Jeudi 14 décembre 2023
- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -
Examen du rapport relatif au statut de l'élu local portant sur la sortie du mandat local
Mme Françoise Gatel, présidente. - Chers collègues, nous achevons aujourd'hui cette « mission flash » conduite à vive allure, qui comportait trois volets. Le premier concernant la revalorisation des indemnités a déjà été présenté. Ce matin, nous examinons deux autres rapports, dont l'un porte sur l'exercice du mandat et l'autre sur la sortie du mandat. Pour ce faire, nous avions la chance de disposer d'un certain nombre de réflexions « sur étagère » au Sénat, mais également de contributions d'associations d'élus. Une fois ces rapports adoptés, il s'agira de déposer une proposition de loi en début d'année prochaine à partir de ces travaux, ainsi que le président du Sénat l'a annoncé lors du Congrès des maires.
Pour des contraintes d'agenda, je vous propose que nous débutions nos travaux par les conclusions de la mission relative à l'après-mandat. Je laisse donc la parole à nos collègues rapporteurs, Agnès Canayer, Thierry, Cozic et Gérard Lahellec.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - En compagnie de mes deux collègues rapporteurs, il nous revient de vous présenter les conclusions de notre « mission flash » d'information sur la sortie de mandat des élus locaux. Comme vous le savez, il s'agit là du troisième et dernier volet du travail de réflexion entrepris, depuis plusieurs semaines, au sein de notre délégation sur la situation des élus locaux. Après nous être penchés sur la reconnaissance des élus au travers de leur indemnisation, puis sur les conditions d'exercice de ce mandat, il semblait fort logique de s'interroger sur la fin de mandat.
Le choix de mettre l'accent sur la sortie de mandat apparaît rétrospectivement comme particulièrement judicieux. Les travaux sur ce moment de la vie de l'élu sont en effet extrêmement rares, pour ne pas dire quasiment inexistants. Dans nos recherches, nous n'avons trouvé qu'une thèse universitaire sur ce sujet, qui est encore très loin d'épuiser la problématique, puisqu'elle embrasse la situation des membres du gouvernement et celle des députés, mais ne traite que des maires de grande ville. Toute modestie mise à part, il n'est donc pas exagéré de dire que le rapport, dont nous vous présentons les conclusions, fera date dans la mesure où il défriche un sujet trop longtemps, et injustement, laissé dans l'ombre.
Quelles que soient les situations personnelles et la nature du mandat (municipal, intercommunal, départemental ou régional), les enjeux de la fin de mandat sont communs : la perte de ressources, le régime de retraite, le devenir des compétences et des connaissances acquises, la réinsertion dans le privé ou la fonction publique. Dans notre rapport d'information, nous avons également souhaité éclairer les questions de déontologie, car elles se posent, y compris lorsque le mandat est achevé.
M. Thierry Cozic, rapporteur. - Le constat de départ est celui d'un angle mort. Les questions à propos du devenir des élus en fin de mandat sont nombreuses, mais le suivi statistique fait défaut. Ce n'est que par extrapolation que l'on peut actuellement prendre la mesure du sujet : 40 % des élus locaux ont plus de 60 ans (60 % pour les maires) et un quart des élus sont retraités (40 % s'agissant des maires). On en déduit que les questions de recherche d'emploi post mandat concerneraient potentiellement un peu moins d'un élu sur deux, mais il n'est évidemment guère possible de pousser beaucoup plus loin l'analyse. La consultation lancée auprès des élus locaux par le Sénat, à l'occasion du Congrès des maires, permettra utilement de compléter et d'affiner cette approche. Mais pour disposer d'un suivi plus durable, la direction générale des collectivités locales (DGCL) doit désormais se doter d'un appareil statistique spécialement orienté sur ces sujets.
L'après-mandat est souvent difficile à vivre. Pour rendre compte de cette réalité, je veux partager avec vous quelques commentaires que nous avons entendus tout au long de nos auditions :
« Du jour au lendemain, le maire change de statut, de sauveur il devient le demandeur » ; « Il était quelqu'un et devient personne » ; « Dès lors qu'il n'est plus élu, il disparaît dans la nature » ; « Quand le mandat s'arrête, commence une phase de déni ou de deuil ».
Quand le non-renouvellement n'est pas souhaité, mais subi, la transition est d'autant plus délicate à vivre. Des cabinets de coaching se sont d'ailleurs mis à accompagner d'anciens élus dans leur reconversion professionnelle, car certains éprouvent le besoin d'être accompagnés dans le démarrage de leur nouvelle vie.
La question de la fin de mandat se pose avec une acuité d'autant plus vive que le paysage de la vie publique locale est en évolution. La règle du non-cumul rend la sortie de mandat plus fréquente, tout comme la volatilité relative des électorats. Dans le même temps, de nouvelles générations émergent et prennent place dans nos assemblées locales. Or ces générations ont des priorités différentes et une relation au mandat peut être moins forte que par le passé. L'exercice du mandat est alors davantage perçu comme une étape que comme un aboutissement, avec pour conséquence des envies et des besoins de réinsertion professionnelle par la suite.
Dans ce contexte, des aménagements nous paraissent devoir être apportés aux conditions de sortie de mandat. Leur but consiste à faciliter la transition. Nous préconisons la diffusion, par le préfet, d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. Dans un souci pédagogique, cette distribution du guide se ferait en début, en milieu et en fin de mandat. Il convient également de maintenir, sur un semestre, les coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail), et ce pour éviter toute rupture sèche.
Depuis 2002, une allocation, dite différentielle de fin de mandat, existe pour aider les élus locaux, ayant exercé des fonctions exécutives, à amortir la perte de revenu provoquée par la disparition de l'indemnité de mandat. Toutefois, malgré les efforts de la Caisse des dépôts et consignations et de l'AMF pour la faire connaître, cette aide financière reste confidentielle : selon les prévisions de la Caisse, elle devrait concerner, de 2022 à 2027, uniquement 145 élus communaux, pour un montant moyen de 1 500 euros mensuels.
