Mardi 4 octobre 2022
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques et de M. Serge Babary, président de la délégation aux entreprises -
La réunion est ouverte à 18 heures.
Audition de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Madame la ministre, c'est la première fois que notre commission et que la délégation aux entreprises vous entendent en formation plénière depuis votre nomination ; les sujets sont extrêmement nombreux. Les secteurs du commerce, de l'artisanat et du tourisme sont fondamentaux et structurels pour notre économie ; or ces très nombreuses entreprises ne font que trop rarement la une de l'actualité alors qu'elles irriguent notre quotidien et nos territoires.
Ces secteurs font face, de longue date, à des enjeux importants, qui s'accentuent avec le temps, et particulièrement dans la période actuelle : hausse drastique des factures d'énergie, problèmes de recrutement, fiscalité pesante, manque d'équité concurrentielle entre acteurs physiques et numériques... Autant de thèmes sur lesquels le Sénat travaille depuis longtemps, et pour lesquels il sera particulièrement intéressant d'entendre vos analyses.
La commission des affaires économiques a publié ces deux dernières années plusieurs rapports sur ces sujets, notamment sur l'initiative de M. Serge Babary, qui visaient tout autant à adapter notre pays aux nouvelles formes du commerce qu'à sauvegarder et développer le commerce en zone rurale. Il en est de même pour la délégation aux entreprises qu'il préside et qui s'est penchée sur les sujets de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), de formation et compétences, ou plus récemment sur l'évolution des modes de travail. Quelles suites donnerez-vous à ces propositions ?
L'un des enjeux les plus importants pour les PME à court terme est l'augmentation très importante de leurs charges, au premier rang desquelles le coût du gaz et de l'électricité, lors du renouvellement de leurs contrats d'approvisionnement. Cette situation les contraint soit à rogner sur leurs marges - ce que font presque 90 % des entreprises - soit à augmenter leurs prix, soit à licencier, voire pire. Vous pourrez faire le point sur les dispositifs de protection tarifaire mis en place par le Gouvernement à destination des PME, et ce que vous envisagez par la suite.
À moyen terme, le secteur du commerce fait face à un ensemble de défis particulièrement contraignants. Premièrement, la différence de fiscalité entre le commerce numérique et le commerce physique ; ces deux formes de commerce sont complémentaires et ne doivent pas être opposées, encore faut-il que la concurrence soit loyale. Quelles seront les conclusions des Assises du commerce sur le sujet ? Quelles actions prévoyez-vous ?
Nous apprenons par la presse que les conclusions de ces Assises seront publiées d'ici à la fin de cette année, soit un an après leur tenue, et qu'elles pourraient déboucher sur la création d'une nouvelle instance de gouvernance qui traitera du e-commerce et du « quick commerce ». Pouvez-vous nous en dire plus, expliciter les principaux enseignements que vous avez tirés de ces rencontres, et les principales conclusions qui s'ensuivent ?
Les « dark stores » envahissent nos grandes villes. Quelle différence le Gouvernement fait-il entre commerce et entrepôt ? Est-ce durable ? Pouvons-nous réguler ces dark stores, ou faire que leur développement soit plus équitable ?
La fonte des effectifs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous préoccupe. Pour contrôler l'information apportée aux consommateurs, elle ne dispose plus que de 145 équivalents temps plein (ETP), soit une baisse de 14 % par rapport à 2010, comme le rapport de M. Fabien Gay, Mme Françoise Férat et Mme Florence Blatrix-Contat l'a montré récemment. Au niveau régional, il n'y a qu'un seul inspecteur pour les Hauts-de-France, huit inspecteurs en Bretagne, et onze pour l'ensemble du Grand Est. Sans surprise, sur la dernière décennie, le nombre de contrôles a diminué de 30 %. Cette situation est intenable, à la fois pour les entreprises qui font face à des fraudes, et pour les consommateurs eux-mêmes. Avez-vous obtenu une augmentation des effectifs de la DGCCRF ou un renforcement du dispositif de contrôle des informations et de la qualité des produits mis sur le marché ?
Les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs sont un cauchemar pour tous les acteurs. Le rapport de M. Daniel Gremillet et de Mme Anne-Catherine Loisier, publié en juillet dernier, a pointé du doigt des pratiques contestables de la part des différentes parties, allant de la hausse des prix en rayon sans hausse du tarif d'achat aux menaces de rupture d'approvisionnement. Votre ministère corrobore-t-il ces constats ? Quel regard portez-vous sur les négociations annuelles ? Comment cela évoluera-t-il ?
Vous avez demandé un rapport de plusieurs inspections sur l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques, avec le développement d'Airbnb ou des locations saisonnières. Il serait paru depuis quelques semaines... Pourriez-vous nous le communiquer ? Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce sujet important pour le tourisme et pour le logement ?
M. Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux entreprises. - Je partage les préoccupations relayées par ma collègue Sophie Primas. Je centrerai mon propos sur la situation des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE), qui sont au coeur du champ de compétences de la délégation aux entreprises et de votre ministère.
Notre délégation a organisé une table ronde sur la conjoncture économique voilà deux semaines, avec des représentants d'organisations professionnelles. Leur inquiétude est extrême et nous craignons que le Gouvernement ne sous-estime le tourbillon vicieux en train de saper sérieusement l'activité économique dans notre pays, alors que tous les voyants passent à l'orange, voire au rouge. De nombreuses entreprises voient leurs marges englouties par la hausse des coûts et certaines travaillent même à perte, d'après ce qui remonte de nos départements. Beaucoup doivent ou devront réduire leur production, voire l'emploi. À l'occasion d'un déplacement dans le Lot-et-Garonne, en fin de semaine dernière, des dirigeants de TPE et PME se sont inquiétés du manque de prévisibilité, même à deux ou trois mois.
J'attire votre attention sur le rapport, adopté jeudi dernier, conjointement par les délégations sénatoriales aux collectivités territoriales et aux entreprises, sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Parmi nos recommandations relatives à l'application de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) et des programmes Action coeur de ville (ACV) et Petites Villes de demain (PVD), figurent la lutte contre la bureaucratisation et la complexité des dispositifs, ainsi qu'un financement à la hauteur des attentes et des enjeux. Nous espérons que vous pourrez, avec vos collègues, prendre en compte nos propositions.
Par ailleurs, la délégation aux entreprises adoptera jeudi prochain un rapport sur la transmission d'entreprise puis, le 27 octobre, un rapport de suivi sur la RSE, sachant que les PME s'inquiètent, à juste titre nous semble-t-il, des modalités d'application des directives européennes CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et sur le devoir de vigilance, qui les toucheront directement ou indirectement. Enfin, nous nous penchons au chevet de notre commerce extérieur.
Vous exercez par délégation la tutelle des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA). Alors que leurs missions s'accroissent, que leur action sur le territoire est encore plus essentielle et appréciée dans le contexte des crises successives que nous connaissons, leurs moyens sont rognés. Quelle est la cohérence de tout cela ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. - C'est pour moi un plaisir sincère et un grand honneur de vous retrouver pour évoquer le large périmètre dont j'ai la charge au sein du Gouvernement, et qui comprend les PME, le commerce, l'artisanat, le tourisme, mais aussi les indépendants, les professions libérales et la consommation. Mon propos liminaire sera assez lacunaire, car le sujet est vaste ; nous échangerons ensuite.
Mon périmètre comprend l'économie de proximité, qui ne fait pas assez la « une » des journaux, qui s'occupent davantage des start-ups et des grands groupes. Or cette économie fait la « une » de notre quotidien : c'est le restaurant où l'on aime déjeuner, le boulanger, l'avocat, le comptable. Ce sont quatre millions de PME représentant 99,8 % des entreprises en France, la moitié des emplois salariés en ETP, plus de 40 % de la valeur ajoutée.
C'est aussi une économie de la complexité : une boulangerie et une agence de tourisme n'ont pas les mêmes enjeux, de même qu'un grand magasin spécialisé peut difficilement se comparer à un cabinet d'avocats. Mais tous relèvent de mon ministère. Celui-ci a comme fil rouge d'aider ces acteurs économiques à affronter la complexité de leur environnement administratif alors qu'ils ont les yeux rivés sur leur carnet de commandes et leur tableau de trésorerie.
Il y a quelques années, on estimait que le développement des entreprises était bridé par le « mur de l'argent ». Grâce à l'action résolue du Gouvernement lors du premier quinquennat, avec la forte baisse de l'impôt sur les sociétés, le début de la baisse des impôts de production, et le soutien financier de Bpifrance, nous avons fait tomber ce mur. Il ne faudrait pas qu'apparaisse un nouveau mur des complications bureaucratiques, qui freinerait la croissance de nos entreprises, qui les empêcherait d'aller chercher des aides, et que faciliterait notre passion pour les jardins à la française...
L'État doit être un facilitateur. Je salue le travail de Bruno Le Maire et de mes prédécesseurs, comme Jean-Baptiste Lemoyne, durant la crise du coronavirus : nous avons démontré notre capacité à faire simple et vite, et montré l'efficacité de nos administrations et de nos agents, trop facilement décriés. Nous pouvons toujours améliorer les choses, mais nous pouvons aussi nous féliciter des réalisations au service de nos entreprises.
La crise des prix de l'énergie souligne combien nous avons besoin de cet État facilitateur : tous les jours, je croise des chefs d'entreprise angoissant sur la renégociation de leur contrat énergétique. Dès cet été, nous avons travaillé sur ce sujet avec le paquet Pouvoir d'achat. Nous sommes attentifs à toutes les entreprises subissant un déséquilibre trop important. L'augmentation des prix est un fait, mais il n'est pas question qu'elle devienne une fatalité.
Je reviendrai sur les aides aux petites entreprises, mais permettez-moi de rappeler d'abord que la crise est conjoncturelle. Les prix finiront par baisser, certes, mais sans retrouver leurs niveaux précédents... La crise est aussi, en partie, structurelle : les prix des énergies fossiles resteront durablement plus élevés.
L'État est au rendez-vous : nous avons bloqué les prix du gaz et de l'électricité au bénéfice de 1,5 million de TPE bénéficiant du tarif réglementé. Ce bouclier sera intégralement prolongé en 2023. Nous avons annoncé des aides résilience et le prêt garanti par l'État-résilience (PGE-résilience) : l'État aide ainsi directement les entreprises les plus affectées. Publié le week-end dernier, le décret assouplissant les critères des aides résilience tient compte des difficultés des entreprises, notamment concernant l'excédent brut d'exploitation (EBE). Avec Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et Roland Lescure, nous continuons à travailler avec les producteurs et les fournisseurs d'énergie pour trouver des mesures pouvant être mises en oeuvre rapidement au service de notre tissu économique. Nous réunirons demain matin les fournisseurs d'énergie à Bercy.
Structurellement, le Gouvernement est dans l'action : nous négocions avec nos partenaires européens ; en ce moment, Bruno Le Maire est à Luxembourg. Vendredi 30 septembre, les Européens se sont accordés pour créer une contribution exceptionnelle pour les entreprises du secteur énergétique qui réalisent des profits majeurs. Cette contribution sera pour partie reversée aux ménages, mais aussi aux entreprises confrontées à l'explosion des prix. Les négociations se poursuivent pour faire baisser les prix de gros du gaz dans les prochains jours, possiblement lors du sommet du 7 octobre à Prague ou lors du sommet des ministres de l'énergie les 10 et 11 octobre prochains.
La loi protège déjà les TPE de moins de dix salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros pour leurs sites et qui n'utilisent pas plus de 36 kilovoltampères (kVA). Éligibles aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRV), ils bénéficient donc du bouclier tarifaire. Nous essayons de créer les conditions pour que davantage d'entreprises soient couvertes par un mécanisme analogue. Les problèmes ne sont pas encore réglés, mais ils sont traités avec la préoccupation nécessaire. Je reste extrêmement attentive aux remontées de terrain pour adapter nos réponses.
L'État a démontré sa capacité d'adaptation et sera toujours prêt à bouger pour protéger ses entreprises : les aider à franchir la montagne, sans leur faire croire que la montagne n'existe pas. La hausse des prix de l'énergie est un moment à dépasser. Nous ne pourrons pas revenir à la surconsommation que nous connaissions hier. Nous faisons face à un ajustement rapide d'un prix considéré auparavant comme un acquis. Depuis des dizaines d'années, ce prix bas nous a fait oublier que le gaz et l'électricité avaient un coût. Ce coût résulte de choix géopolitiques et écologiques concernant des ressources étrangères et rares, y compris pour la France, pourtant mieux protégée par sa production nucléaire.
