Mardi 30 avril 2024

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 15 h 00.

Proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, l'ordre du jour de nos travaux appelle l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie, présentée par nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon. Ce texte sera examiné en séance mardi 7 mai.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - La proposition de loi, qui a été déposée le 16 février 2023 par nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon, vise à conférer à l'Académie nationale de chirurgie, association loi de 1901, la qualité de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République. Ce faisant, elle vise à rétablir une égalité de traitement avec les académies nationales de médecine et de pharmacie, qui jouissent déjà de ce statut, et à reconnaître pleinement l'importance des missions que l'Académie nationale de chirurgie exerce, autant que la qualité des travaux qu'elle produit.

L'Académie royale de chirurgie a été créée en 1731, sur le modèle de l'Académie des sciences, elle-même fondée en 1666 par Colbert. Sa création est suivie de celle de l'Académie royale de médecine en 1778. Dès l'origine, ces académies instituées par le pouvoir royal ont vocation à concourir aux progrès de la science et de leur discipline. Si elles ont toutes deux été dissoutes par la Convention en 1793, une Académie royale de médecine est néanmoins restaurée en 1820 par une ordonnance qui la charge de poursuivre les travaux engagés par ses prédécesseures, la Société royale de médecine et l'Académie royale de chirurgie. Si les médecins et les chirurgiens siègent côte à côte au sein de cette institution depuis 1820 jusqu'à nos jours, la chirurgie se structure aussi en une société autonome à partir du XIXe siècle, afin de prolonger la spécialisation de ses travaux et de promouvoir la recherche et l'innovation dans le domaine chirurgical.

Ces deux académies, héritières d'une histoire commune également prestigieuse, ne bénéficient pourtant pas aujourd'hui de la même reconnaissance. L'Académie nationale de médecine a en effet été érigée par la loi en personne morale de droit public placée sous la protection du Président de la République en 2013. En 2016, la même reconnaissance a été accordée par la loi à l'Académie nationale de pharmacie, dont les origines remontent à 1796. Dans ce paysage institutionnel, la situation de l'Académie nationale de chirurgie fait donc figure d'anomalie. C'est ce que la proposition de loi vise à corriger.

Comme l'Académie nationale de médecine et l'Académie nationale de pharmacie, l'Académie nationale de chirurgie assure une mission de conservation patrimoniale et historique. Surtout, elle valorise l'excellence du savoir et des pratiques de la chirurgie française dans le monde et à l'étranger. Elle s'investit particulièrement dans la promotion de la recherche et de l'innovation, qui jouent un rôle fondamental dans l'évolution de la discipline chirurgicale. Conformément à ses statuts, elle contribue à la formation continue des chirurgiens et exerce une fonction de « magistère moral » et de « garant de l'éthique de la chirurgie ».

L'Académie nationale de chirurgie assure donc d'évidentes missions d'intérêt général. Elle est d'ailleurs reconnue comme établissement d'utilité publique depuis 1997. Elle constitue une instance de réflexion au service des pouvoirs publics. Elle appuie par exemple les travaux de l'Agence de l'innovation en santé (AIS) et entretient des relations avec la Haute Autorité de santé (HAS), mais aussi avec le monde de la recherche fondamentale et appliquée. Par la production régulière d'avis et d'études, elle contribue à éclairer la décision politique.

Malgré la similitude de ses missions avec celles de l'Académie nationale de médecine, l'Académie nationale de chirurgie revendique une posture réflexive différente. En effet, depuis 1820, l'Académie nationale de médecine abrite à la fois des représentants des spécialités médicales, chirurgicales et pharmaceutiques. Elle comprend également d'éminents universitaires d'autres disciplines, par exemple en philosophie, en sociologie ou en droit public. Cette transdisciplinarité irrigue les travaux de l'Académie de médecine, et en constitue tant la richesse que la singularité.

Les académies de chirurgie et de pharmacie s'inscrivent dans une logique complémentaire, qui répond à la nécessité parallèle de spécialiser les expertises par discipline, en restant fidèle à la vocation initiale des académies royales, c'est-à-dire de concourir aux progrès de la science. Ainsi, la reconnaissance de l'Académie nationale de chirurgie sera de nature à renforcer les collaborations interacadémiques existantes, et donc le dialogue interdisciplinaire.