Afin de la rendre plus efficiente, nous proposons que cette allocation fasse l'objet d'une information systématique en fin de mandat, par le préfet, et qu'elle soit étendue aux maires des communes de moins de 1 000 habitants, ainsi qu'aux élus démissionnaires (pour maladie ou raisons familiales, par exemple).
Dans le but de reconnaître au mieux l'engagement des anciens élus, nous recommandons aussi l'octroi d'une bonification de trimestres pour la retraite : un trimestre par mandat, par exemple. Cette mesure est d'ailleurs également défendue par l'AMF.
M. Gérard Lahellec, rapporteur. - Une fois ce constat dressé, une question se pose : comment sécuriser le retour à la vie professionnelle de l'élu local ? L'exercice d'un mandat n'est pas toujours vécu spontanément par l'employeur comme un atout pour le développement de son entreprise. En réponse, trois axes sont à retenir : la valorisation des compétences et des connaissances acquises durant le mandat, l'accompagnement déontologique en sortie de mandat et la facilitation de la réinsertion professionnelle dans le privé.
Tout au long de l'exercice de son mandat, l'élu local acquiert des compétences, il enrichit son bagage de connaissances des rouages de l'administration et il développe des savoirs en matière de procédures (aménagement du territoire, finances locales, urbanisme, gestion des ressources humaines...). L'un des leviers pour valoriser l'expérience des élus locaux concerne la validation des acquis de l'expérience (la VAE). Si la démarche de VAE réussit, elle permet l'acquisition d'un diplôme de même niveau que s'il avait été obtenu par la voie de l'enseignement supérieur ou professionnel.
Cependant, la situation n'est pas si simple. À la différence des autres formations dispensées aux élus, la VAE peine à trouver son public. Par exemple, l'Université de Bretagne occidentale dispose d'une formation labélisée depuis 2008 à l'attention des élus et elle a déjà offert 9 500 formations, dont 1 700 depuis les dernières élections municipales en 2020. En revanche, depuis 2020, seuls deux élus ont eu recours à la VAE. Les raisons de ce manque d'attrait ne résident pas dans le coût financier de la VAE, mais bien davantage dans le manque d'information des élus. Il paraît donc indispensable d'avoir une action incitative et informative, en direction des élus en fin de mandat, sur le processus de VAE. Le développement de synergies entre le monde des élus locaux et l'Université, en tant qu'organisme formateur et certificateur, recèle un fort potentiel pour susciter chez les élus une prise de conscience. À terme, il pourrait en découler la mise en oeuvre d'un référentiel national et, éventuellement, des passerelles vers d'autres formations.
Le deuxième point d'attention porte sur la déontologie, qui occupe une place essentielle en vue d'une reprise d'activité, d'une reconversion professionnelle ou d'une création d'entreprise réussie. Il s'agit là d'écarter tout risque juridique pénal, une fois la page du mandat tournée.
Même lorsque le mandat est achevé et qu'il n'est pas renouvelé, ses implications juridiques peuvent encore se faire sentir. En effet, le code pénal interdit, pendant trois ans, à un ancien exécutif local d'exercer une activité rémunérée dans une société, dès lors qu'il en a assuré le contrôle ou la surveillance en tant qu'élu, ou avec laquelle il a conclu des contrats ou formulé un avis sur de tels contrats, ou à l'égard de laquelle il a proposé à l'autorité compétente de prendre des décisions ou formulé un avis sur de telles décisions.
Il nous semble donc opportun d'ouvrir la faculté à l'ancien élu local d'en appeler à une expertise juridique, afin de le protéger et d'être accompagné à l'issue de son mandat. Il faudra naturellement définir l'instance qui sera de nature à coordonner ces aspects.
Enfin, la réinsertion professionnelle dans le privé doit être facilitée. La loi « Pacte » a créé, en 2019, un nouveau statut de « société à mission », désignant les entreprises qui se donnent statutairement une finalité d'ordre social ou environnemental, en complément du but lucratif. Ce statut pourrait utilement être renforcé d'un volet « citoyen », qui comprendrait notamment la manifestation de la volonté de recruter d'anciens élus, d'accompagner leur réinsertion ou d'encourager leur reconversion professionnelle.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - En conclusion, la question de la fin de mandat des élus locaux ne doit pas être un sujet tabou. En outre, les anciens élus ne doivent pas être oubliés de notre République, alors qu'ils ont consacré une partie de leur vie au service de leur territoire. La sortie de mandat constitue une étape aussi inéluctable que délicate à vivre. La charge émotionnelle y est proportionnelle à l'intensité de l'engagement sur un mandat local, toujours exigeant. Il faut donc trouver, en contrepartie, une juste reconnaissance à cet engagement.
Les maîtres mots sont assurément « information », « accompagnement » et « sécurisation ». L'enjeu ne se limite pas aux élus cessant leur mandat, il va bien au-delà et concerne aussi ceux qui ont le goût de la chose publique, qui pourraient être tentés par un mandat local, mais qui hésitent aujourd'hui. Nous savons tous qu'ils sont nombreux. Il est de notre devoir de les rassurer et de leur permettre de s'engager sereinement au service de leur territoire, en leur démontrant que l'on peut « être », après avoir été élu local.
M. Pascal Martin. - Je remercie nos collègues pour la qualité de leurs travaux et des propositions formulées.
À cet égard, vos auditions ont-elles permis d'établir une distinction entre les situations des élus dont le mandat s'achève de leur propre chef et celles qui sont plus brutales car résultant d'une défaite électorale ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les situations peuvent différer individuellement, mais tous les élus font état d'une forme de deuil, qu'ils s'y soient préparés ou non.