Jeudi prochain, je serai auprès de la Première ministre pour présenter les résultats de nos travaux sur la sobriété, aux côtés des acteurs du commerce de détail, de la grande distribution, de l'hôtellerie, du commerce et de la restauration, de l'événementiel, des parcs à thème, des commerces de gros, du thermalisme et du ski. Je présenterai les résultats de nos concertations engagées depuis plusieurs mois, qui permettront d'anticiper d'éventuelles difficultés d'approvisionnement en gaz et en électricité. La sobriété ne doit pas être une mode passagère, mais le début de la transformation profonde du modèle de nos entreprises vers la neutralité carbone.
L'adaptation au changement climatique de toutes les entreprises - y compris le restaurateur ou le plombier, infiniment moins émetteurs de gaz à effet de serre que de grandes industries - est au coeur de ma feuille de route. La transition écologique et énergétique est l'affaire de tous. D'abord, elle impose une transformation de tous nos modèles ; ensuite, les consommateurs exigent ce changement, autant des grands groupes que des petites entreprises ; enfin, talents, jeunes et salariés d'aujourd'hui et de demain sont de plus en plus sensibles à ces éléments. Au-delà de la simple compétitivité, c'est pour nos PME un enjeu d'attractivité majeur que de prendre le virage de la transition environnementale et sociale.
Monsieur Babary, vous connaissez ma tendresse pour la directive CSRD... Oui, la réglementation progresse, mais non, nous ne devons pas nous faire peur pour rien. Les PME et TPE ne sont pas concernées par la directive CSRD, votée le 24 février dernier : celle-ci concerne les entreprises de plus de 250 salariés - il y en a 11 000 en Europe, 50 000 demain. Mais les PME seront possiblement concernées, car elles sont au coeur des chaînes de sous-traitance. Les directions des achats des grands groupes contrôlent déjà en 2022 leurs lignes de sous-traitance et vérifient que l'ensemble des fournisseurs, quel que soit leur rang, aient un bilan carbone et montrent leur décarbonation en cours. Il est donc indispensable que la sobriété ne soit pas une mode, mais fasse levier dans nos TPE et PME pour installer la transition environnementale. Avec la performance extra-financière, qui deviendra la norme d'ici à 2025, faute d'un diagnostic environnemental et social, nos PME pourraient être évincées de certains marchés en tant que sous-traitants. Il faut anticiper ce risque systémique. Je sais que la délégation aux entreprises regarde ce sujet avec vigilance, et je continuerai de travailler avec vous.
Il faut aider encore plus nos entreprises à pivoter. Faut-il inventer de nouvelles aides ? Après le temps nécessaire à un « carnet d'étonnement », j'ai pu compter précisément les dizaines d'aides à la transition environnementale, largement financées par l'État, permettant de réaliser un diagnostic environnemental dans les entreprises. Au vu du nombre d'aides disponibles, nous avons le même problème qu'avec les ménages les plus fragiles : un taux de non-recours aux aides important pour les TPE et PME. Or ces aides existent ; des opérateurs qualifiés remarquables, comme l'Agence de la transition écologique (Ademe) ou Bpifrance, disposent de ces outils. Il existe de nombreux diagnostics existants. Nous découvrons encore de nouvelles aides... Mais les entreprises ne les connaissent pas. S'il est plus difficile d'enclencher la subvention à la source comme on pouvait faire le prélèvement à la source et bientôt la solidarité à la source pour les ménages, ces aides existent et fonctionnent, comme le diagnostic Eco-Flux, les prêts verts sur l'investissement accordés par Bpifrance, les volontariats territoriaux en entreprise « Vert » (VTE Vert) via le plan de relance... Les dispositifs sont là, leur efficacité est démontrée, mais ils sont peu connus. Ma priorité est pragmatique et vise aussi à maîtriser les dépenses publiques : je n'ai pas suggéré de nouvelles aides, mais je veux accélérer la connaissance de ces aides et le diagnostic pour toutes les entreprises voulant se développer. Dans les TPE et les PME, nous avons des chefs d'entreprise parfaitement conscients du sens de l'Histoire, qui ne veulent pas que la transition environnementale ne soit réservée qu'aux grandes entreprises, et qui ne savent pas toujours par quel bout commencer. Les bureaux d'études doivent les orienter, et l'État les accompagner.
Le diagnostic est au coeur de la planification écologique voulue par la Première ministre. Je souhaite qu'on accompagne bien mieux la marche des entreprises vers cette indispensable étape. J'y associerai les opérateurs publics comme Bpifrance, l'Ademe, les chambres consulaires, mais aussi les fédérations professionnelles, relais indispensables. Autant le diagnostic peut être partagé par tous les secteurs et filières, autant les feuilles de route dépendent considérablement des filières et des savoir-faire dans chacun des secteurs économiques.
Le tourisme et le commerce seront naturellement concernés. C'est un constat fort issu des Assises du commerce, dont je présenterai les conclusions dans les prochaines semaines. Entre évolution des pratiques de consommation, équité territoriale, défi environnemental, le commerce concentre certains des enjeux les plus importants pour nos concitoyens.
Nous sommes dans une problématique similaire dans le secteur touristique, qui se retrouve au coeur du plan Destination France : deux milliards d'euros ont été mobilisés par mon prédécesseur, Jean-Baptiste Lemoyne. Nous voulons plus de tourisme, mais mieux. Forte de son extraordinaire patrimoine culturel et naturel, la France doit s'enorgueillir de son offre touristique parmi les premières au monde, mais elle doit aussi savoir se renouveler pour faire face, notamment, au défi climatique. Au-delà des défis immédiats, la transition écologique est au coeur de ma feuille de route ; c'est une urgence.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Merci de ces propos liminaires.
M. Laurent Somon. - J'attire votre attention sur les problèmes de l'endiverie dans la Somme, secteur pour lequel les négociations avec les distributeurs d'électricité sont extrêmement compliquées. Si les entreprises n'ont pas EDF comme distributeur traditionnel, les coûts sont multipliés par quatre lors du renouvellement des contrats. Soit les endiviers ne peuvent plus s'approvisionner, soit leur contrat passe de 200 000 à 800 000 euros. Comment le Gouvernement peut-il permettre à EDF de renégocier des tarifs raisonnables ? Pour ses autres clients, il propose des tarifs de 300 000 euros.
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes industries (PMI) dans le secteur électrochimique ont besoin de visibilité dans la durée pour les délestages électriques, dont il est dit qu'ils pourraient avoir lieu sur « deux heures tournantes ». Or la Société française de galvanoplastie (SFG) a besoin de cinq heures pour arrêter ses bains électrolytiques, et cinq heures pour redémarrer. Quelles mesures sont prévues pour ces entreprises particulières ?
Allez-vous simplifier les aides ? La demande de subvention en ligne serait extrêmement compliquée et a dû être élaborée par un énarque.
M. Daniel Laurent. - C'est un problème général...
Mme Martine Berthet. - Corapporteure de la mission RSE de la délégation aux entreprises, je souhaite relayer l'inquiétude des TPE et PME, non directement concernées par la directive CSRD, mais indirectement en tant que sous-traitantes. Elles anticipent déjà ce coût important, aussi bien en personnel qu'en affichage social. Elles n'ont pas les moyens d'aller de l'avant. Quelles actions prévoyez-vous pour les aider ?
Ces PME et TPE ne bénéficient des marchés publics qu'en tant que sous-traitants, et non en premier lieu. Comptez-vous mettre en oeuvre des mesures pour que nos entreprises puissent être mises en avant dans ces marchés ? Les collectivités territoriales devraient favoriser davantage les entreprises locales qui font ces efforts de RSE.
La possibilité de différer le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) entraîne une dégradation de leur notation en Banque de France. Comment pouvez-vous agir ?
Malheureusement, de nombreuses entreprises passent à travers les mailles du filet pour les aides concernant le coût de l'énergie.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Le dispositif actuel concernant les zones de revitalisation rurale (ZRR), très prisé, est en sursis, malgré une prolongation jusqu'à fin 2023. Au printemps dernier, un rapport proposait un double zonage ZRR classique et ZRR +, qui bénéficierait à de nombreuses entreprises avec des aides à l'investissement ; un retour au zonage communal avec des critères simples - densité de population, revenu médian par habitant - ; le maintien a minima des aides en faveur des communes, notamment la fraction « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale (DSR) ; la majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ; l'exonération totale de charges patronales pour les services d'aide à domicile ; et une détaxation du carburant. Dans quelle mesure la stratégie gouvernementale en faveur de la ruralité compte-t-elle s'inspirer de ces préconisations ? Qu'envisagez-vous pour stimuler l'emploi des jeunes en ZRR et favoriser l'habitat rural pour les nouveaux arrivants ?
M. Bernard Buis. - Un cadre juridique existe pour l'éclairage nocturne des enseignes commerciales, mais il n'est pas toujours respecté. Dans le centre-ville de Valence, de nombreux commerçants s'y mettent, mais sans généralisation. Quelques heures avant la présentation du plan de sobriété, à un moment où le citoyen est appelé à multiplier les gestes de réduction de consommation d'énergie, quelles solutions envisager pour faire respecter les horaires d'éclairage en période nocturne ? Ne devrait-on pas réduire encore la durée d'extinction prévue, entre une heure et six heures ? Ce sujet concerne aussi l'éclairage public réalisé par les collectivités territoriales.
M. Franck Menonville. - Les commerces ruraux, notamment les boulangers, sont très préoccupés. Après avoir subi de nombreuses hausses des matières premières, ils subissent la hausse des coûts de l'énergie. Les situations sont très variables, mais ceux qui font des tournées en zone rurale sont particulièrement fragilisés.
Je suis également inquiet des coupes budgétaires prévues dans le prochain projet de loi de finances pour les chambres consulaires, de l'ordre de 15 millions d'euros pour les chambres de métiers et de l'artisanat, qui se sont régionalisées, alors que leur secteur nécessite une vraie présence territoriale.
M. Fabien Gay. - Les TPE et les PME font face à une triple difficulté : difficulté d'approvisionnement en matières premières, de main-d'oeuvre et énergétique. Oui, il y a des effets conjoncturels et structurels. Le marché européen de l'énergie ne fonctionne plus.
Pour l'ensemble des entreprises et collectivités territoriales, il faut envisager le retour au tarif réglementé au moins durant deux ou trois ans. Ce sujet était honni dans cette enceinte ; mais nous devrions avoir de nouveau ce débat afin de surmonter la crise.
Plusieurs rapports ont déjà pointé la baisse des effectifs de la DGCCRF, alors qu'ils sont nécessaires pour remplir leurs missions dans de bonnes conditions : 145 personnes pour le contrôle de l'information donnée aux consommateurs, c'est dérisoire. À rebours du dégraissage qui a lieu depuis dix ans, allez-vous remettre des moyens humains ?
Je suis très heureux qu'on pointe le non-recours aux aides des entreprises ; mais le non-recours aux aides sociales est aussi un problème.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Monsieur Somon, dans la démarche pragmatique qui est la mienne, nous allons investiguer et vous apporter une réponse personnalisée quant à la situation de l'entreprise que vous évoquez et dont les dépenses énergétiques risquent de passer de 200 000 à 800 000 euros. Dans la mesure où ses dépenses représentent l'équivalent de 3 % de son chiffre d'affaires, cette entreprise devrait, sauf erreur de ma part, être éligible à la première étape d'aides jusqu'à 2 millions d'euros. Quant à votre question sur l'électrochimie, elle relève plutôt de la compétence de mon collègue Roland Lescure, ministre de l'industrie, auquel je pourrai transférer d'éventuels éléments complémentaires.
Plusieurs d'entre vous ont émis des critiques à l'égard des aides. Je les accepte bien volontiers, en particulier celles qui sont relatives à leur complexité. Même si bien des efforts restent à faire, nous avons entamé la simplification : un nouveau décret est paru le week-end dernier et le formulaire mentionné par M. Gay est sans doute plus simple aujourd'hui qu'il ne l'était en juillet dernier.
S'agissant de l'énergie, je rappelle le plafonnement de la hausse des TRV à 4 % en 2022 pour 1,5 million de TPE éligibles et qui bénéficient du même bouclier tarifaire que les ménages. Ces TRV seront capés à 15 % en janvier 2023. Je rappelle également l'augmentation du volume d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), la mise en place des nouveaux PGE Résilience, représentant jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires des entreprises qui sont directement confrontées à la hausse des intrants.
Avec Bruno Le Maire, nous avons par ailleurs demandé avec insistance à la Commission européenne d'assouplir les conditions nécessaires - notamment le pourcentage de chiffre d'affaires requis - pour bénéficier des dispositifs d'aide. Si nous devions ne pas gagner ce combat mené au quotidien, sachez que nous nous battons également pour une extension de ces dispositifs ou pour un accompagnement plus large de type TRV, en direction de nos PME. Agnès Pannier-Runacher, Bruno Le Maire, Roland Lescure et moi-même rencontrons demain matin à Bercy l'ensemble des fournisseurs d'énergie. Je leur poserai, pour ma part, des questions très pragmatiques visant à donner un peu de souffle à nos PME en matière de délais de paiement.
