de vous présenter la conclusion de notre rapport.
La ville et le village de demain seront nécessairement numériques. Quelle que soit leur taille, ils mettront en oeuvre, seuls ou accompagnés par d'autres collectivités, de nombreux projets d'intelligence territoriale au service de la protection des populations, mission placée au coeur de l'action publique locale. Nos territoires sont aujourd'hui autant de laboratoires où se construit l'avenir, grâce aux capacités d'innovation des élus locaux. Véritables inventeurs de solutions, ces derniers sont en quête permanente de plans d'actions performants, agiles, pragmatiques et adaptées aux besoins de la population. À travers notre rapport, nous avons souhaité montrer l'existence de bonnes pratiques locales dans la diversité de nos territoires connectés. Grâce à la pédagogie par l'exemple, l'objectif de ce travail est de diffuser les pépites technologiques qui pourront inspirer, demain, les décideurs publics locaux dans le domaine de l'ordre public et de la gestion des risques. Surtout, nous avons souhaité montrer que la transformation numérique n'est pas l'apanage des grandes agglomérations ; elle est à la portée des territoires périurbains et ruraux. Trois conditions essentielles doivent toutefois être remplies. En premier lieu, les collectivités doivent miser sur la force du collectif. Il apparaît en effet hasardeux de se lancer dans l'aventure numérique sans une expertise solide, ce qui nécessite bien souvent de privilégier l'échelon intercommunal ou départemental. En deuxième lieu, les innovations technologiques ne seront bénéfiques pour tous que si elles s'opèrent dans un environnement de confiance. On ne saurait construire de territoire intelligent sans sécurité, et nous devons éviter de créer des colosses numériques aux pieds d'argile. Enfin, si le présent rapport porte sur des usages et non des tuyaux, les deux sujets sont évidemment liés. C'est pourquoi nous appelons à la résorption des fractures numériques. En effet, la crise sanitaire et le confinement ont confirmé l'ampleur des inégalités d'accès au numérique en France. Nous soulignons donc que la solution satellitaire mérite un examen attentif par les collectivités territoriales, en particulier dans les zones blanches, sans connexion, ou dans les zones grises, mal desservies. Nous pensons notamment à certaines zones de montagne. Quoi qu'il en soit, nous saluons l'ambition du plan de relance très haut débit et espérons que les espoirs qu'il fait naître, notamment dans les territoires ruraux, ne seront pas une nouvelle fois déçus.
Pour terminer, je souhaite, au nom des co-rapporteurs, remercier Bruno Lehnisch, notre administrateur, qui nous a accompagnés tout au long de l'élaboration de ce rapport, ainsi que les équipes de la délégation. Merci pour leur patience et leur coopération.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup à tous les trois. Je souhaite encore vous remercier de vous être emparés d'un sujet essentiel. Avant de laisser la parole aux collègues, je suis heureuse des remerciements que vous adressez à l'équipe de la délégation, qui porte un travail colossal, nous accompagne et nous appuie et est remarquable en termes de disponibilité et de qualité de travail.
Ce rapport traite de sujets absolument essentiels, à savoir l'amélioration du service aux habitants, la lutte contre les fractures numériques et la nécessaire vigilance face à la cybermalveillance. À chaque échelle, dès lors que nos collègues pratiquent l'intelligence territoriale de la mutualisation, nous devons trouver des solutions. Vous avez montré combien ces outils pouvaient être d'importance pour prévenir la population de risques d'avalanche et d'inondation et permettre aux élus de développer un plan d'action ou de réaction à des événements soudains. Ce rapport est donc majeur. Au-delà des communications au ministre, nous pourrions échanger avec les associations d'élus locaux sur ce rapport pour que, au-delà des actions qu'elles entreprennent auprès de leurs adhérents, notre délégation puisse contribuer à une action de sensibilisation, par votre intermédiaire.
Je laisse la parole à nos collègues.
M. Franck Montaugé. - Merci Madame la Présidente. Merci à nos collègues pour ce travail très intéressant sur ce sujet fondamental pour l'avenir de nos territoires et de nos populations.
