Jeudi 6 octobre 2022
- Présidence de M. Serge Babary, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Transmission d'entreprise - Examen du rapport de la mission de suivi relative à la transmission d'entreprise
M. Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux entreprises - Bonjour à tous. Nous nous réunissons ce matin au sujet des transmissions et reprises d'entreprises. Les entrepreneurs et les organisations professionnelles nous ont alertés sur les difficultés existantes et les défis auxquels nous devrons faire face. Toutes les entreprises, indifféremment de leur taille, aborderont ce sujet à un moment de leur existence, tant dans son aspect micro-économique (leur survie) que macro-économique (l'avenir des emplois, des brevets, du savoir-faire et de la souveraineté économique de notre pays).
Ce thème fera l'objet de la seconde table ronde de notre Journée des entreprises, le 13 octobre.
Je donne la parole à nos rapporteurs et les remercie d'avoir travaillé depuis le début de l'année sur ce sujet majeur et complexe.
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - Merci, Monsieur le Président, mes chers collègues, le rapport que nous allons vous proposer d'adopter ce matin constitue une étape dans l'engagement de la Délégation en faveur de la transmission d'entreprise. En effet, avant nous, nos collègues Michel Vaspart et Claude Nougein avaient produit un premier rapport, en février 2017, intitulé : « Moderniser la transmission d'entreprise en France : une urgence pour l'emploi dans nos territoires ». Ils avaient alors décrit de façon complète et précise le paysage de la transmission d'entreprise, qu'elle soit intrafamiliale ou à des tiers, salariés ou non. Etaient présentés ses acteurs, ses mécanismes et son cadre juridique. Nos collègues avaient en outre formulé des recommandations qui ont nourri le débat législatif l'année suivante. Leur proposition de loi, adoptée en première lecture au Sénat en juin 2018, tout comme leur rapport, avaient manifestement convaincu le Gouvernement qui avait repris à son compte plusieurs mesures, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2019. Modernisation du « Pacte Dutreil », élargissement du crédit-vendeur, assouplissement des conditions pour bénéficier du crédit d'impôt en cas de rachat par des salariés : la Délégation aux entreprises peut se féliciter d'avoir contribué largement à la modernisation du cadre législatif qui était attendu.
Il était très attendu car déjà, en 2017, la sonnette d'alarme était tirée : les cessions d'entreprise ralentissaient alors qu'augmentait le nombre de dirigeants en âge de partir à la retraite. Les difficultés de transmission étaient telles que beaucoup de chefs d'entreprise ne trouvaient déjà pas de repreneur, l'issue étant alors tout simplement la cessation d'activité et donc la perte d'un poumon économique et des emplois afférents.
Le rapport que nous vous présentons est également une étape car la suite est déjà prévue : proposition de loi, voire proposition de résolution, amendements au projet de loi de finances pour 2023, que nous vous proposerons de co-signer, et une vidéo à destination des chefs d'entreprise pour les aider à mieux appréhender les outils de la transmission.
La mission de suivi que vous nous avez confiée nous a amenés à nous poser deux types de question :
- 1°) La situation s'est-elle améliorée ou a-t-elle au contraire empiré depuis 2017/2018 ?
La réponse est mitigée : si le cadre législatif est indéniablement meilleur, notamment sous l'influence de la Délégation, le constat est toujours alarmant. En effet, la tendance est toujours à la baisse pour le nombre de cessions, alors même que désormais 25 % des chefs d'entreprise ont plus de 60 ans et 11 % ont plus de 66 ans !
- 2°) Deuxième question : le contexte est-il différent ?
La réponse est : oui ! L'un des éléments emblématiques de ce changement de contexte est la note du Conseil d'Analyse Economique (CAE), publiée en décembre 2021, qui remet en cause l'utilité du « Pacte Dutreil ». Pourtant ce dispositif fiscal est essentiel pour les transmissions familiales, au coeur du développement des ETI dont nous manquons cruellement. Cette publication du CAE n'est pas anodine et l'on aura noté, dans le débat public, une tendance à mélanger patrimoine privé et patrimoine professionnel, le tout dans une logique de dénonciation des injustices liées à l'héritage. D'ailleurs un amendement déposé à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2023 limite le recours au dispositif « Dutreil » aux transmissions réalisées avant le 31 décembre 2024 !
Par ailleurs les différentes crises traversées par nos entreprises, à commencer par la crise sanitaire, ont eu plusieurs conséquences.
L'une d'elles a été signalée par la CPME : beaucoup de chefs d'entreprise, las des aléas économiques des crises successives, s'apprêteraient à transmettre leur entreprise beaucoup plus rapidement que prévu, accélérant encore le mouvement des départs à la retraite.
Autre conséquence : les crises ont fragilisé financièrement les entreprises qui sont devenues des cibles potentielles ; le phénomène de prédation étant perçu de façon plus aigüe ces dernières années.