Nos TPE-PME font face à une conjonction de préoccupations et de créances qui forment une sorte de goulet d'étranglement en fin d'année. Aux PGE déjà évoqués, il faut ajouter les factures d'énergie, sans oublier - je les salue - les hausses de salaire que de nombreuses PME ont allouées à leurs salariés depuis la rentrée de septembre. Tout cela réduit les marges. Je me bats donc également pour obtenir un échéancier de paiement ou d'autres gestes de la part des énergéticiens.
Permettez-moi d'insister sur l'importance de l'accord européen de vendredi dernier, qui prévoit un objectif de réduction de la consommation de 10 % - identique à celui déjà fixé sur le territoire national -, de plafonner les recettes des producteurs d'électricité et de mettre en place un prélèvement de solidarité sur les producteurs d'énergies fossiles pour un montant estimé à 140 milliards d'euros. Les discussions se poursuivront à l'occasion de la réunion des chefs d'État de l'Union européenne à Prague, les 6 et 7 octobre prochains. Il y sera question des prix de l'énergie, du découplage du gaz et de l'électricité et d'un éventuel dispositif de protection inspiré du TRV, dont le périmètre plus large pourrait concerner nos PME.
Il nous reste beaucoup de travail, mais aussi beaucoup d'énergie pour lutter contre la hausse des prix. Chaque jour, je suis saisie par des TPE et PME dont je me permets, dans le cadre de la reconduction de leurs contrats, de transférer directement les dossiers au Médiateur de l'énergie. Bruno Le Maire a été très clair, je le serai tout autant : nous attendons des prix raisonnables et raisonnés. Nous voulons une offre au moins pour chaque entreprise. Roland Lescure a saisi le Médiateur de l'énergie. Notre détermination est d'autant plus absolue que les difficultés s'amoncellent pour nos TPE-PME.
Madame Berthet, vous évoquez la directive CSRD. Oscar Wilde disait « Je suis moi-même, parce que tous les autres sont déjà pris. » Je serai donc moi-même : nos PME ne doivent pas subir la CSRD. Au-delà des difficultés apparentes, j'y vois une formidable opportunité, un enjeu majeur de compétitivité et d'attractivité.
L'un des principaux problèmes auxquels se heurtent nos PME est la pénurie de main-d'oeuvre. Elles ne parviendront pas à recruter si elles ne considèrent pas le moment dans lequel nous sommes et la transition environnementale et sociale que les consommateurs - mais aussi les salariés et en particulier la génération qui arrive sur le marché du travail -, appellent de leurs voeux. Ne pas accompagner nos PME dans ces mutations majeures serait irresponsable. La directive CSRD a été votée après des années de négociations. L'heure de vérité est venue. La directive n'est rien de moins que le dessein du capitalisme européen environnemental, social et de gouvernance que nous voulons promouvoir.
L'enjeu n'est plus tant les grands groupes, qui sont déjà astreints, depuis 2014, à la déclaration de performance extra-financière (DPEF) : ils sont acculturés et disposent désormais des équipes, du savoir-faire et même, à certains égards, de l'expérience en la matière. L'enjeu est aujourd'hui d'éviter que la directive CSRD ne crée une rupture entre les grandes et les petites entreprises. Nombre d'entre elles seront effectivement concernées indirectement par le truchement de la sous-traitance. Cela n'est pas une mauvaise nouvelle : bien qu'elles n'entrent pas directement dans le champ de la directive, je me suis battue pour que les PME qui le souhaitent puissent enclencher la performance extra-financière. À défaut, elles la subiront et perdront à la fois compétitivité et attractivité.
Comment, dès lors, mettre en place un accompagnement adapté ? Comment faire en sorte que nos PME puissent enclencher leur bilan carbone de scope 1 et 2, voire leur bilan social ? C'est tout l'enjeu qui est le mien aujourd'hui : celui du dernier kilomètre, que nos PME sachent que l'État finance pour partie des dispositifs de diagnostic qui doivent leur permettre non pas de subir, mais de profiter de l'évolution en matière d'extra-financier.
De nombreux patrons de PME désirent prendre ce virage, qui sera bénéfique pour leurs équipes, leur attractivité et leur compétitivité. C'est pourquoi nous avons lancé, il y a deux ans, la plateforme impact.gouv.fr. Il est intéressant de constater, madame Berthet, que la majorité des sociétés à mission dans notre pays sont des PME. Nombre d'entre elles sont inscrites et il me semble qu'elles veulent être parties prenantes de cette évolution. J'entends votre préoccupation : les PME ne doivent pas subir la révolution extra-financière. Nous devons les accompagner, notamment par le financement partiel des diagnostics environnementaux, voire sociaux.
En matière de marchés publics, il revient aux collectivités locales de faire leurs appels d'offres et à l'État de mettre à disposition des outils. Ainsi, le nouveau plan national pour des achats durables (PNAD), désormais ouvert et consultable, permet aux acheteurs publics de bâtir leurs marchés. La loi Climat et résilience a permis des avancées et certaines collectivités locales sont inspirantes en matière de recours à des entreprises d'insertion ou à des TPE-PME.
S'agissant des PGE, je rappelle que la Banque de France estime à 4,6 % le taux de défaut prévisionnel sur toute la durée de vie du dispositif. Ce n'est pas rien, mais cela ne représente pas, non plus, en tout cas pour l'instant, un risque systémique. Pour autant, ces 4,6 % cachent des hommes, des femmes et des entrepreneurs, dont je suis bien consciente des difficultés.
Par le truchement des antennes départementales de la Banque de France, il est aujourd'hui possible de saisir la Médiation du crédit pour rééchelonner son PGE sur dix ans. Il est également possible de solliciter le conseiller départemental à la sortie de crise présent dans chaque département. Tous les jours, ces conseillers rééchelonnent des PGE, mais aussi des dettes sociales ou fiscales pour permettre à nos entrepreneurs de rembourser leurs PGE.
Madame Berthet, la cotation n'est pas automatique. J'y insiste, la cotation Fiben (fichier bancaire des entreprises) concerne uniquement les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 000 euros. C'est loin d'être le cas de toutes nos TPE et PME. Je veux bien qu'on ait peur, mais en l'occurrence, on a peur d'un fantasme. En outre, je précise que l'éventuelle note dite « non performante » n'est en rien automatique : elle est attribuée au cas par cas et le rééchelonnement d'un prêt ne suffit pas à classer automatiquement une entreprise en « non performante ». Je rappelle également que cette note est absolument discrétionnaire : seul le banquier - et pas les assureurs crédit - en a connaissance. Les exemples foisonnent à Bercy d'entreprises classées « non performantes » et dont les capacités d'emprunt ne sont pas automatiquement bloquées pour autant.
Monsieur Redon-Sarrazy, votre question sur les ZRR est très large et n'entre pas dans le champ de mon ministère. Je vous invite, pour la partie fiscale, à contacter le cabinet de Gabriel Attal, pour les questions relatives à la ruralité, celui de Dominique Faure, pour la partie territoriale, celui de Christophe Béchu et pour les questions touchant au travail celui d'Olivier Dussopt.
Monsieur Buis, vous avez rappelé que les agglomérations de moins de 800 000 habitants ont une obligation légale d'extinction des enseignes lumineuses entre une heure et six heures du matin. Les agglomérations de plus de 800 000 habitants sont soumises à une réglementation qui doit être fixée par les élus locaux dans leur règlement local de publicité. J'entends votre interrogation : cela peut ne pas suffire. J'ai l'honneur de vous annoncer qu'un décret en Conseil d'État, dont Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons soumis le projet après concertation, devrait être publié le 6 octobre. Il prévoit d'imposer l'extinction des enseignes lumineuses entre une heure et six heures sur l'ensemble du territoire. Les manquements seront sanctionnés par des contraventions de cinquième classe.
M. Menonville attire mon attention sur la situation des boulangers. Nous recevons justement le 18 octobre prochain à Bercy une délégation de la Fédération des boulangers. Du fait de leur grande diversité - types de fours, taille, etc. - les boulangeries n'ont pas toutes la même consommation. Certaines sont parfaitement éligibles aux tarifs réglementés et donc au bouclier tarifaire, quand d'autres ne le sont pas. Pour les secondes, nous devons trouver des solutions. Je peux vous dire que Bruno Le Maire et moi-même sommes bien disposés à les aider.
Je remercie le président Babary pour les dix axes et les quarante-huit mesures qu'il nous a suggérées pour favoriser le commerce rural. Nous en retiendrons très certainement certaines, dont je reparlerai lors de la conclusion des Assises du commerce. J'ai à coeur d'encourager, comme le font certaines initiatives privées telles que le programme 1000 cafés, Bouge ton coq ou Comptoir de campagne, l'établissement des commerces multiservices. De même, j'aimerais - peut-être pouvons-nous y travailler ensemble - promouvoir dans nos communes rurales le commerce itinérant, qui rencontre un certain succès auprès des jeunes générations.
J'en viens aux CMA. La taxe pour frais de chambre des métiers, dite taxe CMA, est plafonnée à 203 millions d'euros, soit un montant resté stable depuis 2016. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, une baisse du plafond sera proposée, afin qu'elles contribuent aux efforts collectifs en matière de maîtrise des finances publiques à hauteur de 15 millions d'euros. Je sais que l'augmentation des charges de personnel dans le cadre de la négociation sur la revalorisation du point d'indice des personnels et le coût annuel de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa) préoccupent les chambres de métiers. J'ai donc veillé à ce que cette baisse de plafond en 2023 soit soutenable. Les travaux de préparation du prochain contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2023-2026 permettront de prioriser les missions des CMA. J'ai parfaitement conscience, au nom du Gouvernement, de l'effort demandé. Dans un contexte budgétaire contraint pour les finances publiques et au regard des efforts fournis par les autres chambres consulaires que sont les CCI, je maintiens néanmoins cette orientation. Nous n'en sommes, cela étant dit, qu'au début de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Je connais l'importance des débats parlementaires, et nous verrons ce qu'il en adviendra.
Monsieur le sénateur Gay, je vous le répète : 1,5 million de TPE sur 3 millions au total bénéficient aujourd'hui des TRV. Peut-être pourrions-nous, pour certaines d'entre elles, réfléchir à l'élargissement du dispositif. Au-delà d'un « TRV PME » que j'appelle de mes voeux, nous envisageons également - Mme la Première ministre vient de le mentionner brièvement lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale - la mise en place d'un filet de sécurité qui permettrait de rendre moins douloureuse l'augmentation des prix de l'énergie. En résumé, nous avons plusieurs fers au feu et la détermination du Gouvernement est totale. Nous devrions trouver une solution à l'échelle européenne lors des conseils qui se tiendront à Prague dans les prochaines semaines.
En ce qui concerne la DGCCRF, je remercie le sénateur Cozic et la sénatrice Espagnac pour leur rapport. Cette direction a fait des efforts incommensurables ces dernières années. Pour avoir eu l'honneur d'être rapporteure en commission des finances, je connais bien le sujet. J'échange plusieurs fois par mois avec la directrice, Mme Beaumeunier, au sujet de vos recommandations et mon cabinet est en contact hebdomadaire avec ses équipes. Le contexte est par ailleurs celui d'un redéploiement des effectifs de la DGCCRF vers des missions prioritaires en matière de transition écologique et numérique, au bénéfice notamment du ministère de l'agriculture, qui est plus à même d'agir sur un certain nombre de contrôles de sécurité sanitaire. Ces transferts d'emplois sont toutefois limités. Enfin, compte tenu de l'importance stratégique de ses missions, une augmentation des emplois de la DGCCRF est prévue en 2023 et 2024. La baisse des effectifs touche à sa fin.
M. Olivier Rietmann. - Le rapport de la mission de suivi de la délégation aux entreprises sur le thème de la transmission en entreprise sera examiné jeudi prochain. Il développe une question qui dépend certes plus directement du ministre du travail, mais dont l'impact est direct sur nos PME, TPE et ETI : celle de la formation. Je pense, par exemple, à la formation des futurs repreneurs d'entreprise, qui font aujourd'hui cruellement défaut. Or la Caisse des dépôts et consignations a récemment déréférencé CRA Formation, qui dépend de l'association Cédants et repreneurs d'affaires. Ces formations font pourtant l'unanimité chez tous les acteurs de la transmission, qu'ils soient publics ou privés.
La vague de déréférencement a touché également de nombreuses auto-écoles, dont les élèves ne peuvent plus bénéficier du financement via le compte personnel de formation (CPF). Alors que les PME et TPE font face à une pénurie extrême de compétences, cela crée, dans nos territoires ruraux, un véritable handicap pour nos entreprises : sans permis, pas de voiture, et sans voiture, pas d'emploi. Les entreprises de transport, par exemple, sont particulièrement concernées : auparavant, les candidats pouvaient bénéficier du CPF pour passer leur permis poids lourd et super lourd ; ce n'est plus possible.