Je souscris pleinement à la nécessité d'une gestion de ces enjeux, où le raccordement et la question de la sécurité doivent être traités à des mailles adaptées. Dans le milieu rural, où les petites mairies manquent de moyens, la maille départementale est la plus appropriée pour développer, notamment en direction des collectivités locales, des services de sécurité adaptés.
La dimension technologique est prépondérante dans ces questions, avec notamment un domaine en forte évolution, la 5G. Je me pose la question de la réutilisation du réseau de télévision numérique terrestre, dont certains spécialistes avancent qu'il pourrait être mobilisé pour proposer de l'hertzien à très haut débit, jusque dans les zones les plus reculées. Cette piste me semble importante.
Ces questions de sécurité, à l'égard des collectivités comme des particuliers et des entreprises, posent en outre la question de l'équipement du territoire en data centers. Un plan national d'équipement est nécessaire. Il s'agit d'une des conditions de la sécurisation des utilisateurs du numérique, au regard des agressions que nous constatons et qui, hélas, se développent.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci beaucoup. Notre rapport souligne l'importance d'accompagner nos collègues élus dans l'instauration d'une culture numérique sur tout le territoire. Nous voyons aujourd'hui que certains territoires sont très innovants, alors que d'autres sont quelque peu frileux, car ils ne comprennent pas nécessairement toutes les opportunités offertes par les outils ni leurs risques potentiels. Ce rapport traduit donc la volonté de sensibiliser nos collègues, mais également le gouvernement, sur la nécessité d'accompagner l'ensemble du territoire dans une culture du numérique qui prospèrera dans les années à venir.
Sur la question des data centers, il se pose effectivement la question du stockage. Nous voyons un certain nombre de data centers se mettre en place sur les territoires. Pour répondre à la demande des entreprises, peu de data centers accueillent des données publiques. À ma surprise, nos interlocuteurs, qui étaient de grands acteurs comme Atos, ne semblent pas particulièrement attirés par les data centers et privilégient l'option du stockage dans les clouds. Il s'agit certainement d'un sujet à approfondir, en termes de sécurisation. Nous savons qu'une démarche de cloud européen est actuellement conduite avec Atos et OVH.
Mme Céline Brulin. - Merci aux trois co-rapporteurs pour leur travail très intéressant. Je suis particulièrement sensible à deux aspects qu'ils ont traités. Le premier concerne les risques technologiques majeurs et le cell broadcast. Après l'expérience que nous avons connue avec l'incendie du Lubrizol, dans notre département, il a été révélé au grand public que nous étions très en retard en matière de prévention et de communication en direction des populations. Le cell broadcast a l'intérêt de prévenir l'ensemble des personnes qui se trouvent dans une zone par leur téléphone portable, même éteint. Les autres systèmes, en dehors des sirènes, reposent sur la base du volontariat. Les personnes exposées aux risques majeurs pouvaient ainsi indiquer souhaiter être contactées, mais une personne qui se trouverait à l'endroit pour une raison quelconque ne l'était pas. La métropole de Rouen est retenue pour être une zone d'expérimentation. Nous devons continuer de plaider, comme le faisait le rapport de la commission d'enquête de Lubrizol, pour une accélération du développement de ces systèmes. L'accident a eu lieu en septembre 2019. Nous sommes en janvier 2022 et nous n'avons pas encore abouti à une expérimentation, alors que les populations ont une sensibilité particulière et légitime.
Deuxièmement, je suis particulièrement en accord avec vous s'agissant des potentialités de ces nouvelles technologies et des risques de fractures territoriales et numériques qu'elles peuvent engendrer. Vous l'avez parfaitement développé sous l'angle de la crise que nous venons de vivre. Dans certains territoires, la 3G fonctionne encore à peine, alors que les maisons France Services proposent elles-mêmes des services numériques, comme la télémédecine. Nous devons être attentifs à ce que ces fractures ne s'accroissent pas.