La différence de traitement qui subsiste aujourd'hui et qui place l'Académie nationale de chirurgie dans une situation d'infériorité symbolique pose question. Dans la lignée de la protection royale accordée aux académies de chirurgie et de médecine au XVIIIe siècle, il s'agit de restaurer le prestige découlant de la protection du Président de la République, autant que de reconnaître les attributs juridiques attachés à la qualité de personne morale de droit public.

Peu d'institutions bénéficient à ce jour de la protection du Président de la République : en plus des académies nationales de médecine et de pharmacie, cette protection a été acquise en 2006 par les cinq académies de l'Institut de France, c'est-à-dire l'Académie française, l'Académie des beaux-arts, l'Académie des sciences, l'Académie des sciences morales et politiques et l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Ce même statut permettra sans nul doute de conforter l'Académie de chirurgie dans l'exercice de ses missions, d'accroître sa visibilité et de l'ériger en interlocuteur du Gouvernement.

Des attributs juridiques spécifiques découlent par ailleurs de la qualité de personne morale de droit public. On peut citer notamment l'insaisissabilité des biens et la compétence du juge administratif, spécialiste des prérogatives exorbitantes de droit commun. De surcroît, l'indépendance de l'institution se trouverait consacrée par la loi, qui prévoit que l'Académie s'administre librement et qu'elle bénéficie de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes.

Je précise que l'Académie nationale de chirurgie, lors des auditions, a exprimé ne solliciter aucun soutien financier pour son fonctionnement régulier, ni n'en avoir besoin.

Venons-en à présent à la question de l'intitulé de cette académie. Son nom a certes varié depuis le XVIIIe siècle, au gré des régimes politiques et des statuts juridiques : « Académie royale de chirurgie », puis « Société des chirurgiens de Paris », « Société des chirurgiens français » et enfin, « Académie nationale de chirurgie ». Toutefois, le terme de « chirurgie » est demeuré le coeur de l'identité de cette institution.

La présente proposition de loi suggère de modifier cette identité pour tenir compte de l'évolution des pratiques de la médecine et plus précisément, des pratiques opératoires. Celles-ci, à la faveur des progrès technologiques et scientifiques, ont en effet conduit au rapprochement des disciplines médicales et chirurgicales. Pourtant, alors même que l'objet de la proposition de loi est de restaurer une symétrie entre les trois académies, le nouvel intitulé proposé introduit au contraire un signe distinctif. Cette différenciation peut sembler d'autant moins adaptée que l'innovation dans le champ des pratiques interventionnelles intéresse autant l'Académie nationale de médecine que l'Académie nationale de chirurgie.

Ce changement de nom, outre qu'il est susceptible de créer de la confusion, présente un intérêt incertain. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à conserver l'intitulé « Académie nationale de chirurgie », qui reflète l'héritage historique de l'institution et la positionne sans ambiguïté aux côtés des académies nationales de médecine et de pharmacie.

En définitive, les origines communes et l'histoire pluriséculaire partagée par les trois académies autant que la nature des missions de l'Académie nationale de chirurgie plaident en faveur de la reconnaissance de ce statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie. Loin d'engendrer une redondance superflue ou une concurrence délétère, le rôle de l'Académie nationale de chirurgie serait ainsi justement reconnu.

C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter cette proposition de loi, sous réserve de l'amendement évoqué portant sur la modification de l'intitulé, ainsi que d'un amendement rédactionnel.

Pour finir, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend les dispositions relatives au statut, à la gouvernance et au fonctionnement de l'Académie nationale de chirurgie.

En revanche, ce périmètre ne s'étend pas aux dispositions relatives aux académies nationales de médecine et de pharmacie ni aux autres académies bénéficiant du statut de personne morale de droit public placée sous la protection du Président de la République. Il ne s'étend pas non plus aux autorisations, aux conditions d'implantation et aux conditions techniques de fonctionnement des activités chirurgicales ; aux études, à la formation et au développement des compétences des personnels médicaux, ni aux activités d'enseignement et de recherche de ces personnels.

Il en est ainsi décidé.

