Mardi 12 juillet 2022
- Présidence de M. Stéphane Artano, président -
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer - Table ronde Guyane
M. Stéphane Artano, président. - Nous poursuivons nos travaux sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins avec une table ronde consacrée à la situation en Guyane. En réponse au questionnaire écrit envoyé par nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, la collectivité territoriale de Guyane a déjà fourni beaucoup d'éléments. Je tiens à remercier ses représentants et à saluer leur travail. La présente audition doit permettre de mettre en avant les priorités dans ce territoire si spécifique. Merci à tous pour votre participation et votre engagement car les défis sont évidemment immenses.
Mme Sherly Alcin, conseillère territoriale, en charge du climat et de l'éducation à l'environnement. - Le plan régional de prévention et de gestion des déchets de la Guyane qui doit voir le jour est en cours d'élaboration. Les enjeux sont criants : chaque habitant produit annuellement 467 kilos de déchets, et notre gisement de déchets est évalué à environ 220 000 tonnes. En l'absence de système de pesée, ces estimations sont aléatoires.
A ce stade, nous souhaitons mettre l'accent sur les véhicules hors d'usage (VHU), et notamment sur des procédures d'appel à manifestation d'intérêt pour des projets de centres de traitement de ce type de déchets. Sur notre territoire, nous n'avons que deux déchetteries. Notre territoire est directement impacté par les dépôts sauvages, les décharges dangereuses et autres décharges illégales.
La CTG est engagée en tant qu'autorité de tutelle s'agissant des fonds européens, et des centres de tri qui doivent être créés pour amorcer le tournant dans la dynamique d'aménagement de notre territoire lequel constitue une partie du poumon de la planète avec, l'Amazonie.
Pour plus de développements techniques, je cède la parole à Monsieur Labarthe.
M. Laurent Labarthe, directeur général adjoint, en charge du pôle aménagement, transports et développement durable des territoires de la collectivité territoriale de Guyane. - Comme l'a indiqué Sherly Alcin, la Guyane élabore actuellement son plan régional de prévention et de gestion des déchets. Elle se dote enfin d'un outil qui réalise un diagnostic récent de la problématique des déchets à l'échelle de l'ensemble du territoire.
Notre vaste territoire se heurte à des problématiques de transport dans l'acheminement des déchets. En outre, sa population n'est pas entièrement desservie par les services publics, ce qui fait que tous les volumes de déchets ne sont pas enregistrés.
Nous avons un retard structurel, puisqu'il n'y a que deux déchetteries, ce qui ne permet pas aux éco-organismes d'intervenir comme ils le devraient - en tout cas, ils se retranchent derrière cet argument pour ne pas intervenir sur l'ensemble des déchets et surtout sur l'ensemble du territoire, notamment les communes de l'intérieur, 7 communes sur 22 n'étant pas accessibles par la route.
Nos besoins financiers sont très importants, puisque le PGTD estime à près de 400 millions d'euros tout compris les besoins en matière de stockage, notamment avec les problématiques des décharges sauvages sur le Maroni et l'Oyapock, mais aussi concernant la valorisation, avec un projet d'unité de valorisation énergétique sur le territoire de la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL).
Nous avons également des besoins en ingénierie dans les communes et les EPCI, et même dans les services de l'État qui n'ont pas toujours le personnel pour effectuer une police de l'environnement aussi prégnante qu'on le souhaiterait, ce qui a pour résultat le développement de décharges sauvages.
Concernant la création de nouvelles unités, nous avons une problématique de foncier qui peut surprendre compte tenu de la taille de la Guyane, mais qui constitue une réalité parce qu'on ne peut pas construire dans une forêt primaire, ou dans des savanes. Nous avons un réel besoin de foncier pour créer ces nouvelles unités de traitement et de valorisation des déchets.
Mme Sophie Charles, présidente de la communauté de communes de l'Ouest guyanais. - La communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG) représente une superficie de 40 000 kilomètres carrés et comprend un certain nombre de communes totalement enclavées, c'est-à-dire non reliées par la route : soit au total, huit communes, dont quatre littorales et quatre non reliées par la route. La collecte des déchets est donc extrêmement problématique.
Il y a plusieurs sujets. D'abord, il y a un déficit d'infrastructures. Le problème n'est pas un problème de réhabilitation mais de non-réalisation d'un certain nombre d'entre elles. Il faut des financements par les fonds européens, et que ceux-ci soient sanctuarisés. Aujourd'hui, on nous demande d'améliorer ce qui n'existe pas !
Par ailleurs, au niveau de l'Etat, les agents sont davantage axés sur le contrôle plutôt que sur l'aide des collectivités, et en particulier s'agissant de la CCOG. Le plan d' «urgence» en faveur du Maroni date de 2011 et nous en sommes à peine, en 2022, à sa réception !
Notre territoire a des difficultés spécifiques, à la fois physiques, d'enclavement, mais aussi financières, car collecter les déchets d'une commune littorale reliée par la route, n'a rien à voir avec le fait de collecter sur un périmètre de plusieurs centaines de kilomètres. Le territoire de la Guyane est très étendu, et dans les zones qui ne sont pas répertoriées comme zones urbanisées, les dépôts sauvages se multiplient.
S'ajoute à cela une faiblesse de la fiscalité puisque la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) collectée sur le territoire de la CCOG ne couvre que 25 % du coût de la compétence, ce qui est extrêmement préjudiciable. En effet, la TEOM est basée sur la valeur locative associée à la taxe foncière. Or, la valeur locative dans les communes de la CCOG, notamment celles qui sont proches du fleuve ou dans les communes enclavées, est extrêmement faible. Cette fiscalité rapporte donc très peu et nous devons supporter directement 75 % du coût de la compétence avec nos fonds dédiés au fonctionnement. Cette situation n'est pas tenable : au fur et à mesure que se développe la collecte de déchets, la compétence coûte de plus en plus cher et la TEOM n'augmente pas. Il est primordial que nous puissions bénéficier soit d'une subvention d'équilibre, soit d'une partie de la péréquation spécifiquement dédiée aux déchets, de manière à ce que l'on ne puisse pas nous opposer : « on a augmenté la péréquation pour l'intercommunalité et puis ça suffit ».
S'agissant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la Guyane et Mayotte bénéficient aujourd'hui d'un régime dérogatoire. Il est vital que ce régime puisse être prolongé de quinze ans, ce qui correspond à la durée des investissements à réaliser pour mettre à niveau nos infrastructures de collecte et de traitement des déchets.
Par ailleurs, les modalités de paiement de la TGAP ont changé. Auparavant, nous payions la TGAP annuellement. Aujourd'hui, on nous demande un acompte sur la TGAP de l'année suivante, ce qui fait que sur une année, on paye l'année en cours, plus l'acompte de l'année suivante. Or, normalement, dans les collectivités, nous payons sur service fait, et j'ai du mal à comprendre cette logique du paiement de la TGAP.
S'agissant de l'aide financière aux investissements, le programme opérationnel est nettement sous-dimensionné, et ne prévoit que 10 millions d'euros pour toute la Guyane sur les projets liés à la gestion des déchets. La simple mise à niveau de la CCOG nécessite 56 millions d'euros d'investissement. On fait avec ce qu'on a, mais on ne pourra pas faire avec ce qu'on n'a pas !
Nous avons en outre des difficultés de recrutement en ingénierie très prégnantes en Guyane, en raison notamment du manque d'attractivité du territoire.
Autre point, la coopération régionale avec le Surinam dont nous partageons la frontière et qui ne possède pas les même normes que nous. Nous récupérons des plastiques et nombre de déchets qui viennent de l'extérieur, car les gens traversent le bassin de vie du Maroni qui est un lieu de commerce. Un travail particulier de coopération internationale serait donc nécessaire pour traiter la question des déchets de part et d'autre.
