Jeudi 1er juin 2023
- Présidence de M. Serge Babary, président -
La réunion est ouverte à 8 heures 30.
Formation, compétences et attractivité - Audition de Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion et du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse
M. Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux Entreprises. - Nous accueillons ce matin la ministre Carole Grandjean, chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels, pour une audition qui vient clore les travaux de la mission d'information de notre délégation sur le thème « Formation, compétences, attractivité ».
Madame la ministre, c'est en février dernier que notre délégation a initié ce cycle de travail dédié à l'enjeu des compétences. Nos trois rapporteurs, Martine Berthet, Florence Blatrix Contat et Michel Canévet, sont partis d'un constat persistant et alarmant, celui de difficultés de recrutement croissantes des entreprises. Elles peinent à pourvoir les emplois et à attirer les talents, alors même que nous comptons 3 millions de demandeurs d'emploi dans le pays, et que 13 % des jeunes entre 15 et 30 ans ne sont ni en activité, ni en formation, ni en études.
Certains secteurs et métiers sont particulièrement en tension, y compris des métiers essentiels pour la vie de notre Nation et son économie (dans le domaine de la santé, des transports, de l'enseignement, du petit commerce, etc.).
Face à ce paradoxe, il nous est apparu indispensable de nous pencher à nouveau sur cet enjeu de société - à nouveau, car notre délégation avait déjà « tiré la sonnette d'alarme » en 2020 avec un rapport intitulé « Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises ». Vous pourrez nous rappeler les mesures prises par le Gouvernement depuis lors pour endiguer ces tensions.
Qui plus est, depuis notre rapport de 2020, la crise de la Covid-19 est intervenue. Nous savons qu'elle a entraîné de nouveaux questionnements sur le sens du travail, sur son organisation et sur l'équilibre des temps professionnel et personnel. Se profilent également, à l'horizon, d'importantes évolutions technologiques et sectorielles, qui changeront les métiers et les tâches, à savoir les transitions numériques et environnementales (je pense à l'intelligence artificielle ou aux métiers liés à la décarbonation de l'industrie).
Les rapporteurs auront, tout à l'heure, l'opportunité de vous interroger sur la manière dont le Gouvernement appréhende ces défis d'avenir et sur les actions que vous avez mises en oeuvre pour amorcer l'adaptation de nos systèmes d'enseignement, de formation et d'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Avant de vous laisser la parole, je rappelle à nos collègues que vous êtes chargée, au sein du Gouvernement, spécifiquement de l'enseignement et de la formation professionnels depuis le 4 juillet 2022. Votre positionnement est atypique, puisque vous êtes ministre déléguée à la fois auprès du ministre du travail, du Plein emploi et de l'Insertion et du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.
Au cours de la trentaine d'auditions menées par les rapporteurs, deux messages sont souvent revenus : d'une part, le constat de l'éclatement de l'action publique en matière d'enseignement et de formation professionnels, répartie entre de très nombreux acteurs selon des modalités complexes ; et d'autre part - je tiens à le souligner car les appréciations positives sont parfois rares - votre « regard croisé » sur ces enjeux depuis votre arrivée au Gouvernement, souvent salué par les interlocuteurs.
Au Sénat, nous appelons régulièrement l'État à dépasser son « fonctionnement en silos », encore trop fréquent. J'exprime d'ailleurs le voeu devant vous, madame la ministre, que les entreprises soient également associées à ce « regard croisé » par le Gouvernement et l'administration dans la mise en oeuvre des réformes importantes qui se profilent à un proche horizon, notamment la réforme du lycée professionnel, la création de France Travail et le projet de loi Plein emploi.
Nous sommes dans une période charnière et stratégique pour les compétences, qui mérite un vrai dialogue entre État, école et entreprises.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion et du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. - Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour évoquer le sujet des compétences, de la formation professionnelle et, plus globalement, de l'attractivité des métiers, qui sont au coeur d'un certain nombre de développements économiques et sociétaux. Ils sont également au coeur de ma feuille de route en tant que ministre chargée de l'Enseignement et de la formation professionnels, trait d'union entre le ministère du Travail et le ministère de l'Éducation nationale, aux côtés des ministres Olivier Dussopt et Pap Ndiaye.
Nous partageons une conviction, le fait que notre système de formation doit mieux permettre aux actifs de faire face aux mutations en cours ou à venir. Vous l'avez évoqué dans vos derniers rapports. Nos perceptions du monde du travail ont été bouleversées dans nos méthodes comme dans nos pratiques professionnelles. Il est évident que le marché du travail évolue. Cette accélération s'est intensifiée au cours des années écoulées. Notre système de formation doit refléter ces évolutions, afin de préparer les grandes transitions que vous avez évoquées. Il s'agit de surcroît de s'adapter aux aspirations grandissantes des citoyens à prendre le contrôle de leur avenir professionnel. Il nous faut donc mettre en oeuvre un ajustement permanent et cohérent entre l'offre de formation proposée aux actifs et les besoins réels des entreprises, avec une rénovation de notre appareil de formation qui ne doit pas seulement combler ses retards, mais également aller de l'avant et surtout être plus agile et plus accessible pour nos concitoyens.
