Jeudi 18 janvier 2024
- Présidence de M. Daniel Gremillet, en remplacement du doyen d'âge, Mme Denise Saint-Pé -
La réunion est ouverte à 11 h 05.
Réunion constitutive
M. Daniel Gremillet, président. - Mes chers collègues, en ma qualité de président d'âge, il me revient de présider la réunion constitutive de notre commission d'enquête sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050. Je vous rappelle que cette commission a été créée en application du droit de tirage des groupes politiques, prévu par l'article 6 bis du Règlement du Sénat. Le groupe Union Centriste en a formulé la demande lors de la Conférence des présidents du mercredi 13 décembre 2023.
Les vingt-trois membres de la commission d'enquête ont été nommés, sur proposition des groupes, lors de la séance publique du mercredi 17 janvier 2024.
Nous devons tout d'abord procéder à la désignation du président de la commission.
Pour les fonctions de président, j'ai reçu la candidature de notre collègue Franck Montaugé.
La commission d'enquête procède à la désignation de son président, M. Franck Montaugé.
- Présidence de M. Franck Montaugé, président -
M. Franck Montaugé, président. - Mes chers collègues, je vous remercie de la confiance que vous me témoignez en me confiant la présidence de cette commission d'enquête.
Le thème de cette commission d'enquête sera la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050. Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous rappeler brièvement les règles spécifiques qui s'appliquent au fonctionnement des commissions d'enquête.
Nous sommes tout d'abord tenus à un délai impératif de six mois à compter de la désignation de nos membres en séance publique pour rendre nos travaux. La prise d'effet de la création de la commission d'enquête étant fixée au 17 janvier 2024, elle prendra fin au plus tard le 17 juillet 2024.
Nous disposons de pouvoirs de contrôle renforcés, tel que celui d'auditionner toute personne dont nous souhaiterions recueillir le témoignage ou d'obtenir la communication de tout document que nous jugerions utile.
Les auditions sont en général publiques, sauf si nous en décidons autrement.
En revanche, c'est un point important, tous les travaux non publics de la commission d'enquête, autres que les auditions publiques et la composition du bureau de la commission, sont soumis à la règle du secret pour une durée maximale de trente ans. J'appelle donc chacun d'entre nous à la plus grande discrétion sur ceux de nos travaux qui ne seront pas rendus publics.
Le non-respect du secret est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, soit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En outre, l'article 8 ter du Règlement du Sénat prévoit que « tout membre d'une commission d'enquête qui ne respectera pas les dispositions du paragraphe IV de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête pourra être exclu de la commission par décision du Sénat prise sans débat sur le rapport de la commission après avoir entendu l'intéressé » et que cette exclusion « entraîne l'incapacité de faire partie, pour la durée du mandat, de toute commission d'enquête ».
Nous poursuivons à présent la constitution du Bureau de la commission d'enquête.
Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation du rapporteur.
Le groupe Union Centriste, à l'origine de la commission d'enquête, a proposé la candidature de Vincent Delahaye.
La commission d'enquête procède à la désignation de son rapporteur, M. Vincent Delahaye.
M. Franck Montaugé, président. - Nous procédons, dans un second temps, à la désignation des vice-présidents.
Le Bureau sera composé de dix vice-présidents, afin de respecter le principe de proportionnalité. Nous avons reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. Daniel Gremillet, Mme Christine Lavarde, M. Stéphane Piednoir ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, M. Victorin Lurel ; pour le groupe Union Centriste, Mme Denise Saint-Pé ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, Mme Nadège Havet ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, M. Fabien Gay ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, M. Pierre Médevielle ; pour le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen, M. Henri Cabanel ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, M. Daniel Salmon.
La commission d'enquête procède à la désignation des autres membres de son Bureau : M. Daniel Gremillet, Mme Christine Lavarde, M. Stéphane Piednoir, M. Victorin Lurel, Mme Denise Saint-Pé, Mme Nadège Havet, M. Fabien Gay, M. Pierre Médevielle, M. Henri Cabanel, M. Daniel Salmon, vice-présidents.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie de la confiance que vous me témoignez en me désignant rapporteur de cette commission d'enquête. J'avais déposé la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête en raison de deux éléments forts.