Concernant les éco-organismes , c'est facile de dire : « on ne peut pas faire parce qu'on n'a pas les structures ». Citeo récupère une part du tri. Aujourd'hui, la tonne de tri coûte 6 520 euros à la CCOG, et la tonne de tri collectée par Citeo ne correspond qu'à 1,5 % du total de ce qu'on aurait à traiter, soit une partie infinitésimale par rapport à la gestion globale, et le coût est extrêmement élevé, parce que je rappelle que ces déchets qui sont collectées repartent en métropole par le bateau. Il y a une réglementation à revoir, parce qu'on ne peut pas collecter des déchets pour les ramener dans l'Hexagone avec l'impact carbone que cela implique. Les bouteilles d'eau et les canettes viennent de l'Hexagone et repartent vides dans l'Hexagone ! Je rappelle qu'on ne collecte pas le papier, on ne collecte que le verre, les canettes et le plastique.
Tout ce qui concerne le tri et l'économie circulaire n'est à mon avis pas du tout opérationnel. On peut peut-être tout simplement, quand les choses ne sont pas en place, obliger les grandes enseignes qui vendent de l'électroménager à récupérer l'électroménager avant de revendre du neuf. Pour l'électroménager qui vient du Surinam, nous ne pourrons pas faire grand chose.
Nous envisageons également de recruter une personne dédiée à l'économie circulaire, parce que c'est une stratégie qui, à mon sens, a un avenir.
M. François Ringuet, président de la communauté de communes des savanes (CCDS). - J'ai écouté attentivement la présentation de notre collègue Sophie Charles dont je rejoins à 100 % les propos. Elle a parfaitement résumé la situation. J'ai l'impression que, sur un certain nombre de sujets, nous tournons malheureusement en rond. Je laisse donc la parole à la directrice des déchets qui vous donnera quelques chiffres.
Mme Aurélie Billard, directrice des déchets, communauté de communes des savanes (CCDS). - La communauté de communes des savanes (CCDS) comprend 4 communes sur environ 12 000 kilomètres carrés. S'agissant du coût de gestion des déchets, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères permet de couvrir à peu près 58 % du coût de la gestion des déchets, le reste étant assuré par le budget général de la collectivité. Nous bénéficiions auparavant d'une TGAP réduite, mais depuis cette année, malheureusement, elle augmente progressivement. Comme le disait Sylvie Charles, au fil des années, nos capacités d'investissement mais aussi de fonctionnement s'en trouvent fragilisées, au moment même où nous entamons une dynamique de rattrapage structurel. La TGAP représente pour nous une vraie problématique dans la mesure où ses paramètres sont déterminés pour l'Hexagone et ne tiennent pas compte des spécificités de notre territoire. Nous espérons donc fortement qu'une réflexion sera menée pour prolonger la dérogation de notre TGAP et nous permettre de poursuivre notre rattrapage, car nous avons entrepris un certain nombre d'infrastructures et serions fortement pénalisés par un retour à une TGAP classique. En effet, d'ici 5 ans, une fois que la TGAP sera à son taux maximum, elle représentera 50 % du coût actuel de gestion des déchets, ce qui est loin d'être négligeable.
Nous sommes aidés financièrement par l'Ademe et le Feder à hauteur de 70 %, mais aujourd'hui les régimes d'aide tendent à être orientés sur une dynamique nationale d'économie circulaire qui ne correspond pas à nos besoins : nous avons notamment deux sites de traitement des déchets à réhabiliter et, malheureusement, aucun régime d'aide n'est prévu. Faute d'accompagnement de l'État ou de l'Ademe, le coût à supporter par la collectivité s'élève à 3 millions d'euros.
Concernant la capacité des filières REP, il y a une évolution depuis quelques années dans la prise en charge des flux par les éco-organismes. Une part significative des emballages demeure dans nos poubelles, ce qui fait que la gestion est toujours assurée par la collectivité. La question se pose donc de la récupération éventuelle des éco-contributions par la collectivité qui assure de fait ce service de gestion des déchets. Comment ventiler ces éco-contributions ? Comment faire en sorte que les éco-organismes augmentent leur participation ? Certaines filières sont en effet conditionnées à la mise en place de déchetteries. Nous sommes en plein rattrapage mais en attendant, nous devons trouver des leviers financiers pour assumer le coût de la gestion des déchets et, comme le soulignait la présidente de la CCOG, aujourd'hui, seule une personne sur sept contribue à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Dans les quartiers informels, une part grandissante de la population n'est pas imposable mais elle consomme du service et nous devons maintenir le même niveau de services.
En ce qui concerne la gouvernance (et la coopération), nous sommes structurés en EPCI mais, comme le prévoit le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), il est nécessaire que nous puissions travailler avec les syndicats de traitement des déchets pour aider les collectivités à se structurer sur le volet traitement et, de plus en plus, sur le volet valorisation énergétique.
Concernant le volet réglementaire, dans la pyramide de hiérarchisation des modes de traitement, il y a d'abord la prévention, la « valorisation matière », puis la valorisation énergétique et le stockage, et la modulation de la TGAP tient compte de cette hiérarchisation. Or, chez nous, la valorisation énergétique prend le pas sur la « valorisation matière », qu'il n'est pas toujours possible de mettre en oeuvre immédiatement. Il faudrait donc réfléchir à cette particularité de notre territoire pour que la valorisation énergétique soit mieux ou aussi bien considérée que la valorisation matière dans le calcul de la TGAP, même de façon progressive et provisoire.
Enfin, concernant la coopération, il y avait des régimes des aides, notamment d'aide au fret, qu'il faudrait sans doute poursuivre aussi bien au niveau des Antilles que de la métropole, mais aussi, vice-versa, pour soutenir le développement de filières de traitement des déchets sur notre territoire.
M. Stéphane Artano, président. - Je vous remercie pour la qualité de ces interventions et remarque d'ores et déjà une problématique récurrente dans vos interventions s'agissant des éco-organismes, c'est assez frappant et intéressant à noter.
Mme Mylène Mazia, directrice de cabinet, communauté d'agglomération du centre littoral (CACL). - Le président de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL), Serge Smock, vous prie de l'excuser de ne pouvoir être présent avec nous aujourd'hui, et me charge de participer à cette table ronde afin d'apporter notre contribution.
Alain Cyrille, directeur de l'hydraulique et de l'environnement va vous rendre compte de nos actions sur cette thématique.
M. Alain Cyrille, directeur de l'hydraulique et de l'environnement, communauté d'agglomération du centre littoral (CACL). - Les évolutions démographiques et les mutations de l'aménagement du territoire en Guyane induisent de fortes responsabilités, dont certaines sortent très clairement du champ de compétences de nos collectivités locales et des EPCI, en particulier les questions cruciales liées à la TEOM et à la TGAP.
Le budget pour la gestion des collectes de la CACL représente 15 millions d'euros, et, dans les prochaines années, il se trouvera certainement en déséquilibre sans ajustement, soit via un élargissement de l'assiette fiscale, soit via une augmentation du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
S'agissant de la gouvernance, les interactions entre les acteurs du territoire sont primordiales mais elles sont insuffisantes compte tenu de nos responsabilités respectives et de nos charges opérationnelles. Un certain nombre de difficultés proviennent notamment de ce que de nombreux quartiers informels échappent largement à la compétence de nos collectivités. Il est primordial que des coordinations soient mises en oeuvre, soit dans le cadre de conventions de soutien financier, soit dans le cadre de conventions opérationnelles. En effet, les collaborations actuelles entre la CACL et la CCDS trouvent leurs limites lorsqu'il s'agit de la gestion des dépôts sauvages ou de la question de la salubrité publique.