En premier lieu, nous devons absolument renforcer la capacité d'insertion professionnelle de la voie professionnelle, qui a été trop longtemps délaissée. Je porte cet enjeu au travers de la réforme du lycée professionnel. Les lycées professionnels accueillent chaque année un lycéen sur trois, c'est-à-dire 121 000 élèves en lycée professionnel, auxquels s'ajoutent 64 000 apprentis. Pourtant, la voie professionnelle concentre davantage de difficultés que la voie générale et technologique. Nous devons accompagner davantage ces jeunes trop souvent en échec. Aujourd'hui, moins d'un bachelier professionnel sur deux parvient à s'insérer dans un poste six mois après l'obtention de son diplôme. Il s'agit clairement d'une injustice et d'un enjeu de cohésion sociale et économique pour notre pays, notamment eu égard aux tensions de recrutement qui peuvent exister sur les secteurs essentiels pour notre économie que sont l'industrie, l'énergie, la restauration ou le BTP. Dix des quinze métiers les plus en tension sont issus de la voie professionnelle.
Nous nous donnons les moyens de réussir. Plus d'un milliard d'euros supplémentaires iront chaque année à la voie professionnelle. Aujourd'hui, le budget consacré à la voie professionnelle est de 4,9 milliards d'euros. S'y ajouteront évidemment les revalorisations socles versées à l'ensemble des enseignants. De surcroît, un chargé de relations « Entreprises » sera positionné dans chaque lycée professionnel. J'ai également formulé des annonces sur le maintien du nombre des enseignants en lycée professionnel à la rentrée prochaine, auxquels viendront s'ajouter 400 ETP supplémentaires pour accompagner les équipes enseignantes (CPE, infirmiers, assistants sociaux) et un accompagnement par France 2030, puisque 2,5 milliards d'euros seront mis à disposition dans le cadre des appels à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir ». L'objectif sera d'accompagner la mise en place, avec les régions, de nombreux plateaux techniques et la formation des enseignants, ainsi que l'attractivité et la mise en visibilité de certains métiers d'avenir.
La réforme, annoncée par le Président de la République le 4 mai dernier, possède trois grands leviers. Le premier vise à mieux accompagner les jeunes dont les fragilités scolaires sont plus grandes. Il s'agit de lutter contre le décrochage. Le deuxième levier consiste à accompagner mieux l'insertion professionnelle de ces jeunes, avec un système de formation répondant davantage aux enjeux économiques. Le troisième et dernier levier est également essentiel. Il s'agit de donner aux équipes éducatives les moyens d'agir et de valoriser l'engagement des professeurs.
Je détaillerai devant vous le deuxième levier de cette réforme structurelle, dont l'objectif est l'évolution des formations proposées en lycée professionnel, pour les adapter aux besoins de l'économie et pour fermer des formations insuffisamment cohérentes par rapport aux métiers d'aujourd'hui et de demain. L'objectif est clair. Le Président de la République l'a rappelé lors de l'annonce de la réforme. Il s'agit de fermer d'ici la rentrée 2026 l'ensemble des formations qui n'ouvrent ni perspectives d'emploi, ni poursuites d'études suffisantes. Il s'agit par conséquent de transformer la carte des formations, l'offre de formation dans les lycées professionnels. L'opération est évidemment difficile. Elle existe cependant déjà. Chaque année, des fermetures et des ouvertures de formations ont lieu. Lorsque nous constatons une insertion professionnelle objectivement insuffisante après l'obtention du diplôme, nous devons cependant agir et réagir davantage.
Pour accompagner l'évolution de l'offre de formation, nous mettrons en place, par le biais de France 2030, des appels à manifestation d'intérêt. L'objectif sera d'accompagner la mise en place de nouveaux plateaux techniques. Cette accélération est certes de la compétence des régions en matière de financements. Comme nous souhaitons une accélération forte, nous avons cependant pris l'engagement de cofinancer ces plateaux techniques avec les régions. Les budgets des appels à manifestation d'intérêt permettront en outre d'améliorer la formation des professeurs et des proviseurs, pour accompagner l'évolution culturelle et technique de l'offre de formation.
Un budget conséquent sera également mis en place pour améliorer la visibilité et l'attractivité de certaines filières d'avenir, souvent méconnues par les élèves, les familles, les professeurs et la société. Il s'agit de mettre en visibilité ces nouvelles filières métiers.
Des outils de pilotage seront également déployés pour mesurer les taux d'insertion et les taux de poursuite d'études, formation par formation. Il s'agit de bénéficier d'un suivi et d'une mise en transparence pour les familles et les élèves, ainsi que pour les établissements, afin de faire évoluer l'offre de formation et de mieux répondre aux enjeux économiques.
La création de formations post-Bac complémentaires, en cohérence avec les entreprises locales est également très attendue par les entreprises. Elle permet aux lycées de parfaire leurs formations après le Bac professionnel, avec un effet significatif sur l'insertion professionnelle. En effet, dans certains territoires, nous observons une hausse de 20 points de l'employabilité à l'issue de ces formations complémentaires. Aujourd'hui, 4 500 places de formation de ce type sont disponibles en France. Nous avons un objectif de 20 000 places d'ici la rentrée 2026.
Enfin, bien que les élèves de lycée professionnel alternent cours et stages en entreprise, il n'est pas toujours facile pour eux de trouver un stage cohérent avec leur formation et de qualité. Il s'agit pour moi de travailler sur ce réseau professionnel par la mise en place d'un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel dès la rentrée prochaine. Il permettra aux entreprises des territoires de facilement proposer des stages aux jeunes et d'organiser un dialogue avec les établissements par la mise à disposition d'une personne dédiée et identifiée pour ces échanges.