M. Gérard Lahellec, rapporteur. - Parmi les élus qui décident de cesser leurs fonctions, il faut également mentionner ceux qui n'en peuvent plus, pour différentes raisons. En toute modestie, nos prescriptions cherchent à rassurer et à conforter l'exercice du mandat.
M. Thierry Cozic, rapporteur. - Il convient aussi d'évoquer le cas des élus qui sont sortis des listes contre leur gré. Au-delà, les élus sont dans l'action au quotidien et n'envisagent pas l'après-mandat. Il est nécessaire que la littérature s'étoffe sur ce sujet.
M. Cédric Chevalier. - Je m'associe aux remerciements pour le travail effectué par nos collègues. Préparer la sortie permet également de faciliter l'entrée d'acteurs aux profils diversifiés et qui sont intéressés à prendre part à la vie collective. À ce titre, j'ai relevé dans la synthèse du rapport d'information le terme d'« étape » pour caractériser l'engagement citoyen qui peut porter jusqu'à une fonction élective.
La complexité de la VAE a-t-elle été évoquée lors de vos auditions, notamment concernant les équivalences universitaires éventuelles ? Ensuite, vous avez mentionné la réinsertion et je souhaite pour ma part parler de la réintégration professionnelle des élus. Les dispositifs légaux existent certes, mais un salarié à 80 ou 50 % en raison de son activité d'élu ne connaît nécessairement pas la même évolution professionnelle que celle de ses collègues. Enfin, l'accompagnement, notamment psychologique, apparaît incontournable tant il est vrai que beaucoup d'élus se retrouvent seuls face à la fin de mandat. Comment envisagez-vous cet accompagnement ?
M. Patrice Joly. - Lors de vos auditions, avez-vous pu aborder un autre phénomène, réel, mais moins mis en lumière, c'est-à-dire celui des élus qui s'accrochent à leur mandat, par crainte d'une perte de statut social, mais aussi de revenus ? La question de la fluidité d'un monde à l'autre me semble essentielle pour disposer d'une vie démocratique saine. À ce titre avez-vous évoqué et envisagé l'intégration d'anciens élus dans la fonction publique, en particulier la fonction publique d'État, compte tenu des savoir-faire acquis en matière d'administration, de gestion financière, de management, de conduite de projets ?
M. Bernard Buis. - Je pense qu'il faut distinguer les situations selon que l'élu était en activité ou déjà retraité avant sa prise de fonction. Quoi qu'il en soit, même pour les retraités, le changement brutal de statut vis-à-vis de la population, mais aussi d'emploi du temps, du jour au lendemain, est difficilement vécu, y compris par les familles.
M. Jean-Marie Mizzon. - Je souhaite prolonger la question sur la réinsertion et la réintégration professionnelle au cas spécifique des départements frontaliers. Ainsi, près d'un quart des salariés mosellans travaillent en réalité au Luxembourg et ceux qui sont élus ne bénéficient pas de crédits d'heures ou d'autorisations d'absence. Les élus du Luxembourg profitent par exemple de nombreux avantages qui ne sont malheureusement pas octroyés aux ressortissants français. Comment faire en sorte que les élus français travaillant dans un pays frontaliers puissent bénéficier de droits à peu près comparables à ceux qui travaillent en France ?
Mme Françoise Gatel, présidente. - La réponse à cette dernière question pourra sans doute vous être apportée lors de l'examen du second rapport.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Plusieurs dimensions se conjuguent effectivement dans la « vie d'après » et concernent la vie professionnelle, la vie familiale, la perte de statut et de reconnaissance. C'est la raison pour laquelle notre rapport met en exergue le nécessaire accompagnement et surtout la mise en place d'amortisseurs pour éviter de tourner la page définitivement, du jour au lendemain. Il importe d'assurer la transition, notamment à travers une période temporaire où les adresses mail seraient par exemple conservées ; mais également par l'accompagnement, qu'ouvre le droit individuel à la formation pour les élus (DIFE), notamment par de bons coachs agréés par le ministère de l'Intérieur. De même, la collectivité doit être en mesure d'accompagner les élus lors de cette fin de mandat.
M. Thierry Cozic, rapporteur. - La question de la réintégration professionnelle s'est effectivement posée lors de nombreuses auditions. Je pense particulièrement à la fonction publique d'État ou territoriale, dont l'accès préférentiel s'effectue malgré tout par le concours. Dès lors, offrir des droits spécifiques d'accès aux élus soulèverait nécessairement des difficultés. De son côté si le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) organise des formations pour les élus, sa vocation première est d'être au service des agents.
Ensuite, nous sommes tous conscients que l'expérience d'élu permet d'acquérir des savoir-faire qu'il est intéressant de valoriser. Mais le statut diffère selon que l'on est un maire ou adjoint, ce dernier pouvant devenir un véritable expert de la matière dont il a la charge. En réalité, à chaque élu correspond une VAE différente. Mais au-delà, une des principales difficultés porte sur le manque d'information concernant la fin de mandat. Il est nécessaire de pratiquer des piqûres de rappel au cours du mandat. À ce titre, le préfet peut jouer un rôle d'information auprès des élus.
M. Gérard Lahellec, rapporteur. - Lors de nos auditions, nous avons pu constater que toutes les demandes ne sont pas du même ordre. Ensuite, j'ai indiqué précédemment que depuis 2020, seuls deux élus avaient eu recours à la VAE. Mais dès lors qu'il n'y a pas de demandes, on ne suscite pas non plus d'évolution dans l'offre de formation. Parmi nos recommandations, la valorisation de la VAE doit ainsi constituer un objectif soutenu.
Ensuite, le sujet de la réinsertion-réintégration est extrêmement complexe. J'y ai été confronté à 59 ans et j'ai eu la chance d'avoir un employeur disposant d'une surface nationale suffisante, qui lui a permis d'être bienveillant à mon égard. Mais tous les élus ne bénéficient pas de cette chance. Il ne suffit pas de se réinsérer, il faut également tenir compte des contingences des entreprises.