M. Antoine Lefèvre, vice-président. - Merci d'avoir souligné la nécessité d'accélérer ces développements. Les outils technologiques sont aujourd'hui performants. Dans les systèmes d'alerte actuels, il est effectivement possible de s'inscrire et de recevoir un SMS. L'objectif est de donner davantage de garanties pour prévenir toute personne présente dans le périmètre de manière efficace. Pour les élus comme pour la population, l'enjeu est celui de la sensibilisation et de la formation à ces nouvelles techniques et à la réaction dans ces périodes de crise. Nous ne sommes pas assez formés sur ces questions. Beaucoup de pays européens ont cette culture de la catastrophe. En Allemagne, par exemple, des dispositifs conduisent à rassembler la sécurité civile et les pompiers et à mutualiser les moyens, mais aussi à développer chez les citoyens et les élus une véritable culture pour bien réagir en cas de catastrophe industrielle ou naturelle.
M. Jean-Yves Roux. - Rouen devrait effectivement être choisi par le gouvernement en tant que pilote du développement du cell broadcast. Dans nos auditions, nous avons soulevé des réflexions sur la ruralité et le numérique. Le téléphone doit absolument être en veille pour recevoir une alerte. Le message que les téléphones portables vont recevoir doit en outre être très clair.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Ces technologies du numérique évoluent en permanence, d'où l'importance de la notion de veille, et donc de l'adaptation permanente de nos technologies les plus adaptées pour tirer parti des progrès. Nous avons été impressionnés par l'attention de nos collègues élus et leur capacité à s'emparer de technologies innovantes et émergentes, mais aussi la capacité de nos grandes entreprises à faire progresser nos outils. En termes d'actualité, il existe sur mon territoire un site CEA. En matière d'information des populations, nous n'utilisons pas du tout ces technologies, qui seraient pourtant appropriées.
La fracture numérique peut être un véritable frein au déploiement de ces outils, ce qui m'amène à insister de nouveau sur l'outil satellitaire. Un projet est en cours depuis deux ans avec Eutelsat, concernant un satellite dédié au numérique, avec un numérique haut débit, à 100 Mo. Le satellitaire permettra de désenclaver les territoires pour lesquels nous n'avions pas, aujourd'hui, de solution filaire ou terrestre.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Cette responsabilité de chaque citoyen sur la culture du risque est apparue dans un autre rapport, portant quant à lui sur la défense incendie. Nous devons, dans notre pays, développer cette culture. La protection des populations relève certes essentiellement du rôle des pouvoirs publics, mais nous devons aussi y éduquer et sensibiliser l'ensemble de nos citoyens.
Cette exigence que vous évoquez, qui doit être diffusée largement, suppose que les territoires disposent d'un responsable de la sécurité des systèmes d'information (RSSI), et donc d'un élu, peut-être à l'échelle de l'intercommunalité ou du département, qui soit porteur de ce sujet. Nous devons intégrer dans les stratégies des collectivités cette dimension qui ne l'est pas aujourd'hui. Avec l'exemple de la Rochelle, nous avons vu que l'incident de piratage ne devrait plus se produire car un élu responsable de la sécurité des systèmes d'information a été nommé. Il y a aujourd'hui dans le champ de la compétence des départements de nouvelles thématiques. Celle-ci est une thématique d'avenir, qui devient absolument indispensable. Des mutualisations sont possibles à l'échelle des départements, qui ont aussi des compétences en matière de SDIS. Nous devons sensibiliser nos partenaires des associations d'élus à ce sujet. Il s'agit d'un beau défi pour les départements qui feront preuve d'une capacité à être entreprenants et à protéger leur population.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Le sujet des RSSI a beaucoup été soulevé. Il s'agit effectivement d'un élément important dans la montée en compétence sur les territoires. Ce RSSI doit effectivement avoir un accès direct à l'exécutif, via un élu décisionnaire et différents chefs de service. En effet, la sécurité numérique se diffuse dans tous les services. L'organigramme qui est mis en place dans la collectivité est déterminant pour l'efficacité et la solidité du dispositif numérique.
Sur le volet de la compétence numérique, nous ne devons pas brider les initiatives émergentes, mais prendre conscience que le numérique suppose une acquisition d'équipements, des mises à jour permanentes et des questions essentielles de cybersécurité, d'où l'intérêt de mutualisations et d'une gestion à l'échelle d'un département, qui semble être la maille adaptée.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je vous remercie pour la clarté de votre propos et les solutions que vous proposez. Nous devons nous en emparer au niveau national. Nous disposons d'un outil rapide et efficace permettant d'endiguer des catastrophes.