Le deuxième volet de mon action concerne l'apprentissage. Notre effort, dans le domaine, est massif. Les résultats sont incontestables. Nous sommes passés de 280 000 contrats d'apprentissage en 2017 à près de 840 000 contrats en 2022. Notre détermination ne doit cependant pas faillir. Notre objectif, fixé par le Président de la République, est d'atteindre un million d'apprentis par an d'ici la fin du quinquennat. Cet objectif quantitatif doit de surcroît être doublé d'un objectif qualitatif. Des travaux sont d'ores et déjà engagés avec les acteurs de la formation, notamment les centres de formation par l'apprentissage, sur la qualité de l'apprentissage.
Concernant le financement de l'apprentissage, nous pouvons partager trois éléments. En premier lieu, en 2023, l'État investit aux côtés des entreprises dans le financement de l'apprentissage à travers une subvention votée en loi de finance initiale. Il s'agit d'envoyer un signal puissant de soutien de l'État dans le financement de la formation initiale par la voie de l'apprentissage.
Le deuxième point que je souhaite valoriser a trait à notre volonté de soutenir la mobilisation des entreprises dans l'accueil des apprentis. Nous avons décidé de prolonger l'aide accordée pour le recrutement d'un apprenti jusqu'à la fin du quinquennat. Nous donnons, pour la première fois, une visibilité de ce type de manière pluriannuelle.
Je tiens également à souligner un engagement fort au travers d'un dispositif simple, unique et lisible. Il s'agit de l'aide d'un montant de 6 000 euros accordée à l'ensemble des apprentis, indépendamment de la taille de l'entreprise ou du niveau de qualification. Nous produisons ainsi un effort supplémentaire notamment pour les apprentis mineurs, souvent les plus faiblement qualifiés.
Enfin, le troisième point que je souhaite souligner concernant le financement de l'apprentissage a trait à la prise en charge des contrats. Nous devons poursuivre les travaux engagés en septembre 2021 pour viser le juste prix de chaque certification. En septembre 2022, nous avions connu un premier niveau de baisse. Nous avons décalé la seconde baisse au mois de septembre prochain, afin de ne pas mettre en difficulté la rentrée des centres de formation par apprentissage et de nous laisser le temps de documenter l'impact de l'inflation sur le modèle économique des CFA.
Le troisième point que je souhaite évoquer ce matin concerne le contenu des formations. L'enjeu de la révision des certifications professionnelles est structurant dans la rénovation de la formation. Nous ne posséderons pas des formations de qualité si les objectifs ne sont pas définis d'une manière suffisamment précise et ambitieuse. Ce point peut paraître technique. Pour autant, il est fondamental. Je souhaite citer quelques diplômes qui ont déjà été révisés. Les diplômes de Bac et de BTS de la filière « Cybersécurité informatique et réseaux électroniques » l'ont déjà été, tout comme le CAP « Grand âge » ou la formation complémentaire « Aide à domicile », conçus pour répondre au défi du vieillissement démographique. Il est essentiel que nos contenus s'adaptent aux évolutions sociétales et du marché du travail.
Il est indispensable d'amener plus systématiquement les ministères certificateurs et les onze commissions professionnelles consultatives à s'aligner sur les standards exigeants de France compétences. C'est pourquoi j'ai proposé à la Première ministre de mandater l'établissement public France Compétences pour réalisation d'un point sur la diversité des pratiques et sur l'expérience accumulée depuis plusieurs années. D'ici l'été 2023, cette mission devra nous adresser des propositions sur les évolutions à apporter pour que notre système gagne encore en pertinence, en efficacité et en agilité. Il importe par ailleurs que les certifications évoluent au même rythme que la transformation des métiers. Il s'agit d'un enjeu majeur que vous avez déjà soulevé. Je partage ce point avec vous. C'est pourquoi j'ai d'ailleurs décidé l'installation à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) d'une mission interministérielle qui proposera ses services pour accélérer la transformation des titres et des diplômes et en améliorer la qualité.
Je souhaite, en quatrième point, aborder la nature des compétences, qui est également de garantir une formation continue permettant d'accompagner chaque jour un peu mieux les trajectoires professionnelles et les reconversions des actifs. Je continue de soutenir le compte personnel de formation (CPF). Le CPF est désormais connu de 9 Français sur 10. Il a incontestablement trouvé son public, puisque les Français y ont fortement recours. Nous sommes en effet passés de 600 000 dossiers en 2019 à plus de 2 millions de dossiers en 2022 et 4,5 millions de téléchargements de l'application. Entre le démarchage abusif, les formations de loisirs et la fraude, cependant, la notoriété positive du CPF a été altérée. Ce dispositif reste pourtant un très bel outil situé au carrefour de nombreux enjeux de compétences. C'est pourquoi, depuis plus d'un an, nous avons mené des actions fortes pour réguler l'offre disponible. Aujourd'hui, plus aucun Français ne reçoit quotidiennement des SMS de démarchage. Nous avons agi. Les résultats sont au rendez-vous. Le CPF constitue une avancée sociale importante dans la démocratisation du droit à la formation. Notre action de régulation vise avant tout à créer les conditions de sa pérennité et une meilleure articulation entre les dispositifs.