S'agissant des ressources fiscales, Aurélie Billard l'a souligné, la question de la TGAP est cruciale : nous bénéficions encore d'un abattement de 75 %, et une valeur nominale normale de la TGAP serait catastrophique pour nos territoires. Nous avons besoin d'une bonne attractivité économique et financière, sans laquelle des débordements sont à prévoir, notamment le développement de décharges sauvages. Nous avons réussi ces dernières années à les contenir, avec d'importants efforts de nos collectivités, notamment une augmentation très forte des collectes dédiées.
Les autres aides financières, notamment en faveur de l'investissement, sont largement insuffisantes. Les besoins d'équipement du territoire suivent l'évolution démographique et sont grandissants, mais les assiettes fiscales ne nous permettent pas d'avoir des ressources financières fortement dédiées à l'investissement. Qu'elles proviennent de fonds européens, de l'Etat, notamment via l'Ademe, ou encore de prêts aidés, les aides ne sont pas à la hauteur des ambitions du territoire et des efforts à mener pour assurer une bonne gestion des déchets.
S'agissant des capacités d'ingénierie, là encore, nous militons pour obtenir une forme d'ingénierie partagée avec nos collègues des EPCI mais aussi avec les services de l'État et de l'Ademe. Il nous paraît important de nous diriger vers une ingénierie partagée pour gagner en efficacité, mieux structurer les services et les prestations relatifs aux déchets en Guyane. Il y a 10 ans, nous n'avions pas moins d'une demi-douzaine d'opérateurs de collecte des déchets, aujourd'hui ces opérateurs sont réduits à trois/trois et demi, et ce, en comptant de tout petits opérateurs. Le dynamisme de la filière a été fortement réduit et dans ce contexte,il me semble important de retrouver du partage, de la réflexion et de la concertation entre nous, acteurs des déchets.
M. Georges Elfort, président, communauté de communes de l'Est guyanais (CCEG). - Je regrette que vous ne soyez pas venus vous rendre compte sur place de la façon dont le territoire est composé. La communauté de communes de l'est guyanais (CCEG) s'étend sur vingt-cinq mille km² et comporte quatre communes : deux d'entre elles sont reliées par la route, les deux autres sont uniquement reliées par le fleuve. Sophie Charles a à peu près tout dit sur nos problématiques : nous avons deux communes enclavées distantes de cent kilomètres et 75 % de nos capacités financières sont affectées aux déchets, ce qui est très compliqué à gérer.
Nous avons une commune de 30 à 35 000 habitants qui est frontalière avec le Brésil. Le tourisme engendre de nombreux déchets qui finissent soit à même le sol, soit dans les bacs poubelles de la communauté de commune de Saint-Georges d'Oyapock.
Nous avions lancé une étude sur l'implantation de nouvelles installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) qui a abouti, mais l'État, ou plutôt l'ONF, qui a plus de pouvoirs qu'un maire dans sa commune, a refusé le lieu qui a été choisi sur place. Nous sommes donc obligés de transporter nos déchets jusqu'au centre de Cayenne, ce qui coûte extrêmement cher.
J'ai parcouru vos questions, tout cela me semble très bien, mais nous en sommes au démarrage, et sans argent nous ne pourrons rien faire. La loi est très avancée, mais elle est faite pour la France hexagonale, et ne tient pas compte de notre retard structurel. Si nous ne le comblons pas, nous ne pourrons jamais le rattraper. Nous ne pouvons compter sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), puisque notre population n'est pas nombreuse. Dans ces conditions, comment envisager un rattrapage, alors même que nous rencontrons plus de difficultés que l'Hexagone pour effectuer le ramassage des déchets ?
On fera ce qu'on peut, on gère la pénurie, mais on ne pourra jamais faire une vraie politique de ramassage et d'élimination des déchets avec les fonds dont nous disposons. En réalité, il faudrait un véritable plan Marshall en Guyane, qui aille au delà des déchets, d'ailleurs. Mais je laisse la parole à mon responsable qui va expliquer les difficultés qu'il rencontre.
M. Kevin William, chargé de mission déchets et environnement, communauté de communes de l'est guyanais (CCEG). - Je rebondirai sur les différents niveaux d'évolution entre les collectivités de Guyane et celles de l'Hexagone. C'est particulièrement le cas de la CCEG, qui se trouve dans une étape de structuration. La politique environnementale qui est appliquée à la France hexagonale doit être appliquée également en Guyane, mais la CCEG n'a ni d'installations de stockage, ni de déchetteries : il lui est donc difficile de mener correctement une politique de réduction des déchets.
Mon président a insisté sur les distances à parcourir et a évoqué l'ISDND. Nous avions obtenu des fonds pour ce dossier mais l'étude a défini un lieu qui se trouvait sur le domaine forestier permanent de l'État. On nous a demandé de rechercher un nouveau site, mais cela suppose de chercher à nouveau des fonds. On a reporté l'effort sur le littoral, mais cela engendre un surcoût sur le marché de collecte et de transfert qui, à son tour, met à mal les finances de la CCEG et touche également ses autres activités, le développement économique notamment. On pourrait ici proposer des solutions compensatoires, comme par exemple une compensation de ce surcoût à la hauteur du transfert effectué, ou simplement la levée des blocages qui permettrait à la CCEG de construire son ISDND.
J'ajoute que la TEOM ne couvre que 15 % des coûts de gestion des déchets, et qu'il faut prendre en compte le cas de la commune de Camopi où aucune TEOM n'est prélevé, bien que le même service doive y être rendu. Comme le foncier appartient à l'État, nous réfléchissons à une compensation de la non-participation de Camopi à la TEOM.
Mme Anar Valimahamed, chargée de projet "Sentinelles de la nature", Guyane Nature Environnement. - Guyane Nature Environnement (GNE) est une association loi 1901 agréée de protection de la nature et de l'environnement. C'est une fédération de trois associations : Kwata, Sepanguy et Gepog. Notre rôle est d'exercer une veille environnementale, de participer au débat public, et, le cas échéant, d'agir en justice en cas d'atteinte aux missions statutaires. GNE fait également partie du réseau d'associations France Nature Environnement, qui a été auditionné par votre délégation en juin lors de la table ronde « ONG et gestion des déchets dans les outre-mer ».
Au début de l'année 2022, nous avons lancé l'outil « Sentinelles de la nature » en Guyane. C'est un outil participatif qui, via un site internet et une application smartphone, permet à chaque citoyen d'alerter sur les dégradations environnementales et de partager les initiatives positives sur le territoire. A ce jour, nous avons reçu 215 signalements dont plus de 70 % concernent les déchets, avec deux catégories principales : les dépôts de déchets sauvages et les véhicules hors d'usage. La préoccupation majeure des citoyens ne fait aucun doute.
« Sentinelles de la nature » rassemble ainsi des informations qui peuvent être mises à disposition de tous les acteurs sur le territoire et qui sont également visibles sur une cartographie publique.
La Guyane fait face à plusieurs défis et le PRGPD, qui est en cours de consultation, essaie de répondre à plusieurs sujets. Nous aimerions attirer votre attention sur quelques points.
S'agissant de la réglementation en vigueur, il nous paraît primordial de poser la question de l'adaptation de la réglementation nationale, mais aussi celle de son application. La sensibilisation et la prévention sont très importants, ainsi que le contrôle : on voit par exemple que la réglementation sur le plastique à usage unique est très partiellement appliquée sur le territoire, et on aimerait soulever la question des leviers, ressources humaines et financières, pour accompagner l'application de cette réglementation.
Concernant le mode de gouvernance, on observe un certain flou qui est dû notamment à la diversité des cas de figure : beaucoup de dépôts sauvages sont liés à des problèmes de dimensionnement des points de collecte, des infrastructures de collecte et de traitement, mais il y a aussi des dépôts plus importants qui relèvent plutôt de la responsabilité des mairies, qui, elles, manquent cruellement de moyens. Le lien entre les acteurs existe mais l'action concrète est assez difficile.