Tout d'abord, nous sommes en train d'anticiper une forte dynamique d'électrification, pour différents usages, ce qui est en principe une bonne chose. Mais comment allons-nous parvenir, dans l'avenir, à mener à bien cette électrification ? Quelles seront les conséquences sur la vie de nos concitoyens et sur leurs usages ? Anticipe-t-on suffisamment l'avenir pour faire face à l'augmentation des besoins en électricité décarbonée ?
Ensuite, le deuxième élément tient à la variabilité et à la volatilité des prix de l'électricité, notamment en 2023 et en 2022. À l'intérieur de l'énergie, sujet majeur de notre économie, la part de l'électricité est amenée à être de plus en plus importante. Il serait bon de clarifier ce sujet, qui lorsqu'on le creuse un peu semble quasiment nébuleux : on pose beaucoup de questions, mais on n'obtient pas toujours les réponses souhaitées.
J'ai donc été heureux que le groupe Union Centriste appuie la création de cette commission d'enquête. Comme vous le savez peut-être, j'ai déjà été rapporteur d'une commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières, lors de laquelle nous avons conduit une soixantaine d'auditions publiques, ainsi qu'à peu près autant d'auditions rapporteur. Je pense procéder de la même manière, car ces dernières auditions permettent souvent d'aller un peu plus loin et un peu plus au fond des sujets que les auditions publiques. Je le précise, j'inviterai tous les membres de la commission d'enquête à assister aux auditions rapporteur.
J'ai déjà élaboré une liste de personnes que nous pourrions auditionner. Une cinquantaine ou une soixantaine d'auditions me semble un objectif raisonnable. Ma liste ne comporte pas autant de noms, et vos propositions sont les bienvenues. Il faut néanmoins que les personnes que nous auditionnerons apportent quelque chose à notre travail. En matière d'électricité, il y a beaucoup de lobbies : les personnes que l'on rencontrera défendront leurs points de vue, et chacun aura à se faire sa propre idée sur le sujet. Je souhaite être un rapporteur participatif, qui puisse facilement échanger avec vous.
J'ai également déjà en tête quelques questions auxquelles notre commission d'enquête pourra tenter de répondre. Je profiterai de cette réunion constitutive pour vous les présenter, avant un premier tour de table, afin que chacun puisse préciser les attentes qu'il place dans cette commission d'enquête.
Vous le savez peut-être, une commission d'enquête a été conduite l'année dernière par l'Assemblée nationale sur l'histoire de la politique énergétique française, notamment sur le nucléaire, d'un point de vue rétrospectif. Notre idée, au contraire, est d'être dans l'anticipation et de choisir un angle prospectif, en vue d'éviter les règlements de compte sur les choix antérieurs en la matière. Si nous ne referons pas le même travail que cette commission d'enquête, il me semble en revanche souhaitable qu'en début de rapport nous puissions en dresser le bilan : depuis un an, les recommandations et les propositions formulées à l'occasion de cette commission d'enquête ont-elles été prises en compte ? Il m'importe qu'il soit donné suite au travail parlementaire : dresser le bilan de ce travail pourrait constituer le point de départ de notre rapport.
Ensuite, j'aimerais que le rapport contienne une partie sur les besoins et sur les perspectives de consommation, une partie sur la production, une partie sur les prix et une partie sur les aides.
Au sujet de la consommation, je souhaite que l'on regarde de près sur quels éléments Réseau de transport d'électricité (RTE) s'est basé pour produire ses prévisions de consommation durant les dix dernières années, et comment s'expliquent les importantes variations de ces prévisions durant cette période. Selon quelques échos que j'ai recueillis, ces variations seraient dues à des changements d'objectifs ; mais cela me gêne que des prévisions soient faites sur des objectifs, et non sur des mesures, des actions et des comportements qui évoluent et dont on anticipe l'évolution. J'ai envie de « challenger » RTE, d'entendre aussi, si c'est pertinent, des membres de l'Agence internationale de l'énergie ou des représentants d'autres organismes, qui pourraient nous procurer des éléments nous permettant de tenter d'avoir des prévisions réalistes, ou du moins de savoir si les prévisions des acteurs sont ou non réalistes.