Nous espérons que vous pourrez étudier la question avec votre collègue Olivier Dussopt, car l'enjeu est de taille et doit être appréhendé de façon transversale. Pour ma part, j'ai sollicité le ministre Dussopt le 5 août et le 13 septembre derniers sans obtenir de réponse. La délégation aux entreprises n'a pas eu plus de succès auprès de la Caisse des dépôts. Madame la ministre, je ne doute pas que vous nous apporterez une réponse et je vous en remercie.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - À défaut de vous apporter une réponse, Mme la ministre aura de l'influence.
M. Daniel Laurent. - La question du coût de l'énergie est au premier rang des préoccupations des chefs d'entreprise. Elle s'ajoute à l'inflation, aux difficultés de recrutement, à des délais d'approvisionnement toujours plus tendus, à l'envolée des coûts des matériaux, aux marges qui se réduisent et, malheureusement pour certains, à des trésoreries qui deviennent exsangues.
Les entreprises dont les contrats d'énergie arrivent à leur terme sont incitées, y compris par le Président de la République, à repousser la négociation de leurs contrats. Or en pratique, la situation est compliquée pour les PME, qui ne font pas le poids face aux fournisseurs d'énergie, lesquels ne peuvent leur garantir les volumes ni s'engager sur les prix.
Concernant le bouclier tarifaire, pouvez-vous nous préciser si toutes les activités sont concernées ? Je pense en particulier aux activités agricoles - transformation, distillation - qui consomment beaucoup d'énergie.
Dans le domaine du tourisme, le dysfonctionnement perdure dans le reversement aux collectivités de la taxe de séjour via les plateformes numériques. Que comptez-vous faire pour y remédier, sachant que votre prédécesseur n'a pas résolu le problème ?
Enfin, le référentiel des stations de tourisme impose désormais la présence d'une pharmacie sur le territoire communal des stations classées. Ainsi, une commune de 600 habitants située sur l'île de Ré pourrait perdre le classement dans le cadre d'un prochain renouvellement, quand bien même deux pharmacies sont à moins de cinq minutes en voiture. Envisagez-vous une adaptation à la réalité de ces territoires ?
Mme Sylviane Noël. - La hausse des coûts de l'énergie est une préoccupation majeure pour les stations de ski, à l'heure où 70 % d'entre elles négocient leur contrat triennal avec les fournisseurs d'énergie. Après deux saisons gâchées par la pandémie de covid-19, elle pourrait de nouveau menacer ce secteur d'activité ainsi que les communes de stations de montagne. En effet, l'électricité pourrait représenter à la fin de la saison 20 % de leurs coûts, contre 2 à 5 % actuellement. Si cette hausse n'est pas contrôlée, les conséquences pourraient être très lourdes, avec toutes les répercussions sur le tissu socio-économique que nous avons connues il y a deux ans. J'attire donc une fois encore votre attention sur la nécessité absolue d'accompagner les opérateurs de remontées mécaniques afin de passer ce cap difficile.
Par ailleurs, le groupe de travail « tourisme » que je préside a été saisi récemment par les représentants de l'hôtellerie et de la restauration au sujet des commissions que prélèvent certaines plateformes dans le cadre de la dématérialisation des titres-restaurants. Il semblerait que celles-ci, en situation de quasi-monopole, prélèvent des frais fixes et variables élevés en plus d'un abonnement mensuel au tarif élevé, ce qui pénalise les restaurateurs qui les acceptent. Votre cabinet a-t-il reçu des alertes et quelles pistes envisagez-vous pour remédier à ce problème ?
Mme Viviane Artigalas. - Le tourisme de proximité, qui désigne le fait de se rendre sur un lieu de vacances à moins de 500 kilomètres de chez soi, est un mode de consommation touristique en fort développement dans un contexte de contraintes économiques et énergétiques. Au-delà des bénéfices écologiques évidents, il est en réalité une force stabilisatrice pour l'économie de nos territoires. Pour les régions rurales, il est également un vecteur de revenus et d'emplois : entre 40 000 et 46 000 emplois directs ont ainsi été créés ou maintenus en 2019.
Les vertus environnementales de cette forme de villégiature ont été reconnues par l'Ademe, dont le rapport 2020 sur les émissions touristiques préconisait notamment la structuration d'offres touristiques de proximité, la mise en place d'incitations fiscales pour les acteurs du tourisme microlocal, le développement de l'offre ferroviaire ou encore la mise en place d'une campagne de communication spécifique pour le tourisme local. Le Gouvernement souhaite-t-il prendre des mesures pour favoriser le tourisme de proximité et si oui lesquelles ?
M. Serge Mérillou. - Depuis quelques jours, l'exécutif invite les patrons de TPE-PME à ne pas signer des contrats de fourniture d'électricité à des prix exorbitants. Or hier, Mme Wargon, présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) s'est montrée moins catégorique, expliquant que certaines entreprises avaient tout intérêt à signer les contrats proposés, au risque de se retrouver sans fournisseur en janvier.
Nos entreprises vont devoir prendre des décisions dans de très brefs délais. Doivent-elles ou non signer les contrats proposés aux prix actuels, avec les risques de chômage partiel que cela implique ?
Par ailleurs, ces prix très élevés et très volatils sont compliqués à comprendre pour les chefs d'entreprise qui ne sont pas accompagnés dans ces choix stratégiques. Comment le Gouvernement peut-il rendre ces prix plus lisibles ? Les TPE-PME ont besoin de clarté et de cohérence et la cacophonie gouvernementale ne facilite pas la prise de décision.
Mme Florence Blatrix Contat. - Je me réjouis de vos annonces concernant la DGCCRF ; une telle mesure est nécessaire et les agriculteurs la réclament pour garantir une meilleure application de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim).
Par ailleurs, il convient de renforcer le financement des associations de consommateurs, dont les aides se sont réduites.
En outre, nous nous inquiétons fortement de la position de nos PME et ETI dans notre commerce extérieur, dont le déficit s'est encore creusé, et ce pas uniquement en raison de la conjoncture. Nos PME et nos ETI sont peu insérées dans le commerce extérieur. Quel levier envisagez-vous d'utiliser pour améliorer cette situation ?
Enfin, je partage votre enthousiasme à propos de la RSE, mais il faudrait lancer une campagne de communication à destination des entreprises et, surtout, suivre de près les normes du Groupe consultatif pour l'information financière en Europe (European Financial Reporting Advisory Group ou Efrag), qui devront être pragmatiques et pertinentes.
Mme Amel Gacquerre. - Les entreprises font face à deux problèmes majeurs : l'explosion du coût de l'énergie et les difficultés de recrutement, phénomène qui prend des proportions inquiétantes, puisque 9 PME sur 10 peinent à recruter. Nombre de chefs d'entreprise ont pris des mesures, comme le relèvement des salaires ou le versement de primes, mais doivent tout de même refuser des marchés. Quelle est votre vision sur le sujet et quelles mesures envisagez-vous de prendre ?
M. Daniel Gremillet. - Je souhaite insister sur le sujet soulevé par Mme Gacquerre. Cela fait plus d'un an que les entreprises rencontrent de grandes difficultés à recruter et, si l'on calculait le PIB perdu en raison de l'impossibilité de recruter, on serait abasourdi du résultat.
Par ailleurs, indépendamment du fait que je ne partage pas votre point de vue sur la situation énergétique, que comptez-vous faire pour aider nos entreprises, sachant que l'Allemagne a mis 200 milliards d'euros sur la table afin d'éviter à ses PME d'être affectées par la crise énergétique ?
M. Daniel Salmon. - J'appelle votre attention sur la question des locations de courte durée, phénomène en expansion et qui engendre un effet d'éviction sur le marché de la location classique pour les résidents à l'année et des difficultés de recrutement. D'une part, la fiscalité sur les locations de courte durée devrait être plus lourde que la fiscalité sur les locations de longue durée et, d'autre part, il faudrait adapter la réglementation en la matière, car la loi n'autorise que les communes de plus de 200 000 habitants ou situées dans une zone tendue à encadrer ces locations. C'est trop restrictif, il faudrait mettre à disposition des élus une boîte à outils leur permettant d'adapter la réglementation aux spécificités de leur commune. Quel est votre point de vue sur cette question ? Vous qui avez des origines bretonnes, vous y êtes sans doute sensible...
M. Alain Chatillon. - Deux entreprises de ma région sont contraintes par EDF de signer, cette semaine, un contrat de fourniture d'électricité à un tarif représentant cinq fois le coût du contrat portant sur l'année en cours. Que peut-on faire ?
Par ailleurs, puisque vous évoquiez les coûts de production, je signale que les impôts de production représentent, en France, 70 milliards d'euros, contre 47 milliards d'euros en Allemagne. C'est l'État qui devrait réduire ces impôts et non les collectivités ; or la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans entraînera une moindre recette de 9 milliards d'euros pour les collectivités. Pourquoi ces dernières doivent-elles payer à la place de l'État ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Monsieur Gremillet, certes, le gouvernement allemand a annoncé une aide de 200 milliards d'euros, mais - peut-être avez-vous des informations que je n'ai pas -, j'ignore comment ce montant se ventilera, par exemple entre ménages et entreprises. Ce que je sais, en revanche, c'est que, de notre côté, nous avons déjà décaissé 60 milliards d'euros pour protéger les ménages de la hausse des prix de l'énergie. C'est peut-être insuffisant, mais c'est concret.
Monsieur Laurent, le taux d'inflation lissé d'août 2021 à août 2022 s'élève à 5,8 % au total et à 7,7 % pour les produits alimentaires. C'est sans doute trop, mais cette inflation relativement contenue nous est enviée par nombre d'autres États membres de l'Union européenne. Du reste, Bruno Le Maire a été le premier, dès la rentrée 2021, à évoquer la décorrélation du prix du gaz et de l'électricité et nous avons été les premiers à instaurer le bouclier tarifaire. Donc, si la situation est difficile, elle est pire ailleurs en Europe.
Oui, monsieur Rietmann, la formation est un sujet important. Vous avez mentionné un centre de formation des apprentis particulier. Je transmettrai votre question à mon collègue Dussopt, qui y répondra dans les meilleurs délais. Je vous recommande par ailleurs d'en parler à ma collègue Mme Grandjean, qui est chargée de la formation professionnelle ; elle pourra vous apporter une réponse plus opérationnelle.
Monsieur Laurent, oui, la situation économique est difficile ; 73 % des PME répercutent la hausse du prix de l'énergie sur leurs prix de vente, et ce depuis plusieurs mois. Or j'ai également à coeur de contenir l'inflation pour les ménages. C'est pourquoi mes collègues Roland Lescure, Marc Fesneau et moi-même tâchons de mobiliser les centrales de grande distribution en faveur d'une certaine retenue pour les prix de l'alimentaire et, pour ma part, je me bats pour que nos PME puissent répercuter la hausse du coût de l'énergie sur leurs tarifs. Nous en avons appelé à la responsabilité des acteurs de la grande distribution, notamment en matière de pénalités logistiques.
En ce qui concerne les PME qui ont des contrats à renégocier, nous avons saisi le médiateur de l'énergie. Si vous avez connaissance de cas concrets de multiplication par trois, quatre ou cinq de leurs tarifs, je puis lui transmettre ces dossiers.
La classification des communes en zone touristique est un véritable sujet, soulevé par nombre de parlementaires. La réforme de 2019 en la matière intègre en effet, parmi les critères de ce classement, la présence dans la commune d'une pharmacie, service essentiel. Je peux comprendre que certaines communes s'inquiètent de ne plus satisfaire, de ce fait, aux exigences de la nouvelle réglementation. On doit pouvoir trouver un équilibre entre les souhaits des communes et le maintien d'une offre touristique de qualité. Je convierai donc les élus à une réunion en octobre sur le sujet, avec les ministères de la santé et de la transition écologique. Une solution doit exister pour maintenir le classement des communes touristiques qui le méritent.
Le ski est un sujet majeur. J'ai rencontré des représentants de Domaines skiables de France vendredi dernier, et je salue la responsabilité des acteurs du secteur, qui se sont mobilisés pour atteindre un objectif ambitieux de sobriété. En ce qui concerne le coût de l'électricité, les stations sont éligibles aux aides du plan de résilience. Je suis à votre disposition pour évoquer les problèmes précis liés aux régies. Nous y travaillons actuellement.