Enfin, la disparition des entreprises, qu'elle intervienne à la suite d'une cessation d'activité ou d'une délocalisation après un rachat par des capitaux étrangers, soulève la question de notre indépendance et de notre souveraineté économique. La crise sanitaire a fait prendre pleinement conscience de cet enjeu.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de nous avoir confié cette mission et à remercier mes deux collègues, Michel Canévet et Rémi Cardon, pour l'excellent travail que nous avons pu réaliser ensemble, Les éléments de contexte présentés par mon collègue Michel Canévet sont essentiels pour comprendre que la situation est celle de l'urgence : urgence pour le développement de notre économie notamment à travers nos ETI, urgence face au risque de disparition de nos savoir-faire et de nos emplois, urgence face à la compétition internationale, urgence enfin d'un point de vue stratégique pour ne pas devenir encore plus dépendants de fournisseurs étrangers demain.
Malheureusement, l'urgence de la situation n'est pas nécessairement perçue par tout le monde. Tout d'abord du côté de l'Etat, nous avons noté qu'en 2022, toujours aucun suivi chiffré ne permet de suivre les cessions d'entreprise en France, depuis que l'Insee n'est plus en charge de ce décompte, c'est-à-dire depuis 15 ans ! Seul BPCE L'Observatoire mène des études fiables sur le sujet.
Du côté des dirigeants, nous avons constaté qu'ils sont nombreux à trop souvent attendre le dernier moment pour organiser leur succession. Ainsi, la modernisation des outils législatifs, évoquée par Michel Canévet, n'a manifestement pas été suffisante pour qu'un « sursaut » ait lieu.
Forts de ce constat, nous avons mené des auditions qui nous ont conduits à déterminer ce qui, du point de vue des chefs d'entreprise, est aujourd'hui nécessaire pour enfin relancer la transmission d'entreprise. Celle-ci implique nécessairement une cession d'une part, et une reprise d'autre part. Or pour encourager ces deux facettes de la transmission, il faut comprendre les deux principales attentes : la sécurisation et la simplification. Ces deux logiques, qui sont d'ailleurs au coeur des missions de la Délégation aux entreprises, nous ont amenés à formuler 11 recommandations.
Les trois premières d'entre elles sont relatives au « Pacte Dutreil » et à la notion de holding animatrice.
Il nous semble essentiel de sanctuariser le « Pacte Dutreil », qui permet une exonération à hauteur de 75 % des droits de mutation à titre gratuit. Combiné à d'autres dispositifs, tels que l'abattement de 50 % en cas de donation avant les 70 ans du cédant, l'exonération atteint les 90 %. Aller plus loin serait déraisonnable dans le contexte évoqué plus tôt. En revanche nous constatons que peu de dirigeants connaissent ce dispositif, pourtant salutaire pour les transmissions familiales et le développement des PME en ETI. Un très récent sondage de CCI France réalisé avec l'institut Opinion Way montre que 82 % des chefs d'entreprise n'en n'ont jamais entendu parler ! Aussi notre première proposition vise à sanctuariser le « Pacte Dutreil » en organisant une campagne d'information des chefs d'entreprise afin qu'il devienne un dispositif incontournable pour tous ceux qui le souhaitent. Nous allons montrer l'exemple, puisque cet automne nous vous proposons de réaliser une vidéo qui pourra être diffusée à tous et sera en ligne sur notre site Internet.
Par ailleurs, dans le cadre du dispositif « Dutreil », la question du caractère animateur de la holding revient souvent. Cette question est également posée pour la mise en oeuvre d'autres mesures fiscales. Or, les critères que doit suivre l'administration fiscale pour apprécier si une holding est animatrice ou non semble insuffisamment sécurisée si l'on observe les dernières jurisprudences, du juge judiciaire ou administratif. Elles constituent des revirements par rapport à la doctrine administrative qui s'est développée ces dernières années. Notre proposition n°2 vise donc à consolider et clarifier dans la loi les éléments de définition de la holding animatrice. Elle va de pair avec la proposition n°3 qui vise à sécuriser l'appréciation administrative en instaurant un rescrit spécifique encadré par un délai de 6 mois. Idéalement, en complément de ces deux mesures, il faudrait que l'administration fiscale désigne un référent « cession - Pacte Dutreil » dans chaque direction départementale.
Enfin je souhaiterais évoquer la proposition n°5 visant à sécuriser les dispositifs de financement de la transmission par Bpifrance. Il s'agit des garanties bancaires et du « Prêt Transmission », essentiels pour les TPE et PME, comme l'ont souligné l'U2P et la CPME. La ligne de crédit a été supprimée depuis plusieurs années (il s'agissait de l'action 20 du programme 134 de la mission Economie), le Gouvernement souhaitant que le financement soit pris sur les dividendes de Bpifrance, suite à sa réorganisation. Or, cette décision nous semble menacer sérieusement la pérennité de ces dispositifs de financement, au moment même où nous appelons de nos voeux une véritable politique publique de la transmission d'entreprise ! Nous vous proposons donc de rétablir cette action budgétaire et de voter les financements nécessaires.