Sur « Sentinelle de la nature » on constate notamment des dépôts récurrents qui sont ramassés par les communautés de communes, en plus de leur collecte, auxquels s'ajoute un important stock historique à résorber.
Plusieurs options sont envisageables : prévoir une enveloppe spécifique pour les dépôts, et même pour les dépôts sauvages, pour chaque communauté de commune ; appuyer les mairies pour créer un service environnement qui ait une application concrète et bien sûr impliquer les éco-organismes.
Autre point d'attention, de nombreux dépôts sauvages sont retrouvés dans les espaces naturels. On retrouve sur les plages des dépôts un peu diffus venant des usagers, mais aussi des rejets de la mer et des dépôts en lien avec la pêche en mer, et même des batteries. Il y a aussi beaucoup de dépôts sauvages dans les criques. Pour pallier à ces dépôts récurrents, les associations font un travail de ramassage de déchets sur ces zones, mais il est temps d'essayer de faire quelque chose de pérenne et régulier pour éviter que ces dépôts ne persistent dans des espaces remarquables.
Il y aurait beaucoup à dire sur la chaîne de traitement et je répondrai sur ce point dans ma réponse au questionnaire.
Pour nous, il est important d'avoir des modes d'action visibles et clairs pour chaque type de déchets, ainsi que des solutions alternatives en attendant la mise en conformité des structures. On comprend bien qu'il y a un manque de financement, qu'il faut du temps pour mettre en place les structures, mais il faut des solutions d'attente. Lors d'un échange avec la collectivité territoriale de Guyane, on avait évoqué la possibilité de mettre en place des déchetteries mobiles : ce genre de solution nous donnerait un exutoire clair et rapide en attendant que le retard structurel soit comblé.
Les véhicules hors d'usage représentent 30 % de nos signalements. On travaille avec les polices municipales, avec un éco-organisme, l'association pour le recyclage des déchets automobiles en Guyane (ARDAG), (et c'est très long, il y a encore énormément de travail. La prime au retour permettrait peut-être d'éviter l'abandon des VHU mais il faudrait vraiment faire un lien entre cette prime et la distance à parcourir pour accéder au seul centre agréé du territoire qui se trouve à Kourou.
Par ailleurs, il n'existe pas de solution pour certains types de déchets, par exemple les poids lourds. On nous signale parfois des bus ou des tracteurs hors d'usage, mais il n'existe aucune structure pour les accueillir.
Pour conclure, les éléments incitatifs et de prévention nous paraissent primordiaux. Les acteurs lancent de nombreuses initiatives intéressantes et le travail avec les associations montre que la population est motivée dans l'application des solutions existantes. Le souci est de pérenniser ces solutions. Les associations sont à votre disposition pour travailler avec vous : n'hésitez pas à revenir vers nous, et bien sûr l'outil « Sentinelles de la nature » vous donnera des informations sur les différents territoires.
Mme Muriel Degobert, ingénieur économie circulaire, Ademe Guyane. - Je représente l'Ademe Guyane, et tiens à excuser l'absence de Mme Hermiteau, actuellement en déplacement sur la commune de Camopi. Trois points sont à souligner : les filières REP, la gouvernance, et le financement.
Concernant les filières REP, le problème récurrent est celui du manque d'implication des éco-organismes sur le territoire. Pour reparler de Citeo, pourtant le plus impliqué, on atteint à peine un taux de collecte de trois kilos par habitant et par an et il y a même des zones blanches sans collecte : cela vous donne une idée de ce qui se passe pour les autres filières. Beaucoup d'enseignes ne jouent pas le jeu de la reprise des D3E (déchets d'équipement électrique et électronique). Il y a donc une réflexion à mener sur la mise en oeuvre de la réglementation nationale, notamment sur la mise en place de mécanismes de contrôle, voire de sanctions, des éco-organismes au niveau territorial, pour le nombre de points d'apport volontaire (PAV) non respecté par habitant, un taux de collecte trop bas, ou encore un seuil de déclenchement de collecte des PAV qui peut être trop élevé et qu'il faudrait adapter localement.
Les raisons souvent mises en avant par les éco-organismes ont été citées : il est vrai qu'il n'y a que deux déchetteries en Guyane, d'où l'importance de continuer leur déploiement, ainsi que les éco-carbets. Au niveau de l'Ademe, nous avons besoin que soit maintenue la dérogation qui permet de soutenir le déploiement des éco-carbets et des déchetteries.
Autre raison mise en avant, le manque d'installations de traitement local dû aux faibles gisements, qui renvoie à la problématique du transport inter-territoires pour consolider les gisements. Là aussi, il faudrait continuer le soutien, voire mettre en place une subvention pour maintenir le fret entre les Drom-Com afin de mutualiser les gisements et de développer des solutions plus régionales qui permettraient peut-être aux éco-organismes de s'impliquer davantage.
Concernant les problématiques de gouvernance, Aurélie Billard a évoqué la réflexion menée pour la mise en place d'un syndicat intercommunal du littoral, cela me semble effectivement un sujet important. Nous pensons aussi qu'il faut maintenir et renforcer la coordination entre l'État et les collectivités sur des sujets majeurs du territoire. Aujourd'hui, les EPCI rencontrent les services de l'État un par un ; il serait plus intéressant de nous asseoir autour de la même table pour réfléchir ensemble à une animation territoriale renforcée et des solutions collectives pour l'ensemble du territoire pour mieux accompagner les EPCI.
Enfin, concernant le financement, il faudrait mener une réflexion sur le maintien et la mise en place de dispositifs spéciaux pour Mayotte et pour la Guyane, deux territoires qui nécessitent encore un rattrapage structurel important. De même, il faut s'interroger sur l'accompagnement des EPCI dans la réduction de leurs coûts et l'augmentation de leurs ressources dans leur problématique de gestion de déchets.
Enfin, la question de la TGAP a été maintes fois abordée et nous abondons sur la nécessité de maintenir une TGAP spécifique aux outre-mer. Comme le mentionnait Aurélie Billard, la question de la priorité donnée à la valorisation énergétique par rapport à la valorisation matière, et donc, de l'impact de la TGAP par rapport à la valorisation énergétique, mérite également d'être posée.
Mme Gisèle Jourda. - Je remercie l'ensemble des participants pour la clarté et la précision de leurs propos, notamment par rapport au questionnaire qui leur a été adressé.
De nombreux points ont été abordés : la TGAP, une problématique qui nous est chère et pour laquelle ma collègue Viviane Malet a beaucoup oeuvré au Sénat, afin de soutenir les problématiques liés aux déchets. La gouvernance, autre grande thématique abordée, sur laquelle je ne reviendrai pas.
En revanche, j'insisterai sur les disparités des territoires et le manque d'infrastructures. Dans cette mission, nous serons sensibles à ces deux aspects : on ne peut pas comparer un territoire à un autre, celui qui est dépourvu d'infrastructures et celui qui a des infrastructures développées.
S'agissant des quartiers informels, une question qui n'a pas été évoquée me préoccupe, c'est celle de l'impact sur la salubrité publique de toutes ces décharges, dépôts, VHU, des ramassages qui ne se font pas... J'aimerais avoir, dans les réponses aux questionnaires que vous nous ferez parvenir, des éléments sur la façon dont vous percevez cette problématique car je ne serais pas étonnée qu'il y ait là un enjeu fort de salubrité publique et de santé à mettre en avant.
M. Stéphane Artano, président. - Sans transition, je vous propose d'aborder à présent notre seconde table ronde consacrée à la gestion des déchets aux Antilles.
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer - Table ronde Antilles
M. Stéphane Artano, président. - Sans transition, je vous propose d'aborder à présent notre seconde table ronde consacrée à la gestion des déchets aux Antilles, en passant successivement en revue la situation dans quatre territoires : Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Je tiens d'abord à vous remercier pour toutes les réponses au questionnaire écrit envoyé par nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, qui ont déjà été transmises. Il en sera tenu le plus grand compte dans notre rapport.