Avec la nouvelle version de la validation des acquis de l'expérience (VAE), nous valoriserons les compétences acquises au cours de la vie pour fluidifier les parcours des actifs. À ce jour, seulement 10 % des personnes qui s'engagent dans une VAE vont au terme de leur parcours et obtiennent l'intégralité de la certification visée. Surtout, la durée moyenne d'un parcours est de 18 mois. Elle n'est pas adaptée à la réalité des parcours professionnels et de vie des actifs. Il n'est donc guère étonnant qu'elle soit deux fois moins mobilisée qu'il y a 10 ans, avec seulement 30 000 parcours par an. J'ai par conséquent décidé en 2022 de conduire une transformation de la VAE initiée par le vote de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Nous pourrons ainsi multiplier par trois le nombre de bénéficiaires de VAE d'ici la fin du quinquennat. L'objectif est clair. Un dispositif plus moderne est visé. Il doit être allégé du point de vue administratif. Nous le doterons en outre d'une plateforme numérique dédiée plus rapide qui se conclura par des succès plus nombreux.
J'ai également souhaité, sur tout le territoire et pour l'ensemble des métiers en tension, une expérimentation dite de VAE inversée. Elle est fondée sur le principe de l'acquisition de l'expérience en cours de parcours, et non en amont de celui-ci. Cette expérimentation traduit la volonté marquée de mon ministère d'innover en matière de formation et de répondre, à court terme, aux enjeux de tension sur certains métiers.
Ces évolutions traduisent un changement de culture, plaçant la reconnaissance des compétences acquises au coeur des trajectoires professionnelles.
Nous souhaitons en outre profondément simplifier les dispositifs de transition professionnelle. Ils sont nombreux. Les entreprises et les actifs peinent à s'y retrouver. Les parcours de transition professionnelle ne concernent ainsi aujourd'hui que 0,3 % des salariés du privé chaque année. Il est question de 60 000 parcours annuels. Nous sommes donc loin de la réalité de l'enjeu des mutations professionnelles et des reconversions qui doivent pouvoir être engagées. Il y a de quoi s'interroger. Un jeune qui entre aujourd'hui dans un parcours professionnel, en particulier, changera de métier entre 13 et 15 fois. Nous ne sommes donc pas à la hauteur de l'enjeu des transitions professionnelles. Il convient de poser la question des transitions professionnelles, qui représentent un enjeu de cohésion sociétale et de compétitivité économique. Il est de notre devoir, en l'occurrence, d'apporter des réponses aux conséquences parfois brutales des changements de modèle qui s'accélèrent.
Ces constats sont largement partagés avec les partenaires sociaux. Nous verrons, dans les prochaines semaines, dans quelle mesure ils placent ces éléments dans l'agenda social qu'ils élaborent.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, vous avez compris que nos chantiers sont immenses. Pour les traiter, nous avons besoin d'ambition et de conviction, mais également d'une certaine humilité. La réponse n'est pas unique face aux besoins des entreprises et de notre économie. Les mesures offrent des réponses de court, de moyen et de plus long terme. Elles doivent pouvoir s'articuler, de manière à apporter une réponse d'ampleur adaptée s'inscrivant dans les espaces temporels que j'évoquais.
Avec la réforme de la VAE, nous nous mettons en situation d'apporter à court terme une réponse aux besoins des secteurs en tension, tout en sécurisant les parcours des individus. Avec l'apprentissage et la réforme du lycée professionnel, nous apportons des réponses à moyen terme pour toute une jeunesse qui sera formée à des métiers garantissant une insertion durable dans l'emploi dans des secteurs d'avenir. Enfin, en s'appuyant sur des leviers comme France 2030, l'offre de formation initiale et continue est en évolution pour donner à notre pays le capital humain nécessaire et être au rendez-vous de la compétition mondiale de 2030.
Pour terminer, je souhaite ajouter que, s'il appartient à l'État de proposer un horizon et de fixer les principales règles, c'est avec les entreprises, les partenaires sociaux, les acteurs territoriaux et l'ensemble des acteurs impliqués que nous devons penser et conduire ce changement de manière concrète.
M. Serge Babary, président. - Merci, Madame la ministre, pour ce tour d'horizon. Beaucoup d'éléments positifs nous intéressent. Nous avons évidemment des questionnements. Je passe la parole aux rapporteurs.
Mme Martine Berthet, co-rapporteure. - Le sujet est vaste. Ma première question concerne France compétences, à qui vous confiez des missions supplémentaires. Cependant, France compétences est en situation de déficit de plusieurs milliards d'euros chaque année. Les banques hésitent désormais à lui faire crédit. Comment l'État compte-t-il combler ce déficit ?
Ma seconde question porte sur le CPF. Les entreprises regrettent qu'il n'existe pas de dialogue sur les formations retenues par leurs salariés dans le cadre du CPF, en particulier au vu des enjeux ayant trait aux reconversions professionnelles ou à l'emploi des séniors. Comment comptez-vous par conséquent faire évoluer le CPF ?