M. Rémi Cardon, co-rapporteur. - Je vous remercie et tiens spécialement à remercier mes collègues co-rapporteurs.
Ainsi que le titre de notre rapport le met en évidence, la transmission concerne aussi bien le cédant que le repreneur. Nous avons constaté que lorsque la transmission familiale n'est pas une option, la cession à des salariés de l'entreprise peut réellement être un pari gagnant pour conserver l'emploi localement, la culture de l'entreprise et maintenir un haut degré de savoir-faire. C'est ce qu'a montré, par exemple, l'entreprise De Sangosse, qui a accueilli notre Délégation la semaine dernière dans le département du Lot-et-Garonne « chez » notre collègue Jean-Pierre Moga. Il convient donc d'encourager la reprise par les salariés. C'était l'objectif souhaité de l'obligation préalable d'information des salariés en cas de cession, dispositif instauré par la loi dite « Hamon ». Cependant nous avons bien dû nous rendre à l'évidence que ce dispositif était plutôt contre-productif, car davantage source d'insécurité pour les entreprises. Nous proposons donc d'abroger ce dispositif (proposition n°4) pour le remplacer par des mesures incitatives ciblées (proposition n°8) pour :
- pérenniser le crédit d'impôt en faveur des sociétés rachetées par des salariés (article 220 nonies du CGI) ;
- relever les abattements fiscaux prévus en cas de reprise par des salariés (article 790 A et 732 ter du CGI) ;
- inciter le fléchage des abondements en droits complémentaires pour assurer le financement des formations de salariés à la reprise d'entreprise.
Plusieurs recommandations s'inscrivent dans la logique de simplification de la transmission. Ainsi proposons-nous d'harmoniser les droits d'enregistrement en fixant un taux unique de 0,1% (proposition n°7), de pérenniser la déductibilité de l'amortissement du fonds de commerce (proposition n°6) ou encore de faciliter la transmission à un fonds de pérennité (proposition n°10). Je rappelle que le fonds de pérennité a été créé par la loi dicte « Pacte » de 2019 et constitue un outil efficace, en théorie, pour pérenniser une entreprise. Cependant le régime fiscal est aujourd'hui trop dissuasif et seuls 3 fonds ont été créés.
Enfin deux dernières mesures méritent que nous nous y attardions.
La proposition n° 9 est un « chèque-conseil de la transmission » qui serait proposé à tous les dirigeants d'entreprise à partir de leur 55 ans et jusqu'à leur 65 ans. L'objectif est de les inciter à anticiper la question de la transmission de leur entreprise. C'est une idée défendue par l'association CRA (Cédants et Repreneurs d'Affaires). Ce chèque existe en Belgique où les chefs d'entreprise peuvent ainsi bénéficier d'une aide à l'accompagnement allant jusqu'à 22 000 euros : il permet de couvrir les coûts relatifs à la valorisation de l'entreprise, à la réalisation des différents audits ou aux conseils juridiques nécessaires pour préparer sa transmission.
Enfin, reste la proposition n°11 qui vise une meilleure coordination des acteurs de la transmission dans les territoires. De nombreuses initiatives existent partout en France, mais des témoignages des dirigeants, voire des acteurs de la transmission eux-mêmes, se dégage parfois une impression de superposition d'actions et d'absence de coordination efficace. Il nous semble urgent que soit définie une stratégie de coordination qui pourrait passer par une charte nationale, à décliner dans chaque région en fonction des caractéristiques territoriales.
Cette charte pourrait comporter :
1° Les principes de relais d'information, notamment pour ce qui concerne les données confidentielles relatives aux entreprises. Cela permettrait entre autres de pallier le manque de suivi statistique.
2° Un engagement en faveur de la promotion de la reprise d'entreprise, notamment orientée vers la conservation des savoir-faire, l'encouragement de l'entrepreneuriat féminin, le développement des filières d'avenir, la défense d'intérêts stratégiques pour la France tels que la souveraineté économique.
3° La désignation d'un référent privé et d'un référent public pour que les entrepreneurs puissent avoir un interlocuteur privilégié. Chaque région pourrait choisir ces référents, par exemple une CCI pour le privé et le directeur des services économiques de la région pour le public.
Cette structuration constituerait la base d'une véritable politique publique de la transmission d'entreprise, afin de permettre aux entrepreneurs de reprendre pour mieux entreprendre dans nos territoires.
Voici ainsi résumés les grandes axes que nous vous proposons d'adopter : sanctuariser le « Pacte Dutreil », stabiliser le droit en vigueur, simplifier les démarches et dispositifs, sécuriser les transmissions et inciter les dirigeants à anticiper. Nous vous remercions.
M. Serge Babary, président. - Je vous remercie tous les trois pour la qualité de vos travaux et votre implication dans ces démarches. Vous avez ajouté une vraie valeur personnelle sur ce sujet qui, à l'évidence, vous passionne tous. Je cède la parole à mes collègues s'ils ont des questions.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'ai plutôt une remarque, puisque vos propos m'ont rappelé la situation d'une des communes de mon territoire. Dans les trois années à venir, onze agriculteurs arrêteront leurs exploitations, ce qui, à mes yeux, s'apparente à des cessions d'entreprises.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Lors de notre déplacement en Haute-Saône, nous avons organisé une table ronde au sujet de la transmission d'entreprise et y avons convié les Présidents de la CCI, de la CMA et de la Chambre d'agriculture. Nous avons reçu des témoignages d'agriculteurs qui ont transmis ou repris des exploitations, car nous considérons qu'ils sont directement concernés par le sujet de la transmission.
M. Christian Klinger. - Merci, Monsieur le Président, et merci aux trois rapporteurs pour la qualité du travail effectué. Tous les secteurs d'activité sont affectés par le départ à la retraite d'une génération entière qui peine à trouver des repreneurs. Vous avez souligné la difficulté de faire connaître les outils fiscaux et d'accompagnement existants. Cette problématique est importante pour le maintien de l'activité économique dans nos territoires. Ne serait-il pas plus judicieux que les actions soient initiées par le sommet de l'État, une sorte de Grenelle de la transmission d'entreprise ?