Madame Artigalas, vous m'interrogez sur le tourisme de proximité ou durable. Il faut le savoir, la filière touristique serait, selon l'Ademe, à l'origine de 11 % des émissions de gaz à effet de serre en France. La transition écologique du secteur est donc un sujet majeur. L'accompagnement de l'évolution de l'offre touristique est au coeur du plan de relance pour le tourisme et du plan Destination France, doté de 1,9 milliard d'euros. Le fonds Tourisme durable, destiné à accompagner la transition des acteurs du tourisme dans les territoires peu denses et à développer des formes plus responsables de tourisme, comme l'agritourisme ou l'oenotourisme, est toujours disponible et le fonds Avenir montagnes, doté de 334 millions d'euros, visant à accélérer la diversification et la transition écologique des activités de montagne, est en cours de décaissement. Ce plan est déployé sur notre territoire. Par ailleurs, au sein du plan Destination France, un dispositif de 44 millions d'euros est destiné à soutenir l'investissement dans les infrastructures touristiques durables. Reparlons-nous-en de manière plus approfondie, si vous le souhaitez.
Monsieur Mérillou, nous rencontrons demain matin les fournisseurs d'énergie, afin de discuter du contenu d'une charte. J'espère obtenir des avancées sur le sujet. Je recommande sur ce point d'attendre la fin de la semaine. Toutefois, si vous avez connaissance, pour certaines entreprises, d'une situation d'urgence ne pouvant souffrir soixante-douze heures d'attente, nous pouvons saisir le médiateur de l'énergie, afin que soient vérifiés le caractère non abusif des propositions et le caractère raisonnable des offres de substitution. Il n'y a aucune cacophonie en la matière ; il peut y avoir de la polyphonie.
Madame Blatrix Contat, je suis sensible aux réflexions engagées au sujet du mouvement consumériste en France, qui doit effectivement être modernisé. Je connais bien le sujet pour y avoir travaillé comme députée, au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Les élus et le Gouvernement appellent, depuis des années, le mouvement consumériste à se moderniser. Le rapport d'information que vous avez coécrit propose des pistes intéressantes, telles que le financement public des associations bien implantées localement. La DGCCRF est en train de consulter les associations sur les évolutions envisageables, en se fondant sur votre rapport d'information et sur celui de la Cour des comptes, paru en octobre 2021. Leurs premières analyses me seront transmises rapidement et je réunirai ensuite, d'ici à la fin de l'année, les associations de consommateurs, afin d'avancer sur ce sujet. Je vous informerai de la date de cette réunion et je pourrai même vous y convier. Je suis d'accord avec vos propos sur l'EFRAG et je vous invite à recevoir les associations consuméristes pour vérifier que les indicateurs proposés sont compatibles avec des entreprises humaines. Votre souci est légitime en tant qu'élue.
Pour ce qui concerne le commerce extérieur, c'est mon collègue Olivier Becht qui est à la manoeuvre. Si vous pensez que nos PME ne sont pas assez intégrées dans France Export, on peut en parler. J'avais l'impression que cet organisme fonctionnait plutôt bien, mais peut-être convient-il d'y renforcer la présence de nos petites et moyennes entreprises.
Madame Gacquerre, les pénuries de main-d'oeuvre sont un véritable problème. C'est, avec l'énergie, l'autre sujet majeur de préoccupation pour les entrepreneurs et j'ai passé mon été à y réfléchir. Il y a des problèmes très « chauds », comme la question des saisonniers, qui n'est d'ailleurs pas sans lien avec le logement et la mobilité. En effet, la rémunération n'est pas le seul levier pertinent, il y a aussi un problème d'organisation de la vie du saisonnier, le prix des locations touristiques étant trop élevé. Nous avons fait comme nous avons pu l'été dernier, en mobilisant les préfets, les rectorats et les résidences universitaires. Il y a beaucoup d'irritants, sur lesquels je travaille avec les Urssaf. Je pense notamment à la situation des entrepreneurs, en particulier dans le domaine des hôtels, cafés, restaurants (HCR), qui pourraient loger leurs saisonniers, mais que des tracasseries administratives entravent. Plusieurs membres du Gouvernement agissent de conserve, en lien avec les préfets.
Dans le secteur des HCR (hôtellerie-café-restauration) en particulier, le Gouvernement a déjà pris des mesures. On estime qu'il y a un déficit de 200 000 salariés. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) a augmenté les salaires de 16 %. Sera-ce suffisant pour attirer des candidats ? Il y a aussi des enjeux en matière de qualité de vie au travail, d'articulation entre vie professionnelle et vie privée, de mutation des salariés. Le Gouvernement a mis en place un plan de 1,4 milliard d'euros pour aider les métiers sous tension, qui a permis de remettre 280 000 chômeurs de longue durée sur le chemin de l'emploi dans les secteurs concernés. Dans les métiers HCR, on en a formé et placé 80 000. Il reste du travail, mais nous nous battons pour permettre une formation accélérée de ces personnes. À cet égard, la réforme de l'assurance chômage que le Gouvernement proposera prochainement doit encourager le retour à l'emploi de chômeurs de longue durée, notamment vers ces métiers.
Monsieur Salmon, pour traiter le problème des meublés touristiques, nous étudions, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2023, des pistes possibles pour muscler la fiscalité. Néanmoins, il faut faire attention aux effets de bord, notamment sur nos gîtes, auxquels nous tenons tous, et sur nos capacités d'accueil des touristes, que nous espérons compter par dizaines de millions. Il y a là encore un enjeu d'équilibre. Le renforcement de cette fiscalité ne doit affecter négativement ni nos gîtes ni nos capacités d'accueil.
Monsieur Chatillon, je vous répondrai par écrit pour évoquer les entreprises que vous avez mentionnées. Nous pourrons éventuellement en parler avec le ministre du budget et des comptes publics.
M. Vincent Segouin. - Vous affirmez, madame la ministre, que le Gouvernement va intervenir auprès d'EDF pour éviter les phénomènes de surinflation, mais n'êtes-vous pas à l'origine de la pénurie, puisque nos centrales ne fonctionnent qu'à 65 % ?
En outre, on verse des subventions pour que les entreprises soient toujours plus propres, ce qui crée de la demande supplémentaire, mais cela n'engendre-t-il pas un effet de ciseau ? Allons-nous continuer de gérer la France de la sorte, en nous fondant plus sur l'idéologie que sur le pragmatisme et les études d'impact ? Le déversement d'argent public ne fait qu'engendrer plus de problèmes...
M. Jean-Marc Boyer. - Vous avez indiqué que le tourisme était responsable de 11 % des émissions de gaz à effet de serre. Sur quels éléments objectifs vous appuyez-vous pour affirmer cela ? J'habite à la montagne, je constate les pratiques de tourisme montagnard toute l'année et je ne vois pas en quoi il ne serait pas « écoresponsable ».
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Monsieur Segouin, si nous avions créé la pénurie, nous serions les seuls touchés. Or, cela ne vous aura pas échappé, toute l'Europe est concernée par la crise énergétique. Nous devons en effet faire face aux conséquences de choix politiques réalisés en matière nucléaire pendant de nombreuses années et notre situation énergétique est peut-être plus tendue que certains pays européens, mais nous nous battons pour obtenir des aménagements pour nos entreprises.
Par ailleurs, vous vivez la transition énergétique comme un fardeau...
M. Vincent Segouin. - Je n'ai pas dit cela !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - ... en tout cas comme une dépense ; je le vois pour ma part comme un investissement. Je ne suis pas issue du mouvement écologiste, je suis moins pointue que d'autres sur ce thème, mais je viens de la vraie vie, j'ai été entrepreneure et je pense que c'est une obligation qui nous incombe à tous. Si vous estimez qu'investir dans l'accompagnement de nos entreprises pour favoriser leur transition revient à jeter l'argent par les fenêtres, alors nous ne serons pas d'accord.
Monsieur Boyer, je vous renvoie au rapport de l'Ademe, qui fait état d'une contribution à hauteur de 11 % du tourisme aux émissions de gaz à effet de serre. Cela ne signifie pas que les acteurs du secteur ne soient pas responsables du point de vue environnemental, mais c'est une réalité. Il faut tenir compte du transport, de l'énergie, du damage des pistes, etc., même si cela n'est en rien stigmatisant. Les acteurs touristiques, y compris à la montagne, sont en train de changer leurs pratiques. Le surtourisme sur le littoral est un sujet important. Il n'y a pas de stigmatisation à dire que le tourisme à la montagne entraîne aussi des émissions de CO2. Cela peut ne pas vous plaire, mais c'est étayé...
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Je vous remercie de vos propos, madame la ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 55.
Mercredi 5 octobre 2022
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi en faveur du développement de l'agrivoltaïsme - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi en faveur du développement de l'agrivoltaïsme, qui sera examinée en séance publique le jeudi 20 octobre 2022.
Cette proposition de loi ayant été inscrite dans le cadre d'un espace réservé d'un groupe minoritaire, nous appliquons le gentlemen's agreement conclu en 2009 entre les présidents de groupes et de commissions et validé par la conférence des présidents : la commission ne peut modifier le texte au stade de son examen en commission qu'avec l'accord exprès du groupe l'ayant inscrit à l'ordre du jour. Cette restriction, visant à ne pas dénaturer la volonté de l'auteur de la proposition de loi avant son passage en séance publique, est en revanche levée pour cette dernière étape. Le rapporteur s'est, en l'espèce, concerté avec l'auteur et son groupe afin de présenter plusieurs amendements communs au stade de l'examen dans notre commission.
M. Franck Menonville, rapporteur. - La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui présente un grand intérêt, car elle propose, pour la première fois, d'appliquer une orientation stratégique, un cadre légal et un dispositif budgétaire à l'agrivoltaïsme.
Elle se compose d'un article unique, créant un cadre global et cohérent pour accompagner le développement raisonné de l'agrivoltaïsme, encourager les projets alliant véritablement production électrique secondaire et production agricole principale, tout en prévenant le risque de conflits d'usage et d'essor incontrôlé de « projets alibis ».
Pour ce faire, sont proposées dans son article unique les évolutions suivantes.
Un objectif de développement des installations agrivoltaïques s'ajoute aux objectifs énergétiques nationaux, figurant à l'article L. 100-2 du code de l'énergie.
Les installations agrivoltaïques sont définies comme des installations solaires permettant de maintenir ou de développer l'activité agricole. Elles doivent garantir une production significative et un revenu durable aux agriculteurs. Ces installations doivent poursuivre directement deux services, sans porter une atteinte substantielle à un service ou une atteinte limitée à deux services. Ces services sont : l'amélioration du potentiel agronomique ; l'adaptation au changement climatique ; la protection contre les aléas ; l'amélioration du bien-être animal. Démontables, ces installations doivent respecter l'agriculture comme activité principale.
L'article applique à ces installations une obligation d'achat et une procédure de mise en concurrence spécifiques. Il permet aux parcelles agricoles présentant de telles installations de bénéficier des aides issues de la politique agricole commune (PAC). De plus, il offre à ces installations une autorisation de principe au titre du code de l'urbanisme, sous réserve d'un avis systématique des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). En contrepartie, il prévoit des garanties financières, pour assurer le démantèlement et la remise en état des sites.
L'essor de l'agrivoltaïsme rend ces dispositions non seulement utiles, mais nécessaires. Ce type de solutions technologiques innovantes permet de développer la production d'énergies renouvelables en zones rurales, en conciliant celle-ci avec les activités économiques traditionnelles, à commencer par l'agriculture.
L'agrivoltaïsme est porteur d'externalités positives pour nos agriculteurs, à qui il apporte une diversification d'activités et un complément de revenus. Il offre également une protection des cultures ou du bétail contre les aléas, tels que les précipitations, les sécheresses ou encore les ravageurs.
Pour autant, s'il n'est pas suffisant régulé, l'agrivoltaïsme présente des risques en matière d'artificialisation ou de renchérissement du foncier agricole, avec de potentiels conflits d'usage entre productions électrique et agricole. Parmi les projets, tandis que certains apportent une valeur ajoutée en matière agricole, d'autres ne sont que des « projets alibis » ne respectant pas la vocation agricole.
L'agrivoltaïsme s'est déjà bien développé dans nos territoires. Si les ministères de l'énergie et de l'agriculture n'ont pas pu fournir d'éléments chiffrés, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dénombre 167 projets d'agrivoltaïsme pour 1,3 gigawatt, l'Agence française de normalisation (Afnor) 11 projets certifiés et 7 en cours, et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) 55 projets soutenus pour 130 mégawatts.
L'agrivoltaïsme présente un potentiel élevé. Le groupe EDF a ainsi rappelé que 6 gigawatts de projets solaires sont en attente. De son côté, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a indiqué que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit de réaliser 33 000 à 44 000 hectares d'installations photovoltaïques d'ici à 2028, ce qui correspondrait au maximum à 0,06 à 0,1 % de la surface agricole utile (SAU). À plus long terme, France agrivoltaïsme évalue le potentiel des projets entre 60 et 80 gigawatts, répartis sur 20 000 à 30 000 exploitations en 2050, l'équivalent de 80 000 à 120 000 hectares.