Nous entendons d'abord les représentants de la Martinique.
M. Jean-François Mauro, directeur régional de l'Ademe en Martinique. - Depuis 2014, trois établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont chargés de la collecte des déchets en Martinique, en lien avec le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) qui s'occupe du traitement. Ce syndicat fait face à une forte ambition territoriale alors que les ressources ne couvrent pas les besoins d'investissement. Une étude récente de l'Agence française de développement (AFD) sur l'optimisation de la filière déchets en Martinique fait ainsi état d'un déficit de 10 millions d'euros et de problèmes de gouvernance du SMTVD.
La Martinique n'est plus en rattrapage structurel mais reste au milieu du gué par rapport à l'Hexagone. C'est le grand écart entre une unité d'incinération d'ordures ménagères (UIOM) et une collecte en porte-à-porte des emballages et de biodéchets pour la valorisation organique : ces deux modèles ont du mal à coexister. En outre, le maillage des déchetteries est déficient et ne permet pas de diminuer le porte-à-porte.
En termes de ressources, la situation est contrastée : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) couvre le coût du service sur certains EPCI seulement, et la filière déchets est, comme je vous le disais, en déficit structurel de 10 millions d'euros par an. Une baisse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), ou du moins une modulation de celle-ci pour soulager le syndicat, serait souhaitable pour redonner un second souffle à l'ensemble du service public. Nous devons quoi qu'il en soit éviter l'enfouissement et l'incinération. Cependant, l'exonération de la TGAP ferait courir le risque de transférer la capacité d'investissement des EPCI vers le SMTVD.
Les dispositifs financiers sont plutôt disponibles : Fonds européen de développement régional (Feder), Fonds européen d'investissement (FEI) ou encore défiscalisation et aides de l'Ademe. Attention toutefois, les aides européennes seront plus difficiles à mobiliser si la Martinique ne se conforme pas aux exigences de l'Union européenne (UE) en matière de valorisation et de recyclage. Cette conformité réglementaire est un véritable enjeu.
La coopération régionale est abordée sous des angles divers. Nous souhaiterions à terme voir émerger une offre de transport inter-îles bon marché, sujet plus global et structurant pour la zone des Antilles.
Mme Valérie Marine-Poletti, directrice de l'environnement et de l'énergie de la collectivité de Martinique. - Jean-François Mauro a déjà fait l'état des problématiques de notre collectivité. La gestion des déchets est un enjeu primordial compte tenu de ses conséquences sanitaires et sur l'attractivité. Les élus de cette nouvelle mandature prennent les choses à bras-le-corps. La planification et la coordination sont dans notre champ de compétences : notre plan de prévention et de gestion des déchets de Martinique (PPGDM) est en vigueur depuis 2019, avec des échéances à 6 et à 12 ans. Nous l'avons co-construit, main dans la main, avec tous les acteurs de Martinique et le comité de suivi se réunit régulièrement.
À cela s'ajoute le programme territorial de maîtrise des déchets (PTMD), que nous avons mis en place avec l'État et l'Ademe. Il permet d'apporter un soutien technique et financier aux porteurs de projets sur le territoire, en particulier pour l'accès aux fonds européens.
La collectivité a aussi pris l'initiative d'une stratégie territoriale d'économie circulaire (STEC), qui devrait aboutir d'ici à la fin de l'année. Jean-Francois Mauro l'a rappelé, le territoire est en transition, et la collectivité en est bien consciente. Elle a d'ailleurs pris d'autres mesures, puisqu'elle élabore un programme contre les véhicules hors d'usage, dit « zéro VHU », en amont de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) dans ce domaine. Je rejoins ce qui a été dit sur la TGAP : les recettes doivent être mieux fléchées vers les investissements locaux.
Sur la gouvernance, le renouvellement des instances devrait répondre à certains dysfonctionnements du SMTVD, avec de nouveaux statuts pour relancer les investissements. Un travail de coopération et de transparence est à mener entre le SMTVD et les EPCI. Il faut aussi une meilleure synergie entre collecte et traitement, qui passera par la communication et la coordination.
Le transport transfrontalier de déchets doit être simplifié et la part de l'État dans le dispositif d'aide au fret des déchets doit augmenter. Il faut faciliter les demandes d'aides et apporter de l'ingénierie financière aux TPE, PME et éco-organismes locaux en cours de structuration. Enfin, il faut optimiser la ligne maritime entre l'Hexagone et les îles de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO).
Sur les décharges sauvages, l'application « Arété sa » permet aux citoyens de signaler des dépôts sauvages avec géolocalisation.
Ensuite, les aides financières sont nombreuses et présentes, mais il faut mieux prendre en compte les coûts de fonctionnement et les problématiques d'autofinancement des collectivités pour optimiser les taux de consommation. Cela passe par une facilitation des procédures et des conditions d'éligibilité.
J'alerte aussi sur les fonds européens, primordiaux pour l'investissement, mais dont les conditions d'obtention sont défavorables aux territoires : notre PPGDM est en effet basé sur la réglementation en vigueur en novembre 2019, c'est-à-dire avant la transposition du paquet économie circulaire de février 2020, ce qui nous place dans des conditions défavorables. Les performances de valorisation fixées par l'UE ne sont pas atteignables à ce jour.
Je précise que les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) sont largement mobilisés : boutiques solidaires, cafés de recyclage, ateliers de réparation qui permettent le réemploi, etc.
Enfin, sur la filière REP, les problématiques sont mieux connues et les échanges améliorés, avec la plateforme REP Caraïbe en place depuis 2017. Il faut inscrire dans les cahiers des charges et agréments des filières REP des objectifs régionaux de collecte et de valorisation cohérents avec les normes imposées par l'UE. Le tout doit aller de pair avec le renforcement d'une communication répétitive avec des messages adaptés.
Mme Myriam Zapha, directrice de l'enfouissement du SMTVD. - Le SMTVD est composé des trois EPCI. Créé en 2014, il a un nouveau président depuis février 2022.
La valorisation des déchets, action à la portée de tous, reste trop peu appliquée. La TGAP, qui a pour objet d'inciter les entreprises à trier leurs déchets, nous semble également excessive. Il serait opportun que nous en soyons exonérés, car elle représente 17 % de nos dépenses. De plus, l'évolution prévue dans les cinq prochaines années grèvera encore davantage nos dépenses.
Les aides nous paraissent aussi insuffisantes : tous les investissements n'y sont pas éligibles et, s'agissant du Feder, la collectivité ne peut être financée qu'à hauteur de 70 %, alors qu'elle est déjà en difficulté. Nous avons besoin d'aides prenant mieux en compte les spécificités locales.
La capacité d'ingénierie doit être renforcée eu égard aux nombreux et ambitieux investissements que nous aurons à réaliser. Il faut pour cela renforcer les équipes avec des personnes expérimentées dans ce domaine.
M. Benoît Guilon, directeur des moyens du SMTVD. - Sur la mutualisation, nous souhaitons renforcer nos liens avec les territoires limitrophes de la Martinique, voire avec l'Amérique du Sud. Il faudrait pour cela limiter l'octroi de mer.
Par ailleurs, sur les décharges sauvages, les EPCI identifient les zones problématiques. Le territoire est sillonné pour pénaliser les contrevenants. Il n'y a pas encore de cartographie, mais une forme de police environnementale assure déjà la protection de la nature.
M. Manuel Vadius, directeur tri-valorisation du SMTVD. - Les déchets de type batteries, lithium et certains plastiques sont issus de produits dont nous ne pouvons-nous passer. Il ne faut donc pas les interdire, mais bien trouver la meilleure solution de traitement, en lien avec nos partenaires régionaux et internationaux.