Des outils fiscaux existent déjà pour aider les cédants. Ne faudrait-il pas renforcer ceux destinés aux repreneurs ?
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - Je répondrai d'abord à Monsieur Devinaz. Le rapport de 2017 proposait une déduction pour la transmission et l'installation de jeunes agriculteurs. La proposition est toujours d'actualité, mais nous ne l'avons pas reprise puisque nous avons souhaité actualiser ou mettre l'accent sur certaines des propositions faites en 2017. Il faudrait certainement trouver des outils pour améliorer la transmission des entreprises agricoles. Aujourd'hui, celle-ci est entravée par une capitalisation très forte, à laquelle beaucoup de jeunes ne peuvent pas répondre, ainsi que par le manque de stabilité financière des exploitations agricoles, insuffisamment rémunératrices.
Monsieur Klinger, je vous rejoins : nous devons accélérer la diffusion des informations. Lors du congrès de la CGAD (Confédération Générale de l'Alimentation en Détail) organisé le 28 septembre dernier, nous avons appris l'existence de près de 500 000 outils pour la création et la transmission d'entreprise dans notre pays, ce chiffre incluant toute la documentation disponible. . Pourtant, les entrepreneurs n'arrivent pas à trouver les informations dont ils ont besoin. Nos propositions visent à structurer l'information, puisque, malgré la multitude des acteurs, les chefs d'entreprise méconnaissent le sujet et attendent trop souvent le dernier moment pour préparer leur succession.
Les dirigeants en fin d'activité sont moins motivés pour chercher de nouveaux marchés et se préoccuper de l'innovation. Or, les entreprises ont besoin de s'adapter aux évolutions du marché pour perdurer.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Le Pacte Dutreil permet de cumuler des avantages aboutissant à 90 % d'exonération de droits lors d'une transmission familiale. Malheureusement, 82 % des chefs d'entreprise ne connaissent même pas l'existence de ce dispositif. L'État devrait être plus présent et s'impliquer dans la diffusion de l'information.
Nous avons constaté, lors de nos auditions, que les cédants réclament des incitations et des allègements fiscaux. Les repreneurs, en revanche, ont besoin d'une sécurisation de la reprise. Nos propositions visent donc la restauration et la continuité du financement des garanties mises en place par Bpifrance, afin d'aider les repreneurs à être pérennes et rentables. Seulement 50 % des entreprises sont transmises en France et une grande partie ne perdure pas après la transmission.
Pour assurer sa solidité, une entreprise doit passer d'un statut de PME à un statut d'ETI qui lui confère notamment plus de capacités d'exportation, donc plus de rentabilité. Cette évolution s'étale en moyenne sur vingt et un ans. Il faut sécuriser le processus de transmission afin de laisser le temps aux repreneurs d'opérer cette transformation sereinement.
M. Rémi Cardon, co-rapporteur. - La confiance est la composante centrale de la transmission. Au-delà de l'aspect financier, l'aspect humain est essentiel et, parfois même, bloquant. Connaître l'entreprise de l'intérieur est un atout puisque cela encourage la reprise par les salariés.
Il est important et urgent que l'État organise la communication au sujet de la transmission, comme suggéré dans notre proposition numéro 11. La CCI de ma région m'a indiqué qu'elle consacre 0,5 ETP au sujet de la transmission, faute de moyens suffisants. Le grand public n'a pas connaissance du dispositif, car les CCI n'arrivent pas à diffuser l'information, avec un budget en constante diminution, , et les entrepreneurs ne semblent pas avoir compris les rôles des divers interlocuteurs.
Mme Martine Berthet. - Je vous félicite d'abord pour l'ensemble de ces propositions. La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer un directeur de PME qui venait de transmettre son entreprise. Ses propos rejoignent votre volonté de clarifier le rôle d'animateur de la holding. Pouvez-vous développer ce sujet ?
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - La nécessité de sécuriser la transmission revient souvent dans les entretiens. L'administration fiscale procède fréquemment à des redressements arguant que la holding n'est pas animatrice ou qu'il y a eu une sous-valorisation des titres. Un redressement touche à la fois le repreneur et le cédant, mettant en danger la pérennité de l'entreprise et créant un climat d'insécurité.
Nous proposons plusieurs mesures correctrices dont, premièrement, une définition plus claire de la notion de holding animatrice dans la loi. Ce terme est vague et peut créer des divergences d'interprétation entre les cédants, leurs experts-comptables et avocats d'affaires, d'une part, et l'administration fiscale, d'autre part. Cela aboutit à des redressements et à la remise en cause des transmissions. En outre, l'administration n'est pas à l'abri d'un revirement de jurisprudence remettant en cause sa position, comme les récentes décisions l'ont mis en évidence.