M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi. - Je remercie Khalifé Khalifé de son excellent travail, réalisé dans des conditions parfois difficiles, certains ayant réagi tardivement à ce sujet discuté depuis maintenant plusieurs mois. Ce matin, j'ai encore échangé avec des membres de l'Académie nationale de médecine. Leur réaction me trouble un peu, sans toutefois me faire adopter une position défavorable aux amendements du rapporteur.

L'Académie nationale de chirurgie ne doit pas entrer en concurrence avec l'Académie nationale de médecine, ni dans ses compétences ni dans la formation des jeunes chirurgiens.

Mme Pascale Gruny, auteur de la proposition de loi. - Je remercie à mon tour Khalifé Khalifé, qui a pris en main l'examen de cette proposition de loi, en menant de nombreuses auditions dans un temps très court. Son travail a été très sérieux, et les réactions des uns et des autres sont en effet très tardives.

Bien évidemment, ce texte vise non pas à sortir les chirurgiens de l'Académie de médecine, mais à conférer à leur académie un statut de personne morale. Il s'agit d'un point essentiel alors que la chirurgie, comme de nombreux secteurs d'activité, connaît de fortes transformations sous le coup de l'intelligence artificielle et de la robotisation. Il y a donc besoin d'un lieu permettant une réflexion plus approfondie entre chirurgiens sur leurs pratiques.

Je voterai également en faveur de l'amendement du rapporteur visant à revenir à l'intitulé d'origine de cette académie.

M. Olivier Henno. - Je salue à mon tour le travail du rapporteur. Les réactions tardives ne changent ni les raisons de cette proposition de loi ni la vision transversale de l'Académie nationale de médecine. La chirurgie connaît une forme de révolution avec la robotique et l'intelligence artificielle. Une reconnaissance supplémentaire est essentielle pour mieux aborder l'avenir. Naturellement, nous approuvons ce rapport.

M. Bernard Jomier. - Chacun conviendra que la question n'est pas essentielle, mais elle répond à une demande des chirurgiens. Les uns et les autres ont mentionné de façon elliptique les messages que l'Académie de médecine nous a adressés, dans lesquels on nous demande de ne pas voter ce texte, qui créerait des problèmes. Cette proposition de loi est-elle fondée ? Peut-elle être modifiée pour qu'une solution de compromis soit trouvée ? Appelons au compromis : personne ne gagnera rien à braquer les uns contre les autres, alors que nous avons des sujets plus importants à traiter.

Monsieur le rapporteur, d'ici à l'examen du texte en séance publique, il faudra trouver un terrain d'entente pour faire évoluer ce texte, à défaut de quoi, à titre personnel, je m'abstiendrai.

Mme Céline Brulin. - Pour être honnête, ce texte ne nous semblait pas comporter de véritable enjeu, mais nous avons tous reçu des messages de l'Académie nationale de médecine. Les réactions ont peut-être été tardives, mais y a-t-il eu des concertations au sein des différentes composantes de cette académie avant d'aller vers une telle scission - je ne sais pas si ce terme peut être employé.

Le rapport souligne, à juste titre, la nécessité d'un travail transversal et pluridisciplinaire, mais ce point plaiderait plutôt en faveur d'une conservation du statut actuel, même si je peux comprendre que les chirurgiens demandent un parallélisme des formes.

Manifestement, l'Académie de chirurgie indique ne pas avoir besoin de financements particuliers. Hormis une reconnaissance certes importante, mais qui n'est pas fondamentale, je ne vois pas ce qui se trame derrière ce texte. J'en conviens très tranquillement, car je n'appartiens pas au milieu de la chirurgie ou de la médecine, des éléments nous échappent peut-être, mais disons alors clairement quels sont les enjeux sous-jacents, s'ils existent. Il y a suffisamment de clivages dans la société pour ne pas en rajouter, et à ce stade nous nous dirigeons plutôt vers une abstention.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Des réactions sont certes arrivées tardivement, mais nous avons essayé de les anticiper. Nous avons commencé nos auditions en recevant les défenseurs de ce nouveau statut, les membres de l'Académie nationale de chirurgie, puis les dirigeants de l'Académie nationale de médecine, notamment sa présidente, son secrétaire et un chirurgien, qui ne nous ont fait part d'aucune opposition. Lors de cette audition, j'avais anticipé les questions que vous venez de poser, en demandant si l'Académie de médecine, que j'avais appelée « académie mère », ne s'opposait pas à la demande des chirurgiens. J'ai poursuivi les auditions en recevant le Conseil national de l'Ordre des médecins, qui a soutenu sans ambiguïté cette proposition de loi.