En outre, comme Thierry Cozic le rappelait, il est plus facile de valoriser les acquis d'un maire-adjoint que de prendre en considération le caractère généraliste de la fonction de maire. Il est donc fondamental de diffuser l'information tout au long du mandat.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Le parcours du combattant de la VAE mentionné par Cédric Chevalier ne vaut pas que pour les élus. Puisqu'il ne s'agissait pas d'un sujet spécifique, nous ne l'avons pas intégré dans le rapport, mais nous sommes conscients de la difficulté supplémentaire qu'elle implique pour les élus locaux.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je souscris aux propos concernant le parcours du combattant en matière de VAE. Vous avez également souligné à juste titre la distinction entre la validation des acquis d'un adjoint spécialisé et ceux d'un maire, qui est en quelque sorte d'abord un patron de TPE ou de PME. Il faut sans doute avancer sur des compétences en savoir-faire, mais aussi en savoir-être. Quand un maire quitte un mandat, il subit une forme de deuil et il est difficile de lui permettre de s'inscrire spontanément dans une autre dynamique, alors qu'il est effacé du paysage. À ce titre, j'ai été très sensible à vos propos sur cet aspect psychologique, qui est rarement évoqué.
Je me souviens d'une conversation avec une collègue qui avait dû choisir entre son mandat de maire et celui de sénatrice. Celle-ci m'indiquait que pendant plusieurs mois, elle avait subi ce flottement et avait dû se reconstruire, alors même qu'un élu se doit de montrer une image de solidité auprès de ses administrés. Le même raisonnement vaut pour l'ancien maire qui réintègre une vie professionnelle, passant du statut de décisionnaire à celui d'exécutant. La société doit aider cet accompagnement, ce passage, cette conversion mentale. Personne ne regrette d'avoir été élu local, mais il convient de parler de ces réalités, insuffisamment mentionnées.
Chers collègues, je vous soumets à présent l'adoption des recommandations ce rapport.
Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.
Examen du rapport relatif au statut de l'élu local portant sur les conditions de facilitation du mandat local et sur l'amélioration des conditions de son exercice
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous allons aborder le second rapport sur la question intéressant la facilitation de l'exercice du mandat local. Nous vous prions d'excuser l'absence de Nadine Bellurot, qui a travaillé avec nous sur cette thématique, mais est indisponible aujourd'hui.
Madame la Présidente, vous le dites souvent, il n'est point d'avenir pour nos territoires si les élus n'en ont plus. Je voudrais commencer notre présentation en évoquant les témoignages des élus entendus la semaine dernière en séance plénière. Ces témoignages étaient édifiants. Des maires, des élus de toutes tendances politiques, de plusieurs territoires et de divers profils socio-professionnels ont témoigné à coeur ouvert. Ils ont dit avec force les difficultés de leur quotidien et ont mis en évidence que leur engagement rimait avec beaucoup de sacrifices, de doutes, d'interrogations sur leur vie professionnelle, personnelle et familiale. Nous voudrions rendre hommage aux élus de France : sans eux, il n'y a pas de démocratie locale.
Je vous propose de vous présenter les six thèmes sur lesquels nous avons travaillé pour améliorer et sécuriser l'exercice des mandats locaux.
Premier thème, première recommandation : il convient de donner aux élus le temps d'exercer leur mandat. L'engagement demandé aux élus en termes de temps consacré à leurs misions n'a jamais été aussi exigeant que ces dernières années : multiplication des dossiers, attentes des citoyens notamment sur les réseaux sociaux qui fonctionnent en continu, complexité intercommunale, inflation des dispositifs, accroissement des appels à projets.
La loi dite « engagement et proximité » de 2019 a augmenté le crédit d'heures à la disposition des élus locaux et étendu aux conseillers des communautés de communes les autorisations d'absence dont bénéficient les conseillers municipaux pour exercer leur mandat. Malgré ce rehaussement nécessaire du volume d'absences légales, il est souvent délicat pour des salariés élus locaux de recourir à ces dispositifs : le salarié subit généralement une perte de salaire pour ses absences, puisque l'employeur n'est pas tenu de les rémunérer ; l'absence du salarié peut poser des difficultés à l'employeur dans l'organisation du travail et le volume de travail qui pèse sur le salarié n'est généralement pas modulé. Bien qu'indispensables, les dispositifs d'absences légales semblent trouver leurs limites pratiques. La mission recommande donc de faciliter l'utilisation des autorisations d'absence pour les maires, à l'aide de trois mesures pratiques.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Il s'agit d'abord d'autoriser les maires à déroger au régime déclaratif préalable des autorisations d'absence en cas de situation de crise. Nous voyons de plus en plus les maires mobilisés en cas de catastrophe naturelle, par exemple lors des récentes inondations ayant touché le Nord de la France ou en Polynésie française. Mais cela pourrait aussi concerner des attentats, des accidents majeurs où toute autre situation de crise.
Il s'agit ensuite d'élargir le champ des autorisations d'absence aux cérémonies publiques et aux réunions décisionnelles organisées au niveau intercommunal. Sur ce second point, nous avons tous constaté l'inflation des réunions intercommunales sur des sujets aussi variés que le SCOT, le PLUI, le ZAN, la démographie médicale, la programmation de futurs équipements qui sont souvent des réunions on l'on se concerte en vue de converger vers une décision, et où il faut être présent pour être entendu.