Mme Carole Grandjean, ministre. - Concernant le déficit de France compétences, l'investissement réalisé dans la formation des jeunes et des actifs se situe au coeur de notre projet politique. La réforme de 2018 a notamment permis le développement à l'échelle de l'apprentissage et la démocratisation du CPF. L'impact sur la dépense en formation a été significatif. Il a également été significatif sur l'accès la formation de publics jusqu'alors plus éloignés des dispositifs, comme les ouvriers et employés ou les femmes - aujourd'hui, 7 bénéficiaires sur 10 sont ouvriers ou employés, contre 7 cadres sur 10 bénéficiaires par le passé - tandis que l'apprentissage permet à 7 jeunes sur 10 d'entrer dans l'emploi. Pourtant, la cotisation des entreprises (CUFPA) ne permet pas de couvrir l'entièreté des dépenses. C'est pourquoi l'Etat a agi par effet de responsabilité en octroyant 4,7 milliards d'euros à France compétences en 2022. Ce soutien s'accompagne de mesures concrètes de régulation qui visent à mieux maîtriser la trajectoire financière de France compétences, à savoir la baisse des coûts contrat (respectivement en septembre 2022 et en septembre 2023) et l'assainissement de l'offre (notamment sur les formations à la création d'entreprise). De son côté, l'accès au CPF a été sécurisé de manière à éviter les fraudes.
Le CPF compte 2 millions d'utilisateurs par an. Cette démocratisation de la formation est inédite. Il est connu de 90 % des Français. Il s'agit par conséquent d'une vraie réussite, qui s'est accompagnée également de fraudes et de démarchages abusifs contre lesquels nous avons travaillé. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que plus personne ne reçoit de SMS de démarchage. Nous ne constatons plus de fraude. Nous souhaitons à présent engager des discussions avec les partenaires sociaux, qui ont émis un certain nombre de propositions susceptibles de faire l'objet de discussions. Nous souhaitons engager des discussions avec les partenaires sociaux car nous devons travailler à faire en sorte de mieux orienter le CPF vers les projets professionnels. Le CPF doit mieux accompagner les projets de reconversion professionnelle. Il doit en outre être mieux articulé avec les autres dispositifs que j'évoquais précédemment (validation des acquis d'expérience, dispositifs de transition professionnelle).
Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure. - J'ai également deux questions. La première d'entre elles porte sur l'orientation. De nombreuses personnes, au cours de nos auditions, nous ont indiqué que l'orientation était l'angle mort des politiques du Gouvernement. Les avancées ont été peu nombreuses au cours des dix dernières années sur ce point, tandis que les difficultés sont connues. L'image de la voie professionnelle reste notamment extrêmement dégradée, tandis qu'elle insère, est porteuse de sens et peut être rémunératrice. En outre, la féminisation de certaines formations professionnelles, notamment scientifiques, demeure insuffisante. Les personnels d'enseignement, de leur côté, souffrent d'une méconnaissance des métiers. Les compétences d'orientation, enfin, sont éclatées entre régions et Etat. Il nous semble utile d'aller plus loin sur ce point, pour rapprocher encore l'école du monde de l'entreprise. Quelles sont vos propositions en la matière ? Le Gouvernement est-il prêt à intégrer davantage la découverte des métiers dans le cursus scolaire ?
Il semble, par ailleurs, que l'effort de simplification n'ait pas été suffisant. Du côté de France compétences, par exemple, la certification des formations professionnelles nécessite encore trop de temps. De leur côté, les abus, les clauses abusives, de faux diplômes continuent d'exister. Comment accentuerez-vous le contrôle ? N'existe-t-il pas en particulier des lacunes dans les offres publiques, au niveau de l'université et de l'enseignement supérieur ?
Mme Carole Grandjean, ministre. - L'enjeu d'orientation est en effet essentiel. Depuis 2018, la compétence de l'orientation appartient à la région. L'enjeu est immense pour passer à l'échelle de l'ensemble de la jeunesse et garantir l'égalité des chances dans l'accès à la formation. Pourtant, la réalité de l'orientation n'a pas beaucoup évolué au cours des dernières années. C'est pourquoi, depuis la rentrée 2022, l'Etat a considéré qu'il devait être davantage partenaire des régions. L'Éducation nationale possède notamment une capacité de massification de l'information. Nous avons par conséquent décidé d'organiser au sein de chaque établissement et de chaque classe de 5ème, 4ème et 3ème une découverte des métiers. Pour le moment, elle est expérimentale. 10 % des collèges en bénéficient, soit 650 collèges au total. Nous souhaitons à présent déployer cette initiative dans l'ensemble des collèges de France dès la rentrée 2023.
Je vous rejoins sur le fait que l'offre de formation constitue un enjeu majeur. Elle doit répondre davantage aux enjeux d'avenir. Elle doit proposer des réponses plus agiles pour les métiers en tension. Elle doit ainsi s'inscrire dans le court terme. Elle doit cependant également proposer des réponses fortes pour préparer les compétences de demain. L'enjeu est donc la mise à jour des contenus, de création de nouveaux contenus et de nouvelles formations à déployer. Parallèlement, nous devons nous montrer attentifs à l'effet d'aubaine que peut avoir la loi de 2018 et que France compétences s'attache à maîtriser. Un certain nombre de formations dont les contenus ne répondaient pas aux enjeux de projet professionnel ont notamment été supprimées.