La désignation d'un interlocuteur dédié au niveau de l'administration départementale viendrait compléter la précédente mesure. Un délai de six mois maximum devrait être instauré pour la rédaction d'un rescrit spécifique validant la reconnaissance du caractère animateur d'une holding. Aujourd'hui, l'administration n'est pas tenue à cette validation. L'encadrer d'une telle procédure éviterait des recours qui aboutissent généralement à des redressements et permettrait de familiariser l'administration avec le fonctionnement des entreprises, en ouvrant un dialogue économique avec les dirigeants concernés. Actuellement, les relations entre les chefs d'entreprise et les fonctionnaires souffrent de l'ignorance réciproque de leurs préoccupations respectives.
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - Je rappelle que le « pacte Dutreil » est nécessaire à la préservation des entreprises familiales, puisqu'il garantit leur rôle d'outils de développement, d'animation et d'emploi dans les territoires.
Les dispositions de ce dispositif sont régulièrement attaquées, comme constaté la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, on estime que 2 000 à 2 500 opérations par an sont réalisées grâce au dispositif « Dutreil ». Sans exonérations, les entreprises familiales risquent d'être reprises par de puissantes entreprises étrangères, prêtes à drainer le savoir-faire français et transférer le siège et, à terme, les emplois et les technologies acquises, à l'international.
La loi ne prévoit pas une définition suffisamment claire de la holding animatrice ce qui crée une insécurité juridique. Aujourd'hui, nous souhaitons simplement obtenir la validation de notre proposition, avant de procéder à la rédaction du texte juridique. Formaliser la définition permettrait de réduire les remises en cause et les contentieux liés aux transmissions.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Le principe de notre rapport repose sur des mesures concrètes (fiscales, administratives, etc.), mais également sur des mesures d'information et de pédagogie. 82 % des chefs d'entreprise méconnaissent les mécanismes de transmission du dispositif Dutreil. L'administration fiscale n'assure pas le suivi de ces opérations, comme l'ont confirmé nos enquêtes auprès des DGFIP de nos départements. Notre système éducatif lui-même présente des lacunes. Les élèves et les étudiants connaissent la notion de création d'entreprise, mais ignorent celle de reprise d'entreprise. En comparaison d'autres pays européens, nous sommes en retard. L'Allemagne, qui a beaucoup misé sur les facilitations fiscales ainsi que sur une énorme campagne de communication, enregistre 12 500 ETI, l'Italie 8 000, l'Angleterre 10 000, et la France seulement 5 500. Je rappelle que la balance du commerce extérieur est essentiellement portée par les ETI. Elle est déficitaire en France, mais positive en Allemagne.
M. Christian Klinger. - J'ai pu constater dans mon département que la transmission d'entreprise a bien fonctionné dans le cas de quelques SCOP (société coopérative de production). Avez-vous analysé cet aspect ?
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - En effet, nous n'avons pas évoqué le cas des SCOP ce matin mais il est bien évoqué dans le rapport de 2017. En Bretagne, il existe une délégation régionale de la Fédération des SCOP très active et très impliquée dans les reprises d'entreprises par les salariés, ce qui explique leur succès dans cette région. Je n'ai pas connaissance des situations dans d'autres régions.
M. Christian Klinger. - J'ai également eu des échos positifs. Lors de la Journée des Entreprises, j'ai eu l'occasion de parler à un dirigeant de SCOP qui était très satisfait des actions de notre Délégation.
M. Rémi Cardon, co-rapporteur. - Le statut de SCOP peut constituer une alternative de la reprise par les salariés, même si le processus est long. Nous pourrions rappeler cette solution dans le rapport, ainsi que dans la communication sur les méthodes de transmission.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Notre rapport aborde l'aspect positif de la transmission aux salariés, pas l'aspect contraignant exprimé dans la loi dite « Hamon » qui oblige l'entreprise à informer les salariés de l'opération, quelle que soit la situation. Cela peut angoisser les salariés, les clients et les fournisseurs. Nous proposons donc son abrogation et le remplacement par des procédés positifs d'incitation, par exemple des aménagements fiscaux ou des moyens pour la formation des salariés à la reprise de l'entreprise. Nous ne souhaitons pas priver les salariés, mais les accompagner. Nous ne doutons pas que cette disposition législative ait été motivée par de bonnes intentions, mais elle s'est révélée inefficace.
M. Vincent Segouin. - J'ai quatre questions à vous soumettre :
- Pourquoi le Conseil d'analyse économique remet-il en cause le pacte Dutreil ?
- Si le rescrit n'est pas formulé dans un délai de six mois, considère-t-on que le dossier est accepté ?
- Le suivi statistique sera-t-il repris ?
- J'ai rencontré, dans une école de commerce, des jeunes suivant une formation de reprise d'entreprise. Ils m'ont demandé comment ils pouvaient se mettre en relation avec des entreprises susceptibles d'être reprises. Pouvez-vous m'aider à leur répondre ?
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - La remise en cause du « pacte Dutreil » est due à une méconnaissance de ses dispositions. Le ministère de l'Économie, que nous avons interrogé à ce sujet, ne nous a quasiment pas communiqué de retour au sujet de son efficacité, des résultats, du suivi de son implémentation. Cette méconnaissance génère une confusion entre la transmission d'entreprise et la transmission du patrimoine personnel. Les opposants parlent de « niche fiscale » et de « privilèges » accordés à certains entrepreneurs. Or, il s'agit d'un dispositif qui aide à maintenir notre système économique, à protéger nos entreprises leur permettant d'évoluer vers le statut d'ETI et à renforcer notre souveraineté économique. Nous proposons donc d'amplifier la communication sur la transmission d'entreprise afin que ce dispositif ne soit plus considéré comme un avantage fiscal ou un cadeau, mais comme un moyen de sécuriser notre économie.