Il s'agit enfin d'assimiler tous les temps d'absence légale de tous les élus locaux à du « temps de travail effectif » pour tous les avantages sociaux qui sont ouverts par la loi, les conventions ou toute décision propre à l'employeur. Sans rentrer trop dans les détails, deux sujets figurent derrière ce point. Le premier est d'ordre technique et informatique. Si la loi dit bien que les temps d'absence sont assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, des droits découlant de l'ancienneté et pour la détermination des prestations sociales, cela n'est pas le cas en pratique pour des raisons techniques. La Direction de la Sécurité Sociale (DSS) est en train de corriger cela et nous, rapporteurs, serons attentifs à la résolution de cette difficulté.
Le deuxième sujet concerne le périmètre. Les avantages sociaux accordés par l'employeur à un salarié peuvent être calculés selon le temps de présence/temps de travail effectif. Aussi des élus sont privés de treizième mois ou de tickets restaurant par exemple, à hauteur de leur absence. Il convient aussi de corriger ce point.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Le deuxième thème est le suivant : il faut sécuriser l'action des élus locaux en matière de prévention des conflits d'intérêts et d'engagement de leur responsabilité pénale personnelle. S'il est normal qu'un standard élevé d'exigences en matière de probité et d'intégrité encadre l'action des élus locaux, la mise en oeuvre pratique de certaines de ces dispositions est particulièrement complexe ou insécurisante.
Premièrement, en matière de conflit d'intérêts, nous recommandons d'allonger les délais de dépôt des déclarations d'intérêts auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV) de deux à cinq mois. Pour les élus locaux, l'essentiel des conflits d'intérêts potentiels découle des désignations dans divers organismes où ils représentent la collectivité. Par exemple, une région nomme jusqu'à une dizaine d'élus dans environ 1 500 organismes extérieurs, créant des milliers de conflits d'intérêts potentiels au moment de ces nominations. Allonger les délais permettrait aux exécutifs de mieux combiner intérêts préalables à l'élection, responsabilités exercées au sein de l'exécutif, impératifs de désignations extérieures, et prise de conseils auprès du référent déontologue. Cet allongement permettrait aussi de réduire les déclarations correctives liées à ces mouvements de début de mandat.
Nous recommandons aussi de faire pré remplir par l'administration la déclaration de patrimoine des élus locaux, sur le modèle de la déclaration de revenus pré-remplie par l'administration fiscale pour tous les contribuables.
Il nous est également apparu utile de donner une base légale obligatoire à la mention du déport sur les procès-verbaux des assemblées. Aujourd'hui, un élu qui se déporte est considéré comme « ne se prononce pas », ce qui fragilise la délibération en cas de recours contentieux.
Le rapport met aussi en évidence d'autres difficultés pratiques, que je ne fais que citer, car la commission des lois et le groupe de travail du Sénat sur les Institutions vont formuler sur ce sujet , à n'en pas douter, des solutions adaptées tout en protégeant les élus locaux.
La première difficulté porte sur le principe selon lequel le seul fait qu'un élu soit désigné, en application de la loi, pour représenter la collectivité ou le groupement de collectivités au sein de l'organe décisionnel d'une autre personne morale conduit à le considérer comme intéressé à l'affaire lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire relative à cette personne morale. Les exceptions à ce principe, plus nombreuses dans la pratique que le principe lui-même, conduisent souvent l'élu le plus qualifié pour parler de ladite personne morale à se déporter. Les débats n'en sont pas meilleurs. Nous avons même eu vent de la pratique qui consiste à désigner les élus d'opposition dans les organismes extérieurs, car cette règle contraint ces élus à se déporter lorsque le conseil débat du sujet. Ce n'est pas satisfaisant d'un point de vue démocratique.
La deuxième difficulté concerne le re-calcul de la base du quorum à chaque déport et la troisième a trait à la sortie de salle en cas de déport.
Ces règles visent à protéger les élus et il faut les réviser avec prudence pour bien en mesurer toutes les conséquences.
Deuxièmement, nous pensons qu'il faut s'interroger sur le recentrage de la responsabilité pénale personnelle du maire sur les situations d'infraction intentionnelle. Nous avons défriché trois sujets, qui, là encore, seront examinés par la commission des lois et le groupe de travail du Sénat sur les Institutions.
Tout d'abord, il convient de questionner les conditions d'application de la responsabilité pénale personnelle des élus en matière de délit d'octroi d'avantages injustifiés. Il est aujourd'hui question d'un « acte contraire » qui peut résulter d'une simple erreur. La notion de « manquement délibéré » semblerait mieux refléter une intentionnalité.
Ensuite, il convient d'être attentif à la mise en application de la modification du champ d'application du délit de prise illégale d'intérêts prévue par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Cette loi a substitué à la notion « d'intérêt quelconque » la notion plus précise « d'intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ». Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 5 avril 2023, a estimé que cette formulation n'était pas plus favorable que l'ancienne et ne s'appliquait dès lors pas aux situations antérieures à son entrée en vigueur, ou n'impliquait pas de changement des critères d'appréciation souveraine des juges.
Enfin, il convient de questionner le champ d'application de la responsabilité pénale personnelle des élus pour homicide ou blessure involontaire posé par la loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000. Cette loi a grandement amélioré la situation des élus par rapport à la situation antérieure et si elle doit être modifiée, il faut le faire avec la plus grande prudence. La mise en cause de la responsabilité pénale personnelle des élus ne souffre pas de débat lorsqu'ils ont « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Il est peut-être possible d'examiner les situations lorsqu'un élu a commis une « faute caractérisée » pour laquelle il n'existe pas de définition précise et qui ne relève pas de l'intentionnalité.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - S'agissant du troisième thème, nous recommandons de valoriser l'engagement des élus locaux. Les élus ont besoin d'être reconnus et des éléments de reconnaissance non financiers peuvent être symboliquement très forts. Nous recommandons ainsi de lancer, avant les municipales de 2026, une campagne nationale de communication de grande ampleur, pour présenter les missions des élus locaux et leur travail au service de l'intérêt général, qui clarifierait la réalité du mandat et serait de nature à susciter des vocations.