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - Nous nous félicitons des évolutions que vous proposez au niveau du lycée professionnel. Il est souvent considéré comme une voie d'échec. Nous devons redorer l'image des lycées professionnels, qui permettent de s'insérer dans la vie professionnelle. Sur le sujet, existe-t-il des idées pour insérer dans les cycles de formation les jeunes qui ne sont ni en formation, ni en emploi, ni en stage ? Par ailleurs, la carte des formations dans les lycées professionnels peut-elle évoluer de façon efficiente ? La question se pose également du rapprochement des lycées professionnels et des entreprises. Nous nous félicitons, à cet égard, que vous proposiez un bureau relations entreprises dans chaque lycée.
Mme Carole Grandjean, ministre. - Je partage votre avis sur la nécessité de redorer l'image du lycée professionnel. Il est en effet stratégique pour les compétences de la Nation. Il est trop souvent aujourd'hui une voie d'orientation subie. Cette réalité n'est pas acceptable. Elle doit faire l'objet d'un certain nombre d'actions de transformation de notre part. La voie professionnelle mérite une reconnaissance de la société comme étant porteuse de professionnalisation vers des métiers de qualité, avec des perspectives de carrière et de rémunération attrayantes. Dans le même temps, il s'agit de mener un travail de fond pour positionner le lycée professionnel comme un acteur stratégique. Si, demain, le lycée professionnel est celui qui forme sur les métiers de la transition énergétique, de l'écologie, du numérique, nous assisterons à une transformation de son image. Si le lycée professionnel permet la réussite des élèves et l'insertion professionnelle, il sera choisi.
Les fragilités scolaires sont réelles. Nous devons les accompagner. Nous devons également lutter contre le décrochage à tous les niveaux. Nous luttons contre le décrochage dans le cursus, dès lors que nous constatons les premiers signaux d'absentéisme, avec l'ensemble des partenaires (écoles de la deuxième chance, missions locales, etc.), pour retravailler le projet du jeune et construire avec lui le sens qu'il a envie de donner à son parcours. Nous travaillons également après le diplôme. En effet, un élève sur deux ne trouve pas d'emploi après l'obtention de son diplôme. Désormais, l'élève restera sous statut scolaire jusqu'à la fin de l'année qui suit l'obtention du bac professionnel, avec un engagement de l'établissement et des partenaires pour l'aider à suivre une formation complémentaire, rechercher un emploi, suivre un stage, etc., c'est-à-dire ne pas rester sans solution et s'inscrire dans une dynamique active d'insertion professionnelle. Nous constatons en outre beaucoup de décrochages de jeunes qui s'aperçoivent ne pas pouvoir suivre le niveau de poursuite de leurs études. Un dispositif permettra dorénavant de les accompagner, soit pour poursuivre leur année, soit pour effectuer leur BTS en 3 ans, afin d'éviter le décrochage.
Enfin, je souhaite mettre l'accent sur deux points, le mentorat et les World Skills (olympiades des métiers). Notre ministère finance les World Skills, notamment la compétition internationale. Il s'agit d'un formidable instrument présent sur l'ensemble des territoires. La compétition est régionale, puis nationale, puis internationale. Les acteurs des territoires, notamment les collèges et les lycées, doivent s'emparer de cet outil pour faire voir les métiers et permettre le partage entre jeunes. De jeunes passionnés parlent en effet à d'autres jeunes de leur voie. À mon sens, il s'agit d'une incroyable vitrine sur les métiers. En outre, je souhaite faire passer le mentorat à l'échelle d'ici 2026 pour que chaque lycéen professionnel puisse disposer d'un mentor s'il le souhaite.
Ces initiatives sont-elles suffisantes ? Nous travaillerons sur les contenus des formations. Nous créerons de nouvelles formations. Nous assumerons de fermer les formations qui n'insèrent pas et ne permettent pas des poursuites d'études réussies. Nous travaillerons sur les formations complémentaires, qui apportent 20 points d'employabilité supplémentaires. Les jeunes ont besoin que nous les aidions. Le bureau relations entreprises aura ce rôle d'accompagnement.
M. Serge Babary, président. - Hier, nous avons reçu le nouveau président du principal syndicat agricole, qui nous a indiqué les perspectives d'emploi dans le domaine agricole : 90 000 emplois seront disponibles dans les prochaines années. La formation professionnelle agricole n'est pas de votre ressort. En revanche, l'orientation intègre-t-elle la présentation des métiers de l'agriculture ? Il s'agit d'intéresser les jeunes dès à présent.
Mme Carole Grandjean, ministre. - La question des lycées agricoles a été pleinement associée dans les réflexions à la préparation de la réforme. Il en est allé de même pour la question des lycées de la mer. Il est essentiel de faire connaître ces métiers dans la découverte des métiers. Ils sont essentiels, en particulier, aux grandes transitions que nous avons déjà évoquées. Ils feront donc effectivement partie de la découverte des métiers.
M. Serge Babary, président. - Seulement 25 % de jeunes agriculteurs sont issus actuellement du milieu agricole traditionnel. Les trois quarts viennent de l'extérieur, en particulier de zones urbaines.
Mme Marie-Christine Chauvin, sénateur. - De très nombreux jeunes, après l'obtention de leur bac professionnel ou de leur BTS, n'exercent pas le métier qu'ils ont appris et pour lequel ils ont obtenu leur diplôme. Parvenez-vous à en détecter la raison ?