Concernant le tri, nous souhaitons plus de mesures incitatives financières, voire un concours avec une médaille décernée au meilleur trieur. Cela permettrait d'enfouir moins de déchets, nous permettant de faire perdurer notre installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) le plus longtemps possible, tout cela au bénéfice de l'environnement.
Sur la collecte à la source des biodéchets, nous ne nous sommes que peu penchés sur la question et l'Ademe aura sans doute plus d'information, tout comme les EPCI.
Mme Myriam Zapha. - Le SMTVD connaît de fortes difficultés financières alors que d'importants investissements sont prévus, notamment l'installation de la troisième ligne de fours CSR (combustibles solides de récupération), les travaux sur l'unité de traitement et de valorisation des déchets (UTVD) et sur l'unité de stérilisation des sous-produits des animaux, ou encore la mise aux normes du traitement des fumées. Je pense aussi à la création des alvéoles A4 de stockage des déchets dangereux.
Mme Maryse Dubréas, directrice générale des services du SMTVD. - La Martinique est victime d'avoir voulu investir dans le traitement des déchets. Le SMTVD est un outil déterminant : il émane des trois EPCI chargés de la collecte et sa mission est de valoriser les déchets. Parce qu'il a beaucoup investi, sa capacité de désendettement est extrêmement basse. Il subit aussi des difficultés de fonctionnement par rapport à la TGAP, dont le caractère incitatif n'est plus à prouver, mais qui plombe nos finances et nous prive d'autofinancement.
Les investissements à faire sont pourtant déterminants : il faut faire des travaux sur l'UTVD, créer une troisième ligne CSR et, comme le demande l'UE, améliorer les normes de rejet des fumées. Rien que cela représente 80 millions d'euros ! Si la collectivité ne peut plus emprunter, elle a besoin de subventions, à hauteur de 100 % de l'investissement. Le SMTVD a été pionnier, mais fait face à des difficultés phénoménales aujourd'hui.
Nous avons parlé des alvéoles A4 et A5 : notre insularité devrait inciter à éviter l'enfouissement, mais celui-ci reste nécessaire faute de traitement en amont, ce qui nous impose de payer la TGAP. Il faudra un moratoire pour le SMTVD, les moyens dont il pourra disposer seront déterminants pour la Martinique.
M. Stéphane Artano, président. - Le sujet de la TGAP revient effectivement en boucle. Nous en venons aux intervenants de Saint-Martin.
Mme Bernadette Davis, conseillère territoriale de Saint-Martin, présidente de la commission des affaires économiques. - Je vous remercie de nous donner cette opportunité de nous exprimer sur cette problématique majeure, à laquelle nous sommes confrontés depuis que notre territoire est passé d'une commune rurale de 8 000 habitants à une destination touristique leader de la Caraïbe de 35 000 habitants hors visiteurs en deux décennies seulement.
Cette période, de 1980 à 2000, représente un temps très court pour passer d'une gestion de déchets produits par une population réduite et peu consumériste à des volumes autrement plus conséquents produits par une société moderne, aggravés par des événements climatiques désastreux tels que le cyclone Irma.
Les problématiques spécifiques à notre territoire méritent des réponses adaptées, reposant sur une volonté politique locale forte, mais aussi sur une prise de conscience nationale de notre situation, avec un accès aux fonds nationaux et européens. On ne peut appréhender la gestion des déchets sur un territoire insulaire de 52 kilomètres carrés, privé des potentialités offertes par la création d'EPCI, comme sur un autre territoire.
La valorisation et la lutte contre la prolifération des déchets doivent faire l'objet d'un véritable rattrapage face à notre surpeuplement. Il doit passer par l'excellence et par l'implantation d'outils nouveaux, par exemple en valorisant les déchets comme source d'énergie alors que le dérèglement climatique et la crise du gaz et du pétrole imposent une transition rapide vers un éloignement du fossile et plus d'autonomie énergétique.
Je ne saurais trop vous dire à quel point cela représente une opportunité pour notre jeunesse en termes d'emplois qualifiés, alors que notre taux de chômage atteint des records à l'échelle de la nation.
M. José Carti, représentant la direction "eau, énergie et environnement" de la collectivité de Saint-Martin. - Notre île est soumise à deux réglementations différentes. La partie française est une région ultrapériphérique (RUP), la partie néerlandaise un pays associé. L'application uniforme du droit européen n'est donc pas possible. Nous demandons aujourd'hui que la gouvernance locale soit revue pour que les deux parties de l'île puissent mieux travailler ensemble sur cette problématique des déchets.
Saint-Martin n'est pas assujettie à la TGAP, car nous avons notre propre compétence fiscale. Nous voudrions mettre en place à l'échelle de l'île une green tax sur les produits importés, dont 90 % transitent par la partie hollandaise.
Nous sollicitons régulièrement des aides financières : l'Ademe nous assiste sur le territoire, mais nous souhaiterions qu'elle s'investisse davantage et que des subventions soient fléchées vers Saint-Martin. Aujourd'hui, notre budget est compris dans celui de la Guadeloupe. Nous préférerions disposer d'un budget affecté, ce qui faciliterait la gestion.
Pour renforcer notre capacité d'ingénierie, un appel à candidatures pour l'embauche d'un ingénieur dédié à la gestion des déchets est en cours, en partenariat avec l'Ademe.
S'agissant de coopération régionale, nous travaillons avec la partie hollandaise, mais aussi avec l'ensemble de la Caraïbe, même si nous souhaiterions pouvoir approfondir encore nos partenariats avec les îles qui ne sont pas soumises aux mêmes réglementations que nous.
Les décharges sauvages ont prospéré aux Antilles depuis 1992. La collectivité vient de lancer un appel d'offres pour essayer de les localiser précisément et de s'en débarrasser, même si ces dépôts se trouvent souvent sur des terrains privés dont les propriétaires sont parfois difficiles à identifier. Nous voudrions aussi sensibiliser les entrepreneurs, qui sont le plus souvent à l'origine de ces dépôts, soit au moyen d'une taxation spécifique, soit en les encourageant à déposer leurs déchets en décharge.
Il est par ailleurs évident que le pouvoir de police n'est pas assez présent.
M. Stéphane Artano, président. - Je précise que la délégation avait également invité l'association Clean Saint-Martin, dont le vice-président est Sébastien Terrien, et qui s'est excusé de ne pouvoir participer à cette table ronde. Je vous propose maintenant de passer à la collectivité de Saint-Barthélemy.
Mme Sophie Durand Olivaud, directrice des services techniques de la collectivité de Saint-Barthélemy. - La question des déchets est un sujet crucial pour notre petit territoire insulaire de 25 kilomètres carrés.
La collectivité assume pleinement sa compétence de collecte et de traitement des déchets à travers son délégataire de service, Ouanalao Environnement.
Elle a fait depuis longtemps le choix de l'incinération, mais dans un but de valorisation énergétique. Dans les années 2000, la collectivité a construit une première unité de valorisation qui permettait la production d'eau potable en utilisant la vapeur produite par la combustion. Nous travaillons actuellement sur une autre forme de valorisation, pour produire cette fois de l'électricité, sur laquelle nous voudrions aboutir d'ici la fin de cette année ou début 2023.
On ne peut toutefois pas tout valoriser sur le territoire, et le point le plus pénalisant reste le transport de tous les déchets que l'on doit exporter vers des filières de valorisation situées en Guadeloupe, mais surtout en métropole ou aux États-Unis. Le développement de filières sur la zone inter-îles caraïbe permettrait évidemment de réaliser des économies d'échelle.
M. Stéphane Bertrand, directeur du développement de Ouanalao Environnement, délégataire de la collectivité de Saint-Barthélemy. - En effet, la solidarité inter-îles est indispensable. Saint-Barthélemy doit encore gérer des déchets qui datent du passage de l'ouragan Irma. Un petit territoire comme le nôtre ne peut pas tout traiter à son niveau.