Pour la deuxième partie que j'envisage, concernant la production, le Président de la République a changé de position sur le nucléaire lors de son discours de Belfort, en février 2022. Depuis deux ans, qu'est-ce qui a été réellement fait au sujet du nucléaire ? Avons-nous fait beaucoup, assez, pas assez ? Je n'en sais rien, et je n'ai pas d'idée préconçue à ce sujet. Par ailleurs, il faut également examiner les différents moyens de production d'énergie décarbonée, pilotables ou non pilotables, intermittents ou non. Quels sont les coûts globaux des différents modes de production d'électricité, en tenant compte également des modifications à apporter aux réseaux de distribution ? Nous aimerions arriver à des coûts globaux par mégawatt, en fonction du type de production.
Ensuite, j'aimerais que nous nous intéressions au régime des prix. On a communiqué au sujet d'un accord entre le Gouvernement et EDF au sujet d'un prix de vente de référence de l'électricité d'origine nucléaire fixé à 70 euros le mégawattheure, mais les termes de cet accord n'ont pas été formalisés. Le diable étant dans les détails, il serait intéressant que le projet d'accord nous soit transmis, ainsi que les notes ayant présidé aux demandes d'EDF et aux souhaits du Gouvernement, afin que nous puissions comprendre le raisonnement des uns et des autres. Quelles implications ce prix de vente pourrait-il avoir pour les particuliers, les entreprises et les collectivités ? Par ailleurs, comment s'articulent ces prix régulés et les prix du marché, qu'il s'agisse des prix de gros ou de ceux du marché spot ?
Il n'est pas toujours facile de comprendre ce sujet, mais il faut mettre le nez dans ces mécanismes de marché, notamment en raison des implications de la réforme en cours du marché de l'électricité au niveau européen : de ce point de vue, notre commission d'enquête traitera un sujet d'actualité.
Le dernier point que je souhaiterais que l'on aborde est constitué par les aides : comment aider ceux qui en ont le plus besoin, les consommateurs n'ayant que très peu de revenus, ainsi que les gros industriels et les gros utilisateurs ? Nous devons faire en sorte, sans naïveté, d'essayer d'aider notre industrie et nos entreprises à avoir si possible un avantage compétitif, en tout cas à ne pas subir un désavantage par rapport aux entreprises étrangères.
Notre programme est chargé, car le sujet est vaste. Le président vient de le rappeler, nous avons six mois pour conclure nos travaux. Il serait bon que nous arrivions à conclure cette commission d'enquête avant les jeux Olympiques, qui occupent déjà beaucoup les esprits aujourd'hui, mais seront encore plus présents à l'approche du 14 juillet prochain. Fixons-nous donc comme objectif, si vous êtes d'accord, de publier notre rapport début juillet, et de rendre un pré-rapport vers la mi-juin. Nous tiendrons ces délais, quitte à sortir un rapport légèrement incomplet, listant les sujets qui restent à travailler.
J'ai déjà commencé à travailler sur le sujet depuis un mois, et j'ai déjà pris quelques contacts. Nous pourrions commencer par auditionner des techniciens, des universitaires et des économistes, pour progressivement auditionner les responsables des entreprises, notamment les grandes entreprises que sont EDF, TotalEnergies ou Engie, et finir par entendre les politiques, une fois que nous aurons une connaissance plus approfondie de la question, et que des questions précises pourront être formulées. Il faut toujours se méfier des auditions publiques où se cantonne aux généralités. Plus nos questions seront précises, plus elles seront utiles, et plus nous pourrons faire avancer la réflexion sur la question de l'électricité.
M. Franck Montaugé, président. - Je souhaite à ce stade faire une proposition qui répond à l'une des questions soulevées. Le sujet est éminemment complexe et extrêmement technique. Il me semblerait intéressant de partager une base commune de compréhension du fonctionnement des marchés de l'énergie. Je vous suggère ainsi, mes chers collègues, que nous entendions, dès le début de nos auditions, un ou des universitaires spécialistes de cette question, en leur demandant de nous présenter les problématiques de la manière la plus accessible possible. Je me permets de citer le nom de Jacques Percebois : je l'ai déjà auditionné et ses travaux, qui font référence dans le domaine, me semblent expliquer des choses complexes de manière accessible. Ses ouvrages sont d'ailleurs disponibles à la bibliothèque du Sénat.