Vous avez beaucoup insisté, par ailleurs, sur le fait que la formation professionnelle était de la responsabilité de l'État, mais également de la responsabilité des entreprises. Pourquoi ne pas mettre mieux en adéquation l'enseignement et l'entreprise ? De nombreuses entreprises sont en effet contraintes de créer leur propre école de formation, ne parvenant pas, localement, à recruter. Je pense qu'il existe un malaise entre les lycées et le milieu de l'entreprise.
M. Daniel Salmon, sénateur. - Un certain nombre de candidats à l'apprentissage peinent à trouver un lieu d'apprentissage. Comment expliquez-vous que les entreprises sous tension ne s'inscrivent pas dans ces démarches ? Quels freins voyez-vous en la matière ?
Je souhaite intervenir en outre sur un sujet qui concerne plus particulièrement mon département. Je suis sénateur d'Ille-et-Vilaine. Nous savons que de nombreuses personnes seront recherchées dans les métiers du bâtiment, en particulier au niveau de l'utilisation de matériaux biosourcés. Dans ce dernier domaine, je connais un organisme, Ecobatys, qui peine à trouver des financements. Après des aides au démarrage de la part de la région, de la communauté de communes et de l'État par le biais de l'ADEME, les financements se sont taris. Quel est le suivi réalisé au niveau de ces organismes qui s'engagent dans un projet qui a du sens dans le cadre de la transition énergétique ?
M. Didier Mandelli, sénateur. - Nous avons eu la chance de nous rendre en Vendée notamment pour visiter un campus qui accueille 3 000 élèves. Nous avons appris, à cette occasion, qu'aujourd'hui, près de 50 % des principaux de collège en Vendée refusent toute visite extérieure ou intervention dans leur établissement. Ma question est donc la suivante : les visites de découverte au collège seront-elles obligatoires dans le cursus ?
Par ailleurs, « les clichés ont la vie dure ». Le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse lui-même a en effet, dans le cadre des questions au Gouvernement il y a quelques semaines, à propos de la formation professionnelle et de l'apprentissage, évoqué des voies utiles pour des jeunes qui n'avaient pas d'autre possibilité ou qui étaient en échec scolaire. Nous avons encore un travail à mener. Les ministres doivent être exemplaires et indiquer aux jeunes les voies qui leur conviennent.
Mme Carole Grandjean, ministre. - Madame la Sénatrice Chauvin a raison. Un certain nombre de jeunes n'exercent pas le métier pour lequel ils ont été formés. Plusieurs éléments expliquent cette situation. En premier lieu, à l'issue de la 3ème, des élèves sont orientés vers la voie professionnelle du fait de résultats scolaires. Ils sont souvent orientés vers des filières qui ne correspondent pas à leurs aspirations. L'enjeu de la découverte des métiers est par conséquent essentiel. La deuxième raison est la qualité des stages. Certains élèves ne suivent pas de stage ou suivent un stage qui n'a pas de lien avec la formation suivie. Il s'agit par conséquent de travailler sur la qualité des périodes de stage (conditions de travail, accompagnement de qualité par un tuteur...). L'entreprise doit véritablement accompagner le jeune.
Il ne s'agit pas d'être dans une adéquation stricte entre les diplômes de l'éducation nationale et les métiers. La diversité des métiers ne permettrait pas en effet de développer une offre de formation en stricte adéquation avec les diplômes de l'éducation nationale. La temporalité de l'évolution des métiers et la temporalité de l'évolution des diplômes ne le permet pas davantage. L'adéquation stricte n'est d'ailleurs pas souhaitable, car l'objectif est de préparer le jeune à être prêt à s'adapter tout au long de son parcours à des événements demandant, de toute façon, des ajustements. Il s'agit pour nous de lui donner la capacité à s'adapter aux évolutions du monde professionnel.
Monsieur le Sénateur Salmon, les difficultés à trouver des stages sont réelles. 72 % des jeunes de lycée professionnel trouvent un stage par eux-mêmes, tandis que leur indice de position sociale est fragile, avec des réseaux limités par rapport aux autres élèves. Il est important par conséquent de pouvoir mieux accompagner les élèves dans la recherche de stage. C'est pourquoi le bureau relations entreprises sera essentiel demain.
Sur la transition écologique, nous accompagnons de nombreuses formations. Nous avons besoin de développer les compétences en la matière dans les lycées professionnels, comme dans les centres de formation par apprentissage et dans l'enseignement supérieur. Nous finançons les organismes de formation à travers des coûts contrats. Si ces organismes sont de qualité et offrent une réponse à l'exigence de certification, il n'existe aucune raison pour qu'ils ne soient pas accompagnés. C'est pourquoi ils le sont dans les faits.
Monsieur le Sénateur Mandelli, la découverte des métiers, depuis la rentrée 2022, a pris la forme d'une expérimentation. Les collèges volontaires l'ont déployée (10 % des collèges). À la rentrée 2023, en revanche, l'ensemble des collèges entreront dans la démarche. Il s'agira d'un standard pour l'ensemble des collèges et des collégiens de France.
Enfin, effectivement, les clichés ont la vie dure. Cependant, l'image de l'apprentissage a été bouleversée. L'apprentissage est considéré à présent comme une belle modalité pédagogique. Je souhaite à présent ce changement d'image pour les lycées professionnels.