L'incinération associée à une valorisation énergétique génère des sous-produits - mâchefer, résidus de filtration des fumées. Les normes relatives au traitement des fumées ayant été récemment renforcées, cela va augmenter la quantité de sous-produits que nous devrons exporter vers des centres d'enfouissement de classe 1 en métropole, avec à la clé un impact financier et environnemental.
La collectivité nous demande également de trouver des solutions pour traiter les sargasses. Or, en tant que prestataire privé, je ne vois pas comment nous pourrions, seuls, à l'échelle de notre petit territoire, résoudre le problème s'il devait encore s'aggraver...
M. Fred Questel, directeur d'exploitation de Ouanalao Environnement, délégataire de la collectivité de Saint-Barthélemy. - J'ajoute que la situation locale est rendue plus complexe en raison des dossiers administratifs à remplir pour certains types de déchets.
Je pense notamment aux piles au lithium, aux aérosols ou aux peintures. Faute de flux très importants, nous éprouvons des difficultés pour exporter ce type de déchets, qui sont donc souvent stockés.
Il y a peut-être des solutions de simplification à trouver dans le cadre de la solidarité inter-îles.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - On constate en effet des différences importantes d'un territoire à l'autre.
Le problème de la TGAP remonte à chaque audition. Considère-t-on cette taxe comme une amende ou faut-il flécher son produit vers les territoires pour mettre en place les outils qui s'imposent ?
Au regard du manque de déchetteries sur certains territoires, il conviendrait peut-être d'envisager l'installation de déchetteries itinérantes, qui seraient sans doute plus adaptées dans certains cas.
La plupart des territoires se plaignent de ne pas pouvoir lancer de projets, faute d'argent. Mais, de son côté, la direction générale des outre-mer (DGOM) affirme qu'il y a encore des fonds disponibles qui ne sont pas utilisés.
Quoi qu'il en soit, je remercie tous les intervenants pour la clarté de leurs propos.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je veux remercier à mon tour les différents intervenants.
Nous avons parlé des transports, mais pas vraiment du problème des délais. Quand j'entends qu'il reste encore des déchets datant de l'ouragan Irma, cela m'interpelle.
Nous ne devrons pas occulter cette question de la réactivité dans notre rapport. Comment l'État pourrait-il intervenir pour éviter ces stocks et les conséquences sanitaires qui en découlent ?
M. Stéphane Artano, président. - Nous terminons notre table ronde cet après-midi avec la Guadeloupe.
Mme Kate Cipolin, directrice générale adjointe des services techniques du Syvade. - Le syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (Syvade) est compétent en matière de traitement des déchets ménagers et assimilés pour la communauté d'agglomération Cap Excellence, qui produit une quantité de déchets importante en raison de son attractivité économique, la communauté de communes de Marie-Galante et la communauté d'agglomération Nord Basse-Terre, soit au total 37 % de la population guadeloupéenne.
Il n'existe pas en Guadeloupe de structure unique compétente pour le traitement des déchets. L'enjeu est d'obtenir une autonomie maximale pour pouvoir assurer ce service public, quels que soient les événements climatiques ou le niveau de présence industrielle sur le territoire.
Les équipements sont importants, même si la Guadeloupe accuse toujours un important retard en termes d'infrastructures.
Le traitement des déchets est pour le moment principalement axé sur l'enfouissement des déchets non dangereux et le compostage des déchets verts. Nous sommes en retard sur la collecte sélective et les biodéchets.
Le Syvade souhaite un accompagnement financier maximal sur tous les dispositifs existants. Nous préconisons notamment un renforcement du taux d'aide au fret et une exonération de la TGAP, dont le taux a doublé entre 2009 et 2021. Y compris avec la réduction actuelle de 35 %, cette taxe devrait atteindre 44 euros, ce qui serait difficilement supportable pour les membres du Syvade.
Nous aimerions aussi que l'enveloppe des subventions soit considérablement augmentée. Les 143 millions d'euros du programme opérationnel (PO) 2014-2020 ont en effet été utilisés pour traiter à la fois les problématiques des déchets, de l'eau et de la biodiversité. Or il y a beaucoup à faire en matière de traitement des déchets. Il nous manque des déchetteries et certains mécanismes de collecte sélective sont défaillants.
S'agissant des biodéchets, nous avons surtout un problème d'exutoire pour les déchets verts, dont la production est importante. Les prestataires nous disent qu'ils ont des difficultés à produire un compost normé. De plus, l'une des deux unités de compostage autorisées sur le territoire rencontre d'importants problèmes de conformité avec la réglementation.
Pour les déchets alimentaires, l'organisation de la collecte séparative va exiger de gros efforts structurels au niveau des EPCI : il faut équiper les ménages, les professionnels et organiser la collecte - un ramassage par semaine serait sans doute insuffisant sur notre territoire pour des raisons sanitaires.
S'agissant des filières REP, nous disposons d'interlocuteurs locaux pour les principaux éco-organismes, mais ces derniers restent assez effacés, l'organisation des dispositifs opérationnels reposant essentiellement sur les collectivités. Nous voudrions donc que ces dernières soient indemnisées à la hauteur de leurs efforts.
Enfin, sur l'ingénierie territoriale, je souligne les difficultés de formation des cadres de catégorie A et B, notre éloignement rendant difficile l'accès aux cycles de formation poussés de l'Institut national des études territoriales (INET).
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - J'imagine que la Guadeloupe rencontre aussi des problèmes liés à la double ou triple insularité...
Mme Kate Cipolin. - À Marie-Galante, les déchets sont collectés par la communauté de communes et déposés dans différentes bennes sur un quai de transfert, puis chargés sur une barge direction Pointe-à-Pitre. Les bennes sont ensuite récupérées par l'un de nos prestataires et transmises aux différents exutoires.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Marie-Galante n'est pas la seule île. Quid des îles du sud ? Et comment traitez-vous le problème des sargasses ?
Mme Kate Cipolin. - Le traitement des déchets des Saintes relève de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe. Quant à ceux de la Désirade, ils sont traités par la communauté d'agglomération La Riviera du Levant.
Nous ne connaissons pas de difficultés d'évacuation des sargasses pour Marie-Galante, mais le problème se pose en revanche pour la Désirade. L'évacuation des bennes de déchets est affectée par la présence ou non d'algues dans la baie.
M. Dominique Théophile. - Les produits phytosanitaires et pharmaceutiques polluent les eaux potables, mais leur décontamination reste à la charge des collectivités. Faudrait-il dès lors mettre en place une REP pour l'eau ?
Comment par ailleurs améliorer la gestion des filières REP outre-mer ? Faut-il substituer au cahier des charges national des cahiers des charges spécifiques à chaque territoire ?
Mme Kate Cipolin. - L'une de nos propositions est d'adapter le cahier des charges des filières REP aux territoires d'outre-mer. Pour certaines filières, les quantités sont très faibles, d'où la réticence des éco-organismes.
Il faudrait surtout réfléchir à une solution cohérente en termes de coût ou de bilan carbone. Il est dommage de devoir faire partir vers la métropole deux tonnes de déchets par an seulement alors que l'on pourrait potentiellement envisager sur place ou dans la zone caraïbe d'autres solutions.
Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo, vice-présidente de la région Guadeloupe. - La question des filières REP est fondamentale. Ces filières peinent à se déployer outre-mer, en dépit de leur agrément national.
Ainsi, la filière REP pour l'immobilier, mise en place dans l'Hexagone dès 2012, ne s'est déployée outre-mer qu'à partir de septembre 2021. Nous nous acquittons pourtant de l'éco-taxe.
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020 prévoit un suivi par l'Ademe des objectifs contenus dans le cahier des charges.