J'ai ensuite auditionné les conseillers des deux ministères concernés, auxquels j'ai demandé un rapport écrit, puis j'ai auditionné de nouveau les membres de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de chirurgie. Nous avons pris toutes les mesures pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

Depuis hier matin, mes contacts au sein des deux académies n'ont pas cessé de m'appeler. La pression a été forte. Comme nous l'avons écrit dans le rapport, les chirurgiens ressentent une infériorité symbolique, et ils souhaitent une évolution avant tout d'ordre symbolique. Je peux me tromper, mais je n'ai pas le sentiment que quiconque ait des arrière-pensées. J'ai longuement auditionné les membres de l'Académie nationale de pharmacie, qui étaient dans la même position que les chirurgiens il y a quelques années, mais sont maintenant autonomes. La participation de l'État au budget de 400 000 euros de cette académie de pharmacie s'élève à 25 000 euros. L'Académie nationale de pharmacie regrette que l'État ne lui demande pas davantage de travaux et préfère toujours solliciter l'académie mère. L'Académie nationale de médecine demeure sans ambiguïté le socle de notre système.

En pratique, la portée symbolique de cette proposition de loi est évidente. L'Académie nationale de chirurgie cohabite aujourd'hui avec l'Académie nationale de médecine. J'ai échangé à plusieurs reprises avec les auteurs de la proposition de loi, et nous avons tenté de trouver des solutions. Ce matin, nous avons commencé à préparer des amendements de séance pour apaiser les choses lors de l'examen du texte en séance publique.

Certains sont réfractaires à l'appellation « Académie nationale de chirurgie », alors que cette dernière existe depuis des années. D'autres sont inquiets pour des raisons financières. L'Académie nationale de médecine bénéficie d'un budget de fonctionnement de 1,7 million d'euros, contre environ 400 000 euros pour les autres académies. L'Académie de médecine est peut-être inquiète de voir ses financements diminuer, mais à l'instar des pharmaciens, les chirurgiens ne demandent pas d'autres financements de l'État.

Pour le reste, comme le rapport l'indique, l'Académie nationale de chirurgie est déjà consultée par la Haute Autorité de santé et par l'Agence de l'innovation en santé. Elle n'a donc pas besoin de mener davantage de travaux. La proposition de loi me semble avant tout symbolique. Sous réserve de trouver une solution rassurant les uns et les autres, je vous invite à voter ce texte.

Mme Véronique Guillotin. - Je pensais que ce texte était anodin, et je me demandais quel était son intérêt compte tenu des difficultés du monde de la santé, de la chirurgie, de la médecine tant publique que privée, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), etc.

Ce sujet symbolique réveille en réalité des mécontentements dans un contexte particulier. Je ne sais pas encore quel sera le vote de mon groupe. Il me semble que le sujet n'est pas essentiel. À titre personnel, je me dirige vers une abstention bienveillante. Si les deux parties étaient d'accord, nous voterions en faveur de ce texte, mais je ne suis pas sûre de la plus-value de ce texte.

M. Alain Milon. - Je suis d'accord avec Bernard Jomier, ce texte ne va pas changer la face du monde. Toutefois, jusqu'à il y a quarante-huit heures, il semblait nécessaire. Selon Confucius : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. »

Par ailleurs, j'ai reçu sur un autre sujet des représentants de l'Académie de médecine. L'un d'entre eux n'était pas au courant de cette proposition de loi ; l'autre, qui est secrétaire, m'a confié n'avoir été informé de cette proposition de loi qu'il y a trois ou quatre jours et ne pas l'avoir lue, ce qui ne me semble pas très sérieux.