M. Vincent Segouin. - Comment expliquer le fait que 82 % des entrepreneursne le connaissent pas ? Où se situe la faille ?
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Nous avons constaté que même les experts comptables ne connaissent pas tous les dispositions du Pacte Dutreil. Les différentes organisations patronales rencontrées ont insisté pour que soient bien associés les conseillers (experts comptables, avocats d'affaires) à la diffusion des informations, pour qu'ils puissent informer leurs propres clients.
M. Rémi Cardon, co-rapporteur. - La loi dite « Hamon » a déjà soulevé la problématique de la mise en relation des jeunes avec les entrepreneurs. Peut-être les CCI devraient-elles communiquer l'information uniquement aux prospects intéressés, en appliquant des précautions de confidentialité ? Le manque d'anticipation constitue le principal problème. Sensibiliser les entrepreneurs suffisamment à l'avance pourrait contribuer à assurer le succès de l'opération. Les conseiller et organiser des événements de rencontres avec de potentiels repreneurs fait partie de l'accompagnement. Le rapport humain et la confiance sont essentiels dans la réussite d'une transaction. Procéder à une cession n'est pas anodin et l'attachement des dirigeants à leur entreprise peut être très fort.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - C'est pourquoi nous avons deux propositions qui y incitent. La première est la création d'un chèque-conseil pour susciter l'intérêt et inciter les dirigeants à anticiper à partir de 55 ans. L'aspect financier est moins important que le fait d'initier un processus de réflexion.
La seconde proposition consiste à désigner deux référents dans chaque région : un référent dit « privé » collectant les informations relatives aux entreprises à céderet aux potentiels repreneurs (CCI de département ou de région par exemple) et un référent public notamment pour faciliter le dialogue avec toutes les administrations concernées (les directeurs des services économiques de la région, par exemple). Étant en charge de la gestion des lycées sur leurs territoires, les régions peuvent assurer le lien entre les jeunes repreneurs et les chefs d'entreprise cédants. Une campagne d'information menée conjointement avec les CCI dans les lycées pourrait, par exemple, apporter une solution. Une approche proactive faciliterait le processus de transmission, aiderait à créer du lien et assurerait le succès des opérations. Notre pays souffre manifestement d'un problème de communication pédagogique de l'information.
M. Vincent Segouin. - Vous confirmez mes soupçons : les chefs d'entreprise n'anticipent pas suffisamment la mise en place de leur succession et les seuls deux canaux de reprise envisagés sont les fournisseurs et les salariés. Ils ne pensent pas à d'éventuels repreneurs externes.
M. Rémi Cardon, co-rapporteur. - Cette dernière option peut parfois sembler dangereuse et nous remettons en cause l'obligation d'information de la loi dite « Hamon » qui a contribué à créer certaines tensions. L'instauration d'une clause de confidentialité pour encadrer la diffusion d'informations sensibles serait peut-être salutaire.
M. Vincent Segouin. - Le chèque-conseil ne doit pas être conçu comme une contrainte supplémentaire, imposée par la loi. Il devrait être complété par un service d'accompagnement.
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - Pour répondre aux questions, je rappelle que le CAE remet en cause le pacte Dutreil car il présume que des entreprises rachetées par des investisseurs et des fonds d'investissement seraient plus dynamiques que des entreprises reprises par la famille.
Par ailleurs, le METI et le MEDEF estiment que pour être efficace, il faudrait prévoir qu'une absence de rescrit dans les six mois vale accord. Nous sommes convaincus de cette nécessité
Nous avons rencontré la semaine dernière les acteurs chargés de la nouvelle organisation des formalités des entreprises. La loi dite « Pacte » de2019 prévoit qu'au 1er janvier 2023 l'ensemble des formalités légales des entreprises soit dématérialisé en un registre unique. Le registre du commerce et des sociétés n'existera plus. L'État a confié la mise en oeuvre de ce registre unique à l'INPI. Instaurer un seul outil permettra d'avoir des informations fiables sur la création, la transmission et les statuts.
J'ajoute que les territoires essaient de propager l'information grâce à des initiatives comme le Salon Transfair en Ile-de-France, le Mois de la transmission en Aquitaine, la Semaine de la transmission dans le Finistère. Les initiatives existent donc mais nous formulons deux propositions pour structurer l'accompagnement : le chèque-conseil pour encourager la réflexion et la désignation de référents pour aider l'organisation et la promotion de la transmission.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Nos solutions s'adressent surtout à ceux qui n'ont pas de successeur et qui ont peu de moyens pour préparer une transmission. Il s'agit, dans un premier temps, d'éveiller leur intérêt et de leur montrer qu'ils ne devront pas nécessairement quitter pas le monde professionnel après la cession. En effet, si la transmission est opérée avant l'âge de la retraite, le dirigeant peut rester dans l'entreprise, ce qui constitue un gage de réussite à la fois pour les salariés et pour les banques. Le cédant pourra continuer à apporter son savoir-faire etaccompagner la reprise. La transmission sera un succès si elle ne s'opère pas trop tard. Nous encourageons les dirigeants à engager la transition vers 55-60 ans, afin qu'ils puissent être conseillés et accompagnés efficacement, en évitant d'éventuels effets de panique pour les salariés, les fournisseurs et les banquiers.