M. Daniel Gremillet. - Cette commission d'enquête se projette assez loin, à un horizon de trente-cinq ans ou de cinquante ans. D'ici là, il y aura de nouvelles sources d'énergie. Il s'agirait d'éclairer - c'est le cas de le dire - cet horizon, en imaginant l'importance de ces énergies de substitution, et leur part dans la production d'énergie par rapport aux modes de production actuels de l'électricité. Dans le domaine, compte tenu des investissements réalisés, il y aura beaucoup d'innovations, car c'est l'investissement qui crée l'innovation. Si, dans le cadre proposé par le rapporteur, l'on pouvait intégrer à la partie concernant la production une réflexion et une projection sur la part qu'occupera l'électricité dans notre énergie, cela serait précieux.
M. Jean-Jacques Michau. - Monsieur le rapporteur, vos propositions me conviennent parfaitement. Mais dans un monde où les réseaux sont interconnectés au niveau européen et où les prix sont constitués à un niveau supranational, il serait intéressant de voir ce qui se fait dans d'autres pays, du moins en Europe.
M. Fabien Gay. - Je partage les objectifs développés par le rapporteur et son ambition quant à cette commission d'enquête. Je pense qu'il faut bien comprendre comment fonctionne le marché. C'est essentiel : une réforme vient d'être adoptée au niveau européen, un deal vient d'être passé entre EDF et l'État, ce qui a des impacts sur le marché de détail et le marché de gros, il me semble. Vous connaissez tous ma position personnelle : je souhaite une sortie du marché. Mais là n'est pas la question, il faut comprendre les mécanismes du marché, qui me semblent très opaques.
Je partage votre opinion, nous devons auditionner des universitaires et des chercheurs dans un premier temps. Mais il serait également utile d'auditionner des gens qui travaillent dans ces marchés, notamment des traders : qu'ils viennent nous expliquer comment tout cela fonctionne, car il semble probable qu'à l'horizon 2035 ou 2050, si l'on reste dans le marché, ils continueront à garder la main. On doit venir nous expliquer, concrètement, comment cela fonctionne, sans remonter à 1997 et à l'installation du marché européen, car nous faisons une oeuvre prospective et n'adoptons pas la perspective historique retenue à l'Assemblée nationale dans la commission d'enquête présidée par Raphaël Schellenberger, dont Antoine Armand était le rapporteur.
Il me semble que l'on ne se soucie pas assez de la question du réseau, qui pose de vraies difficultés. Toutes celles et tous ceux qui travaillent sur cette question nous alertent : il y a certes la production et les débats que nous avons sur la part qu'y occupent le nucléaire, les énergies renouvelables, les centrales hydroélectriques et sur la répartition du mix énergétique ; mais la vraie question, c'est de savoir si les réseaux vont suivre. Aujourd'hui, il s'agit en quelque sorte d'un angle mort des politiques publiques. Dans l'avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui envisage la période qui suivra l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), rien ne concerne les réseaux, encore une fois.
Enfin, même si je partage votre idée que nous devons auditionner des universitaires, puis des industriels et enfin les politiques, je pense qu'il faut que ces auditions témoignent d'une certaine diversité. Afin que l'on n'entende pas toujours le même discours, nous devons auditionner des personnes aux points de vue différents, avant que chacun ne fasse ses propres choix politiques. Il me semble donc que nous devrions également auditionner des salariés : il y a de la matière grise chez eux, notamment autour de la question des réseaux, portée par un certain nombre d'organisations syndicales. L'audition d'une intersyndicale sur ces questions me semblerait intéressante.