Mme Martine Berthet, co-rapporteure. - Je souhaite évoquer l'amélioration du lien entre les TPE-PME et Pôle Emploi. Un important travail a été réalisé dans le domaine. Dans le cadre de la création de France Travail, comment l'accompagnement des entreprises qui recrutent sera-t-il assuré ? Est-il prévu un renforcement de cet accompagnement ?
Mme Florence Blatrix Contat, co-rapporteure. -Qui assurera concrètement les missions du bureau relations entreprises ? Par ailleurs, vous n'avez pas parlé des lycées des métiers. S'agit-il toujours d'une orientation à développer ? Enfin, vous avez souligné que les élèves en lycée professionnel sont souvent les élèves les plus fragiles. Ne serait-il pas intéressant de réaliser un point d'étape, par exemple cinq ans après leur insertion professionnelle, pour les accompagner, le cas échéant, vers une évolution ?
M. Michel Canévet, co-rapporteur. - J'ai deux observations et une question. Ma première observation concerne le fait que l'apprentissage est ouvert aux jeunes de plus de 16 ans. En l'absence de redoublement dans les classes antérieures désormais, il serait peut-être utile de faire preuve de souplesse au niveau de l'âge retenu. Ma deuxième remarque porte sur les investissements dans les établissements, notamment pour les questions de logement. Les régions s'occupent des lycées. Pour les établissements d'apprentissage, les financements sont plus difficiles, en particulier concernant l'AFPA. Il semble nécessaire que les centres de l'AFPA soient dotés de moyens d'investissement permettant de conduire leur transformation, qui est absolument nécessaire pour l'évolution des métiers et pour l'accueil des stagiaires. La question du logement est ainsi essentielle.
Ma question porte sur le plan d'investissement dans les compétences (PIC) qui s'est achevé. Le poste de Haut-commissaire aux compétences a été supprimé. Les besoins d'un nouveau PIC sont cependant évidents. Le poste de Haut-commissaire aux compétences, dont l'action nous a paru pertinente, ne doit-il pas par conséquent être restauré ?
Mme Carole Grandjean, ministre. - La relation entre les entreprises et Pôle Emploi a en effet vocation à être renforcée, par une simplification et une meilleure coordination entre les acteurs. L'action menée en matière de compétences auprès des TPE-PME, en particulier, est forte. 8 apprentis sur 10 travaillent en effet dans une TPE-PME. La réalité de l'apprentissage concerne ainsi principalement les TPE-PME. Pour autant, il s'agit d'accompagner les demandeurs d'emploi sur la réalité territoriale. Nous donnons à France Travail l'objectif d'atteindre 5 % de chômage en 2027. L'enjeu sera surtout de travailler sur une simplification et une meilleure coordination entre les acteurs.
Le bureau des entreprises viendra s'ajouter aux acteurs déjà en place. Il suppose par conséquent davantage de moyens. L'objectif est de travailler en articulation avec les acteurs déjà en place. Une personne sera ainsi présente à temps plein. Elle sera identifiée par les entreprises. Elle sera « la porte d'entrée » de l'entreprise dans le lycée professionnel.
Les lycées des métiers sont un label qui continue d'exister. Le label est donné sur la base d'un cahier des charges.
Il serait évidemment intéressant de réaliser un point d'étape cinq ans après l'insertion professionnelle. Nous travaillons cependant par étapes. Aujourd'hui, l'objectif est de nous assurer que les jeunes trouvent une insertion professionnelle.
La question du logement est primordiale. Il existe un sujet de développement de l'offre d'internats et de l'offre de logements. Les centres de formation proposent parfois des solutions de logement. Aujourd'hui, 56 % des lycées professionnels proposent de l'internat, avec un taux d'occupation de 77 % en moyenne. Nous comptons donc encore des places disponibles dans les internats des lycées professionnels, dont nous savons qu'ils participent à la réussite des jeunes.
Sur le plan d'investissement des compétences, l'expérience du précédent quinquennat montre que la formation a un impact favorable sur l'accès à l'emploi. Un demandeur d'emploi qui se forme voit sa probabilité d'accès à l'emploi renforcée de 9 points par rapport à un demandeur d'emploi qui ne se forme pas. Cet écart s'accroît encore pour les publics les plus fragiles et les plus éloignés de l'emploi (+14 points pour un demandeur d'emploi inscrit depuis plus d'un an chez Pôle Emploi, +17 points pour un demandeur d'emploi de plus de 50 ans). Nous distinguons donc clairement l'enjeu du ciblage vers les publics les plus fragiles.
M. Serge Babary, président. - Madame la ministre, je vous remercie pour ces échanges très riches, très détaillés et complets. Nous ne manquerons pas de vous transmettre le rapport quand notre délégation l'aura examiné, le 29 juin prochain. Je vous remercie également par avance pour les réponses écrites au questionnaire reçu en amont de cette audition, que vous nous adresserez dans les prochains jours.
Je saisis l'opportunité, chers collègues, pour vous rappeler que nous nous retrouverons jeudi prochain pour l'audition de la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Madame Olivia Grégoire, dans le cadre de la mission d'information sur la simplification, dont l'examen est prévu le 15 juin prochain. Notez également la date du 21 juin 2023 pour la prochaine édition du rendez-vous « La parole aux entrepreneurs » organisé par la délégation, avec Bruno Bouygues, président de l'entreprise GYS.
La séance est levée à 10 heures 10.