Le Directeur de la CCI de la Haute-Saône, ancien entrepreneur, m'a parlé de la cession de son entreprise. Ses deux choix étaient soit de transmettre à son fils, en profitant du dispositif Dutreil pour réaliser l'opération dans les meilleures conditions, soit de vendre pour s'expatrier dans un paradis fiscal sous les Tropiques. Il a choisi la première option. Cette anecdote illustre une fois de plus la nécessité de maintenir le Pacte Dutreil.
M. Serge Babary, président. - Merci à tous. J'ai quelques commentaires concernant votre présentation, à commencer par le déroulement des prochaines étapes. Je vous demande aux rapporteurs d'être présents le jeudi 13 octobre pour notre Journée des entreprises, afin de pouvoir intervenir. Cela constituera un premier élément de médiatisation.
Ensuite, il faudrait rapidement rédiger une proposition de loi, voire une résolution, contenant les éléments abordés ce jour et la cosigner. Enfin, il faudrait surtout proposer des amendements au projet de loi de finances.
Nous avons noté le projet d'élaborer une vidéo dans un but pédagogique. Je profite de ce temps d'échange sur la transmission d'entreprise pour vous informer que CRA-Formation, qui dépend de l'association CRA - Cédants et repreneurs d'affaires, est sorti du référencement des formations financées par le compte personnel de formation. Nous avons, avec les rapporteurs, adressé un courrier au Directeur général de la Caisse des Dépôts pour demander sa réintégration, puisque CRAest le spécialiste unanimement reconnu de la transmission.
Je propose également d'adresser un courrier au ministre Bruno Le Maire détaillant vos analyses au sujet du dispositif Dutreil et de suggérer une rencontre, soit avec lui, soit avec ses ministres délégués aux PME et à l'Industrie.
Je souhaiterais rappeler par ailleurs que la loi « Hamon » ne visait pas la transmission des entreprises aux salariés. Elle a seulement fixé l'obligation d'informer les salariés d'une cession programmée, sans avoir pour objectif de l'empêcher et tout en permettant la reprise par les employés. Je ne vois pas d'inconvénient à abroger ce texte inadapté et, de surcroît, contre-productif puisqu'il alerte et inquiète tout l'environnement d'une entreprise sans apporter aucun avantage aux salariés. En revanche, le chef d'entreprise doit remplir son rôle de manager et informer directement et individuellement les quelques personnes qu'il estime compétentes pour assurer le processus de transmission.
Enfin, puisque vous avez évoqué un « référent privé » dans votre proposition n°11, je souhaite rappeler que les CCI sont des organismes publics et non pas privés -il conviendrait peut-être de le préciser dans votre rapport. Ce sont des tiers de confiance ayant une obligation de confidentialité. Leurs agents assurent un suivi sérieux des dossiers confiés et visitent en personne tous les entrepreneurs. La mission d'information de jeunes délégués face à des chefs d'entreprise d'un certain âge n'est certes pas facile, mais le travail d'accompagnement est effectué et permet d'anticiper les départs à la retraite des entrepreneurs. Lorsqu'un dirigeant se montre prêt et désireux d'échanger en vue de préparer la transmission, les CCI doivent pouvoir le mettre en contact avec des spécialistes qui gèrent ces opérations. Le pendant, , un service s'adressant aux repreneurs doit également exister.
La mission des CCI en tant que tiers de confiance est la mise en contact. Ce sont des facilitateurs de rencontres. Le premier contact entre le cédant et le repreneur leur permet d'estimer si une entente est possible sur le plan purement humain. Si ce premier contact est concluant, les conseillers peuvent ensuite les accompagner grâce à leur savoir-faire.
Ce système existe et fonctionne bien. Mais, paradoxalement, les moyens mis à la disposition du réseau seront diminués de 50 millions d'euros. Il est absurde de demander aux CCI de s'occuper des problématiques à l'exportation, de traiter les dossiers de transmission d'entreprises, de gérer les problèmes survenus pendant la crise, multipliant leurs missions, tout en restreignant leurs moyens !
Je crois beaucoup à la décentralisation et au fait d'éviter la prise de décision au niveau du gouvernement. Celui-ci projette la création de 500 ETI pendant un quinquennat, ce qui ne me semble pas réaliste. Il faut vingtet un ans en moyenne pour parvenir à transformer une PME en ETI.
Sur la base de mon expérience de syndicaliste patronal, je peux affirmer que la transmission familiale est marginale. Les dirigeants cherchent habituellement un repreneur extérieur ou s'adressent à leurs salariés. Nous n'avons malheureusement pas de statistiques, mais j'estime que, sur les quelques dizaines de milliers de transmissions annuelles, seulement 2 ou 3 000 interviennent dans le cadre familial. Vos propositions pour renforcer la pédagogie autour des cessions sont d'autant plus pertinentes.
Je n'ai plus de remarques et vous remercie encore pour cet excellent travail.
M. Vincent Segouin. - Monsieur le président, quelles sont les motivations gouvernementales pour la baisse du budget des CCI ?