Le travail qui est devant nous me semble passionnant. Je partage l'opinion du rapporteur concernant la date de remise du rapport. Compte tenu des jeux Olympiques et Paralympiques, qui vont tout emporter avec eux, la date de fin juin me semble raisonnable. Plus cette date sera éloignée du 14 juillet, mieux cela vaudra.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Sans clore le tour de table, je vous propose quelques premiers éléments de réponse. Je partage les propos de Daniel Gremillet : nous aborderons ce sujet lorsque nous envisagerons quelles sont les perspectives de consommation électriques. Si des solutions alternatives sérieuses de substitution à l'électricité existent pour certains usages, elles pourraient jouer sur les prévisions de consommation électrique.
Regarder ce qui se fait ailleurs en Europe nous apporterait en effet un bon éclairage. On le sait, l'Allemagne a dominé, plutôt à son avantage, les principes de la politique européenne en la matière.
Concernant les prix, j'ai déjà rencontré des gens qui travaillent sur les marchés, qui font des propositions, et qui peuvent en effet nous apporter des éclairages intéressants dans la compréhension du fonctionnement du marché. Il me semble également intéressant d'auditionner des syndicats de salariés : j'en ai déjà rencontré, et il est tout à fait nécessaire de les entendre.
Il est important de garder les délais en tête : six mois, cela peut sembler long, mais cela passe vite. Le sujet, complexe, couvre un champ vaste. Les auditions doivent nous permettre de réunir tous les points de vue. Il faut toutefois que l'on sélectionne bien les personnes auditionnées, afin qu'elles nous apportent des éléments d'information. J'aurai en parallèle des contacts avec plusieurs acteurs afin de bien choisir les personnes auditionnées, pour que nous ne perdions pas de temps ; chacun doit nous apporter.
M. Daniel Salmon. - Effectivement, cette commission d'enquête d'ampleur a un programme de travail très ambitieux : s'intéresser à la production, à la consommation, aux prix ouvre de vastes perspectives.
La consommation me semble constituer un premier sujet. Notre angle est prospectif ; mais lorsque le plan Messmer a été élaboré, lançant notre programme nucléaire, il tablait sur une consommation de 1 000 térawattheures en l'an 2000, alors qu'en réalité la consommation était alors de 450 térawattheures. Gardons en tête que nous faisons de la prospective, en tentant de déterminer les fourchettes les plus précises possible. Pour cela, il faudra entendre des organismes comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'association négaWatt. Il faudra un regard sur l'efficacité énergétique, dans tous les secteurs de la société, et sur la sobriété, sujet auquel je suis très sensible en tant qu'écologiste, avant de réfléchir aux moyens de production.
Mes collègues ont évoqué la question du réseau, dont Bruno Le Maire a parlé avant-hier. C'est une question à 100 milliards d'euros. Elle est très importante, en particulier pour diffuser les énergies renouvelables.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Les sommes sont en effet considérables, tant pour le réseau, dont l'agrandissement et l'entretien pourraient coûter entre 110 et 120 milliards d'euros, que pour la relance du programme nucléaire, qui fera intervenir également des sommes considérables. Aujourd'hui, on ne sait pas trop comment tout cela sera financé. Certains disent que le prix de référence permettra à EDF de financer ces travaux, mais cela sera-t-il le cas ? Nous n'en savons rien. L'idée est d'apporter de la clarté sur le sujet, afin de savoir si ces prévisions sont ou non réalistes. Il faudra financer et construire 15 000 à 25 000 kilomètres de lignes à haute tension. Ni leur financement ni leur acceptation ne seront évidents : on ne se réjouit pas forcément de voir sa commune traversée par des lignes à haute tension, mais on en a besoin. Ces sujets seront sensibles à la fois financièrement et politiquement.