Je rejoins le rapporteur, et je voterai en faveur de ses amendements. Toutefois, il ne faut pas créer de tensions entre l'Académie nationale de médecine, dont le recrutement est très sélectif, et l'Académie nationale de chirurgie, dont le recrutement l'est beaucoup moins, mais dont les fonctions sont actuellement différentes. Les rapports de l'Académie nationale de médecine sont en général reconnus internationalement, tandis que l'Académie nationale de chirurgie a, jusqu'à présent, une mission d'information auprès des jeunes chirurgiens, et depuis peu traite des demandes relatives à la chirurgie émanant de la HAS ou du ministère de la santé. La reconnaissance de l'Académie nationale de chirurgie comme personne morale vise non pas à concurrencer l'Académie nationale de médecine, mais à protéger ceux qui y rédigent des rapports adressés au Gouvernement ou à la HAS.

M. Philippe Mouiller, président. - Sans entrer dans le vif du sujet, je m'étonne de cette réaction tardive, dès lors qu'il y a une réponse écrite de la structure concernée.

Mme Marie-Claude Lermytte. - Le groupe Les Indépendants envisage plutôt de voter contre cette proposition de loi, puisque nous ne percevons pas bien les bénéfices d'un tel changement de statut. Il y a certainement un risque de concurrence entre les deux académies. Notre groupe en discutera.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je voulais partager mon interrogation quant à ce texte. Je n'ai pas compris pourquoi il était examiné en ce moment. Surtout, quelle est la plus-value de ce texte, et pourquoi une branche de l'Académie de médecine voudrait-elle s'en extraire ? Les autres branches de cette académie demanderont-elles un jour aussi leur indépendance ? Comment se fait-il qu'au sein même de l'Académie de médecine les chirurgiens ne puissent pas s'entendre avec les autres membres ?

Je vous fais part de mon scepticisme. Nous n'en avons pas encore débattu dans notre groupe, mais à titre personnel, je pense que je m'abstiendrai.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - J'ai pensé ce qui vient d'être dit au début des auditions : nulle controverse entre nous. Je regrette que des personnes auditionnées aient changé d'avis à la veille de l'examen du texte. Comment rectifier le tir en si peu de temps ? Comme Bernard Jomier le propose, nous avons prévu de profiter de la semaine qui nous sépare de la séance publique pour trouver un terrain d'entente avec l'Académie de médecine, et déposer les amendements nécessaires pour rendre cette proposition de loi acceptable par tous.

Mme Pascale Gruny. - Madame Doineau, le texte ne vise pas à faire sortir les chirurgiens de l'Académie de médecine. Il s'agit de leur conférer un statut identique à celui des pharmaciens, qui disposent déjà d'une académie, mais qui restent dans l'Académie de médecine, où sont traités des sujets transversaux. Le but est de permettre aux chirurgiens de traiter eux-mêmes leurs propres sujets, en répondant à des demandes émanant du plus haut niveau, relatives notamment aux changements de la chirurgie du fait de la robotisation et de l'intelligence artificielle.

L'argumentaire que nous avons reçu de la part de l'Académie de médecine me semble pour le moins léger...

M. Philippe Mouiller, président. - Cette proposition de loi a le mérite d'exister, nous verrons ensuite comment rapprocher les points de vue d'ici à l'examen du texte en séance publique.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement  COM-1 vise à supprimer du titre la mention « et des pratiques interventionnelles innovantes », en préservant l'appellation actuelle de l'Académie nationale de chirurgie.

L'amendement COM-1 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. KHALIFÉ, rapporteur

1

Modification du nom de l'Académie

Adopté

Intitulé de la proposition de loi portant statut de personne morale de droit public
à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie

M. KHALIFÉ, rapporteur

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Bilan annuel de l'application des lois - Communication

M. Philippe Mouiller, président. - Il me revient de vous présenter une communication sur l'application des lois de la session 2022-2023. Ce suivi constitue l'une des déclinaisons de la mission de contrôle de l'action du Gouvernement dévolue au Parlement par l'article 24 de la Constitution.

Le Sénat a mis en place des procédures dès les années 1970 et les a adaptées régulièrement par la suite. Il a modifié son Règlement en 2019 pour confier une mission de suivi aux rapporteurs des projets et propositions de loi examinés par le Sénat et a récemment préconisé, par la voix du groupe de travail dit « Gruny », de conforter encore cette mission par le contrôle approfondi de l'application des lois emblématiques.