Dans le domaine agricole, l'éco-organisme Agrivalor refuse de venir sur le sol ultra-marin, en dépit des enjeux, notamment l'élimination des produits phytosanitaires et des plastiques utilisés dans le cadre de la culture de la banane. Les collectivités ont dû financer elles-mêmes la mise en place de solutions pour les agriculteurs.
L'Ademe devrait constituer un groupe de contrôle avec les élus locaux pour s'assurer que les filières REP exercent effectivement leurs services sur les territoires ultramarins, conformément à leur agrément.
Pour le citoyen usager, c'est la double peine, puisqu'il paye deux fois pour le même service.
M. Stéphane Artano, président. - Je vous remercie de cette réponse, madame la vice-présidente. Je vous laisse à présent la parole pour un propos plus général.
Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo. - La gestion des déchets est rendue complexe par les contraintes relatives à la double insularité. En Guadeloupe, les coûts de gestion des déchets s'élèvent à 179 euros par an et par habitant, alors qu'ils ne sont que de 90 euros par habitant et par an dans l'Hexagone.
Il reste toutefois possible de diminuer ces coûts par une rationalisation de la gestion des déchets. Bien qu'elle ne détienne pas la compétence collecte et traitement des déchets, la collectivité régionale s'y emploie, notamment au travers du plan régional de prévention et de gestion des déchets que nous élaborons et animons.
Il faut d'abord que les déchets d'activités économiques, que l'on retrouve dans les poubelles domestiques et qui sont de fait à la charge des agglomérations, soient à la charge des entreprises et des administrations qui les produisent. Cela suppose d'accroître le nombre de déchetteries professionnelles, mais aussi de mettre en place une taxe spécifique.
Il faut ensuite doter le territoire d'infrastructures plus nombreuses, car 70 % des coûts de gestion des déchets sont des coûts de transport. Nous devons notamment réduire la part de collecte effectuée en porte-à-porte en incitant les citoyens à se rendre à la déchetterie.
La région travaille à la construction de huit déchetteries et à la rénovation de celle de Capesterre-Belle-Eau. Elle souhaite également la création de trois unités de revalorisation des déchets susceptibles de produire du combustible solide de récupération. L'objectif est de passer de 75 % à 25 % d'enfouissement, et ainsi de faire face à l'augmentation de la TGAP pour l'enfouissement. Deux de ces usines verront le jour en 2025-2026.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Envisagez-vous de mettre en place des transports séparés pour les déchets dangereux ?
Vous efforcez-vous d'encourager l'installation de composteurs individuels ?
Y a-t-il des décharges sauvages en Guadeloupe ? Si oui, comment traitez-vous cette difficulté ?
Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo. - Les agglomérations développent des solutions de compostage domestiques et collectives. Nous sommes conscients que les biodéchets, qui représentent 30 % des déchets domestiques, doivent être triés en amont des unités de revalorisation.
Les dépôts sauvages sont le fait d'un manque d'information et de sensibilisation auquel nous nous efforçons de remédier, mais ils sont aussi la conséquence de l'absence de solutions de recyclage. Avant septembre 2021, c'était notamment le cas de tous les déchets mobiliers.
J'estime qu'une part de l'éco-contribution devrait être reversée aux agglomérations qui évacuent ces dépôts sauvages, et à l'Office national de la biodiversité qui restaure les sites.
Par ailleurs, il nous faut mettre en place une filière REP de l'eau. Le chlordécone a pollué nos sols pour 700 ans, et à ce jour, nous ne mesurons pas les effets de l'utilisation du glyphosate sur notre population. La décontamination de l'eau du robinet par l'installation de filtres à charbon, procédé très coûteux, ne doit pas être à la charge des agglomérations, qui n'y sont pour rien.
La dégradation de la qualité des eaux est telle que nous avons besoin d'une loi sur l'eau.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Vous n'avez pas répondu à ma question relative à l'évacuation des déchets dangereux.
Par ailleurs, la mise en place d'une instance de concertation entre les différentes collectivités concernées par la gestion des déchets vous semblerait-elle opportune ?
Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo. - Les déchets dangereux sont du ressort des éco-organismes. Les déchets médicaux ou les déchets phytosanitaires, par exemple, sont entièrement pris en charge dans le cadre de procédures étroitement contrôlées. De fait, on ne les retrouve qu'en quantités infimes dans les déchets domestiques.
Le plan régional de prévention et de gestion des déchets est élaboré par la commission consultative d'élaboration et de suivi. Il est possible de réactiver cette commission en tant que de besoin pour le suivi du déploiement du plan.
Par ailleurs, l'Observatoire régional des déchets publie chaque année des chiffres clés qui sont de précieux indicateurs.
Enfin, nous avons tellement râlé après les filières REP que ces dernières ont mis en place une plateforme interfilières ainsi qu'un comité technique. Tous les six mois, la région et les agglomérations rencontrent l'ensemble des filières REP déployées sur le territoire pour formuler leurs doléances et suivre l'évolution des dossiers en cours.
Ces trois outils nous permettent d'effectuer un suivi efficace. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire, à mon avis, de créer une nouvelle instance.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Qu'en est-il des véhicules hors d'usage (VHU) ? Quelle est la stratégie pour résorber le stock historique de véhicules abandonnés ?
Rencontrez-vous des difficultés pour stocker et évacuer les batteries au lithium ?
Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo. - Lorsque la région était chargée de collecter les VHU, elle en récoltait environ 4 000 tonnes par an. Depuis que l'éco-organisme de traitement des déchets automobiles (TDA) est chargé de cette collecte, celle-ci n'est plus que de 2 000 tonnes par an. Il nous semble pourtant que le tonnage aurait dû augmenter.
TDA rejette la faute sur les communes, indiquant qu'à défaut d'acte administratif d'abandon du véhicule, il ne peut le collecter. Or les maires ne veulent pas perdre leurs électeurs...
Le prix de collecte d'un véhicule est estimé par TDA entre 400 et 600 euros. J'ai donc proposé que TDA verse 300 euros aux citoyens qui ramèneraient un VHU, mais l'éco-organisme s'y refuse.
Ne disposant pas de moyen de pression, nous voyons le stock se reconstituer...
S'agissant du recyclage des batteries usagées, nous avons demandé à l'Ademe de mener une étude, que nous attendons.
M. Jean-Marc Pasbeau, responsable du pôle environnement et cadre de vie de la communauté de communes de Marie-Galante. - La communauté de communes de Marie-Galante rencontre des difficultés dues à son éloignement de la Guadeloupe continentale.
Depuis la fermeture de notre décharge, nous procédons au transfert de nos déchets au moyen de bennes de 30 mètres cubes. Comme nous ne disposons que d'une barge qui sert aussi à d'autres activités, celle-ci est en très forte tension, d'autant que les périodes cycloniques empêchent une rotation en continu.
Ces différentes difficultés entraînent un surcoût important et peuvent occasionner des arrêts de la collecte des ordures ménagères.
Malgré la solidarité qui s'exerce entre les collectivités du Syvade, le coût reste trop lourd pour les 10 000 habitants de Marie-Galante.
Nous poursuivons nos efforts pour réduire le tonnage enfoui, qui représente actuellement 80 % des déchets collectés. Si seulement 5 % de nos déchets sont valorisés, nos déchets verts sont tous broyés sur place puis distribués aux agriculteurs, et nous projetons la création d'une plateforme de co-compostage des déchets verts et des sargasses.
Enfin, lorsque nos administrés font des achats en Guadeloupe continentale, ils ne peuvent pas bénéficier de la reprise des articles qu'ils remplacent, ce qui engendre un surcoût pour la communauté de communes...
M. Stéphane Artano, président. - Il semble que la communication avec Jean-Marc Pasbeau ait été interrompue...
Je remercie tous nos intervenants, et j'invite ceux qui ne l'ont pas encore fait à répondre au questionnaire que nous leur avons adressé.