Nous recommandons également de créer un label « employeur partenaire de la démocratie locale » ou « entreprise citoyenne » pour les structures comptant des élus locaux dans leur effectif, à l'instar de ce qui existe pour les sapeurs-pompiers volontaires. Il pourrait être envisagé des avantages fiscaux ou l'octroi d'un crédit d'impôt spécifique de l'État ainsi que la reconnaissance au titre de la responsabilité sociale des entreprises ;
Nous recommandons ensuite de réduire à douze ans la durée requise pour bénéficier de l'honorariat municipal. Actuellement cette durée est de quinze à dix-huit ans selon les niveaux de collectivités.
Nous recommandons enfin de modifier la dénomination sous laquelle apparaissent les heures d'absence d'un élu sur son bulletin de salaire en passant d'« absence non rémunérée » à « absence fonction d'élu local de la République ». Symboliquement, cela nous semble juste.
S'agissant du quatrième thème, si nous voulons assurer une meilleure représentativité de la société et lever les obstacles aux candidatures des catégories de genre, d'âge ou socio-économiques sous-représentées, il convient de faciliter l'exercice du mandat pour tous les élus, quelle que soit leur situation. Nous proposons ainsi six mesures concrètes.
La première vise à permettre la poursuite de l'exercice du mandat pendant le congé maternité/paternité des élus, sauf avis du contraire du praticien en cas de congés maternité, et reconnaître donc la légalité du cumul des indemnités de fonction avec les indemnités journalières versées aux femmes enceintes élues.
La deuxième a pour objet d'élargir la possibilité de prise en charge des frais de garde d'enfants à l'ensemble des activités de l'élu nécessaires à l'exercice du mandat local. En effet, ces frais de garde sont principalement engagés le soir ou le week-end (réunions publiques, séminaire de l'exécutif, réunions de préparation).
La troisième consiste à étendre la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus pour la participation aux réunions liées au mandat jusqu'aux communes de 10 000 habitants.
La quatrième vise à réactiver les négociations bilatérales avec les États voisins de la France afin de conclure des conventions limitant les conséquences négatives de l'absence d'harmonisation entre statuts pour les élus transfrontaliers.
La cinquième consiste à prendre en compte le fait d'exercer un mandat électif dans les entretiens professionnels à l'instar de ce qui est fait pour les salariés élus du personnel ou délégués syndicaux. Il faut que l'employeur tienne compte de cette fonction, par exemple en favorisant le télétravail ou en adaptant l'organisation interne dans la mesure du possible.
Enfin, la sixième a pour objet d'autoriser, sous certaines conditions à définir, la visioconférence pour les réunions et les commissions au niveau du bloc communal.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Notre cinquième thème vise à faciliter l'entrée dans le mandat. Le contexte des élections de 2020, avec les contraintes fortes sur les réunions en présentiel compte tenu de la crise sanitaire, a mis en évidence l'importance de ce moment. Nous recommandons de faciliter et solenniser l'entrée dans le mandat en accompagnant les élus locaux, notamment les nouveaux élus.
Nous avançons cinq mesures concrètes :
- instaurer une cérémonie officielle de prestation de serment de chaque maire devant le conseil municipal ;
- suggérer aux associations d'élus d'adresser un courrier pour informer les élus sur leurs droits. Ce courrier mettrait en avant la contribution indispensable des élus locaux au service de la collectivité et la chance pour une entreprise ou une administration de compter des élus dans leurs équipes ;
- créer un droit à l'information des élus locaux en début de mandat, qui se traduirait par la mise en place d'une ou deux journées d'information mobilisant les associations d'élus et les services de l'État quelques semaines après le scrutin. Ces journées auraient pour objectif de poser les fondamentaux de la fonction de maire et seraient une porte d'entrée du dispositif de formation en expliquant aux élus comment mobiliser leurs droits à formation encore trop méconnus et particulièrement complexes à mettre en oeuvre ;
- élaborer un memento ou un guide du statut des élus locaux qui traduise le droit en langage courant, afin de faciliter la compréhension et l'appropriation des dispositifs légaux par les élus. Ce memento serait remis lors des journées d'information de début de mandat que je viens de mentionner. Il permettrait ainsi de regrouper les points ayant trait aux conditions d'exercice du mandat local pour être diffusé aux employeurs et aux gestionnaires de ces dispositifs (DRH notamment). Il serait réalisé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) ;
- mettre en place un système de parrainage, sur la base du volontariat entre les nouveaux maires élus et d'anciens maires du département (hors de la commune concernée), organisé par les associations locales d'élus.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Enfin, notre sixième et dernière recommandation a trait à la formation des élus tout au long du mandat.
La réforme de la formation des élus locaux de 2021 n'a pas encore produit tous ses effets. S'il semble encore un peu tôt pour tirer un bilan, quelques rappels et améliorations peuvent être faits.
Tout d'abord, il faut inciter les élus locaux à faire usage de leurs droits à la formation. Les collectivités de rattachement de l'élu pourraient aussi être incitées à s'impliquer plus en avant dans la formation de leurs élus en abondant leurs comptes DIFE.
Nous proposons d'étendre le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale (CFESES), aux formations à l'exercice d'un mandat local et pas seulement syndical. Ce congé, rappelons-le, ouvert à tous les salariés, leur permet de s'informer et de se préparer à l'exercice d'un tel mandat. Il faudrait offrir la même possibilité pour des fonctions d'élu local.
Nous recommandons aussi d'étendre les possibilités de report des crédits formation non consommés au budget formation de l'exercice suivant en cas de création d'une commune nouvelle.