Dans ce contexte, seul un encadrement légal clair peut permettre de promouvoir les bonnes pratiques et de réprimer les mauvaises, de manière à ce que l'agrivoltaïsme se développe toujours au bénéfice des agriculteurs -- il y a là un sujet majeur d'acceptation sociale et territoriale.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de loi, que j'ai entendu consolider par neuf amendements - acceptés par l'auteur du texte et son groupe.
La cinquantaine de personnes que nous avons entendues, au cours d'une vingtaine d'auditions, nous ont convaincus de la nécessité de ces amendements.
Je rappelle que nous avons auditionné les organisations professionnelles agricoles, les professionnels des énergies renouvelables, les associations d'élus locaux et les services de l'État. Nous avons également entendu l'Ademe, qui a conduit un travail de définition, et l'Afnor, qui a mené un travail de certification. Ces travaux, récents et consensuels, font autorité. Nous les avons donc utilisés.
Dans ce contexte, les amendements COM-1 et COM-3 viseront à compléter l'objectif et la définition de l'agrivoltaïsme, dans un sens plus respectueux des travaux de l'Ademe et des intérêts des agriculteurs. Il me paraît crucial que cette définition intègre la notion de réversibilité et soit assortie de modalités de suivi, de contrôle et de sanction. De plus, la notion d'activité agricole principale doit pouvoir être appréciée, non seulement au regard de l'emprise au sol, mais aussi de la production ou du revenu. Je souhaite également que toutes les modalités d'application réglementaires soient définies conjointement avec les acteurs agricoles.
Mes amendements COM-2, COM-4 et COM-5 tendent à consolider l'obligation d'achat et la procédure de mise en concurrence spécifiques, en veillant à leur conformité avec le droit de l'Union européenne. En effet, les lignes directrices concernant les aides d'État à l'énergie n'autorisent un tel soutien que pour les installations inférieures à 1 mégawatt ou, lorsqu'elles sont détenues par des PME ou des communautés d'énergie renouvelable, à 6 mégawatts. Je souhaite par ailleurs éviter tout doublon avec le droit commun et appliquer les mêmes dispositions de contrôle et de sanction.
En matière d'urbanisme, mon amendement COM-7 vise à revenir sur l'autorisation de principe, qui ne serait pas respectueuse des pouvoirs des élus locaux. À la place, j'entends consolider les dérogations existantes et prévoir l'avis systématique des CDPENAF.
Sur les autres sujets, mon amendement COM-6 confortera le bénéfice de la PAC -- notamment en vue de la PAC 2023-2029 - et mon amendement COM-8 en fera de même pour les garanties financières.
Enfin, mon amendement COM-9 complètera la proposition de loi pour renforcer la territorialisation des projets. Je souhaite que l'agrivoltaïsme soit intégré à la planification, nationale comme locale, et que les élus locaux soient informés au préalable de la mise en oeuvre des projets.
Je forme le voeu que cette proposition de loi, portée par le sénateur Jean-Pierre Decool et traduisant sur le plan législatif la résolution adoptée, le 4 février dernier, à l'initiative du président Jean-François Longeot et du sénateur Jean-Pierre Moga, prospère.
Elle arrive au bon moment, à l'heure où le foisonnement de projets conduit les acteurs de terrain à demander une clarification.
Elle intervient par ailleurs en amont du projet de loi du Gouvernement relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, ce qui offre au Sénat une chance d'imprimer sa marque et d'enrichir le texte à venir de ses travaux.
Je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi, ainsi amendée dans le sens d'une plus grande précision de la définition de l'agrivoltaïsme, de ses mécanismes de soutien ou de ses procédures d'autorisation, dont la ligne directrice est la primauté des intérêts agricoles et la préservation des compétences locales.
Avant de procéder à l'examen des amendements, conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives : aux objectifs en matière d'agrivoltaïsme ; à la définition de l'agrivoltaïsme ; aux dispositifs de soutien public de l'agrivoltaïsme, ainsi qu'à leurs modalités d'attribution ; aux régimes des autorisations liés aux projets d'agrivoltaïsme ainsi qu'aux attributions de la CDPENAF dans ce domaine ; au régime des garanties financières des installations d'agrivoltaïsme ; aux modalités de prise en compte des installations d'agrivoltaïsme dans les conditions d'attribution des aides de la politique agricole commune (PAC).
M. Bernard Buis. - Je remercie notre rapporteur pour son travail sur ce texte, dont nous partageons autant les objectifs que les modalités.
La production des énergies renouvelables représente actuellement, en France, 27 % de la consommation d'électricité. Or l'objectif fixé pour 2030 est de 40 % ; nous devons donc accélérer.
Nous examinerons, dans cette optique, un projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables dans un mois, puis un autre en faveur du nucléaire en début d'année prochaine. En attendant ces textes gouvernementaux, nous saluons l'inscription au débat de ce texte d'origine sénatoriale.
Le photovoltaïque fait partie de la solution. Mais, là encore, nous sommes en retard : la PPE prévoit qu'en 2028, 35,6 à 44,5 gigawatts proviennent d'installations photovoltaïques. Le parc solaire atteint aujourd'hui une capacité de 10 gigawatts ; il est donc urgent de le développer.
L'agrivoltaïsme constitue l'un des leviers pour développer notre production photovoltaïque. Les inaugurations de centrales photovoltaïques sur des terres agricoles se sont multipliées ces dernières années - et a fortiori cette année. Nous nous en félicitons.
Pour autant, cette nouvelle forme d'agriculture comporte le risque d'ouvrir trop largement le foncier agricole au photovoltaïque, ce qui en augmenterait les prix, nuisant ainsi à notre compétitivité agricole.
Il est donc important, pour qu'il se développe de manière raisonnée, d'encadrer l'agrivoltaïsme en intégrant des garde-fous. Le projet de loi le fait très bien en instaurant ceux-ci : les panneaux doivent présenter un caractère démontable ; l'activité agricole doit rester l'activité principale de la parcelle ; la production d'énergie doit être au service de l'activité agricole et l'activité doit être contrôlée par la CDPENAF.
Nous voterons sans état d'âme cette proposition de loi.
M. Henri Cabanel. - Nous abordons un sujet éminemment intéressant, mais qui suscite quelques craintes. À titre personnel, je suis opposé au photovoltaïque sur les terres agricoles ; ces dernières, selon moi, doivent rester des terres nourricières, exclusivement dédiées à l'agriculture.
L'agrivoltaïsme est un compromis intéressant, qui permet à la fois de mener une activité agricole et de produire de l'énergie. La définition de l'Ademe est d'ailleurs intéressante en cela qu'elle précise « apporter un service à une problématique agricole ». J'y ajoute : trouver une certaine résilience par rapport au changement climatique.
J'ai visité un site dans le Vaucluse où est menée une expérimentation intéressante, car l'installation, sur de la vigne, prévient plusieurs risques : le gel, l'évaporation et la grêle.
Pour autant, nous devons être vigilants sur l'encadrement de cette pratique pour que des porteurs de projets ne profitent pas du foncier peu cher pour « faire leur beurre ». Sur la vigne, par exemple, l'installation agrivoltaïque coûte entre 1,2 et 1,5 million d'euros par hectare. Quel agriculteur pourra-t-il investir une telle somme sans faire appel à un porteur de projet ? Je reste donc prudent sur ce système.
Du fait de cette question de rentabilité, je ne pense pas que toutes les filières agricoles puissent bénéficier de l'agrivoltaïsme.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas négliger la pollution visuelle que représente ce dernier : pour laisser passer les engins agricoles, les panneaux se situent à une certaine hauteur.
Monsieur le rapporteur Franck Menonville, vous nous dites que la CDPENAF doit avoir un avis systématique : s'agit-il d'un avis conforme ou d'un avis simple ?
M. Daniel Salmon. - L'énergie la plus propre est celle que l'on ne consomme pas ; nous devons aller à toute vitesse vers la sobriété.
Cela étant dit, nous devons bien produire de l'énergie, de préférence renouvelable, et le photovoltaïque est important dans cette stratégie. Le développement de celui-ci sur les toitures et les terres artificialisées prend beaucoup de temps à cause des contraintes administratives et techniques. D'où l'intérêt d'identifier d'autres surfaces, telles les terres agricoles dans le cas de l'agrivoltaïsme, sans nuire à la production.
Nous devons déterminer un cadre très précis et trouver une position d'équilibre en définissant précisément le champ de l'agrivoltaïsme afin d'éviter les « projets alibi ». Certaines serres ont par exemple été équipées de panneaux, au détriment de la photosynthèse. La densité est donc un élément important. La production agricole doit rester la principale, et la production électrique secondaire, tout en veillant à éviter l'artificialisation des sols et à protéger la biodiversité.
L'avis de la CDPENAF doit plutôt être un avis conforme qu'un avis simple, car le monde de l'agriculture doit disposer d'une parole forte sur ces projets.
De nombreuses alertes proviennent des syndicats agricoles - des jeunes agriculteurs à la Confédération paysanne - concernant la spéculation et les problématiques foncières, qui posent des questions de transmission : si la production électrique devient une rente, l'agriculteur à la retraite ne voudra plus céder ses terres.
Les amendements du rapporteur vont dans le bon sens : celui d'un meilleur encadrement et d'une clarification de l'agrivoltaïsme. Nous devrons avoir une vision nationale de la répartition géographique des installations dans les territoires : nos paysages vont être transformés, il faudra veiller à ce que cela reste acceptable.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous avions effectivement un besoin d'encadrement de cette activité afin de veiller à une bonne répartition entre terres d'agriculture et terres d'énergie.
L'autonomie alimentaire doit rester un objectif, mais aussi l'aménagement du territoire, car ce ne sont pas des installations neutres pour les habitants ou les visiteurs.
L'évolution de la technologie a modifié mon approche sur le photovoltaïque : cela a certes un coût, mais nous avons dépassé le stade des panneaux au sol sous lesquels on prétendait mettre des ovins, qui en réalité marchaient sur des pierres.
Il me semble par ailleurs que les régions à faible potentiel agronomique sont prioritairement visées par ceux que j'appelle, à l'instar des chasseurs de têtes, les « chasseurs de territoires ».
Les élus subissent un démarchage forcené pour trouver des parcelles sur des territoires où le faible coût du foncier fait de ces derniers des cibles vulnérables. Soyons vigilants sur la spéculation. Dans mon département, des investisseurs étrangers se créent de larges unités foncières ; des projets photovoltaïques dépassent la centaine d'hectares, ce qui interroge sur le maintien de la biodiversité.
Pour la réversibilité, qui paiera ? Le coût peut être important, avec les câbles enterrés, le béton à la base des poteaux... Se pose aussi la question de la sécurisation et de la pérennité des activités. Pour un projet qui comporte du photovoltaïque au titre d'un complément de revenus, comment s'assurer que l'activité agricole continuera lors du transfert éventuel vers un autre propriétaire ? Je pense aussi à l'urbanisme : on ne peut pas imposer des contraintes sans nombre aux maires et aux élus et laisser une complète liberté à cette activité.
Vos amendements apportent donc des précisions nécessaires pour encadrer d'éventuelles dérives et combiner au mieux l'activité de production agricole et l'activité de production d'énergie.
M. Daniel Gremillet. - Ce sujet n'est pas simple, et la définition retenue sera lourde de conséquences, et déterminante pour ce que sera l'agrivoltaïsme demain dans notre pays. Les innovations sont nombreuses. Par exemple, on peut désormais orienter les panneaux dans plusieurs directions successives. En 2021, dans la loi « Climat-Résilience », nous avons admis que l'agrivoltaïsme ne devait pas être pris en compte dans le calcul de l'artificialisation des sols - ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas matière à légiférer, pour garantir une certaine cohérence, d'autant que la notion d'énergétique territoriale, toutes énergies confondues, doit être déclinée partout.
L'autre point important est la répartition de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) entre la commune, l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et le département. C'est un sujet très différent de l'éolien, qui est beaucoup plus territorial et peut avoir des impacts directs sur les communes voisines. Il y aura également une concurrence entre l'investisseur, le propriétaire et l'exploitant, qui peuvent être trois personnes différentes. Soyons-y attentifs dans l'examen des amendements.
Ce week-end encore, j'ai été interpellé par des agriculteurs et des maires de communes rurales à propos d'un projet de photovoltaïque sur des toits, car l'architecte des bâtiments de France (ABF) s'y oppose. Nous devons faire preuve de cohérence !
Dans le département des Vosges, avec l'accord de la commune et de l'Office national des forêts (ONF), sur certains territoires, on s'est rendu compte qu'il était plus judicieux de faire du photovoltaïque dans certaines friches séculaires que d'y laisser pousser de la broussaille. La projection territoriale peut donc aller plus loin que la seule fonction agricole.