L'article 19 bis A du Règlement du Sénat confie la mission du suivi de l'application des lois aux commissions permanentes. Chaque année, leurs présidents procèdent en conséquence à un bilan de l'application des lois relevant des compétences de la commission le 31 mars, soit six mois après la fin de la session précédente. Ces informations font ensuite l'objet d'un rapport de synthèse présenté en Conférence des présidents, puis en séance publique.

Ce bilan est réalisé à partir du suivi permanent, par chaque commission, des textes réglementaires relevant de son domaine de compétences. Il est principalement statistique, mais comprend aussi des éléments qualitatifs évaluant la conformité des textes d'application à l'intention du législateur ou précisant les raisons d'éventuels retards constatés.

Le bilan annuel que je vous présente aujourd'hui porte sur les lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2022-2023, entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023. Il intègre les mesures d'application publiées jusqu'au 31 mars 2024. Cette borne de six mois correspond à l'objectif retenu par une circulaire du 29 février 2008 pour le délai d'édiction des mesures réglementaires nécessaires à l'application des lois. C'est donc le Gouvernement lui-même qui s'est donné cette contrainte.

Il s'agit parfois d'un exercice un peu curieux, dans la mesure où nous demandons des comptes au Gouvernement sur l'application de mesures que le Sénat n'a pas votées ou, par exemple, déplorons le retard de la remise de rapports que nous n'avons pas demandés. C'est pourquoi je vous invite à relativiser le seul volet statistique de cet exercice.

Vous recevrez par ailleurs une note détaillée texte par texte, destinée au rapport d'ensemble qui devrait être publié au mois de juin.

Je me bornerai donc aujourd'hui, au-delà de quelques chiffres, à vous faire part des principaux constats, en vous priant de m'excuser par avance pour la forme s'apparentant parfois à un catalogue que peut revêtir cet exercice.

Durant l'année parlementaire 2022-2023, le Parlement a adopté définitivement quatorze lois examinées au fond par notre commission des affaires sociales, auxquelles s'ajoute un texte examiné pour avis avec délégation au fond. Ces chiffres sont comparables à ceux de l'année dernière, et beaucoup plus importants qu'au cours des deux sessions précédentes, au cours desquelles seules sept lois relevant de la compétence de notre commission avaient été promulguées. L'accroissement du rôle législatif de notre commission semble donc se confirmer. La commission des affaires sociales est d'ailleurs celle dont les textes ont occupé la plus grande part du temps de la séance publique en 2022-2023.

Huit de ces lois étaient issues de propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale, à savoir la loi visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires ; la loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme ; la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses ; la loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé ; la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ; la loi visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche ; la loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité et enfin la loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime.

Deux lois étaient issues de propositions de loi déposées au Sénat : la loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste et la loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.

Enfin, seules quatre lois étaient issues d'un projet gouvernemental : la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture et enfin la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Cette énumération montre bien que, en dehors des textes financiers, le fait de déposer un projet de loi est presque devenu l'exception pour le Gouvernement, l'examen de propositions de loi souvent limitées dans leur objet et ne bénéficiant pas d'étude d'impact faisant désormais office de règle.

Sur quatorze lois examinées au fond par notre commission, deux étaient d'application directe et douze appelaient un total de 317 mesures réglementaires d'application, un chiffre considérable, même s'il n'apparaît pas d'emblée éloquent. En effet, à titre de comparaison, notre commission attendait pour les lois adoptées l'année dernière 191 mesures d'application. La deuxième commission du Sénat la plus concernée par le bilan de l'application des lois, la commission des finances, n'attendait l'an dernier « que » 92 mesures d'application des lois adoptées.

À elles seules, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et la loi de financement rectificative de la sécurité sociale portant réforme des retraites représentent les deux tiers de ce total, avec, respectivement, 106 et 100 textes d'application attendus.