M. Didier Mandelli. - Dans le cadre de notre réflexion sur le volet prix, je souhaiterais qu'un accent particulier soit mis au niveau de la fiscalité, qui est l'une des composantes essentielles du prix final, notamment pour les énergies renouvelables. Lorsqu'elle était en fonction, la ministre Agnès Pannier-Runacher avait constitué un groupe de travail sur la fiscalité des énergies renouvelables, auquel j'avais accepté de participer en tant que rapporteur de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Par exemple, la fiscalité des parcs éoliens offshore situés à plus de 12 milles nautiques du rivage reviendrait entièrement à l'État. Le potentiel fiscal concerné, sur les bases actuelles, est de 1,6 milliard d'euros. Cela pourrait constituer demain 5 % de la facture payée par les consommateurs. Nous devrons nous interroger sur les mécanismes de constitution des prix : faut-il faciliter les implantations et diminuer de fait la fiscalité, qui se répercute sur le prix final, malgré les conséquences sur le budget de l'État ? Sans même parler de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) ou de la TVA, le volet fiscalité concernant les énergies renouvelables est, pour moi, l'un des points essentiels de la constitution du prix de l'électricité. Je souhaiterais que nous puissions nous focaliser sur ce sujet à un moment de nos travaux, et de faire des propositions ou des recommandations à ce sujet.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Tout à fait. Je n'ai pas détaillé ce que nous pourrions envisager sur le mécanisme des prix. L'idée de fond serait de tenter de réduire la volatilité des prix, de les rapprocher des coûts de production, et de prendre en compte les taxes. Toutes ces composantes ont une incidence sur le prix final de l'électricité. Afin d'avoir l'énergie la plus compétitive pour nos entreprises et nos concitoyens, nous avons tout intérêt à regarder l'ensemble des éléments, et la part de la fiscalité, qui représente environ 30 % du prix final, ce qui n'est pas négligeable.
M. Franck Montaugé, président. - À titre personnel, je ferai une remarque supplémentaire. Nous devrons travailler dans un contexte très particulier, eu égard aux réformes en cours. Assez rapidement, nous devrons nous faire une idée claire de ce vers quoi l'on tend en matière d'organisation du marché européen et de market design. Certains spécialistes estiment que des réformes doivent être menées, tant à court terme qu'à plus long terme. Cette question des réformes doit être abordée assez rapidement dans nos travaux, car elle pourrait constituer un de nos cadres de réflexion, avec la difficulté que les choses en la matière ne sont pas stabilisées. Si l'on veut se projeter à l'horizon de 2035 ou 2050, nous devons envisager des organisations qui n'existent pas encore : cela pose une difficulté méthodologique, mais cela peut également nous conduire à formuler des propositions. De mon point de vue, nous pourrions rencontrer des membres des ministères et des instances européennes concernés assez vite.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je ne sais pas s'il faut voir ces instances si rapidement. Elles nous indiqueront ce qu'elles anticipent et souhaitent faire, mais nous n'aurons pas les éléments suffisants pour les contrer. Je ne sais pas si le Règlement nous permet de les convoquer éventuellement une seconde fois. Avant d'aborder la question avec ces autorités en France ou en Europe, nous devons, me semble-t-il, avoir une bonne connaissance du sujet. Je sais bien que des textes sont en cours de rédaction et de négociation et que le sujet est d'actualité, mais nous devons chercher l'efficacité.
Monsieur le président, si vous en êtes d'accord, nous pourrions également nous mettre d'accord au sujet des créneaux temporels envisagés pour les auditions.
M. Franck Montaugé, président. - Idéalement, il faudrait que l'on trouve des moments périodiques, dans nos agendas chargés, pour que l'on travaille dans de bonnes conditions. Nous avons tous participé à des commissions d'enquête : leurs auditions ont souvent lieu soit le lundi après-midi, soit le jeudi.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Nous pourrions essayer de tenir nos auditions prioritairement le mardi après-midi, le mercredi après-midi et le jeudi.
Par ailleurs, il serait bon que nous fassions un point régulier pour échanger entre nous, éventuellement à l'issue d'une audition. Ces échanges sur nos travaux sont importants, et mieux vaut les anticiper avant l'examen de notre pré-rapport.
M. Franck Montaugé, président. - Nous nous réunirons donc de préférence le mardi et le mercredi après-midi, ainsi que le jeudi.
M. Fabien Gay. - Toutes les auditions auront-elles lieu en présentiel, ou les auditions rapporteur, par exemple, pourront-elles être tenues en visioconférence ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - En principe, les auditions auront lieu en présentiel. La plupart des auditions feront l'objet d'une captation vidéo.
M. Franck Montaugé, président. - Je vous remercie de ces précisions, et je vous donne rendez-vous pour la suite de nos travaux.
La réunion est close à 11 h 50.