M. Jean-Marc Boyer. - Ce texte engage la configuration de nos paysages pour l'avenir. Sur les territoires que je connais, l'acceptabilité du photovoltaïque me semble supérieure à celle de l'éolien. Il est vrai que les panneaux mesurent au plus quelques mètres, quand les éoliennes atteignent 240 mètres...
Quelle est la proportion de production photovoltaïque par rapport à la production éolienne ? L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) réalise aujourd'hui des expérimentations. Quels sont les résultats ? Quelle est la rentabilité économique pour les particuliers ? Les porteurs de projets font des démarches très intrusives vis-à-vis de propriétaires particuliers ou de certaines communes et maires. Y a-t-il une priorité d'installation sur les terrains en jachère ? Les démarches administratives ont-elles évolué, qu'il s'agisse du photovoltaïque ou de l'éolien ? L'avis de la CDPENAF est-il toujours un avis simple ? Les surfaces photovoltaïques comptent-elles parmi les 50 % des surfaces d'artificialisation d'ici à 2035 ? Cela pourrait limiter les surfaces constructibles, notamment pour les petites communes.
Mme Anne Chain-Larché. - Il s'agit bien d'un sujet d'actualité, dont on parle de plus en plus dans nos territoires. Au congrès des maires de Seine-et-Marne, vendredi, nous avons examiné exactement le cas, évoqué tout à l'heure, d'un éleveur de moutons qui voulait équiper son terrain de panneaux photovoltaïques. Dans notre commission, le travail est sérieux, et nous allons tâcher d'encadrer une activité qui va se développer. Aujourd'hui, dans certaines exploitations, il n'est pas facile de joindre les deux bouts - et trouver des sources d'énergie peu coûteuses nous intéresse tous. Le rapporteur a effectué un travail remarquable à cet égard, notamment sur la méthanisation, sujet qui a fait l'objet d'un rapport à notre commission. Nous ne devons pas empêcher les initiatives permettant d'ouvrir des sources de revenus complémentaires, mais prévenir les dérives spéculatives. On a évoqué la réversibilité. J'insiste sur le fait que l'implantation d'éoliennes est totalement irréversible. Heureusement que, sur certains territoires, la parole des élus a été entendue et qu'on a limité leur nombre.
Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est la perspective du ZAN qui rend cette loi nécessaire. Dans le décret actuel, un parc photovoltaïque est assimilé à de l'artificialisation, alors qu'un parc d'agrivoltaïsme ne l'est pas. On voit l'enjeu... Accompagner de gros projets, pourquoi pas ? Mais l'agrivoltaïsme est surtout vertueux dans la mesure où il accompagne la viabilité des exploitations et quand il est vraiment intégré dans celles-ci. L'idée est vraiment que la production photovoltaïque soit complémentaire de la production agricole. Je participe régulièrement à des réunions de CDPENAF, et je trouve que c'est un bon outil d'ajustement aux réalités des territoires, où les votes ne vont pas forcément dans le sens souhaité par les agriculteurs. Les réalités, on le sait, ne sont pas les mêmes dans tous les territoires, et ce qui peut être acceptable dans certains ne l'est peut-être pas dans d'autres. Nous devons donc garder une capacité d'ajustement dans le cadre des CDPENAF, avec un avis simple.
M. Fabien Gay. - Ce texte propose une meilleure définition de l'agrivoltaïsme, dont nous avons tous besoin. Il ne s'agit pas, en effet, de la même chose que lorsqu'on pose des panneaux photovoltaïques au sol, ce qui participe à l'artificialisation nette. L'agrivoltaïsme contribue à l'adaptation au changement climatique, mais nous devons être vigilants sur deux sujets. D'abord, quelles seront les cultures concernées ? Si c'est pour qu'un troupeau de cent têtes devienne un troupeau de trois, nous ne serons plus dans la double culture... Il faudra donc poser des définitions claires et encadrer les évolutions. Puis, il faut faire extrêmement attention au revenu paysan. Ce qui a vocation à être un complément ne peut pas se substituer au revenu paysan. Pas question de renoncer à ce que les paysans puissent vivre dignement de leur travail ! Il faudra revenir, enfin, sur l'arrêté de 2015 relatif à la PAC.
M. Jean-Pierre Moga. - Avec le président Jean-François Longeot, nous avons préparé il y a quelques mois une proposition de résolution sur la définition de l'agrivoltaïsme. Il ne faut pas confondre le photovoltaïque et l'agrivoltaïsme... Les porteurs de projets ont tendance à appeler agrivoltaïsme des projets qui, en fait, sont des projets de photovoltaïque et s'apparentent à de l'artificialisation déguisée. La présente proposition de loi, elle, vise à un maintien total des activités agricoles sous les panneaux. Des progrès ont été faits, les panneaux sont désormais mobiles, et l'on peut faire des ombrières modifiables les jours de pluie. Si nous voulons développer notre nucléaire, nous avons aussi besoin des énergies renouvelables. On ne pourra pas atteindre les objectifs de 2050 sans l'énergie photovoltaïque. Le maintien de l'activité agricole est primordial, tout comme celui de la répartition des résultats. Un suivi doit être effectué, pour que la culture continue bien sous les panneaux. Le texte prévoit tout cela, et nos amendements renforcent encore les définitions, pour empêcher l'artificialisation déguisée. Notre souveraineté alimentaire exige en effet que nous développions notre agriculture.
M. Olivier Rietmann. - Venez en Haute-Saône ! En juin, nous y avons inauguré, sur une terre agricole de grande culture - une première mondiale - une ombrière agriphotovoltaïque s'étendant sur trois hectares, à côté d'une parcelle-test de deux hectares. C'est du soja qui est cultivé, avec des panneaux sur câbles, à plus de cinq mètres de hauteur et tenus par des poteaux installés tous les 27 mètres. Les premiers résultats montrent que les sols ont gardé plus d'humidité, malgré la sécheresse cette année, et que la parcelle située sous l'ombrière était plus productive - et protégée contre la grêle ! Les panneaux ont une efficacité maximale, puisqu'ils se réorientent chaque minute. C'est un laboratoire à taille réelle : venez le voir !
M. Franck Montaugé. - L'hypothèse la plus faible de développement des énergies renouvelables à horizon 2050 du scénario « N03 » de RTE impose de multiplier par sept la proportion de photovoltaïque sur le territoire national. C'est absolument gigantesque !
Les projets photovoltaïques, comme les autres, doivent s'inscrire dans une planification de trois ordres : urbanistique, énergétique et agricole, ou agronomique. Urbanistique, en tenant compte des documents comme le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), le schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou le plan local d'urbanisme (PLU). Énergétique, également. Au Conseil supérieur de l'énergie (CSE), nous avons examiné un décret sur les comités régionaux de l'énergie, qui peuvent être déclinés au niveau départemental, sous la forme de comités territoriaux de l'énergie. Ces structures auront un rôle en matière de planification des énergies renouvelables toutes formes confondues, et en particulier du photovoltaïque. Il y a un autre document de planification auquel on ne peut pas se soustraire : les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR). Ces cadres sont absolument fondamentaux. Agronomique, enfin, car il faut relancer l'aide aux zones défavorisées. Je pense en particulier aux zones de polyculture-élevage, qu'on laisse petit à petit s'amenuiser. Nous sommes en train de laisser tomber des pans entiers du territoire, ce qui fera l'aubaine des investisseurs en matière de photovoltaïque - et on ne pourra rien reprocher aux propriétaires des terrains concernés, qui doivent bien, eux aussi, vivre.
Il ne faut pas prendre les choses à l'envers : les questions du revenu agricole et du prix du foncier agricole restent centrales. Il ne s'agit pas de refuser le photovoltaïque, qui est absolument nécessaire. Mais on ne doit pas abandonner cet aspect-là du sujet, sauf à faire n'importe quoi sur les territoires et à les dégrader complètement. N'oublions pas la dimension politique de ce sujet.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je remercie notre rapporteur Franck Menonville de cet exposé très précis. Notre collègue Daniel Gremillet exposait les freins posés par l'administration. Mais il en est un autre type, qui résulte parfois des agences régionales de santé (ARS). Je citerai le cas de projets sur des parcelles agricoles dont une partie comprend des périmètres de protection de captage d'eau. Du fait des risques de départ de feu, des vetos sont chaque fois mis en avant. Il vaudrait mieux travailler à un renforcement des obligations liées à la sécurisation des lieux. De ce point de vue, l'article L. 314-40 du code de l'énergie, tel que proposé par la proposition de loi, me paraissait aller dans le bon sens, en prévoyant d'assouplir la réglementation actuelle. Il convient en effet d'avoir une appréciation locale des services administratifs qui ne bloque pas systématiquement le développement.
M. Serge Mérillou. - Ces discussions me renvoient vingt ou trente ans en arrière, lors du débat sur l'agritourisme dans des zones peu développées. Cela a pourtant permis à des agriculteurs de poursuivre leur profession. Aujourd'hui, si l'agrivoltaïsme produit le même effet sur les agriculteurs, grâce à un complément de revenu nécessaire, nous aurons peut-être gagné la partie. Ne vaut-il pas mieux assurer une production, ne serait-ce que grâce à quelques moutons, plutôt que de laisser gagner les friches ? Et si l'activité agricole doit être principale, l'agrivoltaïsme ne va-t-il pas être développé uniquement dans des zones de grandes cultures ? Il serait d'ailleurs possible de prévoir des sanctions, telles que le déconventionnement. L'agrivoltaïsme est à mon sens une solution. N'y mettons pas trop de freins, ce qui n'empêche pas d'être vigilant sur les conséquences urbanistiques.
M. Franck Menonville, rapporteur. - La définition se veut protectrice de l'agriculture, mais ne définit pas un modèle qui doit en bénéficier. Il faut de la territorialisation, afin que la garantie du maintien de l'activité agricole soit en rapport avec le secteur antérieur. C'est pourquoi un amendement crée une triple clef d'entrée pour le caractère agricole principal : l'emprise au sol, l'activité ou le revenu.
Cette proposition de loi ne répond pas à toute la dimension du sujet. Néanmoins, elle s'imbrique dans un positionnement plus large. Cette définition doit être précise, garantir le maintien de l'activité agricole et produire un équilibre : les développements n'entrent pas dans un schéma d'artificialisation ; ils donnent droit, le cas échéant, à l'éligibilité à la politique agricole commune (PAC) ; enfin, leur caractère réversible est assuré, assorti d'un de garanties financières mises en place lors de l'installation. Le texte vise à positionner le curseur pour faire de l'agrivoltaïsme un vrai projet agricole à part entière, qui doit être un levier de complémentarité de revenus et de résilience de l'agriculture.
La sécurisation des relations entre le propriétaire, le fermier et le développeur n'est pas vraiment l'objet de ce texte et devra être bâtie, car il s'agit d'un sujet très important. Or, aujourd'hui, on voit plutôt apparaître des baux emphytéotiques, peu sécurisants pour le fermier. Quant à la répartition de la valeur ajoutée, elle provient de ce schéma tripartite et de la répartition de la fiscalité entre les territoires. L'acceptation territoriale est un cercle vertueux à encourager, faute de quoi les projets ne pourront aboutir durablement.
Comme en témoignent les nombreuses personnes auditionnées, l'avis simple prédomine s'agissant des attributions des CDPENAF. Cela donne de la souplesse au dispositif et renforce le rôle des élus locaux. Lors de son audition, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a mis en avant les grandes évolutions technologiques des panneaux, qui rendent possible le maintien, voire l'amélioration des potentialités agricoles. Il nous faut conserver une approche territorialisée, mais l'agrivoltaïsme n'empêche pas un delta en fonction des régions. Sur le scénario « N03 » de RTE, nous sommes certains qu'il faut actuellement optimiser l'ensemble des curseurs, y compris sur le nucléaire, car les énergies renouvelables sont fortement consommatrices d'espace.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Pouvez-vous préciser la nature de l'avis de la CDPENAF ?
M. Franck Menonville, rapporteur. - Il s'agit bien d'un avis simple. C'est pourquoi, contrairement à la proposition de loi initiale, nous avons intégré la planification au niveau des Sraddet et de la PPE. Il faudra peut-être aller plus loin.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Sur l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) ?
M. Franck Menonville, rapporteur. - Oui, je l'ai dit en écho aux propos de nos collègues Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet ; cette définition doit être très claire pour que les parcelles sur lesquelles sont implantées des installations agrivoltaïques ne soient pas considérées comme étant artificialisées. De même, cela doit leur permettre d'être éligibles à la PAC. De cet équilibre vertueux dépend l'ensemble de la compétitivité de la chaîne. Il faut aussi garantir la réversibilité du dispositif à l'issue de son exploitation.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. -D'où l'importance du groupe de travail sur le ZAN et la définition de l'artificialisation des sols.