Le taux d'application de la loi de financement de la sécurité sociale est relativement faible au regard de la nature de ce texte, à savoir 58 %. Rappelons que le taux d'application habituel pour la loi de financement de la sécurité sociale dépassait les 80 %, voire 90 %, avant la crise épidémique. La nature même de l'exercice, avec un champ du texte très encadré et les conditions très spécifiques dans lesquelles il se déroule, notamment en termes de calendrier, implique une mise en oeuvre rapide.

En revanche, comme on pouvait s'y attendre, la loi de financement rectificative affiche un taux d'application extrêmement élevé de 96 %, de nombreuses mesures devant entrer en vigueur dès le mois de septembre 2023.

Je soulignerai néanmoins deux points concernant cette dernière loi.

D'une part, l'article 17 a prévu la création, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), d'un fonds spécifique pour la prévention de l'usure professionnelle dans les établissements de santé, les centres d'accueil et de soins hospitaliers ainsi que dans les établissements médico-sociaux publics. Ce fonds, alimenté par une dotation des régimes obligatoires de base d'assurance maladie devait être doté de 100 millions d'euros. Toutefois, le décret qui doit en préciser les modalités d'application, notamment celles qui sont relatives à la gouvernance du fonds de prévention, n'a toujours pas été pris, et le sujet ne semble plus faire partie des projets du Gouvernement.

D'autre part, l'article 24 de cette même loi, issu d'amendements sénatoriaux, instaure une bonification pour les sapeurs-pompiers volontaires sous la forme de l'attribution de trimestres supplémentaires dans des conditions et des limites prévues par décret. Alors que sa parution était annoncée pour le mois de novembre 2023, ce décret n'a toujours pas été publié. Il semble qu'à ce stade le Gouvernement ne soit pas parvenu à une rédaction qui satisfasse les sapeurs-pompiers.

Pour le reste, je me contenterai d'un nombre limité de faits saillants, en me permettant de vous renvoyer à la communication écrite que je vous ferai parvenir prochainement.

Je soulignerai essentiellement l'inertie du Gouvernement sur les propositions de loi relatives à la santé, dont il a parfois fortement soutenu l'adoption lors de leur examen par le Sénat.

Je pense en particulier à la proposition de loi de la présidente Fadila Khattabi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé, dont Jean Sol était le rapporteur pour le Sénat. Celui-ci se souvient des pressions pour que le Sénat adopte ce texte conforme afin d'en assurer une promulgation rapide. Pour autant, aucune des cinq mesures d'application de cette loi n'avait été prise le 31 mars dernier.

Je pense aussi à la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite « loi Rist 2 ». Seules six des vingt mesures d'application de cette loi avaient été prises à la fin du mois de mars, soit un taux d'application de 30 % seulement. Je pense pourtant que notre rapporteure, Corinne Imbert, se souvient bien que le Gouvernement avait refusé de repousser l'examen de ce texte au Sénat en octobre dernier, en dépit de la tenue concomitante des négociations conventionnelles, du fait de l'urgence des mesures portées.

À titre d'exemple, les mesures concernant la primoprescription ou l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et les infirmiers en pratique avancée sont pour l'instant inapplicables alors qu'elles sont attendues par les professionnels de santé. On peut même aller plus loin en soulignant que ces accès directs étaient déjà portés, sous forme d'expérimentation, par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2022 et 2023. La proposition de loi Rist 2 abrogeait ces expérimentations et leur substituait une autorisation pérenne ainsi qu'une expérimentation en communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Un an plus tard, ni les expérimentations initiales ni les nouvelles expérimentations en CPTS, qui nécessitent toutes l'intervention d'un décret, ne sont jamais entrées en vigueur, malgré les attentes sur le terrain. Il s'agit donc d'un bel exemple d'inertie administrative.

Pour terminer cet inventaire sur une note positive, l'application réglementaire de la loi du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales a été effective et rapide, ce qui a permis à une proposition de loi d'initiative sénatoriale, dont Valérie Létard était l'auteure, d'être applicable dès son entrée en vigueur en novembre 2023. Sur le fond, les textes d'application ne sont pas forcément aussi ambitieux que ce que les débats parlementaires pouvaient espérer, mais le pouvoir réglementaire n'a pas pour autant contredit la loi. Selon les informations transmises par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) au 2 mars 2024, 12 959 versements avaient été effectués pour un montant moyen situé entre 870 et 880 euros.