M. Serge Babary, président. - La vision ultralibérale de Monsieur Madelin lorsqu'il était ministre de l'Économie a amené à envisager la suppression des Chambres consulaires et la reprise de leurs missions par les régions. Face aux réactions violentes suscitées par cette mesure, il a chargé Monsieur Novelli de la réforme des Chambres de commerce. Cette politique n'est plus d'actualité, mais son esprit perdure. Les Chambres sont des établissements publics dont le budget est constitué en grande partie de taxes professionnelles.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Aujourd'hui, nous constatons une optique de « rabotage » visant à économiser par tous les moyens. L'amendement modifiant les possibilités de recours au « Pacte Dutreil », présenté à l'Assemblée nationale, est motivé par l'objectif d' éviter les niches, les « cadeaux fiscaux », les « dépenses sans intérêt », ce qui prouve une ignorance du texte visé par l'amendement. De la même façon, la méconnaissance du travail et de l'efficacité des CCI débouche sur des réductions budgétaires.
J'estime, comme Monsieur Babary, que la création de 500 ETI pendant un mandat est un projet irréalisable. L'évolution d'une PME vers le statut d'ETI est un parcours difficile. Elle ne s'opère pas par décret, il s'agit d'un travail de fond, qui demande du temps et un environnement économique favorable.
M. Serge Babary, président. - Une ETI embauche au moins 250 salariés. Une PME de 200 salariés est déjà une belle structure. Parvenir à dépasser ces effectifs pour obtenir le statut d'ETI représente une énorme évolution.
M. Olivier Rietmann, co-rapporteur. - Je prends, pour illustrer, l'exemple de la Haute-Saône, l'un des territoires les plus industrialisés au vu du nombre de PME/TPE qu'il abrite et de ses activités d'exportation. Il ne compte que quelques ETI, dont deux sont des structures familiales. L'une a été fondée en 1978, l'autre en 1981.
M. Rémi Cardon, co-rapporteur. - Le démantèlement des CCI a déjà commencé. Au 1er janvier 2023, leurs salariés perdront la compétence de la gestion des créations d'entreprises. De surcroît, ils n'auront aucun contrôle sur la plateforme INPI. Ils pourront accompagner les entrepreneurs par téléphone ou en présentiel, mais n'auront pas accès au back-office pour aider à la complétion des formulaires CERFA, une opération délicate, sujette à erreur. Par ailleurs, ils n'ont pas eu de réunions avec les conseillers INPI ni reçu d'informations.
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - Il est prévu de supprimer 50 formulaires CERFA et de ne garder qu'une seule déclaration. Les pièces adjointes seront validées, selon le cas, par les greffes des tribunaux de commerce ou par les chambres de métiers et de l'artisanat. Il est demandé aux chambres de commerce d'accompagner les entrepreneurs qui ne sont pas à l'aise avec l'aspect numérique ou n'y ont pas accès. Cela constitue un bon contre-argument puisque, pour éviter la fracture numérique, il faudrait arrêter de réduire les moyens accordés aux chambres de commerce et aux chambres de métiers.
Le Président de la CMA France voudrait nous rencontrer avant l'adoption du projet de loi de finances pour en parler. Il est prévu de diminuer de 50 millions d'euros en cinq ans le plafond des taxes affectées aux CCI et CMA. En 2015, les produits des taxes s'élevaient à 1,4 milliard d'euros. Aujourd'hui, ce montant est de 400 millions. Pourtant, le rôle des CCI et CMA est essentiel dans les réseaux d'entreprises sur le territoire.
La présence des référents est impérative pour assurer le lien entre les repreneurs et l'ensemble des administrations, orienter les entrepreneurs vers les services compétents et organiser la réflexion et la coordination de l'ensemble des acteurs sur le territoire.
Nous estimons que la transmission familiale représente 14 à 20 % des transmissions de PME et ETI. Sur tous les territoires, il existe des entreprises emblématiques, qui ont un réel attachement et un enracinement local. C'est cet aspect que nous souhaitons préserver grâce au « pacte Dutreil ». Sans ce dispositif, ces entreprises pourraient être rachetées par des fonds d'investissement, ce qui mettrait en danger leur existence même.
M. Serge Babary, président. - Les fonds d'investissement ont une logique de rentabilité court-termiste alors que l'exploitant familial possède une vision à long terme. Leurs méthodes de management sont radicalement différentes. Le management traditionnel prend en compte l'aspect territorial, la dimension sociale du lien avec le personnel et l'aspect financier. Nous essayerons d'organiser une rencontre avec la CMA France pour avoir leur avis avant l'adoption du projet de loi de finances. Malgré les difficultés, le réseau des CCI reste motivé. Je rencontrerai à nouveau le Président de CCI France, qui m'a déjà exprimé son désarroi. Les fonds alloués ont été divisés par cinq ou six en dix ans. Lorsque j'étais Président de la CCI de Touraine, le budget était de 12 millions d'euros. Il est de seulement 3 millions d'euros actuellement. La structure employait plus de 85 personnes ; aujourd'hui ils ne sont plus que 35 conseillers. En outre, s'y investissent de nombreux entrepreneurs bénévoles.
Il nous faut maintenant voter pour l'adoption du rapport. Qui vote contre, s'abstient, vote pour ?
Chers collègues, cet excellent rapport est adopté à l'unanimité.
La réunion est close à 10 h 30.