M. Antoine Lefèvre, vice-président. - Lors de la COP21, nous avions évoqué un certain nombre d'outils et de technologies, notamment dans le domaine numérique. Nous avions parlé de toutes les applications en matière de sécurité et de protection des populations. Tous ces outils sont aujourd'hui efficaces pour tous les territoires. Ils n'apparaissent plus comme de simples gadgets, notamment grâce aux évolutions technologiques et à l'abaissement du coût de ces matériels. Les agents comme les élus ont en outre une appétence à ces nouvelles technologies. Ce rapport a pour intérêt de s'inscrire dans la pédagogie et la logique d'un guide de bonnes pratiques. Il présente des réponses très concrètes à des problématiques propres aux territoires. Nous devons alerter les élus et les agents des collectivités quant aux problèmes de risques, en termes de sécurisation. Le titre, « Les élus, inventeurs de solutions », nous importait de ce point de vue.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je souhaitais souligner une expérience qui m'a frappée et illustre les progrès technologiques permanents. Le témoignage que nous avons reçu sur l'usage des drones en montagne m'a permis de découvrir que les drones pouvaient transporter un certain nombre d'objets, par exemple pour des soins.
M. Jean-Yves Roux. - Nous envoyons actuellement beaucoup de secouristes en territoires de montagne, lors d'avalanches. Il sera désormais possible d'envoyer un drone qui repèrera le lieu de l'avalanche, ce que l'humain faisait auparavant. Nous protégeons ainsi les secouristes et les intervenants dans des situations très difficiles. Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, nos sapeurs-pompiers ne peuvent malheureusement pas intervenir sur certains sites. Peut-être les drones pourraient-ils éteindre des petits feux non accessibles par les sapeurs-pompiers.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Le numérique peut être un outil extraordinaire pour des territoires qui ne sont pas urbains. Un drone n'est pas qu'un outil de surveillance, mais aussi de livraison. Nous avons vu certains pays mettre en place des livraisons de médicaments par drone dans des zones éloignées.
Merci encore pour ce sujet majeur. Je vous invite à faire connaître à vos collègues l'existence de ce rapport, voire à la diffuser auprès des associations d'élus locaux, qui peuvent à leur tour inviter des sénateurs à venir échanger sur ces sujets. Ce rapport est très pédagogique et nous avons la capacité de contribuer au développement de ces sujets. Nous mobiliserons nos contacts pour rencontrer les élus porteurs de ces sujets. Cela démontrera que le Sénat est inventeur de solutions.
M. Bernard Buis. - Merci pour ce rapport très intéressant. L'utilisation du drone peut effectivement être un atout important sur nos collectivités. Nous observons actuellement une importance notable dans la protection de la population suivant les collectivités. Le drone peut être une solution pour les inondations, les incendies, les tsunamis, les tremblements de terre ou encore les éruptions volcaniques. Nos collectivités doivent s'approprier cette nouvelle technologie quand elles en ont les moyens. Ces solutions peuvent être relativement peu coûteuses, par rapport à des solutions plus lourdes.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Merci encore d'avoir proposé ce sujet, qui avait déjà été travaillé par la délégation en 2017 mais reste un sujet du présent et d'avenir.
Nous avons lancé une mission conjointe de contrôle qui sera présidée par Rémi Pointereau, premier vice-président de la délégation, très attaché au sujet de la revitalisation des centres villes et centres bourgs. Il sera en binôme avec Sonia de la Provôté pour notre délégation. Ce travail se fait en coordination avec la délégation aux entreprises. Le 3 février, à 9 heures 45, une réunion conjointe avec la délégation aux entreprises sera l'occasion de lancer ce sujet, qui est au coeur des préoccupations de la délégation. Je remercie Rémi Pointereau de sa ténacité et sa constance.
Je vous souhaite une très bonne journée. Merci à nos trois rapporteurs.
La réunion est close à 11 h 30.