On peut enfin se féliciter qu'un décret du 28 décembre 2023 ait permis l'entrée en vigueur du dispositif, issu d'une initiative sénatoriale, de suppression de l'allocation d'assurance chômage au demandeur d'emploi qui a refusé à deux reprises une proposition de CDI. Une plateforme dématérialisée a ainsi été créée pour permettre aux employeurs de déclarer à France Travail les refus de CDI.

Enfin, aucun des huit rapports demandés par les lois promulguées n'avait été remis au Parlement le 31 mars, mais il est vrai que la date prévue pour leur remise est parfois postérieure.

Tels sont les principaux enseignements pouvant être tirés de ce bilan annuel.

Reste à examiner comment ces réformes sont effectivement mises en oeuvre sur le terrain. Je vous rappelle que nos missions d'évaluation et de contrôle peuvent aussi porter sur ce thème, à l'image des travaux conduits l'année dernière par Bernard Bonne sur l'application des lois réformant la protection de l'enfance. D'ailleurs, la mission d'information sur la situation des Ehpad comportera un volet territorialisé, pour aller plus loin que les rapports précédents.

Mme Pascale Gruny. - Dans le cadre de mes fonctions de vice-président du Sénat, j'étais chargée du bilan de l'application des lois, et j'ai compilé les rapports réalisés dans chacune des commissions. Le sujet me semblait à l'origine nébuleux et rébarbatif, mais ce travail m'a beaucoup appris, notamment en ce qui concerne les mesures qu'on nous demande de voter en urgence, mais qui en définitive ne servent à rien faute de mesures d'application. Aucune des demandes de rapport approuvées l'année dernière, y compris par les ministres, n'a été remise.

J'invite les rapporteurs des textes à suivre la publication des décrets d'application. En outre, le secrétariat du Gouvernement ne nous fournit aucune indication sur les arrêtés. Il y a là un vrai sujet : les Français pensent que la loi est votée et applicable dès lors qu'elle est annoncée à la sortie du conseil des ministres par le porte-parole du Gouvernement. Lorsqu'on leur dit qu'il faut une lecture dans chaque chambre du Parlement, puis qu'il faut que les décrets d'application soient pris, et que des mois et parfois des années s'écoulent avant que la loi ne s'applique - et encore, parfois, ces décrets ne sont jamais publiés -, un fossé se creuse. Nous votons des propositions de loi pour répondre à des attentes fortes sur le terrain, mais rien n'est fait ensuite pour que ces lois soient appliquées.

M. Philippe Mouiller, président. - Il me semble que les rapporteurs devraient bénéficier d'un suivi plus poussé du texte qu'ils ont examiné, et de retours au sujet de leurs mesures les plus essentielles.

M. Bernard Jomier. - L'exposé du président de la commission se répète malheureusement d'année en année. Nous devrions faire des propositions pour sortir de cette situation, qui me semble résulter du poids toujours plus important de l'exécutif dans le fonctionnement de nos institutions. La pratique de l'exécutif est devenue excessive, et ne correspond pas à l'équilibre des pouvoirs de la Constitution.

Il faut donc non seulement considérer l'application des lois, au bout de la chaîne, mais l'ensemble de cette chaîne, en amont.

Le Sénat pourrait peut-être adopter la position de M. de Rugy, alors président de l'Assemblée nationale, afin que le Parlement acquière des volets supplémentaires dans le processus de préparation et d'élaboration de la loi. Très concrètement, le Parlement pourrait prendre la tutelle de France Stratégie, qui dépend actuellement du Premier ministre. Récemment, un député important de la majorité présidentielle, Marc Ferracci, a réitéré cette demande.

Il me semble que les présidents des deux chambres du Parlement devraient faire des propositions à l'exécutif pour que nous puissions accroître nos capacités d'intervention en amont de l'application des lois.

M. Philippe Mouiller, président. - Je suis tout à fait d'accord avec ces deux interventions.

Proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Solanges Nadille rapporteure sur la proposition de loi n° 522 (2023-2024) ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial, présentée par Xavier Iacovelli.

La réunion est close à 16 h 00.