Nous demandons de simplifier l'accès et le fonctionnement de la plateforme numérique du DIFE. S'il convient de sécuriser le DIFE, le recours à une procédure dématérialisée « Mon Compte élu » a, depuis janvier 2022, rebuté plus d'un élu. Ceux qui ont fait l'effort de s'adapter à ce dispositif ont rencontré de nouvelles difficultés liées à l'obligation de créer une identité numérique La Poste avant de procéder à l'achat d'une formation en ligne. Nombre d'entre eux ont abandonné, avec le sentiment que tout était fait pour les dissuader d'utiliser le DIFE et de se former.
Enfin, nous pensons qu'il faut relever le niveau de compensation financière dont bénéficient les élus qui perdent du revenu en se formant, de 1,5 SMIC à 2 SMIC.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je précise que la question relative à la déclaration de patrimoine pré-remplie a été posée par Monsieur Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), lorsque nous l'avons auditionné au sein de la commission des lois.
S'agissant de la formation, le dispositif est aujourd'hui géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), mais il est entaché par de très nombreux problèmes. Cette situation ne peut pas durer : certains élus n'arrivent même pas à s'inscrire. J'ai écrit au directeur de la Caisse il y a plusieurs mois, mais il m'a été répondu que de telles difficultés n'existaient pas, à leurs yeux. Je pense que la délégation devra s'occuper de ce sujet, pour demander des comptes.
Vos préconisations sur le temps de formation en début de mandat constituent une excellente idée. Dans certains départements, il existe des « universités des maires », c'est-à-dire des séquences de sensibilisation organisées par des associations départementales de maires, parfois en lien avec les services de la préfecture. Je vous remercie enfin pour le travail conséquent que vous avez mené sur les prises illégales d'intérêts et la menace qui pèse sur tous les élus.
Mme Agnès Canayer. - Les élus nous font souvent part des difficultés qu'ils éprouvent pour concilier leur vie politique avec leur vie professionnelle et personnelle. J'observe que la demande d'un guide d'information est transversale et je me demande s'il ne faudrait pas disposer d'une plateforme dédiée où les élus pourraient obtenir des informations et disposer de liens les renvoyant vers le DIFE ou l'ensemble des outils.
Ensuite, je rappelle que Didier Migaud lui-même nous avait suggéré d'introduire un amendement sur la prise illégale d'intérêts dans la loi sur la confiance dans l'institution judiciaire. Malheureusement, nous constatons que cela n'a pas suffi. Au-delà de ces sujets, se pose la question de la considération du rôle et de la place des élus par la justice, dans la mesure où les magistrats témoignent fréquemment d'une grande défiance naturelle à leur encontre. J'ai en tête le témoignage récent d'une maire qui a été particulièrement maltraitée au tribunal.
M. Daniel Gueret. - Je m'associe à mon tour aux remerciements adressés à nos collègues rapporteurs. Ce sujet est particulièrement important et conditionne en partie l'engagement, notamment des plus jeunes, à prendre des responsabilités dans les collectivités.
Lorsqu'un élu prend une disponibilité professionnelle, ce que la loi prévoit pour un certain nombre de collectivités, il se retrouve en marge de son entreprise pour un mandat, mais doit ensuite se positionner. Il s'agit notamment d'élus qui sont assez jeunes à ce moment-là et doivent réaliser des investissements immobiliers. Or si l'administration fiscale ne s'embarrasse pas de considérations pour reconnaître depuis 1992 les indemnités perçues par les élus comme des revenus, il n'en va pas de même pour les organismes bancaires. Il faudrait, d'une manière ou d'une autre, imposer à ces organismes bancaires d'adopter le même point de vue, pour améliorer l'accès à l'emprunt.
Ensuite, de nombreux élus éprouvent une gêne à aborder ces questions, dans la mesure où ils redoutent le regard des autres et craignent que l'opinion n'y voit là qu'une manière pour eux d'obtenir un régime spécial. Je vous remercie pour votre travail, qui apparaît essentiel à l'heure où nous allons éprouver de plus en plus de difficultés pour trouver des hommes et des femmes qui s'engagent dans la vie publique, notamment à l'approche des élections municipales de 2026.
M. Bernard Delcros. - Je remercie l'ensemble de nos rapporteurs pour leurs propositions particulièrement concrètes. Par ailleurs, je m'inquiète au sujet des indemnités auxquelles élus des petites communes de moins de 500 ou de 1 000 habitants ont droit, qui nécessiteraient une prise en charge par l'État. Nous devons intervenir dans ce domaine.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Il est exact que l'interprétation juridique de l'esprit de la loi modifiée sur la définition du délit de la prise illégale d'intérêts, notamment par les juges de la Cour de cassation, interroge. Nous avions imaginé que la nouvelle définition était plus souple, moins contraignante et qu'elle pouvait s'appliquer aux situations antérieures, mais telle n'est pas la lecture qu'en fait l'institution judiciaire. La Cour de cassation considère ainsi que la nouvelle définition, centrée sur l'impartialité plutôt que sur « l'intérêt quelconque » ne fait pas avancer le sujet.
Ensuite, je partage les commentaires de Daniel Guéret concernant les organismes bancaires, qui ne prennent pas en compte les indemnités pour délivrer des crédits bancaires, alors que celles-ci sont bien considérées par l'administration fiscale ou la justice, par exemple dans le calcul des pensions alimentaires.
Enfin, la question des indemnités des élus dans les petites communes est effectivement patente.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Cette situation compliquée n'incite pas les plus jeunes à se présenter aux élections.
M. Thierry Cozic. - Je félicite nos collègues pour la qualité de leur rapport, que je trouve aussi très pragmatique. Par ailleurs, votre proposition de cérémonie de prestation de serment du maire me paraît particulièrement intéressante. Pouvons-nous envisager d'élargir cette cérémonie à d'autres fonctions exécutives, par exemple dans les intercommunalités ou au conseil régional ? Depuis 2020, la Charte des élus doit être lue en début de mandat, mais elle est assez vite oubliée. L'idée d'une prestation de serment plus solennelle me semble donc sans doute plus pertinente.