Nous allons passer à l'examen des amendements qui ont reçu l'accord de l'auteur de la proposition de loi et du Groupe Les Indépendants - République et Territoires.
En application du gentlemen's agreement, je vous propose de rejeter les autres amendements, et suggère à notre collègue Jean-Pierre Moga de redéposer ses amendements COM-20, COM-21, COM-22 et COM-23 en vue de la séance publique.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-1 et l'amendement identique COM-10 rectifié ont pour objet d'assortir l'objectif de développement de la production d'électricité issue d'installations agrivoltaïques, inscrit par la proposition de loi à l'article L. 100-4 du code de l'énergie, d'une meilleure prise en compte de l'agriculture. L'objectif est de veiller à ce que l'essor de l'agrivoltaïsme s'effectue de manière raisonnée, et toujours au bénéfice des agriculteurs.
Les amendements identiques COM-1 et COM-10 rectifié sont adoptés.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-2 et l'amendement identique COM-11 rectifié proposent d'appliquer aux installations agrivoltaïques les mêmes modalités de prolongation des contrats d'obligation d'achat, instituées par la proposition de loi, que celles qui sont prévues pour les autres installations d'électricité renouvelable.
Les amendements identiques COM-2 et COM-11 rectifié sont adoptés.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-3 et l'amendement identique COM-12 rectifié vise à préciser la définition de l'agrivoltaïsme, en se rapprochant de la définition proposée par l'Ademe, fruit d'un travail consensuel de deux ans avec les acteurs agricoles : ces ajouts insistent sur le caractère réversible des installations.
M. Daniel Salmon. - Je me demande ce que signifie « l'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques » ?
M. Franck Menonville, rapporteur. - Nous avons repris la définition de l'Ademe compte tenu de l'impact sur le potentiel agronomique.
M. Daniel Salmon. - Je comprends la même chose que vous, mais il faudrait le dire autrement.
M. Franck Menonville, rapporteur. - La disposition, qui peut encore évoluer, devra être définie précisément par décret, pris après consultation des acteurs agricoles.
M. Daniel Gremillet. - Je partage ce que vient de dire notre rapporteur Franck Menonville : l'impact agronomique existe bel et bien. Les premières études de l'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) sur le sujet ont démontré que la présence de panneaux modifie le comportement de la terre par rapport à l'impact économique.
M. Daniel Salmon. - Je comprends parfaitement cela, mais la rédaction me gêne.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est bien noté.
Les amendements identiques COM-3 et COM-12 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-21 n'est pas adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-4 et l'amendement identique COM-13 rectifié ont pour objet de mettre en totale conformité le seuil de l'obligation d'achat avec le droit européen, comme je l'évoquais lors de la discussion générale : jusqu'à 1 mégawatt (MW) pour les installations individuelles, et 6 MW pour les PME et les communautés d'énergie renouvelable.
Les amendements identiques COM-4 et COM-13 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-5 et l'amendement identique COM-14 rectifié sont des amendements rédactionnels visant à supprimer une redondance et à ajouter une coordination.
Les amendements identiques COM-5 et COM-14 rectifié sont adoptés.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-6 et l'amendement COM-15 rectifié proposent d'actualiser une référence obsolète à la PAC actuelle.
Les amendements identiques COM-6 et COM-15 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-7 et l'amendement identique COM-16 rectifié ont pour objet de supprimer l'autorisation de principe des installations agrivoltaïques, prévue par la proposition de loi, qui serait peu respectueuse des compétences en matière d'urbanisme des élus locaux comme des préfets. À la place, ils clarifient la voie d'ores et déjà existante par laquelle les porteurs de projets peuvent demander à mettre en place de telles installations dès lors qu'elles sont nécessaires à l'exploitation agricole. De plus, ils prévoient la consultation systématique des CDPENAF.
Les amendements identiques COM-7 et COM-16 rectifié sont adoptés.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-8 et l'amendement identique COM-17 rectifié visent à appliquer aux installations agrivoltaïques les mêmes garanties financières que celles qui sont prévues pour les éoliennes terrestres, dès lors qu'elles excèdent le seuil de 1 MW. La rédaction est plus précise que celle qui a été initialement proposée, puisqu'elle prévoit une obligation de démantèlement et de remise en état du site ainsi qu'un recours au préfet en cas de carence. Il s'agit en l'espèce de garantir la réversibilité de ces installations, qui constitue la clef de voûte de leur intégration et de leur acceptation localement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La rédaction est effectivement plus précise que celle qui était initialement proposée.
Les amendements identiques COM-8 et COM-17 rectifié sont adoptés.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Mon amendement COM-9 et l'amendement identique COM-18 rectifié ont pour objet d'améliorer le dialogue local autour des projets d'installations agrivoltaïques. Pour ce faire, il prévoit une information préalable des élus locaux sur ces projets, ainsi que leur intégration dans la planification nationale (PPE) et locale (Sraddet).
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous avons déjà eu ce débat à la suite des demandes formulées par nos collègues.
Les amendements identiques COM-9 et COM-18 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je rappelle que cette proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 20 octobre 2022.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Projet de loi de finances pour 2023 - Désignation des rapporteurs pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il nous revient comme chaque année de procéder à la désignation des rapporteurs pour avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2023. Je vous propose de reporter ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission des affaires économiques, après la réunion de Bureau que Mme la présidente a convoqué mercredi prochain.
Il en est ainsi décidé.
Projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables - Communication
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Enfin, je voudrais vous donner quelques éléments de calendrier dans la perspective de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Notre commission sera saisie pour avis de l'ensemble du texte, avec une délégation au fond sur sept articles - les articles 3, 6, 16, 17, 18, 19, et 20. Les autres articles seront instruits par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à laquelle le projet de loi a été renvoyé au fond.
Le délai limite pour le dépôt des amendements de commission sera fixé par la Conférence des Présidents de cet après-midi au lundi 24 octobre à 12 heures. Nous nous réunirons en commission le lendemain, mardi 25 octobre à 16 heures, pour entendre le rapport de notre collègue Patrick Chauvet et examiner les amendements déposés sur les sept articles délégués au fond.
La séance publique sera organisée la semaine suivante, avec un début de discussion du texte dans l'hémicycle le jeudi 3 novembre au matin, qui se poursuivra le vendredi.
M. Patrick Chauvet. - Je souhaiterais revenir sur ce qu'a évoqué notre présidente concernant la répartition des articles. Nous nous y sommes penchés très objectivement, et continuons de le faire avec le rapporteur Didier Mandelli, mais eu égard aux compétences de notre commission, notamment sur l'énergie, nous ne nous y retrouvons pas totalement. Pour ma part, je regarde tout cela du point de vue de l'intérêt de la commission, de celui du Sénat et, tout simplement, de l'intérêt général. J'espère que la sérénité reviendra lors de l'examen des prochains dossiers.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Votre intervention est tout à fait légitime !
M. Olivier Rietmann. - J'approuve les propos de mon collègue. Je suis assez surpris et plutôt inquiet que ce projet de loi soit confié à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable plutôt qu'à la nôtre. Dans quel sens veut-on orienter les énergies renouvelables ? La ministre Olivia Grégoire a reconnu à demi-mot que notre situation en matière de souveraineté énergétique résultait de certaines décisions politiques. Même si l'environnement, le développement durable et la protection de notre planète restent prioritaires, l'objectif premier d'une telle loi est de renforcer notre souveraineté énergétique, qui a un impact considérable sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, de nos collectivités et de nos entreprises. Le développement de l'énergie n'a été envisagé qu'à travers le prisme environnemental et écologique, au détriment des aspects économiques et de notre souveraineté énergétique. L'énergie est pourtant, avec l'agriculture, les entreprises et le logement, l'un des sujets phares de la commission des affaires économiques.
M. Franck Montaugé. - Le sujet est selon moi celui du regroupement de la commission des affaires économiques avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Tous les thèmes traités dans l'une et l'autre relèvent d'un impératif absolu : la transition sous toutes ses formes. La solution doit être proposée au plus haut niveau du Sénat. Cela éviterait nombre de conflits.
Je proposerai également, à l'instar de ce qu'a adopté l'Assemblée nationale, que les élus soient formés à toutes ces questions. Compte tenu de l'importance et de la complexité de leurs enjeux, cela rapprochera des positions parfois artificiellement éloignées, voire antagonistes. Cette mesure est urgente !
M. Fabien Gay. - Nous sommes confrontés au « saucissonnage » des textes. Outre un débat sur la souveraineté, nous discuterons des énergies renouvelables, puis du nucléaire. Et nous avons déjà adopté la loi sur le pouvoir d'achat, qui portait très largement sur l'énergie... La crise est majeure, conjoncturelle et structurelle. Nous devons avoir une vision transversale sur les dix prochaines années, car toutes les questions sont imbriquées. Il faut d'abord engager un vrai débat politique avec le Gouvernement, et s'interroger sur notre organisation interne. Les questions énergétiques ont récemment souvent été attribuées à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable alors que la compétence de principe est celle de la commission des affaires économiques. En 2023, un nouveau partage des dossiers entre les deux commissions devrait sans doute être étudié.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous nous attendions à des réactions, qui sont tout à fait légitimes. La présidente de la commission des affaires économiques s'est battue pour obtenir un rééquilibrage de la situation, qui lui semblait défavorable. Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables paraît en effet bien relever de notre compétence. Après discussion, il a été arbitré en faveur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Le noeud du problème trouve son origine dans la scission d'une commission en deux en 2012. Depuis, les arbitrages ne sont pas toujours neutres par rapport aux sujets de prédilection de notre commission. Tout ce qui touche à la transition écologique est transversal. Et tous les sujets liés à l'énergie relèvent de nos domaines de compétence. Si nous en étions dépecés, que nous resterait-il ? Le Gouvernement a pris les choses à l'envers. Au lieu du projet de loi sur les énergies renouvelables qu'il propose, il aurait fallu commencer par la loi quinquennale sur l'énergie et le projet de loi sur l'énergie nucléaire.
Mme Anne Chain-Larché. - Sur des sujets aussi importants et transversaux, des commissions spéciales pourraient se mettre en place.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Cela s'est déjà produit, notamment sur la loi Macron ; mais les sénateurs n'en sont pas de grands fervents.
M. Franck Montaugé. - Une commission unique serait peut-être un cadre plus adapté.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Après le renouvellement de 2023, nous devrons réexaminer la question de la création d'une commission telle qu'elle existait avant 2012. Si nous, membres de la commission des affaires économiques, ne nous mobilisons pas, les choses n'évolueront pas dans le bon sens !
M. Daniel Gremillet. - Le problème est important. Depuis 2012, tout ce qui relève de l'énergie était exclusivement attribué à la commission des affaires économiques, sans que cela pose le moindre souci. Nous avons été les pionniers du photovoltaïque, du biogaz, de l'hydroélectricité etc. contre l'avis du Gouvernement de l'époque. N'oublions pas que le dossier énergétique est stratégique pour le pouvoir d'achat des familles et la compétitivité des entreprises ainsi que le développement économique au sein de nos territoires. L'enjeu de la production est le prix de l'énergie. Aujourd'hui, sur ce dossier énergétique, qui est la colonne vertébrale de la rentabilité et du compromis social, nous allons payer cash.
Il y va de la lisibilité de l'action du Sénat. Pour avoir été rapporteur sur plusieurs textes, je vous rappelle que des travaux de notre commission ont été retenus en commission mixte paritaire (CMP), qu'il s'agisse de la loi du 8 novembre relative à l'énergie et au climat, de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, de la loi du 28 février 2022 relative à l'aménagement du Rhône ou de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Cette situation est plus lourde de conséquences qu'on ne l'imagine. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques détient la compétence sur l'énergie, qui est une et indivisible. Je l'affirme en tant que président du groupe d'études « Énergie » et à titre personnel, jamais nous n'avons cultivé d'opposition entre énergie nucléaire et énergies renouvelables. Alors que l'hydrogène est le futur, mais aussi le présent, le rôle et les missions de la commission des affaires économiques en matière d'énergie sont en passe d'être détruits.
En définitive, tous ces sujets sont indissociables de la relance, de la compétitivité économique et du logement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en rendrons compte individuellement à notre présidente, qui a tout fait pour éviter que nous en arrivions là.
Vous avez bien fait de rappeler que, à l'Assemblée nationale, c'est bien la commission des affaires économiques qui a été saisie au fond sur ce texte. Il y a bien deux poids, deux mesures...
Mes chers collègues, je vous remercie de votre participation et vous indique que nous nous retrouverons mercredi prochain à 9 h 30 pour l'audition au titre de nos compétences en matière d'industrie de M. Marc Mortureux, directeur général de la Plate-forme automobile (PFA).
La réunion est close à 11 h 20.