Ensuite, le DIFE peut être reporté une année après la fin du mandat. Ne serait-il pas pertinent d'allonger cette période pour laisser du temps aux élus, après cette phase de « deuil » ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Je précise que cette prestation de serment interviendrait dans le cadre du conseil municipal et n'entraînerait aucune obligation juridique.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous avons uniquement envisagé cette cérémonie à l'échelle de la commune, dans la mesure où les présidents d'intercommunalités ou d'exécutifs départementaux ou régionaux sont déjà généralement plus expérimentés en matière de responsabilité publique. Ensuite, nous n'avons pas envisagé un allongement de la durée du DIFE.
M. Cédric Chevalier. - La question des avantages sociaux comme le treizième mois ou les tickets restaurant a été mentionnée, mais je pense qu'il est également pertinent de réfléchir à l'intéressement et à la participation.
Ensuite, pourquoi avez-vous limité l'extension de la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus aux communes de moins de 10 000 habitants ? J'imagine en effet que la problématique se pose quelle que soit la taille de la commune.
Je suis particulièrement intéressé par la notion d'information ou même de formation en amont des élections et le congé d'absence associé. Ce dispositif permettrait non seulement de sensibiliser nos concitoyens au rôle de l'élu, mais aussi les entreprises au-delà des a priori. Donnons la possibilité aux salariés des entreprises de s'inscrire dans la démarche d'élu local, s'ils sont intéressés. En résumé, cette formation ne peut-elle pas avoir lieu également en amont du mandat ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Nous englobons tous les avantages sociaux et financiers dans notre dispositif. La formation a pour but de donner aux jeunes élus conscience des responsabilités dans lesquelles ils s'engagent, mais aussi de redorer le blason des élus auprès des entreprises. Parfois, les salariés n'osent même plus dire au sein de leurs entreprises qu'ils sont élus.
M. Pascal Martin, rapporteur. - S'agissant des frais de garde, la loi n'autorise aujourd'hui que les élus des communes de moins de 3 500 habitants à pouvoir bénéficier d'un remboursement par l'État. Nous proposons d'étendre le seuil à 10 000 habitants, en sachant que le coût supplémentaire pour l'État est de 500 000 euros par an environ. Ensuite, l'idée d'une préformation est séduisante, mais pas nécessairement aisée à mettre en place.
Mme Françoise Gatel, présidente. - La campagne de promotion et de communication de type « engagez-vous » est intéressante. Le sujet de la formation en amont pose la question du financement.
S'agissant de la prise en charge des indemnités par l'État, nous proposons que la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) soit élargie aux communes comptant jusqu'à 3 500 habitants. Je rappelle également que nous avons manifesté notre souhait que l'État contribue à hauteur de 10 %, pour toutes les communes, quelle que soit leur taille.
La proposition d'une prestation de serment est extrêmement pertinente, parce qu'elle offre une certaine solennité, sans que lui soit attribuée une valeur juridique particulière. L'association des maires ruraux proposait d'ailleurs que celle-ci se tienne en préfecture, mais il semble plus pratique de l'organiser dans le cadre du conseil municipal.
Ensuite, vous avez proposé à juste titre d'élargir la possibilité de visioconférence. Je propose de préciser que cet élargissement s'adresse aux communes et intercommunalités.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous souscrivons à cette précision.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail. Il faut trouver le moyen d'associer les employeurs régulièrement, par exemple en les invitant à un événement à la fois solennel, mais aussi convivial au niveau des intercommunalités, autorités compétentes en matière de développement économique. Ce genre d'événements doit permettre de les valoriser, en tant qu'entreprises citoyennes.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous allons engager un travail avec la délégation aux entreprises sur l'élu employé, autour des notions d'engagement citoyen et de reconnaissance.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous avons également réfléchi à un dispositif s'inspirant des conventions existantes entre les employeurs publics et privés et les services départementaux d'incendie et de secours. Jean-Marie Vanlerenberghe propose le niveau intercommunal. Nous n'avons pas creusé cet aspect dans le cadre de la mission flash, puisque cela allait au-delà des missions que nous nous étions assignées. Chacune des recommandations devra être approfondie, pour cerner les limites juridiques et évaluer les conséquences budgétaires. Mais je partage l'idée consistant à mieux associer les employeurs d'élus.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Nous aurions aimé auditionner des employeurs, des DRH, des entreprises publiques ou privées, ce que le temps court de la mission flash ne nous a pas permis de réaliser.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous allons travailler à ce sujet en compagnie de la délégation aux entreprises, y compris avec des organisations patronales. Ce dialogue nourri avec les entreprises est essentiel, notamment pour lever les freins qui peuvent subsister concernant les absences des salariés élus.
L'étude de la situation des pompiers volontaires est à ce titre judicieuse, y compris pour communiquer auprès du grand public, lequel pense parfois que les élus bénéficient de nombreux avantages. Tout comme le pompier volontaire, l'élu agit dans le cadre d'un engagement citoyen. Un rappel de ce discours permet de faire évoluer favorablement le regard des gens sur les élus.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Quand un employeur décide de signer une convention de disponibilité avec le SDIS pour un sapeur-pompier volontaire, la difficulté concerne les absences dues aux interventions, car elles ne sont pas prévisibles. De notre côté, nous insistons sur les absences en cas de crise sur les territoires des élus. La libération des élus lors de telles périodes devrait être intégrée dans les crédits d'heures ou les autorisations d'absence.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je remercie les neuf rapporteurs pour leur travail d'importance. Il y a urgence à agir aujourd'hui. Il faut qu'à un moment, la République ose affirmer que l'engagement des citoyens au service de tous est une nécessité, qui doit être respectée et reconnue par tous. Il est l'heure de le faire.
Chers collègues, je vous soumets l'adoption des recommandations de ce rapport.
Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.